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de Jeune Afrique
HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 57e année • no 2913 • du 6 au 12 novembre 2016
TUNISIE
En quête
de confiance
Guinée Alpha Condé, l’homme pressé
Spécial
20
pages
ONS ABID
Côte d’Ivoire Ce que prépare Ouattara
JEUNE AFRIQUE
N 0 2913 • DU 6 AU 12 NOVEMBRE 2016
DOSSIER DIABÈTE
L’AFRIQUE SE FAIT DU MAUVAIS SANG
ENQUÊTE
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Café-cacao
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JACQUES TORREGANO POUR JA
Focus
Vent de changement chez les négociants
Ralentissement de la consommation, mauvaises conditions climatiques, marges en baisse… Pour résister, les gros acheteurs cherchent à avaler de plus petits concurrents et à intégrer la chaîne de production.
A
RÉMY DARRAS
vec des conditions climatiques plus favorables, la campagne de récolte de cacao qui s’est ouverte en octobre s’annonce, selon les prévisionnistes, bien plus prometteuse que la précédente, avec son cortège de sécheresses dues au phénomène El Niño, de maladies et de chenilles dans les vergers. On parie sur une hausse de 16 % de la production de fèves en JEUNE AFRIQUE
Côte d’Ivoire, premier producteur d’or brun, de 7 % au Ghana, quand la période 2015-2016 avait enregistré une baisse de la production de 7 % en Afrique de l’Ouest (2,8 millions de tonnes), d’après une étude d’Ecobank du 27 septembre. On constatait même un recul de 15,9 % en Côte d’Ivoire, premier producteur mondial. Pour autant, les géants du négoce – le suisse Barry Callebaut, numéro un mondial, l’américain Cargill et le
En février 2016, SAF Cacao a investi 15,2 millions d’euros dans Choco Ivoire, son unité de broyage à San Pedro.
singapourien Olam –, qui voient chaque année passer entre leurs mains près de 80 % de la récolte acquise en direct ou via d’autres négociants, n’ont pas vraiment tremblé. D’après des estimations révélées en août par le bimensuel La Lettre du continent, dans un pays comme la Côte d’Ivoire, premier producteur mondial de cacao, Cargill s’est imposé avec 180 000 t (contre 70 000 t au Ghana) devant l’ivoirien SAF Cacao, de l’homme d’affaires libanais Ali Lakiss, qui a commercialisé 148 000 t, et Barry Callebaut, présent dans le pays à travers sa Société africaine de cacao (Saco), qui a vendu 141 000 t. Ce dernier surpasse sensiblement Olam et sa filiale Outspan – qui traite 125 000 t. Face à ces mastodontes, d’autres entreprises plus modestes prospèrent : les français Touton, Sucres et Denrées (Sucden), N 0 2913 • DU 6 AU 12 NOVEMBRE 2016
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Focus dollars (1 milliard d’euros) les activités mondiaux comme Nestlé, Mondelez, cacao de l’américain Archer Daniels Mars ou Hershey’s. Sur les traces des traders Cargill et Barry Callebaut, qui Midland (ADM), sa taille ne permettant plus à ce dernier de résister. Il a ainsi sont aussi d’importants broyeurs, Olam, accru considérablement, d’après les qui avait commencé à l’origine au Nigeria chiffres annoncés lors de l’opération, ses avec l’exportation de noix de cajou et de capacités de traitement de l’or brun, les coton, a ouvert en mars 2015 une usine SATURÉS. Mais leur position pourrait à San Pedro, en Côte d’Ivoire, pour y faisant passer de 100 000 à 700 000 t par an (qu’il entend ametraiter 75 000 t de cacao. dans les années à venir se fragiliser. Car, malgré la persistance de cours hauts, ner à 900 000 t), soit Il a donc dû revoir ses Une production 16 % de la capacité de l’introduction en 2012 d’un mécanisme contrats avec ses anciens stable transformation et plus de vente à terme pour remplacer le clients… Cargill et Barry de 20 % de la producCallebaut, qu’il appromarché spot en Côte d’Ivoire limite les L’Afrique de l’Ouest visionnait en fèves. De marges des négociants en les empêtion au niveau mondial. a produit Enfin, le britannique son côté, SAF Cacao a chant théoriquement de spéculer. Par investi 15,2 millions ailleurs, la demande mondiale en choArmajaro a cédé en 2013 ses activités de négoce d’euros en février dans colat connaît un ralentissement. « Les son unité de broyage à nouveaux consommateurs des classes de cacao au suisse Ecom millions de tonnes