Burkina François Compaoré : « L’Histoire rendra justice à Blaise »
Cemac Comment sortir de la crise ?
HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 57e année • n° 2959 • du 24 au 30 septembre 2017
jeuneafrique.com
Dossier Afrique-France : le temps des PME
MAGHREB
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Dossier
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Afrique-France
INTERVIEW
Karim Sy
Fondateur de Jokkolabs
DR
STRATÉGIE
Letemps desPME N 0 2959 • DU 24 AU 30 SEPTEMBRE 2017
Conscientes des opportunités qu’offre le continent, de grandes entreprises hexagonales y prospèrent, mais les petites et moyennes entreprises peinent à suivre. De nouvelles perspectives semblent cependant s’ouvrir avec l’engagement du gouvernement français en matière d’aide aux financements. JEUNE AFRIQUE
INNOVATION
Thales s’enracine au Maroc dans les hautes technologies
D
JULIEN CLÉMENÇOT
epuis dix-huit mois, Bruno Mettling est en voie d’africanisation accélérée. Le nouveau patron des filiales africaines du groupe Orange, ancien DRH de l’opérateur passé par les cabinets ministériels français et le secteur bancaire, rattrape le temps perdu. Présent sur le terrain une semaine sur deux, il observe l’évolution du continent au travers du prisme des télécoms. En vingt ans, son groupe a multiplié le nombre de ses clients par 20 pour en compter désormais plus de 130 millions dans dix-neuf pays, de la JEUNE AFRIQUE
FINANCEMENT
Bpifrance met le cap au sud
DÉVELOPPEMENT
AGS-Mobilitas veut archiver le continent
Tunisie à Madagascar, de l’Égypte à la RD Congo. Et si Orange entend aujourd’hui se lancer dans la banque en France, c’est en grande partie grâce à sa réussite dans les services financiers au sud du Sahara. « Toutes les projections montrent que l’Afrique sera le continent clé pour la croissance du monde de demain », ne se lasse pas d’expliquer le dirigeant, impressionné par le dynamisme des pays subsahariens et conscient des possibilités qu’offre la démographie africaine. L’ancien inspecteur des finances s’impose naturellement parmi les ambassadeurs privilégiés de la nouvelle relation économique que la France cherche à nouer avec toute l’Afrique. Il est devenu président du conseil de chefs d’entreprise
Les Rencontres Africa, au Conseil économique et social, à Paris, en septembre 2016.
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Dossier Afrique-France France-Afrique de l’Ouest au sein du Medef, il représente Orange au sein du Conseil des investisseurs français en Afrique (Cian) et, depuis le mois dernier, est devenu coprésident d’AfricaFrance, la fondation créée sous l’impulsion du FrancoBéninois Lionel Zinsou. Comme d’autres avant lui, Bruno Mettling fait cependant le constat du recul de la présence hexagonale en Afrique. « Si la France a perdu 50 % de parts de marché en quinze ans, c’est qu’elle a un problème d’adaptation aux réalités africaines. Il y a sans doute des réflexions à conduire. Il faut réformer profondément la manière dont les entreprises françaises répondent à certains appels d’offres, notamment en matière de conditions de financement », estimait-il il y a quelques semaines, interrogé par RFI et Jeune Afrique. CONCURRENCE. Mieux répondre aux besoins
