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selon le Consortium pour la recherche économique et sociale (Cres) de Dakar, soit environ 45 % de la population. Le programme d’actions prioritaires inscrit dans le Plan Sénégal émergent (PSE) 2014-2018, censé remplir ses objectifs à l’horizon 2035, repose sur une transformation structurelle de l’économie. Son objectif est d’accélérer l’industrialisation de façon que le pays transforme localement les produits de base, crée de la valeur ajoutée et des emplois. Cette stratégie suppose que soit mise en œuvre une série de réformes permettant notamment la formation de ressources humaines de qualité et adaptées et le développement d’un environnement des affaires favorable à la naissance d’un tissu de PME solide, à la mobilisation des investissements nationaux et étrangers. PÔLE INDUSTRIEL. L’une des voies

choisies par l’État pour y parvenir a été de relancer la création de zones économiques spéciales intégrées. Ce n’est pas un coup d’essai, puisque Dakar a accueilli sa première zone franche industrielle (ZFI) en 1974, mais sans obtenir les résultats escomptés. Plusieurs sites sont en cours d’aménagement pour former la zone économique spéciale de Dakar. Si les chantiers ont pris du retard et la « zone économique intégrée de Diass », jouxtant le nouvel aéroport international BlaiseDiagne, est encore à l’état embryonnaire, non loin de là, à une quarantaine de kilomètres de la capitale, le premier pôle de la plateforme industrielle intégrée de Diamniadio (P2ID) est fin prêt, selon Aliou Mara, administrateur délégué des zones économiques spéciales au sein de l’Agence sénégalaise de promotion des investissements et grands travaux (Apix). La P2ID est un partenariat entre les gouvernements sénégalais et mauricien, via le Fonds souverain sénégalais (Fonsis) et le Mauritius Africa Fund. La première phase du parc (13 ha sur 53 ha à terme) a nécessité un investissement de 25 milliards de F CFA (plus de 38 millions d’euros). Une trentaine d’entreprises locales et étrangères devraient s’y installer dès l’année prochaine, parmi lesquelles le groupe textile chinois C&H Garment Company, qui a réservé un terrain pour y implanter son usine, dans laquelle il prévoit d’investir 25 millions de dollars (21 millions d’euros) et de créer 2 000 emplois directs. AMADOU OURY DIALLO JEUNE AFRIQUE

N O 2960 • DU 1ER AU 7 OCTOBRE 2017


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Dossier

Ciel africain

CHINE

Le grand bond en avant d’Ethiopian

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Multiplication de lignes, nouveaux appareils… Avec la croissance des échanges économiques, l’empire du Milieu offre la promesse d’un développement exponentiel à la compagnie africaine.

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JEUNE AFRIQUE


INTERVIEW Jean-Paul Boutibou Vice-président des ventes Afrique et Moyen-Orient de Bombardier

P

RÉMY DARRAS,

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Somaskaran Thiagarajan Appavoo Directeur général d’Air Mauritius

envoyé spécial à Pékin, Shanghai, Canton, Chengdu et Shenzhen

ékin, Shanghai, Canton, Hong Kong et depuis mai dernier Chengdu. Pour Ethiopian Airlines, en Chine, il ne saurait y avoir de cité interdite. Après avoir lancé sa cinquième destination chinoise, Yared Berta, directeur régional d’Ethiopian Airlines, voit loin, du haut de sa tour qui domine Jianguomenwai, l’une des plus célèbres artères de la capitale de l’empire du Milieu. Avec 35 vols de passagers par semaine, directs et quotidiens (à l’exception de Chengdu, opéré avec trois fréquences), et 15 vols cargo, la Chine constitue le plus gros marché de la compagnie en dehors de l’Afrique. Elle est d’ailleurs l’une des plus anciennes à la desservir, opérant dans le pays depuis 1973. Mais c’est un nouveau grand bond en avant qu’entend y accomplir le géant des airs éthiopien,

