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Gabon Bongo contre Bongo jeuneafrique.com

LE PLUS

de Jeune Afrique

HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 56e année • n° 2908 • du 2 au 9 octobre 2016 Spécial

Algérie L’insoumise Le vrai visage de Nouria Benghebrit

16

pages

SUISSE-AFRIQUE Être à la hauteur

Ilyas El Omari, secrétaire général du PAM

MAROC

Abdelilah Benkirane, Premier ministre sortant et secrétaire général du PJD

Aux urnes, Spécial législatives

7 octobre 2016

citoyens ! ÉDITION INTERNATIONALE ET MAGHREB & MOYEN-ORIENT

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BIEN DANS MA BULLE Dans l’intimité de la cabine Premium Economy. AIRFRANCE.COM

France is in the air : La France est dans l’air.



Dossier

94

Aérien

INTERVIEW

Frédéric Gagey et Frank Legré PDG et directeur Afrique d’Air France

SÉCURITÉ

Des progrès qui

GUILLAUME BASSINET POUR JA

De nombreuses compagnies africaines demeurent sur la liste noire de la Commission européenne. Mais, depuis cinq ans, les transporteurs, les institutions du secteur et les États réalisent des efforts importants pour assurer la fiabilité de leurs aéroports et de leurs vols.

N 0 2908 • DU 2 AU 9 OCTOBRE 2016

JEUNE AFRIQUE


STRATÉGIE

Meridiana négocie son virage africain

CRISE

Comment Tunisair a perdu l’équilibre

rassurent

Tour de contrôle de l’aéroport international Léopold-SédarSenghor, à Dakar. JEUNE AFRIQUE

PORTRAIT

Ernest Dikoum

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Le pilote qui doit sauver Camair-Co

C

RÉMY DARRAS

inq ans après avoir été inscrite sur l’annexe B de la liste de sécurité de la Commission européenne, plus communément appelée « liste noire », Air Madagascar a enfin pu redéployer ses ailes dans le ciel européen en juin, reprenant notamment ses liaisons hebdomadaires d’Antananarivo vers Paris et Marseille. En 2011, 574 défaillances avaient été constatées par les experts, tenant autant aux carences de la compagnie qu’à celles de l’aviation civile malgache. Le manque de ressources humaines qualifiées et les problèmes de gouvernance pesaient fortement sur la sécurité au sol et dans les airs. « Les compagnies doivent exercer leur activité avec un cadre réglementaire régulièrement mis à jour, avec des pilotes disposant d’une formation et d’une licence idoines. Et l’aviation civile doit veiller au respect de ces critères et aux compétences de ses techniciens », rappelle Cheikh Tidiane Camara, président du cabinet de conseil Ectar et ancien directeur Europe d’Air Afrique. Ces sanctions n’ont pas empêché la compagnie malgache d’opérer des vols intérieurs et internationaux. Mais en ce qui concerne l’Europe, elle a dû commercialiser des vols en affrétant un appareil sous pavillon islandais sur lequel « elle n’avait aucun pouvoir technique et opérationnel », explique le Canadien Gilles Filiatreault, directeur général de la compagnie depuis un an. Des équipages avec des pilotes détenant une licence européenne ont également été embauchés. Et cette situation a pesé sur la situation financière d’« Air Mad ». « N’ayant qu’un seul appareil qui reliait l’Europe, lorsque des problèmes techniques survenaient, on devait louer des aéronefs de remplacement et acheter des services techniques à un coût très élevé », poursuit le chef d’entreprise, rompu à la gestion de transporteurs en difficulté. Pour la compagnie, à la santé financière déjà très fragile, le surcoût annuel lié à ces locations a atteint 4 à 5 millions d’euros. Une facture qui s’accompagne généralement d’une hausse importante des primes d’assurances. Pour récupérer son autorisation de vol dans l’espace européen, la compagnie a dû revoir largement son fonctionnement. « La restructuration a impliqué des changements au niveau des services au sol, de la maintenance aérienne, du contrôle qualité et des équipements. Des correctifs ont été apportés aux manuels pour qu’ils soient certifiés aux normes Iosa de l’Association internationale du transport aérien [Iata]. On a identifié les besoins humains et on a mis les bonnes personnes N 0 2908 • DU 2 AU 9 OCTOBRE 2016


GÜNTER LENZ/GETTY IMAGES

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aux bons endroits », précise Gilles Filiatreaut, qui met en avant les 225 personnes chargées de la maintenance, les 100 employés qui gèrent les opérations aériennes et ses 50 agents au sol. Mais il ne dévoile pas les montants investis pour cette sévère remise à niveau. Par ailleurs, la France, via une collaboration entre sa Direction générale de l’aviation civile (DGAC), l’Organisation de l’aviation civile internationale (Oaci) et l’entreprise Egis, a apporté 450000 dollars (environ 400000 euros) pour la formation des membres de l’aviation civile. On compteainsidepuisfévrier12nouveauxinspecteurs s’ajoutant aux 21 déjà actifs. Selon Gilles Filiatreaut, tous ces efforts se sont imposés car « le gouvernement mise sur le triplement de la fréquentation touristique d’ici à 2020 et a besoin du transporteur national pour assurer le développement du pays ». Air Madagascar sera d’ailleurs le transporteur officiel du prochain sommet de la Francophonie, qui se déroulera sur l’île en novembre. UNILATÉRALES. En 2012, la Mauritanie était elle

aussi sortie de cette liste qui vise à informer et protéger les voyageurs européens, où sont toujours consignées – dans l’annexe A, avec une interdiction totale de voler en Europe – les compagnies du Gabon, de l’Angola, du Bénin, des deux Congos, de Djibouti, de la Guinée équatoriale, de l’Érythrée, du Liberia, de la Libye, du Mozambique, de São Tomé-et-Príncipe, de la Sierra Leone et du Soudan. Classées dans l’annexe B, Afrijet et Nouvelle Air Affaires Gabon, Air Services Comores et TAAG Angola Airlines peuvent cependant – comme l’a fait Air Madagascar – commercialiser des vols en louant les services d’autres avions et d’autres équipages sous des pavillons étrangers. « Ce sont des décisions unilatérales que comprennent très mal les acteurs africains de l’aviation », assure Cheikh Tidiane Camara. Car il suffit que l’aviation civile d’un pays soit défaillante pour qu’une compagnie qui en dépend soit recalée. « Pour le plus grand bonheur de compagnies N 0 2908 • DU 2 AU 9 OCTOBRE 2016

