Pdf fiches pays du hs l'afrique en 2017

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Notre classement exclusif des 54 pays africains

HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 57e année

ÉDITION GÉNÉRALE

France 7,90  • Algérie 420 DA • Allemagne 9  • Autriche 9  • Belgique 9  • Canada 12,99 $ CAN • États-Unis 12,99 $ US Éthiopie 110 birrs • Guadeloupe 9  • Guyane 12  • Italie 9  • Maroc 50 DH • Martinique 9  • Mauritanie 2 5 00 MRO • Mayotte 12  Portugal cont. 9  • Réunion 9  • Royaume-Uni 8,50 £ • Suisse 15 FS • Tunisie 8 DT • Zone CFA 4 8 00 F CFA ISSN 1959-1683

CROISSANCE Sans le pétrole, des idées ?

AFRIQUE DU NORD Cinq ans après les révolutions

HORS-SÉRIE NO 45

FICTION Demain la Françafrique

POLITIQUE L’alternance, c’est pour quand ?

L’Afrique en

2017 Toutes les clés pour comprendre les (r)évolutions du continent

jeuneafrique.com

BAD Adesina : « L’électricité, c’est le sang de l’Afrique »

Avec les contributions deII

Patrice Talon, Dominique Ouattara, Donald Kaberuka, Abdenour Bidar, Ali Benmakhlouf, Glez, Ngozi Okonjo-Iweala, Biram Dah Abeid, Acha Leke, Yves Aubin de la Messuzière, Kastumi Hirano, Aimé Bonny, Antonio M.A Pedro


FICHES PAYS

54

AFRIQUE DU NORD 118 119 120 121 122 123

Algérie Égypte Libye Maroc Mauritanie Tunisie

AFRIQUE DE L’OUEST 126 127 128 129 130 131 132 133 134 135 136 137 138 139 140

Bénin Burkina Faso Cap-Vert Côte d’Ivoire Gambie Ghana Guinée Guinée-Bissau Liberia Mali Niger Nigeria Sénégal Sierra Leone Togo

AFRIQUE CENTRALE 144 145 146 147 148 149 150 151

Cameroun Centrafrique Congo RD Congo Gabon Guinée équatoriale São Toméet-Príncipe Tchad

États à la loupe

AFRIQUE DE L’EST 154 155 156 157 158 159 160 161 162 163 164

Burundi Djibouti Érythrée Éthiopie Kenya Ouganda Rwanda Somalie Soudan Soudan du Sud Tanzanie

AFRIQUE AUSTRALE 168 169 170 171 172 173 174 175 176 177

Afrique du Sud Angola Botswana Lesotho Malawi Mozambique Namibie Swaziland Zambie Zimbabwe

117 AFRIQUE DU NORD

125 AFRIQUE DE L’OUEST SOURCES FMI : Population (2016), PIB par habitant (2016),

153 AFRIQUE DE L’EST

143 AFRIQUE CENTRALE

inflation (2016), balance courante (2016), PIB et taux de croissance Banque mondiale : Croissance

OCÉAN INDIEN 180 181 182 183

Comores Madagascar Maurice Seychelles

démographique (2015) Pnud : Espérance de vie (2014), indice de développement humain (2015) Unesco : Alphabétisation (2015) Cnuced : Investissements directs étrangers (2015) UIT :Taux de pénétration du téléphone mobile (2013) JA : Principale exportation, dernier changement de dirigeant

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N O 45 L’AFRIQUE EN 2017

167 AFRIQUE AUSTRALE 179 OCÉAN INDIEN



AFRIQUE DU NORD Les temps sont durs

I

l y a six ans, on se souvient que le « coup d’envoi » du Printemps arabe avait été donné à Sidi Bouzid, en Tunisie, avec l’immolation par le feu d’un vendeur ambulant, Mohamed Bouazizi, le 17 décembre 2010. Aujourd’hui, la région n’est pas à l’abri d’un nouveau mouvement de colère des populations, alors que le chômage persiste, que le coût de la vie ne cesse d’augmenter (14,2 % d’inflation en Libye en 2016) et que les gouvernements, obligés de se serrer la ceinture – le prix du baril demeurant désespérément bas –, n’ont que l’austérité à proposer. Ainsi, en Algérie,

118 119 120 121 122 123

ALGÉRIE ÉGYPTE LIBYE MAROC MAURITANIE TUNISIE

l’État est contraint de revoir à la baisse la redistribution de la rente pétrolière grâce à laquelle il garantissait jusqu’à présent la paix sociale. De même, en Égypte, Abdel Fattah al-Sissi prépare les citoyens à des « décisions difficiles ». Enfin, la Tunisie n’est pas mieux lotie, avec des comptes publics dans le rouge. Reste une bonne raison de se réjouir : à l’échelle de la région, la menace terroriste semble en recul. L’État islamique (Daesh) perd du terrain en Libye, tandis que les autres pays d’Afrique du Nord ont vu une baisse des attaques jihadistes en 2016.

Alger

Océan Atlantique

Tanger Oran

Fès

Constantine

Casablanca Rabat Marrakech

Tunis Mer Méditerranée

TUNISIE Tripoli

Béchar

Benghazi

Alexandrie Le Caire

MAROC ALGÉRIE

Tindouf

LIBYE

Sahara occidental

ÉGYPTE Assouan

Nouadhibou

M A U R I TA N I E

MALI

Nouakchott SÉNÉGAL

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N O 45 L’AFRIQUE EN 2017

NIGER

TCHAD

SOUDAN

400 km

117


SUBVENTIONS. Quel sera le coût social de cette politique d’austérité? Contrairement aux recommandations du FMI, de la Banque mondiale et de plusieurs experts algériens, le pouvoir n’a pas renoncé au système de subventions étatiques. Pas moins de 15 milliards de dollars (plus de 13,5 milliards d’euros) seront injectés pour soutenir les produits de première nécessité, les soins ou les aides au logement. Cette manne, qui représente 23,7 % des 63 milliards de dollars du budget de l’État pour 2017, est indispensable pour acheter la paix sociale. Car de fortes turbulences pourraient secouer la société algérienne. Si la stabilité du pays n’est pas menacée, la cherté de la vie, les distributions douteuses de logements sociaux ou l’absence de raccordement au gaz et à l’eau peuvent constituer de sérieuses sources de tensions. En juillet 2016, un rapport de la gendarmerie nationale alertait des risques de troubles sociaux en raison de la mauvaise prise en charge de ces préoccupations. Mais de là à imaginer que l’Algérie connaîtrait un printemps noir, il y a un pas. En revanche, ces tensions peuvent avoir des conséquences sur le rendezvous électoral inscrit dans l’agenda politique en 2017. En effet, en avril ou en mai, les Algériens sont appelés à voter pour leurs députés. Les difficultés sociales, la lassitude, le manque de renouvellement du personnel politique sont autant de facteurs susceptibles de détourner les électeurs des urnes. Si le Front de libération nationale (FLN) et le Rassemblement

De nouvelles hausses de prix toucheront les carburants, le tabac, la téléphonie…

118

Constantine

Oran

TUN.

MAROC

ALGÉRIE

400 km

MALI

NIGER

Population : 40,8 millions Croissance démographique : 1,9 % PIB par habitant : 4 129 $ Espérance de vie : 74,8 ans Alphabétisation : 79,61 % Inflation : 5,9 % Indice de développement humain (sur 188 pays) : 83e Investissements directs étrangers : – 587 millions de $ Balance courante: – 15,05 % du PIB Taux de pénétration du téléphone mobile : 100 % Principale exportation : hydrocarbures Dernier changement de président : 1999 Croissance du PIB (%) 3,6

3,8

2,9

3,9

PIB (milliards de $)

213,5 2014

166,8

168,3

178,4

2015

2016*

2017*

national démocratique (RND), qui siègent au gouvernement, sont quasiment assurés d’obtenir la majorité dans le nouvel hémicycle, des partis d’opposition menacent de ne pas aller à l’élection en raison de soupçons de fraude. Entre menace de boycott et interrogations sur la participation, ces législatives donneront le ton d’un autre rendez-vous autrement plus crucial pour l’avenir de l’Algérie: la présidentielle de 2019. JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N O 45 L’AFRIQUE EN 2017

* ESTIMATION OCT. 2016

même si ce changement venait à être amorcé en 2017, il faudrait une décennie avant qu’il porte ses fruits. Sauf que le tempspresseetquelamargedemanœuvre des autorités est de plus en plus mince.

Mer Méditerranée

Alger

LIBYE

D

eux épisodes majeurs marqueront l’actualité des Algériens en 2017. Le premier est économique, le second est politique. Les deux dessineront sans doute les contours de ce que sera l’épilogue du quatrième mandat du président, Abdelaziz Bouteflika, qui doit s’achever en avril 2019. Durement touchée par la chute des cours des hydrocarbures, qui assurent 95 % des recettes en devises du pays, l’Algérie s’est installée dans une crise durable. La loi de finances 2017 le confirme : l’année 2016 a été celle de la rigueur, 2017 sera celle de l’austérité. De nouvelles hausses de prix toucheront les carburants, le tabac, la téléphonie ou le logement. Le relèvement de la TVA de 17 % à 19 % aura aussi un effet domino sur l’ensemble des produits, éreintant une fois de plus le pouvoir d’achat des Algériens. Signe que l’ère de l’opulence est révolue, de nombreux projets déjà inscrits au programme du gouvernement, comme l’autoroute des Hauts-Plateaux ou la réalisation des tramways, sont gelés, faute d’argent. Pis encore, l’enveloppe allouée aux dépenses d’équipement pour 2017 a été rognée de presque un tiers, suscitant des craintes dans le milieu des affaires. Des chefs d’entreprise redoutent que ce rabotage provoque un assèchement des investissements et débouche sur des suppressions de milliers d’emplois. Mais la crise n’a pas que des retombées négatives. La chute des revenus pétroliers oblige les autorités à réduire la facture des importations, à rationaliser les dépenses et à orienter la consommation vers la production locale. Elle contraint aussi les responsablesàmettreenplacerapidement des réformes économiques pour changer le modèle fondé sur la rente pétrolière, qui perdure depuis les années 1970. Mais

ESPAGNE

MAURIT.

ALGÉRIE De la rigueur à l’austérité


Face à la cherté de la vie, un chauffeur de taxi s’est immolé par le feu à Alexandrie.

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N O 45 L’AFRIQUE EN 2017

ÉQUILIBRISTE. Une réforme aussi difficile

et attendue que courageuse a eu lieu le 3 novembre 2016, quand la Banque centrale a décidé de laisser flotter la livre égyptienne, dévaluée de 46,6 % dans la foulée. C’était l’une des exigences pour que le FMI débloque un prêt vital de 12 milliards de dollars. Mais l’institution demande d’autres mesures drastiques, dans le domaine de la fiscalité indirecte ou des subventions aux produits de consommation, qui menacent en premier lieu les catégories les moins favorisées. Un exercice d’équilibriste difficile, voire impossible si le gouvernement n’avait pas un recours croissant à l’armée dans tous les domaines, de la construction à la commercialisation de lait maternisé. La manne du champ de Zohr, récemment découvert et qui se confirme

ARABIE SAOUDITE

ÉGYPTE

SOUDAN

300 km

Population : 91 millions Croissance démographique : 2,1 % PIB par habitant : 3 710 $** Espérance de vie : 71,1 ans Alphabétisation : 75,84 % Inflation : 10,19 % Indice de développement humain (sur 188 pays) : 108e Investissements directs étrangers : 6 885 millions de $ Balance courante : – 5,81 % du PIB Taux de pénétration du téléphone mobile : 121 % Principale exportation : hydrocarbures Dernier changement de président : 2014 Croissance du PIB (%) 4,2 3,8

* ESTIMATION OCT. 2016 - ** ESTIMATION 2015

étranglés, nous allons nous en sortir, mais il va falloir accepter des décisions difficiles, les tolérer et être patient », a réagi Sissi. Le chef de l’État va devoir mettre en œuvre des mesures plus fines que le doublement du canal de Suez, effectué en 2015 à coups de milliards et à grand renfort de communication mais qui ne prouve pas sa rentabilité. Investissements en berne, effondrement de l’industrie touristique, crise des liquidités, balance commerciale déficitaire… La crise que traverse le pays doit être envisagée dans une perspective globale: la croissance des économies arabes non pétrolières a été de 1,9 % en 2015, contre 5,4 % en moyenne entre 2000 et 2012, et celle de l’Europe, principal partenaire du pays des pharaons, est atone. La croissance du PIB égyptien devait s’élever à 3,8 % en 2016, mais la structure obsolète de l’économie prive la population, dont 28 % vit sous le seuil de la pauvreté, de ses fruits.

ISRAËL

Port-Saïd Alexandrie Le Caire

ge ou rR Me

P

our sa troisième année en poste, le président Abdel Fattah al-Sissi a su mettre un nouvel et ô combien précieux atout dans sa poche. Parmi les chefs d’État de la planète, il a été l’un des premiers à féliciter l’Américain Donald Trump. Les relations avec le sortant de la Maison Blanche avaient été plus que tièdes, l’administration Obama ayant dans un premier temps réservé un accueil glacial à celui qui, en juillet 2013, avait ravi la place du président élu, le Frère musulman Mohamed Morsi. Deux mois avant l’élection américaine, Sissi avait rencontré les deux candidats en marge de l’Assemblée générale de l’ONU, à New York. Mais il n’avait rien à attendre de Hillary Clinton, qui avait qualifié en décembre 2015 son régime de « dictature militaire ». Misant sur l’outsider, le président égyptien avait expliqué qu’il n’avait « aucun doute » que Trump ferait un dirigeant solide. Pari gagnant pour l’un des premiers bénéficiaires de l’aide américaine, avec 1,3 milliard de dollars (près de 1,2 milliard d’euros) versés annuellement à l’armée. Les États-Unis sont un partenaire superpuissant dont le régime actuel aura grand besoin pour se tirer de l’enlisement économique et du mécontentement social qui en résulte. Hormis quelques coups d’éclat, le terrorisme islamiste a été confiné au Nord-Sinaï et la sécurité règne dans les rues du pays. Mais une autre exigence, pour laquelle le peuple avait accepté de mettre entre parenthèses l’aspiration à la liberté exprimée en janvier 2011, tarde à être satisfaite : celle du pain. Symbole de cette défaillance, un chauffeur de taxi s’est immolé par le feu, le 15 octobre 2016 à Alexandrie, après s’être désespéré des prix élevés. Entre août et octobre 2016, celui du sucre a plus que doublé. « Nous sommes

Mer Méditerranée

LIBYE

ÉGYPTE La bataille du pain

4

2,2

PIB (milliards de $)

301,5

330,2

2014

2015

210,7

219

2016*

2017*

être le plus grand gisement de gaz de Méditerranée, commencera à se déverser fin 2017 et permettra l’autosuffisance énergétique en 2020-2021. Mais elle ne saurait suffire à assurer l’avenir du pays, pour lequel Sissi devra prendre des mesures bien moins spectaculaires et populaires que le doublement du canal de Suez ou la fondation d’une nouvelle capitale à 45 milliards de dollars… tout en veillant à éviter une nouvelle révolution. 119


La cassure entre la Tripolitaine, dans l’Ouest, et la Cyrénaïque, dans l’Est, n’a en rien été corrigée.

PAGAILLE. Sauf que la cassure entre l’Ouest (Tripolitaine) et l’Est (Cyrénaïque) n’a en rien été corrigée. Le 4 juillet 2016, le gouvernement a limogé quatre ministres issus de la Cyrénaïque pour absentéisme persistant et, le 23 août, le Parlement de Tobrouk a refusé d’accorder sa confiance au GNA et a demandé à Sarraj de lui présenter de nouveaux noms de ministres. Pour ajouter à la pagaille, l’homme fort de la Cyrénaïque, le général Khalifa Haftar, qui s’est tenu prudemment à l’écart de la bataille de Syrte et qui ne reconnaît pas le GNA, s’est emparé, le 11 septembre, des

120

Benghazi

LIBYE

NIGER

TCHAD

300 km

SOUDAN

Population : 6,4 millions Croissance démographique: 0,3 % PIB par habitant : 6 169 $ Espérance de vie : 71,6 ans Alphabétisation : 91,39 % Inflation : 14,2 % Indice de développement humain (sur 188 pays) : 94e Investissements directs étrangers : 726 millions de $ Balance courante : – 47,37 % du PIB Taux de pénétration du téléphone mobile : 165 % Principale exportation : hydrocarbures Dernier changement de Premier ministre : 2015 Croissance du PIB (%) - 6,4

- 24

- 3,3

- 24

PIB (milliards de $)

44,4

39,7

39,4

2014

2015*

2016*

51,4 2017*

2019. L’Ouest a fait imprimer des billets au Royaume-Uni, et l’Est en Russie. Ce qui n’empêche pas les ménages libyens d’être privés de liquidités et de devoir faire des heures de queue devant les banques pour obtenir, au mieux, 500 dinars (320 euros). La seule bonne nouvelle est que la dernière cargaison des armes chimiques qui figuraient dans l’arsenal de Kadhafi est partie en août 2016 pour être détruite en Allemagne. C’est peu. JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N O 45 L’AFRIQUE EN 2017

* ESTIMATION OCT. 2016

trois principaux terminaux pétroliers du pays, sur lesquels Sarraj comptait pour faire repartir les exportations d’hydrocarbures. Celles-ci sont en effet vitales pour le financement de l’administration et des services publics libyens, car elles représentent 90 % des recettes de l’État. Lasituationsembleinextricable.Lacommunauté internationale a reconnu un Parlement à Tobrouk et un gouvernement à Tripoli, mais ceux-ci ne parviennent pas à s’entendre. Le général Haftar est détesté dans l’Ouest,oùonleconsidère commeunrejetondel’ère Kadhafi, et adulé dans l’Est,oùilapparaîtcomme un rempart laïque contre les jihadistes. Pour prix de son ralliement à Sarraj, il exige le poste de ministre de la Défense, ce dont ne veulent pas entendre parler les Tripolitains. Martin Kobler peut se démener, sommer toute la Libye de reconnaître le gouvernement Sarraj et enjoindre à Haftar de laisser le GNA exploiter le pétrole via la National Oil Corporation… Force lui est de constater l’impasse où se trouve la stratégie du forceps qu’il a menée au nom de l’ONU. Pour ne rien arranger, les puissances étrangères, qui s’inquiètent du devenir du chaudron libyen, agissent en ordredispersé.LesÉtats-Unis,leRoyaumeUni et l’Italie appuient le camp de l’Ouest, y comprismilitairement.LaFrance,l’Égypte, la Russie et les Émirats arabes unis jouent la carte Haftar. Que feront ces boutefeux si les milices qu’ils soutiennent en viennent à s’affronter? Pendant ce temps, l’économie sombre inexorablement. Le déficit budgétaire (56,6 % du PIB en 2016) est l’un des plus forts au monde, et les réserves du pays sont tombées de 111 milliards à 40 milliards de dollars (de 85 milliards à 35 milliards d’euros) entre 2011 et 2016, selon le FMI, qui prévoit leur épuisement en

Tripoli

ÉGYPTE

L’

ONU n’a toujours pas la main heureuse en Libye. Obnubilée par la nécessité d’en finir avec l’implantation de l’État islamique (Daesh) dans la régiondeSyrteetdetarirlefluxdemigrants versl’Europe,elleafaitleforcingdurantdes mois pour persuader les Libyens de s’unir derrière un seul et même gouvernement. En décembre 2015, Martin Kobler, représentant du secrétaire général de l’ONU en Libye, a semblé y parvenir à Skhirat, au Maroc. L’essai a même été transformé, en janvier 2016, avec la formation à Tunisd’ungouvernement d’union nationale (GNA) piloté par un entrepreneurtripolitainsansgrand charisme mais sérieux, Fayez al-Sarraj. Pendant deux mois, les tractations se sont poursuivies entre Kobler et les représentantsdestribuset des katibas, qui ne voulaient pas d’un homme imposé par l’étranger; et, le 30 mars, Sarraj a débarqué en bateau à Tripoli et obtenu l’allégeance de la principale force de l’Ouest, Fajr Libya. Les résultatsnesesontpasfaitattendre:avecl’appui des forces américaines, britanniques et italiennes, les katibas de Misrata se sont lancées avec succès à l’assaut de Syrte, la place forte de Daesh.

TUNISIE Mer Méditerranée

ALGÉRIE

LIBYE Un pataquès signé ONU


MAROC PJD, acte II

Océan Atlantique

royal), les Marocains ont décidé de réélire le parti de la lampe (125 sièges de députés), favori dans les sondages, tout en accordant de plus en plus de voix au parti du tracteur (102 sièges). SÉCHERESSE. Ce deuxième mandat n’était pas gagné d’avance pour le PJD, secoué par plusieurs affaires de mœurs et critiqué pour son bilan économique médiocre. Le chômage, que le gouvernement avait promis de réduire à 8 %, s’est maintenu à 10 % en 2016, selon le FMI, tandis que les promesses de croissance du Premier ministre, Abdelilah Benkirane, devaient se solder par un taux malingre de 1,8 %. Il faut dire que la sécheresse, début 2016, a fait dégringoler la production céréalière. Le passage à vide de la croissance a en outre été accentué par la chute des prix du phosphate, par une baisse des investissements directs étrangers et par un ralentissement notable des crédits bancaires. Mais l’économie marocaine peut aussi compter sur le secteur industriel, notamment à Tanger Med avec l’essor de l’aéronautique et, surtout, de l’automobile. Si bien que le taux de croissance pourrait atteindre 4,8 % en 2017. Côté environnement, le Maroc n’aura pas chômé. Organisation de la COP22, inauguration de la gigantesque centrale solaire Noor, suppression des sacs plastique… Bien qu’à la traîne sur la gestion des déchets et de la pollution industrielle, le royaume s’engage fièrement dans la voie du développement durable. Une ferveur qui gagne aussi les citoyens, de plus en plus soucieux de la préservation de leur environnement ainsi que de leurs libertés individuelles, mises à l’épreuve par les contradictions d’une société en mutation. Enfin, certains projets longtemps attendus pourraient bientôt voir le jour : de

Critiqué pour son bilan économique médiocre, le parti islamiste a tout de même été réélu.

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N O 45 L’AFRIQUE EN 2017

Rabat

Casablanca 400 km

ÎLES CANARIES (Espagne)

Marrakech

MAROC

ALGÉRIE MAURITANIE

MALI

Population : 33,8 millions Croissance démographique : 1,3 % PIB par habitant : 3 101 $ Espérance de vie : 74 ans Alphabétisation : 71,71 % Inflation : 1,3 % Indice de développement humain (sur 188 pays) : 125e Investissements directs étrangers : 3 162 millions de $ Balance courante : – 1,21 % du PIB Taux de pénétration du téléphone mobile : 128 % Principale exportation : phosphates Dernier changement de Premier ministre : 2011 Croissance du PIB (%)

2,6

4,5

1,8

4,8

* ESTIMATION OCT. 2016

L’

année 2017 sera-t-elle celle du retour du Maroc au sein de l’UA ? C’est en tout cas le vœu de Mohammed VI. Si le roi a déclaré vouloir corriger une « erreur historique » – le pays s’était retiré de l’organisation panafricaine en 1984 pour protester contre l’adhésion de la République arabe sahraouie démocratique (RASD) –, sa réintégration effective ne se fera pas du jour au lendemain et une éventuelle suspension de la RASD requerra de longues négociations. La volonté du royaume de renouer avec l’UA s’inscrit dans l’intensification de sa politique de non-alignement. Après la Russie et les pays du Golfe, c’est vers la Chine que Rabat s’est tourné, ouvrant la voie à des contrats prometteurs pour 2017. Une ouverture qui permettrait au pays de s’affranchir de ses alliances avec l’Occident, l’année 2016 ayant été marquée par une série de crises diplomatiques. Alors que le froid avec l’UE se poursuit et que la colère du royaume s’est abattue sur les États-Unis, dont un rapport publié en février accusait le Maroc d’enfreindre les droits de l’homme, c’est avec l’ONU que le pays connaît aujourd’hui une crise sans précédent. Les autorités reprochent à son secrétaire général, Ban Ki-moon, d’avoir tenu des propos « scandaleux » sur la question du Sahara. En mars, le Maroc a expulsé le personnel civil de la Minurso, dont le mandat avait pourtant été renouvelé jusqu’à avril 2017. En interne, l’année 2016 a été rythmée par la course aux élections législatives du 7 octobre, les deuxièmes depuis la proclamation de la Constitution de 2011. Tenus en haleine par un bras de fer entre les islamistes du Parti de la justice et du développement (PJD, à la tête du gouvernement) et les modernistes du Parti Authenticité et Modernité (PAM, proche du pouvoir

ESPAGNE

PORTUGAL

PIB (milliards de $)

109,9

100,6

104,9

111,1

2014

2015

2016*

2017*

même que la flexibilité du taux de change, la régionalisation ne sera ainsi mise en œuvre qu’avec la loi de finances 2017, faisant languir encore un peu les présidents des conseils régionaux, élus en… 2015. Un chantier qui s’ajoute aux nombreux défis placés entre les mains du nouveau gouvernement, qui devra notamment redresserunsystème éducatifinadéquat et tenter de pallier les inégalités sociales qui plombent toujours les progrès du pays. 121


MAURITANIE Après le référendum…

Autre mauvais point : des mesures susceptibles de faire fuir les capitaux étrangers – que l’on prétend attirer – ont été prises. En juin 2016, des inspecteurs sont venus sans crier gare interdire aux cadres étrangers de travailler plus longtemps pour Kinross Tasiast (mines), Mauritel, Mattel et Chinguitel (télécoms) afin de contraindre ces sociétés à recruter des Mauritaniens. Enfin, le Premier ministre, Yahya Ould Hademine, a harcelé l’Union nationale du patronat mauritanien pour qu’elle change de président. La décision audacieuse de la Mauritanie d’accueillir le sommet de la Ligue arabe, en juillet 2016, et l’inauguration du nouvel aéroport international de la capitale auraient dû consacrer le dynamisme du régime. Hélas, en l’absence des ténors égyptien, saoudien et marocain, le sommet a tourné court. On aurait enfin pu penser que le coup de froid qui affecte les relations avec le Maroc (pour cause de Sahara occidental) ARBITRAIRE.

L’opposition y voit une manœuvre pour rendre l’alternance impossible en 2019.

122

MALI

Nouadhibou

M A U R I TA N I E

Nouakchott

SÉNÉGAL

Population : 3,8 millions Croissance démographique : 2,4 % PIB par habitant : 1 243 $ Espérance de vie : 63,1 ans Alphabétisation : 52,12 % Inflation : 1,31 % Indice de développement humain (sur 188 pays) : 156e Investissements directs étrangers : 495 millions de $ Balance courante: – 21,89 % du PIB Taux de pénétration du téléphone mobile : 102 % Principale exportation : fer Dernier changement de président : 2009 Croissance du PIB (%)

5,4

1,2

3,2

4,3

PIB (milliards de $)

5,5

4,9

4,7

4,8

2014

2015*

2016*

2017*

et avec l’Algérie (pour cause de divergences au sujet de la lutte antiterroriste dans le Sahel) serait l’occasion pour la diplomatie mauritanienne d’accélérer sa réorientation vers le sud du Sahara. Certes, les troupes mauritaniennes ont pris position en Centrafrique, mais le retour de Nouakchott comme membre actif au sein de la Cedeao demeure incertain. Les évolutions sont très, très lentes au pays des Mille Poètes. JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N O 45 L’AFRIQUE EN 2017

* ESTIMATION OCT. 2016

aux faux fonctionnaires et en limitant les frais de mission. Il a aussi pompé dans les caisses du Fonds national des revenus des hydrocarbures et de plusieurs agences publiques, et laissé l’ouguiya se déprécier de presque 5 %. La croissance, limitée à 1,2 % en 2015, devait s’établir à 3,2 % en 2016 sous l’effet d’une augmentation des capacités de la Société nationale industrielle et minière (Snim), qui fournit 30 % des recettes de l’État. Las, cette sagesse macroéconomique ne s’est pas retrouvée dans les affaires courantes. La Snim a changé deux fois d’administrateur directeur général, officiellement pour des raisons de corruption, et son futur siège, à Nouakchott, se bâtit à la vitesse de l’escargot.

ALGÉRIE

300 km

Océan Atlantique

L

eprésidentMohamedOuldAbdelaziz avait annoncé, le 3 mai 2016 à Néma, un référendum pour supprimer le Sénat et créer une véritable régionalisation. Les assises du « dialogue national inclusif » ont validé cette démarche le 21 octobre. Dans son discours de clôture, le président a affirmé qu’il n’avait « jamais manifesté un désir quelconque pour un troisième mandat » et que la Constitution ne serait pas modifiée sur ce point. On aurait pu croire que son propos rassurerait l’opposition dite « radicale » et notamment le Front national pour la démocratie et l’unité (FNDU). Apparemment non, et les ténors du Front ne veulent voir dans l’opération référendaire qu’une manœuvre pour rendre l’alternance impossible. Le référendum devrait se tenir en janvier et le oui l’emporter. L’élection présidentielle n’est prévue qu’en2019,maisonconnaîtdéjàdeuxcandidats vraisemblables: l’ancien président de transition et cousin du chef de l’État, Ely Ould Mohamed Vall, et Biram Dah Abeid, le patron de l’Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste (IRA), qui a annoncé sa candidature aussitôt sorti de prison sur injonction de la Cour suprême, en mai 2016. Et ce n’est pas la condamnation, le 18 août, de treize de ses militants à de lourdes peines, allant de trois à quinze ans de prison, pour l’émeute du 29 juin dans le quartier du Ksar qui lui fera abandonner ses philippiques contre le président. Celui-ci l’avait écrasé lors de l’élection de 2014, par 81,9 % des suffrages contre 8,7 %. La crise économique provoquée par l’effondrement des prix du fer et de l’or a en partie incité le gouvernement à plus de rationalité. Il a contenu les déficits en refusant de subventionner davantage le prix des carburants, en faisant la chasse

MAROC


P

as moins de neuf gouvernements depuis 2011. Cela en dit long sur l’instabilité politique de la Tunisie et sur l’incapacité de ses dirigeants à freiner la chute libre de l’économie du pays. Faute de temps pour la mise en œuvre de leurs projetsouparmanquedevisioninnovante, tous ont semblé ignorer que ce domaine est aussi politique et n’ont pas entendu les appels du patronat à un « état d’urgence économique ». Beaucoup pensaient que l’adoption d’une Constitution, en 2014, et les élections législatives qui ont suivi allaient apporter un retour de confiance. Il n’en a rien été. Outre l’instabilité sécuritaire due à l’émergence terroriste, la légitimité du pouvoir s’est révélée être fondée sur des équilibres politiques précaires : il a suffi de dissensions au sein du leadership de Nidaa Tounes pour que le parti vainqueur aux élections perde des élus et devienne le second groupe parlementaire après celui des islamistes d’Ennahdha, avec lequel il a dû composer. Cette situation débouche sur une quasiparalysie : les élections municipales prévues en mars 2017 ont été reportées sine die, et les réformes demandées par les bailleurs de fonds, dont le FMI, peinent à être adoptées, d’autant que les embardées syndicales éloignent les perspectives de paix sociale.

2016 est de 30 milliards de dinars (plus de 12 milliards d’euros), les recettes fiscales sont en dessous des seuils attendus, la dette publique a atteint 62,1 % du PIB, avec un encours de 56,6 milliards de dinars. À ces indicateurs se greffent un trop-plein de fonctionnaires, une crise des caisses sociales, de lourdes pertes enregistrées par les entreprises publiques ainsi qu’une mauvaise gestion des collectivités locales. Signe qui ne trompe pas: la Tunisie, qui a toujours honoré ses dettes, a obtenu le report du remboursement d’un crédit de 1 milliard de dollars (environ 910 millions d’euros) contracté auprès du Qatar et dont l’échéance arrivait à terme en 2017. Résultat: Youssef Chahed a annoncé une entrée en austéritéen2017,àmoins d’un sursaut immédiat. Les marges de manœuvre sont étroites, mais le gouvernement prévoit des coupes franches dans ses dépenses, le gel des augmentations salariales et la révision de la gouvernance des entreprises publiques. Avecunbudget2017estiméà34,7milliards de dinars et qui prévoit 8,9 milliards de dinars de déficit, l’effort restera insuffisant pour relancer une croissance qui stagne : 0,8 % en 2015, 1,5 % en 2016 et peut-être 2,8 % en 2017, selon le FMI. Pour équilibrer les comptes, des privatisations, notamment celle de la Société tunisienne des industries de raffinage (Stir) et de la Société tunisienne de l’électricité et du gaz (Steg), sont envisagées, bien que l’opinion publique y voie une perte de souveraineté. Pour la relance de l’investissement, le gouvernement a tenté une opération de la dernièrechanceaveclaconférenceTunisia 2020, les 29 et 30 novembre 2016. Objectif: mobiliser des fonds en vue de soutenir le plandedéveloppementsocio-économique 2016-2020. L’atout de la Tunisie reste son secteur privé, qui a résisté tant bien que

L’atout du pays reste son secteur privé, qui a résisté tant bien que mal à cinq années de crise.