JEUNE AFRIQUE

PORTRAIT

« stimulé par un trafic qui a crû en 2016 de 13 % par rapport à l’année précédente (soit 760 000 passagers transportés) et qui devrait progresser au même rythme durant les prochaines années », indique Yared Berta. « Une bonne partie des 62 nouveaux appareils commandés par Ethiopian dans le cadre de notre plan Vision 2025 serviront d’ailleurs à pourvoir à ce marché », assure à Jeune Afrique depuis Addis-Abeba son directeur général, Tewolde GebreMariam. Pour Yared Berta, le potentiel est là : « Avec 1,4 milliard d’individus en Chine et 1 milliard en Afrique, cinq destinations, c’est encore trop peu. » En plus du passage prochain à deux vols

Une équipe d’Ethiopian Airlines devant un A350 de la compagnie, à Pékin, en mai.

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ETHIOPIAN AIRLINES

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quotidiens pour Shanghai (les discussions sont en cours avec l’aviation civile chinoise), ce sont trois routes supplémentaires que la compagnie inaugurera dans les mois à venir. Avant Chongqing, dans l’Ouest, et Zhengzhou, dans le Centre, c’est à Shenzhen qu’Ethiopian devrait poser ses ailes. Incontournable, avec sa zone économique spéciale et son mégaport caractéristiques de la politique d’ouverture du président Deng Xiaoping inaugurée en 1989, cette ville du Sud-Est s’impose aujourd’hui comme la Silicon Valley chinoise, abritant notamment les sièges de Huawei et de ZTE. « Ce sera néanmoins un vrai défi d’y capter du trafic, car la ville se trouve à proximité de Canton et de Hong Kong », admet Mehari Assefa, directeur d’Ethiopian à Canton, qui se remémore la fermeture de Huangzhou, trop proche de Shanghai. Plus qu’optimiste, Yared Berta indique : « Nous observons les entreprises ayant des intérêts en Afrique, leur croissance potentielle et le trafic que celle-ci pourrait générer. Nous étudions tous les paramètres. Dès qu’une possibilité se dégage, nous n’attendons pas, nous ouvrons tout de suite la ligne. » Objectif à terme : connecter l’ensemble des grands centres d’activités commerciales et industrielles chinois avec l’Éthiopie ainsi qu’avec le continent africain. C’est ainsi qu’a été choisie Chengdu, capitale de la province du Sichuan, où sont situées les branches de plus de 260 entreprises du classement Fortune des 500 plus grandes entreprises N 0 2960 • DU 1ER AU 7 OCTOBRE 2017

La compagnie attire à la fois des hommes d’affaires et des touristes chinois.

Ethiopian a ouvert un centre d’appels en mandarin et une plateforme d’achat sur WeChat.

mondiales. La ville produit de nombreuses machines-outils exportées vers l’Afrique. Y est notamment installée l’usine automobile Dongfeng, qui produira jusqu’en 2018 le nouveau pick-up que Peugeot destine aux marchés du Maghreb et d’Afrique de l’Ouest. Des sociétés que l’Éthiopie a su attirer « grâce à de bonnes infrastructures et à une énergie à bas coût », se félicite Wang Le Jun, directeur général de Shangtex, l’un des clients réguliers de la compagnie. Une entreprise qui fabrique 24 millions de vêtements par an, notamment pour Zara, Lacoste et Adidas. Pourtant, le développement des transactions commerciales et industrielles n’a pas été le seul motif d’ouverture de la ligne. Avec ces dernières a aussi progressé le nombre de programmes d’échanges entre universités africaines et chinoises. Pas moins de 750 étudiants africains sont ainsi inscrits à l’université de Chengdu. Une des cartes majeures dans le jeu d’Ethiopian Airlines pour capter ces segments de clientèle réside avant tout dans l’attractivité de son hub d’Addis-Abeba, qui permet aux passagers de rejoindre facilement 56 destinations africaines, sur les 95 que détient la compagnie dans le monde. Un atout que regardent avec attention les entreprises désirant s’installer sur le continent. « À l’avenir, nous souhaitons exporter mondialement nos marchandises produites en Afrique. Quand vous créez une usine, il faut considérer le marché sur lequel vous exportez, ainsi que la logistique », souligne le responsable de Shangtex. Les vols en provenance de la Chine arrivent à destination tôt le matin pour permettre au voyageur d’accéder plus facilement à sa correspondance et de ne pas devoir attendre une journée – ce qui peut être le cas sur la grande plateforme concurrente de Kenya Airways à Nairobi, qui relie quant à elle la capitale à 54 villes du continent. MILLIONS DE VISITEURS. Pour soigner cette nou-

