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Sénégal Que prépare Karim Wade au Qatar ? N° 2914 • du 13 au 19 novembre 2016

jeuneafrique.com

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LE PLUS

de Jeune Afrique

PANORAMA Enfin la stabilité?

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INTERVIEW Béatrice Atallah, ministre des Affaires étrangères PORTRAITS Des capitaines d’industrie hors du commun TOURISME Anjajavy, presqu’île du bout du monde

MADAGASCAR

Un nouveau départ?

ONS ABID

Près de trois ans après la fin de la crise politique et l’investiture du président Hery Rajaonarimampianina, Antananarivo aspire enfin à la stabilité et s’apprête à accueillir le XVIe sommet de la Francophonie, les 26 et 27 novembre.

JEUNE AFRIQUE

N O 2914 • DU 13 AU 19 NOVEMBRE 2016


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Le Plus de Jeune Afrique

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Prélude Cécile Manciaux

Grande famille

G

randeÎle,îlecontinent,îleparadis… Par son histoire, son patrimoine et son exceptionnelle biodiversité, pour cette énergie vitale qui semble innerver l’île comme ses habitants, Madagascar bénéficie d’un capital sympathie hors du commun à travers le monde. Lequel fait parfois oublier le poids un peu trop lourd des traditions ou des clivages entre communautés, bien loin de l’image du melting-pot naturel qui prévaut dans les clichés. En revanche, nul ne perd de vue la fragilité institutionnelle du pays, ni son incapacité à sortir définitivement sa population de l’extrême pauvreté. Madagascar a vu se succéder les crises politiques(1972,1991-1992,2001-2002),dont la dernière, de mars 2009 à décembre 2013, a peut-être été la plus rude. Pendant cinq longues années, l’île a été mise au ban des organisations régionales et internationales (SADC, Union africaine, Francophonie), qui l’ont accompagnée dans la médiation, mais ont suspendu leurs aides financières. Le FMI a limité ses interventions au maintien d’un bureau de liaison à Tana. L’Union européenne a gelé son aide au développement. Quant aux États-Unis, ils ont exclu le pays de l’African Growth and Opportunity Act (Agoa), contraignant les ateliers des zones franches industrielles à licencier des milliers d’ouvrières et de techniciens. Fin 2013, la présidentielle et les législatives se sont déroulées dans le calme. Hery Rajaonarimampianina, ministre des Finances pendant la transition, a été élu avec 53,5 % des voix et investi président de la République fin janvier 2014. Dans les mois qui ont suivi, le pays a repris sa place au sein des organisations dont il avait été suspendu, et, dès la fin de 2014, les bailleurs internationaux ont commencé à décaisser des centaines de millions de dollars pour permettre aux nouvelles institutions de repartir sur de bonnes bases. Deux ans et trois gouvernements plus tard, passé quelques chahuts à l’Assemblée nationale à la mi-2015 contre le chef de JEUNE AFRIQUE

l’État puis contre le gouvernement, l’échiquier politique malgache semble avoir enfin trouvé le bon équilibre. Le président Rajaonarimampianina prend de l’assurance et tient le cap des réformes. Dans l’hémicycle comme dans les états-majors des différents partis, l’intérêt général et l’urgence à remettre le pays sur les rails ont pris le pas sur les querelles d’ego et les luttes intestines. Comme dans une démocratie digne de ce nom. Et pourvu que cela dure. Car la tâche est ardue pour l’exécutif malgache, dans un contexte économique et social tendu. Conjuguéesauxeffetsdelacriseéconomique internationale, les années de transition, avec leur lot d’incertitudes et de sanctions, ont été dévastatrices pour la population et l’économie, qui ne s’en sont pas encore relevées. Avec un PIB tombé au-dessous des 400 dollars (environ 360 euros) par habitant (quand celui des voisins mauriciens dépasse 9 300 dollars), Madagascar se classe parmi les dix pays les plus pauvres du monde, malgré son formidable potentiel minier, agroalimentaire, touristique, manufacturier et, tout simplement, humain… Mais, enfin, la croissance, qui n’avait jusqu’à présent pas redécollé, devrait être de 4 % cette année et de 4,5 % l’an prochain. De nouveau, tous les espoirs sont permis. Le fait que Madagascar joue de nouveau une place de premier plan sur la scène diplomatique et économique régionale devrait y contribuer. Le pays a présidé la Commission de l’océan Indien d’avril 2014 à février 2016. C’est à Antananarivo que la secrétaire générale de la Francophonie a inauguré le premier bureau régional de l’OIF, en mars. C’est à Antananarivo que s’est tenu le sommet du Marché commun de l’Afrique orientale et australe (Comesa) les 18 et 19 octobre. Et c’est à Antananarivo que la Francophonie organise son XVIe sommet les 26 et 27 novembre. Un rendez-vous naguère manqué, qui, pour tous, marque le vrai retour de Madagascar sur la scène internationale et au sein de la grande famille francophone. N 0 2914 • DU 13 AU 19 NOVEMBRE 2016

PANORAMA Enfin la stabilité ?

p. 64

INTERVIEW Béatrice Atallah, ministre des Affaires étrangères p. 66 ÉVÉNEMENT Tana accueille la Francophonie

p. 68

TRIBUNE Hanitr’Ony, poétesse et écrivaine p. 73 ÉCONOMIE Premières lueurs d’espoir p. 78 ENTREPRENEURIAT Des capitaines d’industrie hors du commun p. 82 AGROBUSINESS Sotramex, une florissante affaire de famille p. 88 TRANSPORTS Toamasina prend le large

p. 90

MINES L’île aux trésors

p. 91

TOURISME Anjajavy, presqu’île du bout du monde

p. 94


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Le Plus de Jeune Afrique

MADAGASCAR

Enfin la stabilité? Fort des résultats de son tout jeune parti aux municipales puis aux sénatoriales, le président, Hery Rajaonarimampianina, a les coudées franches pour redresser le pays. L’économie repart, tout doucement, mais les Malgaches attendent toujours une amélioration de leurs conditions de vie. FRANÇOIS-XAVIER FRELAND,

Le président malgache (à g.) et le ministre éthiopien des Finances, Ahmed Shide, au sommet du Comesa, à Antananarivo, le 18 octobre.

envoyé spécial


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HENITSOA RAFALIA/ANADOLU AGENCY/AFP

D

e nouvelles rocades, des centres allié lors de la présidentielle de 2013, qui ont engagé commerciaux rajeunis, un hôtel contre lui une procédure de destitution, rejetée par de luxe flambant neuf… Ceux qui la Haute Cour constitutionnelle le mois suivant. Et, aujourd’hui, ce sont des sénateurs du HVM qui ne sont pas venus à Antananarivo depuis longtemps remarquent tentent d’avoir la tête d’Honoré Rakotomanana, le avant tout l’ordre et la volonté de président du Sénat, pourtant nommé par le chef changement qui semblent désormais prédominer de l’État. Il faut dire que, si les indicateurs macro­ dans la capitale malgache, après des années de économiques s’améliorent, la réalité sociale est chaos. Dans le quartier des affaires comme en encore loin d’être rose sur le terrain, où beaucoup périphérie de la ville, les chantiers vont bon train. sont déçus de ne sentir aucune amélioration de leurs conditions de vie : selon la Banque mondiale, plus Les esprits chagrins pestent contre les travaux qui de 80 % des Malgaches vivent au-dessous du seuil bouchent les artères principales du centre-ville et y rendent l’air irrespirable. Les autres se réjouissent de pauvreté (soit avec moins de 1,25 dollar par jour). de voir qu’Antananarivo a retrouvé un peu de sa TROP NORMAL. Malgré les nombreuses marches splendeur d’antan, en partie grâce à l’accueil du organisées contre lui par les associations de la sommet de la Francophonie, les 26 et 27 novembre, qui a accéléré la réalisation de certains projets. Et, si société civile, comme Wake Up Madagascar, le prél’on en croit nombre d’entrepreneurs tananariviens, sident Hery Rajaonarimampianina tient bon. « Tout les activités reprennent. « Il y a un vrai regain. Les simplement parce que la population est fatiguée avions sont pleins, les hôtels aussi, souligne ainsi et ne se mobilise plus en masse », estime Toavina Johann Pless, le directeur de l’hôtel Lapasoa. Quoi Ralambomahay, dirigeant du petit parti Humaniste qu’on en dise, Hery Rajaonarimampianina a ramené et Écologiste, auteur de l’essai Madagascar dans une crise interminable, paru en 2011 chez L’Harmattan. un peu de quiétude dans le pays, même s’il y a encore beaucoup de chemin à faire avant l’émergence. » « En réalité, poursuit-il, l’unique force du président Sur le plan macroéconomique, les premiers c’est la communauté internationale. C’est elle qui lui résultats, bien que timides, sont là (lire pp. 78-79). donne du cash pour permettre au pays de respirer Avec un taux de croissance prévu de 4 % en 2016, malgré tout, c’est elle qui dit non à une élection préune inflation maîtrisée autour de 6 % au premier sidentielle anticipée ou qui incite ses plus virulents détracteurs à se calmer. » semestre et des investisseurs étran« Nous jouons Mais au fait, existe-t‑il une gers qui reviennent doucement, les vraie opposition à Madagascar ? choses semblent aller dans le bon le jeu du pacte Depuis son exil en France, Andry sens. Pour encourager ce début de démocratique Rajoelina, qui suit une formation stabilité politico-économique et pour le bien en sciences politiques et dont tout soutenir la mise en œuvre du Plan national de développement (PND), de Madagascar » porte à croire qu’il se lancera dans la bataille présidentielle de 2018, le FMI a accordé en juillet un prêt de GUY RIVO RANDRIANARISOA, 304,7 millions de dollars (277 milreste muet. L’autre ancien président porte-parole du TIM lions d’euros). Marc Ravalomanana, chef du Tiako i Madagascar (TIM, « j’aime Madagascar »), a, lui, COUPS TORDUS. Sur le plan politique, la victoire déjà déclaré qu’il serait candidat, mais il se fait disécrasante du tout jeune parti présidentiel, le HVM cret et conserve un proche dans le gouvernement (Force nouvelle pour Madagascar), aux élections d’Olivier Mahafaly, le Premier ministre nommé en sénatoriales de décembre 2015 avec plus de 65 % avril pour diriger une équipe resserrée autour du projet présidentiel. « Nous jouons le jeu du pacte des suffrages est venue confirmer ses bons résultats aux municipales d’août 2015. Créé en mai 2014, le démocratique pour le bien de Madagascar, justifie Guy Rivo Randrianarisoa, porte-parole du TIM et HVM s’est rapidement imposé comme la première questeur à l’Assemblée nationale. Mais nous trouforce politique du pays. « Le président est un battant, assure Béatrice Atallah, la ministre des Affaires vons que l’actuel président incarne mal sa fonction. En somme, comme en France, nous avons hérité étrangères (lire pp. 66-67). Il a mis toute son énergie à voyager pour faire renaître la confiance à l’étranger d’un président “trop normal”, et ce n’est pas suffisant et faire revenir les investisseurs. Depuis trois ans, pour transformer un pays. » Quant à Mitsangana Ry il a ouvert sa porte au monde entier et montré que Malagasy (« en avant, citoyens malgaches »), plateforme d’opposition créée en juin par des déçus du le pays était redevenu normal. » Pourtant, depuis sa prise de fonctions, fin janpouvoir en place, elle semble s’être déjà essoufflée. Lentement mais sûrement, le président « Hery » vier 2014, Hery Rajaonarimampianina – qualifié de prend de la hauteur en esquivant les coups. Et le « pigeon voyageur » par un proche d’Andry Rajoelina, l’ex-président de la transition – a dû faire face à XVIe sommet de la Francophonie lui offre une nombre de coups tordus, pour la plupart venus de occasion inespérée de conforter sa stature d’homme d’État, à deux ans seulement de la prochaine préson propre camp. En mai 2015, ce sont des députés sidentielle. du Mapar (la coalition de Rajoelina), son principal N 0 2914 • DU 13 AU 19 NOVEMBRE 2016


Le Plus de JA Madagascar INTERVIEW

Béatrice Atallah « Nous essayons de construire une relation dépassionnée avec la France » L’ancienne magistrate, qui se veut apolitique, a été reconduite en avril dans ses fonctions de ministre des Affaires étrangères. Et elle entend bien, après une décennie tourmentée, faire rayonner la diplomatie malgache.

B

éatrice Atallah, 57 ans, a toujours refusé d’appartenir à un parti et se présente comme une femme apolitique, au service de son pays. Elle a su gagner la confiance du président, Hery Rajaonarimampianina, dont elle était l’une des conseillères lorsqu’il était ministre des Finances et du Budget, durant la transition (2009-2013), avant d’incarner la neutralité en présidant la Commission électorale nationale indépendante de la transition (Cenit) pendant le processus d’organisation de la présidentielle et des législatives de décembre 2013, jusqu’à janvier 2015. Un temps pressentie pour succéder à Kolo Roger à la primature, c’est le portefeuille des Affaires étrangères qui lui a été confié – « un ministère apolitique », répète-t‑elle. Après la décennie d’instabilité que le pays a traversée, elle veut montrer une diplomatie malgache résolue, fédératrice et rayonnante. Et l’accueil du XVIe sommet de la Francophonie, les 26 et 27 novembre, devrait y contribuer. JEUNE AFRIQUE : En quoi le sommet de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) est-il si important pour Madagascar ? BÉATRICE ATALLAH : Pour nous, cela

signifie le grand retour de Madagascar sur la scène internationale. Il faut se rappeler que l’ancêtre de l’OIF, l’Organisation commune africaine et malgache, l’Ocam, est née ici, à Antananarivo, en février 1965. Plus de cinquante ans après, le symbole est fort. On attend de ce N 0 2914 • DU 13 AU 19 NOVEMBRE 2016

RIJASOLO/RIVA PRESS POUR JA

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JEUNE AFRIQUE


Un nouveau départ ? sommet une véritable fête des valeurs universelles que sont la paix, la démocratie, l’humanisme. Le pays revient de loin. Les Malgaches doivent être fiers. Ils doivent aussi montrer un visage apaisé. L’accueil d’un tel événement représente par ailleurs une étape indispensable à la construction d’une économie de développement durable. Nous allons renforcer nos coopérations au sein de l’espace francophone, avec les quelque 90 pays représentés. Nous recevrons des centaines de personnalités, parmi lesquelles le Premier ministre canadien, Justin Trudeau, ou encore le président français, François Hollande.

président vietnamien va se déplacer pour assister à un sommet de l’OIF. C’est un bon signe: Madagascar attise la curiosité. Et ce sommet va nous renforcer sur le plan international. Quelles sont vos priorités en matière de diplomatie et de francophonie économiques ?