TROP-PLEIN. En juin 2016, le président de la

République, Béji Caïd Essebsi, a sonné la fin de la récréation: il a fait chuter l’exécutif de Habib Essid et a réuni neuf partis et trois instances nationales afin de former un gouvernement d’union nationale. Le nouveauPremierministre,YoussefChahed (41 ans), hérite d’une feuille de route et d’une conjoncture difficiles. Lors de son investiture, en août 2016, il a dévoilé une réalité accablante: le déficit budgétaire de JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N O 45 L’AFRIQUE EN 2017

Tunis Sousse

ALGÉRIE

Sfax

Mer Méditerranée

TUNISIE LIBYE 150 km

Population : 11,2 millions Croissance démographique : 1 % PIB par habitant : 3 776 $ Espérance de vie : 74,8 ans Alphabétisation : 81,05 % Inflation : 3,74 % Indice de développement humain (sur 188 pays) : 96e Investissements directs étrangers : 1 002 millions de $ Balance courante : – 8,01 % du PIB Taux de pénétration du téléphone mobile : 116 % Principale exportation : hydrocarbures Dernier changement de président : 2014 Croissance du PIB (%)

2,3

0,8

1,5

2,8

* ESTIMATION OCT. 2016

TUNISIE Thérapie de choc

PIB (milliards de $)

47,6

43,6

42,4

41,7

2014

2015*

2016*

2017*

mal à cinq années de crise. Nouvelles technologies, agroalimentaire et services sont dessecteursàmêmedemettrerapidement des projets en place et de créer de l’emploi, tout en maintenant les populations sur leurs territoires. Mais, au préalable, le pays doit se remettre au travail et accélérer la cadence, après avoir adopté un nouveau code des investissements et entamé une réforme des systèmes bancaire et fiscal. Bref, une thérapie de choc. 123


Linda Giguère Dominique Laresche

Lise-Laure Étia

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AFRIQUE DE L’OUEST

126 127 128 129 130 131 132 133 134 135 136 137 138 139 140

Alternances

G

uinée en 2010, Côte d’Ivoire et Niger en 2011, Sénégal et Ghana en 2012, Mali en 2013, Guinée-Bissau en 2014, Nigeria et Burkina Faso en 2015… En Afrique de l’Ouest, l’alternance n’est pas un vain mot – même si celle-ci se fait parfois dans des circonstances mouvementées. L’année 2016 n’a pas dérogé à la règle, puisqu’elle a vu l’élection de l’ancien opposant Patrice Talon à la fonction suprême au Bénin. Plus étonnant, en Gambie, Yahya Jammeh, qu’on pensait indéboulonnable, a reconnu sa défaite à l’élection du 1er décembre ! En revanche, à Niamey, la reconduction de Mahamadou Issoufou

BÉNIN BURKINA FASO CAP-VERT CÔTE D’IVOIRE GAMBIE GHANA GUINÉE GUINÉE-BISSAU LIBERIA MALI NIGER NIGERIA SÉNÉGAL SIERRA LEONE TOGO

a été entachée par le boycott de l’opposition, dont le leader a été emprisonné de novembre 2015 à mars 2016 dans une affaire de trafic d’enfants présumé. Et la fin de l’année 2016 devait dire si le pouvoir changerait une nouvelle fois de tête au Ghana, où John Dramani Mahama, élu une première fois en 2012, remettait son mandat en jeu. Mais au-delà des enjeux démocratiques, c’est le climat sécuritaire qui préoccupe toujours la sous-région, avec là aussi des hauts et des bas : tandis que dans le bassin du lac Tchad la menace Boko Haram semble contenue, le Mali voit se multiplier les foyers de rébellion.

LIBYE

300 km

ALGÉRIE

MALI

MAURITANIE

NIGER

Tombouctou Dakar Banjul

Gao

SÉNÉGAL

Mopti

GAMBIE

Bamako

GUINÉEBissau BISSAU Conakry Freetown

CAP-VERT

GUINÉE SIERRA LEONE LIBERIA

Praia

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N O 45 L’AFRIQUE EN 2017

TCHAD

Zinder

Ouagadougou

Maiduguri

BURKINA FASO BÉNIN CÔTE D’IVOIRE Yamoussoukro

Monrovia

Niamey

TOGO GHANA

Lomé

PortoNovo

Accra

NIGERIA Abuja Lagos Port Harcourt

Abidjan

RÉP. CENTRAF. CAMEROUN

Océan Atlantique

125


BÉNIN Fini l’état de grâce !

Parakou

INDUSTRIALISATION. Sur le

plan économique, après un taux de croissance de 5 % en 2015, le FMI table sur 4,6 % en 2016 et prévoit une hausse à 5,4 % en 2017, grâce au soutien apporté au secteur agricole et aux investissements dans les infrastructures. Les grandes orientations de politique économique en 2017 devront s’inscrire dans le cadre des 17 Objectifs de développement durable (ODD) définis par l’ONU pour l’horizon 2030 : mettre fin à la pauvreté, garantir l’accès à une énergie abordable, promouvoir l’industrialisation… Le développement équilibré du pays passera notamment par une urbanisation maîtrisée. De fait, la croissance urbaine s’est accélérée ces dernières années et pose des défis en termes de mobilité, de pollution, d’habitat et de gestion foncière. Les autorités entendent promouvoir une urbanisation durable à travers l’émergence de plusieurs pôles régionaux de développement, dont le financement suppose une plus grande contribution du secteur privé.

GHANA

150 km

NIGERIA PortoNovo

Cotonou

Golfe du Bénin

Population : 11,1 millions Croissance démographique : 2,6 % PIB par habitant : 802 $ Espérance de vie : 59,6 ans Alphabétisation : 38,45 % Inflation : 0,59 % Indice de développement humain (sur 188 pays) : 166e Investissements directs étrangers : 229 millions de $ Balance courante : – 9,98 % du PIB Taux de pénétration du téléphone mobile : 93 % Principale exportation : coton Dernier changement de président : 2016 Croissance du PIB (%) 6,5 5 4,6

5,4

PIB (milliards de $)

9,6

8,5

8,9

9,6

2014*

2015*

2016*

2017*

Enfin, les nombreuses motos-taxis (plus de 200 000) qui sillonnent nuit et jour Cotonou attendent quant à elles des politiques audacieuses pour résorber un taux de sous-emploi estimé en 2016 à plus de 30 % par l’Institut national de la statistique et de l’analyse économique (Insae). Une chose est sûre: en 2017, l’état de grâce de Patrice Talon sera terminé… et quelques turbulences sociales pourraient se faire sentir. JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N O 45 L’AFRIQUE EN 2017

* ESTIMATION OCT. 2016

président tiendra-t-il cette promesse de campagne envers et contre tous ? En tant que candidat, il avait promis qu’il ne ferait qu’un seul mandat à la tête du pays… quoi qu’en dise la Constitution. L’année 2017 sera sans doute celle de multiples défis au pays de Mathieu Kérékou. L’euphorie des élections passée, les Béninois attendent du nouveau président des résultats concrets. Patrice Talon devra également faire face à une opposition qui se régénère. Celle-ci est composée essentiellement de ses alliés d’hier, qui, pour beaucoup, se sont sentis lésés dans le partage du gâteau après avoir soutenu l’ancien homme d’affaires au second tour de l’élection présidentielle.

Élu président en mars 2016, Patrice Talon déroule son programme sans tambour ni trompette.

126

BÉNIN TOGO

S

ur la scène politique béninoise, Patrice Talon, 58 ans, est passé, à la faveur de l’élection présidentielle du 20 mars 2016, des coulisses au premier rôle. Le chef de l’État, homme d’affaires – et ancien « roi du coton » – devenu au fil des années la bête noire du président sortant, Boni Yayi, est désormais dans la plénitude de ses fonctions. À présent, ce « compétiteur né », comme l’appellent ses partisans, déroule son programme, sans tambour ni trompette. Premier chantier : faire le solde de la gouvernance de son prédécesseur, accusé de mauvaise gestion dans les dernières années de son dernier mandat. Une réforme en profondeur de l’administration se met en place pour en faire une entité moderne, efficace et au service des citoyens. Deuxième dossier: le Bénin s’apprête à connaître sa première révision constitutionnelle depuis la conférence nationale de 1990. Dirigée par Joseph Djogbenou, le ministre de la Justice, la commission mise en place pour apporter les amendements nécessaires à l’actuelle loi fondamentale a travaillé d’arrache-pied pour présenter son rapport (d’une soixantaine de pages) au chef de l’État. Parmi les dispositions souhaitées par Patrice Talon, le mandat unique du président de la République, mais, sur ce point, les avis sont très divergents. Alors que la majorité des partisans du chef de l’État y voit une innovation positive, d’autres – y compris parmi ses soutiens – s’y opposent au motif que cela empêcherait les citoyens de donner une deuxième chance à l’exécutif s’ils jugent ses actions salutaires. Finalement, la commission a estimé que la question méritait davantage de réflexion… et laissé le soin à Patrice Talon de trancher. Le

BURKINA FASO


BURKINA FASO Priorité sécurité

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N O 45 L’AFRIQUE EN 2017

Ouagadougou

GHANA

CÔTE D’IVOIRE

BÉNIN

B U R K I N A FA S O

BoboDioulasso

100 km

Population : 18,4 millions Croissance démographique : 2,9 % PIB par habitant : 651 $ Espérance de vie : 58,7 ans Alphabétisation : 37,75 % Inflation : 1,63 % Indice de développement humain (sur 188 pays) : 183e Investissements directs étrangers : 167 millions de $ Balance courante : – 6,02 % du PIB Taux de pénétration du téléphone mobile : 66 % Principale exportation : coton Dernier changement de président : 2015 Croissance du PIB (%) 5,2

4

4

5,9

* ESTIMATION OCT. 2016

Le temps où le pays faisait figure d’îlot de stabilité au cœur du Sahel semble bel et bien révolu.

Ces efforts semblent inévitables, tant la sécurité s’est imposée comme l’un des principaux défis des nouvelles autorités au fil de l’année 2016. Plusieurs attaques meurtrières ont visé les forces de défense et de sécurité dans le nord du pays, près des frontières avec le Mali et le Niger. Le temps où le Burkina faisait figure d’îlot de stabilité au cœur du Sahel semble bel et bien révolu. Le défi sécuritaire est d’autant plus important qu’un vaste projet de réforme de l’armée est à l’étude depuis ATTAQUES.

le putsch manqué du général Gilbert Diendéré et de l’ex-régiment de sécurité présidentielle (RSP), en septembre 2015. L’enquêtejudiciairesurcettetentativede coup d’État ainsi que celle sur l’assassinat de Thomas Sankara, en 1987 – qui a été relancée après la chute de Compaoré –, ont été confiées à la justice militaire. Désireuses d’en finir avec ces dossiers qui focalisent l’attention de l’opinion publique depuisdesmois,lesautoritésaffirmentque les procès dans ces deux affaires emblématiques s’ouvriront début 2017. Sur le plan politique, Kaboré et son parti, le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), ont toutes les cartes en main pour appliquer leur programme économique et social sur les quatre prochaines années. En plus de sa large victoire à la présidentielle et aux législatives, le parti majoritaire a remporté les élections municipales du 22 mai 2016. En face, l’opposition est encore menée par Zéphirin Diabré, président de l’Union pour le progrès et le changement (UPC) et ancienopposant numéro un à Compaoré – dont le parti, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), est toujours en pleine restructuration. Pour Kaboré et son gouvernement, les chantiers sont complexes et nombreux : relancer la machine économique après deux années de troubles politiques, tenir des promesses de campagne marquantes (mettre fin aux écoles sous paillote, faire baisser le chômage endémique des jeunes…) ou encore répondre aux fortes attentes de la population en matière de justice et de lutte contre la corruption. Des objectifs élevés, surtout lorsque les finances publiques sont quasiment à sec. Au ralenti depuis l’insurrection populaire de 2014, la croissance économique repart, elle, doucement à la hausse. Selon

NIGER

TOGO

T

out avait mal commencé pour Roch Marc Christian Kaboré. Élu avec plus de 53 % des voix dès le premier tour de l’élection présidentielle du 29 novembre 2015 – qui a consacré la fin du régime de transition après la chute de Blaise Compaoré, en octobre 2014 –, le nouveau chef de l’État a été confronté dès le début de son mandat, le 15 janvier 2016, au pire attentat de l’histoire du Burkina lorsqu’un commando d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) a assassiné 30 personnes dans un restaurant et un hôtel du centre de Ouagadougou. Cette première attaque terroriste de masse sur le territoire burkinabè a bouleversé les priorités du gouvernement tout juste arrivé au pouvoir. Les mesures économiques et sociales ont été mises en attente, au profit du renforcement de l’appareil sécuritaire. Des moyens supplémentaires ont été débloqués pour augmenter les capacités des forces de sécurité, et la mise sur pied de l’Agence nationale de renseignement, chargée de coordonner l’ensemble des services de renseignements nationaux, a été accélérée. Dirigée par le colonel François Ouédraogo, un proche du président Kaboré, elle devrait être pleinement opérationnelle d’ici à juin 2017.

MALI

PIB (milliards de $)

12,5

11

12

13,1

2014

2015*

2016*

2017*

le FMI, elle devait être de 5,2 % en 2016, contre 4 % en 2015, et pourrait monter à 5,9 % en 2017. Les productions d’or et de coton, les deux piliers de l’économie nationale, aident à limiter la casse. Tandis que la production d’or devait se stabiliser à 33,5 tonnes en 2016 (contre un peu plus de 34 tonnes en 2015), celle de coton devait augmenter à 700 000 tonnes pour la campagne agricole 2016-2017 (contre 580000 tonnes pour celle de 2015-2016). 127


CAP-VERT Place aux libéraux ! de surendettement du pays et rassurer les investisseurs. Grâce au tourisme et aux investissements étrangers liés à ce secteur, notamment la construction, le Cap-Vert devait néanmoins voir son PIB croître de 3,6 % en 2016, contre 1,5 % en 2015 – un taux qui pourrait passer à 4 % en 2017. Dépourvu de ressources naturelles, cet archipel d’une dizaine d’îles volcaniques attire chaque année des milliers de touristes adeptes de randonnée ou séduits par les plages au pied des montagnes, comme celles de Tarrafal. En 2014, l’État a eu recours à un ambitieux programme d’investissement public appelé à s’achever bientôt. Le principal défi économique du pays tient aujourd’hui dans la capacité du secteur privé à prendre le relais. Pour ce faire, Praia mise sur le renouvellement urbain, porté par une importante population (65 % des habitants résident dans les villes) très qualifiée (le taux d’alphabétisation est supérieur à 88 %). Il s’agit de favoriser la transformation structurelle de l’économie en offrant aux entrepreneurs informels et aux microentrepreneurs des opportunités d’améliorer leurs activités et d’élargir leurs marchés, tout en retenant au Cap-Vert une jeunesse qui rêve d’exil, principalement en direction des États-Unis. Mettant en avant sa gouvernance politique et économique, sa position au sein de la Macaronésie (un espace régional réunissant aussi les Açores, les Canaries et Madère), son importante diaspora et une histoire commune avec l’Europe, le Cap-Vert bénéficie depuis 2007 d’un « partenariat spécial » avec l’UE. Celui-ci prévoit, outre la lutte contre la pauvreté, la libéralisation des échanges, l’intégration régionale et la promotion d’une EXIL.

Après quinze années passées dans l’opposition, le MPD détient désormais tous les pouvoirs.

128

CAP-VERT D U

Océan Atlantique

50 km

S ÎLE

V E N T

SOU

S- LE- V

ENT

Praia

Population : 0,5 million Croissance démographique : 1,3 % PIB par habitant : 3 169 $ Espérance de vie : 73,3 ans Alphabétisation : 88,47 % Inflation : 0,09 % Indice de développement humain (sur 188 pays) : 122e Investissements directs étrangers : 95 millions de $ Balance courante : – 7,71 % du PIB Taux de pénétration du téléphone mobile : 100 % Principale exportation : maquereaux Dernier changement de président : 2011 Croissance du PIB (%)

1,9

1,5

3,6

4

PIB (milliards de $)

1,9 2014

1,6

1,7

1,8

2015

2016*

2017*

société de la connaissance. En dépit de sa taille modeste, le pays mène ainsi une diplomatie active et affirme sa vocation de passerelle entre l’Afrique, l’Europe et les Amériques. Praia abrite l’Institut de l’Afrique de l’Ouest pour la recherche internationale sur l’intégration régionale et les transformations sociales (IAO) et le Centre pour les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique de la Cedeao (Cereec). JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N O 45 L’AFRIQUE EN 2017

* ESTIMATION OCT. 2016

E

n 2016, le Cap-Vert n’a pas failli à sa réputation de modèle démocratique en Afrique. Sans heurts, l’alternance s’est installée, en octobre, avec le retour aux affaires du Mouvement pour la démocratie (MPD), qui détient désormais tous les pouvoirs après quinze années dans l’opposition. Après avoir remporté les législatives de mars 2016 puis les municipales de septembre, le parti libéral est parvenu à faire réélire Jorge Carlos Fonseca à la tête de l’État dès le premier tour, avec 74 % des voix. Complètement défait, victime sans doute de l’usure du pouvoir, mais aussi, d’après certains, de l’arrogance de sa dirigeante, Janira Hopffer Almada, le Parti africain pour l’indépendance du Cap-Vert (PAICV, socialiste, ex-parti unique) avait décidé de ne pas présenter de candidat, privant les 350 000 électeurs de l’archipel de l’habituelle confrontation entre les deux formations. À 66 ans, Fonseca, élu une première fois en 2011 mais qui a connu cinq années de cohabitation, entend relever le défi de la croissance économique, indispensable pour remporter la bataille contre le chômage et la pauvreté, qui entravent son développement. Autre gageure, l’éradication de l’insécurité, laquelle s’explique par la dégradation de la situation socioéconomique et par la montée de la délinquance liée à la diffusion du crack, en particulier dans les zones urbaines. Il y a urgence. À cause de ces vulnérabilités intérieures et du manque de vigueur de la conjoncture mondiale, l’économie cap-verdienne peine à se redresser et à renouer avec une croissance soutenue. Bien que le déficit public ait été sensiblement réduit, l’assainissement budgétaire reste une priorité pour les autorités, qui veulent atténuer le risque

ÎL E S


un accord préalable en vue d’un programme économique triennal soutenant les principaux objectifs du Plan national de développement 2016-2020, à hauteur de 610 millions d’euros. L’institution financière a aussi attiré l’attention sur le besoin d’une meilleure « gestion des finances et de la dette publique » (49 % du PIB en 2016) et d’une « croissance forte et inclusive qui favorisera la réduction de la pauvreté ». Car ils sont nombreux ceux qui réclament un meilleur partage des fruits de la croissance. Le taux de pauvreté stagne (48,9 % en 2008 et 46,3 % en 2015), notamment à cause d’un fort taux de chômage, et accentue d’une part des tensions sociales déjà latentes, d’autre part une certaine défiance à l’égard de la classe politique, toutes tendances confondues. Sur le plan politique, justement, si en apparence l’année 2017 s’annonce calme (pas de scrutin majeur prévu), elle sera en réalité fondamentale pour l’avenir… et pour la course à la présidentielle de 2020. En effet, après l’entrée de plain-pied dans la IIIe République au tournant 2016-2017 (élection d’une nouvelle Assemblée nationale, mise en place d’un Sénat et de la Chambre des rois et chefs traditionnels…), toutes les alliances semblent désormais possibles. Le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), de Henri Konan Bédié, trouverat-il enfin un nouvel élan (et surtout un nouveau champion) après avoir joué le rôle de faiseur de rois lors des deux dernières présidentielles ? Que va faire le président de l’Assemblée nationale, Guillaume Soro, privé de son statut de dauphin constitutionnel du fait de la nomination d’un vice-président et resté en marge d’un Rassemblement des

Après l’entrée dans la III République, toutes les alliances semblent possibles.

PAUVRETÉ. Encouragées par un fort taux

de croissance (entre 8 % et 10 % depuis 2012), les autorités entendent attirer toujours plus d’investisseurs étrangers, tout en augmentant leurs propres investissements : 2 216 milliards de F CFA prévus dans le budget 2017 (soit près de 3,4 milliards d’euros), contre 1 998 milliards en 2016. Un effort pour lequel l’État ivoirien devrait recevoir l’aide du FMI, avec lequel il a signé en octobre JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N O 45 L’AFRIQUE EN 2017

GUINÉE LIBERIA

BURKINA FASO

CÔTE D’IVOIRE Bouaké Yamoussoukro Abidjan Golfe de Guinée

200 km

Population : 24,3 millions Croissance démographique : 2,4 % PIB par habitant : 1 424 $ Espérance de vie : 51,5 ans Alphabétisation : 43,27 % Inflation : 1 % Indice de développement humain (sur 188 pays) : 172e Investissements directs étrangers : 430 millions de $ Balance courante : – 1,75 % du PIB Taux de pénétration du téléphone mobile : 95 % Principale exportation : cacao Dernier changement de président : 2011 Croissance du PIB (%) 8,5 8 7,9

8

* ESTIMATION OCT. 2016

D

epuis son arrivée au pouvoir, en mai 2011, les années se suivent et se ressemblent pour le président Alassane Dramane Ouattara. Défis, épreuves, constructions et reconstructions… La Côte d’Ivoire est restée près d’une décennie sur le bascôté et il faut la remettre sur les rails. Mais dans cette course contre le temps perdu, l’année 2016 a été jalonnée d’événements marquants : ouverture du procès de Laurent Gbagbo et de Charles Blé Goudé à la e CPI en janvier ; attentats de Grand-Bassam en mars ; grogne sociale face à la hausse des tarifs de l’électricité en avril ; ouverture du second procès de l’ex-première dame Simone Gbagbo en mai à Abidjan ; référendum sur une nouvelle Constitution en octobre ; élections législatives en décembre… Bref, une année marathon. L’année 2017, qui verra le pays accueillir, en juillet, la huitième édition des Jeux de la Francophonie, sera-t-elle celle de la consolidation ? Celle d’une prise de recul pour enfin voir ce qui, dans cette multitude d’initiatives lancées pour obtenir les bases d’une nouvelle Côte d’Ivoire et accoucher de l’« Ivoirien nouveau » (concept développé par le pouvoir lors de la dernière présidentielle), fonctionne ou non ? Rien n’est moins sûr…

MALI

GHANA

CÔTE D’IVOIRE Ça va bouger

PIB (milliards de $)

34

31,4

34,6

38,4

2014*

2015*

2016*

2017*

Républicains (RDR, parti présidentiel) au sein duquel son ancienne rébellion des Forces nouvelles ne semble toujours pas avoir trouvé sa place ? Enfin, le Front populaire ivoirien (FPI), de l’ex-président Laurent Gbagbo, pourra-t-il survivre longtemps encore au divorce consommé entre ses deux tendances, celle de Pascal Affi N’Guessan et celle d’Aboudramane Sangaré ? En 2017, le paysage politique ivoirien promet de « bouger-bouger »… 129


GAMBIE Adieu à Jammeh

Personne ne s’attendait à ce qu’il accepte de quitter le pouvoir sans résistance.

130

OMBRAGEUX. Au cours des

derniers mois, la Cedeao, l’UA et l’ONU n’avaient cessé de condamner l’attitude antidémocratique du régime. Mais Jammeh n’en avait cure. Plus isolé que jamais sur la scène internationale, régulièrement mis à l’index par les organisations de défense des droits de l’homme, il continuait de camper son personnage de panafricaniste ombrageux en guerre ouverte contre le « néocolonialisme occidental ». « Ban Ki-moon et Amnesty International peuvent aller en enfer », déclarait-il à JA en mai 2016. Finalement, celui qui entendait demeurer président « aussi longtemps que Dieu et [son] peuple le voudront » s’est plié au verdict des urnes. Pour le voisin sénégalais, l’élection d’Adama Barrow – qui a annoncé qu’il effectuerait son premier voyage officiel à Dakar – est un soulagement. En 2016, un blocus de la frontière par les transporteurs sénégalais avait duré trois mois. À l’origine de ce litige, la décision du gouvernement gambien de multiplier par 100 les droits de transit. Les déclarations incendiaires de Yahya Jammeh rendaient chaotique la relation bilatérale. Accusant son homologue Macky Sall de protéger ses opposants en exil, l’exmaître de Banjul s’était même dit prêt à attaquer le Sénégal. Pour les exilés gambiens contraints de fuir le pays en raison de leurs opinions et

Banjul

GAMBIE

SÉNÉGAL 50 km

Population : 2 millions Croissance démographique: 3,2 % PIB par habitant : 435 $ Espérance de vie : 60,2 ans Alphabétisation : 55,57 % Inflation : 8,33 % Indice de développement humain (sur 188 pays) : 175e Investissements directs étrangers : 11 millions de $ Balance courante: – 12,68 % du PIB Taux de pénétration du téléphone mobile : 99 % Principale exportation : bois Dernier changement de président : 2016 Croissance du PIB (%)

-0,2

4,4

2,3

3,3

PIB (milliards de $)

0,8 2014*

0,9

0,9

2015*

2016*

0,8 2017*

pour les nombreux prisonniers politiques, la présidence d’Adama Barrow laisse espérer une ère nouvelle, marquée par l’entrée du pays dans un véritable État de droit. L’intéressé a annoncé la mise en place d’un gouvernement reflétant les différentes tendances de l’opposition ainsi que la libération des prisonniers politiques. En outre, il a promis d’organiser une nouvelle élection au bout de trois ans, à laquelle il ne se présentera pas. JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N O 45 L’AFRIQUE EN 2017

* ESTIMATION OCT. 2016

L

omniprésents, inspiraient la crainte d’un bout à l’autre du pays, a prouvé une fois encore combien il était imprévisible. Personne ne s’attendait à ce que cet autocrate, qui semblait avoir fait de la Gambie sa propriété personnelle – il a converti le pays en République islamique, fin 2015, et annoncé son retrait de la CPI en octobre 2016 –, accepte de quitter le pouvoir sans résistance.

Océan Atlantique

«

aissez-moi avertir la vermine diabolique que l’on nomme opposition. Si vous voulez déstabiliser ce pays, je vous enterrerai six pieds sous terre ! » Voilà ce que déclarait Yahya Jammeh à l’approche de l’élection présidentielle du 1er décembre 2016. De fait, quelques mois avant le scrutin, la répression avait franchi un nouveau cap. Le 14 avril, la police dispersait violemment une manifestation pacifique organisée par le United Democratic Party (UDP), la principale formation de l’opposition. Vingt-cinq personnes étaient arrêtées et soumises à des traitements brutaux en détention. Deux mois plus tard, les autorités reconnaissaient que Solo Sandeng, un haut responsable de l’UDP, avait trouvé la mort après son arrestation. Et en juillet, 19 autres militants de ce parti fondé en 1996, dont son secrétaire général, Ousainou Darboe, éternel challenger de Yahya Jammeh lors des présidentielles précédentes, étaient condamnés à trois ans de prison pour avoir pris part à une manifestation non autorisée à Banjul. Face à cette répression sévère, sept partis d’opposition sont néanmoins parvenus, en octobre 2016, à s’accorder sur une candidature commune en vue de la présidentielle. Celle d’Adama Barrow, 51 ans, membre de l’UDP. Une stratégie qui s’est avérée payante. Le 2 décembre, à la surprise générale, Jammeh, au pouvoir depuis 1994, a reconnu sa défaite dans une allocution télévisée et félicité son adversaire : « Je vous souhaite le meilleur », a-t-il déclaré. Selon la commission électorale, Adama Barrow a obtenu 45,5 % des voix, contre 36,6 % pour Yahya Jammeh. Mégalomane et provocateur, l’ex-chef de l’État, dont les services de sécurité,

SÉNÉGAL


GHANA Rupture ou continuité ?

BURKINA FASO

TOGO

Tamale

GHANA Agyeman-Rawlings, qui s’est présentée sous la bannière du National Democratic Party (NDP), une dissidence du NDC, devrait se faire entendre et se positionner durablement sur l’échiquier politique, en raison notamment de la très forte popularité de son mari, Jerry Rawlings, président du Ghana de 1981 à 2001. RIGUEUR. Outre cette échéance électorale,

le pays fait face à divers défis. L’inflation, qui peut facilement frôler les 20 %, comme en mai 2016, a des répercussions désagréables sur cette économie souvent considérée comme la deuxième plus performante d’Afrique de l’Ouest, derrière le Nigeria. Avec ses 27,6 millions d’habitants et un PIB de 42,8 milliards de dollars (près de 39 milliards d’euros) en 2016, le Ghana a accédé dès 2010 à la tranche inférieure de la catégorie des « pays à revenus intermédiaires ». Cela grâce à la mise en place d’une stratégie axée sur la rigueur monétaire et sur l’assainissement des finances publiques, qui a permis d’obtenir un accord triennal avec le FMI reposant sur une facilité élargie de crédit. Les élections passées, 2017 devrait être une année de relance des grands chantiers. Car les programmes des principaux candidats se rejoignent sur des points essentiels : il faut redémarrer la machine économique, enrayer la cherté de la vie, offrir des emplois aux jeunes et lutter contre la hausse des prix de l’immobilier. La crise énergétique qui perdure depuis 2016 est aussi, selon les analystes, l’un des véritables enjeux de 2017 pour le Ghana. Le pays dispose pourtant d’infrastructures importantes. Outre ses gisements de gaz, il exploite le grand barrage d’Akosombo (plus de 1000 MW), construit dans les années 1960 sur le fleuve Volta pour garantir l’accès à l’énergie de

Mahama et Akufo-Addo devaient batailler dur pour garder – ou ravir – la présidence.

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N O 45 L’AFRIQUE EN 2017

Kumasi

CÔTE D’IVOIRE

Accra Takoradi 150 km

Golfe de Guinée

Population : 27,6 millions Croissance démographique : 2,3 % PIB par habitant : 1 550 $ Espérance de vie : 61,4 ans Alphabétisation : 76,58 % Inflation : 17,02 % Indice de développement humain (sur 188 pays) : 140e Investissements directs étrangers : 3 192 millions de $ Balance courante : – 6,29 % du PIB Taux de pénétration du téléphone mobile : 108 % Principale exportation : hydrocarbures Dernier changement de président : 2012 Croissance du PIB (%)

4

3,9

3,3

7,4

* ESTIMATION OCT. 2016

S

i le monde traverse une crise généralisée, les chiffres de l’économie ghanéenne sont plutôt rassurants. Après 3,9 % en 2015, la croissance devait s’établir à 3,3 % en 2016, selon le FMI… qui prévoit un taux de 7,4 % en 2017 ! Ces signes de bonne santé font suite à des stratégies de relance mises en place par les autorités pour contrecarrer les crises précédentes, qui ont affecté la croissance du pays. Un ralentissement lié notamment à la crise énergétique, à une augmentation des dépenses et de la dette publiques, ainsi qu’à la baisse des cours mondiaux des matières premières, qui ont réduit les recettes tirées du pétrole et du cacao. Mais on peut aussi lire ce regain à l’aune de la stabilité politique du pays, qui a su construire une démocratie forte, dotée d’institutions plus indépendantes que dans de nombreux pays de la sous-région. Les élections générales, en décembre 2016, devaient confirmer cette tendance. Le National Democratic Congress (NDC), mené par le président sortant John Dramani Mahama, et le New Patriotic Party (NPP), dont le candidat est Nana Akufo-Addo, devaient batailler dur pour garder – ou ravir – la magistrature suprême. Depuis le renouveau démocratique, au début des années 1990, les élections au Ghana ont toujours été ouvertes et très disputées. Pour rappel, en 2012, Mahama l’avait remporté de justesse (50,70 %, contre 47,74 % pour son rival, qui était déjà Akufo-Addo), mais des soupçons de malversations avaient laissé planer pendant plusieurs semaines des doutes sur la stabilité du pays. En vigueur au Ghana depuis 1992, le bipartisme semble révolu, car de nouveaux acteurs et de nouvelles formations politiques apparaissent peu à peu. Ainsi, l’ex-première dame Nana Konadu

PIB (milliards de $)

38,6

37,7

42,8

46,6

2014

2015

2016*

2017*

ce pays minier et lui assurer un statut de puissance régionale en fournissant, à l’époque, l’essentiel des besoins de la Communauté électrique du Bénin (CEB, réseaucommunbénino-togolais).Lacapacité de production du Ghana dépasse les 2 500 MW (contre par exemple un peu plus de 1700 MW en Côte d’Ivoire). Autres atouts pour une croissance accélérée en 2017 : la manne pétrolière et les productions d’or et de cacao. 131


Cellou Dalein Diallo. Lancé en septembre 2016, ce dialogue a abouti à la signature d’un accord politique entre la majorité et l’opposition le 12 octobre. Celui-ci prévoit notamment l’organisation des élections communales en février 2017 et des législatives en 2018, la mise en place d’une Haute Cour de justice et la libération de personnes arrêtées lors des dernières manifestations politiques. Après avoir mis sur pied un gouvernement dominé par de jeunes technocrates, quitte à s’attirer les foudres de certains barons du Rassemblement du peuple de Guinée (RPG, au pouvoir), Condé doit vite relancer la machine économique nationale, embourbée depuis l’apparition du virus Ebola, fin 2013. Quasi nulle en 2015 (0,1 %), la croissance du PIB devait s’élever à 3,8 % en 2016, avant de monter à 4,4 % en 2017, selon le FMI. Une timide reprise que le gouvernement compte soutenir en s’appuyant sur un vaste plan de relance post-Ebola, qui passe notamment par le développement de grandes infrastructures. Après le barrage hydroélectrique de Kaléta, inauguré en 2015, le gouvernement entend se focaliser sur celui, deux fois plus grand, de Souapiti, dont la construction a commencé au début de 2016. Autre grand projet qui doit être relancé : l’exploitation du gisement de fer du mont Simandou. Celui-ci est vital pour la Guinée, dont 80 % des échanges commerciaux et une importante part des recettes publiques dépendent du secteur minier. En juillet 2016, le géant minier angloaustralien Rio Tinto a annoncé qu’il se retirait du projet en raison de ses doutes sur la rentabilité du gisement. Depuis, le gouvernement a négocié sa relance par l’entreprise chinoise Chinalco, jusqu’à TECHNOCRATES.

Condé doit faire repartir l’économie, embourbée depuis l’apparition d’Ebola.