Sur le tarmac de l’aérodrome de Toliara. Depuis le mois de juin, les appareils d’Air Madagascar peuvent s’envoler vers l’UE.

Le Maroc s’aligne sur l’Europe

En mai, le Maroc est devenu le premier pays extra-européen à rejoindre l’Organisation européenne pour la sécurité de la navigation aérienne. De cette adhésion découlera l’adoption de normes communes. Cela signe un pas de plus vers l’intégration des marchés aériens marocain et européen, dans la lignée de l’accord de « ciel ouvert » effectif depuis 2005

comme Air France, laquelle assure les liaisons et oriente les passagers en transit sur son hub de Paris », souffle un cadre aguerri du secteur. « Montrer ainsi du doigt une compagnie n’améliore en rien la sécurité aérienne. Les gouvernements et les compagnies ont besoin d’assistance. Des mesures strictement punitives isolent ces entreprises alors que ce sont les États qui sont au cœur du problème », estime un porte-parole de l’Iata. Certes, le manque de personnels qualifiés et d’équipements aéroportuaires, des flottes vétustes et des aviations civiles mal outillées sont encore le lot commun de certains États africains. Certes, le continent connaît toujours des taux d’accident élevés – en 2015, la perte de quatre coques, de deux jets et de deux turbopropulseurs, dont la sortie de piste d’un avion-cargo en RD Congo et une collision au-dessus du Sénégal. Mais la sécurité s’est sensiblement améliorée ces dernières années. On est passé de 18,20 pertes de coque par million de vols il y a cinq ans à 4,53 aujourd’hui. « La culture de la dissimulation des incidents cède la place à la transparence », assure un responsable de l’Agence pour la sécurité de la navigation aérienne en Afrique et à Madagascar (Asecna), la plus ancienne institution de coopération en matière de sécurité des espaces aériens, basée à Dakar, et qui rassemble Madagascar et 16 pays d’Afrique de l’Ouest, appuyés par la France. « Les acteurs ont compris que les contrôles étaient plus là pour améliorer la sécurité que pour sanctionner. » Financée à 85 % par les compagnies qui passent dans sa zone, l’Asecna a ainsi élaboré des procédures de contrôle et d’identification. Sa direction générale s’est dotée de moyens d’enquête et de personnels adéquats. Et une commission de vérification de la sécurité, composée de quatre experts indépendants, établit désormais un double rapport, sur le contexte aérien et sur l’avion. « Quand il y a un problème avec un avion, on regarde si c’est imputable à l’équipage, aux pistes, aux conditions météo ou à un facteur technique », poursuit notre interlocuteur à l’Asecna. JEUNE AFRIQUE


Des progrès qui rassurent Des progrès ont été réalisés du côté des 32 com‑ pagnies subsahariennes auditées en 2016 par l’Iata. Et selon l’Oaci, les pays de l’UEMOA ont amélioré leurs indicateurs de performance. Le taux de mise en œuvre de ses recommandations est passé de 47 % en 2012 à 62 % en 2016, la moyenne de la zone Afrique étant de 47 %. « Auparavant, notre réglementation n’était pas à jour et le manque de capacités financières des aviations civiles ne nous permettait pas de tenir nos engagements vis‑à-vis des partenaires internationaux », expliquent le colonel Laurent Christophe Kielwasser et Raphaël Marie Salambéré, respectivement chef de projet et chef de division de la réglementation au sein de la commission de l’UEMOA. Bénéficiaires de projets d’appui de la BAD et de la Banque mondiale, les aviations civiles malienne et burkinabè ont reçu chacune 2 milliards de F CFA (3 millions d’euros) sur trois ans. ASSISTANCE. Des programmes de coopération ont

été engagés depuis 2013 à l’initiative de l’Agence européenne de sécurité aérienne (Easa) comme le programme Siasa (Soutien à l’amélioration de la sécurité aérienne en Afrique subsaharienne), doté de 2,7 millions d’euros, qui se terminera le 14 octobre, et le programme ATA-AC (Amélioration du transport aérien en Afrique centrale), de 2,2 mil‑ lions d’euros, prolongé jusqu’en 2017. Le projet d’assistance à la Zambie, lancé en 2012 et qui s’est clos cette année, a facilité la sortie de ce pays de la liste noire en juin. Enfin, un autre programme de 2,5 millions d’euros a été mis en place à des‑ tination du Malawi. « Siasa était articulé autour de l’assistance aux États – notamment ceux qui ont souffert d’Ebola – ainsi qu’aux organisations régionales, de la mise en place de réglementations et de guides de mise en œuvre et de la formation. Quant au projet ATA-AC, il vise la réhabilitation des principaux aéroports d’Afrique centrale ainsi que la formation et à l’opérationnalisation d’une agence régionale d’aviation civile », détaille Yves

Objectif dans l’UEMOA : passer de deux à huit aéroports certifiés par l’Iata d’ici à 2020.