Depuis l’arrivée au pouvoir du président « Hery », nous cherchons à faire connaître notre savoir-faire, les avantages de notre île. Nous essayons notamment de renforcer nos liens diplomatiques au sein de la Commission de l’océan Indien [COI]. Notre but est de

L’accueil du sommet de l’OIF est pour nous une étape indispensable à la construction d’une économie de développement durable. Les chefs d’État et dirigeants africains sont-ils nombreux à annoncer leur venue ?

Oui, notamment le roi du Maroc, Mohammed VI. Vous savez que Mohammed V a vécu en exil forcé à Antsirabe. À ce titre, Sa Majesté devrait visiter l’hôtel des Thermes, où a vécu son grand-père. Ce sera l’occasion de grandes retrouvailles diplomatiques avec le royaume chérifien, qui, au passage, a développé énormément de projets à Madagascar, comme la rénovation de l’hôpital mère-enfant Tsaralalàna HMET, à Antananarivo. Nous aurons aussi la visite du président sénégalais, Macky Sall, celle du président ivoirien, Alassane Ouattara… La liste est longue. Nous en profiterons pour redynamiser la coopération entre pays francophones, principalement avec l’Afrique, mais aussi avec l’Asie. D’ailleurs, pour la première fois, le

créer de véritables ponts entre les îles de l’Indianocéanie afin de produire et d’échanger « local », en particulier dans les filières agricoles, pour assurer les objectifs de sécurité alimentaire. Pour quelle raison un vice-ministère chargé de la Coopération et du Développement, dirigé par Bary Emmanuel Rafatrolaza, a-t‑il été créé lors du remaniement d’avril ?

C ’est un ministère à l’anglosaxonne – tant pis pour la francophonie ! En effet, c’est moi qui, dès 2015, avais demandé au président d’être secondée en vue des nombreux voyages qui m’attendaient pour faire de nouveau entendre la voix de Madagascar dans le monde. Le président m’a écoutée. Bary Emmanuel Rafatrolaza s’occupe davantage du volet économique et, à ce titre, il m’a représentée lors du sommet de l’Union africaine sur la sécurité maritime

et le développement de l’Afrique, au Togo, le 15 octobre. Sous la présidence de Marc Ravalomanana, certains observateurs soulignaient le tropisme anglo-saxon de la diplomatie malgache. Aujourd’hui, vos détracteurs vous reprochent d’avoir plutôt resserré les liens avec la France…

Nous essayons simplement de construire une relation dépassionnée avec la France. Elle est présente depuis longtemps sur la Grande Île, nous avons une langue en commun, des familles d’origine française sont installées à Madagascar depuis des générations, de très grandes entreprises françaises [Orange, Colas…] sont présentes chez nous, la France nous a envoyé des experts en protocole pour le déroulement du sommet de l’OIF… Nous avons rétabli une relation de confiance. Y compris sur l’épineux dossier des îles Éparses ?

Le litige remonte à 1979 [date de la résolution de l’ONU qui ordonna à la France de restituer à Madagascar les îles dont la souveraineté avait été revendiquée par Ratsiraka en 1973]. Aujourd’hui, l’ONU invite la France à négocier avec Madagascar et, de notre côté, nous prêchons le dialogue. Certes, il y a eu des manifestations dans le centre d’Antananarivo, certains agitent les tensions pour perturber le processus actuel. Mais depuis la rencontre entre les présidents français et malgache en 2014 à Paris, une commission mixte a été mise en place. Et j’ai été le premier chef de la diplomatie africaine à rencontrer mon homologue Jean-Marc Ayrault lorsqu’il a été nommé. Nous avons bon espoir de voir les îles Éparses redevenir malgaches un jour. Propos recueillis à Antananarivo par FRANÇOIS-XAVIER FRELAND

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Le Plus de JA Madagascar La formation doit également être au menu des volets politiques et diplomatiques du sommet. Au-delà des traditionnels rappels au respect des principes démocratiques et des droits de l’homme, une large partie des débats portera sur le rôled’accompagnementquepeuventjouer les pays francophones du Nord pour aider d’autres États à renforcer leurs capacités institutionnelles et juridiques. Sans oublier le soutien à apporter aux sociétés civiles pour qu’elles puissenttenir touteleur place dans le dialogue social. La question sécuritaire sera bien entendu abordée, sous le prisme de « la nécessaire mutualisation des moyens pour lutter contre le risque terroriste, notamment en Afrique », selon Jean-Louis Atangana Amougou.

SOW MOUSSA/AFP

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JEUNESSE. Pas de sommet de la

Au sommet de Dakar, le 30 novembre 2014, lors de l’élection de Michaëlle Jean à la tête de l’OIF. ÉVÉNEMENT

La francophonie utile Suspendue de l’OIF de 2009 à 2014, Madagascar accueille cette année « son » sommet. Au programme : la croissance partagée et le développement responsable.

T

ana va enfin accueillir « son » sommet de la Francophonie. Celui de 2010, dont elle devait être l’hôte, avait été délocalisé en urgence à Montreux, en Suisse, puisque, à la suite du coup d’État d’Andry Rajoelina, en mars 2009, la Grande Île avait été suspendue de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) pendant cinq longues années. Ce n’est donc pas la petite explosion survenue le 31 octobre sur le chantier de l’un des nouveaux hôtels d’Ivato qui va bouleverser le calendrier. Une légère déflagration d’ailleurs, qualifiée de simple « incident » par Michaëlle Jean, alors présente à Antananarivo. Pour son premier sommet en tant que secrétaire générale de l’OIF, la diplomate canadienne, tout comme les autorités malgaches, met tout en œuvre pour que le rendez-vous soit réussi. « Une trentaine de chefs d’État et de gouvernement ont déjà confirmé leur venue, et plus de 3000 délégués sont attendus pour prendre part à ce XVIe sommet », précise le Camerounais Jean-Louis Atangana Amougou, directeur N 0 2914 • DU 13 AU 19 NOVEMBRE 2016

de cabinet de Michaëlle Jean. Le programme promet d’être chargé. D’autant que le thème retenu pour ces deux jours est particulièrement vaste. Défini lors du sommet de Dakar, en 2014, il s’inscrit dans la continuité de la Conférence des parties (COP) et des Objectifs de développement durable (ODD) de l’ONU. « Croissance partagée et développement responsable : les conditions de la stabilité du monde et de l’espace francophone »… Un intitulé si long qu’il en est presque abscons. ACCENT. « L’idée est surtout de s’attarder

sur la francophonie économique, déjà mise en avant à Dakar, dans la foulée de l’organisation de l’espace économique francophone, explique Jean-Louis Atangana Amougou. Avec un accent particulier sur les bonnes pratiques et les échanges d’expériences, notamment en matière de formation professionnelle. » L’installation à Dakar, en janvier 2017, d’un Institut de la Francophonie pour l’éducation et la formation doit justement concrétiser ce dossier, inscrit au rang des priorités de l’OIF.

Francophonie sans culture. Pour cette édition, Michaëlle Jean a choisi comme credo « le français utile ». « Elle veut montrer que notre langue commune, tout comme l’anglais, est aussi employée au niveau international dans le cadre des affaires ou encore des sciences appliquées », souligne son chef de cabinet. La jeunesse francophone aura également une place privilégiée durant ce sommet, que Jean-Louis Atangana Amougou annonce déjà innovant, ne serait-ce que dans la forme, puisque la litanie de discours qui avait endormi l’auditoire à Dakar lors de la cérémonie d’ouverture devrait laisser place à des interventions moins nombreuses et plus courtes. OLIVIER CASLIN

Les précédents sommets africains de l’OIF

1989 Dakar, Sénégal (IIIe)

2004 Ouagadougou, Burkina Faso (Xe)

1993 Grand-Baie, Maurice (Ve)

2012 Kinshasa, RD Congo (XIVe)

1995 Cotonou, Bénin (VIe)

2014 Dakar, Sénégal (XVe) JEUNE AFRIQUE


Promoteur citoyen, responsable et engagé Présent depuis près de 40 ans à Madagascar, le Groupe Filatex n’a cessé d’évoluer pour toujours être à l’avant garde et se positionner comme un leader national sur ses différents secteurs d’activité : l’immobilier, l’énergie, l’hôtellerie. L’année 2016 marque un tournant dans la politique de développement du Groupe qui souhaite davantage se positionner comme un acteur majeur sur les questions environnementales. Filatex Immobilier, précurseur de référence dans la construction à Madagascar L’activité principale du Groupe Filatex repose sur le développement et l’exploitation d’une Zone Franche Industrielle dans le secteur sud de la capitale, Antananarivo. Répartis sur une surface de plus de 26 hectares, les 125 000m2 de bâtiments construits accueillent majoritairement des usines de confection textile et sont la source de plus de 15 000 emplois. Relancée en 2010, l’activité de promotion immobilière, au travers de sa filiale Filatex Immobilier, est en plein expansion. S’appuyant sur son savoir-faire et sur ses équipes d’architectes internationaux, le Groupe Filatex construit des ensembles architecturaux respectueux de l’environnement, cohérents et harmonieux alliant projets résidentiels de standing, galeries commerciales, immeubles de bureaux, tout en développant les services (salles de sport, restaurants).

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Filatex Hospitality, promoteur du tourisme à Madagascar Dans la continuité du développement immobilier, le Groupe Filatex développe depuis 2013 ses activités hôtelières à Antananarivo. En partenariat avec le groupe hôtelier espagnol Andilana, et suite à l’ouverture de deux nouveaux hôtels à Antananarivo en 2016, le Groupe Filatex souhaite construire un nouvel établissement dans chaque grande ville du pays, en harmonie avec l’architecture locale tout en proposant des tarifs très compétitifs.

Enelec, un producteur d’énergie responsable Depuis 2007, sa filiale Enelec, a su renforcer son positionnement sur le marché de la production d’énergie produisant, en 2016, pas moins de 35 % des besoins en énergie du pays, utilisant des centrales thermiques au fioul. Partant du constat que Madagascar dispose de fortes ressources en énergie renouvelables, selon son Directeur Général, « le défi majeur d’Enelec est de renforcer la part de ces énergies vertes dans la production énergétique du pays. » Enelec réfléchit à un modèle hybride pour ses centrales, alliant énergie solaire et énergie fossile pour leur fonctionnement. C’est en développant ce concept que Enelec entend demeurer le partenaire principal et durable de l’Etat en matière d’énergie.

Filatex Projets Publics et Fondation, un acteur engagé au service de la population Le Groupe Filatex a toujours intégré les préoccupations sociales, environnementales et économiques à ses valeurs, à sa culture et à ses prises de décisions. Au travers de divers partenariats public privés, le Groupe Filatex a ainsi donné vie à plusieurs jardins publics, créé et réhabi-

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Le Plus de JA Madagascar

RIJASOLO/RIVA PRESS

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Le bureau océan Indien de l’OIF, à quelques mètres du palais présidentiel d’Ambohitsorohitra, à Antananarivo.

Un accueil VIP

«

C

ontrairement à tout ce que l’on a pu dire jusqu’à présent, le XVIe sommet de la Francophonie sera une belle fête de la langue et des valeurs communes », tient à assurer Béatrice Atallah (lire pp. 66-67) dans un large sourire. Malgré les critiques récurrentes parues dans la presse locale ces derniers mois, la chef de la diplomatie malgache n’en démord pas: Antananarivo saura relever le défi. D’autant que, selon ses organisateurs, ce XVIe sommet devrait battre des records de participation. « Une

quarantaine de délégations, de chefs d’État et de gouvernement ont fait la promesse verbale de venir. À ce stade, on dépasse déjà les prévisions faites avant les sommets de Montreux, de Kinshasa et de Dakar, se réjouit Mamy Rajaobelina, le délégué général du comité d’organisation. Sans compter que, pour des raisons de sécurité, certains pays préfèrent ne pas faire d’annonce et arriver au dernier moment. » Depuis quelques semaines, le ballet incessant des grues, tractopelles et autres

VOIX DE FEMMES La programmation musicale prévue pour le sommet de l’OIF fait la part belle aux artistes de la Grande Île, en particulier à ses chanteuses. Parmi les invités au Village de la Francophonie : Bloco Malagasy, un groupe de batucada composé de 200 jeunes filles entre 14 ans et 16 ans issues des quartiers populaires de Tuléar N 0 2914 • DU 13 AU 19 NOVEMBRE 2016

(côte sud-ouest de l’île), et la slameuse Caylah, 23 ans, désormais célèbre pour ses titres qui dénoncent la corruption et le difficile quotidien des Malgaches ainsi que pour ses séances de « slamothérapie » dans les prisons. « Michaëlle Jean [secrétaire générale de la Francophonie] m’a

plusieurs fois citée en exemple, ça me fait bizarre ! » confie la jeune chanteuse. On retrouvera Caylah dans le documentaire musical de Denis Sneguirev et Philippe Chevallier, Mada Underground, qui sera diffusé le 21 novembre sur France Ô, en prélude au sommet de la Francophonie. F.-X.F.

rouleaux compresseurs rappelle que les préparatifs sont dans leur dernière ligne droite. Les Tananariviens voient ainsi se matérialiser de nouvelles routes, et certains bâtiments changer de visage. À commencer par l’aéroport international d’Ivato, qui a fait l’objet d’importantes transformations, menées pour l’essentiel par le consortium réunissant les français Aéroport de Paris (ADP), Bouygues et Colas. La piste a été allongée de 500 m pour pouvoir accueillir des gros-porteurs (rien qu’entre le 25 et le 27 novembre, pour la conférence des chefs d’État et de gouvernement, une quarantaine d’appareils devraient y atterrir). Près du tarmac, le pavillon des présidents, terminal des VIP, agrandi de 400 m2, pourra accueillir trois délégations en même temps. JARDINET. Plus de 390 véhicules, parmi

lesquels 80 limousines, dont certaines blindées, et quelque 50 minibus, ainsi que 60 motards, ont été mobilisés pour assurer les allers-retours et escorter les personnalités entre le tarmac de l’aéroport, le Centre de conférences international tout proche, le Village de la Francophonie et les différents hôtels de la capitale. Construit en 2009 pour recevoir le sommet de la Francophonie JEUNE AFRIQUE


Un nouveau départ ?