velle clientèle, outre des menus chinois proposés à bord et l’embauche de 48 hôtesses et stewards chinois, Ethiopian Airlines a ouvert un centre d’appels en mandarin, une plateforme d’achat sur l’application WeChat, très utilisée en Chine, ainsi qu’un comptoir d’assistance à l’aéroport d’Addis-Abeba, détaille Yared Berta. Il est possible depuis juin d’obtenir son visa pour l’Éthiopie en ligne. De quoi attirer aussi des touristes chinois, l’autre vivier de croissance sur lequel mise la compagnie. Il suffit en effet de se rendre à la Grande Muraille de Chine ou d’arpenter le parc du Centre de recherche sur les pandas de Chengdu pour s’en convaincre. Les infrastructures touristiques de l’empire du Milieu sont aujourd’hui beaucoup trop sous-dimensionnées pour faire face à un afflux de vacanciers chinois. Le nombre de visiteurs atteint désormais 121 millions, contre 31 millions en 2005. JEUNE AFRIQUE


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Dossier Ciel africain Signe de l’attrait pour l’Afrique des touristes chinois, « il n’y a plus de basse ou de haute saison pour les safaris, la demande est constante toute l’année. En dépit du manque de facilités touristiques, l’Afrique est suffisamment grande pour absorber une bonne partie de la demande chinoise », note Gabury Ye, directeur Afrique et Moyen-Orient de l’agence shanghaïenne China International Travel Service (CITS), présente depuis vingt ans sur le continent et qui s’appuie sur le réseau d’Ethiopian Airlines. « C’est l’une des seules compagnies à pouvoir répondre à cette demande avec Kenya Airways, alors qu’il existe 20 choix de vols entre Paris et Shanghai », regrette Gabury Ye. À l’occasion de la fête de l’Indépendance, le 1er octobre, période propice au tourisme, CITS n’a pas manqué d’inscrire l’Afrique à son catalogue, avec des destinations phares comme Maurice, l’Éthiopie, le Kenya, l’Afrique du Sud, le Zimbabwe, la Tunisie, le Maroc, l’Égypte, la Namibie, la Zambie et le Botswana. Proposant désormais 20 circuits en Afrique, le tour-opérateur China Travel Service (CTS), aux allures de conglomérat avec ses agences de voyages, ses 130 hôtels dans le monde, ses duty free, ses parcs d’attractions, ses navires de croisière, ses golfs ainsi que ses centres d’obtention de visa, profite d’Ethiopian Airlines pour offrir le tour du monde à ses clients. CONTRASTE. C’est ainsi que ses séjours organisés s’arrêtent à Lomé, après Addis et avant de rejoindre Sao Paulo. Une ligne directe d’Ethiopian, en partage de code avec sa filiale Asky, est opérationnelle depuis mai 2016. Cependant, la croissance du trafic ne va pas en sens unique. « Nous étudions aussi quelles destinations peuvent intéresser les Africains, dans quelle partie de la

Un second terminal cargo Huit Boeing 777 à la fois. C’est ce que peut accueillir sur son parking le nouveau terminal cargo d’Ethiopian Airlines, opérationnel depuis septembre à l’aéroport d’Addis. Souhaitant rivaliser avec les terminaux d’Amsterdam Schiphol ou de Singapour, se targuant d’être le plus grand d’Afrique, ce second terminal d’Ethiopian pourra traiter 600 000 tonnes par an de marchandises, portant ainsi les capacités de la compagnie à un million. Il comprend différentes aires consacrées à l’exportation de fruits et légumes, de fleurs et autres denrées périssables qu’il peut maintenir à différents degrés de fraîcheur grâce à ses chambres froides.

