Cameroun Anglophones : les raisons de la colère jeuneafrique.com
HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 57e année • no 2916 • du 27 novembre au 3 décembre 2016
DOING BUSINESS IN AFRICA
TOGO
2017
Une capitale des affaires, un territoire d’opportunités TOGO 2017
Tunisie La deuxième mort de Lotfi Nagdh
Le Togo a fortement investi ces dernières années pour offrir aux entreprises les infrastructures physiques et administratives nécessaires à leur croissance. Lomé, capitale africaine de la finance et des affaires, peut également compter sur un port moderne devenu incontournable au cœur d’un marché de 300 millions de personnes.
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Nigeria Buhari est-il à la hauteur ?
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GUIDE INVESTIR AU TOGO 64 pages
Bénin Ajavon, la vengeance dans la peau
ALGÉRIE-AFRIQUE
Le grand tournant ? Le pays d’Abdelaziz Bouteflika, qui cherche de nouveaux partenaires, entend renouer avec le continent. Première étape : l’organisation du Forum africain d’investissements et d’affaires, à Alger (3-5 décembre). Spécial 16 pages
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5e
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LE PLUS
de Jeune Afrique
PANORAMA Alger redécouvre le continent INTERVIEW Ali Haddad, président du Forum des chefs d’entreprise ANALYSE Le casse-tête du 51/49 STRATÉGIE Pas d’expansion sans internationalisation
ALGÉRIE
À l’heure africaine JEUNE AFRIQUE
N 0 2916 • DU 27 NOVEMBRE AU 3 DÉCEMBRE 2016
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LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE, MONSIEUR ABDELAZIZ BOUTEFLIKA
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D'INVESTISSEMENTS
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03, 04 et 05 décembre 2016 Centre International de Conférences d'Alger
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Le Plus de Jeune Afrique
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Prélude
Marwane Ben Yahmed
Retour à la normale
É
videmment, les mauvaises landu département Afrique du ministère gues n’y voient qu’une réponse des Affaires étrangères, puis « Monsieur à l’énergique politique marocaine Afrique » au sein du gouvernement, au à destination de l’Afrique subdébut des années 1990. saharienne. La réponse du berger à la bergère pour contrecarrer la volonté du Entre l’Algérie et l’Afrique, même si cela étonne peut-être aujourd’hui les plus royaume chérifien de réintégrer l’Union jeunes, les liens sont étroits, anciens et africaine (UA), si possible en éjectant la République arabe sahraouie démocratique indéfectibles. La guerre de libération (RASD), dont Alger est le fidèle allié. De (1954-1962), qui lança tant de vocations fait, l’organisation, du 3 au 5 décembre, par indépendantistes sur le continent, l’implile gouvernement et le patronat algérien cation majeure d’Alger dans la résoludu premier Forum africain d’investissetion de conflits et le maintien de la paix, ments et d’affaires au flambant neuf Centre sans oublier l’épopée tiers-mondiste des international des conférences Abdelatifannées 1960 et 1970 ni la pléthore de Rahal, dans la capitale, futurs cadres subsahainterroge. riens qui passèrent sur L’Algérie Nul besoin cependant les bancs des facultés et ne peut repousser de chercher les motivades écoles algériennes, davantage tions de cette réorientaen sont les illustrations son ouverture tion économique dans le les plus connues. économique au trop long et vain bras de fer entre Alger et Rabat. Le reste est affaire de reste du monde. Elles sont bien plus raison : l’Algérie, qui ne logiques et pragmatiques : l’Algérie, qui peut repousser davantage son ouverture économique au reste du monde, a besoin doit impérativement diversifier son écode l’Afrique. L’inverse est tout aussi vrai : nomie, cherche de nouveaux marchés dans bien des domaines, les compétences et de nouveaux partenaires. Et l’Afrique et les moyens dont dispose le plus grand subsaharienne, en la matière, est une évidence, comme elle l’est pour la Tunisie pays du continent complètent les besoins voisine, qui vient tout juste de mettre en exprimés, de Bamako au Cap. Énergie, évidemment, mais aussi agroalimentaire, œuvre le même choix de « diplomatie industrie pharmaceutique – et, plus largeéconomique ». ment, santé –, BTP, infrastructures, services, À vrai dire, le plus étonnant réside informatique : dans tous ces domaines, les entreprises publiques et privées algéplutôt dans le fait qu’« El Djazaïr » ne s’y riennes sont, contrairement aux clichés soit pas mis plus tôt. Tout, ou presque, y souvent véhiculés, compétitives. concourait : l’Histoire, la géopolitique, Le « retour » de l’Algérie en Afrique la raison, l’appétence de nombreux dirigeants algériens pour le sud du Sahara, subsaharienne n’a donc rien d’une lubie au premier rang desquels le chef de l’État, ou d’un oukase édicté en haut lieu par pur Abdelaziz Bouteflika – dont le nom de cynisme ou calcul bassement diplomaguerre durant la lutte pour l’indépendance tique. C’est un simple retour à la normale, était « Abdelkader el-Mali » –, ou son actuel à une relation qui n’aurait jamais dû être directeur de cabinet et ancien Premier mise entre parenthèses. Dans l’intérêt ministre, Ahmed Ouyahia, ancien patron de tous. JEUNE AFRIQUE
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PANORAMA Alger redécouvre l’Afrique, et vice versa p. 78 INTERVIEW Ali Haddad, président du Forum des chefs d’entreprise
p. 82
ANALYSE Le casse-tête du 51/49
p. 86
STRATÉGIE
Petit Condor devenu grand p. 90 Pas d’expansion sans internationalisation p. 92 Et si le bidon d’huile d’olive détrônait le baril de pétrole ? p. 95
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Le Plus de Jeune Afrique
DIPLOMATIE ÉCONOMIQUE
Alger redécouvre et vice versa Le gouvernement et les entreprises cherchent de nouveaux partenaires, de préférence sur le continent. Un tournant majeur que vient consacrer le Forum africain d’investissements et d’affaires, organisé par l’État et le patronat du 3 au 5 décembre. FARID ALILAT,
envoyé spécial
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D
l’Afrique
FREDERIC REGLAIN/ASK IMAGES
La baie d’Alger.
eux hommes d’affaires, un Algérien et un Congolais, discutent business autour d’un verre à Paris. Parlant des difficultés auxquelles sont confrontés chefs d’entreprise et particuliers dans son pays, le Congolais évoque une situation qui frise l’absurde. « Si vous allez au fin fond du Congo, vous n’aurez aucune difficulté à trouver un réseau téléphonique. En revanche, si la batterie de votre téléphone est déchargée, vous êtes paumé… Parce que vous ne pourrez pas la recharger faute d’électricité. » Le vice-président du Forum des chefs d’entreprise (FCE) et directeur du Management Development International Institute (MDI), Brahim Benabdeslem, raconte cette anecdote pour démontrer la nécessité de nouer des partenariats entre les opérateurs économiques algériens et subsahariens. « L’Algérie affiche le taux d’électrification le plus important du continent. Il est de 99 % pour un territoire de plus de 2,3 millions de km2, explique-t-il. Nous pouvons donc partager et exporter l’expertise algérienne dans ce domaine. Et dans bien d’autres encore. » Partager et échanger. Ces deux verbes seront conjugués à tous les temps lors du grand rendez-vous qui va se tenir début décembre au tout nouveau Centre international des conférences Abdelatif-Rahal d’Alger, inauguré en septembre – un écrin réalisé par le groupe public China State Construction Engineering Corporation (CSCEC) Algeria pour près de 1 milliard de dollars (900 millions d’euros). En partenariat avec le ministère algérien des Affaires étrangères et celui de l’Industrie et des Mines, le FCE organise, du 3 au 5 décembre, son premier Forum africain d’investissements et d’affaires. Plus de 2 000 chefs d’entreprise et 200 exposants, des chasseurs de têtes, des experts en macroéconomie et en microéconomie, d’anciens et d’actuels ministres et diplomates venus d’Afrique, d’Europe, d’Amérique et du MoyenOrient… Les organisateurs de ce forum attendent une participation remarquable, tant en quantité qu’en qualité. Débats et échanges s’articuleront autour de plusieurs thématiques: sécurité alimentaire et développement de l’agriculture, sécurité énergétique, énergies renouvelables, financement, transition numérique et capital humain.