Agroindustrial, grand San Pedro. Et Touton a moyennes des pays émergents sont frapde cacao pendant trader de café. « Ces inauguré en avril 2015 pés par la crise, et les marchés européens la campagne 2015-2016 c o n c e n t ra t i o n s o nt une usine de transforamateurs de chocolat à haute teneur en Un résultat proche cacao sont saturés », explique Laurent permis de réaliser des mation au Ghana. du record de Pipitone, directeur de la division écoéconomies d’échelle sur « Chacun a développé une stratégie qui lui est nomique et statistique de l’Organisation toute la chaîne : produire internationale du cacao (Icco). du chocolat standardisé propre, observe Edward et fournir tous les marGeorge. Olam commuPour parer à cela, les négociants millions de tonnes se sont concentrés afin de prendre chés exigent peu de pernique beaucoup sur une de la campagne 2014-2015 du poids. Certains ont ainsi changé sonnel mais nécessitent pénurie de cacao à venir, car sa stratégie à long de mains comme la Compagnie ivoid’énormes dispositifs de terme est d’augmenter rienne de promotion pour l’exportafabrication. Plus on est son prix, tandis que Barry Callebaut tion et l’importation (Cipexi), filiale du gros, plus on gagne, plus on amortit les ne vend que des fèves de la meilleure néerlandais Amtrada cédée en février au chocs », expose François Ruf, économiste qualité. » Malgré tout, cette concentrader suisse Origins, qui entend douau Centre de coopération internatiotration « qui ne leur donne pas pour bler d’ici à 2019 son volume de 50 000 t nale en recherche agronomique pour le moment de grande influence sur le obtenu lors de la dernière campagne le développement (Cirad). ivoirienne. Présent dans la chaîne de la marché », d’après François Ruf, pourrait fève au chocolat, le leader mondial Barry BROYAGE. Pour accroître leurs marges, à terme se traduire « par une destruction Callebaut a racheté en 2013 la branche de la concurrence, des capacités de certains acteurs qui se cantonnaient au négoce ont franchi le pas du broyage, cacao du singapourien Petra Foods et, production réduites et des fermetures transformant les fèves en produits d’entreprises ». en novembre 2015, la société de négoce semi-finis (beurre, masse, tourteaux ghanéenne Nyonkopa. Quant à Olam, il a Au-delà de la concurrence à laquelle transformés en poudre ou couverture) se livrent les négociants, la sécurisation augmenté sa puissance d’achat en reprequ’ils livrent à de gros chocolatiers de leurs approvisionnements à long nant en octobre 2015 pour 1,2 milliard de terme passe par l’amélioration du travail des planteurs. Certains, comme Cargill ou Barry Callebaut, les soutiennent déjà QUAND LES FÈVES S’ÉCHANGENT EN EUROS en fournissant des semences de qualité Le cacao s’échangeait et en appuyant des programmes de cerdépendent du contrats de tification de fèves. « Le grand défi de la jusque-là en dollars à franc CFA, et les fonctionner car il y durabilité cacaoyère n’est pas relevé. Il NewYork ou en livres acheteurs principaux aura un besoin de y a des pays où la production n’est pas sterling à Londres. se situent en zone liquidités. Le volume stabilisée, régulièrement victime de Depuis janvier 2015, il euro. Les acteurs de cette denrée reste maladies. Les plants sont dégradés et peut s’échanger en pourront ainsi mieux faible par rapport à usés, avec des fèves petites et de maueuros via deux résister aux variations celui du maïs par vaise qualité, ce qui incite à défricher nouveaux contrats à du marché. Mais, exemple. Il y a encore encore plus la forêt », s’inquiète François Londres, CME et ICE pour Laurent Pipitone, peu de volumes Ruf. D’après les spécialistes, un meilleur Exchange. L’initiative « il est fort probable échangés sur ICE Euro traitement des arbres pourrait pourtant est jugée bonne par que le marché du et sur CME Euro, et permettre d’obtenir deux fois plus de les spécialistes, car cacao ne permette les contrats en livres fèves. les pays producteurs pas à autant de résistent bien ». R.D. Cémoi, l’américain Blommer, les ivoiriens Zamacom et Africa Sourcing… « Bien que petits, ces acteurs connaissent les plantations jusqu’au dernier recoin », assure Edward George, directeur de recherche chez Ecobank.