MELTING-POT. Enfin, outre les 80 hôtels recensés pour recevoir un grand nombre des 3 000 visiteurs, le Sheraton d’Ivato ouvrira ses portes juste avant le sommet pour accueillir les principales personnalités (l’établissement cinq étoiles compte 262 chambres et 2 suites présidentielles). Le dîner de gala et les déjeuners seront assurés par 5 chaînes de restauration, sous la houlette du chef malgache Luc Ratsimbazafy. Au menu : cuisine internationale, quelques plats végétariens et, surtout, des spécialités locales, comme le romazava (sorte de pot‑au-feu à base de viande de bœuf et de feuilles de brèdes mafana) et le ravitoto (ragoût aux feuilles de manioc pilées). Car la culture malgache passe aussi par son savoir-faire et son melting-pot culinaire.

Des forces de l’ordre sur le qui-vive

S

été « re-vérifiées » par les services du il y a bien un point qui inquiète les participants au sommet déminage. d’Antananarivo, comme Pour sécuriser les avions, l’aéroport ceux de toute rencontre internatioainsi que les principaux grands hôtels d’Antananarivo, la France a fait don nale organisée ces derniers mois, c’est évidemment celui de la sécurité. Et de détecteurs de métaux et de scanaprès l’attentat « politique » à la greners à bagages. Et, preuve que tous les scénarios ont été imaginés, l’Agence nade qui a fait deux morts et plusieurs blessés dans le stade d’Antananarivo, internationale de l’énergie atomique le 26 juin, lors des célébrations de la (AIEA) a prêté aux autorités malgaches fête nationale malgache, les pouvoirs du matériel de détection de radioactipublics ont redoublé de vigilance. Ils vité. « Sur ce plan, nous bénéficions du ont même pu faire un galop d’essai, les même dispositif que celui mis en place pour l’Euro de football en France, en 18 et 19 octobre, en accueillant à Tana le sommet du Marché commun de juin », précise Mamy Rajaobelina, délégué général du comité l’Afrique orientale et ausDu matériel de d’organisation. trale (Comesa), qui s’est déroulé sans anicroche, détection de hormis quelques petits MOT DE PASSE. Pour radioactivité problèmes de badges éviter les intrusions dans a été prêté et une fréquentation en les espaces où l’accès est deçà des prévisions. restreint, les chefs d’État par l’Agence Les 26 et 27 novembre, internationale recevront une épinglette les forces de l’ordre malde reconnaissance de l’énergie gaches seront de nou– plaquées or (80 sont prévues) –, les ministres veau sur le qui-vive dans atomique. la capitale, où quelque porteront des pin’s en 6 000 soldats, gendarmes et policiers argent (200) et le reste des délégations ont été mobilisés pour arpenter les des badges de couleur. Toutes les accréditations sont distribuées en amont rues, surveiller les bâtiments officiels et les lieux d’accueil des déléavec identifiant et mot de passe. Enfin, depuis plusieurs mois, les services de gations attendues au sommet de la Francophonie. Plusieurs blindés milirenseignements français, canadiens et taires seront postés en permanence américains ont été mis discrètement sur les grands axes, et les deux nouà contribution, en lien avec le Central Intelligence Service (CIS) malgache, velles voies rapides entre l’aéroport et le centre de Tana ne seront ouvertes pour déjouer toute tentative d’attaque qu’au dernier moment, après avoir F.-X.F. terroriste. Policiers antiémeutes près de la place du 13-Mai.

RIJASOLO/RIVA PRESS

finalement annulé en raison du coup d’État, le Centre de conférences international a été entièrement réaménagé avec du nouveau mobilier, et la salle plénière, qui doit recevoir les chefs d’État et leurs délégations, a été agrandie à 1 080 m2. Quant au Village de la Francophonie, construit au bord de la route Digue (reliant l’aéroport d’Ivato à Antananarivo), il doit être inauguré en novembre. En seulement trois mois, l’Entreprise de travaux routiers et d’aménagements divers (Etrad) a réussi le pari de bâtir une dizaine de pavillons, soit un total de 3 000 m2, dont 400 m2 de superficie entièrement consacrés à Madagascar, 400 m2 à l’OIF et le reste pour les autres pays. Le projet originel, qui était plus ambitieux et comprenait entre autres une immense salle de projection et un centre commercial, a été abandonné en juillet à la suite de problèmes financiers (une partie des fonds pour sa construction aurait été volée). « Nous n’avons pas fait dans le grandiloquent, il s’agit de bâtiments simples et fonctionnels », explique Brigitte Razaka, la directrice d’Etrad. Mais avec ses jardinets, ses fontaines, son bar-restaurant et ses pavillons tout de simplicité, le nouveau site ressemble bel et bien à un village – « planétaire », puisqu’il doit entièrement être connecté au wifi. Pour rendre la circulation plus fluide pendant le sommet, deux nouvelles rocades reliant le centre de Tana à la route Digue ont été construites par la société chinoise China Road and Bridge Corporation (CRBC) dans le cadre du plan d’aménagement du Grand Tana.

FRANÇOIS-XAVIER FRELAND JEUNE AFRIQUE

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N 0 2914 • DU 13 AU 19 NOVEMBRE 2016


Le Plus de JA Madagascar

Malik Sarr Directeur du bureau régional de l’OIF pour l’océan Indien à Madagascar « La Francophonie, c’est un véritable levier pour la croissance du pays »

À

57 ans, le diplomate burkinabè est déjà un vieux sage de la Francophonie. Après son passage à l’Institut international d’administration publique de Paris (IIAP, qui fusionnera avec l’ENA en 2002), Malik Sarr crée en 1993 la Commission nationale de la francophonie au Burkina Faso – l’une des premières du continent. Cinq ans plus tard, il devient chef de cabinet du Belge Roger Dehaybe, alors administrateur général de l’Agence intergouvernementale de la francophonie (AIF, ancêtre de l’OIF), puis chargé de la coordination des unités hors siège et des relations extérieures. Il sera ensuite, de 2008 à 2013, conseiller politique du secrétaire général de l’OIF Abdou Diouf puis représentant permanent de la Francophonie auprès de l’Union africaine et de la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique. L’ambassadeur a pris ses quartiers en mars à Madagascar, où le bureau régional de l’OIF pour l’océan Indien a été inauguré. JEUNE AFRIQUE : Après la réintégration de Madagascar au sein de l’OIF, en 2012, l’accueil de la Conférence des chefs d’État et de gouvernement à Antananarivo sera-t‑il le vrai grand retour de la Grande Île dans la Francophonie ? MALIK SARR : Bien entendu,

mais pas seulement. Ce sommet marque le retour à la stabilité sur la Grande Île, ainsi que celui de l’OIF à Madagascar. Car Madagascar, c’est en quelque sorte « le placenta de la Francophonie ». C’est à Antananarivo que, le 23 novembre 2005, a été adoptée définitivement la charte de l’OIF. À l’époque, on projetait déjà d’y ouvrir un bureau régional, tous les pays de l’océan Indien le souhaitaient. Pourtant, N 0 2914 • DU 13 AU 19 NOVEMBRE 2016

jusqu’à cette année, la Francophonie était présente partout, sauf dans cette zone. En mettant à notre disposition des locaux à côté du palais présidentiel, à Ambohitsorohitra, les autorités malgaches ont voulu montrer leur attachement à la Francophonie. Cela signifie-t‑il pour autant une remontée en force du français par rapport aux langues locales et à l’anglais ?

L’OIF soutient la langue française à Madagascar et dans les îles de l’océan Indien, en particulier à travers la formation des maîtres et l’enseignement du français. Les Mauriciens sont également très demandeurs car ils ont compris que le français est un atout, qu’il est complémentaire de l’anglais. L’idée, c’est de ne pas mettre en conflit les langues

entre elles. Madagascar a connu dans les années 1970-1980 une « malgachisation » forcée, que nous avons respectée. Aujourd’hui, à travers notre programme Élan-Afrique, nous faisons la promotion d’un enseignement bilingue articulant les langues africaines et le français dans les classes du primaire afin de remédier à l’échec scolaire. Outre les questions linguistiques, quels sont les objectifs ?

Depuis quelques mois, grâce au sommet, les hôteliers affichent complet, et, plus généralement, on sent un frémissement positif pour le pays, qui se traduit par une hausse de l’intérêt touristique. Ce sommet, qui sera aussi le premier organisé par Michaëlle Jean [élue secrétaire générale lors du XVe sommet, en 2014], illustre aussi l’objectif fixé à Dakar de développer une « francophonie économique ». Aux côtés des diplomates, il y aura beaucoup d’hommes d’affaires et de jeunes. Nous avons créé un bureau d’incubateurs. Nous allons organiser des ateliers de travail autour des problèmes du chômage, de l’environnement, du développement durable et responsable. La Francophonie, ce n’est pas qu’une langue, c’est un esprit de solidarité. Et c’est un véritable levier pour la croissance du pays. Ceux qui alertent sur le retard pris dans la réalisation de certaines infrastructures ont-ils raison ?

C’est la même chose avant chaque sommet. Kinshasa en 2012 et Dakar en 2014 n’avaient pas échappé aux critiques. Finalement, tout s’est bien passé. Les petits couacs, les retards à l’allumage… C’est cela aussi qui fait le sel d’un tel événement !

RIJASOLO/RIVA PRESS POUR JA

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Propos recueillis à Antananarivo par

L’ambassadeur a pris ses fonctions à Tana en mars.

FRANÇOIS-XAVIER FRELAND JEUNE AFRIQUE


Un nouveau départ ?

TRIBUNE

Faire sienne la langue d’autrui HANITR’ONY Poétesse, écrivaine et musicienne Hanitra Salomon Andriamasinony, Hanitr’Ony de son nom d’artiste, vit entre Antananarivo et Paris. Elle présente sur la Radio Bitsika une émission bilingue (françaismalagasy) pour les enfants et vient de publier un recueil bilingue d’œuvres de grands poètes sur le thème de la femme, qu’elle a elle-même traduites.

Deux Fois Une (éd. Sépia, juin 2016)

JEUNE AFRIQUE

G

rand poète malgache francophone, Jean-Joseph Rabearivelo (19031937) a donné sa vie pour faire reconnaître sa culture. Au même titre que l’écrivain et homme d’État sénégalais Léopold Sédar Senghor (1906-2001), l’un des principaux fondateurs de la francophonie moderne. Tous deux francophiles et talentueux, ils ne voulaient pas choisir entre leur langue maternelle et celle de la France. Ils embrassaient une double culture. Alors que Senghor s’émancipait avec ses pairs à Paris et créait, en 1934, le mouvement de la négritude afin de lutter contre l’oligarchie française et les abus des colonisateurs, Rabearivelo, privé de la citoyenneté française, formait à Antananarivo, en 1932, avec un groupe d’intellectuels, Mitady ny very (« aller à la recherche de ce qui est perdu », en malagasy). Ce fut un tel succès que d’autres poètes ou dramaturges comme Dox, Randja Zanamihoatra et Charles Ratsaraoelina adhérèrent rapidement à ce mouvement littéraire, qui donna naissance à une nouvelle forme poétique, chantant les textes traditionnels sous la métrique de la versification française.