Le Japon équipe la Mauritanie

Les aéroports de Nouakchott et de Nouadhibou ont reçu en septembre de la part du Japon des équipements de sûreté aérienne pour un montant de 200 millions de yens (1,7 million d’euros). Portiques de détection, appareils de rayons X pour les cabines, les bagages en soute et le fret doivent permettre de faire face au risque terroriste

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Koning, responsable de ces programmes à l’Easa. Cela s’est traduit par la formation en trois ans de 411 inspecteurs en aviation civile, qui supervisent les centres de maintenance et de contrôle aérien. « Cette formation doit être pérennisée », ajoute Yves Koning. Et encore plus spécialisée. Alors que les conditions de vol sur le continent sont particulièrement compliquées, « il faut former des contrôleurs aériens, des ingénieurs météo, des spécialistes de la lutte anti-incendie et des techni‑ ciens pour la maintenance et le balisage afin que les tours de contrôle soient à même de gérer les radars, d’assurer une bonne connexion entre le sol, les airs et les satellites et de contrôler les distances entre les avions en vol », suggère-t‑on du côté de l’Asecna. Une nécessité, selon l’agence, alors que « le trafic croît naturellement de 5 % par an, que de nouvelles routes se développent, notamment d’est en ouest, ou se diversifient, vers le MoyenOrient et l’Asie ». Gérant onze centres de contrôle en Afrique de l’Ouest, l’Asecna dispose de trois établissements de formation : l’École africaine de la météorologie et de l’aviation civile, à Niamey, dédiée aux contrôleurs aériens, l’École régionale de la navigation aérienne et du management, à Dakar, pour la formation continue, et l’École régionale de sécurité incendie, à Douala. Et d’autres écoles spécialisées dans les métiers de l’aéronautique et de la maintenance devraient voir le jour à Franceville, au Gabon, et au Mali. Mais si les experts interrogés se félicitent des avancées réalisées, ils soulignent le retard impor‑ tant qui persiste dans un domaine : la sûreté aérienne. S’assurer qu’il n’y ait pas de pirates à bord, que les installations aéroportuaires soient bien protégées des intrusions humaines ou ani‑ males… Autant de prérogatives qui ne relèvent pas directement des aviations civiles mais des États. Deux aéroports internationaux sur 24 sont aujourd’hui certifiés par l’Iata en zone UEMOA. L’institution s’est fixé pour objectif de passer à huit d’ici à 2020.

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Dossier Aérien

Frédéric Gagey et Frank Legré

PDG et directeur Afrique d’Air France

« Nous réfléchissons à des long-courriers low cost »

de fréquences, par exemple en Égypte. Cette année, la compagnie est dans une phase de consolidation, avec l’augmentation de ses fréquences et l’ouverture de quelques lignes supplémentaires comme Nantes-Alger ou Lyon-Agadir. Au niveau global, la croissance de Transavia est supérieure à 20 %, à la fois en capacité et en trafic. Mais en Afrique du Nord, sa performance dépend effectivement fortement de l’activité touristique. Au Maroc, elle enregistre une hausse du trafic, même si elle ne retrouvera pas le niveau de 2014. Et en Tunisie, la situation reste plus compliquée, marquée par une légère baisse.

Sécurité, crise des matières premières mais aussi vols low cost, montée en gamme… Le continent fait partie des défis comme des projets du géant français. Revue de détail avec deux de ses hauts dirigeants.

Transavia va-t‑elle aller au sud du Sahara ? F.G.: La question des vols long-

courrierslowcostn’estpastranchée. Cela fait partie du plan stratégique qui sera présenté début novembre par Jean-Marc Janaillac, PDG d’Air France-KLM depuis le mois de mai. Ces questions sont posées depuis un moment, mais le changement de PDG a retardé la prise de décision.

L

AIR FRANCE

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année est pleine de paradoxes pour Air France-KLM. Après avoir annoncé en février ses premiers bénéfices depuis 2008, le groupe, qui a transporté près de 90 millions de passagers en 2015, a dû faire face à la démission surprise de son PDG, à deux mouvements sociaux importants, aux conséquences du terrorisme en France tout en affrontant la concurrence toujours plus forte des compagnies d’Asie et du Golfe. Sur le continent, les nouvelles ne sont guère meilleures, en raison de la crise des matières premières. FrédéricGagey,PDGd’AirFrance,et son directeur Afrique, Frank Legré, ontréponduauxquestionsdeJAlors de l’ouverture de la ligne Paris-Oran le 25 septembre. N 0 2908 • DU 2 AU 9 OCTOBRE 2016

Le grand patron, Frédéric Gagey (à dr.), et son bras droit pour l’Afrique, Frank Legré, lors de l’inauguration de la ligne Paris-Oran, le 25 septembre.

JEUNE AFRIQUE: Air France ne desservait plus Oran depuis 1994. Que signifie la réouverture de cette ligne ? FRÉDÉRIC GAGEY: Celadémontre

notre ambition. Il n’est pas si fréquent que nous desservions deux villesdansunmêmepaysafricain.Et celas’expliqueparlaproximitéentre les deux rives de la Méditerranée, au niveau culturel et en raison de la forte diaspora algérienne en France. Ils’agitaussid’unaccompagnement offert aux entreprises françaises. Malgré la baisse des flux touristiques vers le Maghreb, où elle est très présente, les résultats de votre filiale Transavia y sont-ils bons ? F.G.: Des ajustements de réseau

ont été faits en 2015, avec des fermetures de lignes ou des diminutions

Votre compagnie accuse au dernier trimestre un recul important de son trafic. Comment l’expliquezvous ? Les lignes africaines sontelles concernées ? F.G.: Globalement, le trafic recule