132

SÉNÉGAL

MALI

GUINÉE Conakry Océan Atlantique

Kankan

SIERRA LEONE LIBERIA

200 km

Population : 12,7 millions Croissance démographique : 2,7 % PIB par habitant : 533 $ Espérance de vie : 58,8 ans Alphabétisation : 30,47 % Inflation : 8,17 % Indice de développement humain (sur 188 pays) : 182e Investissements directs étrangers : 85 millions de $ Balance courante: – 13,22 % du PIB Taux de pénétration du téléphone mobile : 63 % Principale exportation : or Dernier changement de président : 2010 Croissance du PIB (%)

1,1

0,1

3,8

4,4

PIB (milliards de $)

6,8

6,9

6,8

6,9

2014*

2015*

2016*

2017*

présent deuxième actionnaire du projet derrière Rio Tinto. Enfin, beaucoup de Guinéens attendent toujours la tenue d’un procès pour le massacre du 28 septembre 2009 au stade de Conakry, durant lequel plus de 150 personnes ont été tuées par des militaires de l’ancienne junte de Moussa Dadis Camara (2008-2010). L’instruction n’ayant toujours pas été bouclée, difficile d’imaginer qu’un procès s’ouvre avant la mi-2017. JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N O 45 L’AFRIQUE EN 2017

* ESTIMATION OCT. 2016

S

es proches le répètent en boucle : son second mandat sera celui de l’apaisement. Et tant mieux, ajoutent certains, si celui-ci rime avec affaiblissement… de ses adversaires. Derrière cette volonté affichée de décrisper le dialogue politique, Alpha Condé a en effet réussi à neutraliser plusieurs ténors de l’opposition. À peine réélu pour cinq ans à la tête de la Guinée, en octobre 2015, le président a appliqué avec une certaine réussite la vieille méthode du « diviser pour régner ». Il a d’abord obtenu le ralliement de Sidya Touré, le leader de l’Union des forces républicaines (UFR), deuxième formation de l’opposition après l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), puis celui de Cellou Dalein Diallo, en le nommant haut représentant du chef de l’État – un poste spécialement créé pour lui. Il a ensuite gracié l’un de ses plus farouches opposants, Bah Oury, ancien numéro deux de l’UFDG, condamné par contumace à la prison à perpétuité dans l’affaire de la tentative d’assassinat d’Alpha Condé, en juillet 2011. Après quatre années d’exil en France, le retour à Conakry, en janvier 2016, de Bah Oury a immédiatement déstabilisé l’UFDG. Accusé par le chef de file de l’opposition, Cellou Dalein Diallo, d’avoir un positionnement contraire à la ligne du parti, il a été exclu et démis de son titre de vice-président. Le 5 février, la rivalité entre les militants de ces deux pontes de l’opposition a dégénéré : un journaliste a été tué par balle devant le siège du parti. Depuis, les relations sont exécrables entre les deux hommes, désormais engagés dans une bataille judiciaire. Toujours au nom de sa logique d’apaisement, Condé a aussi relancé le dialogue politique national – à l’arrêt depuis mi-2015 – en se rapprochant de

GUINÉEBISSAU

CÔTE D’IVOIRE

GUINÉE Le dialogue et la relance


GUINÉE-BISSAU Une crise sans fin ? Condé, son homologue sierra-léonais Ernest Bai Koroma, ainsi qu’un représentant de la présidente du Liberia, Ellen Johnson Sirleaf. Résultat: tous les acteurs politiques consultés se sont entendus, le 14 octobre à Conakry, sur un projet de sortie de crise. L’accord, qui prévoyait la nomination au poste de Premier ministre d’une personnalité consensuelle devant rester en place jusqu’aux élections législatives de 2018, a abouti à l’installation d’Umaro Sissoco Embalo, minovembre. Reste à savoir combien de temps il tiendra, alors que le PAIGC a immédiatement contesté sa désignation. Face au risque de fausses promesses et de dérapages – aucun président bissau-guinéen n’a jusqu’à présent réussi à finir son mandat –, la Cedeao n’a pas manqué de rappeler aux dirigeants du pays que l’issue de la crise était entre leurs mains, tout comme le sort des habitants. Car pour l’heure, la situation politique paralyse une grande partie des investissements nécessaires au développement. La plupart des bailleurs de fonds, qui s’étaient engagés en mars 2015 à verser 1 milliard d’euros de financement à la Guinée-Bissau, restent prudents. « La communauté internationale pourrait être fatiguée de vos crises qui n’en finissent pas », s’est d’ailleurs agacé, en février 2016, l’ex-président nigérian Olusegun Obasanjo, l’un des émissaires de la Cedeao. En attendant un dénouement, les autorités promettent – en vain – une amélioration du quotidien des habitants: paiement des salaires des fonctionnaires, déroulement sans interruption de l’année scolaire, développement d’infrastructures énergétiques, investissements dans le système de santé (alors que le virus Zika a été signalé en Guinée-Bissau)…

L’impasse politique paralyse les investissements nécessaires au développement du pays.

PROTESTATION. Rebelote en mai 2016. José

Mario Vaz a une nouvelle fois limogé le gouvernement, nommant dans la foulée Baciro Dja Premier ministre. Une décision perçue comme un affront par le PAIGC : en septembre 2015, au début de la crise, le chef de l’État en avait déjà fait son chef du gouvernement, contre l’avis du parti, avant que la Cour constitutionnelle invalide le décret présidentiel. Le retour de Baciro Dja a donc remis de l’huile sur le feu. À tel point que de nombreux ministres de Correia ont occupé pendant deux semaines le palais du gouvernement en signe de protestation. Depuis, le dialogue semblait rompu entre les deux camps, y compris au Parlement, où les députés du PAIGC ont longtemps refusé de siéger, bloquant à leur tour le nouveau gouvernement. En septembre 2016, une délégation de haut rang de la Cedeao s’est rendue au chevet de la Guinée-Bissau. Parmi les émissaires, le président guinéen Alpha JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N O 45 L’AFRIQUE EN 2017

GUINÉE-BISSAU Bissau

GUINÉE Océan Atlantique

50 km

Population : 1,8 million Croissance démographique : 2,4 % PIB par habitant : 642 $ Espérance de vie : 55,2 ans Alphabétisation : 59,77 % Inflation : 2,64 % Indice de développement humain (sur 188 pays) : 178e Investissements directs étrangers : 18 millions de $ Balance courante : – 1,70 % du PIB Taux de pénétration du téléphone mobile : 74 % Principale exportation : noix de cajou Dernier changement de président : 2014 Croissance du PIB (%)

2,5

4,8

4,8

5

* ESTIMATION OCT. 2016

L

a Guinée-Bissau reste dans l’impasse. Le pays peine à sortir de la crise née en août 2015 après la destitution par le président José Mario Vaz de son Premier ministre, Domingos Simões Pereira, chef du Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC, au pouvoir), l’ex-parti unique dont sont issus les deux hommes. Depuis, le pays, confronté aux crises institutionnelles à répétition, vit au rythme des turbulences politiques. Si la nomination à la primature, en septembre 2015, de Carlos Correia, vétéran du PAIGC, avait paru susciter un certain consensus, la fronde de quinze députés du parti a vite mis des bâtons dans les roues du gouvernement, faisant par la même occasion perdre au PAIGC sa majorité absolue à l’Assemblée.

SÉNÉGAL

PIB (milliards de $)

1,1

1,1

1,2

1,2

2014*

2015*

2016*

2017*

Autre réforme très attendue : celle de l’armée, véritable État dans l’État. Un chantier réclamé depuis longtemps par les bailleurs de fonds mais, dans un pays où les affaires courantes ont fréquemment été interrompues par les militaires, cette réforme est sensible. Signe positif : comme en 2015, les soldats ont reçu pour consigne de rester dans leurs casernes et de laisser les politiques se dépêtrer tous seuls d’une crise qui semble sans fin. 133


D

epuis la crise Ebola, en 2014, le Liberia peine à retrouver sa croissance économique (qui a été nulle en 2015), situation qui se complique avec la chute des cours mondiaux des matières premières. Heureusement, la manne tirée de l’exploitation de l’or en atténue les effets, si bien que le taux de croissance devait avoisiner les 2 % en 2016, selon le FMI, avant de monter jusqu’à 4 % en 2017, soutenu notamment par la relance des projets d’infrastructures publiques… après l’élection présidentielle ? Car en 2017 le pays doit se doter d’un nouvel exécutif, et la course à la succession d’Ellen Johnson Sirleaf, à la tête du Liberia depuis 2006, est ouverte. Les candidats au scrutin prévu en octobre 2017 fourbissent déjà leurs armes: le viceprésident, Joseph Boakai, a reçu le soutien officiel du Unity Party (au pouvoir), tandis que George Weah a fait acte de candidature sous la bannière du Congress for Democratic Change (CDC). Tous les regards sont tournés vers l’ancien footballeur, jugé peu expérimenté lors de son face-à-face avec l’actuelle présidente, en 2005, mais qui a eu le temps de mûrir politiquement et d’affûter ses arguments pour 2017. Même s’il jouit d’une popularité inégalée, le sénateur de Monrovia devra tout faire pour montrer aux plus réticents ses réelles capacités de leader dans un pays encore sous perfusion de la communauté internationale, notamment des États-Unis.

demande de biens et de services liée au départ des forces de maintien de la paix : les troupes de la Mission des Nations unies au Liberia (Minul) devraient en effet se retirer totalement d’ici à juin 2017, après treize années de présence dans le pays. Mais une amélioration de la gouvernance dans le secteur de la production énergétique devrait permettre au pays de retrouver une meilleure croissance à l’horizon 2018 (le FMI table sur un taux de plus de 5 %). D’ici là, c’est surtout le secteur informel qui sera mis à contribution pour améliorer les performances économiques d’un Liberia en pleine reconstruction. Le pays dispose pourtant d’un potentiel important en matière de ressources naturelles. Il est bien doté en forêts, mais celles-ci sont relativement peu exploitées. Il est néanmoins le neuvième producteur mondial de caoutchouc, et peut aussi compter sur ses mines d’or, de diamant et de fer. La levée des embargos sur le bois et sur le diamant devrait d’ailleurs lui permettre d’accroître ses exportations. Outre l’élection présidentielle et la relance de l’économie, un dernier défi réside dans la maîtrise de l’espace urbain, notamment au niveau de la capitale, Monrovia. Un enjeu important alors que 50 % de la population du Liberia est urbaine et que, jusqu’à présent, l’occupation anarchique de l’espace n’a pas été accompagnée par la construction des infrastructures adéquates, ce qui a engendré de nombreux problèmes et compromis la qualité de vie des habitants. Ellen Johnson Sirleaf avait promis de s’attaquer aux questions de l’aménagement du territoire et de l’amélioration du cadre de vie. Parviendra-t-elle à obtenir des résultats concrets avant le terme de son second et dernier mandat ?

La course à la succession d’Ellen Johnson Sirleaf, au pouvoir depuis 2006, est ouverte.

RECONSTRUCTION. Cette période électorale n’est pas tellement propice à la relance économique. On peut craindre que de nombreux investissements, publics comme privés, soient suspendus au verdict des urnes. En outre, le Liberia va devoir faire face à une baisse de la

134

GUINÉE

SIERRA LEONE

LIBERIA

CÔTE D’IVOIRE

Monrovia Buchanan

Océan Atlantique

100 km

Population : 4,4 millions Croissance démographique : 2,4 % PIB par habitant : 492 $ Espérance de vie : 60,9 ans Alphabétisation : 47,6 % Inflation : 8,57 % Indice de développement humain (sur 188 pays) : 177e Investissements directs étrangers : 512 millions de $ Balance courante: – 30,49 % du PIB Taux de pénétration du téléphone mobile : 59 % Principale exportation : fer Dernier changement de président : 2006 Croissance du PIB (%)

0,7

2 0

4

PIB (milliards de $)

2

2

2,2

2,3

2014

2015*

2016*

2017*

Classé au 174e rang (sur 190 pays) dans le classement « Doing Business » de la Banque mondiale, le Liberia a encore du chemin à faire. Sécurité, relance économique, bonne répartition des richesses, emploi des jeunes… Ces thèmes cruciaux seront au rendez-vous lors de la bataille pour la succession d’Ellen Johnson Sirleaf. Cette jeune démocratie passera-t-elle avec succès le test des élections libres, ouvertes et transparentes ? JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N O 45 L’AFRIQUE EN 2017

* ESTIMATION OCT. 2016

LIBERIA En attendant le verdict des urnes


MALI Plus sûr ? Voire…

ALGÉRIE

MALI

300 km

GROGNE. Face à ce sombre tableau, le pré-

sident Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), confortablement élu en août 2013 sur la promesse de redresser le pays, se retrouve dans une situation périlleuse. Il dispose désormais de moins de deux ans avant la prochaine élection présidentielle, prévue en juillet 2018, pour inverser cette tendance négative – sans oublier que tous les yeux sont braqués sur lui et le Mali à l’occasion du 27e sommet Afrique-France, organisé à Bamakoles13 et14 janvier 2017. Confrontées à un immense défi sécuritaire, les autorités maliennes en ont fait leur priorité. Les efforts budgétaires devraient donc se poursuivre pour accélérer la reconstruction de l’armée et le renforcement du dispositif antiterroriste. De nouveaux moyens aériens, notamment six avions d’attaque, sont attendus par l’armée. Mais, outre ces nécessaires mesures sécuritaires, IBK et son gouvernement doivent surtout s’employer à relancer le processus de paix dans le Nord afin d’éviter que la situation ne continue de se dégrader sur le terrain. Ils doivent aussi rapidement trouver des réponses à la grogne sociale qui monte à Bamako et dans le sud du pays, où la population survit difficilement face à la cherté de la vie. La majorité présidentielle devait pouvoir tester sa cote de popularité lors des élections communales : reportées à plusieurs reprises en raison du contexte

L’insécurité, qui prévalait jusqu’à présent dans le Nord, s’étend désormais au centre du pays.

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N O 45 L’AFRIQUE EN 2017

Bamako Ségou

GUINÉE CÔTE D’IVOIRE

Gao

BURKINA FASO GHANA

NIGER

Population : 16,8 millions Croissance démographique : 3 % PIB par habitant : 838 $ Espérance de vie : 58 ans Alphabétisation : 33,07 % Inflation : 0,97 % Indice de développement humain (sur 188 pays) : 179e Investissements directs étrangers : 153 millions de $ Balance courante : – 6,01 % du PIB Taux de pénétration du téléphone mobile : 129 % Principale exportation : coton Dernier changement de président : 2013 Croissance du PIB (%) 7 6 5,3

5,2 * ESTIMATION OCT. 2016

échappe chaque jour un peu plus au contrôle de l’État. Des attaques meurtrières contre les forces de défense et de sécurité y sont régulières, comme celle qui a coûté la vie à 17 militaires le 19 juillet 2016 à Nampala. Les actes de banditisme en zone rurale, comme le vol de bétail ou les règlements de compte, sont aussi devenus de plus en plus fréquents.

TOGO BÉNIN

A

près la signature, en juin 2015, de l’accord de paix d’Alger par les groupes rebelles du Nord, l’année 2016 promettait un début de retour à la stabilité pour le Mali. Il n’en a rien été. Plus d’un an et demi après le début de sa mise en œuvre, le processus de paix est dans l’impasse. Les ex-rebelles de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) et leurs rivaux de la Plateforme, qui rassemble les groupes armés progouvernementaux, se sont de nouveau violemment affrontés, en juillet et en août 2016, à Kidal et dans ses environs, anéantissant tous les efforts de réconciliation menés jusque-là. Dans ce contexte tendu, la mise en place des autorités intérimaires – une disposition centrale de l’accord d’Alger qui prévoit le remplacement temporaire des élus locaux du Nord par des représentants du gouvernement, de la CMA et de la Plateforme – n’en finit plus de traîner, en plus d’être vivement contestée par l’opposition et par une partie de la population. Autre dispositif de l’accord qui avance à pas de fourmi : le processus de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR) des combattants des groupes armés signataires. Et pour ne rien arranger, les groupes jihadistes, au premier rang desquels Ansar Eddine et Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), prouvent à chacune de leurs attaques contre les forces de sécurité ou les Casques bleus de la Minusma qu’ils sont toujours bien présents dans le septentrion malien. Plus inquiétant, l’insécurité, qui était jusqu’à présent circonscrite au Nord, s’étend désormais au centre du pays. Sur fond de rivalités locales et communautaires, plusieurs mouvements armés, notamment peuls, ont émergé ces derniers mois dans la région de Mopti, qui

SÉN.

MAURITANIE

PIB (milliards de $)

14,4

13,1

14,1

15,2

2014

2015

2016*

2017*

sécuritaire incertain, elles devaient finalement se tenir le 20 novembre 2016. Enfin,surleplan économique,letauxde croissance, de 6 % en 2015, devait légèrement reculer en 2016 (5,3 %, selon le FMI) et en 2017 (5,2 %). En plus de l’agriculture, l’économie malienne repose surtout sur le secteur aurifère. Grâce à de nouvelles exploitations, sa production annuelle d’or pourrait augmenter pour atteindre 60 tonnes d’ici à la fin de l’année 2017. 135


URANIUM. Mais les défis restent nombreux.

D’abord, si le pays parvient toujours à emprunter et si le Premier ministre, Brigi Rafini, estime qu’il n’est que raisonnablement endetté, les inquiétudes budgétaires ne manquent pas. Après 3,5 % en 2015, la croissance économique devait s’établir à 5,2 % en 2016, selon le FMI, avant de redescendre légèrement en 2017 (5 %). Soit bien en deçà des 7 % escomptés. Pis, les cours de l’uranium sont au plus bas. Résultat: alors que le Niger espérait bénéficier des rentrées d’argent du site uranifère d’Imouraren, l’exploitation de ce dernier par le groupe français Areva est toujours gelée. De source gouvernementale, les autorités espèrent désormais un début de l’activité à Imouraren en 2019, soit deux ans seulement avant la fin du second mandat en cours, le dernier d’Issoufou selon la Constitution. Entre-temps, et malgré les prêts obtenus – notamment de partenaires chinois –, le gouvernement aura fort à faire pour maintenir la barre budgétaire. Depuis mi-2016, le pays est entré officiellement en guerre contre Boko Haram, au sud de son territoire, aux côtésduNigeria,duTchadetduCameroun, dans le cadre de la Force multinationale mixte. Or cet engagement coûte cher, et les moyens, notamment aériens, manquent, d’autant que les forces de sécurité sont aussi déployées dans le nord du pays. Pris en étau entre les situations libyenne, malienneetnigériane–sansoublierlacrise des réfugiés –, le Niger devra faire face à des dépenses militaires indispensables s’il veut maintenir la relative sécurité sur son

Le président a les coudées franches pour mener l’acte II de son programme de « renaissance ».

136

300 km

NIGER

MALI

Agadez

Niamey

Zinder

NIGERIA

BÉNIN

Population : 18,2 millions Croissance démographique : 4 % PIB par habitant : 415 $ Espérance de vie : 61,4 ans Alphabétisation : 19,10 % Inflation : 1,59 % Indice de développement humain (sur 188 pays) : 188e Investissements directs étrangers : 525 millions de $ Balance courante : – 17,84 % du PIB Taux de pénétration du téléphone mobile : 39 % Principale exportation : uranium Dernier changement de président : 2011 Croissance du PIB (%) 7 5,2 3,5

5

PIB (milliards de $)

8,3

7,2

7,6

8,1

2014

2015*

2016*

2017*

territoire, attaqué massivement à Dosso, à la frontière nigériane, en juin 2016. L’enjeu : la poursuite des progrès enregistrés, qu’il s’agisse de l’économie, de la liberté de la presse (52e pays sur 180 au classement de Reporters sans frontières) ou de la lutte contre la corruption, qui demande des moyens dans la formation des magistrats. Issoufou a certes les coudées franches, mais il a aussi du pain sur la planche. JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N O 45 L’AFRIQUE EN 2017

* ESTIMATION OCT. 2016

ans en mars 2016, avec 92,5 % des voix face à Hama Amadou, Mahamadou Issoufou a entamé son second mandat en position de force. Dans un contexte où son parti, le PNDS-Tarayya, contrôle le gouvernement et l’Assemblée (75 députés) et face à une opposition qu’il a contribué à diminuer, le chef de l’État semble avoir les coudées franches pour mettre en place la secondepartiedesonactionprésidentielle. Ses adversaires sont certes regroupés dans une nouvelle coalition de dix partis, le Front pour la restauration de la démocratie et la défense de la République, créé en août 2016. Mais si Hama Amadou, leader du Moden-Fa Lumana, emprisonné de novembre 2015 à mars 2016 pour une affaire de trafic d’enfants présumé, et Mahamane Ousmane, candidat malheureuxduMNRD-Hankuriàlaprésidentielle, ont encore des soutiens, notamment à Niamey et à Zinder, l’opposition a perdu le renfort d’un autre mastodonte du marigot politique nigérien : le MNSD-Nassara (ancien parti au pouvoir), de Seini Oumarou. En août 2016, son bureau politique a en effet voté à une écrasante majorité en faveur d’un ralliement à la mouvance présidentielle, provoquant un remaniement du gouvernement et une reconfiguration du paysage politique nigérien. Issoufou a d’ores et déjà prévu de mettre sur la table quelque 8 000 milliards de F CFA sur cinq ans (environ 12,2 milliards d’euros), soit 2 000 milliards de F CFA de plus que pour son premier mandat. Objectif de l’acte II de son programme de « renaissance »: poursuivre le développement des infrastructures, qui s’est accéléré en 2015-2016, renforcer la sécurité alimentaire (via l’initiative 3N, pour « les Nigériens nourrissent les Nigériens ») et

fournir de l’emploi aux jeunes. Le gouvernement n’a d’ailleurs pas hésité à procéder à des recrutements massifs (35 000 personnes) dans la fonction publique à la fin du premier mandat d’Issoufou.

ALGÉRIE

TCHAD

L

2017 est celle d’un second ’ année départpourleNiger.Réélupourcinq

LIBYE

BURKINA FASO

NIGER Issoufou garde le cap


P

our le pays le plus peuplé d’Afrique (183,6 millions d’habitants), l’année 2016 a rapidement pris des allures de cauchemar. Après deux trimestres consécutifs de croissance négative durant la première moitié de l’année, le Nigeria est officiellement entré en récession : le PIB devait chuter de 1,7 % en 2016, selon le FMI. L’économie, fortement dépendante des hydrocarbures, a été touchée de plein fouet par la baisse du prix du baril de brut et par les attaques contre les infrastructures pétrolières dans le delta du Niger, entre avril et juin. Une situation alarmante, aggravée par la politique monétaire confuse du président, Muhammadu Buhari : refusant coûte que coûte de dévaluer le naira pendant des mois, et ce malgré les fortes recommandations des institutions financières internationales, il a finalement annoncé cette mesure en juin 2016. Résultats : baisse de confiance des investisseurs, pénurie de devises étrangères, hausse du déficit budgétaire, etc. Si bien que pour les autorités l’objectif de l’année 2017 est simple: sortir de ce cercle économique vicieux tout en continuant de financer l’effort de guerre contre Boko Haram. Coûteuse financièrement, militairement et humainement, cette lutte contre le groupe islamiste commence à porter ses fruits. Affaiblis par les offensives régulières de l’armée nigériane (au sol et dans les airs) et de ses alliés de la coalition régionale (Cameroun, Tchad et Niger), les jihadistes ont perdu de nombreuses localités, mais, dans leur recul, ils ont changé de mode opératoire, ayant davantage recours aux enlèvements et aux pillages. Le gouvernement, qui a opté pour la négociation avec une frange de Boko Haram (le mouvement est de plus

Défiance des investisseurs, pénurie de devises étrangères, hausse du déficit…

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N O 45 L’AFRIQUE EN 2017

Kano

BÉNIN

en plus divisé), a d’ores et déjà obtenu la libération d’une vingtaine des lycéennes de Chibok (Nord-Est) enlevées en 2014, en échange de l’élargissement de quatre combattants islamistes. Une stratégie qu’il compte poursuivre « tant que toutes les filles n’ont pas été libérées » mais qui divise au sein de la population et de la classe politique. Tout aussi clivante, la guerre contre la corruption menée par le président Buhari depuis son arrivée au pouvoir, en 2015, devrait être amplifiée. Visant essentiellement des proches de l’ancien président Goodluck Jonathan ou des dignitaires de son régime, elle est de plus en plus critiquée par certaines organisations de la société civile, qui y voient un moyen de museler toute opposition. Pour d’autres, en revanche, cette lutte anticorruption, qui touche aussi le secteur de la justice et celui, vital, du pétrole, ne vise qu’à rapatrier dans les caisses de l’État les sommes colossales détournées chaque année et qui ne sont pas utilisées, par exemple, pour lutter contre la pauvreté… Avec un indice de développement humain de 0,5, la première puissance économique du continent ne se hisse qu’au 152e rang des nations, loin derrière le Botswana (106e), l’Afrique du Sud (116e) ou encore le Ghana (140e). DIVERSIFICATION. À situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles, avaient pensé, fin 2016, les autorités nigérianes… Mais dans leur volonté d’emprunter sur les marchés internationaux près de 30 milliards de dollars (environ 27 milliards d’euros) pour relancer l’économie, notamment dans les secteurs des infrastructures et de l’agriculture, elles se sont heurtées à une opinion publique et à des députés peu enclins à alourdir la dette

TCHAD

NIGER

Abuja

NIGERIA Lagos Port Harcourt

CAMEROUN 300 km

Golfe de Guinée

Population : 183,6 millions Croissance démographique : 2,6 % PIB par habitant : 2 260 $ Espérance de vie : 52,8 ans Alphabétisation : 59,57 % Inflation : 15,38 % Indice de développement humain (sur 188 pays) : 152e Investissements directs étrangers : 3 064 millions de $ Balance courante : – 0,68 % du PIB Taux de pénétration du téléphone mobile : 73 % Principale exportation : hydrocarbures Dernier changement de président : 2015 Croissance du PIB (%) 6,3 2,7 -1,7

0,6

* ESTIMATION OCT. 2016

NIGERIA Cercle vicieux

PIB (milliards de $)

568,5 2014

493,8 2015

415,1

413,7

2016*

2017*

extérieure du pays. L’heure est désormais à la recherche tous azimuts de financement et à la diversification forcée de l’économie. Appuyé dans ce sens par un prêt de 600 millions de dollars de la BAD (un deuxième prêt de 400 millions devrait être approuvé en 2017), le géant africain devrait lancer dès le début de l’année une nouvelle banque, la Development Bank of Nigeria, chargée d’aider au financement des PME. 137


GRÂCE. En mai 2016, les tensions entre le

pouvoir et le Parti démocratique sénégalais (PDS, opposition) ont semblé s’apaiser à la faveur d’un dialogue national lancé par le président. Au lendemain de sa séance inaugurale, à laquelle participait le PDS, Macky Sall, à la surprise générale, a annoncé que la libération de Karim Wade, incarcéré depuis 2013 pour enrichissement illicite, pourrait intervenir sous peu. Le 24 juin, à la faveur d’une grâce présidentielle, le fils de l’ancien chef de l’État était libéré au milieu de la nuit. Il quittait aussitôt le Sénégal pour le Qatar, dont les autorités avaient proposé leur médiation, mettant un terme à un

SÉNÉGAL

GAMBIE GUINÉE-BISSAU

GUINÉE

100 km

Population : 15,4 millions Croissance démographique : 3,1 % PIB par habitant : 965 $ Espérance de vie : 66,5 ans Alphabétisation : 55,62 % Inflation : 1 % Indice de développement humain (sur 188 pays) : 170e Investissements directs étrangers : 345 millions de $ Balance courante : – 8,36 % du PIB Taux de pénétration du téléphone mobile : 92 % Principale exportation : pétrole Dernier changement de président : 2012 Croissance du PIB (%)

4,3

6,5

6,6

6,8

PIB (milliards de $)

15,4

13,7

14,9

16,2

2014

2015

2016*

2017*

du professeur Abdoulaye Bathily au poste de président de la Commission de l’UA. Mais au moment où trois pays africains (le Burundi, la Gambie et l’Afrique du Sud) ont annoncé successivement leur retrait du statut de Rome, le ministre sénégalais de la Justice, Sidiki Kaba, par ailleurs président de l’Assemblée des États parties, aura fort à faire pour maintenir, en 2017, la cohésion continentale autour d’une CPI de plus en plus controversée. JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N O 45 L’AFRIQUE EN 2017

* ESTIMATION OCT. 2016

Soutenu par la coalition Benno Bokk Yakaar, Sall peut envisager l’avenir avec sérénité.

Saint-Louis

MALI

C’

feuilleton politico-judiciaire qui a tenu le pays en haleine pendant trois ans. Réconforté par le score obtenu lors du référendum, Macky Sall peut envisager sereinement les élections législatives de juin 2017. Ses deux principaux alliés au sein de la coalition Benno Bokk Yakaar (BBY) – l’Alliance des forces de progrès (AFP), de Moustapha Niasse, et le Parti socialiste (PS), d’Ousmane Tanor Dieng – iront en campagne aux côtés du parti présidentiel, l’Alliance pour la République (APR). Régulièrement agitée au sein du PS, la perspective d’une scission entre les frondeurs hostiles à cette alliance (notamment la députée Aïssata Tall Sall et le maire de Dakar, Khalifa Sall) et l’étatmajor du parti se concrétisera-elle au moment de la campagne ? Malgré la création, en septembre 2016, d’une vaste – et hétéroclite – coalition des mécontents, Manko Wattu Sénégal, l’opposition peine à définir une feuille de route et à se trouver un chef de file. Le leadership au sein de sa principale locomotive, le PDS, est en effet éclaté entre deux « exilés »: son fondateur, l’inamovible Abdoulaye Wade, qui réside depuis 2012 en région parisienne, et son fils, Karim, dont nul ne savait prédire, à l’aube de 2017, quand il serait de retour au Sénégal ni s’il aurait les épaules assez larges pour honorer son statut de candidat officiel du parti libéral à l’élection présidentielle de 2019. De son côté, Macky Sall entend bien consolider sur la scène internationale – où son crédit semble plus fort que jamais, du FMI à l’Élysée – la stature qui lui permettra d’envisager avec optimisme sa réélection pour un second mandat. Influent au sein de la Cedeao, membre du Conseil de sécurité de l’ONU jusqu’au 31 décembre 2017, le Sénégal espérait en outre obtenir la nomination

MAURITANIE

Dakar Thiès

est par une oraison funèbre qu’a débuté l’année politique 2016 au Sénégal. Dans une adresse à la nation, le 16 février, le président Macky Sall enterrait sa promesse électorale de réduire de sept à cinq ans son premier mandat, afin de se conformer à l’avis défavorable émis par le Conseil constitutionnel. Dans les rangs de l’opposition comme dans ceux de la société civile, la levée de boucliers a été immédiate face à cette volte-face, aussitôt assimilée au « wax-waxeet » (« dire puis se dédire », en wolof ) de son prédécesseur, Abdoulaye Wade – qui avait brigué un troisième mandat en 2012 après avoir limité à deux le nombre de mandats présidentiels successifs. Le référendum institutionnel annoncé de longue date s’est donc transformé en vote de confiance ou de défiance envers le chef de l’État. Confronté à un vaste front du « non » désireux de le désavouer dans les urnes en rejetant les quinze réformes proposées, Sall a néanmoins remporté son pari : le 20 mars, le « oui » l’emportait, avec 62,6 % des voix.

138

Océan Atlantique

SÉNÉGAL Et maintenant les législatives!


L

2016 a été celle de la conva’ année lescence pour la Sierra Leone, qui

commence à peine à se relever des ravages de l’épidémie d’Ebola, dont la fin a été déclarée par l’OMS le 17 mars. Lancée sur la voie d’une croissance solide après la fin de la guerre civile, en 2002, l’économie du pays a été frappée de plein fouet par le virus, qui lui aurait coûté 1,4 milliard de dollars (environ 1,3 milliard d’euros), selon la Banque mondiale. Sur le plan politique, l’état d’urgence, levé progressivement en 2016, a été invoqué plusieurs fois pour entraver le droit de réunion des opposants, tandis que les membres du All People’s Congress (APC, au pouvoir) ont fréquemment eu recours aux lois sur la diffamation pour faire taire les accusations de corruption à leur encontre. Après une chute abyssale de 21,1 % en 2015, la croissance devait reprendre modérément en 2016, avec un taux de 4,3 %. Une hausse d’autant plus encourageante que le FMI prévoit une augmentation du PIB de 5 % en 2017. Dopée par la dépréciation du leone, la monnaie nationale, dont la valeur a peu de chances de remonter dans les prochaines années, l’inflation est toujours en hausse (9,7 % en 2016) et ne devrait pas beaucoup décroître en 2017 (9 %, selon le FMI). Malgré tout, le pays a gagné deux rangs dans le classement du Pnud selon l’indice de développement humain (181e sur 188 pays). La Sierra Leone a également subi le choc de la chute drastique des prix du fer, dont le pays dépend fortement. Conséquence : le secteur minier a essuyé la fermeture des sites exploités par les groupes London Mining (mis sous administration judiciaire) et African Minerals (repris en 2015 par le chinois Shandong Iron and Steel), entraînant une importante perte d’emplois. En 2017,

les investissements directs étrangers devraient principalement provenir de groupes chinois, à l’instar de Kingho, qui a placé 6 milliards de dollars dans un nouveau complexe minier en 2016. La Sierra Leone vise aussi les investisseurs turcs et français ; en février 2016, elle a ainsi décroché un contrat avec le groupe Bolloré pour mener les travaux d’extension du port de Freetown (120 millions d’euros). PLAGES. Le secteur touristique est quant à

lui au point mort depuis deux ans, malgré la richesse des paysages naturels du pays, qui commençait à séduire de plus en plus de visiteurs au lendemain de la guerre civile. Depuis Ebola, personne n’a vraiment osé s’envoler vers les plages édéniques de la Sierra Leone. Les recettes touristiques ne devraient pas décoller de sitôt, car il est probable que les craintes des touristes subsistent encore longtemps après l’élimination de l’épidémie… L’agriculture, enfin, a elle aussi été durement frappée par le virus. Le prix des denrées de base s’est envolé en raison des maigres récoltes, ralenties par les mesures de précaution restreignant les regroupements. La première phase du plan de redressement lancé en 2015 par le président Ernest Bai Koroma s’est achevée en avril 2016. Visant à endiguer les effets immédiats d’Ebola, cette phase a notamment permis la réouverture des écoles. Le président a annoncé que la deuxième étape de son plan se concentrerait sur la réhabilitation des services sociaux, avec pour but de reprendre en 2017 la trajectoire de « l’agenda pour la prospérité », stratégie de développement à moyen terme perturbée par l’éclatement de l’épidémie. Mais pour être mené à bien, ce plan requiert une

Ernest Bai Koroma veut relancer son « agenda pour la prospérité », perturbé par le virus Ebola.