et aux attentes des États et des consommateurs africains, l’équation est dans toutes les têtes. Car, depuis plus d’une décennie, Chinois, Indiens, Turcs, Marocains et tant d’autres constituent une véritable concurrence face aux produits et aux services français. Frappé d’immobilisme à la fin des années 1990 et au début des années 2000, la France n’a que tardivement pris conscience qu’elle perdait de son influence, y compris dans les pays francophones, à mesure que la compétition se focalisait sur le terrain économique. Fin 2013, le rapport rédigé, entre autres, par Hubert Védrine et l’ex-Premier ministre du Bénin Lionel Zinsou officialise le retard pris par l’Hexagone. C’est en 2012, avec l’arrivée de Laurent Fabius au Quai d’Orsay, que le changement va commencer à s’opérer. Sous l’impulsion du ministre, son administration fait de l’appui aux sociétés françaises une de ses priorités en créant notamment une direction des entreprises. Depuis, ses successeurs font de la diplomatie économique un élément central de leur feuille de route. Le 28 août, en ouverture de la Semaine des ambassadeurs, Jean-Yves Le Drian a ainsi rappelé le rôle échu aux diplomates dans ce domaine : « L’ambassade doit être la première maison des entreprises françaises à l’international et le premier promoteur de la marque France. » Rencontré à l’occasion de cet événement, Frédéric Vaillant, dont l’entreprise Medasys, éditeur de logiciels destinés aux établissements de santé, travaille depuis cinq ans en Afrique, confirme l’importance du rôle des représentations françaises à l’étranger. « Les ambassadeurs sont très utiles pour cibler nos pays. Cela nous aide aussi à élargir notre réseau, à rencontrer les bons interlocuteurs », explique l’entrepreneur. « J’observe que, de plus en plus souvent, nous sommes consultés en amont par les sociétés qui veulent s’installer en Afrique et pas seulement en cas de crise », se félicitait également François Pujolas, ambassadeur en poste à Accra depuis 2015. N 0 2959 • DU 24 AU 30 SEPTEMBRE 2017
Mais, de l’aveu de plusieurs diplomates interrogés, quand Total, CFAO, Vinci ou Orange gagnent des marchés, les PME concrétisant leurs projets sur le continent restent quant à elles encore rares. Le nouvel ambassadeur de France en Algérie, Xavier Driencourt, note que les grandes entreprises françaises qui profitent de la croissance africaine jouent rarement un rôle de locomotive en invitant leurs partenaires hexagonaux à les suivre dans leur développement international. Sur le plan de l’accès aux financements, l’objectif fixé en juillet par Emmanuel Macron de porter l’aide aux pays en développement à 0,55 % du PIB français d’ici à 2022 – contre 0,38 % actuellement – est évidemment une bonne nouvelle. Une partie de ces fonds sera in fine injectée dans des projets réaliséspour partiepardes entreprises hexagonales. FINANCEMENTS. Proparco, filiale de l’Agence française du développement (AFD) dédiée au secteur privé, avait devancé l’annonce présidentielle en affichant, en début d’année, sa volonté de doubler ses engagements d’ici à 2020 en passant de 1 à 2 milliards d’euros. Dans la foulée, l’AFD et la Caisse des dépôts française (CDC) avaient aussi créé un fonds de 600 millions d’euros pour le financement d’infrastructures, un domaine où les multinationales hexagonales comptent parmi les leaders mondiaux. Autre instrument financier intéressant pour les PME françaises, le développement de solutions de crédit export gérées par Bpifrance et le lancement, par cette même filiale de la CDC, d’un fonds franco-africain de 77 millions d’euros, également souscrit par la Société générale, Orange et, à hauteur de 25 %, des sociétés africaines. Avec la garantie d’investir autant dans des sociétés françaises qu’africaines, ce véhicule financier géré par AfricInvest marque par ailleurs la volonté de Paris de tourner la page de la Françafrique en participant à l’émergence de champions continentaux. Autre bonne nouvelle, le désir du gouvernement d’être tenu informé des dossiers présentés pour dénouer les points de
Les membres du Medef reçoivent leurs homologues africains à l’occasion de l’African Employers’ Day, en septembre 2016, à Paris.