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Café-cacao
Aux petits soins du verger ivoirien Le vieillissement des plantations et les maladies menacent le cacao du premier producteur mondial. Mais pas question pour le pays de céder sa place.
française de développement. « Nous devons mutualiser toutes les initiatives et élaborer des programmes communs qui permettront de pérenniser la filière », estime Massandje Touré-Litse, la directrice générale du Conseil du café-cacao. Dans ce cadre, dix-sept protocoles d’accord ont été conclus et ont permis de mobiliser plus de 33 milliards de F CFA (environ 50 millions d’euros) pour des investissements en milieu rural, notamment dans la distribution Une stratégie d’une nouvelle variété de public-privé plants de cacao baptisée Mercedes, plus résistante à la maladie et offrant une meilleure productivité. protocoles d’accord ont Le cacao Mercedes a un été conclus entre cycle court et produit 2 t le Conseil du à l’hectare, contre 400 kg café-cacao, les pour l’ancienne variété. multinationales « Nous avons distribué du secteur et des des semences amélioinstitutions comme la Banque mondiale et rées pour 152 318 ha et l’Agence française de des produits phytosanidéveloppement pour taires pour 4,7 millions d’hectares », explique Massandje Touré-Litse. Des partenariats signés millions d’euros avec le Centre national de d’investissements en recherche agronomique milieu rural (CNRA) et avec l’Agence nationale d’appui au développement rural (Anader) ont facilité la lutte contre le vieillissement du verger et les maladies comme le swollen shoot (gonflement des rameaux qui a fait de nombreux dégâts L’âge moyen des cacaoyers (ici, à Gagnoa) oscille entre 25 et 50 ans. au Ghana et au Nigeria). « Le changement climatique a aussi favorisé l’invan Côte d’Ivoire, l’évolution du sion de chenilles dévorantes dans les Son objectif : passer à plus de 2 millions de tonnes à l’horizon 2020. verger inquiète. Son âge moyen plantations de cacao, attaquant plus de ne cesse de grimper – au moins 20 000 ha, révèle la patronne du Conseil 20 % des plantations de cacao du café-cacao. Mais nous avons réglé RENOUVELER. Le pays a donc déployé ont plus de 30 ans. Sur ses 2 millions le problème. » Le pays est également à toute une stratégie. Depuis 2011, le Conseil du café-cacao (CCC), l’organe d’hectares, 400 000 seraient devenus peu l’origine d’un programme d’installation pour les jeunes agriculteurs. Plus de productifs. Et le changement climatique public chargé de la gestion du secteur, a 1 000 nouveaux producteurs devraient lancé plusieurs opérations pour renouves’accompagne de maladies qui viennent le décimer. Pendant la campagne 2015ler le verger. En synergie avec les acteurs ainsi être opérationnels à l’horizon 2018. du cacao, l’État ivoirien a mis en place Le gouvernement a aussi créé le Fonds 2016, la production ivoirienne a baissé, à la Plateforme de partenariat publicd’investissement en milieu rural et le 1,6 million de tonnes contre 1,8 million lors de la précédente. Mais le pays, qui privé, regroupant des multinationales Fonds d’investissement agricole, qui tire 15 % de son PIB du cacao, est bien comme Cargill, Mars, Nestlé, Olam, financent massivement le secteur du décidé à maintenir et à consolider son ainsi que des ONG et des institutions cacao et du café. rang de premier producteur mondial. BAUDELAIRE MIEU, à Abidjan comme la Banque mondiale et l’Agence
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Focus Café-cacao
Le robusta reprend des forces en arabica passait de 81,8 millions de sacs à 86,6 millions. Ce nouvel intérêt est encore notable cette année, avec une hausse du cours de 5,8 % du fait des déficits de production au Brésil, au Vietnam et en Colombie, résultat d’importantes sécheresses.D’autantquelephénomène ElNiño enOuganda,enRDCongoetauSoudandu Sud a entraîné a contrario d’importantes pluies favorables aux récoltes.