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N O 45 L’AFRIQUE EN 2017

GUINÉE Makeni

SIERRA LEONE Freetown Kenema

LIBERIA Océan Atlantique

100 km

Population : 6,4 millions Croissance démographique : 2,2 % PIB par habitant : 666 $ Espérance de vie : 50,9 ans Alphabétisation : 48,43 % Inflation : 9,73 % Indice de développement humain (sur 188 pays) : 181e Investissements directs étrangers : 519 millions de $ Balance courante: – 16,24 % du PIB Taux de pénétration du téléphone mobile : 65 % Principale exportation : fer Dernier changement de président : 2007 Croissance du PIB (%)

4,6

4,3

5

4,4

4,3

4,4

2015*

2016*

2017*

-21,1

* ESTIMATION OCT. 2016

SIERRA LEONE Objectif redressement

PIB (milliards de $)

5 2014

coopération à l’échelle des districts ainsi qu’une plus grande transparence dans la gestion des ressources naturelles et des recettes fiscales. Le renforcement des infrastructures, la reprise des chantiers suspendus (notamment dans l’énergie) et la restructuration du secteur privé sont autant de défis à relever pour le gouvernement de Koroma, dont le dernier mandat doit s’achever avec l’élection présidentielle prévue en 2018. 139


TOGO Renouveau diplomatique Sokodé

à juillet 2000). La visite effectuée par le Premier ministre français, Manuel Valls, fin octobre 2016, est venue confirmer ce retour en grâce du Togo au sein de la communauté internationale. Mais pendant que Faure Gnassingbé s’active sur les questions économiques et diplomatiques, les débats autour des questions politiques, constitutionnelles et électorales font rage. L’opposition togolaise, avec à sa tête JeanPierre Fabre, leader de l’Alliance nationale pour le changement (ANC), réclame les réformes promises depuis des années. Las, à plusieurs reprises, les propositions formulées par l’opposition comme par le gouvernement ont été rejetées à l’Assemblée, où l’Union pour la République (Unir, le parti au pouvoir) est majoritaire. Cela a notamment été le cas en 2014, lorsque le gouvernement a déposé un projet de loi pour limiter le nombre de mandats présidentiels… La solution évidente semble être un référendum constitutionnel, et un projet de loi fondamentale issue d’une large concertation sera probablement soumis au vote populaire au second trimestre de 2017. Faure Gnassingbé, qui a placé le mandat présidentiel en cours (20152020) sous le sceau du social, n’aura pas la tâche facile car il doit faire face à une fronde menée par des associations de consommateurs et les enseignants face à un coût de la vie de plus en plus élevé. Le Programme d’urgence de développementcommunautaireestleprojet phare du quinquennat pour soulager les populations rurales et semi-urbaines, vulnérables. Ce plan, mis en œuvre avec l’aide de partenaires du développement, notamment le Pnud, doit permettre d’offrir des services sociaux de base et d’impliquer les acteurs locaux dans le développement RÉFORMES.

La visite du Premier ministre français a confirmé le retour en grâce du pays.

140

GHANA

Lac Volta

TOGO Lomé

200 km

Golfe de Guinée

Population : 7,5 millions Croissance démographique : 2,6 % PIB par habitant : 601 $ Espérance de vie : 59,7 ans Alphabétisation : 66,54 % Inflation : 2,10 % Indice de développement humain (sur 188 pays) : 162e Investissements directs étrangers : 53 millions de $ Balance courante : – 7,99 % du PIB Taux de pénétration du téléphone mobile : 62 % Principale exportation : or Dernier changement de président : 2005 Croissance du PIB (%)

5,4

5,4

5,3

5

PIB (milliards de $)

4,6

4,2

4,5

4,9

2014

2015*

2016

2017

économique et social de leurs communes. Croissance inclusive et développement social sont les objectifs à atteindre en un peu plus de deux ans. Le budget global de ce programme sur la période 2016-2018 est estimé à 250 millions de dollars (près de 230 millions d’euros). L’État investira 18 milliards de F CFA (27,4 millions d’euros) dès le départ et il restera à trouver les financements additionnels auprès des partenaires du Togo. JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N O 45 L’AFRIQUE EN 2017

* ESTIMATION OCT. 2016

esdernièresannées,legouvernement togolais a travaillé essentiellement à dynamiser l’économie du pays. Les investissements publics engagés dans le domaine des infrastructures (troisième quai au port autonome de Lomé, nouvelle aérogares, routes…) devraient doper la croissance, même si la pluviométrie très variable risque de freiner la vitalité de la filière agricole, secteur stratégique qui fait l’objet de toutes les attentions de l’État via son Programme national d’investissement agricole et de sécurité alimentaire. La poursuite des réformes pour renforcer les règles de la concurrence dans les branches de l’hôtellerie, de l’électricité, des banques et des télécoms devrait aussi soutenir la croissance. Après 5,4 % en 2015, celle-ci devait s’établir à 5,3 % en 2016, selon le FMI, qui table sur un taux de 5 % en 2017. Le pays est par ailleurs en bonne voie pour satisfaire aux critères du Millennium Challenge Account, un programme du gouvernement américain qui a pour ambition de permettre à certains pays émergents d’être notés selon des indicateurs de croissance spécifiques et d’avoir accès à un financement non remboursable en cas d’éligibilité, à condition qu’ils fassent des efforts de gouvernance dans toutes les sphères de la vie socio-économique. Outre la bataille de l’économie, les autorités togolaises se sont lancé un autre défi: celui de repositionner le pays sur la scène continentale à travers une diplomatie active orchestrée par le président Faure Gnassingbé lui-même. Le sommet de l’UA sur la sécurité maritime et le développement en Afrique, le 15 octobre 2016 à Lomé, a replacé le Togo sur la carte des pays hôtes des rencontres continentales (le dernier sommet de cette envergure organisé dans le pays remontait

NIGERIA

C

BÉNIN




AFRIQUE CENTRALE

144 145 146 147 148

Continuité ou immobilisme?

P

resque tous les pays de la sous-région ont connu une élection présidentielle en 2016. Si les scrutins se sont soldés par des changements de tête en Centrafrique (avec l’arrivée au pouvoir de Faustin-Archange Touadéra) et à São Tomé-et-Príncipe (avec Evaristo Carvalho), la continuité a été de mise au Congo, au Tchad, en Guinée équatoriale et au Gabon, où les présidents Sassou Nguesso, Déby Itno, Obiang Nguema et Bongo Ondimba ont été réélus, parfois non sans heurts. À Brazzaville et à Libreville, notamment, les chefs d’État devront s’employer, en

NIGER

TCHAD Lac Tchad

BURKINA FASO BÉ NIN GHANA CÔTE D’IVOIRE

150 SÃO TOMÉET-PRÍNCIPE 151 TCHAD

ÉGYPTE

LIBYE

MALI

149 GUINÉE ÉQUATORIALE

2017, à renouer les fils du dialogue avec l’opposition et une partie de la population. « Continuité » aussi en RD Congo, où l’élection suprême a été reportée à 2018 alors que le mandat de Joseph Kabila se terminait en décembre 2016… À Kinshasa, il ne s’agit donc pas de réparer les conséquences d’une élection, mais d’éviter que la situation ne dégénère avant l’échéance. On le voit : un peu partout en Afrique centrale, la contestation monte peu à peu – même au Cameroun, où Paul Biya, au pouvoir depuis 1982, pourrait se représenter en 2018.

ALGÉRIE

MAURITANIE

ÉRYTHRÉE SOUDAN

Abéché

N’Djamena

DJIBOUTI

NIGERIA

É THIOPIE

TOGO

CAMEROUN

LIBERIA Malabo

Douala

Yaoundé

SÃO TOMÉET-PRíNCIPE

Libreville Port-Gentil

GABON

CENTRAFRIQUE

CONGO

SOMALIE

Kisangani

Mbandaka

Brazzaville

Pointe-Noire

SOUDAN DU SUD

Bangui

GUINÉE ÉQUAT. São Tomé

CAMEROUN CENTRAFRIQUE CONGO RD CONGO GABON

Goma

RD CONGO

Bukavu

Kinshasa

OUGANDA

KENYA

RWANDA BURUNDI TANZANIE

Matadi Océan Atlantique Lubumbashi 300 km

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N O 45 L’AFRIQUE EN 2017

ANGOLA

ZAMBIE

MALAWI

MOZAMBIQUE

143


d’infrastructures.Yaoundédoitnéanmoins rationaliser les investissements publics et mieux orienter ses dépenses. Lutte contre le groupe islamiste nigérian BokoHaram oblige, lesdépensesmilitaires ont quasiment doublé entre 2014 et 2016, passant de 320 millions à 640 millions de dollars (environ 606 millions d’euros). Une hausse qui se justifie par les besoins en équipements des militaires et le renforcement de contingents d’élite comme la Brigade d’intervention rapide (BIR). Bien que les combats contre Boko Haram, qui ont fait 1 500 morts en deux ans, aient baissé d’intensité en 2016, quelque 8 500 militaires sont présents dans l’Extrême-Nord, ce qui représente un septième des effectifs de l’armée camerounaise. Dans son dernier rapport sur le Cameroun, l’International Crisis Group (ICG) regrette que seul un traitement militaire soit réservé au problème Boko Haram, alors que sa facture sociale est particulièrement salée. Le conflit a contribué au délitement du tissu économique de l’Extrême-Nord en causant la faillite de dizaines de milliers de commerçants qui dépendaient des échanges avec le Nigeria. Les destructions d’écoles, d’hôpitaux, de bâtiments et parfois de villages entiers, ainsi que le vol de bétail et l’arrêt du tourisme ont asséché les finances de la région. Une situation potentiellement porteuse de tensions, au regard notamment des conditions de vie des 155 000 déplacés et 73 000 réfugiés. Différents foyers de contestation sociale sont apparus en divers points du pays, faisant craindre un effet de contagion. Mi-novembre 2016, en pleine Coupe d’Afrique des nations féminine de football (CAN), Yaoundé a été paralysée par une grève des employés de la société de transport urbain Le Bus, qui réclamaient

La limitation des mandats ayant été abrogée en 2008, le chef de l’État peut se représenter.

INFRASTRUCTURES. Sur le plan économique, malgré un contexte mondial peu favorable (stagnation dans les pays de l’OCDE, décélération de la croissance en Chine et dans plusieurs pays émergents, baisse des cours du pétrole), le Cameroun devait enregistrer une croissance de 4,8 % en 2016, principalement grâce au secteur secondaire. Fort d’une économie diversifiée dans l’agriculture, la sylviculture, la construction, l’industrie et le pétrole, le pays devrait poursuivre ses grands projets

144

TCHAD

Garoua 200 km

CAMEROUN Douala Golfe de Guinée

CENTRAF.

Yaoundé

GUINÉE ÉQU. GABON

Population : 23,7 millions Croissance démographique : 2,5 % PIB par habitant : 1 303 $ Espérance de vie : 55,5 ans Alphabétisation : 74,99 % Inflation : 2,2 % Indice de développement humain (sur 188 pays) : 153e Investissements directs étrangers : 620 millions de $ Balance courante : – 4,2 % du PIB Taux de pénétration du téléphone mobile : 70 % Principale exportation : hydrocarbures Dernier changement de président : 1982 Croissance du PIB (%)

5,9

5,8

4,8

4,2

PIB (milliards de $)

32,1

28,5

30,9

33,1

2014

2015*

2016*

2017*

le paiement de leurs arriérés de salaire : 48 grévistes ont été arrêtés. Enfin, à la faveur des manifestations d’enseignants et d’avocats du nord-est du pays, l’épineuse question anglophone, qui couvait sous les cendres, a brutalement ressurgi, contraignant le gouvernement à envisager des discussions : les anglophones se plaignent d’être les laissés-pour-compte de l’État camerounais, certains appelant même à faire sécession. JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N O 45 L’AFRIQUE EN 2017

* ESTIMATION OCT. 2016

E

n 2017, les Camerounais n’échapperont pas aux manœuvres de précampagne et aux nécessaires clarifications concernant l’élection présidentielle prévue en 2018. Début 2016, certains partisans du président Paul Biya, 83 ans, lui ont proposé d’avancer le scrutin à 2017. Le chef de l’État ne s’est pas prononcé, mais il devrait vraisemblablement décider d’aller jusqu’au terme de son septennat. Reste à savoir s’il sera candidat ou non à sa propre succession. Après la modification constitutionnelle de 2008 qui a abrogé la limitation des mandats, il peut se représenter s’il le souhaite. Peu d’obstacles sont susceptibles d’entraver un tel projet, d’autant que le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC, au pouvoir) lui accordera sans doute son investiture. Selon ses statuts, le président du parti en est en effet le « candidat naturel ». En revanche, il n’est pas exclu que des personnalités issues de la société civile essaient de bousculer les partis traditionnels pour se présenter. L’opposition va elle aussi faire son aggiornamento. Au Social Democratic Front (SDF), un débat monte : John Fru Ndi va-t-il se retirer pour laisser des jeunes relancer cette formation dont les résultats électoraux baissent d’année en année ?

NIGERIA

CONGO

CAMEROUN Biya candidat ?


CENTRAFRIQUE Place à la reconstruction

Maintenir la paix sera le plus granddéfidesnouvellesautorités.Soumise àunembargosurlesarmes,laCentrafrique dépend toujours de l’extérieur pour sa sécurité. Déployés en décembre 2013, les 2 000 Français de l’opération Sangaris ont passé le relais à la mission de l’ONU, la Minusca. Forte de 12 000 hommes, celleci a aussi pour mission d’assister la remise en ordre de l’armée centrafricaine. En juillet 2016 a en outre été lancée la mission européenne EUTM-RCA, dans le cadre de laquelle entre 160 et 180 professionnels forment les Forces armées centrafricaines. Il est primordial, pour éviter tout retour des hostilités, que la mise en œuvre du programme de désarmement, démobilisation et réinsertion se fasse le plus rapidement possible. Faustin-Archange Touadéra en a fait l’un des axes majeurs de sa politique. Il bénéficie de l’assistance financière et logistique des Nations unies et de la communauté internationale en général, mais il devra trouver la formule magique pour que ce programme maintes et maintes fois expérimenté porte cette fois ses fruits. Les différentes factions de l’ex-coalition Séléka EMBARGO.

La relance de l’économie ne pourra se faire sans l’aide de la communauté internationale.

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N O 45 L’AFRIQUE EN 2017

CENTRAFRIQUE

SOUDAN DU SUD

Berberati Bangui

RD CONGO CONGO

300 km

Population : 4,9 millions Croissance démographique: 2 % PIB par habitant : 364 $ Espérance de vie : 50,7 ans Alphabétisation : 36,75 % Inflation : 4 % Indice de développement humain (sur 188 pays) : 187e Investissements directs étrangers : 3 millions de $ Balance courante: – 10,01 % du PIB Taux de pénétration du téléphone mobile : 29 % Principale exportation : diamants Dernier changement de président : 2016 Croissance du PIB (%) 4,8

1

5,2

5,5 * ESTIMATION OCT. 2016

communauté internationale. La poursuite des programmes de la Banque mondiale et du FMI sont en ce sens à saluer. Le FMI et le gouvernement centrafricain se sont ainsi accordés, à la fin de mai 2016, sur un prêt d’environ 68 milliards de F CFA (soit plus de 100 millions d’euros) sur trois ans. Pour bénéficier de cette facilité élargie de crédit, Bangui s’est engagé à suivre un programme de réformes visant un « large éventail de politiques économiques et financières ». L’aide du FMI devrait en partie contribuer à combler le déficit du pays, estimé à 48,2 milliards de F CFA sur un budget total de 250 milliards de F CFA.

CAMEROUN

A

près plus de trois ans de conflits, la Centrafrique a finalement tourné la page d’une transition interminable. Les élections présidentielle (décembre 2015-février 2016) et législatives (févriermars 2016) se sont déroulées dans le calme, et le pays dispose désormais d’un président et d’une Assemblée nationale reflétant la volonté du peuple. FaustinArchangeTouadéral’alargementemporté, avec plus de 60 % des suffrages et à la surprise générale : il ne faisait pas partie des trois favoris, Martin Ziguélé, AnicetGeorges Dologuélé et Karim Meckassoua. La tâche qui lui est confiée est immense. Il faut tout reconstruire, à commencer par une économie meurtrie par des années d’instabilité. Selon le FMI, le taux de croissance devait s’établir à 5,2 % en 2016 et pourrait se maintenir entre 5,4 % et 5,9 % jusqu’en 2021… à condition toutefois que la situation sécuritaire continue de s’améliorer et qu’on réussisse à intégrer les anciens combattants. La levée partielle de l’embargo sur les diamants, en juin 2015, est en cela une bonne chose, même si la filière est toujours sous surveillance en raison du trafic illégal des pierres de la guerre qui se poursuit au profit des chefs rebelles. La levée concerne seulement la zone de la Mambéré-Kadéï (Ouest), où l’exportation a officiellement repris en juin 2016. L’industrie du diamant fournit habituellement 51 % des recettes d’exportation de la Centrafrique. Sécuriser la circulation des marchandises, notamment dans le corridor menant au Cameroun, est une autre priorité. La situation est aujourd’hui bien meilleure qu’aux pires heures de la crise, mais le banditisme, le racket et les kidnappings sont encore trop courants. Le redémarrage de l’économie ne pourra s’effectuer sans l’aide de la

SOUDAN

TCHAD

PIB (milliards de $)

1,7

1,6

1,8

2

2014

2015

2016*

2017*

sont globalement réticentes; certains chefs sont portés par le goût de l’affairisme, d’autres tentent de porter les revendications politiques d’un Nord délaissé depuis des années par le pouvoir central. Il faut donc reconstruire un État à l’abandon et une nation centrafricaine minée par des conflits permanents depuis son indépendance. L’équilibre de la paix reste extrêmement fragile. La moindre étincelle et le feu repart de plus belle. 145


CONGO Climat tendu

CAMEROUN 200 km

RUPTURE. En attendant, la diversification

de l’économie congolaise s’impose. Les seuls revenus du pétrole ne suffisent plus au fonctionnement de l’État. La nouvelle république, qui prône la « rupture », a inscrit de nouveau l’agriculture parmi ses priorités – comme dans les années 1980, lorsque l’autosuffisance alimentaire était encore une réalité au Congo. Aujourd’hui, le pays dépense jusqu’à 300 milliards de F CFA (plus de 450 millions d’euros) pour importer des produits alimentaires… C’est l’un des principaux défis sur la table du nouveau Premier ministre, Clément Mouamba, désigné par le chef de l’État pour conduire la première équipe de ce nouveau quinquennat. Ce technocrate, passé par la Banque internationale du Congo (BIDC) et la Banque commerciale du Congo (BCC), est aussi attendu sur le terrain social. Au fil des années et surtout avec la nouvelle crise économique (le pays a réduit son budget de 10 % en 2016), le Congo ne cesse d’enregistrer un taux élevé de pauvreté, un chômage important et de fortes inégalités sociales. Pis, des services publics ont souvent été privatisés par ceux qui en avaient la gestion. Conséquence : gabegie, concussion et corruption. Le pari du nouveau chef du gouvernement: mettre fin à tous ces maux dans un climat politique qui demeure par ailleurs tendu. Des opposants sont assignés à résidence, d’autres sont inculpés. C’est le cas du général Jean-Marie Mokoko, arrivé troisième au scrutin présidentiel (il rejette

Après le scrutin de mars 2016, des bruits de bottes se sont fait entendre dans le Pool.

146

CONGO

GABON Pointe- Brazzaville Noire

RD CONGO

ANGOLA

Population : 4,5 millions Croissance démographique : 2,5 % PIB par habitant : 1 980 $ Espérance de vie : 62,6 ans Alphabétisation : 79,31 % Inflation : 4,04 % Indice de développement humain (sur 188 pays) : 136e Investissements directs étrangers : 1 486 millions de $ Balance courante : – 8,24 % du PIB Taux de pénétration du téléphone mobile : 104 % Principale exportation : hydrocarbures Dernier changement de président : 1997 Croissance du PIB (%)

6,8

2,3

1,7

5

PIB (milliards de $)

13,6 2014

8,8

8,8

10,3

2015*

2016*

2017*

les résultats officiels): il est poursuivi pour « atteinte à la sûreté de l’État ». L’opposition exige sa libération et appelle le pouvoir à organiser un « dialogue inclusif » qui puisse aboutir à un nouveau « compromis politique ». Sera-t-elle entendue? En tout cas, une décrispation de l’environnement politique est nécessaire pour que le Congo aborde sereinement les prochaines échéances électorales. Des législatives sont prévues en juillet 2017. JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N O 45 L’AFRIQUE EN 2017

* ESTIMATION OCT. 2016

Woods, le taux de croissance devrait rester modéré à moyen terme, avec des projections comprises entre 1,6 % et 5 % jusqu’en 2020. L’entrée en exploitation d’un nouveau gisement de pétrole, en 2018, pourrait néanmoins faire mentir ces prévisions.

Océan Atlantique

P

our se maintenir au pouvoir, Denis Sassou Nguesso a lancé un référendum constitutionnel qui a abouti, fin 2015, au changement de la loi fondamentale, puis, l’année suivante, à l’élection présidentielle. Réélu le 20 mars 2016 à l’issue d’un scrutin controversé, le voilà donc reparti pour un mandat de cinq ans, renouvelable deux fois, suivant les dispositions de la nouvelle Constitution. Le président a réussi son coup. Mais la nouvelle République a démarré avec une crise politique, l’opposition ayant contesté la victoire du chef de l’État sortant. Dans la foulée, des bruits de bottes et, surtout, des crépitements d’armes automatiques – voire des bombardements – se sont fait entendre dans le Pool, département situé dans le sud du pays. Dans le viseur des forces gouvernementales : le pasteur Ntumi et ses hommes. L’ancien chef rebelle, démis de ses fonctions de délégué général attaché à la présidence au lendemain de l’élection, s’était rapproché du candidat malheureux Guy Brice Parfait Kolélas, fils de l’ex-Premier ministre et ancien chef des Ninjas Bernard Kolélas. En 1999, Ntumi avait pris le commandement de ces miliciens traqués par le pouvoir, avant de relancer les hostilités contre le camp Sassou. Cette fois-ci, l’insurrection de « l’homme de Dieu » spécialisé dans la « guérison miracle » des malades mentaux a été étouffée dans l’œuf. Le Congo échappe de justesse à ses vieux démons. Mais le pays reste confronté à la crise économique, accélérée depuis la chute des prix du baril de brut. Selon le FMI, la croissance du PIB devait atteindre 1,7 % en 2016, contre 2,3 % l’année précédente. Et les perspectives pour les prochaines années sont loin de la performance de 2014 (6,8 %). Selon l’institution de Bretton

CENTRAFRIQUE


RD CONGO Avis de tempête

TCHAD

GABON

Le régime du capitaine Kabila sera-t-il assez solide pour traverser sans encombre l’année 2017?

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N O 45 L’AFRIQUE EN 2017

DÉFIANCE. Dans le cas contraire, la

défiance pourrait baisser d’intensité, mais elle ne disparaîtra certainement pas. Sa persistance dépendra en grande partie de la solidité de l’alliance entre Katumbi et Tshisekedi. Les deux principaux opposants, accompagnés d’une myriade d’autres, ont en effet réussi à créer un « Rassemblement » à Genval (Belgique), en juin 2016. Dans un pays où les querelles d’ego tiennent souvent lieu de débat politique, ce fut une avancée historique pour l’opposition. Mais celle-ci sera mise à rude épreuve d’ici à la présidentielle, entre le risque de résurgence des ambitions personnelles et les tentatives de débauchage du pouvoir. Enfin, l’état de l’économie ajoute au péril de la situation. La chute des cours des matières premières a provoqué un net ralentissement de la croissance et une hausse de l’inflation. Pour le budget de

Kinshasa

RD CONGO

400 km

RWANDA BURUNDI

TANZANIE Lubumbashi

ANGOLA

ZAMBIE

MALAWI

Population : 84,1 millions Croissance démographique : 3,1 % PIB par habitant : 489 $ Espérance de vie : 58,7 ans Alphabétisation : 77,22 % Inflation : 1,67 % Indice de développement humain (sur 188 pays) : 176e Investissements directs étrangers : 1 674 millions de $ Balance courante : – 0,77 % du PIB Taux de pénétration du téléphone mobile : 41 % Principale exportation : cuivre Dernier changement de président : 2001 Croissance du PIB (%) 6,9 3,9 9,5

4,2

* ESTIMATION OCT. 2016

pourvu qu’elles aboutissent à une élection crédible. On les voit mal, en tout cas, soutenir une contestation violente. Or les manifestations de rue, en particulier à Kinshasa, sont précisément l’autre grand motif d’inquiétude. Jusqu’à présent, celles-ci ont pu être contenues, au besoin par de violentes répressions policières. Les mouvements citoyens inspirés de ceux du Burkina et du Sénégal n’ont pour l’instant pas pris en RD Congo. En l’absence de l’opposant Moïse Katumbi, contraint à l’exil par une condamnation – opportune pour le pouvoir et contestée – à trois ans de prison, la lutte ne peut être menée que par les partisans de l’opposant Étienne Tshisekedi, 84 ans. Ils promettaient une insurrection suivie d’une transition pour le 19 décembre. Réussirontils ce qu’ils n’ont pas pu obtenir en quatre décennies d’opposition? Cela reste à voir.

SOUDAN DU SUD

Kisangani Goma OUGANDA

Océan Atlantique

D

epuis deux ans, la crise politique se profilait en RD Congo comme l’iceberg devant le Titanic. Le choc est désormais imminent et un virage de dernière minute impossible: le 19 décembre 2016, le dernier mandat constitutionnel du président Joseph Kabila devait expirer, sans qu’un successeur n’ait été élu. À cause de l’impréparation de l’exécutif, du manque de volonté politique et de l’inertie du paquebot RD Congo, le scrutin présidentiel ne sera probablement pas organisé en 2017 non plus. L’accord signé entre la majorité et une partie de l’opposition, en octobre 2016, évoque une échéance d’ici à avril 2018. Tout l’enjeu de l’année à venir est donc de savoir si le régime du capitaine Kabila est assez solide pour la traverser sans encombre. Le pouvoir a certes fait tout son possible pour border légalement son maintien dans l’intervalle : il a obtenu deux décisions favorables – mais controversées – de la Cour constitutionnelle. Il a également fait le nécessaire pour s’attirer la bienveillance des principaux acteurs régionaux, même si la fermeté de leur soutien paraît toujours incertaine. Reste deux forces principales qu’il n’a pas pu amadouer. LesOccidentaux,d’abord,quimenacent de renforcer leurs sanctions. Les gels d’avoirs, décrétés par l’administration Obama contre certains sécurocrates, ont inquiété l’ensemble des dignitaires du régime. Mais il faudra voir comment le départementd’ÉtatversionDonaldTrump poursuivra ces pressions. Dans tous les cas, la crainte principale des Occidentaux reste une nouvelle déstabilisation de ce pays-continent si fragile. Mis devant le fait accompli de cette transition, ils pourraient accepter des concessions et préféreront très certainement des négociations,

CON GO

CENTRAFRIQUE

PIB (milliards de $)

35,9

38,4

39,8

41,9

2014*

2015*

2016*

2017*

l’État et pour ceux qui en vivent, comme pour une population déjà éprouvée, l’impact se fait durement sentir. Le départ, en novembre 2016, du Premier ministre Matata Ponyo Mapon, principal architecte de la stabilité économique depuis 2010, rend le climat encore plus incertain. Son successeur, Samy Badibanga, devra faire preuve d’un doigté exceptionnel pour manœuvrer entre ces multiples obstacles. 147


R

emettre les Gabonais au travail, tel sera le défi que devront relever les autorités dans les mois qui viennent. Et ce n’est pas gagné d’avance, alors que le pays traverse une crise politique consécutive à l’élection présidentielle du 27 août 2016. Outrancière et verbalement violente, la campagne semble avoir durablement fracturé le pays. Selon les résultats officiels, le président sortant, Ali Bongo Ondimba, a été réélu avec 50,66 % des voix, au détriment de son principal concurrent, Jean Ping (47,24 %), qui n’a pas reconnu sa défaite et l’a contestée devant la Cour constitutionnelle, en vain. Néanmoins, il poursuit inlassablement une intense activité diplomatique visant à obtenir le soutien de la communauté internationale et l’isolement du président. Parallèlement, la situation sociale demeure agitée. Les syndicats des fonctionnaires et ceux des travailleurs d’autres secteurs menacent de se mettre en grève, tandis que la Banque postale, qui conserve l’épargne d’une majorité de ménages à faibles revenus, est proche du dépôt de bilan. Aux tensions politiques persistantes s’ajoute une crise économique liée à la baisse des cours du pétrole. L’or noir, qui représente 50 % des recettes budgétaires et 80 % des exportations, demeure la principale ressource de l’État. Depuis 2014, après que ses cours ont chuté de moitié, le brut n’est pas remonté comme espéré. Début novembre, il se traînait encore à 46 dollars (41,50 euros) le baril. Dans le budget 2017 (2 477,5 milliards de F CFA, soit près de 3,8 milliards d’euros), les prévisions de recettes pétrolières sont en baisse de 122,1 milliards de F CFA par rapport à 2016. Élaboré avec l’hypothèse d’un baril à moins de 40 dollars, le budget présente à la baisse la plupart de

ses postes de recettes. Conséquence: une chute de l’investissement public, auquel l’État va consacrer une enveloppe de 392,1 milliards de F CFA, soit une baisse de 170,6 milliards de F CFA par rapport à 2016. Cela va avoir des effets néfastes sur les secteurs du BTP, des services et du commerce. Il est donc impératif que le gouvernement réduise la dépense publique par des mesures d’économie visant, par exemple, à baisser le train de vie de l’État. Car le déficit budgétaire (2,8 % en 2016, selon le FMI) est susceptible de se creuser davantage, notamment à cause des investissements liés à l’organisation de la Coupe d’Afrique des nations de football (CAN), du 14 janvier au 5 février 2017. Pour combler ce « trou », le Gabon va probablement puiser dans ses avoirs déposés à la Beac et se financer notamment sur le marché régional de la dette.

Verbalement violente, la campagne de 2016 semble avoir durablement fracturé le pays.

148

DÉPENDANCE. Ces difficultés contextuelles contrarient les ambitions d’émergence d’Ali Bongo Ondimba. Le président misait sur la diversification de l’économie et sur l’afflux des investissements directs étrangers pour sortir son pays de la dépendance pétrolière. Le cadre juridique a été réajusté pour améliorer l’attractivité du pays, et cette politique avait commencé à porter ses fruits. La part du pétrole est passée de 50 % du PIB en 2008 à moins d’un tiers aujourd’hui. Selon le rapport « Doing Business » de la Banque mondiale, le niveau d’investissement moyen du secteur privé hors pétrole a progressé de 66 % entre 2005 et 2015. En dépit de ces bonnes nouvelles, le Gabon reste vulnérable aux aléas du marché du brut. Dans ces conditions, les autorités attendent, non sans optimisme, que

CAMEROUN GUINÉE ÉQUATORIALE Océan Atlantique

Libreville

Port-Gentil

GABON Franceville

CONGO 100 km

Population : 1,9 million Croissance démographique : 2,2 % PIB par habitant : 7 741 $ Espérance de vie : 64,4 ans Alphabétisation : 83,24 % Inflation : 2,5 % Indice de développement humain (sur 188 pays) : 110e Investissements directs étrangers : 624 millions de $ Balance courante : – 5,26 % du PIB Taux de pénétration du téléphone mobile : 214 % Principale exportation : hydrocarbures Dernier changement de président : 2009 Croissance du PIB (%) 4,3 4 3,2

4,5

PIB (milliards de $)

18,2 2014*

14,3

14,6

15,9

2015*

2016*

2017*

passe l’orage. Les programmes de grands travaux sont maintenus et la très offensive politique agricole Graine va se poursuivre, avec pour objectif d’atteindre à moyen terme l’autosuffisance alimentaire. Reste à apaiser les tensions et à faire dialoguer la classe politique. Car si la dégradation du climat politique devait perdurer, cela pourrait perturber le climat des affaires. Sans visibilité à long terme, les investisseurs s’en iront chercher fortune ailleurs. JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N O 45 L’AFRIQUE EN 2017

* ESTIMATION OCT. 2016

GABON Besoin d’apaisement


C

reparti pour sept ans ! Réélu le ’ est24 avril 2016 avec près de 93,7 %

des suffrages, le président Teodoro Obiang Nguema Mbasogo n’aura laissé aucune chance à ses adversaires. Sa large victoire a montré que le pays n’est toujours pas engagé sur la voie d’un multipartisme efficient, malgré la myriade de partis autorisés et la volonté d’ouverture affichée dans les médias. Et la montée en puissance de son successeur putatif, son fils Teodoro Nguema Obiang Mangue (Teodorín), directeur d’une campagne à l’issue de laquelle il a éténommépremiervice-président,accentue le malaise au sein d’une population qui ne sait à quel saint se vouer: d’un côté des opposants qui, pour la plupart, se sont illustrés par des allers-retours entre la majorité et l’opposition ; de l’autre les caciques du Parti démocratique de Guinée équatoriale (PDGE, au pouvoir), qui font bloc autour de la famille Obiang depuis le coup d’État de l’actuel président, il y a trente-sept ans. D’un point de vue économique, si, jusqu’à il y a deux ans, le prix élevé du pétrole avait donné à la Guinée équatoriale, quatrième producteur de brut d’Afrique subsaharienne, une marge de manœuvre confortable, la dégringolade des cours a plongé le pays dans une récession inquiétante. Selon une note du FMI datée du 8 septembre 2016, l’activité du secteur pétrolier a connu un recul de 8,9 % en 2015, en grande partie à cause des coupes budgétaires imposées par les opérateurs, qui ont conduit à une chute de la production. Après une baisse de 7,4 % en 2015, le PIB devait encore reculer de 9,9 % en 2016. Le FMI note néanmoins que les ajustements fiscaux réalisés ont permis de réduire le déficit général à 3,2 % du PIB en 2015, contre 4,9 % en 2014. En avril 2016,

Obiang confiait à JA avoir « ajusté » les dépenses en fonction de la baisse des revenus pétroliers (qui représentent 95 % des ressourcesfinancièreséquato-guinéennes) et que cette mauvaise conjoncture n’aurait « aucune incidence » sur la bonne marche du pays et sur les projets lancés. Mais il avouait : « Nous devons travailler à la diversification de notre économie. » IMMUNITÉ. Mais l’année 2017 sera surtout

marquée par le feuilleton judiciaire qui oppose Malabo à Paris sur les biens mal acquis imputés à Teodorín. À la suite d’un recours équato-guinéen auprès de la Cour internationale de justice (CIJ), à La Haye (Pays-Bas), l’ouverture du procès auprès du tribunal correctionnel de Paris a été repoussée au 4 janvier 2017. Les défenseurs de Malabo estiment que Teodorín, de par son titre de vice-président, bénéficie d’une immunité diplomatique. Le statut de l’hôtel particulier acquis par ce dernier avenue Foch, à Paris, et qui sert aujourd’hui d’ambassade, fait également débat. Les relations avec la France restent tendues malgré le rapprochement esquissé ces deux dernièresannées.LePremier ministre français, Manuel Valls, avait d’ailleurs reçu Obiang en audience en marge de la COP21, fin 2015. Serein, le chef de l’État équato-guinéen nous confiait : « Il n’y a pas de malaise. Le président François Hollande a promis de me recevoir. » Est-il toujoursaussiconfiant?Enoctobre2016,la saisie d’un Boeing de la compagnie Ceiba International à Lyon, avec à son bord le président (qui se rendait à Genève), afin de faire appliquer une décision de justice dans un conflit commercial opposant Malabo à l’opérateur Orange a mis de l’huile sur le feu. Afin de récupérer l’appareil et après plusieurs jours de négociation,

Le procès de Teodorín dans l’affaire des « biens mal acquis » doit s’ouvrir en janvier à Paris.