Avantage Medef Pour accompagner les entreprises françaises en Afrique, la Confédération des PME, présidée par François Asselin, devrait être en première ligne. Mais c’est le Medef de Pierre Gattaz, vitrine des groupes du CAC40, qui s’est paradoxalement imposé comme le porteétendard des sociétés hexagonales, y compris des petites et moyennes entreprises, emmenant chaque année plusieurs milliers de patrons français en Afrique francophone, anglophone et lusophone JEUNE AFRIQUE
ROMUALD MEIGNEUX/SIPA
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blocage. Objectif des autorités françaises : créer 95000 exportateurs supplémentaires, notamment sur les marchés africains. Si le dispositif français n’a sans doute jamais été aussi complet, le millefeuille constitué par les agences et les services de l’État impliqués sur ce sujet (Business France, Expertise France, AFD, Proparco, BPI, les ambassades…) rend l’efficacité de l’ensemble encore incertaine. « S’internationaliser implique des financements, mais également une gestion du risque et un changement d’organisation
managériale. C’est une stratégie qui implique préparation et patience », explique Pedro Novo, directeur des financements export de Bpifrance. Si celle-ci a déjà réalisé un travail de simplification des outils financiers, les procédures peuvent être améliorées. Le constat est encore plus vrai dans l’accompagnement des entreprises. Jean-Yves Le Drian le sait et entend bannir toutes les organisations en silos. « Je souhaite systématiser la coordination pour décloisonner notre stratégie de conquête des marchés », a expliqué le ministre. Afin d’y parvenir, il propose la création d’un premier guichet unique « d’entrée » dans les différentes régions françaises et d’un second guichet « de sortie » coordonné par les ambassades dans les pays cibles. Le volontarisme du gouvernement en matière de soutien aux investissements à l’étranger ravit évidemment le patronat. Public et privé coordonnent d’ailleurs leurs efforts pour aider les PME françaises à gagner des marchés sur le continent. Début octobre, la fondation AfricaFrance, avec le soutien de Classe Export, du Quai d’Orsay et de la Société générale, organisera à Abidjan, puis à Tunis et à Nairobi, la seconde édition des Rencontres Africa. Près de 300 chefs d’entreprise français devraient faire le déplacement pour prendre contact avec 2 000 homologues africains dans le but de mettre un frein au recul français en Afrique.
Le recul français La part de marché de la France en Afrique subsaharienne est passée de
9,7 % 4% en 2000 à
en 2016
Si dans la zone CFA cette part reste importante – 13,7% –, les positions françaises y enregistrent également un recul de 10 points. Sur cette même période, la Chine a vu sa part de marché passer de
3,7 % 17,8 %
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à
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Dossier Afrique-France INTERVIEW
Karim Sy
Membre du Conseil présidentiel français pour l’Afrique
« Les jeunes sont décomplexés et internet n’a pas de frontières » Innovation, nouvelles technologies, liens entre la France et l’Afrique… Le créateur cosmopolite de Jokkolabs, nouvellement nommé au sein du Conseil présidentiel pour l’Afrique, se livre sans détour à Jeune Afrique.
E
n 2010, à Dakar, un mois avant Ihub au Kenya, Karim Sy a fondé Jo k ko l ab s, p re m i e r espace de coworking consacré aux start-up en Afrique francophone. Aujourd’hui, ce réseau couvre neuf pays, dont la France, et l’enfant de Bamako est devenu une référence sur le continent dans le domaine de l’innovation. Son profil multiculturel – il a grandi au Mali, a étudié en France et au Canada et vit au Sénégal – et sa foi en une communauté de destin entre l’Europe et l’Afrique l’ont propulsé début septembre au sein du Conseil présidentiel pour l’Afrique créé par le chef de l’État français. Il n’en garde pasmoinssalibertédeton,appelant les entreprises hexagonales à être davantage à l’écoute des Africains pour nouer une relation pérenne.
les pays. On parle actuellement beaucoup du Kenya concernant la gestion des fichiers électoraux. Je connais bien la question pour l’avoir traitée au Sénégal [en qualité de coordinateur de la commission pour l’audit du fichier électoral]. En 2000, le président Abdou Diouf [battu par Abdoulaye Wade] a été le premier à ouvrir la porte pour nous laisser intervenir. Depuis, beaucoup d’autres nouveautés ont prouvé que le continent était capable d’innovations, à commencer par M-Pesa, la plateforme de services financiers lancée par Safaricom en 2007, qui au Kenya fait transiter près de la moitié du PIB du pays.