Chine ils pourraient faire des affaires », rétorque Yared Berta. Le contraste est d’ailleurs saisissant. Car la clientèle est presque exclusivement chinoise à destination de Pékin et de Shanghai, composée d’hommes d’affaires, d’investisseurs, d’employés d’entreprises d’État ou de sociétés privées… Mais depuis Canton et Hong Kong elle est en revanche quasi uniquement composée d’importateurs africains. Des passagers Platinum qui viennent parfois jusqu’à une fois par mois pour faire le plein de vêtements et de produits électroniques qui se retrouveront sur les étals des nombreux marchés du continent. RIPOSTE. Afin de répondre à la croissance de cette

demande, la compagnie éthiopienne envoie six fois par semaine ses Boeing 777 de grande capacité entièrement consacrés au cargo. Quarante pour cent des volumes vont au Nigeria, 40 % vers l’Afrique francophone, et le reste part en Afrique de l’Est. La desserte passagers de Canton passera à dix vols hebdomadaires à la mi-octobre lors de la traditionnelle foire de la ville, la plus grande du pays. En 2016, ces trois fréquences supplémentaires avaient déjà été testées, mais suspendues au bout de trois mois à cause de la chute du prix des matières premières, qui a affecté les économies africaines. Les responsables régionaux d’Ethiopian prévoient de doubler à l’avenir les capacités de l’activité cargo. Car la concurrence est rude sur ce créneau. À Canton, la compagnie éthiopienne n’est pas la seule à avoir ouvert plusieurs guichets et un entrepôt consacrés à l’expédition de marchandises. D’autres géants des airs comme Emirates, Qatar Airways, Turkish Airlines, Egyptair et Kenya Airways ont perçu le potentiel immense de clientèle et ripostent en envoyant eux aussi leurs plus gros porteurs.


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Dossier Ciel africain INTERVIEW

Jean-Paul Boutibou

Vice-président des ventes Afrique et Moyen-Orient

« Bombardier est devenu beaucoup plus agressif en Afrique » Dans un secteur où la concurrence s’est accrue ces dernières années, l’avionneur canadien ambitionne d’équiper un maximum de compagnies aériennes au sud du Sahara. Et regarde vers le Maghreb.

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n poste depuis avril 2016, Jean-Paul Boutibou a réorienté depuis Dubaï la stratégie commerciale de l’avionneur en Afrique. L’accent n’est désormais plus mis sur l’avion moyen-courrier CSeries (100-150 sièges), mais sur le turbopropulseur Q400 (68-78 sièges), qui lui sert de produit d’appel. Dans son viseur, des dizaines de compagnies plus intéressées par les liaisons régionales que par des liaisons long-courriers.

JEUNE AFRIQUE: Depuis votre arrivée en avril 2016, vous avez fait du Q400 le fer de lance de la stratégie commerciale de Bombardier en Afrique. Pourquoi ce dernier n’a-t‑il pas procédé ainsi plus tôt ? JEAN-PAUL BOUTIBOU : Pour

Bombardier, le CSeries était un nouveau produit dont il fallait augmenter les cadences de production afin de développer le marché. Nous avions perdu de vue que le Q400 était un avion dédié au marché africain. Nous aurions dû être bien plus présent avec ce produit. Il peut aider les compagnies à « apprendre à marcher » et à se structurer sur le marchédomestiqueetrégional, afin d’attirer du trafic sur un hub, et à se déployer ensuiteavecungros-porteur. Cetaviond’entréedegamme nous permet maintenant de discuter avec Air Burkina, Camair-Co,CongoAirways,lafuture Air Tchad, Air Tanzania… Autant de compagnies qui supportent des conditions d’opération difficiles N O 2960 • DU 1ER AU 7 OCTOBRE 2017

Nommé en 2016, il fut auparavant directeur des ventes Afrique et MoyenOrient d’Airbus.