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N O 45 L’AFRIQUE EN 2017

Malabo

CAMEROUN

BIOKO Bata

GUINÉE ÉQUATORIALE

Océan Atlantique

GABON 50 km

Population : 0,8 million Croissance démographique: 2,9 % PIB par habitant : 14 176 $ Espérance de vie : 57,6 ans Alphabétisation : 95,2 % Inflation : 1,45 % Indice de développement humain (sur 188 pays) : 138e Investissements directs étrangers : 316 millions de $ Balance courante : – 11,75 % du PIB Taux de pénétration du téléphone mobile : 67 % Principale exportation : hydrocarbures Dernier changement de président : 1979 Croissance du PIB (%)

-0,5

-7,4

-9,9

-5,8

* ESTIMATION OCT. 2016

GUINÉE ÉQUATORIALE Le feuilleton continue

PIB (milliards de $)

21,5 2014*

13,8

11,6

11,5

2015*

2016*

2017*

l’État a finalement accepté de régler la note en plusieurs tranches. Montant : entre 130 millions et 150 millions d’euros. Sur la scène internationale, Obiang peut cependant compter sur le soutien de partenaires au Moyen-Orient. La préparation du quatrième Sommet afro-arabe, organiséàMalabofinnovembre2016,aété l’occasion pour lui de se rendre en Arabie saoudite puis au Koweït, où un accord de coopération renforcée a été signé. 149


SÃO TOMÉ-ET-PRÍNCIPE

P

atrice Trovoada, Premier ministre de São Tomé-et-Príncipe depuis 2014 (après deux premiers passages à la tête de l’exécutif en 2008 puis de 2010 à 2012), a désormais les mains libres. L’élection présidentielle d’août 2016 lui a en effet permis de faire coup double : d’une part mettre fin à la cohabitation après la victoire écrasante d’Evaristo Carvalho (74 ans), candidat de son parti, l’Action démocratique indépendante (ADI) ; d’autre part chasser du pouvoir l’ancien président, Manuel Pinto da Costa (79 ans), dont la défaite devrait signer la fin d’une longue carrière politique. L’élection fut rocambolesque : après avoir annoncé la victoire du candidat de l’ADI dès le premier tour, fin juillet 2016, la commission électorale a fait marche arrière, organisant finalement un second tour le 7 août pour départager Carvalho et le chef de l’État sortant… qui a finalement décidé de boycotter le scrutin. Selon les résultats proclamés par le Tribunal constitutionnel, Evaristo Carvalho, seul en lice, a donc remporté 41 820 voix, pour 1 522 bulletins blancs et 7 884 votes nuls. Si le score est très confortable, son élection est toutefois entachée d’une lourde abstention : près de la moitié des 111 222 électeurs inscrits ne se sont pas déplacés pour glisser leur bulletin dans l’urne. Cette victoire est avant tout symbolique, la Constitution n’accordant qu’un rôle d’arbitre au président de São Tomé-et-Príncipe. Dans les faits, le pouvoir est détenu par le Premier ministre. Reste que, avec la fin de la cohabitation, Patrice Trovoada (54 ans) a désormais les coudées franches pour poursuivre les réformes engagées. Car dans cet archipel de plus de 200 000 habitants miné par la pauvreté et dont le PIB dépend en grande majorité des bailleurs de

fonds internationaux, les chantiers ne manquent pas. À commencer par l’un des plus gros projets, le port en eau profonde, dont la facture a été chiffrée à 800 millions de dollars (environ 730 millions d’euros) et pour lequel le groupe China Harbour Engineering Company a promis d’investir 120 millions de dollars. À Fernão Dias, dans le nord de l’île de São Tomé, cette nouvelle infrastructure devrait participer au désenclavement du pays tout en développant les activités de transbordement. Le port pourrait être opérationnel d’ici à 2019, à condition que les financements voient le jour. Pour séduire les armateurs comme les investisseurs, le gouvernement mise autant sur sa position stratégique au sein du golfe de Guinée que sur de généreux coups de pouce fiscaux. « Il ne faudrait pas que l’on s’imagine que São Tomé-et-Príncipe est un État voyou qui pratique l’offshore et que nous perdions notre crédibilité », précisait toutefois Patrice Trovoada dans un entretien accordé à JA en avril 2016. Autre grand chantier, l’exploration des réserves pétrolières, qui semble prometteuse au sein de la zone économique exclusive de São Tomé-et-Príncipe comme dans la Joint D evelopment Z one située entre le Nigeria et l’archipel. Mais avec des coûts de prospection prohibitifs et l’effondrement des cours de l’or noir, l’exploration pétrolière, véritable serpent de mer, pourrait bien rester au point mort. En attendant, le gouvernement santoméen mise de plus en plus sur la nature luxuriante et les plages paradisiaques des « îles chocolat ». En 2014, ils étaient un peu plus de 18 000 visiteurs à débarquer COUPS DE POUCE.

Pour éviter l’écueil du tourisme de masse, le pays mise sur une clientèle haut de gamme.

150

PRÍNCIPE

São Tomé

SÃO TOMÉET-PRÍNCIPE SÃO TOMÉ Océan Atlantique 5 km

Population : 0,2 million Croissance démographique : 2,1 % PIB par habitant : 1 690 $ Espérance de vie : 66,5 ans Alphabétisation : 91,75 % Inflation : 3,88 % Indice de développement humain (sur 188 pays) : 143e Investissements directs étrangers : 28 millions de $ Balance courante: – 12,65 % du PIB Taux de pénétration du téléphone mobile : 64 % Principale exportation : cacao Dernier changement de président : 2016 Croissance du PIB (%)

4,5 4

4

5

PIB (milliards de $)

0,3

0,3

2014

2015

0,4

0,4

2016*

2017*

à l’aéroport de São Tomé – deux fois plus qu’en 2010 – pour profiter de ces paysages de carte postale. En quelques années, le tourisme est donc devenu l’un des principaux moteurs de croissance du pays et une priorité du gouvernement Trovoada, qui mise sur une clientèle haut de gamme pour éviter l’écueil du tourisme de masse. Reste désormais à diversifier les acteurs et à trouver le bon équilibre pour en faire profiter un maximum de Santoméens. JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N O 45 L’AFRIQUE EN 2017

* ESTIMATION OCT. 2016

Port, pétrole et plage


TCHAD La contestation monte

La veille de l’investiture d’Idriss Déby Itno, en août 2016, une manifestation a fait un mort.

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N O 45 L’AFRIQUE EN 2017

DIVERSIFICATION. Pour redresser la barre, le gouvernementafaitdeladiversification de l’économie l’une des priorités du nouveau quinquennat. Idriss Déby Itno compte particulièrement sur l’agriculture et l’élevage. Il mise également sur l’exploitation des potentialités minières du pays. « Le salut ne viendra jamais des ressources pétrolières », a-t-il rappelé à l’occasion de son investiture. Mais le développement de ces secteurs demandera une volonté à toute épreuve. « Malgré les efforts du secteur public pour promouvoir la mécanisation agricole, une meilleure gestion des ressources en eau et une plus large diffusion des intrants et des pesticides, la production tchadienne demeure très fortement dépendante des conditions climatiques et a baissé de 12 % en 2015 », rappelle la Banque mondiale. Le Tchad doit se serrer la ceinture. Le gouvernement a donc adopté seize mesures pour répondre à la crise économique que traverse le pays. Parmi les décisions prises par le Conseil des ministres, la réduction respectivement de 50 % et 80 % des indemnités versées aux députés et aux agents de la fonction publique nommés par décret. Maître d’un puzzle dont il est sans doute le meilleur connaisseur,

Lac Tchad

N'Djamena NIGERIA 400 km

Moundou CAM.

CENTRAFRIQUE

Population : 11,9 millions Croissance démographique : 3,3 % PIB par habitant : 880 $ Espérance de vie : 51,6 ans Alphabétisation : 38,23 % Inflation : 3,16 % Indice de développement humain (sur 188 pays) : 185e Investissements directs étrangers : 600 millions de $ Balance courante : – 8,68 % du PIB Taux de pénétration du téléphone mobile : 35 % Principale exportation : hydrocarbures Dernier changement de président : 1990 Croissance du PIB (%)

6,9

1,8

-1,1

1,7

* ESTIMATION OCT. 2016

entre2011et2015),lePIBn’aprogresséque de 1,8 % en 2015. En 2016, il devait même fondrede1,1%,selonleFMI,avantleretour d’une timide croissance (1,7 %) en 2017. La chute des cours du pétrole, l’insécurité et l’afflux de réfugiés affectent directement l’économie tchadienne. La régionalisation des attaques de Boko Haram a fortement perturbé les échanges commerciaux avec le Nigeria et le Cameroun, et le Tchad, déjà préoccupé par l’effondrement de la Libye en 2011, a été contraint de renforcer son dispositif sécuritaire pour faire face à la menace. Tout cela a un coût.

TCHAD NIGER

SOUDAN

L

e Tchad est à un tournant, et son avenir dépend des orientations de son président, Idriss Déby Itno. Arrivé au pouvoir par la force en 1990, celui-ci a été réélu, le 10 avril 2016, dès le premier tour, avec 59,9 % des voix, loin devant son premier poursuivant, Saleh Kebzabo (12,8 %). Président en exercice de l’UA pendant un an, il n’a jamais semblé autant en position de force, du moins sur le plan diplomatique. Idriss Déby Itno s’est imposé ces dernières années comme le parrain de la sous-région. La puissance de l’armée tchadienne et la position stratégique du pays dans un Sahel instable en ont fait un allié indispensable de la France et des ÉtatsUnis dans la lutte contre le terrorisme. C’est en fait chez lui que le chef de l’État est le plus contesté. Le climat politico-social s’est largement détérioré. En 2011 et en 2012, Idriss Déby Itno avait déjà dû affronter le mécontentement des fonctionnaires réclamant des hausses de salaire, et, en mars 2015, des manifestations de lycéens à N’Djamena avaient dégénéré. Mais, aujourd’hui, la contestation est d’un genre nouveau. Elle a largement dépassé, dans son ampleur et par l’éventail de ses revendications, l’affaire qui l’a cette fois-ci déclenchée : le viol de la jeune Zouhoura par des fils de l’élite tchadienne, en février 2016. La veille de l’investiture d’Idriss Déby Itno, en août, une manifestation faisait un mort. Pour beaucoup d’observateurs, il y a un avant- et un après-Zouhoura: la parole contestataire s’est libérée et a eu un effet de détonateur sur l’opposition, laquelle est plus déterminée que jamais à jouer son rôle de poil à gratter. Pour ne rien arranger, la situation économique du pays est catastrophique. Si la croissance nationale moyenne enregistrée entre 2009 et 2014 était de 6,6 % (tandis que le PIB par habitant progressait de 7,3 %

LIBYE

PIB (milliards de $)

13,9 2014*

10,9

10,4

11,6

2015*

2016*

2017*

Idriss Déby Itno doit prendre en compte les frustrations des Tchadiens et œuvrer à améliorer la paix sociale, sous peine de voir la situation pourrir lentement, jusqu’à l’explosion. Vingt-six ans après son accession au pouvoir, de nombreux habitants souffrent toujours de graves privations, et le pays stagne dans les profondeurs du classement établi par le Pnud selon l’indice de développement humain (185e sur 188 pays). 151


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AFRIQUE DE L’EST

154 155 156 157 158 159 160 161 162

Statu quo

163 SOUDAN DU SUD 164 TANZANIE

U

n certain statu quo prévaut dans la sousrégion. C’est vrai au niveau politique, puisque l’année 2016 a vu les réélections annoncées de Yoweri Museveni en Ouganda et d’Ismaïl Omar Guelleh à Djibouti. L’année 2017 sera-t-elle plus surprenante ? Si la reconduction de Paul Kagame à la tête du Rwanda est une quasi-certitude, le suspense est un peu plus fort au Kenya, où Uhuru Kenyatta remet également son mandat en jeu. Mais le statu quo, c’est aussi l’impasse dans laquelle semblent coincés le Soudan du Sud et le

LIBYE

ALGÉRIE

Burundi, enlisés dans leurs crises respectives: guerre civile d’un côté, tensions ethniques de l’autre – le tout sur fond d’enjeux de pouvoir au plus haut niveau. Là où ça bouge, c’est en Éthiopie et en Tanzanie, les deux pays qui enregistrent les plus forts taux de croissance. Mais alors qu’à Addis-Abeba le régime de Hailemariam Desalegn réprime une contestation d’une ampleur inédite, à Dodoma le président John Magufuli, élu fin 2015, descend lui-même dans la rue… pour balayer. À chacun sa méthode.

ÉGYPTE ARABIE SAOUDITE

Port-Soudan MALI

NIGER

SOUDAN

El-Obeid

BURKINA

Gondar

BÉNIN NIGERIA

TOGO CENTRAFRIQUE CAMEROUN GUINÉE ÉQUAT. SÃO TOMÉET-PRÍNCIPE

GABON

Mer Rouge

Kassala ÉRYTHRÉE Massawa Asmara

Khartoum

TCHAD

GHANA

BURUNDI DJIBOUTI ÉRYTHRÉE ÉTHIOPIE KENYA OUGANDA RWANDA SOMALIE SOUDAN

SOUDAN DU SUD

YÉMEN

DJIBOUTI

Golfe d’Aden Djibouti Berbera Dirédaoua Hargeisa Addis-Abeba Harar Djimma

ÉTHIOPIE

Djouba

SOMALIE

Mogadiscio

OUGANDA KENYA

CONGO RD CONGO

Kampala Lac Victoria RWANDA Kigali Bujumbura

Obbia

Kisumu Nairobi

Kismayou Océan Indien

Mombasa

BURUNDI TANZANIE

Dodoma

Zanzibar

Dar es-Salaam Mbeya

ANGOLA ZAMBIE 300 km

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N O 45 L’AFRIQUE EN 2017

MOZAMBIQUE

153


de renseignements d’avoir « torturé et maltraité » des dizaines de personnes. Dans un rapport publié en septembre 2016, des enquêteurs de l’ONU évoquent des violations systématiques des droits de l’homme et pointent la responsabilité du gouvernement, mettant en garde contre de possibles « crimes contre l’humanité ». Plusieurs sources estiment qu’un millier de personnes auraient été exécutées depuis le début de la crise. Ces violences ont poussé près de 300000Burundaisàfuirle pays.Ellesontaussiobligé la communauté internationale à réagir, quoique timidement. En avril 2016, la procureure de la CPI, Fatou Bensouda, a annoncé l’ouverture d’un examen préliminaire sur lesviolencescommisesau Burundi. Trois mois plus tard, le Conseil de sécurité de l’ONU a autorisé le déploiement de 228 policiers onusiens, auquel Bujumbura s’est opposé. L’UA, après avoir tenté d’envoyer une force d’interposition, a pour sa part mobilisé 200 observateurs militaires et des droits de l’homme aux prérogatives très maigres. Poussé dans ses derniers retranchements, le régime de Nkurunziza a opté pour une stratégie de rupture diplomatique qui pourrait le conduire à l’isolement total. Il a d’abord accusé la Belgique et le Rwanda de vouloir le déstabiliser. Puis, en octobre, il a déclaré persona non grata des experts onusiens, a suspendu toute coopération avec le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme et entamé le processus visant à se retirer de la CPI (qui pourrait aboutir en octobre 2017). En juillet, la délégation burundaise avait écourté sa participation au sommet de l’UA, à Kigali. Cet isolement, nourri par le discours de victimisation d’un pouvoir qui se dit la cible d’un complot, a eu de fortes

Plusieurs ONG ont dénoncé les arrestations massives de jeunes et les disparitions de journalistes.

RÉPRESSION. Les attaques de ces groupes ont conduit les autorités à accentuer la répression contre tous ceux qu’elles considèrent comme des opposants. Plusieurs ONG ont dénoncé dans des rapports circonstanciés les arrestations massives de jeunes et les disparitions de journalistes, accusant les services

154

RWANDA TANZANIE

BURUNDI Bujumbura

Lac Tanganyika

100 km

Population : 9,7 millions Croissance démographique : 3,3 % PIB par habitant : 284 $ Espérance de vie : 56,7 ans Alphabétisation : 85,5 % Inflation : 6,34 % Indice de développement humain (sur 188 pays) : 184e Investissements directs étrangers : 7 millions de $ Balance courante : – 4,62 % du PIB Taux de pénétration du téléphone mobile : 24 % Principale exportation : café Dernier changement de président : 2005 Croissance du PIB (%)

4,5

-4

-0,5

2

PIB (milliards de $)

2,9

2,9

2,7

2,6

2014

2015

2016*

2017*

répercussions sur l’économie. Plusieurs pays, ainsi que l’UE, principal bailleur de fonds du Burundi, ont suspendu leur aide directe en 2016. Les caisses sont vides, ce qui a obligé le gouvernement à réduire son budget de plus de 40 %. Le pays fait face à une grave récession (– 4 % en 2015 et une estimation de – 0,5 % en 2016, selon le FMI, qui table toutefois sur une croissance de 2 % en 2017) et à une inflation galopante (6,3 % en 2016). JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N O 45 L’AFRIQUE EN 2017

* ESTIMATION OCT. 2016

L

e Burundi poursuivra-t-il sa descente aux enfers en 2017? Certes, le spectre d’un génocide des Tutsis évoqué par plusieurs ONG est de moins en moins probable, et le risque d’une guerre civile s’est quelque peu éloigné. Cependant, le pays semble ne voir aucune issue à la crise politique née en avril 2015 de la candidature de Pierre Nkurunziza, au pouvoir depuis 2005, à l’élection présidentielle de juin. Cette crise a de graves répercussions sur la situation humanitaire du pays ainsi que sur sa diplomatie, son armée et son économie. Le dialogue politique est inexistant. Les efforts du médiateur nommé par les chefs d’État de la sous-région, Benjamin Mkapa, n’y ont rien fait : le pouvoir refuse de discuter avec l’opposition dite « radicale », réunie auseinduCnared,dontla plupart des leaders sont en exil et qui réclame le départ de Nkurunziza. L’ancien président tanzanien a tenté de les réunir à deux reprises en 2016, en vain. Le régime a en outre réprimé ses rares adversaires restés au pays. En représailles, trois groupes armés, qui ont notamment recruté parmi les réfugiés et les soldats déserteurs, ont officiellement vu le jour en 2016: la REDTabara, les Forebu et un mouvement dissident des FNL. Particulièrement actifs en début d’année, ils ont mené plusieurs opérationssanglantesainsiquedesassassinats ciblés, contre des officiers notamment, mais se sont faits plus discrets par la suite.

Lac Kivu

RD CONGO

BURUNDI Sans issue


à Balbala, dans la banlieue de Djibouti, les forces de l’ordre ont tiré sur des manifestants, faisant sept morts parmi la communauté des Yonis Moussa, dont est issu Abdourahman Boreh, ancien patron du port de Djibouti et ennemi intime du chef de l’État. Depuis qu’il a été innocenté par la Haute Cour de justice de Londres, en mars 2016, des accusations de détournement de fonds et de corruption lancées contre lui par la présidence dans le cadre de la privatisation du port au profit de l’opérateur DP World, l’homme, toujours réfugié à Dubaï, joue de tout son pouvoir de nuisance pour déstabiliser IOG. Pour l’instant, DP World travaille toujours à Djibouti, mais ses jours semblent comptés alors que China Merchants Holdings International (CMHI) monte en puissance sur les quais. La présence de la Chine en général devient beaucoup plus voyante, partout à Djibouti, ces derniers mois. Les chantiers d’infrastructures livrés clés en main se sont multipliés à travers tout le pays, et les travaux de la grande base aéronavale chinoise – première du genre en Afrique, elle doit ouvrir ses portes en 2017 – ont démarré. Pékin est plus que jamais devenu le premier partenaire commercial de Djibouti, mais le pays peut aussi s’appuyer sur son voisin éthiopien. Addis-Abeba fournit la petite République en électricité et utilise en échange son port pour ses approvisionnements. Un exemple d’intégration mis en avant par les autorités des deux pays, qui discutent de plus en plus ouvertement d’une possible union monétaire. L’économie djiboutienne profite aussi de la présence des nombreux contingents militaires étrangers, américain, français, japonais et européen – en attendant donc les Chinois –, alors que la Russie mais aussi CHANTIERS.

La Chine est plus que jamais devenue le premier partenaire commercial du pays.

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N O 45 L’AFRIQUE EN 2017

ÉTHIOPIE

L

e suspense n’était pas bien grand. Et c’estavec86%dessuffragesqu’Ismaël Omar Guelleh (IOG) a été réélu, pour un quatrième mandat consécutif, dès le premier tour organisé le 8 avril 2016. Un quinquennat de « combat », a promis le président djiboutien, qui a clairement identifié l’ennemi : le chômage. Malgré un taux de croissance économique de 6,5 % en 2016, près des deux tiers de la population restent toujours sans emploi. Pour mener la lutte, IOG a largement changé son équipe, avec une majorité de nouveaux ministres, souvent trentenaires et issus de la société civile. Seuls dix membres de l’ancien gouvernement ont conservé leurs portefeuilles, toujours sous la houlette du Premier ministre, Abdoulkader Kamil Mohamed. Pour que ce mandat n’ait pas le même goût d’inachevé que les précédents, le chef de l’État a placé sa jeune garde aux postes clés, notamment l’Énergie et la Décentralisation. Plus que de ses promesses ou de sa stature de garant de la stabilité dans une région qui en manque tant, IOG a profité du délabrement de l’opposition politique, réunie depuis 2013 au sein de l’Union pour le salut national (USN) mais incapable de se réunir derrière un seul homme. Celui-ci aurait pu être Daher Ahmed Farah, considéré par beaucoup comme l’opposant le plus crédible, mais ce dernier a refusé un combat qu’il estime trop éloigné des pratiques démocratiques, attendant les législatives de 2018. Jugé souventtropclivantmêmedanssonpropre camp, il n’a pas non plus, pour l’instant, réussi à faire l’unanimité sur son nom. De division, le pays n’en a pas besoin, lui qui a connu, quelques mois seulement avant les élections, des affrontements claniques meurtriers : en décembre 2015

YÉMEN

ÉRYTHRÉE

DJIBOUTI

Golfe d’Aden

Djibouti

SOMALIE 30 km

Population : 1 million Croissance démographique : 1,3 % PIB par habitant : 1 908 $ Espérance de vie : 62 ans Alphabétisation : N.C. Inflation : 3 % Indice de développement humain (sur 188 pays) : 168e Investissements directs étrangers : 124 millions de $ Balance courante : – 17,15 % du PIB Taux de pénétration du téléphone mobile : 27 % Principale exportation : bétail Dernier changement de président : 1999 Croissance du PIB (%)

6

6,5

6,5

7 * ESTIMATION OCT. 2016

DJIBOUTI Pékin partout

PIB (milliards de $)

1,6

1,7

1,9

2,1

2014

2015*

2016*

2017*

l’Inde pourraient à leur tour débarquer dans les prochains mois. Une assurance tous risques pour ce petit pays cerné par les crises. Des avancées notables ont été réaliséesen2016surlefrontérythréen,avec la restitution des derniers prisonniers de la guerre de 2008 entre les deux pays, mais Djibouti doit toujours faire face à l’afflux de réfugiés en provenance de la Somalie et du Yémen. La piraterie, elle, semble enfin sous contrôle le long des côtes. 155


L

année 2016 a été marquée par ’ une offensive sans précédent sur

le front érythréen : Asmara a lancé une opération… séduction ! Les médias internationaux ont en effet été autorisés, pour la première fois depuis longtemps, à se rendre dans le pays pour lever un coin du voile qui recouvre l’Érythrée. Une initiative surprenante pour un pays encore plus mal classé que la Corée du Nord en matière de liberté de la presse, selon Reporters sans frontières. L’objectif? Dénoncer les campagnes de désinformation orchestrées, selon le pouvoir, par les États-Unis et, plus encore, par l’Éthiopie: après les combats violents de juin 2016, l’ennemi historique menaçait encore son ancienne province de « guerre totale ». En jeu, le différend frontalier entre les deux pays : l’accord ratifié en 2002 n’a toujours pas été appliqué, l’Éthiopie continuant d’occuper une partie du territoire érythréen. Cette tension permanente entre les deux voisins depuis la guerre de 19982000 justifie, aux yeux du pouvoir érythréen, la quasi-mobilisation générale permanente du pays. Selon le Conseil des droits de l’homme de l’ONU, entre 300 000 et 400 000 Ér ythré ens seraient maintenus de force sous les drapeaux, soit plus de 5 % de la population. Ce qui expliquerait l’exode massif de lajeunesse.Chaquemois, selon le HCR, ils sont plusieurs milliers à tenter de sortir du pays, renforçant encore un peu plus l’image de dictature que traîne l’Érythrée sur la scène internationale. Il faut dire qu’avant d’entrebâiller la porte aux médias occidentaux, le régime du président Issayas Afeworki, au pouvoir depuis 1993, n’a rien fait pour améliorer son image, versant parfois même dans la paranoïa. Le jeu démocratique, malgré les promesses faites dès 1997, reste

confisqué par le Front populaire pour la démocratie et la justice (FPDJ), qui détient l’ensemble des pouvoirs. Au nom de la souveraineté nationale, les ONG sont interdites, et l’Érythrée s’abstient de démentir les accusations, véritables ou fantasmées, concernant le soutien qu’elle apporterait aux Shebab somaliens. Seules les relations avec Djibouti semblent s’être un peu réchauffées, ces derniers mois, dans la foulée des derniers échanges de prisonniers, sous la médiation du Qatar. FUITE. C’est donc mise au ban de la com-

munauté internationale, accusée de crimes contre l’humanité et confrontée à la fuite de ses jeunes que l’Érythrée a célébré, le 24 mai 2016, les 25 ans de son indépendance. Le pays n’est pourtant pas aussi isolé sur la scène internationale que l’affirment ses adversaires. La volonté d’ouverture affichée ces derniers temps par les autorités semble justement avoir pour but de consolider certains liens, notamment avec l’Italie, ancienne puissance coloniale, et le Canada, dont plusieurs sociétés minièressontdéjàactives dans le pays. Avec les pays du Moyen-Orient également, Qatar, Arabie saoudite et Émirats arabes unis en tête, qui cherchent à étendre leur zone d’influence dans la Corne de l’Afrique. Tout comme la Chine, déjà très présente dans la région, mais qui avance prudemment vers Asmara pour ne pas prendre le risque de fâcher ses amis éthiopiens et djiboutiens. Enfin, même si le régime rechigne à donner les chiffres, la situation économique du pays reste assez préoccupante et pourrait bien obliger le pouvoir à assouplir ses positions pour attirer les investisseurs étrangers. Le domaine minier, que beaucoup d’experts estiment prometteur dans l’or, le cuivre et le potassium, commence

Le régime veut raffermir ses liens avec l’Italie, le Canada et les pays du Moyen-Orient.

156

SOUDAN

Mer Rouge

ARABIE SAOUDITE

ÉRYTHRÉE Asmara

YÉMEN

Assab

ÉTHIOPIE

DJIBOUTI 200 km

Population : 6,9 millions Croissance démographique : N.C. PIB par habitant : 771 $ Espérance de vie : 63,7 ans Alphabétisation : 73,85 % Inflation : 9 % Indice de développement humain (sur 188 pays) : 186e Investissements directs étrangers : 49 millions de $ Balance courante : 0,19 % du PIB Taux de pénétration du téléphone mobile : 5 % Principale exportation : or Dernier changement de président : 1993 Croissance du PIB (%)

5

4,8

3,7

3,3

PIB (milliards de $)

4,1

4,7

5,4

6

2014*

2015*

2016*

2017*

tout juste à être valorisé. Et tout est à faire en matière de tourisme, un secteur dont le potentiel semble certain, notamment à Asmara, considérée comme l’une des plus belles villes d’Afrique par ceux qui ont pu s’y rendre. Reste qu’il est toujours aussi difficile d’obtenir un visa et que les déplacements sont très contrôlés dès qu’il s’agit de quitter la capitale. Tout dépendra donc de la volonté du pouvoir de poursuivre la timide ouverture esquissée en 2016. JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N O 45 L’AFRIQUE EN 2017

* ESTIMATION OCT. 2016

ÉRYTHRÉE Timide ouverture


ÉTHIOPIE La vitrine se fissure

Les universités ont été le théâtre de nombreuses violences à l’encontre des étudiants.

ABUS. Après avoir longtemps fermé les yeux au nom de la stabilité du pays – au cœur d’une sous-région qui en manque tant –, la communauté internationale ne peut plus ignorer les abus du Front démocratique révolutionnaire des peuples éthiopiens (EPRDF), au pouvoir depuis 1991 et de plus en plus condamné à l’intérieur du pays pour sa corruption, sa mauvaise gouvernance et l’impunité qu’il accorde à certains au détriment du plus grand nombre. Et la victoire électorale aux législatives de 2015, qui a vu le « parti de l’abeille » remporter la totalité des 547 sièges de députés, n’a fait que renforcer le malaise d’une population qui attend toujours de bénéficier de la croissance à deux chiffres affichée par le pays ces dernières années. Certes, l’Éthiopie, deuxième pays le plus peuplé du continent, a réalisé les

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N O 45 L’AFRIQUE EN 2017

Addis-Abeba

SOMALIE

Dirédaoua

ÉTHIOPIE KENYA

300 km

Population : 91,2 millions Croissance démographique : 2,5 % PIB par habitant : 758 $ Espérance de vie : 64,1 ans Alphabétisation : 49,03 % Inflation : 7,70 % Indice de développement humain (sur 188 pays) : 174e Investissements directs étrangers : 2 168 millions de $ Balance courante : – 10,73 % du PIB Taux de pénétration du téléphone mobile : 27 % Principale exportation : café Dernier changement de Premier ministre : 2012 Croissance du PIB (%) 10,2

6,5

10,3

7,5

* ESTIMATION OCT. 2016

mégaprojets qui lui ont permis de doper son économie, des voies ferrées à l’énorme réseau hydroélectrique en cours d’édification. Mais les faiblesses structurelles perdurent, entre une machine administrative qui complique toutes les démarches, le monopole d’État sur des secteurs aussi stratégiques que les banques et les télécoms, la non-convertibilité du birr et la dépendance à une filière agricole qui pèse plus de la moitié des exportations mais reste vulnérable aux fluctuations des cours internationaux. Surtout que l’industrialisation du pays, souvent mise en avant par le pouvoir et illustrée par quelques réussites encore trop peu nombreuses, connaît un retard inquiétant. Pendant ce temps, le chômage explose et l’inflation reste élevée. Malgré ses réussites notables en matière d’infrastructures, l’Éthiopie n’est toujours pas « l’atelier du monde » promis par son ancien Premier ministre Meles Zenawi, mort en 2012. Et les événements politiques de ces derniers mois ont refroidi les investisseurs internationaux, sans lesquels le pays ne peut se développer, faute de liquidités. Comme si la volonté du gouvernement de tout contrôler entrait en contradiction avec son désir affiché d’encourager l’entrepreneuriat privé. Résultat : l’Éthiopie pointe à la 159e place (sur 190 pays) dans le dernier classement « Doing Business » de la Banque mondiale. Dans ces conditions, la croissance ne devait s’élever qu’à 6,5 % en 2016, contre plus de 10 % les deux années précédentes. La sécheresse – la pire depuis trente ans, selon les experts – provoquée en 2016 par le phénomène El Niño ne va pas améliorer les choses. Entre 10 et 20 millions d’Éthiopiens bénéficient aujourd’hui de l’aide alimentaire internationale. Un camouflet supplémentaire pour le

YÉMEN Golfe DJIBOUTI d’Aden

SOUDAN DU SUD

P

résentée depuis plusieurs années comme le « champion africain », l’Éthiopie a perdu de sa superbe en 2016. L’arrivée du marathonien Feyisa Lilesa, médaillé d’argent aux JO de Rio, les bras croisés au-dessus de la tête a rappelé au monde entier la sanglante répression menée depuis fin 2015 contre les Oromos, la principale ethnie du pays: plus d’un millier de personnes auraient été tuées. Dans le même temps, les universités du pays ont été le théâtre de nombreuses violences à l’encontre des étudiants qui manifestaient contre le dirigisme monolithique du pouvoir central. Enfin, depuis août 2016, c’est le nord du pays, en région amhara, qui s’est enflammé pour des raisons de découpage territorial. Là encore, l’armée aurait abattu près de 500 contestataires, obligeant les alliés américains à « s’inquiéter de l’usage excessif de la force ».

Mer Rouge

ÉRYTHRÉE

PIB (milliards de $)

55,5

61,6

69,2

76,9

2014

2015

2016*

2017*

gouvernement, qui a déjà dû reculer devant la contestation des paysans oromos et abandonner son plan d’agrandissement d’Addis-Abeba sur des terres agricoles qui ceinturent la capitale. Aucun nouveau programme ne sera mis en place sans consentement populaire, a promis le Premier ministre, Hailemariam Desalegn. Une première dans l’Éthiopie de l’EPRDF, qui augure peut-être d’un changement de posture du pouvoir central. 157


OUGANDA

fois le chef de file de l’opposition. S’il obtient l’aval de cette dernière, ce sera sa quatrième tentative. « Est-ce que cela doit forcément être moi? demande, faussement ingénu, le leader de la Coalition for Reforms and Democracy (Cord). Je suis prêt à soutenir d’autres candidats s’ils ont de meilleures perspectives de l’emporter sur Jubilee. Si ma candidature était un obstacle pour sortir le pays des griffes de ce gouvernement et si soutenir une autre personne pouvait s’avérer utile, je serais plus que désireux de lui laisser la place. » Bien entendu, Raila Odinga considère néanmoins que ses trois tentatives précédentes l’ont rendu beaucoup plus « sage » et font de lui le meilleur candidat. Mais il aura 72 ans en août 2017, et il n’est pas certain que ses alliés actuels, Kalonzo Musyoka (63 ans) et Moses Wetangula (60 ans), soient disposés à patienter six années de plus.

Qui défiera le président sortant, Uhuru Kenyatta? Probablement Raila Odinga, encore une fois.