JEUNE AFRIQUE: L’économie numérique, en Afrique, se limite-t‑elle aux télécoms ? KARIM SY : Non. En Afrique
Une ambition, une vision… Le problème est d’avoir laissé les opérateurs de télécoms accaparer le débat sur le numérique. Cela paraissait sain parce que ces sociétés possèdent d’importants moyens financiers. Mais ces entreprises privées ne développent pas l’écosystème indispensable pour que l’économie digitale révèle son potentiel, même si elles y ont a priori intérêt. Aujourd’hui, il existe des initiatives – plus de 300 hubs technologiques sur le continent –, mais c’est insuffisant au regard des défis démographiques. Environ 300 000 jeunes arrivent chaque année sur le marché du travail au Sénégal, plus encore en Côte d’Ivoire. Face à cela, les capacités d’absorption du marché sont
comme partout dans le monde, toute l’économie est boostée par le numérique. Une transition s’opère, y compris dans les secteurs de l’économie traditionnelle comme l’agriculture ou l’industrie. À cela s’ajoute le développement de nouveaux usages qu’on désigne sous le terme d’ubérisation, c’est‑àdire le développement d’affaires en réseau où le service n’est plus distribué de manière centralisée. Le numérique bouleverse les rapports sociaux, l’accès à la culture et la gouvernance. Bien sûr, le continent ne revêt pas une seule réalité. Les maturités sont différentes selon N 0 2959 • DU 24 AU 30 SEPTEMBRE 2017
Que manque-t‑il aux start-up africaines pour passer un cap et s’imposer comme des acteurs économiques de poids ?
beaucoup trop limitées. L’autre écueil est d’avoir poussé beaucoup de jeunes à développer toutes leurs idées individuellement. Cela a en partie brisé la dynamique des communautés de développeurs. La compétition a appauvri le terreau collectif et exacerbé les ego. C’est paradoxal. Vous avez été l’un des premiers à créer un hub – Jokkolabs – pour aider au développement de projets et vous vous êtes associé à plusieurs prix et compétitions.
Ce qui fait la différence, c’est la bienveillance vis‑à-vis des porteurs de projet. Par exemple, quand la Société générale nous a approchés en 2015, sa direction
La compétition a appauvri le terreau collectif et exacerbé les ego. a fait preuve d’ouverture. Nous avons construit le programme ensemble. Bien sûr, il y a les prix, les photos, mais à l’arrivée trois filiales du groupe ont acheté les produits des lauréats. Les jeunes sont restés propriétaires de leurs solutions et ont été payés pour les déployer et assurer la maintenance. Un système de gestion de file d’attente a été mis en place au Ghana, un autre l’a été au Sénégal, tandis que la filiale du Burkina Faso a inauguré une agence digitale. S’ils sont bons, ces jeunes pourront vendre leurs projets dans les autres filiales, voire à d’autres banques. C’est très différent des incubateurs, où on prépare les start-up à se faire manger par de grands groupes, quand les jeunes ne sont pas paralysés par la peur de se faire voler leurs idées. JEUNE AFRIQUE
ÉLISE FITTE-DUVAL POUR JA
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Les jeunes générations que vous côtoyez dans les pays francophones entretiennent-elles encore un lien privilégié avec la France ?
Les jeunes sont décomplexés et internet n’a pas de frontières. Ils ne sont pas obnubilés par la France. J’ai rencontré un jeune qui a trouvé un financement pour aller suivre une formation donnée par le MIT au Guatemala. À son retour, je lui demande ce qu’il a appris, il me répond « rien ». Il avait tout lu sur internet. Mais il avait gagné un réseau. Ce que les jeunes regardent, c’est la qualité de la relation. Est-ce qu’il y a une tentative de domination ? Est-ce que les règles du jeu sont claires ? Dans ce contexte, les Américains sont plus pertinents et moins élitistes. Pas besoin de payer plusieurs milliers d’euros pour profiter du programme Young African Leaders Initiative et faire le tour des États-Unis.