Pourtant, malgré son amour de la France et du français, Jean-Joseph Rabearivelo n’obtint jamais de poste de cadre administratif en métropole, et son nom ne figura pas dans la liste des intellectuels de la délégation pour l’Exposition universelle de 1937, à Paris. Déçu, amer, Rabearivelo avait réagi la même année dans son journal intime : « Ah ! Vivre avilit vraiment, comme disait H. de Régnier. Et peut-être aussi faut-il qu’on meure pour qu’on vous croie sincère. » Il mit fin à ses jours quelques semaines plus tard. Sans que la France l’ait reconnu de son vivant. La fin tragique de Jean-Joseph Rabearivelo est un paradoxe, au vu de la reconnaissance unanime et actuelle de son apport à la francophonie. Or, comme Senghor, ce sont souvent les Africains, ex-colonisés, qui avaient cette passion du français. Et ce sont d’ailleurs des Africains qui lancèrent l’idée même de francophonie, dès les indépendances. D’autres grands poètes malgaches, qui, par principe, écrivaient d’abord dans leur langue maternelle, ont fait le voyage en sens inverse. C’est le cas de Dox (1913-1978), mon

grand-père, qui commença par traduire en malgache des œuvres classiques de Racine (Andromaque) ou de Corneille (Le Cid, Polyeucte). Cela ne l’empêcha pas de rédiger un recueil de poèmes dans un français exemplaire : Chants capricorniens. Ce recueil fut publié plusieurs années après sa mort – le 20 mars 1995 – par la Mission de coopération française et le Centre culturel Albert-Camus à l’occasion de la journée de la Francophonie à Antananarivo [il a été réédité en mai aux éditions Sépia]. Son œuvre est venue enrichir la langue française comme passerelle des cultures. Car l’espace francophone véhicule d’abord des valeurs communes… « Libres ensemble » est l’un des thèmes du XVIe sommet de la Francophonie. Sauvegarder la langue française, qui est en déclin depuis quelques décennies, passe aussi par le soutien aux langues locales. Le poète et linguiste malgache Henri Rahaingoson a écrit, en 1993, une phrase qui est déjà devenue un vieil adage à Madagascar: « Andrianiko ny teniko, ny an’ny hafa koa feheziko », qu’il a traduit par : « Ma langue, je la fais souveraine, quant à celle d’autrui, je la maîtrise et la fais mienne aussi, qui habille notre esprit d’ouverture, bien dans notre époque. » Mais le problème de l’éducation et de la culture ne peut être résolu sans une démarche de développement économique solide et pérenne. À l’ère d’internet et de la mondialisation, un citoyen du monde doit être en mesure de parler correctement sa langue et une langue internationale, universelle. Comme le dit un proverbe malgache : « Raha noana ny vatana, mivezivezy ny fanahy », (« si le corps a faim, l’esprit est ailleurs »). Et force est de constater que 80 % des Malgaches vivent en milieu rural et ne pratiquent que la langue nationale, alors que toutes les communications administratives sont en langue française, deuxième langue officielle après le malgache. Adapter les communications modernes à la langue malgache pour favoriser la circulation des biens et des échanges dans toute l’île, et pour instruire la population, est certainement la solution pour obtenir, demain, le bilinguisme. Voilà la vraie condition du « libres ensemble », pour une Francophonie rayonnante. N 0 2914 • DU 13 AU 19 NOVEMBRE 2016

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MADAGASCAR DE RETOUR DANS LE CONCERT DES NATIONS L’île s’attèle désormais au développement de ses énormes potentialités 2016 est l’année de Madagascar. En quelques mois, l’« île continent » a enregistré en juillet un accord de facilité élargi avec le Fonds monétaire international (FMI), organisé en octobre le sommet du Marché commun de l’Afrique orientale et australe (COMESA), et s’apprête à recevoir, du 22 au 27 novembre, le XVIe sommet de la francophonie, pour lequel une quarantaine de chefs d’État sont attendus ! En décembre prochain, c’est une conférence des bailleurs et investisseurs, attendue depuis deux ans, qui doit se tenir à Paris au profit du pays.

MADAGASCAR

C

e retour sur la scène internationale n’était pas gagné d’avance. Des crises récurrentes ont marqué l’histoire de Madagascar depuis quarante ans, jusqu’à la dernière, de 2009 à 2014, qui a détérioré la gouvernance, ralenti la machine économique en réduisant de 4 % le taux de croissance et dégradé les valeurs du vivre ensemble. Une période de crise également marquée par l’affaiblissement de la diplomatie malgache, ce qui donne davantage encore de valeur à l’année exceptionnelle que le pays traverse. Le rétablissement des relations internationales figurait dès le début de son mandat, en janvier 2014, parmi les priorités du président Hery Rajaonarimampianina. Un peu moins de trois ans après le retour à l’ordre constitutionnel, Madagascar est donc sur les rails de sa réinsertion dans un monde en pleine mutation. Le pays dispose pour cela de multiples atouts et, pour les entrepreneurs, de formidables opportunités d’investissements. Madagascar est aujourd’hui « l’Île des nouvelles opportunités », comme aime à le rappeler le président Rajaonarimampianina. Il s’est équipé d’un cadre référentiel, le Plan National de Développement (PND), et d’un cadre opérationnel, le Plan de Mise en œuvre (PMO).

le XVIe sommet des chefs d’États et de gouvernements des pays francophones se tiendra à Antananarivo les 26 et 27 novembre 2016. Démocratie, économie, ouverture à l’international : des enjeux d’importance pour la Grande Île.

 Michaëlle Jean, Secrétaire générale de la francophonie, ici avec le Président Rajaonarimampianina.


PUBLI-INFORMATION

 Le Président de la République de Madagascar, Hery Rajaonarimampianina devant la maquette de l’Aéroport d’Ivato.

DES SECTEURS ÉCONOMIQUES PORTEURS Ces opportunités, Madagascar propose de les exploiter dans le cadre d’une loi innovante qui réglemente le partenariat public privé (PPP). C’est dans son cadre que l’extension de l’aéroport international d’Ivato a été engagée avec Aéroport de Paris Management, Bouygues et Colas Madagascar. L’extension de l’aéroport de Nosy Be fait aussi partie de ce PPP alors que la mise en conformité de l’aérodrome d’Antsirabe a été effectuée avec des partenaires privés nationaux. Le PPP est ouvert à toutes les activités productrices, et cellesci sont nombreuses.

• Textile : Mada reprend sa place Moteur de l’économie avant 2009, le secteur du textile-habillement retrouve de la vigueur sous l’impulsion de l’Economic development board of Madagascar (EDBM), comme le montre la tenue exemplaire du Salon international textile « Origin Africa », organisé en novembre dernier. La Zone franche connaît un essor considérable et 137 entreprises textiles y contribuent à faire du pays le quatrième du continent dans ce secteur. Le pays a exporté en 2015 pour 381 millions de dollars de produits textiles et les premiers mois de l’année 2016 montrent un doublement des résultats, grâce notamment aux accords de libre-échange existant avec les États-Unis (AGOA), l’Union européenne (APE) ou l’Afrique australe (SADC). 100 000 personnes travaillent dans le textile-habillement et 200 000 autres postes pourraient être créés dans le secteur à l’horizon 2020.

BARRAGE HYDRO-AGRICOLE DE BEVOAY : UN PROJET STRUCTURANT EXEMPLAIRE

Inauguré en 2015, le barrage hydro-agricole de Bevoay, le plus grand de Madagascar, a été réalisé dans le sud-ouest du pays avec le concours de la Banque africaine de développement. Dans la plaine du Bas Mangoky, 15 000 hectares de rizières étaient sevrés d’eau depuis 2013 du fait de la dégradation de l’ancien barrage. Achevée en 2015, la nouvelle infrastructure permet d’irriguer 5 000 hectares de rizières. Sa maintenance est assurée par l’État alors que les associations des paysans ont en charge les 700 km de canaux liés au barrage. Une deuxième phase devrait porter la surface totale irriguée à près de 15 000 hectares.

 Le barrage est le plus grand ouvrage hydro-agricole à Madagascar, une fierté pour Bevoay.

Madagascar dispose de 35 millions d’hectares propices à l’agriculture et l’élevage.

 Une meilleure irrigation va permettre de renforcer la sécurité alimentaire grâce à l’amélioration de la production de riz.


MADAGASCAR DE RETOUR DANS LE CONCERT DES NATIONS • L’opportunité de la transition énergétique Les installations vétustes dont la capacité a très peu évolué au regard de l’augmentation de la demande font qu’aujourd’hui, seul 15% de la population bénéficie de l’électricité en milieu urbain et 5% en zone rurale. Cette carence ouvre le champ à une politique énergétique volontaire, cohérente, tournée vers les énergies renouvelables ainsi que vers différentes formes de PPP. Des facilitations, telles que des exonérations des droits de douanes et de TVA, ainsi que des réductions d’impôts, existent pour encourager les investissements dans l’énergie renouvelable, laquelle pourrait permettre de fournir 85 % d’électricité à 70 % des ménages à l’horizon 2030.

MADAGASCAR

• Agriculture : des millions d’hectares à exploiter 80 % de la population vit de ce secteur où la marge de progression est considérable. Sa contribution au PIB est d’environ 26% mais les superficies agricoles n’occupent que deux millions d’hectares sur les 35 millions propices à l’agriculture et l’élevage. Une situation de sous-exploitation qui prévaut également dans la pêche, qui dispose de 5600 kilomètres de côtes, d’une Zone économique exclusive de 1 400 000 km2, de 15 600 hectares de mangroves propres à l’aquaculture et de 1 500 km2 de lacs et lagunes. La mise en œuvre du Programme sectoriel de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche (PSAEP), lié au Plan national d’investissement, est prévue pour 2016/2020.

UN FONDS DE FORMATION INTERSECTORIEL Un fonds regroupe le secteur public, le secteur privé et les partenaires sociaux afin de financer les métiers porteurs. Dequoiremédieràunesituation semblable à celle qui était apparue entre 2006 et 2010, lorsque les sociétés impliquées dans le développement rapide des industries extractives n’avaient pu trouver localement que la moitié des 8 000 compétences qu’elles recherchaient.

• Les call centers ont le vent en poupe De plus en plus de call centers s’installent à Madagascar. De SFR a Webhelp en passant par Teleperformance, ils représentent une véritable opportunité pour le pays. Le marché actuel est estimé entre 3500 et 4000 agents et il pourrait concerner entre 15 et 18 000 personnes d’ici trois ans. ShowRoomPrivé, Meetic, Amazon… ont déjà fait confiance aux téléopérateurs malgaches, alors que Canal + pourrait rapidement suivre le mouvement.

 Site pétrolier de Tsimiroro. Madagascar devient officiellement un pays producteur de pétrole, une grande première.

 Pour le président de la République, l’énergie solaire doit permettre l’accès des ruraux à l’électricité.

• Madagascar : une « mine d’or » Minéraux industriels et métalliques (calcaire, gypse, quartz, or, fer, cuivre, zinc, cobalt…), ressources énergétiques (hydrocarbures, uranium…), pierres précieuses ornementales… Madagascar est reconnue pour la richesse de son sous-sol, fruit d’une longue histoire géologique. Plusieurs sociétés appartenant à des multinationales opèrent actuellement, bénéficiant d’un régime incitatif mis en place à travers la Loi sur les grands investissements miniers (LGIM) au profit des sociétés qui investissent un montant excédant 50 milliards d’Ariary.


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PUBLI-INFORMATION

TOURISME : BIENVENUE SUR « L’ÎLE AUX TRÉSORS »

Un million de touristes à l’horizon 2020 C’est une biodiversité à nulle autre pareille, avec un taux d’endémisme avoisinant les 90% pour la flore et la faune. C’est aussi une culture riche de vagues migratoires successives venues d’Afrique, du Proche-Orient ou encore d’Asie.

Le transport pour accompagner le développement du secteur

UNE CONFÉRENCE POUR SOUTENIR LE DÉVELOPPEMENT DE MADAGASCAR Olivier Mahafaly, le Premier ministre malgache, a annoncé le 23 septembre dernier l’organisation à Paris, les 1er et 2 décembre prochains, d’une conférence des bailleurs de fonds destinée à soutenir son pays. C’est « un tournant de l’histoire pour le développement de Madagascar », a-t-il commenté. Les autorités souhaitent financer une cinquantaine de projets structurants en débloquant environ trois milliards de dollars. L’enjeu pour elles est, en plus des partenaires techniques et financiers traditionnels, de faire venir des acteurs du secteur privé.

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S’il est un secteur d’investissement qui apparaît – encore plus que d’autres – comme une évidence lorsque l’on visite pour la première fois Madagascar, c’est celui du tourisme. Placée comme une citadelle du continent africain en plein Océan Indien, la quatrième plus grande île du monde affiche un capital naturel incroyable. Ce sont 587 000 kilomètres carrés de territoire entourés par 5600 kilomètres de côtes, 8600 kilomètres de fleuves qui prennent leurs sources dans les hauts plateaux et se déversent dans l’Océan ou le Canal de Mozambique.

À l’horizon 2020, Madagascar vise la venue d’un million de touristes par an. Les chiffres de 2014 correspondent environ au tiers de cet objectif. Avec la variété de ses paysages, le pays, opéré depuis cette année sous la marque « L’île aux trésors », offre un potentiel exceptionnel pour tous les types de tourisme.

Pour contribuer à son essor, l’aviation civile de Madagascar s’est vue confirmer par l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) la qualité du travail accompli en matière de gouvernance. C’est sur cette base que la mise aux normes de tous les aéroports de l’île, les concessions, l’open sky et les partenariats stratégiques peuvent être envisagés de manière sérieuse. Les ports seront également réhabilités dans le cadre d’une autoroute maritime du Canal de Mozambique, en pourparlers sous l’égide de la COMESA, qui reliera Richard’s Bay (Afrique du Sud), Maputo (Mozambique) ou Beira (Mozambique). L’extension du Port de Toamasina sera accompagnée quant à elle par la construction de l’autoroute AntananarivoToamasina.

www.presidence.gov.mg

DIFCOM/CREAPUB - PHOTOS : D.R. SAUF MENTION

© Thomas Pozzo di Borgo - Fotolia

Madagascar c’est d’incontournables paysages, mais également une biodiversité endémique. Pas moins de 97 espèces de lémuriens, 7 espèces de Baobabs, des baleines à bosses, etc...


Le Plus de JA Madagascar ÉCONOMIE

Lueurs d’espoir Le pays s’efforce de se relever de la crise politique qui l’a isolé de 2009 à 2013, dégradant ses indicateurs économiques et sociaux. Pourra-t-il bientôt se passer des bailleurs de fonds internationaux ?