BOMBARDIER

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et avec qui je n’évoquerais pas le CSeries. Nous continuons bien sûr de promouvoir celui-ci là où le produit répond à la demande. En septembre 2016, vous envisagiez de doubler d’ici à 2018 votre présence en Afrique. Êtes-vous sur la bonne voie ?

Nous avons accru significativement le nombre d’opérateurs en Afrique. Nous travaillons actuellement sur des projets avec Air Madagascar, en Angola, en Zambie… Mon objectif est de plan-

Mon objectif est de planter notre drapeau partout. ter le drapeau de Bombardier partout. Nous pensions écouler jusqu’à huit unités chez Jambojet, la filiale à bas coûts de Kenya Airways. Le comité exécutif de Kenya Airways,

qui remet actuellement à plat son plan de flotte, pourrait en commander le double ! Ils se rendent compte que le Q400 opère de manière beaucoup plus efficace que les ATR de Precision Air (filiale à 49 % de Kenya Airways) et qu’il s’intègre mieux à leur flotte de 737 qu’un Embraer 190. Kenya Airways va peut-être se retrouver avec plus d’une vingtaine de Q400… Avec un trafic qui tend à progresser de plus en plus sur les liaisons régionales, la concurrence est devenue vive en Afrique entre Bombardier, ATR et Embraer sur les marchés des turbo- et bipropulseurs. Qu’est-ce qui fait votre différence ?

Le marché est plus concurrentiel, notamment du fait de la présence plus importante et du caractère plus agressif de Bombardier. Cependant, si l’ATR72 répond à certaines parties du marché que nous couvrons, JEUNE AFRIQUE


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Dossier Ciel africain l’inverse n’est pas vrai. à partir d’un certain rayon d’action, d’une certaine altitude, d’une certaine température, leur produit devient limité. Notre avion est plus grand, va plus loin, ses moteurs sont plus puissants, sa capacité d’emport cargoestbeaucoupplusimportante. Sa double porte offre une montée à l’avant et à l’arrière et une configuration en deux classes, ce qui le positionne en complément des plus gros jets. Totalement autonome, il peut générer l’énergie nécessaire pour rallumer les moteurs, afin de rafraîchir la cabine et de supprimer l’humidité ambiante. Cet avion offre la possibilité par exemple à Congo Airways d’opérer dans des régions où il n’existe aucune structure d’accueil.

division aviation d’affaires. Par le passé, dans le cadre de leur projet d’expansion, ils avaient déjà opéré un CRJ200. Mais leurs difficultés financières ont empêché la finalisation de leur plan de flotte. À la suite de sa récente mission, Boeing Consulting leur a recommandé nos Q400 en complément de leur flotte actuelle et en remplacement de leurs avions chinois. Nous réfléchissons avec eux à des offres.

Pourtant, Air Sénégal a préféré acheter en juin dernier deux ATR 72 pour son lancement…

Ethiopian Airlines, qui exploite 18 Bombardier, attend cinq Q400. Quelle place cette compagnie tientelle dans votre stratégie ?

Air Sénégal n’était pas structurée, au moment des discussions, pour absorber un CSeries qui de toute façon ne pouvait pas leur être livré danslestemps.Commeleurobjectif consistait à couvrir le marché du Sénégal, ils ont choisi de prendre un ATR, moins cher. C’est un choix légitime que je respecte. Mais cette voie ne leur permettra pas à terme derejoindreBamakoouConakry.Ils seront obligés d’acquérir un avion plus gros, plus cher. C’est un risque qu’ils ont pris. Nous avons essayé de les convaincre, nous avons échoué. Mais nous sommes toujours prêts à travailler avec eux. Suivez-vous aussi votre fidèle client Rwandair, qui souhaite créer une compagnie au Bénin ?

Nous avons intégré le projet. Rwandair veut déployer deux 737 pour le démarrage de cette compagnie,dontnousobserveronsl’évolutionetquenousconseilleronsquant au développement de sa flotte. Camair-Co va acquérir prochainement deux Bombardier. Elle tente actuellement de relever la tête. N’est-il pas plus dur d’accompagner ce type de compagnies ?