Au Sénégal, l’opinion publique a vivement réagi quand l’opérateur Millicom a annoncé la vente de sa filiale à Xavier Niel plutôt qu’au Sénégalais Kabirou Mbodje. Les investisseurs français sont forcément soupçonnés de néocolonialisme…
C’est vrai que le débat tourne vite au nationalisme économique. Finalement, on ne s’intéresse pas aux projets. C’est l’illustration des liens complexes qui unissent la France et l’Afrique. Et les Français n’arrivent pas à dépassionner ces questions car ils méconnaissent le continent. Chez les jeunes, il n’y a pas le complexe de la colonisation, mais plein de sujets qui polluent la relation comme la difficulté à obtenir des visas, même quand les candidats présentent toutes les garanties. Il y a pourtant urgence à dépasser les clivages, car nous faisons tous face
Engagé au sein de l’initiative French Tech, lancée par Paris pour promouvoir les start-up françaises, l’entrepreneur est aussi impliqué dans le concours d’innovation Digital Africa, organisé par l’AFD.
à un avenir commun composé d’enjeux majeurs, à commencer par le réchauffement climatique. Aujourd’hui, nous sommes arrivés au rendez-vous du donner et du recevoir, comme disait Senghor. On doit être dans l’échange. Pour obtenir un respect réciproque, il faut aussi que les Africains se respectent eux-mêmes. Cela passe entre autres par une meilleure gouvernance et par la capacité à associer toute la population pour faire émerger des solutions. En étant nommé au Conseil présidentiel pour l’Afrique créé par Emmanuel Macron, vous êtes devenu un ambassadeur de la France en Afrique.
En quelque sorte. Après ma nomination, certains ne se sont pas privés de l’écrire sur les réseaux sociaux,parlantde«France-Afrique 2.0 ». Mais je ne m’exprime pas au nom de la France, et encore moins au nom du président. En mettant en place cette structure totalement inédite, Emmanuel Macron veut être en lien avec le terrain sans se contenter des réseaux classiques. Tous les trois mois, nous seront amenés à le rencontrer en personne. Il a la volonté de toucher du doigt les réalités du continent, où les jeunes représentent 60 % de la population. L’objectif est de nourrir la politique du président – pas d’en faire –, car la France connaît moins bien l’Afrique qu’auparavant. Propos recueillis par JULIEN CLÉMENÇOT
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Dossier Afrique-France
Inauguration du site en présence du ministre de l’Industrie (au centre), le 7 septembre.
THALES
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INNOVATION
Thales s’enracine au Maroc dans les hautes technologies Le groupe français d’aéronautique et de défense ouvre une usine d’impression 3D à Casablanca. Un investissement très apprécié par les autorités alors que l’industriel ne manque pas de projets dans le royaume.