A

vec les atouts dont le pays dispose dans les domaines humain, minier, agricole et touristique, c’est à pleurer de le voir végéter dans l’extrême dénuement. Ces vingt dernières années, la croissance économique a été inférieure à la croissance démographique, ce qui n’a pas permis de combattre la pauvreté. Alors que nombre de pays subsahariens améliorent d’année en année leur système éducatif et le niveau de vie de leur population, Madagascar a reculé dans ces deux domaines fondamentaux. La crise politique de 2009-2013 n’a rien arrangé. Durant ces années de pagaille,

selon la Banque mondiale, l’efficacité de l’administration malgache s’est littéralement effondrée, et, malgré la création de trois organismes officiels pour la combattre, la corruption a explosé. Panne de confiance généralisée, compétitivité en berne et extrême vulnérabilité aux ouraganscommeauxchutes des cours des minerais ont découragé les investisseurs. Pourtant, les lueurs d’espoir sont bien réelles. Elles ne sont pas encore perceptibles par la population, dont la principale préoccupation est de trouver de quoi se nourrir. Mais, sans conteste, elles apparaissent en amont de l’économie grâce aux efforts du gouvernement du

Redressement à petits pas 4,5%

4,1%

(Évolution du PIB réel, à prix constants, en %)

3,3%

3,1%

2014

2015*

SOURCE : FMI

Relance de la croissance

2,3% * Estimations - ** Projection

Reprise des échanges (En % du PIB) Exportations de biens

26,1

Importations de biens

21,5

18,4

2016*

Balance commerciale

22,5 25,5

17,2

24,6

28,9

2013

2014

2015*

2016*

-7,7

-4,3

-3,0

-4,3

2017**

25,5

30,2 SOURCE : BANQUE CENTRALE

2013

2017**

-4,7

* Estimations - ** Projection

Plus de 55 % du PIB assuré par les services (Part des principales filières en % du PIB, en 2015) Primaire

26,8

Agriculture, foresterie, chasse, pêche

26,4

0,4

Activités de fabrication Secondaire

18,8

Tertiaire

56,4

14,4

Activités extractives SOURCES : ADMINISTRATIONS NATIONALES, BAD

78

Construction

3,2 Prod./distrib. d’électricité, gaz et eau 1,2

Commerce, réparation de véhicules, hôtellerie

13,4

Transports, entreposage, communications

Administrations, défense, Sécurité sociale

23,7 Finance, immobilier, services aux entreprises

N 0 2914 • DU 13 AU 19 NOVEMBRE 2016

8,5

5,7

4,7

Autres services

président, Hery Rajaonarimampianina, pour réformer l’État et sa gouvernance. L’assainissement concerne d’abord les finances publiques, avec un meilleur recouvrement des impôts et des taxes douanières pour en finir avec la collecte publique actuellement misérable – moins de 10 % du PIB. Même effort du côté des dépenses : l’ajustement automatique des prix des carburants mis en place cette année soulage le budget de l’État d’importantes subventions. L’entreprise publique d’eau et d’électricité, la Jirama, est un autre gouffre à subventions? Sa gouvernance est en cours de modernisation, les tarifs viennent d’être augmentés de 15 %, et des compteurs intelligents vont permettre de mieux contrôler la consommation des 6000 plus gros usagers, qui représentent 60 % des ventes d’électricité. Le maintien à flot du système de retraite pèse lourd dans les comptes de l’État ? Le gouvernement a annoncé qu’il calculera les retraites sur les cinq dernières années de rémunération, et non plus sur le dernier bulletin de salaire, et qu’il fusionnera les deux régimes de retraite pour réduire leur coût de fonctionnement. GESTES SYMBOLIQUES. Ce grand ménage a concerné de nombreux autres secteurs – renoncement à emprunter à des taux élevés, indépendance de la Banque centrale, remise à plat du fonctionnement d’Air Madagascar, suppression à venir des marchés publics de gré à gré –, avec des effets bénéfiques. Ce n’est que depuis 2014 que le taux de croissance a dépassé les 3 %, tout juste au-dessus du taux de la croissance démographique, et il devrait franchir la barre des 4 % cette année. Depuis un an, la monnaie nationale, l’ariary, a cessé de se dévaluer. Les réserves en devises ont quelque peu augmenté. L’inflation se modère (6,3 % à la fin du premier semestre de 2016, contre 7,6 % en décembre 2015). Air Madagascar est à nouveau autorisé à poser ses avions en Europe (lire p. 90). Le FMI a qualifié la dette extérieure du pays de « soutenable ». Pour conforter cette amorce de redressement et soutenir la mise en œuvre du Plan national de développement (PND), concentré en priorité sur l’énergie, l’agriculture, l’industrialisation, l’intégration régionale et l’amélioration de la qualité de vie des populations, les bailleurs de JEUNE AFRIQUE


Un nouveau départ ?

ALAIN FAUJAS

Précarité persistante Selon l’enquête publiée en 2014 par l’Institut national de la statistique (Instat),

24,2

millions dd’habitants habitants

71,5 %

de la population vit au-dessous du seuil national de pauvreté, c’est-à-dire en dépensant

33 %

dont âgés de 10 à 224 ans

moins de

41 centimes d’euro par jour (1 467 ariarys)

75 %

15 %

des Malgaches ont accès à l’électricité

Un taux qui dépasse en milieu rural, voire 90 % dans le sud de l’île…

37 % sont des urbains (soit environ 7 millions d'habitants), parmi

52 %

60 %

lesquels plus de vivent dans des zones d’habitat précaire

à l’eau potable et à l’assainissement

90 %

15 %

à des latrines améliorées

49 %

... contre en milieu urbain (31 % dans la capitale)

de la population active travaille dans le secteur informel

80 %

souffre du sous-emploi (contrats précaires, sous-emploi par rapport aux qualifications, bas salaires), surtout des jeunes et des femmes en milieu rural

SOURCES : INSTAT, AMDP, BAD, OCDE, PNUD

fonds ont décidé de faire des gestes plus que symboliques. En février, la Banque mondiale a alloué au pays 690 millions de dollars sur trois ans ; en juillet, le FMI lui en a accordé 304,7 millions (avec un décaissement immédiat de 43,5 millions); la BAD annonçait fin août un investissement de 600 millions de dollars sur quatre ans. Ajoutées aux 510 millions d’euros promis par l’Union européenne en 2015, ces sommes commencent à rendre plausibles les 5 % de croissance prévus par le FMI en 2019, car les besoins, prioritaires, en infrastructures de transports, d’éducation et de santé ont désormais quelques chances d’être satisfaits. La descente aux enfers devrait en être stoppée. Il reste à séduire les investisseurs internationaux, sans lesquels il n’y aura pas de créations d’emplois. Le sommet de la Francophonie est une première occasion pour prouver que Madagascar va mieux, mais il faudra persévérer dans l’assainissement pour pérenniser ce fragile retour en grâce.

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Le Plus de JA Madagascar

Antonio Sánchez-Benedito Gaspar

Ambassadeur, chef de la délégation de l’Union européenne à Madagascar

« Plus de 40 % des exportations de l’île se font vers l’UE »

L

arge sourire, poignée de main chaleureuse, Antonio SánchezBenedito Gaspar, 48 ans, est d’un naturel optimiste. Cet Andalou pur jus, fan de flamenco, est aussi un Européen convaincu : « Je suis espagnol, mais quand je mets la cravate, je deviens européen. Je défends les intérêts de tout un continent ! » Avocat d’affaires proche du Parti populaire, Antonio Sánchez-Benedito Gaspar a étudié le droit à Madrid avant de terminer son cursus universitaire en Allemagne, puis de se lancer, dès 1994, dans une carrière diplomatique. D’abord chef de mission au sein des ambassades d’Espagne en Libye, en Angola, au Salvador, puis au Mozambique, il devient directeur général adjoint et chef du département des affaires subsahariennes et panafricaines au ministère des Affaires étrangères et de la Coopération d’Espagne (2004-2008), puis ambassadeur en Éthiopie, à Djibouti et aux Seychelles (2008 - 2 0 1 1 ) . En su i t e, jusqu’en 2013, il a occupé le poste d’ambassadeur spécial pour le Sahel et de conseiller au cabinet du secrétaire d’État espagnol pour la Coopération internationale, avant de prendre ses fonctions à la tête de la délégation de l’Union européenne (UE) à Madagascar en septembre 2014. JEUNE AFRIQUE : Vous connaissez bien l’Afrique. Qu’est-ce qui fait la spécificité de Madagascar par rapport au reste du continent ? ANTONIO SÁNCHEZB E N E D I T O G A S PA R :

« Madagascar, ce n’est pas l’Afrique » est la première chose qu’on m’a dite lorsque je suis arrivé ici. Et, en effet, N 0 2914 • DU 13 AU 19 NOVEMBRE 2016

le caractère insulaire de ce pays l’a toujours isolé du reste du monde et marque profondément les mentalités. Le lien avec la communauté internationale est d’ailleurs très faible, et, contrairement aux idées reçues, Madagascar est sous-aidée par rapport à d’autres pays en difficulté. Pendant longtemps, les élites locales se sont partagé le pouvoir économique et politique. Résultat : Madagascar est l’un des rares pays au monde dont les indicateurs socio-économiques ont chuté depuis 1960 sans qu’il y ait eu ni guerre ni grande catastrophe naturelle ! Comment l’Union européenne aide-t-elle concrètement Madagascar ?

Nous nous sommes d’abord investis politiquement, avec toute notre capacité d’influence, pour consolider l’étape vers la stabilité démocratique du pays. Ensuite, en matière d’aide au développement, nous lui octroyons une enveloppe de 518 millions d’euros depuis 2014, et jusqu’en 2020, à travers le Fonds européen de développement [FED]. En matière de développement durable, l’UE concentre ses efforts sur trois régions prioritaires : dans le Sud, vers Fort-Dauphin, dans le Nord et sur l’axe Antananarivo-Tamatave [Est]. Nous créons des couloirs de croissance économique en construisant des routes et en électrifiant les zones rurales. L’UE est aujourd’hui le premier partenaire de Madagascar. Grâce aux accords de libre-échange, plus de 44 % des produits exportés par l’île Rouge le sont vers l’Union européenne. On constate d’ailleurs un regain d’intérêt de la part des hommes d’affaires allemands, italiens et même espagnols, notamment dans l’agrobusiness, les mines et les hydrocarbures, ou encore le tourisme. Il y a un immense potentiel, mais on sent encore des hésitations. Car tout dépend de la capacité du gouvernement malgache à démontrer qu’il est sincèrement engagé contre la corruption et pour assurer l’indépendance de la justice. Et qu’est-ce qui vous donne des raisons de croire en Madagascar ?

RIJASOLO/RIVA PRESS POUR JA

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D’abord, il y a une amorce de croissance économique, avec un taux prévu d’environ 4 % pour 2016. Le taux de pression fiscale, autour de 10 %, est le plus bas au monde. En matière de contrôle des dépenses pu b l i q u e s, Ma d aga s ca r s’améliore aussi. Quant au plan politique, cela va sans dire, les institutions sont plus solides qu’en 2013. Cependant, la situation sociale reste très préoccupante : 80 % des Malgaches vivent au-dessous du seuil international de pauvreté, selon la Banque mondiale, et l’insécurité a explosé. Au regard de l’histoire du pays, il faut donc rester vigilant. Propos recueillis à Antananarivo par FRANÇOIS-XAVIER FRELAND JEUNE AFRIQUE


PUBLI-INFORMATION

Vision for More

A

lors que l’Afrique francophone est en plein essor, nous voyons aussi Madagascar se tailler sa place dans l’Océan Indien pour une meilleure croissance économique. Avec des politiques favorables au développement et à la sécurisation des affaires d’une part, et un gouvernement stable d’autre part, la Grande Île peut facilement viser à devenir le tigre de l’Océan Indien.

l’Océan Indien, situé dans le quartier d’affaires d’Ankorondrano : 100 m de hauteur, 30 étages et 19 200 m². C’est ainsi dire que si le Groupe Sipromad a réussi à percer pendant une période difficile, dans un environnement d’entreprenariat complexe, son projet d’étendre ses activités dans d’autres pays est sans doute un autre moyen de confirmer cette performance.

Le Groupe Sipromad À la conquête du marché africain Le Groupe Sipromad est en phase de conclure de nouveaux contrats d’affaires et est à la conquête de nouvelles frontières. En 2015, le Groupe Sipromad a lancé des opérations dans le domaine des nouvelles technologies par la mise en place de la TNT, l’installation et la gestion des fréquences, la gestion des pylônes à travers ses bureaux au Maroc et à l’Île Maurice. Ayant déjà à son actif des réalisations concrètes au Ghana et au Zimbabwe, le Groupe Sipromad consolidera prochainement sa présence dans d’autres pays comme le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Mali, le Gabon. Le Groupe Sipromad est un des modèles qui a gravi des échelons pour arriver à ce qu’il est aujourd’hui. Il est l’un des conglomérats à Madagascar qui a vu son activité se développer de façon fulgurante en quelques années sous l’égide de son actuel PDG, Ylias Akbaraly. Cette entreprise familiale créée au début des années 70 a étendu ses ailes en débutant en tant que société industrielle fabriquant des savons et des bougies avant de réussir à investir considérablement dans l’industrie, l’immobilier, la finance, l’aviation, la technologie, le tourisme et l’assistance, l’énergie, l’agrobusiness, la santé. Grâce à ses activités, le Groupe Sipromad travaille actuellement avec plus de 3 000 collaborateurs directs et indirects à Madagascar, au niveau régional et dans les autres pays d’implantation.

Persévérant, performant

À travers sa Fondation Akbaraly, le Groupe Sipromad consacre une partie de ses investissements dans la Santé grâce au projet « 4AWoman » axé sur la prévention et la lutte contre le cancer féminin et l’amélioration de la santé maternelle et infantile. En outre, dans le volet éducation le Groupe Sipromad collabore avec l’UNESCO pour la formation des instituteurs en Afrique.

BP 3019 - Rue Ravoninahitriniarivo – Ankorondrano – Antananarivo 101, Madagascar Tél.: (+261) 32 11 480 04 – E-mail : contact@sipromad.com

www.groupesipromad.com

© FRED RAVELO

DIFCOM/DF- PHOTOS : © DADOO SAUF MENTION.