MOTIF D’INSPIRATION. Pourquoi un forum d’affaires africain ? « Les pays du continent ont enregistré au cours des dix dernières années des taux de croissance à deux chiffres. Cette croissance offre d’immenses opportunités pour les investissements », note Toufik Lerari, cofondateur de N 0 2916 • DU 27 NOVEMBRE AU 3 DÉCEMBRE 2016
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Le Plus de JA Algérie l’agence de communication Allégorie et président de la section jeunesse du FCE, Jil’FCE, créée l’an dernier. « Toutefois, ce potentiel de développement n’est pas suffisamment exploité, poursuit le jeune patron. Ce forum doit donc nous permettre de réfléchir aux problématiques d’affaires et d’investissements sur l’ensemble du continent. » L’Algérie a des atouts à faire valoir aussi bien sur le plan de son histoire et de sa diplomatie que sur celui de son économie. « Notre pays est le plus grand d’Afrique de par sa superficie, il possède le plus vaste réseau routier avec 112 000 km [dont l’autoroute est-ouest, qui aura coûté plus de 14 milliards de dollars, NDLR] et des réserves de change évaluées à près de 126 milliards de dollars, rappelle Brahim Benabdeslem. Nous sommes un pays pivot entre l’Europe et l’Afrique subsaharienne. Il est donc nécessaire de développer des partenariats entre entreprises africaines et de dynamiser les échanges commerciaux, notamment via les exportations des produits nationaux. » Les Algériens se plaisent par ailleurs à rappeler, non sans une pointe de fierté, que la guerre de libération nationale, qui a mis un terme à cent trente-deux années de colonisation française, a été un motif d’inspiration pour nombre de pays du continent pour arracher leur indépendance. Nelson Mandela, le guide sud-africain, n’a-t-il pas été formé dans les maquis algériens au cours de cette même guerre ? Ils se plaisent également à rappeler que, durant les années 1960 et 1970, Alger a été « la Mecque des révolutionnaires », et que des légions d’étudiants africains ont été formés dans les universités algériennes avant d’assumer de hautes responsabilités dans leurs pays. La capitale algérienne a également accueilli à deux reprises, en juillet 1969 et en juillet 2009, le Festival panafricain, qui célèbre les arts et les cultures du continent noir. « Dans le cadre de l’entraide et de la solidarité africaine, le gouvernement algérien avait annulé en 2010 les dettes de 14 pays membres de l’Union africaine (UA), qui
Le Premier ministre, Abdelmalek Sellal (à g.), et son homologue malien, Modibo Keïta, le 4 novembre, en marge de la réunion de la Grande Commission de coopération algéromalienne, à Bamako.
En 2015, les échanges avec l’Afrique subsaharienne ont représenté
7%
du commerce extérieur marocain, soit 2 milliards de dollars
2,4 %
du commerce extérieur tunisien, soit 29 millions de dollars
0,46 % du commerce extérieur algérien, soit 442 millions de dollars
s’élevait à plus de 902 millions de dollars, rappelle Toufik Lerari. Politiquement, nous avons repris notre place légitime sur le continent. Maintenant, il nous faut être présents économiquement. » CHANCE. Encore faut-il que la conjoncture le
permette. Depuis deux ans, compte tenu de la chute des cours du baril de brut, l’Algérie est confrontée à une baisse vertigineuse de ses recettes pétrolières, passées de 67 milliards de dollars en 2013 à une prévision de 27 milliards pour 2016. Elle se trouve dans une crise économique et financière telle que les autorités ont été contraintes de mettre en place une politique d’austérité à tous les niveaux et de solliciter un prêt de 900 millions d’euros auprès de la Banque africaine de développement (BAD). Pourtant, aussi sévère soit-elle et aussi inquiétantes que puissent être ses conséquences, cette crise est peut-être la meilleure chance pour les Algériens de voir enfin l’économie du pays se diversifier et s’ouvrir au monde, en particulier à ses voisins du Maghreb et de l’Afrique de l’Ouest,
QUAND ROUTE TRANSSAHARIENNE RIME AVEC CONNEXIONS AFRICAINES
L
es patrons algériens se disent favorables à la création de deux grands pôles économiques dotés de zones franches dans le nord du pays ainsi qu’à Tamanrasset, la ville de l’extrême Sud qui sert de porte vers l’Afrique subsaharienne. « Tam » pourrait être alors reliée, via la route nationale transsaharienne, au grand port de Cherchell (95 km à
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l’ouest d’Alger), dont la construction a été confiée à des entreprises chinoises pour 3,3 milliards de dollars (3,1 millions d’euros). Long de 9400 km, ce serpent asphalté du désert traverse l’Algérie depuis le nord jusqu’aux frontières malienne et nigérienne, avant de se prolonger jusqu’au Nigeria, en passant par leTchad. La route nationale transsaha rienne pourrait être un
véritable outil pour développer le commerce et les affaires. « Pour aller du port d’Anvers, en Belgique, à Bamako, au Mali, un conteneur doit actuellement voyager pendant quarantecinq jours. En passant par Alger et la transsaharienne, le même conteneur pourrait être transporté entre les deux villes en douze jours. On diviserait les coûts de la logistique par trois »,
explique Brahim Benabdeslem, vice-président du Forum des chefs d’entreprise (FCE). « La dorsale pour la fibre optique existe déjà, il suffit de la connecter. On peut ainsi établir une connexion entre l’Europe et l’Afrique, avec l’Algérie comme pays pivot », ajouteToufik Lerari, président de Jil’FCE, la section jeunes de l’organisation patronale. FARID ALILAT JEUNE AFRIQUE
À l’heure africaine Parmi les 15 principaux clients de l’Algérie,
1er Espagne 17,37 % 2e Italie 16,32 % 3e France 13,02 % 11e
Tunisie 2,27 %
14e
Maroc 1,77 % (en % du total des exportations)
ainsi qu’au reste du continent, avec lesquels ses échanges commerciaux sont plus que modestes (voir tableau). Cette crise contraint l’État à changer de modèle économique, lequel repose depuis cinq décennies sur la rente pétrolière. Après des années de théorisation, la réalité impose aujourd’hui une transition au pas de charge vers une économie diversifiée, qui passe par des investissements et par des partenariats avec des entreprises étrangères, africaines en l’occurrence. Alors que les chantiers et la consommation sont en berne dans le pays, la conjoncture morose oblige les entreprises algériennes, publiques comme privées, à prospecter d’autres marchés, à commencer par ceux du continent, en plein essor, afin de générer des devises à l’exportation. OFFENSIVE. « Notre marché doit être orienté
vers l’Afrique, et j’encourage tous les investisseurs algériens à réfléchir pour développer l’exportation sur le continent », martèle Ali Haddad, président du FCE et PDG du groupe ETRHB (lire interview pp. 82-84). « Nous avons déjà commencé à préparer le terrain, notamment avec le Sénégal, poursuit-il. Mais demain, les trams et les autorails fabriqués à Annaba [est du pays] pourraient satisfaire les besoins de toute l’Afrique. » L’expérience d’entreprises qui ont déjà commencé à se développer à l’international peut servir d’exemple. C’est le cas de Général Emballage (lire p. 92), installée à Béjaïa, en Petite Kabylie, qui exporte en Tunisie, en Libye et bientôt en Italie, ou encore du groupe d’électroménager Condor (lire pp. 90-91), qui vend, entre autres, des téléviseurs en Tunisie, au Mali, en Mauritanie et qui a créé un joint-venture au Soudan. Mohamed Laïd Benamor, PDG du groupe agroalimentaire Benamor, vise également l’exportation de ses produits vers l’Afrique subsaharienne, et, en tant que président de la Chambre algérienne de commerce et d’industrie (Caci), il a récemment conduit une délégation d’entrepreneurs algériens JEUNE AFRIQUE
en Éthiopie pour y explorer les possibilités de marchés et de partenariats locaux. Le groupe Cevital, d’Issad Rebrab, n’est évidemment pas en reste, puisqu’il ambitionne d’exporter pour 3 milliards de dollars à l’horizon de 2020. Le premier conglomérat privé algérien déploie une stratégie de développement international particulièrement offensive. Depuis 2013, il a fait l’acquisition de plusieurs sites industriels en Europe : les français Oxxo (huisseries en PVC) et Brandt (électroménager), avec lesquels il expérimente la colocalisation, l’usine espagnole d’aluminium Alas et les aciéries italiennes Aferpi (ex-Lucchini). Il a également investi au Brésil, et va bientôt s’implanter au Sri Lanka. En revanche, aucun des projets que le groupe a tenté de développer au sud du Sahara – au Soudan, en Éthiopie, au Kenya, en Côte d’Ivoire, au Nigeria, au Mali ou, plus récemment, au Sénégal – ne s’est encore concrétisé. Compte tenu du nombre de décideurs politiques et économiques du continent qui y sont attendus, le Forum africain d’Alger pourra-t-il changer la donne ?