L
’
industrie 4.0 en terre chérifienne signée Thales… Le ministre de l’Industrie, Moulay Hafid Elalamy, ne boudait pas son plaisir le 7 septembre lors de l’inauguration de la première usine du groupe au Maroc. Un site d’impression 3D de pièces pour l’aéronautique ou le spatial. « L’industrie mondiale est lancée dans une révolution technologique. Le Maroc veut participer à cette mutation et non se contenter d’opérations à faible valeur. Le partenariat avec Thales et cette usine en sont l’illustration », se réjouit-il. Pourtant, le site casaoui, à première vue, ne chamboulera pas l’industrie aéronautique marocaine et son milliard de dollars de chiffre d’affaires. Implanté sur 1 000 m 2 dans la zone franche Midparc, à proximité des usines Bombardier ou Stelia, filiale d’Airbus, Thales Impression 3D n’emploie qu’une dizaine d’ingénieurs. Plus que la taille, c’est le contenu N 0 2959 • DU 24 AU 30 SEPTEMBRE 2017
qui importe. Thales y a déployé des technologies dernier cri en « fabrication additive », le nom véritable de l’impression 3D. Le site sur lequel seront investis entre 15 et 20 millions d’euros intègre déjà deux machines laser – une dizaine à terme – du groupe américain 3D Systems (3DS), issues de sa filiale Phenix à Riom, en Auvergne. DESIGN COMPLEXE. Ces bijoux,
valant environ 1 million d’euros l’unité, fabriquent grâce à un faisceau laser des composants d’avion ou de satellite à partir de poudre d’aluminium ou de titane. « Cela permet de produire des pièces au design complexe irréalisables sinon », lance Jean-Claude Derbes, le directeur du site. Des modules de moins de 25 cm voués aux besoins de Thales, avant la quête de clients extérieurs. « Ce site 100 % connecté intègre aussi les technologies de l’industrie du futur, poursuit Jean-Claude Derbes, et notamment notre plate forme digital factory, tout juste
Un hub pour la cybersécurité Sept ingénieurs travaillent pour Thales sur ce sujet à Rabat. Au vu des commandes en cours, la direction prévoit d’employer au moins 20 personnes d’ici à un an. Marchés ciblés : les banques, les grandes entreprises comme OCP ou les administrations, et même les commissions électorales. Le coût horaire des ingénieurs marocains permet de présenter des offres aux pays africains. Thales a décroché un contrat au Mozambique et en espère d’autres à Madagascar et au Cameroun
lancée. » De vastes écrans dans l’usine tracent ainsi en direct les indicateurs de process. Les ingénieurs peuvent en outre affiner la maquette numérique des pièces en temps réel avec des bureaux d’études situés n’importe où dans le monde. « C’est la seule usine Thales de ce type dans le monde, indique Pierre Prigent, patron de Thales Maroc. Cela montre notre engagement envers le royaume. » De fait, le groupe, présent dans les télécoms jusqu’à son retrait de cette activité voilà quinze ans, s’enracine de plus en plus dans le pays. Un mouvement initié par un accord-cadre signé avec le royaume fin 2011 portant sur l’augmentation des achats au Maroc, les partenariats industriels, les transferts de technologie et la coopération universitaire. Le groupe a ainsi noué des liens avec l’université internationale de Rabat. Il accueille aussi trois thésards sur Midparc, dont l’un de l’INSA Euro-Méditerranée de Fès, une école dotée d’un laboratoire de fabrication additive. Les ingénieurs de Thales 3D ont pour leur part été formés durant presque un an en Europe. Quant à savoir si ce tropisme marocain est lié à des engagements pris vis‑à-vis du royaume, au vu des gros contrats impliquant Thales ces dernières années, le groupe dément vigoureusement. Pour rappel, le Maroc, où l’industriel a installé son siège pour l’Afrique en 2011, a pris livraison début 2014 d’une frégate Fremm fabriquée par DCNS dans laquelle les technologies Thales pesaient pour un tiers. « Le Maroc est avant tout un pays de croissance », soutient Pierre Prigent… sans dévoiler son niveau d’activité. Le groupe a par exemple remporté auprès de l’office des chemins de fer l’équipement en GSM-R du TGV avec Huawei, un marché de 30 millions d’euros. Il a aussi réalisé la billetterie du tramway de Casablanca (mais vient de perdre son extension face à Xerox) et s’impose comme partenaire régulier de l’Office national des aéroports. PIERRE-OLIVIER ROUAUD JEUNE AFRIQUE
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FINANCEMENT
Bpifrance met le cap au sud Avec ses solutions de crédit et d’assurance, la banque d’investissement s’impose comme un interlocuteur central pour les entreprises candidates à l’international.