La crise de 2009 à Madagascar a frappé le monde de l’entreprenariat dans son ensemble. Malgré un contexte difficile en termes d’investissement, le Groupe Sipromad a su persévérer et n’a jamais arrêté de produire. L’une des preuves concrètes soulignant cette performance est la construction de La Tour de

Engagé dans le social


Le Plus de JA Madagascar

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ENTREPRENEURIAT

Des capitaines d’industrie hors du commun

Portrait de quelques-uns des patrons les plus emblématiques de la Grande Île.

Hassanein Hiridjee (2)

DAVIDSEN ARNACHELLUM

41 ans, directeur général d’Axian

1

Salim Ismail (1) 77 ans, PDG du groupe Socota De ses années de parachutiste, pendant son service militaire, Salim Ismail a conservé le goût du risque et de la discipline. Simple, réservé et discret, cet ingénieur en informatique et textile, formé à Mulhouse (est de la France) dans les années 1960, fait partie de ces chefs d’entreprise qui ont forgé leur réussite à la force du poignet et imposent le respect. S’il a la nationalité française, et non malgache – faute de l’avoir demandée –, Salim Ismail est né dans la Grande Île, où sa famille est installée depuis le XIXe siècle, et a développé la plupart des activités du groupe Socota à Madagascar et dans l’océan Indien. Considéré comme « l’entrepreneur modèle », il est aujourd’hui à la tête d’une multinationale en grande forme (environ 350 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel). En 1989, il reprend en main l’entreprise familiale pour la transformer en un géant de l’industrie textile, avec une branche de fabrication de tissus et de vêtements N 0 2914 • DU 13 AU 19 NOVEMBRE 2016

à Antsirabe (à 160 km au sud de Tana) et à Phœnix (sur l’île Maurice), ainsi qu’un studio de création à Paris (Socota Designs). Parallèlement, en 2002, Salim Ismail crée une ferme aquacole d’élevage de crevettes à Diégo-Suarez (littoral nord de l’île) sur un vaste domaine familial et, sept ans plus tard, reprend Maison Reynaud (groupe Atlantys), leader sur le marché français de la distribution de produits de la mer. La même année, il se lance dans l’immobilier et ferme son usine textile de Phœnix pour construire à la place un immense parc d’affaires ultramoderne : le BioPark Mauritius (Socota Phœnicia), qui accueille des entreprises et des laboratoires de recherche et développement spécialisés dans les biotechnologies. À 77 ans, ce capitaine d’industrie tient le cap et compte désormais développer les activités agricoles du groupe : un projet de production et d’exportation de fruits et légumes (avec un objectif de production de 10 000 tonnes par an), qui devrait être opérationnel d’ici à 2020. FRANÇOIS-XAVIER FRELAND

Physiquesec,regardvif,HassaneinHiridjee est un boulimique de travail. Toujours « speed » et entre deux rendez-vous, ce Franco-Malgache donne l’impression de courir en permanence, surtout lorsqu’il monte à grandes enjambées l’escalier central du siège de son groupe, situé dans la zone d’activités ultramoderne Galaxy, à Tana. Rien d’étonnant lorsqu’on sait qu’il a déjà participé au Marathon de New York et qu’il s’entraîne pour courir celui de Paris l’an prochain. Malgré un agenda serré, à travers la Fondation H (qu’il préside), le « marathonien » trouve le temps de soutenir les artistes de la Grande Île et l’association PariTana, crééeparle galeriste parisien Éric Dereumaux (Galerie RX), qui remettrapourlapremièrefoissonprixd’art contemporain en marge du sommet de la Francophonie, le 25 novembre, à l’un des dix artistes malgaches présélectionnés. Après des études de commerce (ESCP Europe) et plusieurs postes dans le secteur financier enFrance, Hassanein Hiridjeeest rentré à Madagascar en 1997, où il a créé sa propre société de promotion immobilière, First Immo, avant d’intégrer le groupe familial, qu’il dirige et détient conjointement avec ses oncles, Raza-Aly et Bashir, et son frère Amin. En décembre 2015, ils ont décidé de le rebaptiser Axian. Une étape importante pour la famille et pour les différentes entreprises du groupe, lequel, dopé par la diversification de ses activités etsondéveloppementdansl’océanIndien, emploie 4 000 personnes et réalise un chiffre d’affaires de plus de 500 millions d’euros. « Mon père m’a transmis très tôt le goût du travail bien fait. Chez les Hiridjee, on est attaché à la qualité, et nous nous voulons exemplaires en matière de gouvernance », précise Hassanein Hiridjee, lui-même père de trois garçons, avant de se poser (pour quelques minutes seulement) dans un sofa installé sous une photo de Gandhi. Axian est actif dans l’immobilier (First Immo),ladistributionpétrolière(Jovenna), la production d’électricité (Électricité de JEUNE AFRIQUE


Un nouveau départ ?

Madagascar), la banque (BNI, rachetée en 2014) et les télécoms, secteur qu’il a développé en 2015 en s’associant au tycoon français XavierNiel, àLaRéunion, à MayotteetauxComores(TelmaetTowerco à Madagascar, TRM à La Réunion et à Mayotte, Telco aux Comores). Les activités dans la distribution (Ocean Trade, ContinentalAuto)etdansl’agroalimentaire (HavaMad) sont désormais réunies au sein d’un nouveau groupe indépendant, Viseo, dirigé par Moustafa Hiridjee, cousin de Hassanein.

DR

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F.-X.F.

Naina Andriantsitohaina (3) FRANÇOIS-XAVIER FRELAND POUR JA

53 ans, président du groupe Andriantsitohaina

Descendant de l’une des plus anciennes et grandes familles de l’île Rouge (l’un de ses ancêtres était conseiller royal), Naina Andriantsitohaina a hérité de ses aïeux une allure aristocratique. Difficile d’imaginer que ce quinqua aux petites JEUNE AFRIQUE

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lunettes rondes est féru de motos de collection. Dans la cour du siège de son groupe trône sa dernière acquisition, une magnifique Indian Scout. « Avec des copains, j’ai pratiquement fait le tour de Madagascar sur ces grosses routières », précise-t-il. DISTANCES. Aventurier, il faut bien l’être

un peu pour avoir à ce point transformé, en moins de quinze ans, l’empire familial dont il a hérité en 2002, à la mort de son père, Jean-Charles. Le groupe Andriantsitohaina affiche une insolente santé, un chiffre d’affaires d’environ 15 millions d’euros, et compte plus de 400 employés. Il est présent dans l’imprimerie (Nouvelle Imprimerie des arts graphiques, Niag), les produits chimiques (Prochimad), la banque (Banque malgache de l’océan Indien, BMOI, filiale du groupe BPCE) et la presse (groupe Ultima Media), notamment propriétaire du quotidien Les Nouvelles, du site NewsMada et de la radio Alliance 92. Ancien président du Syndicat des industries et du Groupement des entreprises de Madagascar (GEM), Naina

Andriantsitohaina, qui fut brièvement conseiller du Premier ministre Jacques Sylla, entre 2002 et 2004, a en revanche décidé d’éviter de s’engager trop ouvertement en politique. « En 2009, on a mis le feu à mon imprimerie. Depuis, je garde mes distances », souligne l’ancien patron des patrons, qui dit préférer les week-ends en famille, les parties de chasse à la campagne et « le contact avec les vraies gens, plutôt que les amitiés assassines ». FRANÇOIS-XAVIER FRELAND

Marcel Ramanandraibe (4) 70 ans, PDG du groupe Ramanandraibe

Avec sa pudeur toute protestante, Marcel Ramanandraibe a la réussite modeste et quelques principes de base : « Travailler, épargner et investir, dans la discrétion », précise-t-il. Fondé en 1927 à Tamatave, le groupe familial se spécialise très vite dans la culture et l’exportation des produits de rente, notamment le café,

l’essence de girofle et, bien sûr, la vanille. À l’indépendance, en 1960, Marcel Ramanandraibe n’a que 14 ans, mais son père, Joseph, compte déjà sur lui pour reprendre l’affaire. « Le fils modèle » fait tout son cursus scolaire au prestigieux lycée Gallieni, à Antananarivo, avant de s’envoler pour Paris. C’est en 1971 qu’il revient à Madagascar, diplômé de HEC – sur les bancs de la grande école, il a croisé les frères Proglio et Dominique Strauss-Kahn. Quatre ans plus tard, avec l’arrivée au pouvoir du socialiste Didier Ratsiraka, le groupe est démantelé, et ses entreprises deviennent des sociétés d’État. Puis, avec la réouverture du régime à l’économie de marché, les Ramanandraibe rachètent la Chocolaterie Robert et diversifient leurs activités dans le textile (Société malgache de couverture, Somacou) et l’imprimerie (SME). INNOVATION. « Nous avons su traverser

les régimes successifs », explique Marcel Ramanandraibe pour résumer la réussite familiale et expliquer quelques revirements politiques. Le groupe emploie

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JEUNE AFRIQUE



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5 aujourd’hui 1 600 personnes au sein d’une douzaine de sociétés, principalement dans l’agroalimentaire. En 2015, il a racheté plus de 700 ha de plantations de cacao dans le nord de Madagascar avec le groupe Taloumis et fondé une nouvelle société, Mava, qui lui permet de couvrir toute la chaîne du cacao en tant que planteur-chocolatier. Son entreprise phare, la Chocolaterie Robert, « qui vend un cacao 100 % bio et de la meilleure qualité au monde », rappelle Marcel Ramanandraibe, réalise à elle seule un chiffre d’affaires annuel de 12 milliards d’ariary (plus de 3,36 millions d’euros). Outre ses six boutiques La Chocolatière sur la Grande Île, la société a ouvert en octobre 2015 un concept store dans le 12e arrondissement de Paris en partenariat avec le maître chocolatier Christophe Berthelot-Sampic, l’Atelier C, sous les arcades du très design viaduc des Arts (avenue Daumesnil). Fin juin, la Chocolaterie Robert a reçu, à Bruxelles, le prix de la Francophonie économique, décerné sur la base de critères de qualité et d’innovation. FRANÇOIS-XAVIER FRELAND N 0 2914 • DU 13 AU 19 NOVEMBRE 2016

Jean-Claude Ratsimivony (5) 60 ans, PDG-fondateur d’Homeopharma Yoga, tisanes « maison »… Le patron des laboratoires Homeopharma s’impose une hygiène de vie exemplaire. Avec son crâne rasé et son air zen, JeanClaude Ratsimivony a d’ailleurs des airs de moine bouddhiste. Né dans une grande famille de spécialistes en médecine traditionnelle et en astrologie, il est initié dès l’âge de 12 ans aux pratiques de la médecine naturelle, du transfert énergétique et du magnétisme. Cinq ans plus tard, conscient de l’immense patrimoine naturel de son île Rouge, il entame un voyage initiatique à travers le pays, à la rencontre des grands sages et maîtres « tradipraticiens ». Il étudie ensuite la psychologie en France (à l’université d’Aix-Marseille), puis la naturopathie aux États-Unis et en Suisse, et voyage régulièrement en Inde et en Chine. En 1992, deux ans après son retour à Madagascar, avec son épouse, docteur en pharmacie, il fonde Homeopharma :

un établissement pharmaceutique agréé par le ministère de la Santé, qui emploie aujourd’hui 500 personnes et réalise un chiffre d’affaires de quelque 10 millions d’euros. « Nos produits sont 100 % biologiques et très efficaces, mais ce ne sont pas des remèdes miracles pour autant », tient à souligner Jean-Claude Ratsimivony. Comprenez: ici, pas de traitement prétendument anticancéreux, ni médicament douteux, mais des produits d’hygiène corporelle et nutritionnelle, de beauté et de bien-être dont la qualité est reconnue. Flacons d’extraits de plantes, tisanes, crèmes de massage, huiles essentielles, complexes antimoustiques ou antiacné, baumes ou bains aromatiques… Les produits du laboratoire sont aujourd’hui vendus dans 50 instituts Homeopharma, 170 pharmacies et 10 grandes surfaces à travers la Grande Île et distribués dans l’océan Indien, en Afrique de l’Ouest, en Europe et, depuis peu, au Japon. « Pour un prix relativement modique, précise Jean-Claude Ratsimivony. Car, chez nous, un homme riche, c’est un homme qui a la santé ! » F.-X.F. JEUNE AFRIQUE

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Récolte d’aphloia, près du village d’Ampasimpotsy, dans l’est de l’île. AGROBUSINESS

Une florissante affaire de famille Spécialisé dans la collecte de plantes médicinales et la fabrication d’huiles essentielles, Sotramex se lance dans la production d’extraits bruts de plantes.