Des échanges limités avec le reste du continent
(commerce extérieur de l’Algérie en 2015 par région)
À l’importation
En milliards de dollars
Structure (en %)
Variation (en %) par rapport à 2014
TOTAL
51,501
100
– 12,08
Union européenne (UE)
25,344
49,21
– 14,62
OCDE (hors UE)
7,353
14,28
– 12,84
Autres pays d’Europe
1,220
2,37
37,70
Amérique du Sud
2,818
5,47
– 26,13
11,830
22,97
6,25
Pays arabes (hors UMA)
1,912
3,71
– 2,55
Union du Maghreb arabe (UMA)
0,674
1,31
– 8,67
Afrique subsaharienne
0,350
0,68
– 20,45
À l’exportation
En milliards de dollars
Structure (en %)
Variation (en %) par rapport à 2014
TOTAL
37,787
100
– 39,91
Union européenne (UE)
Asie
25,801
68,28
– 36,10
OCDE (hors UE)
5,428
14,36
– 47,53
Autres pays d’Europe
0,037
0,10
– 62,24
Amérique du Sud
1,575
4,17
– 50,52
Asie
2,562
6,78
– 49,37
Pays arabes (hors UMA)
0,628
1,66
– 3,09
Union du Maghreb arabe (UMA)
1,607
4,25
– 47,57
Afrique subsaharienne
0,092
0,24
– 16,36
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SOURCE : MINISTÈRE DES FINANCES, CNIS
CHRISTOPHE GIRAUDEAU
seuls 2 sont africains
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Le Plus de JA Algérie INTERVIEW
Ali Haddad « La transformation de notre économie passe par une phase d’ouverture » À la veille du Rendez-Vous d’Alger, le président du Forum des chefs d’entreprise revient sur les retards du pays, les réformes et les propositions du patronat pour améliorer le climat des affaires.
A
li Haddad, 51 ans, est à la tête du premier groupe privé de BTP algérien, ETRHB Haddad, également présent dans l’hôtellerie, la concession automobile, les médias et le sport. Élu président du puissant Forum des chefs d’entreprise (FCE) en novembre 2014, le patron des patrons algériens – réputé proche du frère cadet du président, Saïd Bouteflika, et du Premier ministre, Abdelmalek Sellal – tente de réconcilier l’État et l’entreprise privée. Alors que le pays, confronté à la chute des revenus pétroliers, est en train de revoir sa politique économique, le FCE coorganise avec le gouvernement un premier Forum africain d’investissements et d’affaires, à Alger, du 3 au 5 décembre. L’occasion pour Ali Haddad de revenir sur les réformes récemment adoptées pour améliorer le climat des affaires et sur les propositions du FCE pour faire émerger une économie de marché, où les entreprises algériennes vont pouvoir réaliser leur rêve d’entrer sur le marché mondial et, en particulier, sur les marchés africains.
économique: le commerce intrarégional représente 70 % en Europe, 50 % en Asie… Et seulement 12 % en Afrique. Cela ne peut plus continuer, nous devons inverser la tendance. Et vous conviendrez que le plus grand pays du continent par sa superficie ne pouvait pas rester en marge de cette évolution positive. Lors de mes déplacements, j’ai pu constater que l’Algérie jouit d’une très
Le commerce intrarégional est de 70 % en Europe, 50 % en Asie… Et seulement de 12 % en Afrique. Cela ne peut plus continuer.
bonne image en Afrique subsaharienne. Elle bénéficie d’un emplacement géostratégique exceptionnel, son aura diplomatique y est indéniable, elle se doit donc d’être un acteur majeur de cet éveil économique africain. Or elle est plutôt timide sur ce terrain, avec seulement quelques exportations et investissements réalisés par une poignée d’entreprises publiques JEUNE AFRIQUE : Quelles raisons ont et privées. Pourtant, nos milliards de dollars homologues d’Afrique motivé l’organisation C’est le chiffre d’affaires subsaharienne nous de ce premier Forum annuel cumulé réalisé par interpellent souvent africain d’investisseles 3 000 entreprises pour nous demander de ments et d’affaires à adhérant au FCE Alger ? renforcer notre coopération ALI HADDAD : L’économie économique. C’est ce qui nous a poussés à organiser ce premier mondiale gravite désormais Rendez-Vous d’Alger. autour du continent africain, qui a affiché un taux de croissance moyen de Qu’est-ce qui, jusqu’à présent, retenait 5 % sur les quinze dernières années. Les Africains ont compris que l’émergence de les entreprises algériennes de s’implanter sur les autres marchés africains ? leur continent ne peut se faire que grâce à leurs propres initiatives, et que celles-ci La transformation de notre économie ne peuvent réussir sans une démarche passe par une phase d’ouverture sur consensuelle multilatérale pour donner l’économie mondiale et, en l’occurrence, l’impulsion nécessaire à l’intégration africaine. Ce n’est que pendant les années
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2000 qu’ont été mises en place les conditions nécessaires à l’émergence d’un secteur privé national. Il a progressivement atteint la maturité sur le marché intérieur et nourrit désormais des ambitions pour d’autres marchés. Ce retard est aussi imputable à la nature de notre économie, qui, fort heureusement, est en train de changer. La rente pétrolière et l’embellie financière qu’a connues notre pays ont quelque peu inhibé le besoin de conquérir d’autres marchés. Nos exportations hors hydrocarbures ne dépassent pas 3 milliards de dollars et sont constituées en grande par-
tie de produits dérivés des hydrocarbures. Nous avons donc un immense potentiel à développer dans les autres secteurs. Lesquels ? Et dans quels pays ?