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es entreprises françaises ne doivent pas rater l’Afrique comme elles l’ont fait globalement avec l’Asie il y a vingt ans », prévient Pedro Novo, directeur des financements export de Bpifrance, la banque publique d’investissement créée en 2012. Le financier sait que la partie est loin d’être gagnée. Les PME hésitent très souvent à franchir la Méditerranée pour conquérir de nouveaux marchés. Mais Pedro Novo demeure optimiste. « Nous sommes à la veille d’un big bang. Notre boîte à outils pour accompagner les entrepreneurs dans leur développement international fait de BPI un guichet intégré mariant financement et accompagnement », insiste-t‑il. Depuis le 1er janvier, Bpifrance a par exemple intégré à ses services les garanties publiques à l’export que Coface proposait pour le compte de l’État depuis sa création, en 1946. Actuellement, son offre principale est toujours le prêt de croissance international créé en 2013. Il a vu ses engagements grimper de 50 % l’an dernier pour atteindre plus de 700 millions d’euros, dont environ 100 millions à destination de projets menés en Afrique. L’année en cours devrait présenter des résultats identiques. Des fonds, plafonnés à 25 millions par projet, qui permettent de financer des frais d’installation à l’étranger, voire une acquisition. Ils facilitent également la levée de montants auprès des banques commerciales traditionnelles. Si ces engagements sont encore trop modestes, concède Pedro Novo, le banquier met aussi en avant le crédit export, qui, depuis 2015, offre aux entreprises exportatrices la possibilité de proposer des solutions de financement à JEUNE AFRIQUE
leurs clients étrangers, et donc de conclure des ventes. « Sur un total de 250 millions d’euros, la moitié concerne l’Afrique », détaille Pedro Novo. Implanté en Alsace, Mecatherm, spécialisé dans les lignes de fabrication de pain, a ainsi pu vendre son matériel au Mozambique. La PME Contirep, qui construit des transformateurs électriques, a également profité de cette solution pour conclure un accord avec la société malienne Kama. Désormais, son partenaire Mamadou Sacko travaille directement avec Bpifrance pour structurer de nouveaux financements. FONDS D’INVESTISSEMENT. La banque publique a aussi annoncé en janvier la création d’un fonds d’investissement de 77 millions d’euros pour une durée de dix ans en partenariat avec un pool d’investisseurs français et africains. L’objectif est d’accélérer la croissance de PME innovantes ayant des projets sur les deux continents. L’étude des premiers dossiers a
débuté en juin. Si le dispositif n’a jamais été aussi complet, il reste maintenant à le faire mieux connaître. Pour ce faire, Bpifrance dispose d’environ 600 conseillers répartis sur l’ensemble de l’Hexagone, mais également d’un bureau
« Sur un total de 250 millions d’euros de crédits export, la moitié concerne l’Afrique. » PEDRO NOVO, directeur des financements
Proparco, naturellement complémentaire « Nos ADN sont proches. Des occasions de collaborer avec la filiale de l’AFD vont se multiplier, notamment pour le financement des partenaires locaux », estime Pedro Novo
en Côte d’Ivoire et prochainement de deux autres représentations au Kenya et en Afrique du Sud. Elle organise par ailleurs des roadshows sur le continent. Début octobre, une dizaine de PME seront embarquées à Abidjan puis à Tunis et à Nairobi à l’occasion des Rencontres Africa 2017, lancées par la fondation AfricaFrance. Plus de 2 000 entreprises africaines sont attendues, et parmi elles sans doute de bons contacts pour les patrons français. JULIEN CLÉMENÇOT
PASCAL SITTLER/REA
L’établissement dispose de 600 conseillers pour faire connaître ses solutions. N 0 2959 • DU 24 AU 30 SEPTEMBRE 2017
Dossier Afrique-France DÉVELOPPEMENT
AGS-Mobilitas veut archiver le continent Déménageur à l’origine, le groupe français s’est lancé dans la numérisation de données publiques et privées ainsi que d’œuvres patrimoniales. Le Sénégal et le Zimbabwe lui font déjà confiance.