L

histoire de Sotramex est d’abord celle d’une rencontre. Entre Lisy Andriamihaja, gestionnaire financier, et Rakiady Rarimampianina, entrepreneur, tous deux nés peu après l’indépendance – elle en août 1963, lui en décembre 1960. En 2000, ils décident de s’unir dans le travail comme dans leur vie personnelle et créent Sotramex, une entreprise de collecte de plantes médicinales et à usage cosmétique. Ils commencent par exporter du riz rouge et de l’argile bleue vers l’Europe et l’Asie, puis se spécialisent dans les huiles essentielles. « Au début, ni l’un ni l’autre N 0 2914 • DU 13 AU 19 NOVEMBRE 2016

n’avions de véritables connaissances en botanique ni de passion pour les plantes. Cela dit, j’ai toujours aimé jardiner, donc, inconsciemment, je m’y intéressais », se souvient Lisy Andriamihaja, directrice générale adjointe de l’entreprise. « On a rapidement gagné la confiance de nos clients, poursuit-elle. Car, malgré les obstacles, les mauvaises récoltes, les difficiles conditions climatiques et la paperasserie, on respectait toujours le cahier des charges. » Parmi ces clients, les grands groupes européens de la pharmacie et de la cosmétique. Contrairement à d’autres pionniers de la filière, comme Homeopharma (lire

p. 86), Lisy Andriamihaja et Rakiady Rarimampianina choisissent de se cantonner à la collecte et à l’exportation des matières premières. Rapidement, la petite entreprise se diversifie et cherche de nouvelles plantes. L’île Rouge est un jardin extraordinaire, et ils n’ont que l’embarras du choix. Le couple part à la découverte des régions les plus vertes, notamment dans l’est de l’île, dans la région de Moramanga, en quête de cueilleurs de plantes aux vertus médicinales. Là, ils découvrent la Centella asiatica (talapetraka, en malgache), une herbacée rampante riche en asiaticoside et en madécassoside que l’on cueille au bord des rizières, aux propriétés raffermissantes pour la peau, ou encore l’Aphloia theaeformis, surnommée thé malgache, dont les vertus régénérantes, anticellulite JEUNE AFRIQUE


Un nouveau départ ? et antivieillissement sont parmi les vite”… En résumé, elle sert à soigner les plus recherchées. « Aujourd’hui, nous blessures. » assurons la cueillette d’une quinzaine Sotramex, qui exporte 200 tonnes de de plantes sauvages, réalisée par des plantes par an, se lance désormais dans villageois, puis nous nous la production d’extraits bruts La flore de l’île compte chargeons de leur séchage, de plantes. Une petite usine près de d’extraction des principes de leur conditionnement en ballots et de leur expédition actifs de plantes utilisées en vers l’étranger », précise Lisy cosmétique a été construite, espèces végétales, dont Andriamihaja. juste à côté du siège de l’enLes activités et l’organitreprise, à Antananarivo. Le sation de la PME ont attiré matériel et la formation des sont endémiques et l’attention du groupe franouvriers ont été financés par çais Yves Rocher. « Nous plusieurs clients, dont Yves dotées de vertus Rocher. En juin, le PDG du avons été contactés en 2007 médicinales ou parce qu’ils s’intéressaient groupe français, Bris Rocher, cosmétiques à nos plantes, en particulier est venu en personne visiter au Siegesbeckia orientalis, les locaux et vérifier les prequi possède des propriétés mières productions. À partir cicatrisantes, apaisantes et de mars 2017, 70 kg d’extraits de plantes devraient sortir antivieillissement reconnues. Son nom malgache se chaque mois de la nouvelle unité. Cette filière végétale traduit par “je veux bien être durable, protégée par plublessé, comme ça je peux en profiter”, et, à la campagne, sieurs brevets relatifs à l’élaboration des produits, fait on la surnomme “guéris

14 000 80 % 70 %

l’objet d’un contrat d’exclusivité associant Sotramex, Yves Rocher et le ministère malgache de l’Écologie. Aujourd’hui, la PME emploie 42 salariés et est plus que jamais une affaire de famille puisque le fils aîné, Niry, 25 ans, s’occupe de la partie technique, notamment du choix des machines, et la fille cadette, Kanto, 23 ans, des projets de développement durable. C’est elle qui recrute et forme les nouveaux cueilleurs et les ouvriers. « Nous veillons à ce qu’il n’y ait pas d’abus, car certaines plantes, comme la Centella asiatica, ne peuvent être replantées. Il faut cueillir les feuilles à la main, avec précision et, surtout, ne pas arracher les racines, sous peine de voir la plante disparaître définitivement », insiste Lisy Andriamihaja. L’entreprise, qui est membre de l’Union pour le biocommerce éthique (UEBT, Union for Ethical BioTrade), assure par ailleurs le reboisement de 35 ha de forêt près d’Ambatondrazaka (Est) et d<e 13 ha à Antsahafilo (Centre). FRANÇOIS-XAVIER FRELAND

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la concurrence de ses voisins mauricien et réunionnais. C’est au XIXe siècle que Tamatave s’est imposé comme premier port commercial de l’île, au détriment de Mahajanga, à Les travaux de modernisation du premier port de commerce l’ouest, trop exposé à la piraterie. Étrange du pays vont être lancés l’an prochain. Avec le soutien de l’Agence destin pour ce lieu qu’on surnommait japonaise de coopération internationale. autrefois « le tombeau des Européens », à cause de son accès difficile par voie de terre et de son ouverture sur un océan rempli de requins. En 1929, après d’importants travaux réalisés par un consortium franco-allemand, Tamatave devient le principal port en eau profonde permettant de décharger directement à terre marchandises et passagers. Il faudra attendre près de quatre-vingts ans pour que, en 2007, dans le sillage du développement du grand projet minier Ambatovy (lire p. 91), soit lancé un nouveau plan Trafic global d’extension et de modernisation, du port : dont les travaux devraient donc 6,5 millions commencer à la mi-2017. TRANSPORTS ET LOGISTIQUE

JULIETTE ROBERT

Toamasina prend le large

de tonnes

de marchandises en 2015 (en hausse de 12 %)

Face au terminal à conteneurs.

C

ettefois,c’estpromis,lestravaux d’extension et de rénovation du port de Toamasina (ex-Tamatave, deuxième ville du pays), sur la côte Est, devraient commencer en 2017. L’Agence japonaise de coopération internationale (Jica), qui soutient le projet depuis des années, s’est engagée au début de 2016 à débloquer 45 milliards de yens (environ 390 millions d’euros). « L’accord définitif doit être peaufiné très prochainement avec les autorités malgaches. C’est une question de semaines, ensuite, ça ira vite. On va lancer les appels d’offres, et les travaux devraient commencer dès juillet 2017 », explique Christian Eddy Avellin, le directeur général de la Société du port à gestion autonome de Toamasina (Spat).

Au programme : l’ajout de 474 m de linéaire de quai au terminal à conteneurs C4, la revalorisation des anciens quais (C1, C2, C3) et le prolongement du briselames de 345 m qui protège les ouvrages portuaires. Sans oublier les opérations de dragage, qui permettront de gagner en profondeur et d’accueillir des bâtiments à fort tirant d’eau. Selon le schéma directeur réactivé en 2014, après la crise, et qui court jusqu’en 2035, ces travaux multiplieront le trafic par cinq. « Nous pourrons recevoir des navires de 16 m de tirant d’eau, et le plus long porte-conteneurs du monde, le Marco Polo, qui fait 396 m de long, pourra peut-être enfin décharger à Tamatave ! » se réjouit Christian Eddy Avellin. Une renaissance pour un port qui doit soutenir

TATOM. « L’océan Indien représente un enjeu géostratégique majeur. La Chine et l’Inde l’utilisent de plus en plus pour le transport de marchandises et, notamment, d’hydrocarbures en provenance du golfe Persique. Tamatave veut aussi et surtout répondre aux attentes de l’économie malgache », argumente le directeur de la Spat. Au-delà de la modernisation du port, le ministère auprès de la présidence chargé des Projets présidentiels, de l’Aménagement du territoire et de l’Équipement (M2Pate) et les municipalités concernées travaillent sur le grand projet d’aménagement urbain Tatom (Tana-Toamasina), lequel, outre la révision des plans d’urbanisme, vise à consolider l’axe économique entre les deux villes en développant le réseau de transport, notamment avec l’extension de la route nationale 2. FRANÇOIS-XAVIER FRELAND

AIR MADA PRÊTE À REDÉCOLLER

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T

ransporteur officiel du XVIe sommet de la Francophonie »… C’est l’occasion ou jamais pour la compagnie nationale malgache, si souvent décriée pour ses retards et ses grèves à répétition, de prouver qu’elle est sortie de la zone de turbulences. L’an dernier, Air Madagascar a renouvelé une N 0 2914 • DU 13 AU 19 NOVEMBRE 2016

partie de sa flotte, et, après l’acquisition d’un Boeing 737, la compagnie dispose aujourd’hui de 7 appareils. Elle est devenue membre de l’Alliance Vanille, qui réunit 4 autres compagnies du Sud-Ouest de l’océan Indien (Air Mauritius, Air Seychelles, la comorienne Inter Îles Air et la réunionnaise Air Austral).

Enfin, pour éponger ses dettes, d’environ 76 millions de dollars au début de 2016 (68,2 millions d’euros), la direction a engagé un plan de redressement, qui prévoit, entre autres, la suppression de 400 postes sur 1 400, mais qui devrait lui permettre de renouer avec la rentabilité. Mi-juin, Air Madagascar a été

retirée de la liste noire de l’Union européenne (UE) sur laquelle elle figurait depuis 2011. Elle est donc de nouveau autorisée à y faire voler et atterrir ses appareils dans les 28 pays de l’UE. Outre 14 villes de la Grande Île, elle dessert actuellement 13 destinations F.-X.F. internationales. JEUNE AFRIQUE


Un nouveau départ ? MINES

L’île aux trésors Or, nickel, cobalt, chrome, saphirs, rubis… Madagascar a déjà tout de l’eldorado. Et son potentiel reste considérable, avec de nouveaux projets, notamment dans l’uranium.

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RIJASOLO/RIVA PRESS

remier venu, premier ser vi. » Telle est la devise de l’administration minière malgache. « Jusqu’à présent, c’était la règle », reconnaît Ying Vah Zafilahy, ministre auprès de la présidence chargé des Mines et du Pétrole. « Or, déplore-t-il, jusqu’en 2013, beaucoup de particuliers ont obtenu des carreaux pour presque rien et les revendent à de grands groupes étrangers au prix fort. C’est de la pure spéculation ! » Et c’est l’une des raisons pour lesquelles le code minier malgache, qui avait très peu évolué depuis l’indépendance, est en cours de révision. L’État cherche à mieux protéger les exploitants locaux et les paysans qui découvrent des pierres ou des minerais, tout en attirant des investisseurs étrangers qui garantissent une gestion durable des ressources minières et dont les activités profitent aux populations locales. L’un des principaux sites industriels, entré en production en 2006, est l’immense gisement d’ilménite (dont la teneur de 60 % en bioxyde de titane lui confère une qualité supérieure) et de zirconium à Fort-Dauphin. Il est exploité par QIT Madagascar Minerals (QMM),

coentreprise entre l’anglo-australien Rio souligne Arsène Rakotoarisoa, le direcTinto (80 %) et l’État (20 %). teur général de Kraoma. À Moramanga (Est), la société Longtemps informelle, la filière aurifère Ambatovy, qui associe le canadien s’est récemment professionnalisée: 40000 Sherritt International (40 %), le japocartes d’orpailleur ont été distribuées, et nais Sumitomo (32,5 %) et le sud-coréen quelques groupes étrangers commencent à venir prospecter, avec plus ou moins Korea Resources (27,5 %), exploite depuis 2012 l’une des plus importantes mines de de succès. De juin à octobre, de violentes nickel latéritique du monde. manifestations orchestrées par Depuis 2015, la population locale contre la Un investissement total estimé grâce à la montée à 8 milliards de dollars (mine, mine d’or de Soamahamanina en puissance du pipeline et raffinerie, près du (Centre), dont les autorisations nickel, devenu le port de Tamatave) pour une avaient été délivrées pendant premier production qui, en pleine la transition, ont contraint la produit phase opérationnelle, s’élèsociété chinoise Jiuxing Mines d’exportation à renoncer temporairement à vera à 60 000 tonnes de nickel (27 % du total), et et 5 600 t de cobalt raffinés, et son exploitation. du cobalt (5 %), à 210 000 t de sulfate d’ammonium (engrais). VIGILANT. La mise en prole secteur La compagnie minière duction des gisements d’urareprésente nium d’Antsirabe, dans les publique Kraoma, qui exploite un tiers des Hautes Terres (Centre), et de la chromite à Majunga (Nordexportations Ouest) – une activité complexe Tranomaro Amboasary (Sud) du pays et peu rentable –, cherche est prévue pour 2018. L’État se aujourd’hui à se diversifier veut particulièrement vigilant concernant leur exploitation, assurée dans l’exploitation de l’or, du béryllium et de la colombite. « Les secteurs des par le consortium indo-pakistanais Pan mines et du pétrole font partie des piliers African Mining (PAM). L’Office des mines du développement à Madagascar. Nous nationales et des industries stratégiques construisons des routes et des écoles, (Omnis) en sera d’ailleurs actionnaire nous apportons aussi l’électricité », à hauteur d’au moins 20 %. Du côté de la fiscalité, l’État enviRaffinerie de cobalt et de nickel de la société Ambatovy, à Toamasina. sage de fixer des taux variables pour la redevance minière en fonction de la rentabilité des produits exploités, au lieu du taux unique actuel de 2 %, qui s’applique quel que soit le minerai exploité. « Comparé à ceux en vigueur ailleurs en Afrique, ce taux est complètement dérisoire et ne profite pas au pays », déplore Toavina Ralambomahay, dirigeant du parti Humaniste et Écologiste. Enfin, Antananarivo prévoit l’ouverture d’un Mining Business Center (MBC), où les professionnels pourront échanger et développer un circuit commercial 100 % malgache. Cette plateforme permettra aussi d’assurer une meilleure traçabilité des pierres précieuses et de limiter le trafic de saphirs et de rubis extraits des mines à ciel ouvert d’Ilakaka, à 700 km au sud d’Antananarivo. FRANÇOIS-XAVIER FRELAND

JEUNE AFRIQUE

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Le Plus de JA Madagascar

« Allô, que puis-je pour vous? »

G RIJASOLO/RIVA PRESS

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OFFSHORING

Ateliers de Cottonline, filiale de Socota.

Fibre textile

Nombre de marques de prêt-à-porter internationales, notamment françaises et italiennes, font confectionner leurs modèles dans les usines de la zone franche d’Antananarivo.