Les entreprises algériennes saisiront toutes les occasions pour exporter et s’implanter en Afrique, en particulier sur les marchés où la demande est forte et en commençant par les secteurs où elles sont déjà leaders en Algérie et dans lesquels elles ont un savoir-faire : l’agro-industrie, l’énergie, l’industrie pharmaceutique, le BTP, les services et les infrastructures. Les pays avec lesquels nous partageons la proximité géographique et la langue sont évidemment privilégiés. Côté anglophone, l’Afrique du Sud, le Nigeria et le Ghana nous intéressent pour leurs savoir-faire, et nos opérateurs ont aussi de bonnes connexions en Somalie et en Éthiopie, où ils étudient les possibilités de partenariats. Le voisin marocain est parti à la conquête des marchés africains depuis plus de dix ans. Allez-vous vous inspirer de cette expérience ? JEUNE AFRIQUE
À l’heure africaine Nous avons une démarche différente. L’Algérie tient compte des dimensions diplomatique et humanitaire. Jusqu’à présent, ce sont ces aspects que nous avons mis en avant. Par ailleurs, c’est l’Algérie que sollicitent les partenaires stratégiques de l’Afrique et les institutions internationales pour concrétiser les projets relatifs au développement humain et durable. Nous en sommes fiers, et nous poursuivrons nos efforts en ce sens. Mais cet engagement ne nous empêche pas d’avoir aujourd’hui des ambitions économiques.
Le PDG d’ETRHB veut réconcilier l’État et l’entreprise privée.
Le climat des affaires en Algérie est-il propice à l’essor des entreprises ?
ROMAIN LAURENDEAU POUR JA
Il est en constante amélioration, notamment grâce au dialogue public-privé que nous avons instauré avec l’État au plus haut niveau, ce qui nous permet de soumettre nos propositions et d’identifier, ensemble, les contraintes qui bloquent les projets d’investissement et freinent l’entrepreneuriat. Le FCE a préconisé une réforme fondamentale, celle de la gouvernance de l’administration, qui doit s’investir davantage dans l’accompagnement, la régulation et le contrôle a posteriori, et non plus dans le blocage et la répression. Nous demandons ni plus ni moins que l’application de la loi, à commencer par celle de la Constitution, qui, dans son article 43, consacre la liberté d’entreprendre et de commercer. Nous avons également proposé des mesures pour améliorer l’accès des investisseurs au financement et au foncier industriel, et pour assouplir les procédures relatives à la création d’entreprises et aux douanes. Nous ne pouvons nier la volonté des pouvoirs publics d’alléger les différentes contraintes auxquelles sont confrontées les entreprises. Malheureusement, il y a un décalage entre le discours officiel et le terrain. Pour cette raison, nous souhaitons que soit adopté un système de « redevabilité » et d’obligation de résultat pour les administrations chargées de la gestion des dossiers économiques, afin d’en améliorer l’efficacité.
JEUNE AFRIQUE
Certains patrons algériens et étrangers se plaignent de la règle 51/49 (lire p. 84), estimant qu’elle freine l’investissement. Faut-il la supprimer ? Ou l’assouplir ?
Le FCE a préconisé qu’elle soit assouplie pour les investissements étrangers productifs qui ont une réelle valeur N 0 2916 • DU 27 NOVEMBRE AU 3 DÉCEMBRE 2016
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Le Plus de JA Algérie
En 2015, les hydrocarbures représentent encore
94,54 % du volume global des exportations algériennes...
ajoutée et pour les projets qui impliquent un transfert de savoir-faire et de technologies. Il faut cependant se poser les bonnes questions sur la portée réelle de cette règle. Freine-t-elle vraiment l’investissement direct étranger ? Avant qu’elle soit mise en œuvre, nous n’avons pas assisté à un déferlement de porteurs de projets, alors que notre code de l’investissement de 1993 était extrêmement libéral ! À l’époque, nous avons vu en revanche s’installer beaucoup de représentations commerciales. Nous pensions que c’était une première étape avant que les entreprises étrangères franchissent le pas de l’investissement. Mais force est de constater que ces représentations n’ont pas contribué à la création de nouvelles filières. Elles ont même aggravé le déséquilibre de la balance commerciale du pays en participant à l’emballement des importations… L’Algérie a donc mis des garde-fous pour protéger la production nationale de la concurrence déloyale de ces produits importés. Cela étant, nombre de partenaires ont confirmé que cette règle (que, du reste, beaucoup de pays appliquent) ne les gêne pas, et ils continuent à investir et à faire des affaires en Algérie. Quelles réformes et quel nouveau modèle économique le FCE préconise-t-il ?
La nouvelle doctrine établit clairement que la poursuite du développement économique et social de notre pays ne doit plus reposer sur la seule ressource naturelle, mais sur le travail, la créativité et l’ingéniosité des Algériens. Les fondamentaux de cette doctrine serviront de base à toute réforme qui sera engagée à l’avenir. Certaines mesures urgentes sont déjà prises. Une nouvelle loi sur l’investissement a été promulguée [lire encadré p. 86]. Elle va rendre l’acte d’investir plus fluide en réduisant considérablement les étapes du processus de validation et en instaurant l’automaticité des avantages. La loi d’orientation sur la PME va être N 0 2916 • DU 27 NOVEMBRE AU 3 DÉCEMBRE 2016
... Et une bonne partie des 5,46 % resstants (soit 2,06 milliards de dollars en valeur) est constituée de
produits issus de la distillation dee goudrons, ainsi que d’aamoniacs et d’engrais.
également revue – le projet est prêt, il a été discuté au niveau de l’Assemblée nationale. Ces deux lois vont contribuer de manière significative à simplifier les procédures administratives, à rassurer les porteurs de projets et à stabiliser le climat d’investissement. Serait-ce les prémices d’une réconciliation entre l’État et le privé ?
Ces deux dernières décennies, l’État a fait des efforts en investissements considérables dans les infrastructures. C’était une condition essentielle à notre décollage. Aujourd’hui, le cadre juridique connaît de profondes transformations. Enfin, notre économie se caractérise par un dynamisme entrepreneurial soutenu, et elle est en pleine reconfiguration. L’entreprise privée y prend de plus en plus de place et devient progressivement le moteur du développement. Tout cela met notre pays en situation de consolider l’environnement économique pour qu’il soit viable, apte à permettre son insertion dans les chaînes de valeurs internatio-
Le pays va-t-il, selon vous, enfin réussir la diversification de son économie ?