Bombardier était déjà en relation avec Camair-Co au travers de sa

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En vue du renforcement de sa flotte avec 38 appareils, Egyptair pourrait-elle devenir une de vos autres bases à l’instar d’Ethiopian?

Ethiopian Airlines s’impose comme notre meilleur ambassadeur en Afrique.

Depuis sept ans, c’est notre plus gros opérateur africain, notre base centraledemaintenanceenAfrique. Il s’impose comme le meilleur ambassadeurpourdéveloppernotre présence sur le continent. Il dispose de facilités pour bénéficier de toutes les pièces et de toutes les formations nécessaires.Chaquefoisqu’unQ400 est vendu en Afrique, une compagnie fait appel à Ethiopian Airlines pour son entretien.

Celle-ci souhaite développer d’autres hubs régionaux en Afrique centrale et au Sahel, en dehors de Lomé et de Lilongwe. Comment souhaitez-vous l’assister ?

Nous comptons sur Ethiopian Airlines pour pénétrer ces marchés un peu plus complexes du point de vue du financement, ces compagnies n’ayant ni l’expérience ni les capitaux pour se développer. Quand Ethiopian s’étend sur un marché, elle noue un partenariat avec des sociétés aériennes, les avions sont déjà budgétés au travers d’Ethiopian. Si la future Air Tchad par exemple décidait d’acquérir des appareils sans partenaire, ses conditions seraient beaucoup moins intéressantes qu’avec l’appui d’Ethiopian Airlines.

Nous saurons prochainement s’ils nous font confiance. Egyptair offreunexcellentsupporttechnique et industriel aux gros-porteurs et aux avions de milieu de gamme d’Airbus et de Boeing. Si Egyptair devient notre client, son intention sera de développer les compétences techniques pour subvenir à ses besoins. Alors qu’Ethiopian Airlines attire tous les clients subsahariens, Egyptair a une position plus prédominante sur les compagnies du nord de l’Afrique et du Moyen-Orient. La vente de services techniques et de formations est une source non négligeable d’activités pour les compagnies aériennes. C’est aussi pour vous un moyen de vous rapprocher du marché maghrébin ?

Un marché en plein essor d’ici à vingt ans

+4,6% Le taux de croissance du trafic régional en Afrique

× 2,4

La multiplication de la flotte des 60-150 sièges

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Le nombre d’avions régionaux dont le continent aura besoin SOURCE : PRÉVISIONS DE MARCHÉ 2017-2036 DE BOMBARDIER AVIONS COMMERCIAUX

Royal Air Maroc, Tunisair, Air Algérie sont venus vers nous ; et nous sommes allés vers eux. Ce sont des compagnies matures qui opèrent la gamme des moins de 150 sièges. Ils ont pris des avions disponibles au moment où ils en avaient besoin. Nous sommes en discussion avec eux pour leur offrir des appareils plus adaptés à leurs opérations et beaucoup moins chers. Avec vos appareils, comment comptez-vous rogner sur les parts de marché des plus petits Airbus et Boeing ?

Airbus et Boeing étendent actuellement leur gamme vers le marché des avions de 200 places. L’A321 et les 737-9 et 10 sont les modèles qui marchent le mieux chez ces deux constructeurs. Mais ces avions qui volaient en Afrique n’étaient pas les plus adaptés pour faire du 120-200 places, c’étaient des avions dérivés donc non optimisés. Il existe un vide sur ce marché-là. C’est pourquoi nous nous sommes positionnés volontairement avec le CSeries, bien plus adapté économiquement à ce créneau. Propos recueillis par RÉMY DARRAS JEUNE AFRIQUE



Dossier Ciel africain PORTRAIT

Vent favorable pour le nouveau pilote d’Air Mauritius C’est dans un contexte d’embellie que la compagnie nationale accueille son nouveau directeur. Sa feuille de route comprend notamment la mise en place d’un vaste plan de développement visant à faire grimper les résultats de l’opérateur et à distancer la concurrence.