de 10 %, mais sur certains marchés on enregistre – 20 %. En France, les ventes ont légèrement progressé, et les correspondances via le hub de Charles-de-Gaulle fonctionnent bien. Mais le manque d’attractivité de Paris a entraîné une forte chute du trafic. La situation sécuritaire, mais aussi sociale, a joué un rôle négatif. En France, le nombre de clients chinois, japonais et américains s’est réduit drastiquement. Anne Hidalgo, la maire de Paris, a lancé un film pour faire la promotion de la ville, et nous allons le diffuser dans nos avions. Sur le million de clients que les hôteliers disent avoir perdu pendant l’été, la moitié ou les trois quarts auraient JEUNE AFRIQUE


pris l’avion et 70 % seraient venus avec Air France. FRANK LEGRÉ : Sur le continent, l’Afrique du Sud est le marché qui est le plus affecté par ce climat. La demande de billets vers la France a baissé de 19 % depuis le début de l’année. Mais ailleurs en Afrique, ce sont d’autres facteurs qui sont en cause. Par ailleurs, les récentes électionsauGabonoulacrisepétrolière pèsent sur nos résultats. Air France souffre-t‑il de la crise des matières premières ? F.L.: Parmi les comptes globaux

d’Air France, le secteur des hydrocarbures accuse une baisse de 33 % en matière de recettes par rapport à l’an dernier. Le Nigeria, l’Angola et le Congo sont des marchés actuellement difficiles. Nous essayons de maintenir le réseau en adaptant les fréquences. Au Nigeria, nous allons maintenir nos dessertes de Lagos, Abuja et Port Harcourt, où nous allons passer de six à cinq vols par semaine. Ce changement tient aussi compte de la difficulté à rapatrier nos recettes car les banques nigérianes n’ont plus de devises. La situation financière est similaire en Angola. Le plan Perform 2020 prévoit encore des économies pour améliorer la compétitivité du groupe Air France-KLM. L’Afrique participet‑elle à cet effort ? F.G.: Des efforts ont été réalisés

concernant l’optimisation des réseaux, la réduction des coûts et la digitalisation des produits. F.L.: En trois ans, le nombre d’expatriés va diminuer de 40 % grâce à des formations pour nos managers africains les plus prometteurs. Offrir des postes à responsabilité à des cadreslocaux permetde réduire nos coûts et d’avoir des collaborateurs qui connaissent mieux le marché. Le plan Trust Together, qui sera présenté en novembre, doit rétablir la confiance entre la direction et les salariés d’Air France-KLM. Quel JEUNE AFRIQUE

VOTRE CARGO FRAIS ET DISPO entre l’Afrique, l’Europe et l’Amérique du Nord.

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Dossier Aérien est l’état d’esprit des équipes africaines ? F.G.: Hors d’Europe, nos équipes

sont souvent petites, et Français, Néerlandais ou locaux n’ont pas de problème pour travailler ensemble. Ce qui leur importe, c’est la part de marché du groupe.

L’ex-PDG d’Air France-KLM, Alexandre de Juniac, a souhaité une montée en gamme des prestations. L’Afrique en a-t‑elle profité? F.G.: Bien sûr. Sur les vols moyen-

courriers, il y a plus de confort. Et Air France a apporté le premier A380 au sud du Sahara, à Abidjan. F.L. : En 2014, les nouvelles cabines de la classe affaires ont été présentées à Shanghai et Paris, mais aussi à Libreville. Et elles ont été introduites sur les Boeing 777 qui desservent l’Afrique centrale. Les lignes long-courriers africaines utilisent la flotte triple 7 mais aussi

les Airbus 330, qui seront à leur tour équipés d’ici à 2018. Et le premier Boeing 787 Dreamliner va être mis en service en janvier sur la ligne du Caire.

Qatar Airways, RAM, Turkish Airlines… Les concurrents ne manquent pas en Afrique. Comment vous distinguez-vous ? F.G. : Grâce à notre comporte-

Même quand il y a des tensions dans un pays, nous maintenons des vols. Envisagez-vous d’augmenter votre part de 11,1 % dans le capital d’Air Côte d’Ivoire ? Que vous apportet‑elle concrètement ? F.L.: Nous sommes prêts à étudier

ment hautement responsable. Quand les conditions à Bangui sont difficiles, quand il y a des tensions à Libreville, nous essayons de maintenir les vols. F.L. : Si on avait quitté la Côte d’Ivoire il y a six ans, nous ne serions pas aussi présents aujourd’hui et cela aurait été une grave erreur. Comment gérez-vous les fortes contraintes sécuritaires au Sahel? F. G . : No s é q u i p a g e s n e

les propositions des autres actionnaires. Sur les villes que nous ne desservons pas tous les jours, ce partenariat nous apporte plus de trafic via des correspondances à Abidjan. Et nous pouvons vendre depuis Paris des liaisons intra-africaines avec nos vols Air France.

séjournent ni au Mali, ni au Burkina Faso, ni en Mauritanie. En octobre, notre équipe de sûreté verra dans quelle mesure elles pourraient y retourner. Propos recueillis par JULIEN CLÉMENÇOT, envoyé spécial à Oran

ASSOCIATION DES COMPAGNIES AERIENNES AFRICAINES (AFRAA) Assemblée Générale Annuelle et Sommet Africain du Transport Aérien

20-22 Novembre 2016 Organisée par IO

IC

OC I AT

AFR

AF

ION AT RICAINES

LINES A A IROMPAGNIES AERISE SOC NN ES I ANN D ES C

A SS

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AFRAA

Lieu: Elephant Hills Hotel Pour de plus amples informations sur la participation et sur les opportunités de parrainage et d’exposition, veuillez contacter les organisateurs à l’adresse AFRAAGA2016@airzimbabwe.aero ou afraa@afraa.org


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VU DU CIEL Un trafic africain encore limité EUROPE

26,2 % + 5,5 %

AMÉRIQUE DU NORD

27,1 % + 3,3 %

ASIE & PACIFIQUE

2,3 % +0,6%

Part du trafic de passagers (2014) Croissance du trafic de passagers sur les services réguliers (2015)