Des gisements d’investissements importants ne sont pas encore exploités. Dans les relations de partenariat que nous projetons en Afrique, nous devons commencer par le domaine de l’énergie, dans lequel l’Algérie est un leader incontesté. Sa compagnie nationale, Sonatrach, est la première entreprise du continent et la onzième compagnie pétrolière mondiale. Nous insistons auprès des autorités pour qu’il soit ouvert au secteur privé national, d’abord pour que nos entreprises puissent développer un savoir-faire dans l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures, le raffinage, le transport, les canalisations, etc., afin de réduire la facture d’importation de services, et, ensuite, pour promouvoir des filières comme la pétrochimie et les énergies renouvelables, qui peuvent générer des revenus substantiels. Notre programme de développement des énergies renouvelables prévoit une puissance totale installée de 22 000 MW d’ici à 2030. Et, avec un taux d’électrification de 99 %, l’Algérie peut devenir un acteur majeur dans le processus d’électrification du continent. Il en va de même pour le raccordement au gaz de ville et à l’eau potable… Nous traiterons de toutes ces thématiques lors de notre Forum africain. Nous sommes également convaincus de la nécessité d’accorder une importance
Nous insistons auprès des autorités pour que le domaine de l’énergie soit ouvert au secteur privé national. nales et à favoriser l’émergence d’un tissu industriel capable de répondre à la demande interne, mais aussi d’aller chercher des parts de marché à l’international. Nous travaillons aux côtés des pouvoirs publics pour libérer les initiatives de tout obstacle réglementaire et bureaucratique, pour ouvrir le champ à l’activité des entreprises dans tous les secteurs et réformer sérieusement le système de régulation économique, en commençant par les dispositifs régissant l’investissement, le financement, le foncier industriel, la fiscalité, la régulation du commerce extérieur, l’enseignement supérieur et la formation professionnelle.
primordiale à la sécurité alimentaire et d’encourager les investissements dans l’agriculture et l’agro-industrie. C’est une question de bon sens mais aussi de souveraineté nationale. Nous ne pouvons continuer de dépendre de l’étranger pour assurer nos besoins alimentaires. Les technologies de l’information et de la communication sont le troisième secteur clé. Nous avons un grand retard à rattraper en ce domaine et devons mener une véritable révolution numérique. La réussite du processus de diversification de notre économie en dépend grandement. Propos recueillis à Alger par FARID ALILAT JEUNE AFRIQUE
Le Plus de JA Algérie ANALYSE
CHANGEMENT DE LIGNE
Le casse-tête du 51/49
L
e nouveau code de l’investissement a été adopté par le Parlement en juillet et est entré en vigueur à la mi-août. La clause 51/49 en est « extirpée », mais elle est maintenue dans le droit algérien et sera désormais ajustée dans le cadre de la loi de finances annuelle. Le code introduit quant à lui de nouvelles facilités (assouplissement de certaines procédures) et des mesures incitatives : franchise de TVA ; exonérations fiscales et douanières ; exemptions, pour les nouvelles activités, de l’impôt sur le bénéfice des sociétés et de la taxe sur l’activité professionnelle pendant trois ans ; exonération, pour une durée de dix ans, de la taxe foncière sur les biens immobiliers entrant dans le cadre de l’investissement, etc. Il prévoit des avantages supplémentaires pour les « activités privilégiées », à savoir l’industrie, l’agriculture et CÉCILE MANCIAUX le tourisme.
En vigueur depuis 2009, la règle qui exige une participation nationale majoritaire dans les projets d’investissements étrangers va être assouplie. Mais pas question de l’abolir.
L
’
Algérie tente d’aimer – enfin! – l’entreprise privée et l’investissement étranger. Il était temps! Si l’on en croit les statistiques de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced, voir infographie), la petite Tunisie – pourtant plongée dans les turbulences – a attiré au fil des ans 32,9 milliards de dollars d’investissements étrangers, alors que l’Algérie, presque quatre fois plus peuplée, en comptabilise seulement 26,2 milliards. Pour la seule année 2015, les étrangers ont misé plus de 1 milliard de dollars sur la Tunisie, mais ils en ont retiré 587 millions d’Algérie. La faute à des réglementations tatillonnes, dont la règle dite « 51/49 » (51 %49 %), prévue par l’article 4 bis du code de l’investissement depuis 2009, est le symbole. Son alinéa 2 précise : « Les investissements étrangers ne peuvent être réalisés que dans le cadre d’un partenariat dont l’actionnariat national résident représente 51 % au moins du capital social. » Oui à l’apport de capital, non au pouvoir de piloter l’entreprise algérienne à sa guise. Pas très rassurant pour la bonne gestion et le retour sur investissement. « Cette règle est très répandue dans le monde, et nous sommes favorables aux législations qui protègent les industries stratégiques et les secteurs sécuritaires, analyse Ventzislav Kotetzov, de la division de l’investissement et des entreprises de la Cnuced. Mais quand elle couvre tous les investissements étrangers et dans tous les secteurs, ce n’est évidemment pas très encourageant. » Pour le PDG de la compagnie algérienne Alliance Assurances, Hassen Khelifati, les choses vont dans le bon sens. « Il y a un consensus pour revoir cette règle, qui est en passe d’être assouplie, explique-t-il. Elle doit continuer à protéger les secteurs stratégiques ou les grands monopoles publics, mais pas les PME. Par ailleurs, il faut relativiser son importance : en effet, avant qu’elle soit instituée, les étrangers ne se bousculaient pas pour venir en Algérie. Même si nous ne sommes pas encore dans une situation N 0 2916 • DU 27 NOVEMBRE AU 3 DÉCEMBRE 2016
optimale, l’environnement des affaires s’améliore. » Un expert français minimise, lui aussi, les dégâts de la règle 51/49. « Quand on choisit bien son partenaire algérien, le fait de ne pas détenir la majorité du capital n’est pas grave, car celui-ci laisse son investisseur étranger piloter, puisqu’il a en effet surtout besoin de son savoir-faire. En contrepartie, grâce à sa connaissance du terrain, le joint-venture bénéficiera de biens immobiliers à prix réduit et de crédits à très bas taux et se verra faciliter l’inévitable parcours du combattant politico-administratif ! » BIJOUX DE FAMILLE. Le FLN, au Parlement, et le Forum des chefs d’entreprise (FCE), sur la place publique, demandaient à cor et à cri que l’épouvantail du 51/49 soit retiré du code de l’investissement et fixé chaque année par la loi de finances. « Il faut un peu de discernement, plaide Brahim Benabdeslam, vice-président du FCE. Pour les bijoux de famille, c’est 100 % du capital que doit conserver l’État ! En revanche, dans le tourisme, le secteur tertiaire ou les PME, il faut supprimercetterègle.C’estenbonnevoie,carelle a été extirpée du code de l’investissement et, comme nous le demandions, la loi de finances discutée chaque année permettra de l’adapter, en souplesse, à la situation économique du moment. »
Il est urgent que le gouvernement algérien complète cette mesure phare et qu’il mette fin, par exemple, à l’obligation de recourir au financement local des investissements. Il restera à persuader l’Administration, les douanes et les banques publiques de ne pas annihiler ces efforts de modernisation comme elles le font encore trop souvent par peur ou par paresse, y compris à l’égard des entreprises purement algériennes. ALAIN FAUJAS
Des IDE peu élevés pour un grand pays
(Investissements directs étrangers, en milliards de dollars, en 2015)
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Égypte Maroc Tunisie Algérie Libye Mauritanie
94,266
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Stocks JEUNE AFRIQUE
SOURCE : CNUCED
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Le Plus de JA Algérie
TRIBUNE
France-Algérie : un nouveau modèle de partenariat
JEAN-LOUIS LEVET Haut responsable à la coopération industrielle et technologique franco-algérienne (nommé par le gouvernement français en juin 2013)
C
ôté algérien, les acteurs de terrain se disent prêts à travailler avec des opérateurs français, appréciant leurs qualités techniques et managériales. Côté français, un nombre croissant d’entreprises comprennent l’intérêt qu’il y a à investir en Algérie: un marché de 40 millions d’habitants sensibles aux produits français, des besoins dans tous les domaines, des infrastructures qui s’étoffent, un tissu d’entrepreneurs algériens de qualité qui se densifie. Cependant, face à une concurrence de plus en plus rude et malgré les difficultés liées au climat des affaires, que les autorités algériennes cherchent à améliorer (voir le nouveau code de l’investissement, loi du 3 août 2016), les entreprises françaises doivent privilégier un nouveau mode de pensée et d’action. Un nouveau mode de pensée visant à inscrire son action dans la durée et non à chercher à faire des « coups ». Et un nouveau mode d’action consistant à passer progressivement d’une simple logique commerciale à une démarche de coopération par le co-investissement, ce qui implique de s’appuyer sur deux facteurs clés.
créée en 2014, IP3 Group a mis au point une technologie pour fabriquer des machines destinées à produire des palettes en carton. Un contact pris en 2015 avec le groupe familial Batouche, implanté en Kabylie, a débouché sur la création d’un joint-venture (51/49). La ligne de production permettra de produire entre 300 000 et 600 000 palettes par an dès 2017. La PME iséroise Poma (chiffre d’affaires de l’ordre de 280 millions d’euros), l’un des leaders mondiaux du transport par câbles, a fait de l’Algérie l’un de ses axes de développement depuis des décennies. En 2014, elle a créé un joint-venture (51/49) avec des partenaires publics, l’Établissement du métro
Passons d’une logique commerciale à une démarche de coopération.