158

ÉTHIOPIE

MENACE. Quel que soit le résultat de l’élec-

tion à venir, le principal défi de l’année 2017 restera, pour le Kenya, la question de la sécurité. Victimes de plusieurs attaques meurtrières sur son sol – douze personnes ont encore été tuées dans l’attaque d’une maison d’hôtes à Mandera, en octobre 2016 –, le pays reste sous la menace des Shebab, alors même que 4 000 de ses soldats sont déployés au sein de l’Amisom afin d’appuyer la lutte du gouvernement somalien. L’instabilité à la frontière nord ainsi que le faible prix du baril de pétrole semblent avoir compromis pour un temps le Lappset, ce projet d’infrastructures qui devait relier le Kenya à l’Éthiopie et au Soudan du Sud. Enrevanche,lepaysinvestit aujourd’hui dans la ligne de chemin de fer MombasaNairobi-Naivasha (1,5 milliard de dollars prêtés par la China Exim Bank), avec à

Lac Victoria

K E N YA Kisumu Nairobi

Mombasa Océan 200 km

TANZANIE

Indien

Population : 45,5 millions Croissance démographique : 2,6 % PIB par habitant : 1 521 $ Espérance de vie : 61,6 ans Alphabétisation : 78,02 % Inflation : 6,15 % Indice de développement humain (sur 188 pays) : 145e Investissements directs étrangers : 1 437 millions de $ Balance courante : – 6,42 % du PIB Taux de pénétration du téléphone mobile : 71 % Principale exportation : thé Dernier changement de président : 2013 Croissance du PIB (%)

5,3

5,6

6

6,1

PIB (milliards de $)

61,4

63,4

69,2

74,7

2014*

2015*

2016*

2017*

termel’idéederelierl’Ouganda,leRwanda et le Soudandu Sud.L’investissement dans les infrastructures devrait rester la priorité du pays, locomotive économique de la région. Une sécurité renforcée aura quant à elle une influence positive sur le nombre de touristes, attirés par les animaux de la savane et les plages de l’océan Indien. Entre janvier et août 2016, leur nombre a crû de plus de 17 % par rapport à 2015, avec près de 600 000 visiteurs. JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N O 45 L’AFRIQUE EN 2017

* ESTIMATION OCT. 2016

Q

uatre morts. En mai 2016, à Nairobi, Kisumu et Mombasa, de violentes manifestations ont opposé la police et les partisans de l’opposition, qui réclamaient la démission des membres de la commission électorale, l’IEBC. En cause, l’indépendance de cette commission alors que se profilent les élections générales, en août 2017. En 2013, la défaillance du systèmebiométriqued’enregistrementdes électeurs avait conduit les partisans de Raila Odinga à douter de la victoire de son rival, Uhuru Kenyatta. Et, en 2014, une cour de justice britanniqueavaitjugé coupable de corruption deux directeurs de l’imprimeur Smith & Ouzman, qui avaient versé quelque 50 millions de shillings kényans de pots-de-vin (plus de 400 000 euros) pour obtenir le contrat d’impression des bulletins de vote… Face au scandale et à la pression de la rue, le gouvernement Jubilee – du nom de l’alliance qui a porté au pouvoir Uhuru Kenyatta et William Ruto, son vice-président – a été contraint d’avaliser les demandes de l’opposition. En octobre 2016, un accord a été trouvé avec les neuf commissaires de l’IEBC, qui ont accepté de démissionner en bloc avant la fin de leur mandat, moyennant une compensation financière d’environ 2 millions de dollars (environ 1,8 million d’euros). Il ne reste donc au Kenya que quelques mois pour mettre en place une commission électorale à même d’assurer une élection présidentielle pacifique – alors que les violences postélectorales de 2007 restent dans toutes les mémoires. Qui se mettra en travers du chemin de Kenyatta, candidat à sa propre succession ? Au Kenya, le personnel politique n’a guère changé depuis la fin du règne de Daniel arap Moi, en 2002, et, logiquement, Raila Odinga devrait être une nouvelle

SOUDAN DU SUD

SOMALIE

KENYA La revanche ?


J

’y suis, j’y reste. » Yoweri Museveni semble avoir fait sienne cette phrase attribuée au général français Mac Mahon lors de la bataille de Malakoff, en 1855. Trente ans après avoir mis fin aux dictatures successives de Milton Obote et d’Idi Amin Dada, l’ancien guérillero devenu chef d’État règne sans partage sur l’Ouganda. Les dernières élections générales, organisées en février et mars 2016, ont laissé transparaître la nature autocratique du régime, avec des candidats adverses arrêtés avant, pendant et après le scrutin – notamment Kizza Besigye, principal opposant – et de multiples intimidations et interpellationsdemilitantsanti-Museveni. À l’issue d’un scrutin très controversé, le chef de l’État sortant a été réélu pour un cinquièmequinquennatconsécutifdepuis 1996, la Constitution du pays ne prévoyant plus de limitation du nombre des mandats pour le président de la République. Son parti, le Mouvement de résistance nationale (NRM), a aussi conservé, sans surprise, la majorité au Parlement. Le système ne laisse aucune place à l’opposition, et pour longtemps encore, semble-t-il. À 72 ans, le président ne segênepaspourpréparer sa succession… au sein même de sa famille. Sa femme, Janet Museveni, ancienne députée du comté de Ruhaama, dans l’ouest de l’Ouganda, a été nommée ministre de l’Éducation et des Sports en juin 2016. Et sa fille, Natasha Karugire, conserve son poste de secrétaire générale pour les affaires intérieures. Plus flagrant encore : son fils aîné, MuhooziKainerugaba,42ans,connaîtune ascension fulgurante dans la hiérarchie militaire. Sorti d’école en 2000 après son diplôme à l’Académie militaire royale de Sandhurst (Royaume-Uni), il a été rapidement affecté au commandement des

forces spéciales, l’unité d’élite qui assure la protection du chef de l’État et de ses fidèles. Quelques formations plus tard, notamment en Égypte, en Ouganda et aux États-Unis, le jeune homme a sauté un à un les grades avant d’être bombardé, en mai 2016, major-général. Soit au même niveau, voire un peu plus haut, que les ex-compagnons de lutte de l’ancienne branche armée du NRM. HOMOPHOBE. Une « dérive monarchique »,

dénonce l’opposition, qui accuse aussi le pouvoir de « donner des primes aux caciques du régime qui se montrent les plus radicaux ». Allusion faite notamment à la nomination de Simon Lokodo, homophobe assumé, au secrétariat d’État chargé de l’Éthique et de l’Intégrité. L’une de ses missions : veiller au respect de la législation contre l’homosexualité, qui, entre autres dispositions, rend obligatoire la dénonciation des personnes homosexuelles. Ces dernières risquent quant à elles la prison à vie. Ce qui n’est pas de nature à arranger les rapports avec les alliés occidentaux, États-Unis en tête, qui ont longtemps soutenu le régime. Yoweri Museveni ne semble pas s’en préoccuper. En tout cas, pas tant que les performances macroéconomiques du pays n’en pâtissent pas. La croissance ougandaise, de 4,8 % en 2015, devait s’établir à 4,9 % en 2016, et le FMI prévoit une accélération à 5,5 % en 2017. Le pays espère aussi tirer rapidement profit de la manne pétrolière, à l’horizon 2020. Quelque 8 milliards de dollars (environ 7,3 milliards d’euros) d’investissements ont été engagés par le français Total, le chinois Cnooc et le britannique Tullow Oil, trois compagnies étrangères auxquelles l’Ouganda a accordé à chacune un tiers des droits d’exploitation.

Yoweri Museveni, 72 ans, semble préparer sa succession au sein de sa propre famille.

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N O 45 L’AFRIQUE EN 2017

Gulu 100 km

OUGANDA Kampala Mbarara

Jinja

KENYA

Lac Victoria

TANZANIE

RWANDA

Population : 41,1 millions Croissance démographique : 3,3 % PIB par habitant : 623 $ Espérance de vie : 58,5 ans Alphabétisation : 73,81 % Inflation : 5,51 % Indice de développement humain (sur 188 pays) : 163e Investissements directs étrangers : 1 057 millions de $ Balance courante : – 8,70 % du PIB Taux de pénétration du téléphone mobile : 44 % Principale exportation : café Dernier changement de président : 1986 Croissance du PIB (%)

4,9

4,8

4,9

5,5 * ESTIMATION OCT. 2016

«

SOUDAN DU SUD

RD CONGO

OUGANDA Dérive monarchique

PIB (milliards de $)

27,5

24,3

25,6

27,6

2014

2015*

2016*

2017*

Si les rebelles des Forces alliées démocratiques, dont le chef, Jamil Mukulu, est en détention à Kampala, ont été mis hors d’état de nuire, ils continuent de semer la désolation dans le nord-est de la RD Congo voisine. Et d’autres chantiers peinentàavancer.Malgrélesprivatisations et une performance économique quasi permanente, les inégalités sociales persistent. L’espérance de vie d’un Ougandais ne dépasse pas les 60 ans. 159


en termes d’indice de développement humain (il est aujourd’hui classé 163e sur 188 pays). Les progrès se poursuivent, même si les ambitieux objectifs de la Vision 2020, qui vise à faire du Rwanda un pays à revenu intermédiaire d’ici à quatre ans, paraissent de plus en plus hors d’atteinte. FAIBLESSES. L’économie, qui connaît une

croissance régulière comprise entre 6 % et 7 % par an, reste fondée sur l’agriculture, activité vulnérable aux aléas climatiques qui emploie encore 70 % de la main-d’œuvre. Par ailleurs, le pays est très dépendant de l’aide extérieure (plus d’un tiers du budget de l’État), ce qui l’expose aux risques de sanctions internationales. Associées à son déficit commercial, ces faiblesses ont provoqué une baisse de la valeur du franc rwandais et une hausse de l’inflation (5,3 % en 2016, selon le FMI). Pour se prémunir, le gouvernement diversifie son économie, en particulier dans les services. La compagnie RwandAir, propriété de l’État, a reçu deux Airbus neufs en 2016, ce qui devrait lui permettre d’ouvrir de nouvelles lignes en 2017. Le pays développe par ailleurs un tourisme haut de gamme, notamment dans le secteur des affaires. Plusieurs hôtels de luxe ont ouvert à Kigali, de même que son Centre des conventions, ce qui a permis au pays d’accueillir en grande pompe le sommet de l’UA, en juillet 2016. Il ne s’agissait pas d’un simple événement de prestige. Le rayonnement du Rwanda sur le continent fait partie intégrante de sa stratégie : il veut être un pont entre l’Afrique francophone et l’Afrique anglophone. Le pays a entrepris de diversifier ses partenariats, au-delà

La victoire du président sortant à l’élection d’août 2017 ne fait aucun doute.

160

50 km

R WA N D A

Lac Kivu

Kigali

RD CONGO

BURUNDI

Population : 11,5 millions Croissance démographique : 2,3 % PIB par habitant : 723 $ Espérance de vie : 64,2 ans Alphabétisation : 71,24 % Inflation : 5,33 % Indice de développement humain (sur 188 pays) : 163e Investissements directs étrangers : 471 millions de $ Balance courante: – 16,60 % du PIB Taux de pénétration du téléphone mobile : 56 % Principale exportation : niobium Dernier changement de président : 2000 Croissance du PIB (%) 7 6,9

6

6

PIB (milliards de $)

7,9

8,1

8,3

8,6

2014

2015*

2016*

2017*

de ses traditionnels alliés d’Afrique de l’Est et de l’Occident anglo-saxon. Après neuf années d’absence, le Rwanda a ainsi réintégré la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (Ceeac) en 2016. Par ailleurs, Kagame a été chargé de piloter un groupe d’experts pour proposer des réformes de l’UA. Celui-ci doit rendre ses conclusions lors du prochain sommet de l’organisation, à Addis-Abeba, fin janvier 2017. JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N O 45 L’AFRIQUE EN 2017

* ESTIMATION OCT. 2016

D

es quelques élections présidentielles qui se dérouleront en Afrique en 2017, celle qui est prévue au Rwanda en août est sans doute la moins excitante. La victoire du président sortant, Paul Kagame, est en effet annoncée. Un rappel du référendum constitutionnel de décembre 2015 suffit pour s’en convaincre : selon les résultats officiels, 98,3 % des électeurs avaient voté pour une modification de la limite du nombre de mandats présidentiels permettant au chef de l’État de se représenter en 2017. Le taux de participation avait lui aussi dépassé les 98 %… L’espace démocratique est en réalité quasi inexistant au pays des Mille Collines. Le seul véritable parti d’opposition est inaudible, et les décisions du Front patriotique rwandais (FPR, au pouvoir) ne font l’objet d’aucun débat public. La crise au Burundi voisin ne semble pas contaminer le Rwanda à ce stade. Bien que plus de 70 000 réfugiés y aient afflué, avec les défis logistiques et économiques que cela suppose, le Rwanda ne montre pas de signe d’instabilité. Si tensions il y a eu, ces dernières années, elles se sont surtout manifesté dans les instances dirigeantes du FPR, sur fond d’incertitudes sur la succession de Kagame : plusieurs cadres historiques ont fait dissidence, se sont exilés et, parfois, ont été assassinés. Ce débat clos (Kagame, qui est président depuis 2000, a clairement dit qu’il se représenterait), ces dissensions internes semblent désormais appartenir au passé. Mais l’autoritarisme n’est pas la seule caractéristique du gouvernement rwandais. Celui-ci se distingue surtout par l’efficacité de ses politiques de développement. Depuis la fin du génocide, le Rwanda est le pays qui a le plus progressé

OUGANDA

TANZANIE

RWANDA Kagame forever


L

a Somalie a voté, du 23 octobre au 10 novembre 2016, pour élire ses députés, mais pas au suffrage universel. À la place, ce sont des délégués choisis par les leaders claniques qui ont voté pour désigner les parlementaires, lesquels ont ensuite élu le président de la République, le 30 novembre. Le suffrage universel, pourtant promis par la Constitution, n’interviendra qu’aux prochaines élections, en 2020. Après avoir surmonté une tentative de destitution menée par le Parlement en 2015, Hassan Cheikh Mohamoud, élu en 2012 avec le soutien de la communauté internationale, était candidat à sa propre succession, malgré les critiques de corruption qui entourent son régime. À l’heure où nous mettions sous presse, on ne connaissait pas encore les résultats de l’élection. Depuis 1991, la Somalie est l’un des pays les plus instables au monde. Mogadiscio est régulièrement secoué par des attentats-suicides perpétrés par les Shebab, des insurgés islamistes radicaux. Les députés et les membres du gouvernement sont souvent eux-mêmes visés. Si les Shebab ne contrôlent plus la capitale, ils sont encore largement actifs dans des zones rurales du sud du pays. Et le départ, prévu en 2018, de la force militaire de l’UA, l’Amisom, qui compte 22 000 hommes, risque de laisser la Somalie au bord du chaos. Son armée, trop faible, trop peu nombreuse et mal équipée, aura du mal à prendre seule le relais.

faute notamment d’une politique fiscale efficace dans ce pays où une grande partie de la population est nomade. Les données économiques restent difficiles à obtenir, mais le FMI prévoit une croissance de 5 % en 2016 et en 2017. Ces estimations reposent néanmoins sur une improbable amélioration sur le front sécuritaire et sur l’absence de sécheresse. Et même dans ces conditions, une telle croissance serait insuffisante pour résoudre la pauvreté endémiquedelaSomalie. Enfin, sans instruments pour mettre en place une réelle politique monétaire, l’économie reste largement dollarisée. Selon l’ONU, le pays fait cependant quelques progrès au niveau politique et ne peut plus être qualifié d’État en totale faillite. En 2015, le gouvernement a lancé un plan national de développement afin de définir les priorités du pays pour les cinq prochaines années. Mais l’absence d’une autorité centrale forte rend toujours la Somalie difficile à gouverner et donc à développer. Les vastes zones rurales sont encore dangereuses en raison de l’activité des Shebab et ne disposent toujours pas des services publics de base. Cette absence de développement, combinée au fort taux de chômage des jeunes, aide les islamistes à recruter. Le développement repose aujourd’hui essentiellement sur l’action de quelques ONG et de partenaires internationaux pour la mise en place de programmes sociaux qui restent trop localisés. Les défis sont immenses dans ce pays où à peine un quart de la population sait lire, où l’espérance de vie dépasse de peu les 50 ans et où moins d’un tiers des habitants ont accès à l’eau potable. Moins de la moitié des enfants vont à l’école primaire, et la vie nomade des populations rend difficile la mise en place de politiques de

Le président Hassan Cheikh Mohamoud, très critiqué, était candidat à sa propre succession.

FRAGILE. Sur le plan économique, ce pays presquesansÉtatestégalementtrèsfragile. L’économie repose essentiellement sur une agriculture sans cesse menacée par la sécheresse,etlegouvernementneparvient pas à dégager des recettes substantielles pourmenerdesprojetsdedéveloppement,

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N O 45 L’AFRIQUE EN 2017

DJIBOUTI Hargeisa

ÉTHIOPIE

SOMALIE

Océan Indien

Mogadiscio

KENYA

SOMALIE L’État, c’est qui ?

200 km

Population : 10,8 millions Croissance démographique : 2,5 % PIB par habitant : N.C. Espérance de vie : 55,4 ans Alphabétisation : N.C. Inflation : N.C. Indice de développement humain (sur 188 pays) : N.C. Investissements directs étrangers : 516 millions de $ Balance courante : N.C. Taux de pénétration du téléphone mobile : 49 % Principale exportation : bétail Dernier changement de président : 2012 Croissance du PIB (%)

NC

NC

NC

NC

PIB (milliards de $)

NC

NC

NC

NC

2014

2015

2016

2017

santé. Le gouvernement aura besoin de ressources pour reconstruire ce pays laissé en lambeaux par près de trois décennies de guerre civile et pour qu’il ne stagne plus au bas des classements internationaux, qu’il s’agisse de gouvernance (54e sur 54 pays africains, selon la fondation Mo Ibrahim), de corruption (167e sur 168, selon Transparency International) ou de liberté de la presse (167e sur 180, selon Reporters sans frontières). 161


Les rebelles, au Darfour et dans le Sud, se plaignent d’être marginalisés par le pouvoir central.

La croissance économique est assez modeste : après 4,9 % en 2015, elle devait s’établir à 3 % en 2016, selon le FMI, avant de remonter à 3,5 % en 2017. Mais ces chiffres pourraient être revus à la baisse en raison des prix bas persistants du pétrole (qui représente avec l’or près de trois quarts des exportations soudanaises) et de l’incapacité du pays à négocier des accords de paix. En outre, l’économie soudanaise doit encore se remettre de la perte de toute sa partie sud, devenue le Soudan du Sud en 2011. IRRIGATION.

162

TCHAD

ÉRYTHRÉE

Khartoum

SOUDAN

CENTRAF.

ÉTHIOPIE

SOUDAN DU SUD 400 km

RD CONGO

Population : 39,6 millions Croissance démographique : 2,2 % PIB par habitant : 2 381 $ Espérance de vie : 63,5 ans Alphabétisation : 58,60 % Inflation : 13,48 % Indice de développement humain (sur 188 pays) : 167e Investissements directs étrangers : 1 737 millions de $ Balance courante : – 5,88 % du PIB Taux de pénétration du téléphone mobile : 72 % Principale exportation : hydrocarbures Dernier changement de président : 1989 Croissance du PIB (%)

1,6

4,9

3

3,5

112,5

PIB (milliards de $)

71,1

81,4

94,3

2014*

2015*

2016*

2017*

primaire. La moitié de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, et on estime que ce chiffre monte à 58 % dans les zones rurales. Peu d’efforts sont mis en œuvre pour régler ce fléau. Le ministère de la Protection et de la Sécurité sociales ne reçoit par exemple que 0,3 % du budget du gouvernement. Et les rares programmes sociaux proposés sont difficiles à mettre en œuvre en raison du manque d’infrastructures et des conflits permanents. JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N O 45 L’AFRIQUE EN 2017

* ESTIMATION OCT. 2016

L’agriculture reste le secteur clé de l’économie, puisqu’elle contribue pour près d’un tiers au PIB. Grâce à de meilleures infrastructures, notamment en matière d’irrigation, et grâce à une augmentation du nombre de têtes de bétail, le secteur devrait poursuivre sa croissance. Le gouvernementaaccordédevastesconcessions à quatre grandes entreprises agricoles saoudiennes pour améliorer le développement de ce domaine essentiel. En adoptant un système de change plus flexible, le Soudan a par ailleurs dopé ses exportations, notamment de bétail, de 25 % en 2015. Celles-ci devaient encore augmenter dans une proportion similaire en 2016. LeSoudanpeutcependant mieux faire dans sa production de sucre; seul un tiers de la capacité de cette activité est actuellement utilisé. Et le pays reste très exposé aux catastrophes naturelles. En août 2016, une centaine de personnes ont ainsi été tuées par des inondations qui ont déplacé des milliers d’habitants. L’état déplorable des routes a empêché le déploiement efficace des secours, et les villages inondés sont souvent inaccessibles. L’état des libertés demeure très préoccupant au Soudan, qui pointe au 174e rang (sur 180 pays) dans le classement sur la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières. En août 2016, quatre journaux indépendants ont ainsi été suspendus. Par ailleurs, une loi sur l’ordre public veille à ce que les tenues vestimentaires des femmes soient en conformité avec la charia, et les contrevenantes peuvent être condamnées à des coups de fouet. Enfin, le Soudan fait partie des pires élèves en matière de parité hommes-femmes dans l’accès aux richesses économiques. Le pays a beaucoup de progrès à accomplir au niveau de l’éducation, un quart des enfants n’allant toujours pas à l’école

Port-Soudan

ARABIE SAOUD.

ge ou

L

es négociations de paix entre le pouvoir et les rebelles ont de nouveau échoué en 2016. Les différentes parties qui s’affrontent, d’une part au Darfour, dans l’Ouest, depuis 2003, d’autre part dans le Sud, depuis 2011, n’ont pas pu s’accorder. Les principaux groupes rebelles avaient pourtant signé une feuille de route proposée par l’UA pour amorcer des pourparlers en vue d’un cessez-le-feu permanent. Mais les négociations ont bloqué sur la question de l’acheminement de l’aide humanitaire dans les régions touchées. Les rebelles se plaignent d’être marginalisés, économiquement et politiquement, par Khartoum. En avril 2016, le pouvoir central soudanais a remporté un référendum au Darfour qui a permis de maintenir l’éclatement en plusieurs États de cette région riche en ressources (pétrole, uranium et cuivre), contrairement aux réclamations des rebelles, qui voulaient l’unifier. Quant au président Omar elBéchir, à la tête du pays depuis 1989 et largement réélu en avril 2015, il ne compte pas passer la main. Depuis 2009, il est sous le coup d’un mandat d’arrêt de la CPI pour crimes de guerre et génocide – une raison de plus de s’accrocher au pouvoir.

ÉGYPTE

LIBYE

rR Me

SOUDAN Ni paix ni liberté


MANNE. Faiblement doté en infrastructures,

le Soudan du Sud estessentiellementrural, l’élevageetl’agriculturevivrièreconstituant l’essentiel de ses ressources. Pour l’heure, l’importante richesse de son sous-sol ne bénéficie guère aux populations. Si les réserves en hydrocarbures expliquent en partie les conflits armés qui ont opposé, de 1955 à 1972 puis de 1983 à 2005, le nord et le sud de ce qui s’appelait alors le Soudan, l’accession à l’indépendance du Sud, le 9 juillet 2011, n’a guère permis au pays de profiter de la manne promise. Pendant les deux premières années, ce furent les tensions avec Khartoum – dont Djouba dépend pour l’exportation de son brut via Port-Soudan – qui entraînèrent le blocage del’exploitationdupétrole.Aujourd’hui,ce sont la guerre civile et la baisse drastique du prix du baril qui empêchent le pays de bénéficier d’une rente annoncée. On ne parle donc plus, pour l’heure, de construire un pipelinejusqu’àLamu,au Kenya, ni une nouvelle capitale à Ramciel… Très présentes sur place, aux côtés d’ONG comme Médecins sans frontières, les Nations unies ne peuvent que constater l’échec de leur tentative pour accompagner la naissance d’un État. Quelque 200000 civils à l’abri dans six camps disséminés à travers le pays, une mission de maintien de la paix, la Minuss, forte de 12 000 hommes, et une guerre qui n’en finit pas… « Même si le chemin qui reste à parcourir demeure difficile, je garde l’espoir que la paix l’emporte et que cette jeune nation tienne enfin toutes ses promesses, déclarait en octobre 2016 la représentante spéciale de l’ONU, Ellen

Quelque 200000 civils ont été mis à l’abri dans six camps disséminés à travers le pays.

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N O 45 L’AFRIQUE EN 2017

TCHAD

ÉTHIOPIE

Djouba RD CONGO

OUGANDA

200 km

Population : 12,5 millions Croissance démographique: 3,5 % PIB par habitant : 210 $ Espérance de vie : 55,7 ans Alphabétisation : 31,98 % Inflation : 212,44 % Indice de développement humain (sur 188 pays) : 169e Investissements directs étrangers : – 277 millions de $ Balance courante : – 0,48 % du PIB Taux de pénétration du téléphone mobile : 24 % Principale exportation : hydrocarbures Dernier changement de président : 2011 Croissance du PIB (%)

2,9

-0,2

-13,1

-6,1

* ESTIMATION OCT. 2016

Selon le bureau sud-soudanais des statistiques, les prix de certaines d’entre elles ont explosé de plus de 1 000 % depuis juillet 2016 dans certains États du pays.

SOUDAN DU SUD

KENYA

E

t si 2017 se révélait encore pire que 2016 pour le jeune Soudan du Sud ? Qu’il semble loin le mois d’août 2015, quand un accord de paix était signé entre le président, Salva Kiir, et son ancien viceprésident, Riek Machar, laissant entrevoir une mince lueur d’espoir ! Imposé par Washington et parrainé par l’Autorité intergouvernementale pour le développement (Igad), cet accord prévoyait un retour à la situation qui prévalait avant les affrontements de 2013 entre les forces fidèles à Kiir et les « rebelles » de Machar. Si tout s’était bien passé, ce dernier serait redevenu vice-président pour trente mois, un cessez-le-feu aurait été imposé, permettant des élections législatives, le départ des forces ougandaises et la création d’une commission vérité et réconciliation. Voire une élection présidentielle en 2017. De réconciliation, il n’est aujourd’hui plus question. Mi-2016, de violents combats ont opposé, à Djouba, les soldats de Kiir aux hommes de Machar. Ce dernier a dû quitter le pays, s’installant pour un bref laps de temps en RD Congo avant de trouver refuge chez le frère ennemi, à Khartoum. Depuis, les affrontements se poursuivent dans plusieurs régions du pays, à Yei, Malakal, Leer ou encore sur la route entre Djouba et l’Ouganda – principal partenaire commercial du Soudan du Sud. Les dernières estimations font état de 50 000 morts et 2 millionsdedéplacés.Surune population de 12,5 millions de personnes, 4,8 millions de Sud-Soudanais auraient besoin d’une aide alimentaire – et la sécheresse qui touche le nord du pays est loin d’être seule en cause. Les combats ont provoqué le départ d’opérateurs économiques kényans, ougandais ou éthiopiens et empêchent l’acheminement de denrées de première nécessité comme les céréales.

SOUDAN CENTRAFRIQUE

SOUDAN DU SUD Des cris dans le désert

PIB (milliards de $)

14 2014

9,3

2,6

3,6

2015*

2016*

2017*

Margrethe Løj. J’attends le jour où les garçons et les filles du Soudan du Sud n’auront jamais connu le traumatisme de la guerre et pourront s’accomplir entièrement. » Au même moment, un rapport d’Amnesty International faisait état de crimes, de viols et de pillages, insistant sur l’aspect ethnique de la répression menée par les forces gouvernementales et appelant pour la énième fois à un embargo sur les armes. Un cri dans le désert. 163


ils doivent préférer la voiture – voire leurs jambes – quand il s’agit de rejoindre leur bureau… Au-delà de ces effets de manche qui relèvent du one-man-show, Magufuli a promis, en juin 2016, un budget allouant 40 % des dépenses de l’État au développement et aux infrastructures. GAZ. Sur le plan économique, la Tanzanie

– essentiellement agraire – compte beaucoup sur les réserves de gaz (quelque 1 500 milliards de mètres cubes) découvertes dans l’est du pays. En août 2016, John Magufuli a tapé du poing sur la table à propos du projet d’usine de liquéfaction dans la ville portuaire de Lindi (dont le siège au Parlement a été remporté par l’opposition): « Je veux voir la construction de cette usine démarrer très rapidement. Accélérez le processus afin que les investisseurs puissent commencer les travaux de construction de l’usine immédiatement ! » a-t-il exigé. D’un coût de 30 milliards de dollars (environ 27 milliards d’euros), le terminal de traitement doit être construit par BG Group, Statoil, ExxonMobil et Ophir Energy, en partenariat avec la Tanzania Petroleum Development Corporation (TPDC). Mais pour l’heure, c’est la lenteur du processus d’expropriation desterres qui ralentit le projet. Pays stable qui a su renforcer son attractivité touristique, la Tanzanie devait bénéficier d’une croissance de 7,2 % en 2016, si l’on en croit le FMI. Ces bonnes nouvelles ne doivent pas faire oublier une certaine raideur du régime quant aux voix discordantes. En utilisant une nouvelle loi sur la cybercriminalité, le gouvernement s’en est pris à des journalistes, suspendant Radio Five et Magic FM, ainsi que le journal Mseto, pour diffusion de fausses nouvelles et incitation à la violence. Le principal parti

Élu en octobre 2015, John Magufuli a fait de la lutte contre la corruption l’une de ses priorités.

164

RWANDA

OUGANDA Lac Victoria

BURUNDI

KENYA Arusha

Dodoma

TANZANIE

400 km

ZAMB. MAL.

Dar es-Salaam

MOZAMBIQUE

Population : 48,6 millions Croissance démographique : 3,1 % PIB par habitant : 960 $ Espérance de vie : 65 ans Alphabétisation : 80,36 % Inflation : 5,22 % Indice de développement humain (sur 188 pays) : 151e Investissements directs étrangers : 1 532 millions de $ Balance courante : – 8,82 % du PIB Taux de pénétration du téléphone mobile : 55 % Principale exportation : métaux précieux Dernier changement de président : 2015 Croissance du PIB (%) 7,2 7 7

7,2

PIB (milliards de $)

48,3

45,6

46,7

50,5

2014

2015

2016*

2017*

d’opposition, Chama cha Demokrasia na Maendeleo (Chadema), qui a gagné en influence lors des élections précédentes, a dénoncé des « tendances antidémocratiques ». Outre ses objectifs de développement, le nouveau président aura sans doute à cœur de lutter contre la lente érosiondeladominationduCCMsurlavie politique tanzanienne. Pour ce faire, il ne pourra pas se contenter d’effets d’annonce, il lui faudra des résultats tangibles. JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N O 45 L’AFRIQUE EN 2017

* ESTIMATION OCT. 2016

A

près « Vasco de Gama », le « Bulldozer ». En octobre 2015, les Tanzaniens ont élu John Magufuli à la présidence du pays, avec 58,5 % des voix, contre40%poursonrivalEdwardLowassa – soit le scrutin le plus serré depuis l’instauration du multipartisme, en 1990. Fidèle à sa parole comme à la Constitution de son pays, son prédécesseur, le grand voyageur Jakaya Kikwete, lui a confié les rênes du pouvoir ; une transition facilitée par le fait qu’ils appartiennent tous deux à la même formation politique, le Parti de la révolution (Chama cha Mapinduzi, CCM), hégémonique depuis 1977. En très peu de temps, le nouveau venu a imposé son style auprès de Tanzaniens qui ne gardaient de lui qu’un souvenir confus lié à ses passages à la tête de différents ministères (Logement, Élevage et Pêche, puis Travaux publics à deux reprises). Dès le début, il a annoncé faire de la lutte contre la corruption et de l’amélioration des conditions de vie ses priorités. Professeur de chimie et fils de paysan, John Magufuli a commencé par renoncer aux célébrations de l’indépendance (26 avril 1964),traditionnellement fort dispendieuses, au profit d’une campagne de nettoyage des espaces publics. Puis, sans crainte d’être jugé démagogue, il est lui-même descendu dans la rue pour passer le balai. Au passage, il a aussi fait le ménage dans un certain nombre de ministères, remerciant ceux de ses collaborateurs qu’il ne jugeait pas assez efficaces. Ce n’est pas tout : il a aussi réduit les déplacementsàl’étrangerdesresponsables tanzaniens et promis de valider ou de refuserlui-mêmedesmissionsaussicoûteuses. Seuls le président, le vice-président et le Premier ministre sont encore autorisés à voyager en première classe quand ils prennentl’avion;maisàl’intérieurdupays,

RD CONGO

Océan Indien

TANZANIE Le «Bulldozer » trace sa route


LE

Mali Au cœur du procès Sanogo

de Jeun PLUS e Afriq ue

Objec NÉGAL tif 201 7 Place sur l’échiqu Où en ier africain est le , résultat pays depuis Pour l’exécut s économ if comme le début du septenn iques, dynamiq pour l’opposi at de Macky ue sociale… auront tion, les valeur Sall, en législati de premier 2012 ves de grand juin prochai ? test. n

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AFRIQUE AUSTRALE Un environnement hostile

L

es éléments semblent s’être ligués contre la sous-région. Au niveau climatique, d’abord, puisque l’Afrique australe fait face, depuis deux ans, à une inquiétante vague de sécheresse. Pays dont la population vit essentiellement de l’agriculture, le Lesotho, le Malawi et le Swaziland en font les frais. La conjoncture mondiale, elle non plus, ne fait pas de cadeau : les cours du pétrole et du cuivre, particulièrement bas, affectent les taux de croissance de l’Angola (0 % en 2016), du Mozambique et de la Zambie. Et la situation n’est pas meilleure en Afrique

du Sud (0,1 %) et au Zimbabwe (– 0,3 %), où la morosité économique s’accompagne d’une contestation politique : à Pretoria, le Congrès national africain (ANC, au pouvoir) voit sa popularité s’éroder de jour en jour, tandis qu’à Harare, l’indéboulonnable Robert Mugabe compte de moins en moins de partisans, même au sein de la Zanu-PF. Pendant ce temps, le Botswana et la Namibie poursuivent leur développement, faisant le nécessaire pour que leurs atouts miniers se traduisent en progrès sociaux. Des exemples à suivre.