SOURCE : OACI, 2015 ; ATAG, 2014

Principales routes aériennes

AMÉRIQUE LATINE & CARAÏBES

Egyptair Air Algérie

Au-dessus de la moyenne Projection de croissance annuelle du trafic 2012-2032, en %

5,1

Europe

5,5

5,4 3,8

Ethiopian Airlines Monde

6,3 3,0

South African Airways

18 341

Amérique du Nord

4,7

12 035 SOURCE : OAG, 2015

Afrique

MoyenOrient

Egyptair loin devant

Principaux transporteurs, en millions de passagers, en 2015

Royal Air Maroc

SOURCE : ATAG, 2014

Amérique latine & Caraïbes

Asie & Pacifique

MOYENORIENT

AFRIQUE

7,6 % + 7,9 %

31,8 % + 8,2 %

4,8 % +12,1%

Kenya Airways Tunisair

11 035 8 029

TAAG-Angola Airlines Air Mauritius Air Austral

5 894 3 465

2 664

1 603

1 328

929

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Dossier Aérien Le transporteur propose désormais trois vols par semaine pour Dakar et deux pour Le Caire.

MERIDIANA

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STRATÉGIE

Meridiana négocie son virage africain Grâce à la cession de 49 % de son capital à Qatar Airways, et après une restructuration, la compagnie italienne espère redécoller. Avec dans sa trajectoire de vol Accra, Lagos, Mombasa, Zanzibar…

M

algré les trous d’air, la deuxième compagnie italienne – après Alitalia – a de beaux jours devant elle. Après de longues négociations, sa maison mère, Alisarda, a cédé en juillet 49 % de son capital à Qatar Airways. Mais Meridiana s’est bien gardée de communiquer le montant de la transaction, et ainsi de reproduire le faux pas qui avait fait capoter les tractations des Qataris avec Cyprus Airways en 2014. Créé en 1963 sous le label Alisarda par Karim Aga Khan pour desservir la Sardaigne, dont il était alors le principal promoteur touristique, le transporteur, devenu Meridiana en 1991, étend d’abord son réseau aux grandes villes européennes avant d’absorber deux compagnies de charters, Eurofly et Air Italy, en 2010 et 2011, et de viser plus loin. Établi à Olbia, il déploie alors sa voilure, gère une flotte de 27 avions et opère sur des destinations prisées par les vacanciers italiens et européens dont Dakar, La Havane, Cancún, Maurice et les Maldives. Mais en 2013, la crise rattrape Meridiana, qui cumule 155 millions d’euros de pertes. Elle lance un plan de restructuration, supprime 1 600 postes en 2014, soit près d’un quart de son effectif, et N 0 2908 • DU 2 AU 9 OCTOBRE 2016

réduit sa flotte à vingt appareils avec neuf Boeing 737, un 767-200, trois 767-300ER et sept McDonnell Douglas MD82. Des efforts insuffisants selon Qatar Airways, qui exige dans le protocole d’accord signé en avril 2016 une nouvelle réduction de 900 postes, que la compagnie sarde a réussi à négocier avec les syndicats. Ces conditions difficiles n’empêchent toutefois pas Meridiana de nourrir de nouvelles ambitions, notamment en Afrique. À partir de Milan, elle ajoute deux dessertes, Accra et Lagos, et accroît ses fréquences, avec trois vols par semaine pour Dakar et deux pour Le Caire. Elle compte également offrir deux rotations sur Charm elCheikh en Égypte et vers Zanzibar en Tanzanie ainsi qu’un vol hebdomadaire en direction de Maurice, de Mombasa, au Kenya, et des îles du Cap Vert. Un programme

ambitieux et des tarifs taillés au cordeau avec un Milan-Dakar à 236 euros l’aller simple et 223 euros pour Accra. ATYPIQUE. Meridiana consolide

par ailleurs ses attaches européennes en ajoutant, après Paris et Nice, Marseille à ses destinations. Elle développe aussi ses points de départ, en adjoignant Vérone et Rimini à Milan. Mais, restructuration oblige, elle se défait de son escale historique de Cagliari. Fidèle à son histoire, Meridiana défriche de nouvelles routes pour fidéliser une clientèle en quête de soleil en hiver et d’horizons lointains. Sur ce point, elle développe un profil atypique qui a séduit la compagnie de Doha. Néanmoins, pour sceller définitivement son accord avec Qatar Airways, qui devrait être opérationnel à la mi-2017, reste à obtenir le feu vert de la commission antitrust européenne, qui limite à 49 % les participations d’un actionnaire hors Union européenne. FRIDA DAHMANI

ROYAL AIR MAROC DANS LE VISEUR QATARI Depuis 2014, la compagnie de Doha profite de la crise pour consolider son réseau. Après avoir mis la main sur 10 % du sudaméricain Latam Airlines, elle vient de

porter sa part du capital d’International Airlines Group (regroupant British Airways, Iberia, Aer Lingus et la low-cost Vueling) à 20 %, contre 10 % auparavant. Et elle ne

compte pas s’arrêter là. En ligne de mire, Royal Air Maroc. Qatar Airways vise au moins 25 % de son capital, afin de s’ouvrir vers l’Afrique de l’Ouest. F.D. JEUNE AFRIQUE


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Dossier Aérien CRISE

Comment Tunisair a perdu l’équilibre

Alors que les premiers départs prévus par le plan de redressement devraient survenir avant la fin de l’année, retour sur les déboires de la compagnie nationale, soutenue à bout de bras par l’État.