Le premier facteur de réussite est d’identifier le bon partenaire. Avantages : le partenaire algérien aide l’entreprise française à se mouvoir dans le système administratif algérien, il lui apporte sa connaissance du marché, et elle, de son côté, montre qu’elle inscrit sa démarche sur le long terme, construisant une relation de confiance avec ses futurs partenaires et ses clients. La fameuse règle « 51/49 », lors de la création du joint-venture, doit alors être étudiée comme un outil permettant de s’insérer durablement sur le marché et, au-delà, en Afrique subsaharienne. Le second facteur de succès est de construire un projet global qui intègre aussi la formation, l’innovation technologique et la création de son écosystème territorial. Trois entreprises françaises, aux profils très différents, illustrent ce nouveau mode d’action. Start-up de la région de Saint-Étienne
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d’Alger (EMA) et l’Établissement public de transport urbain et suburbain d’Alger (Etusa), pour la fabrication, l’exploitation et la maintenance des téléphériques sur l’ensemble du territoire algérien. Le groupe coopératif français Avril (chiffre d’affaires de 6,5 milliards d’euros), leader de la nutrition animale et des huiles alimentaires, amplifie sa présence en Algérie en investissant avec des partenaires industriels, à commencer par le groupe SIM, implanté près de Blida, avec lequel il poursuit le développement de leur usine commune (51/49) de production d’aliments pour animaux créée en 2014, et Djadi (leur importateur), avec lequel ils ont décidé, en avril 2016, de créer une usine de production de sauces condimentaires sous la marque Lesieur. La coopération au plus haut niveau voulue depuis la signature, en décembre 2012, de la déclaration d’Alger sur l’amitié et la coopération par les présidents algérien et français, en décembre 2012, fournit ainsi un cadre pour l’action au présent (un comité mixte économique annuel) et pour la mise en œuvre de nos priorités communes dans le domaine économique (formation professionnelle, appui technique aux PME, coproduction). Elle fournit par ailleurs une orientation pour le futur.
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Le Plus de JA Algérie STRATÉGIE
Petit Condor devenu grand Le groupe Benhamadi et sa principale filiale sont considérés comme un modèle de réussite. Ils fabriquent leurs produits dans le pays et ont gagné nombre de marchés à l’étranger.
L
année au cours de laquelle les autoriorsque, le 9 avril 1954, Mohamed tés décident de libéraliser le commerce Tahar Benhamadi lance son petit extérieur. « J’ai commencé à importer commerce à Bordj Bou Arreridj, des matériaux de construction – princimodestebourgdesHautsPlateaux palement des tuyaux de cuivre –, depuis (à 250 km à l’est d’Alger) connu pour l’Espagne et la Corée du Sud », raconte ses activités agropastorales, il est loin de l’industriel. se douter que son échoppe deviendra À l’époque, émergeant des années un demi-siècle plus tard un véritable noires du terrorisme, les Algériens empire économique. Homme avisé et voient leur pouvoir d’achat s’améliorer. dur à la tâche, il fait fructifier son comIls peuvent enfin commencer à rêver merce, et son solide bon sens paysan d’appartements dotés d’équipements lui dicte alors d’investir ses premières modernes et, en particulier, d’acquérir économies dans l’achat de camions pour un démodulateur pour capter les chaînes le transport de marchandises et de matériaux de construction. Malgré la guerre satellitaires. Abderrahmane Benhamadi et son corollaire de disettes et de misère, flaire rapidement le filon et décide d’importer le premier récepteur satellite en le petit business de Mohamed Benhamadi prospère. Algérie. L’engouement est tel que les À l’indépendance du pays, en 1962, le appareils s’arrachent. À tel point que le pouvoir opte pour le modèle socialiste, patron ne se contente pas d’importer et qui laisse peu de place à l’entrepreneude vendre des équipements ; il réalise riat. « Le privé était considéré comme un alors sa première opération en SKD (semi danger, voire comme un ennemi », rapknocked down) en assurant, dans ses pelle son fils, Abderrahmane Benhamadi, ateliers, l’assemblage de pièces détachées président du conseil d’administration du importées pour fabriquer des téléviseurs. L’avantage n’est pas négligeable pour le groupe. C’est à peine si les entrepreneurs privés ne sont pas considérés comme de groupe, qui n’est redevable que de 5 % de vils bourgeois, agents du capitalisme et de l’impéLes atouts de l’entreprise ? rialisme réunis, et ennemis Le rapport qualité-prix et, surtout, de la révolution. Les choses changent cependant avec le service après-vente. l’ouverture au libéralisme, amorcée au milieu des années 1980. droits de douane sur les pièces détachées, au lieu des 30 % dont il devait s’acquitter Dans la wilaya de Bordj, qui s’étend de auparavant en important des produits la Kabylie au Sétifois, Mohamed Tahar finis. « C’était une loi révolutionnaire, Benhamadi inaugure alors une unité de fabrication de carrelage puis, dix ans plus concède Abdelmalek Benhamadi, et nous tard, la première briqueterie privée du en avons profité pour investir. » pays, dont le lancement coïncide avec le début des attaques terroristes de la CARTON. L’entreprise passe alors de l’imdécennie sanglante, qui fera plus de port à la production. Les frères Benhamadi 100 000 victimes. « Les gens nous regaracquièrent un terrain de 2 000 m2 dans la daient bizarrement, confie Abdelmalek périphérie de la ville de Bordj (qui deviendra l’une des plus importantes zones Benhamadi, le PDG de Condor. On persisindustrielles d’Algérie) pour y installer tait à investir alors que les entrepreneurs l’usine de montage, qui se résume au tentaient de fuir ou fermaient boutique. » Les techniciens étrangers ayant déserté départ à quelques chaises et tournevis, l’Algérie, il a d’ailleurs fallu lancer la bridans un grand hangar froid et nu… Et les queterie avec des compétences locales. premiers téléviseurs assemblés à Bordj se vendent comme des petits pains. Le Les activités de l’usine démarrent en 1997, N 0 2916 • DU 27 NOVEMBRE AU 3 DÉCEMBRE 2016
groupe passe alors à la vitesse supérieure et se dote d’une « vraie » usine, livrée clés en main par des partenaires chinois. « Il ne nous restait plus qu’à fabriquer la carte mère du téléviseur, note Abdelmalek Benhamadi. Étant donné que l’on importait plusieurs grandes marques d’électroménager, on s’est très vite retrouvés avec des problèmes de traçabilité et de service après-vente. J’ai alors pris la décision de créer notre propre marque. » Ce sera Condor. Pourquoi ce nom de rapace des Andes plutôt qu’un autre ? « C’est venu comme ça, répond l’industriel. Sans doute à cause de la reprise de la chanson El Condor Pasa, par Simon and Garfunkel, que j’avais dans la tête à ce moment-là ! » Nous sommes en 2002. Condor est alors une PME d’une cinquantaine d’employés. L’un de ses atouts : le rapport qualité-prix et, surtout, le service après-vente. Après le téléviseur, l’entreprise se lance dans la fabrication de climatiseurs et, dans un pays où les étés sont torrides, elle fait rapidement un carton. Importer en CKD (completely knocked down), monter sur place et augmenter le taux d’intégration, Condor applique ensuite sa recette à succès à tous les produits électroménagers : après les téléviseurs et les climatiseurs, c’est au tour des réfrigérateurs, JEUNE AFRIQUE
Lire aussi La colocalisation selon Issad Rebrab
À l’heure africaine À partir de 2009, des multinationales tentent de racheter le groupe, qui repousse les offres. « Alors qu’on s’était lancés dans l’informatique en 2006, avec la fabrication d’ordinateurs et de tablettes, des amis m’ont suggéré de m’intéresser à la téléphonie. C’était d’autant plus capital que, avec l’arrivée des smartphones, le secteur de la téléphonie devenait plus proche de notre métier », reprend le patron. Fidèle à sa démarche, Condor importe d’abord des téléphones avant de lancer l’homologation du partenaire choisi et d’assurer le montage du produit ciblé au niveau local. En 2013, le groupe fabrique le premier smartphone made in Algérie, le fameux C1. « Cela a tout de suite été un succès fou », se souvient Abdelmalek Benhamadi.