TANZANIE

RD CONGO

Luanda Huambo

MALAWI Lilongwe

ZAMBIE

ANGOLA

Lusaka

Nampula

Blantyre Harare

ZIMBABWE

NAMIBIE Océan Atlantique

BOTSWANA Windhoek

Gaborone

AFRIQUE DU SUD Le Cap

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N O 45 L’AFRIQUE EN 2017

MADAGASCAR

Beira

Bulawayo

MOZAMBIQUE

Pretoria

Johannesburg Kimberley

168 AFRIQUE DU SUD 169 ANGOLA 170 BOTSWANA 171 LESOTHO 172 MALAWI 173 MOZAMBIQUE 174 NAMIBIE 175 SWAZILAND 176 ZAMBIE 177 ZIMBABWE

Maputo Mbabane

SWAZILAND Océan Indien

Maseru

LESOTHO Port Elizabeth

Durban

300 km

167


L’année 2017 devrait marquer un tournant pour le parti au pouvoir. En fin d’année, l’ANC élira son nouveau président – et candidat à l’élection présidentielle de 2019. Jacob Zuma ne pouvant se présenter à sa propre succession, deux favoris se dégagent pour l’heure. Cyril Ramaphosa, l’actuel vice-président, semble le candidat naturel; mais ses relations plutôt fraîches avec Zuma, qui contrôle encore l’appareil du parti, et l’absence de soutien au sommet de l’ANC pourraient le handicaper. Et c’est l’ex-présidente de l’UA, Nkosazana DlaminiZuma, qui pourrait en profiter pour faire son retour dans l’arène nationale. L’ex-épouse de Jacob Zuma a gardé de bonnes relations avec lui et pourrait bénéficier de son appui pour lui succéder. Ce marasme politique, qui commence à lasser y compris au sein de l’ANC, n’aide pas l’économie à redémarrer. Fin 2015, Zuma a changé trois fois de ministre des Finances en une semaine, tentant vainement de promouvoir un député inexpérimenté – mais proche de lui. Face à la réaction désastreuse des marchés, il a nommé dans l’urgence Pravin Gordhan, qui avait déjà occupé le poste de 2009 à 2014 et qui s’efforce désormais de mener une politique budgétaire sérieuse. Il y a urgence, car la croissance sud-africaine devrait plafonner à 0,1 % en 2016 et les prévisions du FMI pour 2017 ne dépassent pas 0,8 %. Très dépendante du secteur minier – et notamment du platine, dont elle fournit 70 % de la production mondiale –, l’Afrique du Sud souffre de la chute globale des cours des matières premières. La devise sud-africaine, le rand, reste extrêmement volatile et a perdu 35 % de sa valeur face au dollar depuis la réélection de Zuma, en 2014. En 2017, le pays pourrait voir la note de sa dette souveraine

Aux dernières élections, le parti de Jacob Zuma a enregistré le pire score de son histoire.

Mais le recul de l’ANC s’explique aussi par une certaine lassitude envers le président, Jacob Zuma, empêtré dans plusieurs scandales. L’année 2016 aura été difficile pour le chef de l’État, reconnu coupable en mars de violation de la Constitution pour avoir refusé de rembourser l’argent public utilisé dans la rénovation de sa résidence privée. Des poursuites pourraient aussi être rouvertes contre lui dans une affaire de corruption liée à un vieux contrat d’armement. Enfin, il est régulièrement ciblé par l’opposition, qui l’accuse de favoriser ses proches dans l’obtention de contrats. Une riche famille d’origine indienne, les Gupta, est soupçonnéed’influencerlesdécisionsduprésident. LASSITUDE.

168

Pretoria NAMIBIE

Océan Atl.

Johannesburg SWAZ.

AFRIQUE DU SUD

LESOTHO Durban

Le Cap

Océan Indien 300 km

Population : 55,9 millions Croissance démographique : 1,6 % PIB par habitant : 5 018 $ Espérance de vie : 57,4 ans Alphabétisation : 94,6 % Inflation : 6,40 % Indice de développement humain (sur 188 pays) : 116e Investissements directs étrangers : 772 millions de $ Balance courante : – 3,34 % du PIB Taux de pénétration du téléphone mobile : 145 % Principale exportation : or Dernier changement de président : 2009 Croissance du PIB (%) 1,3

0,1

1,6

0,8

PIB (milliards de $)

351,6

314,7

280,4

288,2

2014

2015

2016*

2017*

être de nouveau abaissée et passer dans les catégories spéculatives. Pour ne rien arranger, la sécheresse qui frappe l’Afrique australe n’a pas épargné le pays. Et si sa production d’électricité a été moins chaotique en 2016 que les années précédentes, l’Afrique du Sud cherche toujours à sortir du tout-charbon et prévoit la construction deplusieursréacteursnucléaires.Unprojet sujet à de nombreuses controverses et sans cesse repoussé. JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N O 45 L’AFRIQUE EN 2017

* ESTIMATION OCT. 2016

U

nventnouveauasoufflésurl’Afrique du Sud en 2016. Les élections municipales, en août, ont montré un recul inédit du Congrès national africain (ANC), au pouvoir depuis la fin de l’apartheid, en 1994. Si le parti historique de feu Nelson Mandela reste dominant, il a enregistré le pire score de son histoire, avec moins de 54 % des voix au niveau national. Pis encore, il a dû abandonner la gestion de trois grandes villes, Johannesburg, Pretoria et Port Elizabeth, désormais gouvernées par des maires de l’Alliance démocratique (DA, opposition). Plusieurs facteurs expliquent ce désamour croissant vis-à-vis de l’ANC. Beaucoup d’habitants se sentent trahis. Ils ont le sentiment que les promesses entrevues en 1994 avec l’avènement de la démocratie n’ont pas été tenues. Le chômage reste fort – au-dessus de 26 % – et les inégalités de richesse comptent parmi les plus élevées au monde. Une grande partie de la population noire, urbaine comme rurale, habite toujours dans des bidonvilles.

ZIMBABWE BOTSWANA

MOZ.

AFRIQUE DU SUD L’ANC fragilisé


ANGOLA Dos Santos maître du temps Gonçalves Lourenço, ministre de la Défense, qui a la faveur des pronostics. Encore faudra-t-il que le chef le hisse au bon endroit au bon moment. Rien n’est joué. DETTE. L’incertitude règne également sur le plan économique. La deuxième puissance pétrolière du continent va mal. Les fondamentaux macroéconomiques ne cessent de se dégrader. En 2016, selon le FMI, le PIB devait stagner… Pour tenir le coup, l’État s’endette, encore et encore. En interne, la dette publique est passée de 20 milliards de dollars en 2013 à près de 60 milliards (environ 53 milliards d’euros) trois ans plus tard. À l’extérieur, elle a été presque multipliée par deux : de 15 milliards à 30 milliards de dollars sur la même période. Conséquence : le kwanza se déprécie gravement, creusant davantage le fossé entre une oligarchie de riches et une majorité de la population qui vit avec moins de 2 dollars par jour. Avant l’effondrement des cours du pétrole, les gouvernants n’ont jamais su répartir équitablement les richesses ni réduire les inégalités sociales. Le pays campe toujours aux dernières places des États les plus corrompus au monde, selon Transparency International. Malgré la répression tous azimuts, des voix s’élèvent pour critiquer le pouvoir de dos Santos. Des ONG nationales et internationales dénoncent la persistance des violations des droits de l’homme à travers le pays. S’il lui arrive désormais de lâcher du lest – par exemple avec la libération conditionnelle accordée à 17 opposants dont le rappeur Ikonoklasta, condamné pour « rébellion et tentative de renversement du président » –, le régime ne vacille guère. En tout cas, pas encore.

Le président, candidat à sa succession en 2017, promet de passer le relais… un an plus tard.

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N O 45 L’AFRIQUE EN 2017

ANGOLA

Lobito Océan Atlantique

200 km

Huambo

NAMIBIE

Population : 27,4 millions Croissance démographique : 3,2 % PIB par habitant : 3 360 $ Espérance de vie : 52,3 ans Alphabétisation : 71,16 % Inflation : 33,68 % Indice de développement humain (sur 188 pays) : 149e Investissements directs étrangers : 8 681 millions de $ Balance courante : – 5,36 % du PIB Taux de pénétration du téléphone mobile : 61 % Principale exportation : hydrocarbures Dernier changement de président : 1979 Croissance du PIB (%) 3 4,8

0

1,5

* ESTIMATION OCT. 2016

Z

edu » passerait-il enfin le flambeau ? Rien n’est moins sûr. Le deuxième doyen des chefs d’État africains a certes annoncé – et ce n’est pas la première fois – qu’il quitterait le pouvoir en 2018, mais aucun détail n’a été donné sur les modalités pratiques de sa fin de règne. José Eduardo dos Santos, 74 ans dont trente-sept à la tête de l’Angola, reste maître du timing. « Le chef déteste perdre le contrôle des événements », glisse un conseiller ministériel à Luanda. En août 2016, il a été réélu président du Mouvement populaire de libération de l’Angola (MPLA), sa formation politique, avec un score soviétique (99 % des voix). Malgré sa santé fragile et une situation économique morose, il faudra donc compter avec lui pour la prochaine échéance électorale, en août 2017 : le leader du parti vainqueur des élections législatives étant désigné d’office président de la République, « Zedu » est bien candidat à sa propre succession. Sauf grand imprévu, ce n’est qu’après sa réélection qu’il pourrait passer le relais. Mais à qui? Comme dans un jeu d’échecs, les pions du chef sont alignés et avancent, à petits pas mais non sans stratégie. Isabel dos Santos, la « princesse », a pris en juin 2016 les commandes de Sonangol, la compagnie pétrolière nationale, tandis que sa sœur Welwitschia (« Tchizé ») et leur jeune frère José Filomeno ont intégré le comité central du parti. Se dirige-t-on vers une succession dynastique ? « Ce serait un pari risqué. Le MPLA risque d’exploser », prévient un observateur avisé. En son état actuel, la Constitution prévoit que, en cas de vacance du pouvoir, c’est le vice-président, Manuel Vicente en l’occurrence, qui prend les rênes… mais au sein du MPLA, c’est plutôt le général João Manuel

Luanda

ZAMBIE

«

RD CONGO

PIB (milliards de $)

126,8 2014

103

91,9

102,3

2015

2016*

2017*

« Mais si Luanda ne parvient pas à juguler la crise économique, tout peut arriver », craint une source diplomatique régionale qui n’écarte pas l’hypothèse d’une révolution « à la burkinabè ». Un avertissement que les autorités angolaises semblent prendre très au sérieux. Au ministère des Finances, on assure que « l’année 2017 sera celle de la mise en œuvre des réformes structurelles pour stabiliser de nouveau le cadre macroéconomique ». 169


est restée stable en 2016, signe d’une certaine confiance. Le pays est également le leader africain en matière de lutte contre la corruption, selon Transparency International. Mais sans accès à la mer, il reste très dépendant de ses voisins pour son approvisionnement, et notamment de l’Afrique du Sud, qui représente 60 % de ses importations. Le Botswana fait néanmoins partie d’accords multilatéraux pour commercer davantage avec d’autres pays, notamment en Afrique de l’Est. MANQUE D’EAU. Mais le pays, comme tous

ses voisins d’Afrique australe, fait face depuis deux ans à une sécheresse d’une ampleur sans précédent qui laisse près de 40 millions de personnes en insécurité alimentaire dans la région. Conséquence logique : le secteur agricole est en récession. Cette sécheresse ne va pas aider le Botswana à surmonter ses difficultés structurelles, comme le manque d’eau et l’approvisionnement électrique, plus que chaotique. L’agrandissement de la centrale à charbon de Morupule, qui fournit pour l’heure l’intégralité de l’électricité du pays, devrait toutefois permettre d’éviter les coupures de courant. Sur le plan politique, le président Khama, réélu en 2014 pour un deuxième et dernier mandat de cinq ans, jouit d’une confortable majorité au Parlement (65 %), même si le soutien au Parti démocratique du Botswana (BDP), au pouvoir depuis l’indépendance, en 1966, s’érode lentement. Mais le concert de louanges qui entoure régulièrement le Botswana en matière politique et économique ne doit pas faire oublier que le pays a encore des progrès à faire en ce qui concerne le respect des droits de l’homme. L’homosexualité y est toujours criminalisée, la peine de mort est encore appliquée,

Une bonne partie des bénéfices tirés de la vente des pierres est investie dans l’éducation.

170

ZIMBABWE Francistown

BOTSWAN A Gaborone

AFRIQUE DU SUD

200 km

Population : 2,2 millions Croissance démographique : 1,9 % PIB par habitant : 5 082 $ Espérance de vie : 64,5 ans Alphabétisation : 88,22 % Inflation : 3,2 % Indice de développement humain (sur 188 pays) : 106e Investissements directs étrangers : 394 millions de $ Balance courante : 4,08 % du PIB Taux de pénétration du téléphone mobile : 160 % Principale exportation : diamants Dernier changement de président : 2008 Croissance du PIB (%)

3,2

-0,3

3,1

4

PIB (milliards de $)

15,9

14,4

2014

2015

10,9

11

2016*

2017*

et les exactions contre les Bushmen dans les régions rurales restent nombreuses. Enfin, si le Botswana reste sur le triste podium des pays où le taux de sida est le plus élevé au monde, la lutte contre le VIH montre son efficacité. Grâce à une politique volontariste permettant de distribuer des antirétroviraux gratuits à la population, le taux de prévalence, proche de 40 % au début des années 2000, est descendu à 21 %. JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N O 45 L’AFRIQUE EN 2017

* ESTIMATION OCT. 2016

D

euxièmeproducteurmondialdediamants, le Botswana est ultradépendant de cette pierre, qui représente 89 % de ses revenus d’exportation et 40 % des recettes de l’État. L’exploitation est partagée avec le sud-africain De Beers via un partenariat public-privé, et le Botswana veut apparaître comme un modèle dans le secteur des « diamants du développement », où les richesses tirées de l’extraction sont redistribuées à la population. Les taxes, notamment, sont particulièrement élevées pour les compagnies minières (plusde35%)etlegouvernementrécupère la plus grosse part du gâteau. Les diamants botswanais sont extraits, traités et vendus sur place, et une bonne partie des bénéfices est réinvestie dans l’éducation ou la santé: l’école est gratuite jusqu’à13ans.Unexempleplutôtraredans un secteur réputé pour son opacité. Après une période de turbulences, le prix de la pierre précieuse devrait graduellement remonter dans les prochaines années, rendant les perspectives de croissance de l’économie botswanaise plutôt favorables. Le FMI prévoyait un taux de 3,1 % en 2016, soit bien mieux qu’en 2015, année où le PIB avait chuté de 0,3 %. Loué pour sa stabilité politique et sa gestion économiqueraisonnable, le Botswana profite d’un tourisme en plein essor. Le pays a conscience de la nécessité de ne pas être soumis à une seule ressource. En juin 2016, Seretse Ian Khama, président depuis 2008, a demandé à son peuple de ne pas oublier que les diamants « ne seront pas là pour toujours ». Le Botswana a ainsi lancé, fin 2015, un programme pour diversifier son économie et faire baisser le taux de chômage, qui dépasse encore 20 %. Contrairement à celles de la plupart de ses voisins – y compris le géant sudafricain –, la devise botswanaise, le pula,

ZAMBIE

ANGOLA NAMIBIE

BOTSWANA Du bon usage des diamants


LESOTHO À sec

Maseru

le budget 2016. Ce ralentissement global des subsides étrangers a particulièrement affecté le secteur de la construction, l’un des vecteurs traditionnels de la croissance lesothane. Tributaire de l’aide internationale et des investissements publics, le pays ne bénéficie pas d’un environnement très favorable aux investisseurs, en raison notamment de son manque d’infrastructures. Le secteur privé ne pèse que 15 % du PIB, et le gouvernement reste de loin le plus gros employeur du royaume. Le Lesotho compte néanmoins sur une nouvelle mine de diamants, qui doit commencer à produire fin 2016 et dont le gouvernement possède 25 % des parts, pour dynamiser son économie. Le site de Liqhobong possède un potentiel de 11 millions de carats. Le secteur minier, essentiellement diamantifère, compte désormais pour près de 10 % du PIB du pays, un chiffre en constante progression.

Les barrages sont remplis, mais une grande partie des réserves est destinée à Johannesburg.

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N O 45 L’AFRIQUE EN 2017

LESOTHO

AFRIQUE DU SUD

Population : 1,9 million Croissance démographique : 1,2 % PIB par habitant : 932 $ Espérance de vie : 49,8 ans Alphabétisation : 79,36 % Inflation : 8,60 % Indice de développement humain (sur 188 pays) : 161e Investissements directs étrangers : 169 millions de $ Balance courante : – 7,99 % du PIB Taux de pénétration du téléphone mobile : 86 % Principale exportation : diamants Dernier changement de Premier ministre : 2015 Croissance du PIB (%)

3,4

ATERMOIEMENTS. Le Lesotho a obtenu en

2015 le renouvellement pour dix ans des accords commerciaux préférentiels avec les États-Unis dans le cadre de l’African Growth and Opportunity Act (Agoa). Ceux-ci bénéficient généralement au secteur manufacturier, et notamment à l’industrie textile, qui emploie 40 000 personnes. Une bouffée d’air frais pour le pays, après quelques années d’incertitudes quant au renouvellement de ce partenariat, ces atermoiements entraînant un ralentissement du secteur manufacturier. Mais le royaume pourrait être la victime collatérale de nouveaux accords signés par les États-Unis avec d’autres pays comme Haïti ou la Malaisie, qui risquent d’affecter ses volumes d’exportations. Le Lesotho doit donc très vite diversifier ses partenaires commerciaux,

30 km

2,8

2,4

3,8 * ESTIMATION OCT. 2016

D

ans ce petit royaume enclavé au sein de l’Afrique du Sud, les habitants n’ont plus d’eau. Pays montagneux qui jouit d’un climat très pluvieux en hiver, le Lesotho possède pourtant de nombreux barrages bien remplis, comme celui de Katse, au centre. Mais dans le cadre du Highlands Water Project, lancé en 1986, une grande partie de ces réserves est envoyée à… Johannesburg. Si bien que, malgré la sécheresse qui frappe l’Afrique australe depuis deux ans, pas questionpourlespaysans du « royaume du ciel » de toucher à l’eau destinée au voisin. Résultat : la production de maïs s’est effondrée (25000 tonnes en 2016, contre 78 000 en 2015), les prix ont flambé et la population compte sur les rations du Programme alimentaire mondial (PAM). La confiance des bailleurs de fonds internationaux, dont le Lesotho est très dépendant, est en outre entamée par une instabilité politique persistante depuis deux ans. En l’absence de majorité absolue, le Parlement du Lesotho – monarchie constitutionnelle où le roi n’a pas de pouvoir – fonctionne grâce à une coalition précaire. Et depuis 2015, l’opposition, menée par l’ex-Premier ministre Tom Thabane, boycotte régulièrement les sessions parlementaires. Depuis la tentative de coup d’État de 2014, la médiation sud-africaine n’a pas beaucoup fait avancer les choses, et plusieurs leaders de l’opposition – dont Thabane – sont toujours en exil. La croissance économique est logiquement affectée. Selon le FMI, elle devait baisser à 2,4 % en 2016 (après 2,8 % en 2015) et pourrait monter à 3,8 % en 2017. L’aide américaine bilatérale, via le Millennium Challenge Account, a été provisoirement suspendue en 2016 en raison des problèmes politiques. Et l’UE a retiré son aide (27 millions d’euros) pour

AFRIQUE DU SUD

PIB (milliards de $)

2,2

2

1,8

1,9

2014

2015*

2016*

2017*

concentrés aujourd’hui entre l’Afrique du Sud, les États-Unis et l’UE. Classé 161e sur 188 pays selon l’indice de développement humain, le royaume doit lutter contre l’extrême pauvreté (moins de 1,25 dollar par jour), qui touche 56 % de la population. L’espérance de vie est inférieure à 50 ans, notamment à cause du sida, qui affecte 23 % de la population active – ce qui fait du Lesotho le deuxième pays le plus touché au monde. 171


MALAWI Lutter contre les éléments contribuables. Cette réforme était indispensable pour regagner la confiance des bailleurs de fonds internationaux, qui avaient suspendu leur aide après la révélation d’un immense scandale de corruption au sommet de l’État, en 2013 : le « Cashgate ». Quelque 32 millions de dollars de fonds publics (environ 23 millions d’euros) avaient été détournés par des proches du précédent régime. Depuis l’éclatement du scandale, au moins quatre personnes ont été condamnées à de la prison ferme. Sans aide internationale (dont le pays dépend à 40 %), il sera difficile pour le président Peter Mutharika, au pouvoir depuis 2014, de poursuivre le développement du Malawi. Les chantiers sont encore nombreux dans ce pays privé d’accès à la mer, au marché local restreint et aux infrastructures très faibles. Le gouvernement est également attendu au tournant pour lancer des réformes efficaces dans la lutte contre la pauvreté. Une loi permettant un meilleur accès à la terre pour les plus pauvres a notamment été votée en juillet 2016. Le pays tente aussi de faire des progrès en matière d’éducation, un secteur auquel il consacre 7 % de son budget – une part élevée par rapport à ses voisins. Mais le manque de fournitures scolaires et de professeurs dans certaines zones du territoire reste un frein au développement d’une politique éducative efficace. Le système de santé reste quant à lui largement défaillant, avec une forte mortalité maternelle (574 femmes pour 100 000 naissances), notamment à cause du manque d’accès aux soins dans un pays où plus de 80 % de la population vit à la campagne. Le Malawi a également d’énormes progrès à accomplir dans l’égalité des sexes. Il est fréquent que des mineures soient

Alternativement victime de sécheresse et d’inondations, le pays a vu sa production de céréales chuter.

TABAC. En

2016, l’inflation avoisinait les 20 %, alors que le gouvernement espérait la juguler en dessous de 12 %. Un objectif inatteignable en raison de la dépréciation de la devise nationale, le kwacha, qui a perdu 56 % de sa valeur en un an. Le Malawi dépend aussi beaucoup de sa production de tabac. Mais face à la baisse de la demande mondiale, les revenus tirés de ce secteur devraient être plus faibles que prévu dans les années à venir. Le gouvernement a lancé une grande réforme du secteur public, notamment pour la gestion de l’argent des 172

Lac Malawi

M A L AW I ZAMBIE

Lilongwe MOZAMBIQUE

MOZAMBIQUE Blantyre 150 km

Population : 18,6 millions Croissance démographique : 3,1 % PIB par habitant : 293 $ Espérance de vie : 62,8 ans Alphabétisation : 65,96 % Inflation : 19,78 % Indice de développement humain (sur 188 pays) : 173e Investissements directs étrangers : 143 millions de $ Balance courante : – 15,75 % du PIB Taux de pénétration du téléphone mobile : 32 % Principale exportation : tabac Dernier changement de président : 2014 Croissance du PIB (%)

5,7

2,9

2,7

4,5

PIB (milliards de $)

6,1

6,4

2014*

2015*

5,5 2016*

6,4 2017*

mariées de force. En juillet, l’arrestation d’un homme séropositif payé par des familles pour déflorer leurs jeunes filles a mis en lumière l’existence de cette coutume assez répandue au Malawi. Enfin, la situation des quelque 10 000 albinos que compte le pays est extrêmement préoccupante, en raison des crimes rituels fréquents qui les frappent. Pour les protéger, la justice a décidé, en juin 2016, de criminaliser la pratique de la sorcellerie. JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N O 45 L’AFRIQUE EN 2017

* ESTIMATION OCT. 2016

L

e Malawi est l’un des pays qui paient le plus lourd tribut au phénomène climatique El Niño, au point d’avoir déclaré l’état de catastrophe naturelle en avril 2016. Alternativement victime de sécheresse et d’inondations, le pays a vu sa production de céréales baisser de 30 % cette année. Quelque 2,8 millions de personnes, soit 15 % de la population, sont désormais en insécurité alimentaire. Très dépendant de l’agriculture, qui emploie plus de quatre habitants sur cinq, ce pays pauvre et rural n’a enregistré qu’une faible croissance de 2,9 % en 2015. Le FMI ne prévoyait pas plus pour 2016 (2,7 %), avant un rebond en 2017, avec un taux de 4,5 %. Mais cette prévision repose sur l’espoir de cieux plus cléments ; or les météorologistes estiment que davantage de perturbations climatiques sont à attendre en Afrique australe. Pour soutenir sa croissance, le Malawi devra donc plutôt miser sur le secteur minier, en investissant notamment dans l’uranium, qu’il exploite déjà, et dans des minerais plus rares comme le niobium. Car sans une bonne croissance, il sera difficile d’absorber l’augmentation de la population (+ 3 % par an).

TANZANIE


TANZANIE MALAWI

ZIMBABWE

le pays possède des réserves très importantes qui pourraient le placer dans le top 3 mondial des producteurs de gaz naturel. Le début de l’exportation, prévu pour 2020, pourrait totalement changer la donne pour ce pays où l’activité extractive est encore marginale. OPACITÉ. De fait, une fois les gisements de

gaz entrés en exploitation, le FMI n’exclut pas une croissance hallucinante : des chiffres compris entre 20 % et 24 % ont été évoqués en ce qui concerne les années 2020. Par ailleurs, de grands projets sont sur la table, notamment le développement de barrages hydroélectriques le long du Zambèze. Il faudra pour cela espérer un regain des cours des matières premières, dont le bas niveau freine pour l’heure les grands projets d’investissement. En attendant ces lendemains prometteurs, le Mozambique souffre encore des maux des pays qui dépendent de leurs ressources naturelles et qui comptent essentiellement sur les gros projets pour assurer leur développement. Ainsi,en2015,ladevise mozambicaine, le metical, a connu l’une des plus lourdes chutes en Afrique face au dollar ; et, en 2016, la situation n’a guère été plus reluisante, avec une baisse de 60 % face au billet vert. En tout, sur les dix dernières années,lemeticalaperdu 170 % de sa valeur. En outre, la confiance des bailleurs de fonds a été sérieusement entamée après la découverte d’un emprunt caché de 1 milliard de dollars (environ 900 millions d’euros). Une dette contractée dans l’opacité totale, sans l’accord du Parlement, provoquant les remontrances du FMI. Conséquence : entre 2012 et 2015, la dette publique du pays a bondi de 40,1 % à 86 % du PIB ! Sur le plan social, les inégalités demeurent énormes au Mozambique, où

Les rebelles de la Renamo réclament le pouvoir dans la moitié des provinces du pays.

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N O 45 L’AFRIQUE EN 2017

Nampula

Océan Indien

Beira

AFRIQUE DU SUD Maputo SWAZ.

300 km

Population : 28,8 millions Croissance démographique : 2,8 % PIB par habitant : 418 $ Espérance de vie : 55,1 ans Alphabétisation : 58,84 % Inflation : 16,70 % Indice de développement humain (sur 188 pays) : 180e Investissements directs étrangers : 3 711 millions de $ Balance courante: – 33,49 % du PIB Taux de pénétration du téléphone mobile : 48 % Principale exportation : aluminium Dernier changement de président : 2014 Croissance du PIB (%)

7,5

6,6

4,5

5,5

* ESTIMATION OCT. 2016

L’

instabilité est de retour dans le centre du pays. En 2016, les rebelles de la Renamo (opposition) ont mené plusieurs attaques contre des voitures et des bus de civils. De son côté, l’armée régulière a commis plusieurs exactions dans la région de Gorongosa, où le chef de la Renamo, Afonso Dhlakama, se cache après avoir échappé à plusieurs tentatives d’assassinat. Des dizaines de corps de civils ont été retrouvés, et aucune réelle enquête n’a été menée. LaRenamonereconnaîttoujourspasles résultats des élections générales d’octobre 2014 et réclame le pouvoir dans la moitié des provinces du pays. Des pourparlers de paix ont cependant repris dans la capitale, Maputo, et l’idée d’un partage du pouvoir entre la Renamo, majoritaire dans le Nord, et le Frelimo (au pouvoir), dans le Sud, a refait surface. Elle ne devrait cependant pas se traduire dans les faits avant les prochaines élections… en 2019. En attendant, la reprise des combats entraîne le déplacementdeplusieurs milliers de personnes vers le Malawi voisin. La mise en place de convois militaires pour assurer la sécurité de l’axe nordsud à l’intérieur du pays a considérablement ralenti l’économie locale. Cette instabilité politique mine l’économie pourtant florissante du Mozambique, élève modèle de l’Afrique australedanslesannées2010 avec des taux de croissance supérieurs à 7 %. La croissance, bien que toujours importante, devait stagner à 4,5 % en 2016, selon le FMI, principalement en raison d’exportationsmoinsélevéesqueprévu(en baisse de 20 % dans le gaz et de 23 % dans le charbon) et d’une chute des investissements directs étrangers. Les négociations entre les autorités et les gros investisseurs gaziers comme l’américain Anadarko et l’italien Eni traînent en longueur, alors que

MOZAMBIQUE

ZAMBIE

MADAGASCAR

MOZAMBIQUE De l’eau dans le gaz

PIB (milliards de $)

16,9

14,8

2014

2015

12

11,4

2016*

2017*

les 20 % les plus riches gagnent quatorze fois plus que les 20 % les plus pauvres. Selon le Pnud, le pays est classé 180e sur 188 selon l’indice de développement humain. Plus de la moitié de la population vit avec moins de 1 dollar par jour et cinq Mozambicains sur six avec moins de 2 dollars par jour. Le pays tente cependant de remédier à cela et a augmenté les parts de son budget consacrées à l’éducation (19 %) et à la santé (9 %). 173


NAMIBIE Stabilité et développement

BOTSWANA

Walvis Bay Windhoek

a Namibie avance, lentement mais sûrement, sans faire de bruit. La deuxième année de mandat du président Hage Geingob, qui jouit d’une écrasante majorité au Parlement (plus de 80 %), se déroule sans accroc. La stabilité politique de la Namibie et ses liens très forts avec la puissance sud-africaine voisine en font un pays attrayant pour les investisseurs étrangers. Régissant un grand territoire mais un petit marché, l’État cherche à s’intégrer dans la sous-région, et, pour ce faire, s’est doté d’une politique très libérale, favorable aux investissements. Seul le secteur essentiel de l’agriculture, où les autorités disposent d’un droit de préemption de la terre, échappe à ce marché très ouvert. Pays désertique et très peu peuplé (la densité de population est la deuxième plus faible au monde, après la Mongolie), la Namibie souffre particulièrement de la sécheresse qui frappe l’Afrique australe depuis deux ans. Les effets classiques d’une telle catastrophe naturelle sont évidemment réunis, avec la baisse de la production céréalière et la perte de nombreuses têtes de bétail. Mais d’autres conséquences plus indirectes frappent le pays. L’américain Coca-Cola a par exemple stoppé sa production en Namibie en raison de la rareté de l’eau, fermant temporairement ses deux usines, tout comme l’exportateur de viande TheMeatCo. Pouréconomiserl’eau,les autorités ont demandé à touteslesadministrations de réduire de 30 % leur consommation, et aux habitants d’utiliser un maximum de 90 litres par jour et par personne. Malgré ce fléau, la croissance économique continue de se porter plutôt bien. Après 5,3 % en 2015, elle devait s’établir à 4,2 % en 2016, selon le FMI, qui table sur un taux d’à nouveau 5,3 % en 2017 : un

regain qui repose sur l’ouverture potentielle de nouvelles mines d’uranium. La Namibie doit pourtant faire face à la chute des prix des matières premières. Les mines pèsent 13 % du PIB du pays, lequel peut notamment compter sur la croissance robuste de l’industrie diamantaire. Le secteur minier bénéficie aussi de la production de cuivre du gisement de Tschudi, doté d’un potentiel de 17 000 tonnes par an, et de celle du zinc du projet Skorpion, dont la durée de vie a été prolongée de deux ans, jusqu’en 2019. Forte de ses relations étroites avec Pékin, la Namibie compte sur son partenaire asiatique pour maintenir sa croissance. La Chine exploite notamment la mine d’uranium de Husab, en passe de devenir la plus grosse de la planète et qui devrait permettre au pays de devenir le troisième producteur mondial de ce minerai. Par ailleurs, l’agrandissement du port de Walvis Bay, que la Chine finance, est avancé à 50 % et devrait être achevé au début de 2018. Pékin a aussi annoncé qu’il allait aider Windhoek dans le développement de l’énergie solaire – la Namibie compte plus de 300 jours d’ensoleillement par an. Enfin, le pays compte toujours sur son attrait touristique. Ses atouts : de bonnes infrastructures routières et hôtelières, et des paysages et une faune variés. Les autorités se sont donné jusqu’à 2030 pour faire en sorte d’avoir une population en bonne santé, dotée d’un bon niveau d’éducation et sortie de la pauvreté. Mais les défis restent immenses dans un pays où les inégalités de revenus sont encore énormes. Certes, la Namibie dispose d’un système d’éducation de qualité, mais de trop nombreux élèves quittent l’école avant d’entrer à l’université. Si la présidence de Hage Geingob a SOLAIRE.

Ses atouts touristiques: de bonnes infrastructures, des paysages et une faune variés.

174

ZAMBIE

NAMIBIE Océan Atlantique

AFRIQUE DU SUD

300 km

Population : 2,3 millions Croissance démographique : 2,3 % PIB par habitant : 4 427 $ Espérance de vie : 64,8 ans Alphabétisation : 90,82 % Inflation : 6,60 % Indice de développement humain (sur 188 pays) : 126e Investissements directs étrangers : 1 078 millions de $ Balance courante: – 12,14 % du PIB Taux de pénétration du téléphone mobile : 118 % Principale exportation : diamants Dernier changement de président : 2014 Croissance du PIB (%) 6,5 5,3 4,2

5,3

PIB (milliards de $)

12,9

11,5

10,2

10,9

2014

2015*

2016*

2017*

créé un ministère consacré à l’éradication de la misère, on estime cependant à moins de 20 % la population vivant dans la pauvreté – un taux qui tombe sous les 10 % concernant l’extrême pauvreté ; c’est bien mieux que chez la plupart de ses voisins. Le pays dispose notamment d’un généreux système de pensions de retraite, versées par le gouvernement, qui couvre 98 % de la population au-dessus de 60 ans. JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N O 45 L’AFRIQUE EN 2017

* ESTIMATION OCT. 2016

L

ANGOLA


l’eau a même été coupée quatre jours par semaine dans la capitale, Mbabane. Le principal barrage du Swaziland est quasiment à sec et, si l’été n’apporte pas un bon niveau de précipitations, la situation pourrait devenir catastrophique. Conséquence directe : l’économie tourne au ralenti. La croissance n’était que de 1,7 % en 2015, elle devait baisser à 0,5 % en 2016 et pourrait ne pas dépasser 1 % en 2017, selon le FMI. Dans ce pays qui produit essentiellement du charbon, le secteur minier n’affiche pas de meilleurs résultats: la production a baissé de 22 % en 2015. Le Swaziland est enfin victime des piètres performances économiques de son voisin et partenaire numéro un : l’Afrique du Sud. L’arrêt des accords commerciaux privilégiés aveclesÉtats-Unis(Agoa) dans le secteur du textile, en 2015, a été plutôt bien absorbé, compte tenu de la faible importance de cette activité (3 % du PIB). Plus problématique: si l’UE a jusqu’à présent maintenu ses accords préférentiels pour l’exportation de fruits, de sucre et de viande, elle pourrait reconsidérer sa position, compte tenu de l’absence de changement démocratique. Privé d’infrastructures et d’accès à la mer, miné par une gestion politique dictatoriale, le Swaziland n’est pas le pays le plus attrayant de la région pour les investisseurs étrangers. Il dépend donc beaucoup de l’Union douanière d’Afrique australe (Sacu), qui lui fournit plus de la moitié de ses recettes fiscales. Et avec sa devise indexée sur le rand sud-africain, il n’aaucunemargedemanœuvremonétaire pour tenter de relancer son économie. Au rayon des rares bonnes nouvelles, le pays compte développer l’énergie photovoltaïque avec la construction, en 2017, d’une centrale solaire d’une capacité de

Pendant l’hiver austral, l’eau a été coupée quatre jours par semaine dans la capitale, Mbabane.