A

des entreprises franches et parteprès les années difficiles naires (GEFP) et de l’Economic marquées par les crises Development Board of Madagascar politiques de 2002 et de (EDBM), entre janvier et juillet les 2009, qui ont fait fuir de nombreux clients, en particulier aux exportations malgaches vers les ÉtatsÉtats-Unis, l’industrie textile malUnis ont déjà atteint 55 millions de gache affiche une bien dollars, contre 22 millions Avant d’être meilleure santé. La force sur la même période en de Madagascar, c’est sa suspendue de l’Agoa, 2015. « Cette année, nous de 2009 à 2014, la zone franche, créée en avons réussi à toucher le 1990, qui offre une fisca- Grande Île exportait marché américain, et nos lité avantageuse. « Compte annuellement plus de carnets de commandes tenu des difficultés que sont plus que jamais pleins, se réjouit Frédéric Wybo. l’on doit surmonter ici, s’il Les perspectives sont n’y avait pas cette zone très bonnes, car la Chine franche, on ne serait pas établis à Madagascar », de dollars de produits n’est plus très compétitive dans ce domaine, et tout confirme Frédéric Wybo, textiles vers le monde se tourne vers les États-Unis directeur général d’UltraMadagascar. » maille. Avec un effectif de Reste que les entreprises du pays 1000 employés, cette entreprise phare ont perdu en compétitivité durant du secteur, spécialisée dans le tricot la transition, notamment vis-à-vis et la bonneterie, est installée dans la d’autres exportateurs, comme le zone franche d’Antananarivo, d’où elle Bangladesh. Certaines, craignant de exporte principalement vers l’Europe et l’Afrique du Sud. voir augmenter leurs coûts de production, hésitent à investir dans du matéCADENCES. Avec le retour à la stariel trop sophistiqué, qui permettrait bilité, d’autres marchés s’ouvrent ou pourtant d’améliorer les cadences, et les difficultés à trouver du personnel réapparaissent. Madagascar a notamment été réintégrée à la mi-2014 parmi qualifié ralentissent le développement les bénéficiaires de l’African Growth du secteur. La formation des ouvrières and Opportunity Act (Agoa, loi qui et des ouvriers du textile est donc un défi de taille à relever pour le pays. facilite l’accès au marché américain). Selon les données du Groupement FRANÇOIS-XAVIER FRELAND

200 millions

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râce à l’arrivée de la fibre optique, en 2014, notamment à travers les efforts du malgache Telma et le renforcement du faisceau hertzien assuré par le français Orange, le secteur de l’externalisation de services, en particulier le créneau des centres d’appels francophones, est en plein essor à Madagascar. Le groupe de télécoms français SFR y a déjà délocalisé une partie de son centre d’appels en 2015, suivi, en janvier, par la multinationale Teleperformance, géant mondial du service client multicanal. D’autres comme BPO, ProContact, SmartOne, ADM Values, CSL ont également pris pied sur la Grande Île. GROS EFFORTS. Fuseau horaire proche

de celui de Paris, fiscalité incitative, maind’œuvre à faible coût et parlant bien le français… Madagascar est en train de damer le pion aux deux principaux pays d’hébergement de ce type de services en Afrique francophone : le Maroc et Maurice. Environ 5 000 Malgaches travaillent déjà dans ces centres de services externalisés (plateformes d’appels, gestion de sites internet, programmation et conception assistée par ordinateur, etc.), et leur effectif pourrait atteindre les 50 000 d’ici à quelques années. Dans un pays où le chômage touche 5,2 % des 15-24 ans (selon l’Organisation internationale du travail et la Banque mondiale), les nombreuses annonces d’emplois redonnent un peu d’espoir. Ces centres recherchent principalement des conseillers trilingues, des développeurs informatiques, des techniciens réseaux, des formateurs, etc. « Les jeunes Malgaches ont encore de gros efforts à faire dans la pratique du français et des langues étrangères, car le niveau reste faible et on a du mal à trouver de bons candidats, explique un opérateur. L’autre problème est qu’ils considèrent ce travail comme un petit job et ne le prennent pas au sérieux. Et l’assiduité ou la ponctualité ne sont pas toujours respectées. » Résultat, les centres se volent entre eux les rares bons profils qu’ils trouvent en augmentant leurs salaires… Or le bas coût de la main-d’œuvre est l’un des arguments qui les font venir à Madagascar. Les principaux opérateurs tentent de mettre en place une charte de bonnes pratiques. F.-X.F. JEUNE AFRIQUE


HÉBERGEMENT • BALNÉOFORME SPA • RESTAURANTS & BARS BANQUETS & SÉMINAIRES • PÂTISSERIE • CASINO

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FRANÇOIS-XAVIER FRELAND POUR JA

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Les villas quatre étoiles du Lodge.

TOURISME

Presqu’île du bout du monde

Des mangroves, des plages de sable blond et des centaines d’hectares de réserve naturelle privée : la péninsule d’Anjajavy est un véritable jardin d’Éden.

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a n s l e p e t i t av i o n d e Madagascar Trans Air (MTA), un groupe de riches éleveurs vénézuéliens se signent avant de décoller de Mahajanga, sur la côte nord-ouest de la Grande Île. « Nous sommes des aficionados de paysages naturels. Chaque année, nous partons découvrir des terres du bout du monde », confie Asdrubal, jumelles en bandoulière. Direction : 120 km au nord, à bord du Cessna Caravan. Après un survol des parcs à crevettes, à l’horizon brûlé par les incendies, apparaît une immense étendue verte. Des kilomètres carrés de forêt, bordée de longues plages de sable blond : la presqu’île d’Anjajavy, une aire protégée et à l’accès préservé, puisque aucune route n’y mène. Seule la piste en latérite orange sur laquelle l’appareil atterrit relie cette réserve privée au reste du monde. N 0 2914 • DU 13 AU 19 NOVEMBRE 2016

Une Jeep emmène son petit lot de touristes privilégiés au cœur de la mangrove, avant de traverser une épaisse forêt. Ici et là, sautillant d’une branche à l’autre, apparaissent des lémuriens bruns ou des sifakas de Coquerel (espèce en danger et des plus rares), tandis que le huppé

Objectif 2020 Le pays vise

1 million

de visiteurs d’ici à quatre ans, contre

500 000 en 2016 et

256 000 en 2013

malgache et le foudi rouge, deux oiseaux élégants, accompagnent le voyage de leur chant tropical. Au bout du chemin, comme un grand vaisseau en bois échoué sur la plage, se dresse le Lodge, hôtelrestaurant 4 étoiles, membre du réseau Relais & Châteaux depuis 2004. Près d’une immense piscine d’eau de mer à débordement, face au canal du Mozambique, à l’abri d’une haie de palmiers, 24 bungalows de palissandre, tout confort et climatisés, s’éparpillent le long de la plage. CORSAIRE. Créé en 2001 par le Français

Dominique Prat, le Lodge Anjajavy a été racheté par Amirali Rajabali et son fils Sameer – dont le groupe est actif dans le tourisme, l’immobilier (Eden), le BTP (SCB). Dans le hall, le directeur général, Cédric de Foucault, reçoit lui-même ses hôtes avec un cocktail de bienvenue. Né à Madagascar d’une JEUNE AFRIQUE


Un nouveau départ ?

Sifakas (ou propithèques) de Coquerel.

LOUISE JASPER

famille d’origine française qui vit depuis cent cinquante ans sur la Grande Île, ce descendant du célèbre corsaire Surcouf, avec son épouse malgache et ses deux filles, donne une âme à cette villa d’un autre temps. Épaulés par une équipe soudée de 150 employés, la plupart d’entre eux originaires du village voisin, ils apportent cette petite touche qui fait du Lodge Anjajavy plus qu’un hôtel de luxe. Parfois, le soir, l’aînée des enfants joue des airs de Beethoven au piano pour accompagner discrètement le dîner. Pendant que Rebasy Cressent, le chef malgache, compose ses spécialités à base de crevettes sauvages ou de crabe de mangrove pêchés du jour. « Lorsque j’ai repris en main l’hôtel, en 2009, explique Cédric de Foucault, il n’y avait pratiquement que du personnel d’origine étrangère, qui restait une saison puis partait. J’ai rectifié le tir en faisant travailler les habitants du village voisin. Ils se sentent ainsi davantage responsables de notre projet d’écotourisme. Et il y a moins de départs de feu. » En effet, à Madagascar, l’ancestrale technique

agricole de culture sur brûlis a décimé les trois quarts de la forêt. Le Lodge Anjajavy tente tant bien que mal de protéger ses 750 ha de réserve naturelle. Afin de sensibiliser les touristes, plusieurs excursions de quarantecinq minutes, à pied ou en kayak, ont lieu chaque jour. On peut y découvrir 130 espèces d’oiseaux et 1 800 de plantes, pour la plupart endémiques, une station de reproduction des tortues Rere (en voie d’extinction), des tsingy millénaires – ces fameux vestiges coralliens sculptés par l’érosion –, des criques… Bill Gates, le PDG de Microsoft, et Richard Branson, celui de Virgin, entre autres, y ont séjourné. « Je dis souvent aux habitants du coin, étonnés et fiers de voir débarquer toutes ces célébrités, qu’en réalité ce sont eux les plus riches, puisqu’ils n’ont pas besoin de prendre l’avion pour profiter de cette nature unique », résume Cédric de Foucault. Le matin, lorsque le soleil pointe et que la mer frémit, on a presque l’impression de vivre la naissance du monde. FRANÇOIS-XAVIER FRELAND

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Le Plus de JA Madagascar

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DÉCOUVERTE

Tana, poème vivant Ses maisons accrochées aux collines, ses jacarandas mauves et violets, son lac et ses lumières incroyables… Balade dans une ville qui bouge mais qui n’a rien perdu de son charme, ni de son âme.

restaurant-lounge branché. « Mes toiles sont un hommage à ces mères, ces filles anonymes qui courent chaque jour pour faire vivre un foyer. À elles seules, elles résument l’esprit de la ville. » Aprèslasaisondespluies,lafloraisondes jacarandas mauves et violets redonne un coup de gaieté poudrée à la ville. « La première fois que j’ai vu les Champs-Élysées, à Paris, j’ai été déçu, je trouvais cela moins beau que notre avenue de l’Indépendance avec ses arbres en fleurs », se souvient Marcel Ramanandraibe, le patron de la Chocolaterie Robert (lire pp. 84-86).

ONLY FRANCE

SUPERSTITIEUX. En face de cette élégante

Le très populaire marché Zoma.

D

epuis le balcon de sa villa typiquement tananarivienne, derrière le quartier de Faravohitra, le célèbre photographe de presse malgache Dany Be domine la capitale. Il peut admirer l’enchevêtrement de ses vieilles bâtisses accrochées aux collines qui dominent les rizières, au loin. « Je me souviens qu’Antananarivo était classée parmi les dix plus belles villes du monde. Pour le photographe que je suis, elle le reste, car, avec sa lumière trouble de fin de journée, notamment à cause des feux de forêt en hiver, il y règne une atmosphère presque irréelle. » Lorsqu’on prend le temps de marcher sur ses pavés glissants ou de remonter ses interminables escaliers, on découvre une cité à la fois vivante et poétique. Sur les hauteurs, le Palais de la reine, ou Rova, fait office de phare. Bâti au XVIIe siècle, il abrita d’abord une importante garnison merina – d’où le nom d’Antananarivo (qui signifie « ville des mille » soldats) –, avant de devenir une résidence royale. C’est au XIXe siècle (1828-1861) que l’édifice en bois et en granit, alors aménagé par la reine Ranavalona II, devint palais royal. Dans la capitale, qui abrita longtemps une dynastie matriarcale, il N 0 2914 • DU 13 AU 19 NOVEMBRE 2016

deviendra « naturellement » le palais de la reine. Emporté par un incendie en 1995, il a été reconstruit en 2012. Et le soir, lorsque tombe la nuit, dominant le lac Anosy, il reste le repère lumineux des habitants de Tana. Tara Shakti, peintre et poétesse qui vit entre Antananarivo et Bangkok, expose actuellement des portraits de femmes sans visage au Canela, un

artère qui débouche sur le très populaire marché Zoma et ses échoppes aux toits coniques trône la vieille gare de Soarano. Construite en 1908 dans le plus pur style Art nouveau, elle a été reconvertie en centre commercial artisanal. Quant au Café de la Gare, qui a rouvert en 2012, il est devenu l’un des rendez-vous incontournables des noctambules. Festivals de jazz,soiréesélectros,défilésdemodeysont régulièrement organisés et font revivre ce lieu hanté par le vacarme des vieilles locomotives à vapeur. « Contrairement à son imagedevillepauvreetfigéedansletemps, Antananarivo est une ville qui bouge », souligne Aina Raberanto, la rédactrice en chef du magazine culturel No Comment (lire encadré ci-dessous). En tout cas, sur le fronton de la gare, les aiguilles continuent de tourner sur le cadran. De bon augure pour les superstitieux Tananariviens, qui, avec cette horloge publique, trouvent le moyen d’être toujours à l’heure. FRANÇOIS-XAVIER FRELAND

SUIVEZ LE GUIDE, ET NO COMMENT En six ans d’existence, No Comment est devenu le guide culturel des noctambules malgaches.Tiré à 27000 exemplaires, ce mensuel gratuit est disponible dans 1000 points de distribution éparpillés dans les principales villes du pays. On peut aussi le consulter sur une application téléchargeable sur smartphone et sur son site internet

(150000 visiteurs par mois). En quelque 200 pages, il fait le tour des bons plans du mois. L’équipe de No Comment est installée sur l’avenue des Palmiers, au cœur de la capitale, dans une villa typiquement tananarivienne. Elle a étendu ses activités à l’audiovisuel avec RLI FM (radio jazz) et réalise des reportages culturels et des clips musicaux diffusés dans les hôtels,

les restaurants ou les clubs de l’île. Depuis novembre 2011, sa maison d’édition, No Comment® Éditions, a publié une douzaine de romans, nouvelles et essais d’écrivains locaux, ainsi que quelques beaux livres de photographes malgaches parmi lesquels Rijasolo, qui a participé à l’illustration de ce « Plus de Jeune Afrique », et Pierrot F.-X.F. Men. JEUNE AFRIQUE



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