P

rise en pleine tempête, la compagnie à la gazelle ailée essaie de garder le cap. Après avoir inauguré ses premiers vols vers Montréal en juin, Tunisair se tourne vers l’Afrique avec de nouvelles lignes reliant Niamey et, d’ici à la fin de l’année, Conakry via Dakar, N’Djamena et Douala. Sa PDG, Sarra Rejeb, plaide aussi pour la réouverture de liaisons à destination de la Libye. Mais c’est avec un remède beaucoup plus difficile à digérer qu’elle va essayer de redonner un peu de souffle à son entreprise. Arrivée à la tête de la compagnie en avril 2015, la patronne met à exécution le plan de sortie de crise validé en 2014 par l’État actionnaire (64,86 % du capital) qui, à l’époque, n’avait toutefois pas exigé sa mise en œuvre. Ce plan, qui coûtera 130 millions de dinars (52,4 millions d’euros), prévoit le départ de 1 000 employés sur les 8 200 que compte Tunisair, la fermeture de lignes déficitaires et une éventuelle recapitalisation boursière à l’horizon 2018. L’objectif est de diminuer de 15 % les charges de l’entreprise. Les premiers départs – 400 négociés et 600 licenciements – doivent intervenir avant la fin de l’année. Selon un analyste du cabinet Alpha Mena, l’entreprise affiche un ratio de 230 salariés en moyenne par avion, contre 170 pour ses concurrentes. Beaucoup trop, d’autant que les réclamations des usagers, las des retards devenus une norme, des tarifs trop élevés et du service à bord approximatif, se multiplient. INSTABILITÉ. Si Tunisair enregistre une hausse de son trafic de 7,4 % sur les sept premiers mois de 2016 par rapport à 2015, la compagnie a pâti, comme toutes les entreprises liées au tourisme, des N 0 2908 • DU 2 AU 9 OCTOBRE 2016

NICOLAS FAUQUÉ

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suites de l’insurrection de 2011 et de l’instabilité sécuritaire qui perdure depuis. Conséquence : moins de touristes, moins de ventes d’allotements et plus de mouvements sociaux, au point que Tunisair peine à retrouver son équilibre financier. Première entreprise publique sous le feu des revendications sociales nées de la révolution, la compagnie nationale s’était, avec l’accord du gouvernement, pliée aux exigences de l’Union générale tunisienne du travail. Elle avait réintégré avec tous les avantages 3 000 salariés qui avaient été embauchés par ses filiales. La compagnie a alors également dû faire face aux augmentations du prix du carburant et renouveler sa flotte avec l’achat de trois Airbus A330-200 à crédit pour une valeur de 250 millions de dollars. Une situation aggravée par l’achat, en 2009, et l’aménagement d’un Airbus A340-500, estimés à 300 millions de dinars, pour le compte de l’ex-président Zine el-Abidine Ben Ali. À ce jour, l’appareil n’a pas trouvé de repreneur. Enfin, la compagnie a subi 50 millions de dinars de pertes après la faillite en 2012 de

Sur le tarmac de l’aéroport d’EnfidhaHammamet.

Une PDG issue du public Avant d’être nommée PDG de Tunisair, en avril 2015, Sarra Rejeb était à la tête de la Société des transports de Tunis (autobus, métro léger, chemin de fer). Auparavant, elle avait occupé les postes de directrice des études puis des transports terrestres au ministère des Transports

Mauritania Airways, dont Tunisair détenait 51 % du capital. Si le groupe affiche 43 millions de dinars de bénéfices pour l’année 2014, l’embellie est due à l’intervention de l’État. Afin de préserver Tunisair, celui-ci a décidé de ne pas entamer de négociations avec l’Union européenne pour l’ouverture du ciel tunisien. Et il a pris en charge, à la faveur de la loi de finances complémentaire de 2014, 165 millions de dinars de dettes contractées auprès de l’Office de l’aviation civile et des aéroports (OACA). « C’est une subvention et non un gain », tempêtent les petits actionnaires, qui se désolent de voir que la cotation en Bourse de Tunisair n’alarme pas les autorités après avoir atteint 0,63 dinar en septembre 2016, contre 4,9 dinars lors de l’introduction du titre en 2006. « Le plan de redressement de Tunisair ne sert qu’à reporter l’inéluctable restructuration de la compagnie, dont le mode de gouvernance doit être revu », estime notre analyste du cabinet Alpha Mena. Certains observateurs prédisent que la compagnie pourrait être privatisée. Elle devra alors voler de ses propres ailes. FRIDA DAHMANI, à Tunis JEUNE AFRIQUE



Dossier Aérien Le nouveau pilote de Camair-Co sera surtout attendu sur l’ouverture de nouvelles lignes, dont neuf destinations domestiques, deux africaines et cinq intercontinentales. Son expérience devrait l’y aider. En tant que directeur général des opérations au Sénégal de 2010 à 2016, Ernest Dikoum a permis à Emirates de rayonner en Afrique de l’Ouest à partir du hub de Dakar. Le transporteur dubaïote dessert aussi le Mali, la Mauritanie, la Gambie, la Guinée-Bissau, la Guinée et le CapVert. « Si ça ne tenait qu’à Emirates, le bureau de Dakar aurait fermé. Il s’est battu en augmentant l’activité, avoue un ancien collaborateur. En outre, il a convaincu la compagnie de se réengager sur des destinations comme Bamako ou Conakry, un temps suspendues à cause du virus Ebola et des attentats terroristes. »

PORTRAIT

Ernest Dikoum, le pilote qui doit sauver Camair-Co Pur produit du dubaïote Emirates, le nouveau directeur général de la compagnie camerounaise est chargé de mettre en œuvre le plan de relance élaboré par Boeing Consulting. Mais aura-t‑il les coudées franches ?