I

l y a enfin un nouveau pilote aux commandes d’Air Mauritius. Depuis le 14 juillet, et après six mois d’attente, Somaskaran Thiagarajan Appavoo a pris ses fonctions à la tête de la compagnie nationale mauricienne, avec pour objectif de sortir définitivement l’opérateur aérien de la zone de turbulences dans laquelle il se trouvait ces dernières années. À 46 ans, il succède à Megh Pillay, limogé en octobre 2016 après d’importantes divergences avec Arjoon Suddhoo, le président du conseil d’administration. Diriger l’une des plus importantes sociétés mauriciennes est en effet risqué, puisque Somaskaran Appavoo est le cinquième responsable nommé en moins de dix ans. Se sachant sur un siège éjectable, le nouveau patron a tenté de se montrer rassurant en affirmant, dès sa prise de fonctions, vouloir « poursuivre les efforts de modernisation lancés ces dernières années ». Prudent, il n’est cependant pas revenu sur la question de la stratégie commerciale, thème qui fut fatal à son prédécesseur, quelques mois seulement après son arrivée à la tête de la compagnie. E X P É R I E N C E . Somaskaran Appavoo n’a pas dirigé d’opérateur aérien,commeleprévoyaitpourtant la définition de poste, mais ce pilote chevronné, qui a obtenu sa licence en 1999, compte suffisamment d’expérience dans le secteur pour mener sa mission à bien. D’autant mieux qu’il connaît la compagnie, et son poids politico-économique sur l’île, pour y avoir été directeur de la planification entre 1997 et 2001. C’était avant de partir en Europerejoindrel’avionneurAirbus. N O 2960 • DU 1ER AU 7 OCTOBRE 2017

Établi à Hambourg en Allemagne, ce diplômé de l’École nationale d’aviation civile de Toulouse a, dans un premier temps, occupé le poste de responsable des approvisionnements avant de se charger des ventes, d’abord en Inde et en Afrique australe, puis, à partir de 2011,auMoyen-OrientetenAfrique du Nord. Avec un succès certain, puisqu’il aurait réussi à placer près de 250 appareils durant ses différents mandats. « Somas », comme on l’appelle dans son pays, semble donc être l’homme de la situation. C’est lui qui réceptionnera les huit Airbus commandés par Air Mauritius dans le cadre du plus grand programme d’investissement jamais lancé par la compagnie pour renouveler sa

flotte. Deux A350-900 sont attendus avant la fin de cette année. Ils seront suivis, en 2018, par deux A330-900neo et deux A350-900 et, à l’horizon 2023, par deux autres

Le groupe a annoncé un profit record de 26,9 millions d’euros pour l’année 2016-2017.

Somaskaran Thiagarajan Appavoo aura de nombreux défis à relever.

AIR MAURITIUS CORPORATE COMMUNICATIONS

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A350-900. Cette opération survient alors qu’Air Mauritius reprend des couleurs, après plusieurs années difficiles. Le groupe a annoncé en juin un profit record de 26,9 millions d’euros pour l’année 2016-2017, alors qu’il essuyait près de 24 millions de pertes deux ans plus tôt. La compagnie a également vu sa fréquentation augmenter de 7 %, pour atteindre 1 602 632 passagers sur les douze derniers mois. C’est donc dans un contexte plutôt favorable que débarque Somaskaran Appavoo, au moment où Air Mauritius fête ses cinquante ans d’existence. Bien sûr, l’opérateur national doit faire face à une féroce concurrence sur ses terres, mais compte sur son plan de développement pour faire la différence. Après avoir renforcé sa desserte sur Londres, la compagnie vient d’ouvrir une liaison sur Amsterdam et de doubler celles sur La Réunion. L’accord signé en début d’année avec KLM va également enrichir l’offre mauricienne de 26 destinations européennes supplémentaires dès les prochaines semaines. Le nouveau boss a maintenant trois ans – renouvelables – pour imprimer sa marque à la compagnie, avec l’objectif de lui faire prendre un peu plus d’altitude. OLIVIER CASLIN JEUNE AFRIQUE


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