Délaissée depuis les années 1990, cette variété de café regagne du terrain sur le continent. Et si cette tendance annonçait une embellie durable pour le secteur ?
DE LONGUE HALEINE. Cette renaissance,
qui devra être confirmée, tient aussi au travail réalisé par de nombreux experts et ONG pour aider les planteurs à adopter destechniquesplusmodernesetaméliorer les conditions de récolte, de séchage et de stockage. Un travail de terrain et de longue haleinequidevraêtreaccompagnéparune démarche marketing capable de valoriser davantage ce café de basse altitude, à l’arôme puissant.S’ilestdéjàappréciédans les pays du pourtour méditerranéen et du sud de l’Europe comme l’Algérie, l’Italie, le Portugal, l’essentiel de la production est Ce café de basse altitude se distingue par son arôme puissant (ici, au Kenya). pour l’instant utilisé pour agrémenter des mélanges composés d’arabica, plus rond, in août, à Amélékia, à 230 km aromatique et doux en bouche. Preuve contribue aujourd’hui qu’à un peu plus au nord d’Abidjan, une dizaine que les habitudes peuvent évoluer, des de 10 % de la production mondiale, contre de planteurs sélectionnée par le géants comme Nestlé développent des 30 % dans les années 1970. La culture Conseil du café-cacao ivoirien a partenariats avec des petits producteurs, de cette variété a été délaissée au cours reçu des jeunes plants pour dix hectares, de l’Éthiopie à la Côte d’Ivoire. En 2015, des années 1990, alors que les plantaafin de relancer la culture du café dans c’est Nespresso, inventeur des machines tions étaient ravagées par les pestes, que cette zone. La Côte d’Ivoire poursuit un expresso à doses, qui a les cours chutaient et que programme doté d’un budget de 8 milplusieurs pays producteurs La concurrence débuté la commercialisation se corse d’un robusta provenant du liards de F CFA (12 millions d’euros) pour étaient minés par des guerres (Demande mondiale) la période 2013-2018 afin de dynamiser civiles. En 2001, plus de 50 % Soudan du Sud. une filière fragilisée par une décennie des surfaces avaient été arraInterrogé par le Wall Street Robusta de crise. Déjà, les premiers effets de chées en Ouganda alors qu’en Journal, Edward George, resRD Congo, au Soudan et en ponsable des études pour cette stratégie se font sentir. Deuxième Ecobank, estime que ces exportateur africain de robusta, la Côte Côte d’Ivoire les caféiculteurs d’Ivoire a produit 2,2 millions de sacs de devaient composer avec les millions de sacs en 2015 efforts ont à la fois aidé à faire progresser les rende60 kg lors de la campagne 2015-2016, un conflits armés. ments et permis une monniveau qu’elle n’avait pas atteint depuis Mais le robusta regagne contre six ans. En Ouganda aussi, cette variété du terrain. Il y a trois ans, il tée en gamme des dernières millions en 2010 récoltes. « Mais la producreprésentait 30 % de la proreprend des couleurs. Les rendements ont tion de bonne qualité reste augmenté, et la production a enregistré duction africaine, contre Arabica 40 % aujourd’hui. Il profite un record de 4,2 millions de sacs. Le pays encore trop morcelée, ce qui s’est aussi lancé dans un programme de rend l’approvisionnement notamment de la hausse de plantation, prévoyant de mettre en terre difficile », explique Jeanla demande, particulièrement dans les économies émerPierre Blanc, fondateur du 900 millions de pousses entre 2016 et 2019 gentes asiatiques. Entre les millions de sacs en 2015 groupe Malongo, qui priviafin de parvenir à une production record de 20 millions de sacs. campagnes 2010 et 2015, la légie toujours l’Inde pour demande mondiale a bondi son approvisionnement en Grâce au robusta, le café africainconnaît contre de 54,8 millions de sacs à peut-être le début d’une embellie attenrobusta. millions en 2010 70,3 millions, alors que celle due depuis longtemps – le continent ne JULIEN CLÉMENÇOT THOMAS KOEHLER/PHOTOTHEK VIA GETTY IMAGES
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