Au niveau économique, le Swaziland est particulièrement frappé par la sécheresse qui sévit en Afrique australe. Le gouvernement a dû déclarer l’état d’urgence en février 2016, ses ressources en eau ayant diminué de moitié. Quelque 125000vachessontmortes,etlaproduction agricole a chuté de 30 %, laissant plus d’un quart de la population en risque d’insécurité alimentaire. Pendant l’hiver austral, ÉTAT D’URGENCE.

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N O 45 L’AFRIQUE EN 2017

Mbabane

S WA Z I L A N D

30 km

Population : 1,1 million Croissance démographique : 1,4 % PIB par habitant : 3 029 $ Espérance de vie : 49 ans Alphabétisation : 87,47 % Inflation : 6,96 % Indice de développement humain (sur 188 pays) : 150e Investissements directs étrangers : – 121 millions de $ Balance courante : – 4,87 % du PIB Taux de pénétration du téléphone mobile : 71 % Principale exportation : sucre Dernier changement de Premier ministre : 2008 Croissance du PIB (%) 1,7

2,4

0,5

0,9

* ESTIMATION OCT. 2016

L

e Swaziland est l’un des plus petits pays d’Afrique – et l’un des moins développés. Avec ses quinze femmes et son train de vie fastueux, son roi, Mswati III, est le dernier monarque absolu du continent. Chaque année, un scandale lié à ses dépenses somptuaires émerge. Cette fois, ce sont plus de 14 millions d’euros qui auraient été dépensés pour les vacances de ses épouses aux ÉtatsUnis… En août 2016, il a pris pour un an la tête de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC). À ce titre, il devra notamment assurer la médiationdans la résolution de la crise au Lesotho. À 48 ans, Mswati III gouverne depuis trente ans – et d’une main de fer – ce pays coincé entre l’Afrique du Sud et le Mozambique.Ilprendses décisionsessentiellement par décrets et ne partage pas le pouvoir, puisque les partis politiques sont interdits. La liberté de la presse comme celle d’association sont quasi inexistantes. Des militants d’opposition sont régulièrement arrêtés et inculpés de terrorisme, simplement parce qu’ils réclament le droit à leurs partis d’exister. Le roi prône une interprétation autoritaire de la Constitution, en interdisant notamment à toute cour de justice de le poursuivre, lui ou ses conseillers. En 2016, il a décrit son régime comme une « nouvelle forme de démocratie »…

AFRIQUE DU SUD

MOZAMBIQUE

SWAZILAND Au royaume de la soif

PIB (milliards de $)

4,4

4

3,4

3,5

2014

2015

2016*

2017*

production de 20 MW. Mais, en matière de développement, le Swaziland est largement à la traîne. Il détient le triste record du monde de prévalence du sida, avec 28,8 % de séropositifs dans sa population active, et quelque 63 % des habitants vivent en dessous du seuil de pauvreté. Sur le plan de l’éducation, le taux de scolarisation primaire est néanmoins excellent (97 %), grâce à des fonds élevés (18 % du budget) alloués à l’enseignement. 175


ZAMBIE Lungu prie pour le cuivre

Pour le président, ceux qui défendent les homosexuels « doivent aller en enfer ».

MIRACLE. Le deuxième producteur africain

de cuivre n’a pas assez diversifié son économie, et la chute du cours de ce métal de plus d’un tiers depuis 2011 a interrompu le miracle zambien en marche. Plusieurs milliers d’emplois ont été supprimés dans les mines, et, depuis deux ans, le kwacha a plongé de 80 % face au dollar. Pour rassurer les investisseurs étrangers, le pays doit en outre clarifier sa politique minière. Le court premier mandat de Lungu a été marqué par plusieurs revirements, 176

MALAWI

Ndola

ZAMBIE

Lusaka

NAM.

MOZ. ZIMBABWE

BOTSWANA

200 km

Population : 16,7 millions Croissance démographique : 3,1 % PIB par habitant : 1 230 $ Espérance de vie : 60,1 ans Alphabétisation : 85,12 % Inflation : 19,10 % Indice de développement humain (sur 188 pays) : 139e Investissements directs étrangers : 1 653 millions de $ Balance courante : – 4,52 % du PIB Taux de pénétration du téléphone mobile : 71 % Principale exportation : cuivre Dernier changement de président : 2015 Croissance du PIB (%)

5

4 3

3

PIB (milliards de $)

27,1 2014

21,9

20,6

20,9

2015*

2016*

2017*

en dessous du seuil de pauvreté et 42 % en dessous du seuil d’extrême pauvreté, tandis que 40 % des enfants de moins de 5 ans n’ont pas une croissance normale en raison de la malnutrition. La pauvreté touche surtout les habitants des zones rurales, qui dépendent de l’agriculture pour subsister. Et en l’absence d’emplois formels pour 90 % de la population, l’État a du mal à prélever des taxes pour pouvoir réinvestirdansledéveloppementdupays. JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N O 45 L’AFRIQUE EN 2017

* ESTIMATION OCT. 2016

puisque, après avoir triplé les taxes sur les revenus du secteur extractif, le gouvernement a finalement fait marche arrière. L’économie est aussi très dépendante du secteur agricole, touché par la sécheresse qui frappe toute l’Afrique australe; la production de maïs a par exemple baissé d’un quart. La sécheresse perturbe aussi largement la production hydroélectrique, notamment au barrage de Kariba, dont le lac artificiel est quasi à sec, provoquant des coupures d’électricité quotidiennes de plusieurs heures. On estime à 700 MW le déficit de productionélectriquedu pays,unchiffrequipourrait grimper à 1000 MW en 2017. La construction d’une centrale de 750 MW est prévue, mais elle ne devrait pas commencer à produire avant2020.Denouveaux projets miniers sont sur la table, menacés cependant par l’absence de production électrique stable. Conséquence de cette situation délicate: la Zambie, très endettée, pourrait demander en 2017 l’aide du FMI. Sur le plan des libertés, le mandat de Lungu sera particulièrement scruté dans ce pays habituellement stable depuis son indépendance du Royaume-Uni, en 1954. En 2016, la campagne électorale a été marquée par plusieurs incidents entre les militants du président sortant et ceux de l’opposition, faisant trois morts. L’un des principaux quotidiens indépendants a été fermé, officiellement pour des ennuis avec le fisc, et, dans la foulée de l’élection, plusieurs médias audiovisuels privés ont été interdits d’émettre. Lungu est également connu pour ses positions conservatrices sur les droits des homosexuels, n’hésitant pas à affirmer que ceux qui défendent les gays « doivent aller en enfer ». Enmatièrededéveloppement,laZambie a encore de grands chantiers à accomplir. Environ 60 % de la population vit

ANGOLA

L

e 11 août 2016, Edgar Lungu a été réélu à la tête de la Zambie. Celui qui avait été élu une première fois en janvier 2015 pour achever le mandat du défunt Michael Sata (disparu le 28 octobre 2014) a remporté l’élection d’une courte tête (50,3 % des voix) face à Hakainde Hichilema (47,6 %), qui échoue pour la cinquième fois consécutive à accéder à la fonction suprême. Si ce dernier a contesté les résultats, la Cour constitutionnelle a finalement confirmé la victoire de Lungu. Le voici donc reconduit pour cinq années. Sa mission est délicate, en particulier sur le plan économique. Il doit redresser un pays durement touché par la chute des cours du cuivre, un minerai dont la Zambie est très dépendante. Les taux de croissance de la seconde moitié des années 2000, compris entre 7 % et 10 %, sont bel et bien révolus. En 2015, le pays a enregistré sa plus faible croissance depuis 1998 : 3 %. Un chiffre qui devait rester le même en 2016, selon le FMI, avant de remonter à 4 % en 2017. Lungu doit donc trouver de nouvelles idées pour relancer l’économie, lui qui a organisé en 2016 une « journée de prière nationale » pour implorer un retour de la croissance et un rebond du kwacha, la monnaie nationale…

TANZANIE

RD CONGO


FACTIONS. Bien qu’aucune place ne soit à pourvoir en 2018, comme l’a fait savoir Mugabe, les caciques du parti au pouvoir, la Zanu-PF, se livrent à une guerre entre factions. La plus puissante est celle du viceprésident, Emmerson Mnangagwa.Surnommé le Crocodile, cet ancien ministre de la Défense compte de nombreux soutiens dans l’armée. Mais depuis la nomination, à la surprise générale, de Grace Mugabe à la tête de la Ligue des femmes de la Zanu-PF, en 2014, la première dame est devenue un poids lourd du parti. La seconde épouse du chef de l’État nie cependant vouloir succéder à son mari, appelant au contraire à soutenir la candidature de « Bob » même s’il doit se présenter en « fauteuil roulant ». Grace Mugabe a largement contribué à écarter l’ancienne vice-présidente, Joice Mujuru, un temps pressentie comme héritière puis débarquée en décembre 2014. De retour sur la scène politique, cette ancienne combattante de la guerre d’indépendance a formé, le

Même les anciens combattants disent qu’ils ne voteront pas pour Mugabe en 2018.

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N O 45 L’AFRIQUE EN 2017

ZIMBABWE Bulawayo

BOTSWANA 200 km

AFRIQUE MOZAMB. DU SUD

Population : 14,5 millions Croissance démographique : 2,3 % PIB par habitant : 978 $ Espérance de vie : 57,5 ans Alphabétisation : 86,87 % Inflation : – 1,58 % Indice de développement humain (sur 188 pays) : 155e Investissements directs étrangers : 421 millions de $ Balance courante : – 7,53 % du PIB Taux de pénétration du téléphone mobile : 96 % Principale exportation : tabac Dernier changement de président : 1987 Croissance du PIB (%)

3,8

1,1

-0,3

-2,5 * ESTIMATION OCT. 2016

Chef de file de la grogne citoyenne, le pasteur Evan Mawarire est passé en quelques semaines du statut de parfait inconnu à celui de leader charismatique. Instigateur, sur les réseaux sociaux, du slogan #ThisFlag (« ce drapeau »), il s’est fait connaître à travers une vidéo, postée en avril 2016, dans laquelle, arborant le drapeau national autour du cou, il dénonce fermement la corruption et la négligence du gouvernement, prenant garde toutefois de ne pas s’attaquer personnellement au chef de l’État. Libéré quarante-huit heures après son arrestation, le 13 juillet 2016, pour avoir appelé à manifester de manière pacifique, Mawarire a depuis trouvé refuge en Afrique du Sud et cherche des soutiens aux États-Unis.

Harare

Océan Indien

L

e Zimbabwe fait face à une vague de contestation inédite. Depuis la grève générale du 6 juillet 2016 lancée par la société civile et massivement suivie à Harare, plusieurs manifestations ont été violemment réprimées par la police antiémeute, conduisant à des échauffourées. Candidat à sa propre succession en 2018, l’inusable Robert Mugabe (92 ans) répond d’une main de fer à la grogne populaire et récuse avec humour les fréquentes accusations qui pèsent sur son état de santé. Au pouvoir depuis l’indépendance, en 1980, le présidentest,pourlapremièrefois,critiqué jusque dans ses rangs, y compris par les anciens combattants, traditionnels alliés du régime, qui ont d’ores et déjà déclaré qu’ils ne voteraient pas en sa faveur. En cause, la crise économique qui plombe le pays, où 4 millions de personnes (sur 14,5 millions d’habitants) survivent grâce à l’aide financière internationale. Le gouvernement, à courtde liquiditésdepuis des mois, cumule les retards dans le versement des salaires des fonctionnairesetdespensions de retraite. En juin 2016, seuls les membres des forces de sécurité ont été payés. Afin de remédier à la pénurie de devises étrangères, le ministère des Finances a adopté une série de mesures impopulaires : limitation des retraits d’argent, blocage de certains produits d’importationet introductiond’une nouvelledeviseindexéesurledollar,faisant craindre un retour de l’hyperinflation qui avaitdévastél’économiezimbabwéenneen 2008-2009 et poussé le pays à abandonner sa monnaie nationale. Cette situation économiqueestaggravéeparlasécheresse,qui sévit pour la deuxième année consécutive. Au total, 75 % des récoltes ont été ravagées et quelque 2,4 millions de personnes sont en situation d’insécurité alimentaire, selon les autorités.

ZAMBIE

MALAWI

ZIMBABWE Tous contre Bob ?

PIB (milliards de $)

14,2

14,2

14,2

14,6

2014*

2015*

2016*

2017*

1er mars 2016, son propre parti, Zimbabwe People First (ZPF), se déclarant ouverte à toute coalition qui permettrait de battre la Zanu-PF à l’élection présidentielle de 2018. Fera-t-elle alliance avec Morgan Tsvangirai, principal opposant de Mugabe ? De son côté, le leader du Mouvement pour le changement démocratique (MDC) a déclaré, en juin 2016, être atteint d’un cancer du côlon, sans désigner de successeur. 177



OCÉAN INDIEN 180 181 182 183

Nouvelle ère

L

heure est au changement dans l’océan Indien. Ainsi, en 2016, les Comoriens ont élu un nouveau président en la personne d’Azali Assoumani. Certes, cet ex-putschiste avait déjà exercé le pouvoir de 1999 à 2006, mais ses premières mesures, qu’elles soient politiques, économiques ou sociales, dénotent une volonté de rupture avec les pratiques du passé ; l’année 2017 dira s’il continue sur cette voie réformiste ou non… Alternance également aux Seychelles, et là c’est une première : l’opposition a remporté les élections législatives, mettant fin à l’hégémonie de l’ex-parti unique, le

COMORES MADAGASCAR MAURICE SEYCHELLES

Lepep, qui conserve toutefois la présidence. Enfin, à Maurice, le changement est davantage économique: l’île, qui se reposait autrefois sur le sucre et que la BAD place désormais au quatrième rang africain en matière de diversification, veut aller encore plus loin en mettant au cœur de son développement les technologies de l’information et de la communication, le tourisme mais aussi la pêche. Seule Madagascar reste à l’écart de ces petites « révolutions »: l’élection de Hery Rajaonarimampianina, fin 2013, n’a pas remédié aux points noirs de la Grande Île que sont l’insécurité, la pauvreté et la corruption.

Victoria

TANZANIE

SEYCHELLES

Océan Indien

COMORES ZAMBIE

Moroni MALAWI

Dzaoudzi

Antsiranana (Diégo-Suarez)

Mayotte (FRANCE) Mahajanga Canal de Mozambique

ZIMBABWE

Antananarivo

MOZAMBIQUE

Toamasina (Tamatave)

MADAGASCAR Fianarantsoa

MAURICE Saint-Denis

Port-Louis

La Réunion (FRANCE)

Toleara (Tuléar) 300 km

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N O 45 L’AFRIQUE EN 2017

179


P

eut-on faire du neuf avec du vieux ? La question se pose aux Comores depuis l’élection d’Azali Assoumani. Dix ans après avoir quitté le palais de Beït-Salam, l’ex-putschiste l’a retrouvé en mai 2016 à l’issue d’un scrutin rocambolesque, marqué par un premier tour qu’il a lui-même contesté et par un second émaillé d’actes de violence. Celui qui s’était retiré de la vie politique en 2006, avant de revenir sur le devant de la scène en 2013, l’a emporté de peu face au candidat du pouvoir, Mohamed Ali Soilihi (41 % contre 39,9 %). Son adversaire ayant reconnu sa défaite, Assoumani hérite d’un pays pacifié et d’une classe politique adepte des alliances de circonstance. Un pays paralysé, aussi, qui sort exsangue du quinquennat d’Ikililou Dhoinine, marqué tout à la fois par une relative stabilité et une absence criante d’ambitions et de projets, comme l’illustrent les chiffres du FMI, qui, chaque année, doit revoir ses prévisions de croissance à la baisse. Il table sur un PIB en hausse de 2,2 % en 2016 puis de 3,3 % en 2017. Dès sa prise de fonctions, Assoumani a donc entrepris de réveiller l’archipel en prenant des mesures plus ou moins symboliques. Il a coupé des têtes au niveau des sociétésd’Étatetdelajustice (plusieurs magistrats jugés complaisants ont été sanctionnés), a réorganisé l’administration, parfois de manière drastique, a mis fin à « l’accueil populaire » organisé à chacun des retours au pays du chef de l’État, et a négocié la baisse des prix du carburant, des transports et des produits de première nécessité – c’était une promesse de campagne. Il a surtout pris à bras-le-corps le problème récurrent de l’électricité, qu’aucun de ses prédécesseurs n’a pu résoudre.

Afin de mettre un terme aux délestages qui empoisonnent la vie des Comoriens et entravent toute activité économique viable, le gouvernement a signé, en août 2016, un contrat avec une société émiratie pour la construction d’une centrale d’une capacité de 25 MW sur l’île de la Grande Comore et de deux autres, plus modestes, sur les îles d’Anjouan et de Mohéli. SLOGAN. Le nouveau président, qui a fait

du « combat contre la vie chère » l’un de ses slogans de campagne, doit obtenir des résultats rapidement. Mais comme souvent aux Comores, il pourrait très vite avoir à gérer d’autres problèmes liés à la complexité des institutions et aux batailles d’ego des acteurs politiques. D’ores et déjà, une triple cohabitation s’impose à lui. Cohabitation, tout d’abord, avec l’un de ses prédécesseurs, Ahmed Abdallah Mohamed Sambi (2006-2011). Contre touteattente,celuiquifutl’opposantleplus virulent d’Assoumani lors de son premier mandat (1999-2006) lui a apporté un soutien prépondérant entre le premier et le second tour de l’élection présidentielle. Le chef de l’État devra donc composer avec lui, avec ses lieutenants, qui occupent des portefeuilles stratégiques au sein du gouvernement (Justice et Affaires étrangères), et avec son parti, Juwa, qui compte de nombreux députés. Cohabitation, ensuite, avec le Parlement. Depuis les élections législatives de 2015, l’Assemblée est dominée par le parti de Dhoinine, l’Union pour le développement des Comores (UPDC). Celui d’Assoumani, la Convention pour le renouveau des Comores (CRC), y est peu représenté. Une recomposition est en cours,maislesmanœuvresentreprisesafin de lui fournir une majorité pourraient provoquer de nouvelles tensions politiques.

Assoumani doit composer avec un ancien opposant, avec le Parlement et avec les gouverneurs des îles.

180

NGAZIDJA (GRANDE COMORE) Moroni

Océan Indien

COMORES

NDZUANI

Mutsamudu (ANJOUAN)

MWALI (MOHÉLI)

Dzaoudzi

MAORÉ (MAYOTTE) (France)

30 km

Population : 0,8 million Croissance démographique : 2,4 % PIB par habitant : 754 $ Espérance de vie : 63,3 ans Alphabétisation : 78,14 % Inflation : 2,2 % Indice de développement humain (sur 188 pays) : 159e Investissements directs étrangers : 5 millions de $ Balance courante : – 9 % du PIB Taux de pénétration du téléphone mobile : 47 % Principale exportation : clous de girofle Dernier changement de président : 2016 Croissance du PIB (%)

1,9

2,2 1

3,3

PIB (milliards de $)

0,7

0,6

0,6

0,7

2014

2015

2016*

2017*

Cohabitation, enfin, avec les gouverneurs des îles. Les conflits de compétences entre les exécutifs national et insulaires sont récurrents depuis qu’une nouvelle Constitution a été adoptée, en 2001, à l’initiative… d’Assoumani. L’ancien colonel devra donc s’entendre avec les gouverneurs des trois îles, auxquels la loi fondamentale accorde un certain nombre de prérogatives, sous peine de voir son action paralysée. JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N O 45 L’AFRIQUE EN 2017

* ESTIMATION OCT. 2016

COMORES Triple cohabitation


A

près une décennie de coups d’État et de crises institutionnelles, l’année 2016 a apporté un peu de stabilité politique à Madagascar. La victoire du HVM (le parti présidentiel, créé en 2014) aux élections sénatoriales de décembre 2015 (65 % des suffrages), après celle des municipales d’août 2015, lui a permis de s’imposer comme la principale force politique. Conforté dans les urnes, le président Hery Rajaonarimampianina, victime d’une tentative de destitution avortée en 2015 et bénéficiant jusque-là d’une majorité parlementaire tributaire du jeu des alliances partisanes, a désormais une plus grande marge de manœuvre pour diriger le pays. En nommant, en avril 2016, l’un de ses fidèles, Olivier Mahafaly Solonandrasana, à la tête du nouveau gouvernement (le troisième depuis janvier 2014), le chef de l’État a voulu ressouder derrière lui une « équipe de combat » pour relever l’économie du pays dans la perspective de la présidentielle de 2018. Il trouvera sur sa route un adversaire de taille, l’ancien président renversé en 2009, Marc Ravalomanana, leader du TIM, qui a annoncé sa candidature le 2 juillet 2016. Reste à savoir si le « président globe-trotter », comme le surnomment ceux qui lui reprochent ses voyages dispendieux à l’étranger, saura tenir sa promesse de campagne de 2013: « un Madagascar apaisé et stable pour un développement inclusif ».

scandales de corruption, notamment liés au trafic de bois de rose, se succèdent, éclaboussant au passage certains proches du pouvoir. Dans le classement de Transparency International, l’île rouge se situe aujourd’hui à la 123e place (sur 168 pays). Dans un climat social explosif, exacerbé par les scandales politico-financiers à répétition, Madagascar sombre peu à peu dans l’insécurité. L’année 2016 a été tristement marquée par une série d’attaques meurtrières contre des touristes et coopérants français, mais aussi par une recrudescence des vols de zébus perpétrés par les dahalo (« bandits »). Une mauvaise publicité dont le gouvernement se serait bien passé, alors qu’il compte aussi sur le secteur touristique pour relancer l’économie. À ce titre, le 16 e sommet de la Francophonie, à Antananarivo, les 26 et 27 novembre, devait marquer le grand retour de Madagascar sur la scène internationale et être l’occasion d’améliorer l’image du pays, en rassemblant une trentaine de chefs d’État et de gouvernement ainsi que les ministres chargés de la Francophonie autour du thème « Croissance partagée et développement responsable: les conditions de la stabilité du monde et de l’espace francophone ». Afin d’encourager l’île dans ses efforts, notammentpour«luttercontrelapauvreté grâce à une croissance inclusive », le FMI devrait pour la troisième fois consécutive accorder une facilité rapide de crédit d’un montant envisagé de 240 millions de dollars (près de 220 millions d’euros) sur trois ans. Enfin, l’année 2017 verra se dérouler des élections territoriales, test politique grandeur nature pour le camp présidentiel, avant la bataille de 2018. Car en face,

Meurtres de touristes, recrudescence des vols de zébus… L’île sombre dans l’insécurité.

Dans les faits, malgré un assez bon taux de croissance (4,1 % en 2016), l’objectif pour l’instant ne semble pas vraiment à portée de main. Le PIB par habitant est passé de 445 à 390 dollars entre 2012 et 2016. Selon la Banque mondiale, deux Malgaches sur trois vivent avec moins de 1 dollar par jour. Pis, les CORRUPTION.

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N O 45 L’AFRIQUE EN 2017

COMORES

MADAGASCAR

300 km

Toamasina Antananarivo

Océan Indien

MAURICE LA RÉUNION (France)

Population : 24,9 millions Croissance démographique : 2,8 % PIB par habitant : 390 $ Espérance de vie : 65,1 ans Alphabétisation : 64,66 % Inflation : 6,73 % Indice de développement humain (sur 188 pays) : 154e Investissements directs étrangers : 517 millions de $ Balance courante : – 2,29 % du PIB Taux de pénétration du téléphone mobile : 36 % Principale exportation : clous de girofle Dernier changement de président : 2013 Croissance du PIB (%)

3,3

4,1 3,1

4,5 * ESTIMATION OCT. 2016

MADAGASCAR Hery à la relance

PIB (milliards de $)

10,7

9,7

9,7

10,4

2014

2015

2016*

2017*

les couteaux s’aiguisent. Créée en juin 2016, la coalition Mitsangana ry Malagasy rassemble cinq groupes parlementaires d’opposition qui se targuent de drainer à eux seuls 85 % des votants de l’île. Parmi eux, le Mapar, d’Andry Rajoelina, l’exprésident de la transition (2009-2014), tenté de prendre sa revanche sur son ancien ministre des Finances et ami, Hery Rajaonarimampianina, accusé de l’avoir trahi en l’éloignant du pouvoir. 181


A

vec une femme à sa tête depuis 2015, Maurice fait décidément office de modèle. Même si le rôle de la présidente, Ameenah Gurib-Fakim, reste symbolique dans la Constitution, cette ancienne doyenne de la faculté des sciences a déjà insufflé un nouvel élan vers une économie « verte », plus saine et écologique. En avril 2015, le technopôle BioPark a vu le jour pour soutenir la recherche en biotechnologie; et en avril 2016, face aux risques de catastrophes naturelles liées au réchauffement climatique, Maurice a ratifié définitivement l’accord sur le climat adopté lors de la COP21 à Paris, fin 2015. Les autorités ont lancé la construction de cinq technopôles, avec des smart cities innovantes en matière de technologies de l’information et de la communication (TIC) : infrastructures urbaines communicantes, développement des énergies renouvelables (solaire, éolien), gestion autonome et intelligente de l’eau et des déchets…

pêche industrielle, la forte augmentation du tonnage qui en découle étant jugée « destructrice » pour l’environnement. Le pays, dont l’économie était autrefois essentiellement sucrière, se diversifie aussi dans le tourisme, un domaine dans lequel il n’en finit pas de collectionner les récompenses. Soulignant le raffinement de ses hôtels et l’irréprochable qualité des services, le magazine français Tour Hebdo l’a même classé, en août 2016, comme la destination mondiale privilégiée pour les lunes de miel et dans le segment du luxe, juste devant l’Italie, la Thaïlande et la République dominicaine. Il est vrai que le Premier ministre, Sir Anerood Ju g n a u t h , l ’ h o m m e du boom économique lorsqu’il était (déjà) au pouvoir entre 1982 et 1995, a fait de « l’exemplarité » et de « la bonne gouvernance » les deux fondements de son action politique. Bénéficiant d’uncontextepolitiqueapaisé, il a engagé toute une série de réformes, notamment dans la lutte contre la corruption, à travers la mise en place d’une législation antiblanchiment et antiterroriste, tandis que le cadre régissant les activités d’affaires a été simplifié. Résultat: Maurice pointe au 45e rang (sur 168 pays) dans le palmarès de Transparency International selon l’indice de perception de la corruption. Et l’île est en tête des pays africains dans le dernier classement « Doing Business » (49e sur 190 pays) établi par la Banque mondiale. Avec une croissance moyenne de 3,5 % ces cinq dernières années, Maurice fait office de pays stable, avec un faible niveau de criminalité et où il fait toujours bon investir. Le pays s’est aussi imposé comme une plateforme financière majeure pour les projets en Afrique, en abritant de nombreux holdings et de plus en plus de sociétés d’investissement actives sur le

L’exécutif promeut une économie écologique, tournée vers le tourisme et l’océan.

Après le « premier miracle » des années 1990, « le second miracle passera par l’économie bleue », a pour sa part déclaré Premdut Koonjoo, le ministre de l’Économie océanique. Fort de cette conviction, le gouvernement s’est donné jusqu’à 2019 pour créer 25 000 postes dans un secteur maritime qui a longtemps été sous-exploité. Un nouveau terminal à conteneurs est en construction à Port-Louis pour faire de la capitale un véritable hub dans la région. Et une usine de transformation des produits de la mer verra bientôt le jour au port de Bain-des-Dames, dans le nord-ouest de l’île. Ce développement de l’économie océanique inquiète cependant les organisations écologistes. Greenpeace dénonce par exemple les risques de la PÊCHE.

182

Port-Louis

10 km

Océan Indien

MAURICE Océan Indien

Population : 1,3 million Croissance démographique : 0,1 % PIB par habitant : 9 321 $ Espérance de vie : 74,4 ans Alphabétisation : 90,62 % Inflation : 1,45 % Indice de développement humain (sur 188 pays) : 63e Investissements directs étrangers : 208 millions de $ Balance courante : – 4,33 % du PIB Taux de pénétration du téléphone mobile : 123 % Principale exportation : thon Dernier changement de Premier ministre : 2014 Croissance du PIB (%)

3,6

3,5

3,5

3,9

PIB (milliards de $)

12,6

11,5

11,7

12,5

2014

2015

2016*

2017*

continent. Reste qu’à force de diplomatie dynamique, voire agressive, « le tigre de l’Afrique»pourraitbienconnaîtrequelques difficultés. Ses visées insistantes sur l’archipel des Chagos – Maurice en revendique la souveraineté auprès de l’ONU – irritent de plus en plus le Royaume-Uni et les États-Unis, qui s’en partagent la tutelle. Et si l’île a pour ambition de devenir « le Singapour de l’océan Indien », elle ne reste pour l’instant qu’un « tigre de papier ». JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N O 45 L’AFRIQUE EN 2017

* ESTIMATION OCT. 2016

MAURICE L’avenir en vert et bleu


SEYCHELLES Un pouvoir à partager Issu d’une génération biberonnée au parti unique, Michel a, conformément à la Constitution, passé la main à son vice-président, plus jeune que lui, plus consensuel aussi : Danny Faure. Celui-ci aura la lourde tâche, durant les quatre ans qui lui restent avant la prochaine élection présidentielle, de moderniser la vie politique tout en consolidant les acquis sociaux et économiques du pays. DROGUE. Bien avant les législatives, le duo

présidentiel, qui avait senti le vent tourner, avait engagé des réformes majeures comme la réduction du nombre de mandats présidentiels (limité à deux) et la dépénalisation de l’homosexualité. Il avait également entrepris de s’attaquer aux deux principaux fléaux qui rongent la société seychelloise: la corruption (en créant une commission de lutte ad hoc) et la consommationdedrogue(enmettantenplaceune cour spéciale de justice consacrée aux trafics et des structures d’accompagnement pour les toxicomanes). Il avait enfin rompu avec l’austérité que le gouvernement s’était imposée après avoir frôlé la banqueroute,en2008,etavait multiplié les promesses sociales : augmentation du salaire minimum et de la pension de retraite, mise en place d’un treizième mois de salaire… Ces mesures étaient d’autant plus attendues que la situation économique du pays est encourageante. Depuis plusieurs années, la croissance se situe entre 5 % et 6 %, même si le FMI prévoit un léger recul en 2017, à 3,5 %. Dans ce domaine, pas de révolution. L’économie seychelloise est tirée par trois secteurs en bonne santé. Le tourisme est une valeur sûre : chaque année, le nombre de visiteurs augmente, de même que le nombre d’accords avec les compagnies aériennes desservant l’archipel. Le secteur

Longtemps hégémonique, le Lepep doit gouverner avec ceux qui l’ont combattu des années durant.

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N O 45 L’AFRIQUE EN 2017

SEYCHELLES Île Silhouette

(Archipel central)

Victoria

Île La Digue

Océan Indien

MAHÉ 10 km

Population : 0,1 million Croissance démographique : 1,6 % PIB par habitant : 15 319 $ Espérance de vie : 73,1 ans Alphabétisation : 95,32 % Inflation : – 0,79 % Indice de développement humain (sur 188 pays) : 64e Investissements directs étrangers : 185 millions de $ Balance courante: – 18,70 % du PIB Taux de pénétration du téléphone mobile : 147 % Principale exportation : thon Dernier changement de président : 2016 Croissance du PIB (%) 6,2 5,7 4,9

3,5

* ESTIMATION OCT. 2016

U

ne nouvelle page de l’histoire des Seychelles s’est ouverte en 2016. Quarante ans après son indépendance, l’archipel aux 115 îles et îlots a basculé dans une nouvelle dimension politique et découvert le partage du pouvoir: pour la première fois depuis le coup d’État de France-Albert René, en 1977, le Lepep, ancien parti unique, a goûté à la défaite. Cette « révolution électorale » semblait inéluctable. En décembre 2015, James Michel, président depuis 2004, avait été réélu d’extrême justesse. À l’issue d’un second tour inédit (une première depuis l’instauration du multipartisme, en 1993) et contesté, il l’avait emporté avec seulement 193 voix d’écart sur son rival, l’opposant historique Wavel Ramkalawan. Dix mois plus tard, l’opposition a pris sa revanche à l’occasion des élections législatives. Réunie au sein d’une nouvelle coalition, Linyon demokratik seselwa (« l’union démocratique seychelloise »), regroupant notamment le Seychelles National Party (SNP, de Ramkalawan) et des dissidents du Lepep, elle a recueilli 49,6 % des suffrages, contre 49,2 % pour le Lepep. Longtemps hégémonique, le Lepep devra donc gouverner, cinq années durant, avec ceux qui l’ont combattu pendant des années. Le système seychellois s’apparente en effet au modèle américain, dans lequel l’exécutif doit composer avec un Parlement hostile. Cette nouvelle donne a poussé le président à quitter le pouvoir de manière anticipée. Le 27 septembre 2016, Michel a annoncé sa démission à la télévision. « Après avoir été votre président pendant douze ans, le moment est arrivé de passer la barre à un nouveau dirigeant et à une nouvelle génération […] qui conduira le parti et les Seychelles vers de nouvelles frontières », a-t-il déclaré.

Île Praslin

PIB (milliards de $)

1,3

1,4

1,4

1,5

2014

2015*

2016*

2017*

de la pêche se porte mieux depuis que les attaques de pirates en provenance de Somalie se sont taries. Et le secteur financier offshore ne cesse de prendre de l’ampleur. Le développement récent de cette activité n’est cependant pas sans conséquencespourl’imagedupays,désormais considéré comme un paradis fiscal par l’UE et abondamment cité dans les PanamaPapers,quiontmisaujouren2016 un système de fraude fiscale planétaire. 183


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