L’un des ateliers de Condor, à Bordj Bou Arreridj, le 2 novembre.
DJAMEL ALILAT
SOCIÉTÉ MIXTE. Désormais leader incon-
des congélateurs, des cuisinières, des récepteurs satellite, des machines à laver, des chauffages domestiques… Jusqu’à ce que la petite entreprise devienne un géant de l’électroménager. « Notre base industrielle s’élargissait, et les unités de fabrication poussaient comme des champignons », se souvient Abdelmalek Benhamadi. En aval de la production de ses nombreuses usines, Condor avait besoin d’unités de soutien pour l’emballage, pour la fabrication et le stockage de tôle, de peinture, de plastique et de pièces détachées. C’est ainsi que le groupe se dote d’une usine d’emballage en polystyrène, d’une unité d’injection plastique, d’un atelier pour la fabrication de tiroirs de réfrigérateurs, d’une
unité spécialisée dans la fabrication de machines à laver. Sans oublier la création d’une flotte de camions aux couleurs de l’entreprise pour livrer les produits de la marque sur le territoire national, dans tous les points de vente et tous les showrooms. Condor recrute à tour de bras et connaît une croissance fulgurante. « On voulait créer de la richesse, argumente le PDG. Ce n’était pas une question d’argent, mais de survie. On fixait les prix, et nos concurrents étrangers étaient obligés de se mettre à notre niveau. » Ces mêmes concurrents, raconte-il, ne faisaient auparavant que vendre des produits finis sans garantie et ils se sont retrouvés dans l’obligation d’investir dans la formation du personnel, les showrooms et le service après-vente.
testé en son pays, Condor Electronics se lance à la conquête de nouveaux marchés. « Nous exportons depuis des années vers la Tunisie, la Jordanie, le Mali et la Mauritanie, entre autres. Avant la fin de cette année, nous allons réaliser nos premières opérations d’exportation de téléviseurs à écran LED et de smartphones vers la France et la Belgique », annonce Abdelmalek Benhamadi. Le groupe compte aussi poursuivre son développement sur les marchés africains. En décembre 2015, Condor Electronics a signé un protocole d’accord avec le groupe industriel soudanais Giad, présent dans la distribution, l’assemblage automobile et l’immobilier, qui prévoit dans un premier temps l’exportation de réfrigérateurs et de climatiseurs de la marque algérienne, puis la création d’une société mixte pour la fabrication de ces produits au Soudan. Prochaine destination des produits Condor ? Le Bénin. AREZKI SAÏD et FARID ALILAT, envoyés spéciaux à Bordj Bou Arreridj
DE QUOI SE SENTIR POUSSER DES AILES Depuis le lancement officiel de Condor Electronics, en 2002, le groupe Benhamadi a diversifié ses activités au point de devenir un puissant conglomérat présent dans l’industrie électronique, l’informatique, le BTP, les matériaux de construction, JEUNE AFRIQUE
l’agroalimentaire, les transports et la logistique, la fabrication de panneaux photovoltaïques, l’hôtellerie et, bientôt, l’industrie pharmaceutique. Le groupe dispose de 15 filiales et unités de production, qui emploient 6 500 personnes et
réalisent un chiffre d’affaires de plus de 553 millions de dollars (plus de 514 millions d’euros). Coaché par le cabinet d’affaires E&Y, qui a effectué son audit, Condor se sent pousser des ailes. Avec le renforcement de l’équipe
de direction et l’arrivée de nouvelles compétences, notamment internationales, il vient de créer un département du développement commercial à l’international afin de partir à la conquête de nouveaux A.S. et F.A. marchés. N 0 2916 • DU 27 NOVEMBRE AU 3 DÉCEMBRE 2016
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Pas d’expansion sans internationalisation Leaders nationaux dans leur domaine, d’autres groupes de l’est du pays ont entrepris de poursuivre leur essor hors des frontières.