L

e 22 septembre, Ernest Dikoum a dû pousser un ouf de soulagement en voyant le Boeing 767 de Camair-Co avec à son bord les 200 premiers Camerounais de retour de La Mecque atterrir à l’aéroport de Douala. Ce vol marque le début d’une noria devant ramener 3500 pèlerins et constitue l’épreuve de feu pour le nouveau patron de la compagnie camerounaise. « C’est un professionnel qui aime relever les défis », assure Mathiaco Bessane, le directeur des transports aériens au ministère sénégalais du Tourisme. Mais la relance de Camair-Co, qu’il dirige depuis le 22 août, est une autre paire de manches. Depuis le lancement de ses activités, en 2011, le transporteur a déjà épuisé quatre directeurs généraux, traîne une ardoise de plus de 35 milliards de F CFA (53 millions d’euros) et voit régulièrement saisis les deux appareils qu’il loue. Pour ne rien arranger, sa subvention mensuelle d’équilibre, de 1,5 milliard de F CFA, ne lui est pas toujours versée. Le défi est donc de taille pour ce Camerounais de 49 ans formé aux métiers du transport aérien à l’Emirates Aviation University, où il a décroché un Executive MBA en 2012, tout en obtenant parallèlement un MBA en gestion logistique de l’université de Coventry. Auparavant, il était passé par l’École

JEAN-PIERRE KEPSEU

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des métiers du tourisme de Rabat et s’était engagé pendant six ans avec l’islandais Icelandair, avant de rejoindre Emirates en 2004. Ernest Dikoum est donc chargé de piloter le troisième plan de vol élaboré par Boeing Consulting, qui continuera à le conseiller pour ramener Camair-Co à l’équilibre dès 2018, si le calendrier est respecté. Selon ses préconisations, l’État doit injecter 60 milliards de F CFA dans l’entreprise. Le nouveau patron devra quant à lui user de son carnet d’adresses pour acquérir neuf nouveaux appareils et porter le parc à quinze avions. Une flotte indispensable pour renforcer le transport des passagers et développer l’activité de fret.

Ce Camerounais de 49 ans a été nommé à la tête du transporteur national en août.

PESANTEURS. Mais pour réussir à

la tête de Camair-Co, encore faut-il qu’il ait les coudées franches. Son premier test en la matière sera de réduire les effectifs. Un chantier que son prédécesseur, Jean-Paul Nana Sandjo, n’avait pas voulu ouvrir, tant le sujet est politiquement sensible. « Bienvenue en Afrique ! » n’a pas manqué de lui dire, en le taquinant, son ex-collaborateur d’Emirates, mettant en avant les pesanteurs culturelles qui bloquent la compétitivité des compagnies du continent dans un univers aussi concurrentiel. S’il ne doute pas de la volonté d’Ernest Dikoum de relever ce nouveau défi, Mathiaco Bessane le met aussi en garde : « La difficulté en Afrique tient à ce qu’on est soumis à des décisions politiques ne correspondant pas souvent à la réalité économique. » Ernest Dikoum est à tout le moins prévenu. OMER MBADI, à Yaoundé



Dossier Aérien

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Jean-Paul Nyirubutama

Directeur de l’exploitation de Rwandair

« Kigali sera au cœur du trafic africain » Grâce à ses nouvelles destinations à l’ouest, la compagnie nationale rwandaise complète son réseau au sud du Sahara. Entretien avec le numéro 2 d’un transporteur qui ne manque pas d’ambition.

A

près l’est, le sud et le centre du continent, RwandAir s’étend vers l’Afrique de l’Ouest. La compagnie nationale rwandaise veut compléter son réseau pour faire de Kigali une plateforme aérienne au cœur du continent. En septembre, elle a ouvert une ligne versCotonou,débutoctobreelleralliera Abidjan, puis Conakry à partir de janvier. Jean-Paul Nyirubutama, directeur de l’exploitation, décrypte cette stratégie pour JA. JEUNE AFRIQUE : Qu’est-ce qui motive votre déploiement vers l’Afrique de l’Ouest ? JEAN-PAUL NYIRUBUTAMA :

Au départ, RwandAir a connecté notre voisinage immédiat: l’Afrique de l’Est et l’Afrique centrale. Mais notre stratégie est de relier tout le continent, dont le potentiel est très important. C’est notamment vrai pour l’Afrique de l’Ouest, étant donné sa population et sa croissance. Or peu de compagnies africaines permettent de la relier à l’Afrique de l’Est. Nous pensons pouvoir faire partie de ce groupe.

Vos nouvelles destinations ne sont pas forcément les villes les plus importantes de la région. Pourquoi ce choix ?

Nous avons constaté que certaines capitales étaient mal couvertes en Afrique de l’Ouest, alors que des villes comme Dakar sont déjà très bien desservies. Et puis, dans un premier temps, nous avons l’intention de combiner deux destinations pour augmenter le nombre de clients sur chaque ligne. Comptez-vous plutôt sur les passagers ou sur le fret pour rentabiliser ces lignes ?

Nous avons choisi, dans un premier temps, de nous concentrer sur l’activité passagère. Jusqu’à récemment, la capacité des soutes de nos avions était d’ailleurs assez limitée. Mais nous avons fait l’acquisition d’appareils long-courriers [deux Airbus A330], ce qui nous permet d’augmenter notre capacité de fret. En Afrique centrale, RwandAir dessert Libreville et Brazzaville, des villes assez modestes comparées à Kinshasa ou à Luanda. Pourquoi?

18

C’est le nombre de villes desservies par le transporteur rwandais, dont 16 en Afrique subsaharienne.

L’un des obstacles au développement du transport aérien en Afrique est sa sur-régulation. Nous avons besoin d’accords bilatéraux, et ceux-ci doivent être flexibles. Or l’accord avec l’Angola n’a jamais pu être signé, et l’application de celui avec la RD Congo se révèle compliquée.Parailleurs,unepetitedestination peut rapporter plus. Libreville est une destination assez lucrative tandis qu’à Douala ou à Lagos la compétition tire les prix vers le bas. Ces développements retardentils vos projets de desserte de l’Europe ?

