MALI Ibrahim Boubacar Keïta
GABON Fini la gabegie, vraiment ?
« Je ne suis pas un fou de pouvoir. Je suis un fou de Mali » Interview exclusive du chef de l’État
HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL NO 3001 DU 15 AU 21 JUILLET 2018
Le président sortant, 85 ans dont trente-six au pouvoir, briguera un septième mandat, le 7 octobre. En dépit de vives tensions dans les régions anglophones.
CAMEROUN SPÉCIAL 20 PAGES
Biya, saison 7 ÉDITION AFRIQUE CENTRALE
.
.
.
.
. .
.
.
. .
France 3,80 € Algérie 290 DA Allemagne 4,80 € Autriche 4,80 € Belgique 3,80 € Canada 6,50 $ CAN Espagne 4,30 € Éthiopie 67 birrs Grèce 4,80 €
.
.
.
.
. .
.
.
Guadeloupe 4,60 € Guyane 5,80 € Italie 4,30 € Luxembourg 4,80 € Maroc 25 DH Martinique 4,60 € Mayotte 4,60 € Norvège 48 NK Pays-Bas 4,80 €
.
.
.
.
.
.
Portugal cont. 4,30 € Réunion 4,60 € RD Congo 6,10 $ US Royaume-Uni 3,60 £ Suisse 7 FS Tunisie 3,50 DT USA 6,90 $ US Zone CFA 2 000 F CFA ISSN 1950-1285
No (fake) news is good news
L’information africaine sans faux-semblants Information décryptée, contenus exclusifs, analyses d’experts.
Découvrez le nouveau jeuneafrique.com à partir de 7,99 € par mois.
GRAND FORMAT
CAMEROUN
PIERRE ANDRIEU / AFP PHOTO
Pour tout comprendre de l’évolution d’un pays
L’éternel retour
À moins de trois mois de la présidentielle, tout indique que le chef de l’État sortant, 85 ans dont trente-six au pouvoir, briguera un septième mandat face à une opposition en recomposition. jeuneafrique no 3001 du 15 au 21 juillet 2018
81
COMMUNIQUÉ
Société d’Aménagement de Douala
Cité des Cinquantenaires de Douala Un symbole de la modernisation urbanistique du Cameroun ❍
525 appartements de haut standing
❍
4 242 m2 de bureaux
❍
6922 m² de locaux commerciaux
❍
❍
Le projet comprend de nombreuses autres infrastructures telles que crèches et piscine semi-olympique
40 % des ventes déjà réalisées Les documents juridiques de gestion de la copropriété sont déjà prêts et disponibles à tout acquéreur
Réservations auprès des points de vente suivants : Direction SAD 289, rue Koloko, Bonapriso DOUALA, CAMEROUN Tél. : (+237) 699 936 688 Email : mbsad2003@yahoo.fr Email : abessam412@gmail.com
Finance Immo Afrique inc. 3737, boulevard Crémazie Est MONTRÉAL, CANADA Tél. : (+1) 514 906 1463 Tél. : (+1) 819 384 4495 Email : info@financeimmoafrique.com
©DIFCOM - PHOTOS : D.R.
❍
n Livraiso n e prévue 2020
Georges Dougueli GDougueli
Fact-checking
84 ENJEUX
Secret de Polichinelle
88 Entretien avec
Jacques Fame Ndongo
arler du Cameroun dans notre magazine édité en France, exmétropole coloniale suspectée de néocolonialisme, c’est prendre un risque qui se mesure à l’aune de la polarisation des esprits, ce dogmatisme si néfaste à l’expression démocratique. Osez traiter votre sujet sous l’angle du verre à moitié plein et vous serez pulvérisé par des imprécateurs qui y verront une connivence avec le palais d’Etoudi. Ils dénonceront une opération de communication destinée à ripoliner l’image de Paul Biya, dépeint par ses détracteurs comme un président soutenu par la Françafrique. Ils vous opposeront vos critiques passées pour mieux mettre en évidence la forfaiture que constitue, à leurs yeux, votre suspect revirement, comme s’il était impossible de changer de paradigme sans se contredire. Décrivez le verre à moitié vide et vous vous retrouverez dans le collimateur du pouvoir, au sein duquel pullulent les tenants de la théorie du complot. Ils feront remonter au président des « notes » alarmistes et fantasmatiques dénonçant une « tentative de déstabilisation » ourdie par un ennemi extérieur que nul n’a encore vu à l’œuvre mais qui a bon dos. Alors qu’approche l’élection présidentielle du 7 octobre, à laquelle le président sortant n’a pas encore déclaré sa candidature, les susceptibilités s’accroissent. Essayez l’équilibrisme et vous serez pris entre deux feux, avec, comble de l’ironie, l’indifférence des revues de presse.
P
Résilience économique
Dans la relation ambivalente qui lie Jeune Afrique au Cameroun, la sagesse commande de laisser parler les faits. Ceux-ci montrent que, comparativement à ses
voisins d’Afrique centrale, le Cameroun possède l’économie qui a le mieux résisté à la baisse des cours du pétrole, eu égard à sa diversification. Que de nombreux projets d’infrastructures ont abouti, à l’instar du deuxième pont sur le Wouri, de la centrale à gaz et du port en eau profonde de Kribi. Que d’autres sont en cours, dont les chantiers de la Coupe d’Afrique des nations [CAN] 2019 ou de l’autoroute Yaoundé-Douala.