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ans vingt ans, se souviendra-t‑on que notre métier o r ig i n e l é t a i t déménageur ? » se demande avec ironie Alain Taieb, président du conseil de surveillance du groupe français AGS-Mobilitas. Implantée depuis 1993 sur le continent, où elle est désormais présente dans les 54 pays, la société de déménagement de particuliers et d’entreprises fondée en 1974 entame une mue lente et profonde. « Bientôt le déménagement ne sera plus qu’une composante de nos activités », poursuit-il. Partant du constat que la plupart des expatriations qui se passent mal le doivent plus aux conditions d’installation qu’à la nature des missions elles-mêmes, le groupe proposait déjà un service de relocation permettant de trouver un logement, une école pour les enfants, etc., notamment à des personnels d’Orange, de MTN ou encore de la BAD. Mais le virage le plus important pris par le logisticien – qui réalise 40 % de son chiffre d’affaires, soit 300 millions d’euros, en Afrique – concerne le stockage et la numérisation de données publiques ou d’entreprises. « Vu l’ampleur de la tâche, cela devient l’axe prioritaire de notre développement. Nous aurons peu de temps pour réaliser autre chose », confesse Alain Taieb. Après la création d’un lieu d’archivage, Mobilitas assiste ainsi depuis juillet l’Agence de l’informatique de l’État (ADIE) du Sénégal dans la numérisation de ses données et la digitalisation N 0 2959 • DU 24 AU 30 SEPTEMBRE 2017
MOBILITAS
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des procédures urbanistiques. Un citoyen n’aura ainsi plus besoin de se rendre en mairie pour demander un permis de construire. Un travail est aussi mené avec l’université Cheikh-Anta-Diop de Dakar pour former des archivistes. Grâce à l’acquisition de la société bordelaise Arkhênum en 2016, connue pour avoir scanné une partie des manuscrits de Tombouctou et une toile de sarcophage méroïtique au Soudan, Mobilitas participe en outre à la numérisation des archives de la guerre d’indépendance au Zimbabwe. ESPACE. Mobilitas se voit offrir ses solutions d’archivage dans une trentaine de pays africains et recense déjà des opportunités au Niger, au Rwanda, en Tanzanie, au Kenya et en Ouganda. Dans le but d’en devenir le plus gros opérateur, le Français a inauguré en mai une plateforme logistique en Afrique du Sud qui s’étend sur 8 ha près de l’aéroport OliverReginald-Tambo, dans la région de Johannesburg. L’archivage numérique et physique y côtoie l’entreposage de vins et de produits sensibles comme la gestion automatisée de conteneurs de déménagement. Dans quatre ans, d’autres centres du même type devraient ouvrir
La société souhaite créer des centres d’archivage dans une trentaine de pays africains.
en Côte d’Ivoire, au Sénégal et au Kenya. Ce qui réclame de l’espace. Car « si 1 000 m2 d’entrepôts sont consacrés au déménagement, 3 000 m2 sont nécessaires à l’archivage ». Et des moyens pour financer ces nouvelles installations et technologies coûteuses (le prix d’un scanner peut atteindre 200 000 euros). « Pour faire 1 million d’euros de chiffre d’affaires, il faut investir 1 million », ajoute le président. En discussion avec de nombreux partenaires financiers, notamment sud-africains et ghanéens, Mobilitas attend que
« Pour faire 1 million d’euros de chiffre d’affaires, il faut investir 1 million. » ALAIN TAIEB, président du conseil de surveillance
Proparco lui débloque une ligne de crédit supplémentaire de 8 millions d’euros. La filiale de l’AFD lui a déjà prêté 15 millions d’euros en 2014. D’ici à dix ans, Alain Taieb espère que cette nouvelle activité lui aura permis de doubler son chiffre d’affaires actuel (300 millions d’euros). Une hausse d’activité qui devrait aussi se traduire par un triplement de ses effectifs, aujourd’hui de 2 800 employés. RÉMY DARRAS JEUNE AFRIQUE
Le Réseau JA Delmas est fier de célébrer 8 5 a n s d e p a r t e n a r i a t a v e c C a t e r p i l l a r. Nous remercions tous nos clients de leur confiance.
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