Non. Nous réfléchissons à Londres et à Paris, peut-être pour l’an prochain. Pour jouer un rôle de plateforme du trafic africain, nous devons proposer des vols vers l’extérieur. Notre vol vers Dubaï rassemble par exemple des passagers venant de tout notre réseau africain, et nous comptons faire de même avec la ligne vers Mumbai, ouverte en septembre, et l’Europe. L’État rwandais, votre unique actionnaire, influence-t-il votre stratégie ?

CYRIL NDEGEYA

Les bonnes relations diplomatiques facilitent toujours notre travail puisque nous opérons sur la base d’accords bilatéraux. Notre gouvernement cherche à en avoir le plus possible. Par ailleurs, le gouvernement veut ouvrir le pays au tourisme et stimuler ses exportations. C’est sa stratégie, exposée dans la «vision2020»:fairedeKigaliunhub en matière de services. L’aviation a bien sûr un rôle très important. Cela étant, RwandAir a une autonomie de gestion qui nous permet de prendre des décisions tactiques pour répondre aux nécessités du marché. Propos recueillis par PIERRE BOISSELET N 0 2908 • DU 2 AU 9 OCTOBRE 2016

JEUNE AFRIQUE


COMMUNIQUÉ

Encore plus de destinations et de vols directs sur l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique Centrale

Dix avions et 22 destinations à l’international De trois avions en exploitation et treize destinations desservies en 2013, la compagnie est passée à dix avions et 22 villes reliées à l’international, en 2016, ainsi qu’à cinq autres en Côte d’Ivoire. Le nombre

de passagers transportés a, quant à lui, grimpé de 244 183 en 2013 à 604 170 en 2015 ! Ces performances, la compagnie les doit à une stratégie claire et à une plateforme aéroportuaire moderne qui profite de l’attraction de l’un des poumons économiques du continent. Air Côte d’Ivoire doit aussi ces bons résultats à sa gouvernance de qualité et au soutien de ses actionnaires.

Des actionnaires toujours plus nombreux Son capital social est passé de 2,5 milliards de F CFA en 2012 à 63 milliards en 2016. Il devrait dépasser les 100 milliards en 2017, grâce notamment à des actionnaires toujours plus nombreux. La Banque ouest-africaine de développement (BOAD) a rejoint la compagnie cette

PREMIER PLAN, DE GAUCHE À DROITE :

Général Abdoulaye Coulibaly, Président du Conseil d’Administration d’Air Côte d’Ivoire, Christopher Buckley (Airbus Vice-President Sales). SECOND PLAN, DE GAUCHE À DROITE :

Sébastien Taupiac (Airline Marketing Manager), Hadi Akoum (Airbus Sales Sub-Sahara / Africa), René Decurey, Directeur Général Air Côte-d’Ivoire, Michael Guiraud (Airbus Sales).

année (7,9 %) aux côtés de l’État ivoirien (57,5 %), d’Air France Finance (11,1 %) et de la société privée ivoirienne Goldenrod Investments (23,4 %).

Cinq A320 commandés à Airbus C’est dans l’optique d’améliorer davantage son offre qu’Air Côte d’Ivoire a signé une commande ferme auprès d’Airbus portant sur trois A320neo (new engine option) et deux A320ceo (current engine option) en avril dernier. La compagnie, nouvelle cliente de l’avionneur, devient la première en Afrique à acquérir l’A320neo. Ses clients pourront ainsi profiter du confort et des nouvelles options technologiques qu’offrent ces appareils de dernière génération.

De nouvelles mesures d’accompagnement Preuve du long terme dans lequel s’inscrit Air Côte d’Ivoire, la société a investi depuis un an dans la formation de jeunes pilotes ivoiriens. Ce sont au total quinze étudiants - parmi lesquels une femme – qui ont été sélectionnés pour suivre ce programme de deux ans à l’Institut national polytechnique Houphouët-Boigny (INPHB) de Yamoussoukro, en partenariat avec Airways Formation. La compagnie a, par ailleurs, recruté une vingtaine d’étudiants, en cours de formation dans le même institut (INPHB), pour en faire des mécaniciens spécialisés en aéronautique. Ces nouvelles recrues pourront exercer leur métier au sein du hangar de maintenance moderne que la compagnie projette de construire. 

Place de la République, Plateau - Tél.: +225 20 25 10 30 - www.aircotedivoire.com

DIFCOM/DF - PHOTOS : DR SAUF MENTION.

F

ondée en 2012, Air Côte d’Ivoire s’est vue assigner un objectif clair : relier les grandes villes d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale le plus directement possible depuis la plateforme aérienne d’Abidjan. En moins de quatre ans, la compagnie, outil de développement économique national et d’intégration continentale, est devenue l’une des plus performantes de sa sous-région.

© P.PIGEYRE/MASTERFILMS

En forte croissance depuis sa création en 2012, Air Côte d’Ivoire investit dans sa flotte et dans ses hommes. La compagnie, qui a transporté plus de 600 000 passagers en 2015, est en train de s’imposer comme un acteur incontournable du secteur aérien en Afrique.


Avec le Certificat de Transporteur Aérien (CTA), CONGO AIRWAYS volera bientôt à destination de JOHANNESBURG et de LUANDA

KISANGANI MBANDAKA GOMA

KINDU KINSHASA

KANANGA

LUBUMBASHI

LUANDA

KINSHASA LUBUMBASHI GOMA KINDU KISANGANI MBUJI-MAYI KANANGA MBANDAKA

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JOHANNESBURG

Le plaisir de voyager... ��������������������� � ��������������������


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