Général Emballage Issu d’une famille d’industriels qui avait à son actif la création de plusieurs grandes entreprises, Ramdane Batouche, 50 ans, est le PDG de Général Emballage (GE), qu’il a fondé en 2002. La société s’est rapidement imposée comme le leader du carton ondulé sur le marché algérien. Avec un effectif de 1 100 employés, trois Numéro un des yaourts en Algérie, Soummam exporte en Libye et en Mauritanie. sites de production couvrant l’est, l’ouest et le centre du pays et totalisant une capaSoummam national dans son domaine. Aujourd’hui, cité de production de 200 000 tonnes par le groupe dispose de 4 usines spécialisées Fondéeen1993parLounisHamitouche, an, l’entreprise réalise un chiffre d’affaires de 88 millions d’euros. « Si nous devons qui intègrent les lignes de production de self-made-man originaire d’un village du boissons et de préformes de bouteilles Djurdjura, la petite laiterie Soummam continuer à nous développer, il nous faut (depuis 1999, il fabrique ses propres nous internationaliser », estime Ramdane est devenue le numéro un du yaourt, des bouteilles via sa filiale General Plast), Batouche. crèmes dessert et du lait UHT en Algérie. Dans ses deux usines d’Akbou, en Basse et emploie 1800 personnes. Il table sur un Présente sur le marché tunisien depuis Kabylie, le géant de l’agroalimentaire chiffre d’affaires de 128 millions d’euros 2008, où elle y a réalisé un chiffre d’affaires de près de 2,5 millions d’euros en 2015, pour l’exercice 2016. emploie 1 618 personnes, produit 2 200 t Eaux minérales plates et gazéifiées, l’entreprise effectue également des expéde produits laitiers frais par jour et compte ditions vers la Libye depuis 2014, et elle diversifier son offre, notamment en se boissons fruitées, sodas premium sans lançant dans la production de fromage colorants ni conservateurs… Ifri propose vient de concrétiser ses premières opérafrais en 2017. tions vers la Mauritanie et vers l’Espagne. 85 références distribuées sur tout le territoire national et exportées en Tunisie, en Forte d’un chiffre d’affaires de 388 mil« Cette année, nous visons aussi le marché lions d’euros, dont 2,185 millions à français, où nous avons déjà l’export, pour l’exercice 2015, la société un embryon de représentaPour aider les industriels à se sent désormais à l’étroit en Algérie. tion, et nous avons établi exporter, l’État doit négocier « Nos capacités nous poussent à expordes contacts assez prometter », confirme Aziz Hamitouche, l’un teurs avec des opérateurs facilités, taxes et tarifs douaniers. des cogérants de l’entreprise. Depuis marocains. Notre objectif des années, Soummam exporte vers la est de réaliser 25 % d’exportations d’ici Libye, au Sénégal, en Arabie saoudite, en Libye, et depuis peu vers la Mauritanie. à 2020, car nos capacités de production France, au Royaume-Uni et au Canada Mais pour Lounis Hamitouche, PDG actuelles ne peuvent être absorbées par – où la diaspora algérienne est importante. fondateur de Soummam, les obstacles le marché algérien », estime Mohamed Depuis 2015, l’entreprise exporte à la fois Bessa, directeur de la communication desboissonsetdespréformesdebouteilles restent nombreux. « La première difficulté et du département exportation de GE. en Tunisie, et des négociations sont en vient de la taxe douanière, qui est de 30 % pour les produits algériens, alors qu’elle cours avec de nouveaux partenaires au n’est que de 18 %, par exemple, pour Maroc, en Mauritanie, en Belgique, en Ifri les produits tunisiens », regrette-t‑il. Il Espagne, au Luxembourg et à Dubaï. Les Fils de paysans originaires d’Ighzer prévisions de vente à l’export pour 2016 estime par ailleurs que les délais d’attente aux frontières sont trop longs pour des sont de l’ordre de 22 millions de dinars Amokrane, en Basse Kabylie, Laïd Ibrahim produits fragiles et périssables comme a ouvert sa première usine d’embouteil(186000 euros). « Le made in Algeria n’est pas encore reconnu sur la place mondiale, les laitages. Selon lui, l’État algérien doit lage d’eau minérale, Ibrahim et Fils (Ifri), en juillet 1996. Pionnière dans l’utilisaet le secteur est très concurrentiel, mais intervenir pour accompagner et aider tion des bouteilles en polytéréphtalate les industriels à exporter leurs produits nous avons un bon produit, une notoriété, et nous sommes connus d’un point de d’éthylène, la marque se diversifie très en négociant au mieux facilités, taxes et vue qualitatif », estime Frédéric Mizioui, tarifs douaniers. vite en produisant des sodas et des jus de le directeur général du groupe. AREZKI SAÏD fruits avant de s’imposer comme le leader N 0 2916 • DU 27 NOVEMBRE AU 3 DÉCEMBRE 2016
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OMAR SEFOUANE POUR JA
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Et si le bidon d’huile d’olive détrônait le baril de pétrole? L’agriculture doit permettre de sortir de la dépendance envers les hydrocarbures. Atteindre l’autosuffisance alimentaire, exporter le surplus… C’est le défi d’Abdelmalek Sahraoui et de Promo Invest.
A
LOUIZA AMMI
u milieu des années 1990, au cœur de la guerre civile, Abdelmalek Sahraoui a hérité de son père 1,5 ha de terres dans la région de Mascara (à 360 km à l’ouest d’Alger), réputée pour ses vignobles et ses vins corsés. Plutôt que de perpétuer la tradition familiale qui consistait à cultiver d’une manière presque artisanale la pomme de terre, l’oignon ou le pimiento largo de Reus (un poivron d’origine espagnole), Abdelmalek Sahraoui décida de mettre le paquet pour transformer ce petit lopin en un vaste projet industriel. Vingt ans après sa première incursion dans le monde des affaires, cet ingénieur en génie mécanique de 46 ans dirige avec ses frères trois holdings, spécialisés respectivement dans l’agriculture (Promo Invest), l’énergie (Petroser) et le tourisme, qui emploient au total 3 600 personnes et dans lesquels les Sahraouis comptent investir près de 500 millions d’euros au cours des cinq prochaines années. « L’agriculture est une véritable opportunitépourpasserdumodèleéconomique pétrolier vers une économie diversifiée, explique Abdelmalek Sahraoui, qui, dès potron-minet, nous reçoit dans son vaste bureau sur les hauteurs d’Alger. Nous
pouvons atteindre l’autosuffisance alimentaire dans les dix prochaines années et même dégager des surplus pour l’exportation. » Le défi est immense quand on sait que la facture du pays en produits agroalimentaires avoisine 10 milliards de dollars (environ 9,4 milliards d’euros) par an. Il est plus immense encore compte tenu du fait que les exportations algériennes hors hydrocarbures peinent à dépasser 1,5 milliard. Raisin de table, pommes Le groupe a noué des partenariats de terre, cerises, semences, avec des Espagnols, des Italiens, agrumes, céréales… Le groupe Sahraoui, via sa des Néerlandais et des Américains. filiale Promo Invest, est Sahraoui. L’Algérie pourrait être un pays aujourd’hui l’un des exploitants agricoles les plus importants du pays (dont émergent dans ce secteur et concurrencer les produits sont commercialisés sous la les autres producteurs du Maghreb et du bassin nord de la Méditerranée. Le rêve marque Slatna). Au cœur de ses activités : est permis… » la production d’huile d’olive. À Saïda, dans l’ouest du pays, 2 200 ha ont été réservés pour produire une huile d’olive locale de MAÏS. L’autre défi de Sahraoui consiste à grande qualité. « Nous mettons en terre défricher le Sahara, à l’instar de ce qu’ont 4 millions de plants chaque année, précise fait les grands exploitants américains dans l’ouest des États-Unis pour développer l’entrepreneur, qui a noué des partenariats avec des Espagnols, des Néerlandais, une agriculture intensive. Une gageure ? des Italiens et des Américains. Nous Pas tout à fait, si l’on en croit le PDG de envisageons l’extension de cette ferme Promo Invest. Depuis juillet 2015, son à 10 000 ha pour alimenter notre usine groupe a en effet acquis 26 000 ha dans la région de Timimoun (à 870 km au sud d’Alger), une oasis « de luxe » qui accueille des centaines de touristes locaux et étrangers. Dans cette zone désertique, en partenariat avec des entreprises américaines (AGCO et Valley Irrigation), on expérimente le développement des cultures fourragères avec des techniques modernes, notamment la gestion intelligente de l’irrigation via GPS. Objectif : produire annuellement 600000 tonnes de maïs et de luzerne. Dans la foulée, avec le concours des autorités, Abdelmalek Sahraoui envisage de faire construire une piste d’atterrissage en association avec une compagnie aérienne algérienne privée déjà présente sur les bases de Sonatrach. Du maïs qui pousse au-dessus des champs d’hydrocarbures, quoi de mieux pour amorcer la sortie du modèle rentier pétrolier ?
p Les trois holdings qu’il dirige avec ses frères emploient 3 600 personnes. JEUNE AFRIQUE
de trituration d’olives, avec une capacité de production de 20000 tonnes par an. Si nous fédérions nos activités avec d’autres producteurs nationaux, nous pourrions exploiter 1 million d’hectares et produire 2 millions de tonnes d’huile dans les dix prochaines années. » Le bidon d’huile pourrait-il un jour remplacer le baril de pétrole en ces temps de crise où l’Algérie est durement frappée par la chute des cours de l’or noir et, par conséquent, par la baisse de ses revenus en devises? « Cela représenterait un chiffre d’affaires de 100 milliards de dollars à l’horizon 2030, note Abdelmalek
FARID ALILAT N 0 2916 • DU 27 NOVEMBRE AU 3 DÉCEMBRE 2016
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