Marche en avant
Restituer les faits, c’est constater, aussi, à travers les coupures d’électricité, que le déficit énergétique n’a pas été résorbé. Que le pays attire moins d’investissements directs étrangers que la Côte d’Ivoire. Que le tissu de PME nationales souffre à cause de l’accumulation de la dette publique intérieure, l’État n’ayant payé que 42 milliards de F CFA [64 millions d’euros] sur un stock arrêté à 750 milliards. À cause de ces obstacles, auxquels s’est ajoutée la chute des cours du baril, la croissance camerounaise s’est érodée ces trois dernières années – elle était estimée à 3,2 % en 2017, contre 4,6 % en 2016 et 6 % en 2015. Après les mauvaises nouvelles, l’espoir. À très court terme, la croissance pourrait être portée par la mise en exploitation de nouveaux champs gaziers, par les activités du BTP, liées notamment à l’accueil de la CAN 2019, en même temps que par l’essor du tourisme, dopé par cet événement, et par une hausse de l’offre énergétique. Ne reste plus qu’à organiser une présidentielle transparente et à mettre un terme aux hostilités liées à la crise anglophone pour redonner plus de visibilité aux investisseurs et, enfin, reprendre la marche en avant.
Ministre, secrétaire du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC)
90 Vie des partis La relève, enfin !
94 Interview de Maurice Kamto
Président du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC)
100 ÉCONOMIE Double voie vers l’émergence
104 Entretien avec Célestin Tawamba
Président du Groupement interpatronal du Cameroun (Gicam)
106 Entrepreneuriat AZA Group met les gaz
110 SOCIÉTÉ
Foot : elles ont mangé du Lion
112 Musique
Tenor de Yaoundé
Suivez toute l’actualité du Cameroun sur www.jeuneafrique.com
jeuneafrique no 3001 du 15 au 21 juillet 2018
83
Grand format CAMEROUN
ENJEUX
Un secret de Polic
Paul Biya aura ménagé le suspense jusqu’au bout sur sa candidature à la présidentielle du 7 octobre, mais ses troupes, elles, se préparent de longue date à assurer sa réélection haut la main.
ichinelle
MATHIEU OLIVIER, envoyé spécial
L
Militantes aux couleurs du RDPC, le 20 mai 2016, date anniversaire de l’unification du pays.
a photographie date un peu. L’autocollant est écorné. Mais, dans ce bureau haut perché dans les étages de l’un des immeubles du gouvernement à Yaoundé, le slogan d’une précédente campagne s’affiche encore fièrement: « Je soutiens Paul Biya ! » Nostalgie d’anciens scrutins ? Pas sûr. À quelques pas de là, passé une double porte battante, le maître des lieux, le ministre de l’Enseignement secondaire, Jacques Fame Ndongo, par ailleurs secrétaire à la communication du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC, au pouvoir), l’assure : « Paul Biya est notre candidat à la présidentielle, il n’y a pas d’autre possibilité. » Alors qu’il signait, le 9 juillet, le décret de convocation des électeurs, fixant du même coup au 19 juillet la date limite de dépôt des candidatures, le chef de l’État sortant n’avait toujours pas officialisé la sienne. En manœuvrier, le « Sphinx d’Etoudi » est resté silencieux malgré les remous, notamment lorsque l’ambassadeur américain, Peter Henry Barlerin, l’a invité à « penser à son héritage ». Pourtant, ses troupes s’organisent. « Paul Biya est le président national du RDPC et, selon les statuts du parti, ce dernier est le candidat pour la présidentielle », explique Christophe Mien Zok, responsable des organes de presse, de l’information et de la propagande. « Le RDPC se prépare sereinement, ajoute-t-il. Le bureau politique a prorogé le mandat du président national en 2016, et Paul Biya a toute la légitimité et la légalité. »
ADRIENNE SURPRENANT/COLLECTIF ITEM
Profession de foi
En attendant « la confirmation » du chef, le comité central du parti planche déjà sur une profession de foi, qui devra être validée par le candidat puis sera présentée aux alliés des autres formations politiques. Une circulaire détaillera ensuite l’organisation des meetings et de la mobilisation des militants. La stratégie se met en place, pilotée par Jean Nkuete, secrétaire général du comité central, et suivie de près par René Emmanuel Sadi, ministre chargé de mission à la présidence. Ce dernier connaît les rouages du parti: il en était le patron d’avril 2007 à décembre 2011; il y entretient ses amitiés et y garde des fidèles. Première technique du RDPC, déjà utilisée en 2011 : flatter l’ego du chef. Les apparatchiks rivalisent d’insistance pour appeler Paul Biya à se porter candidat. En
jeuneafrique no 3001 du 15 au 21 juillet 2018
85
Grand format CAMEROUN ENJEUX
première ligne: Grégoire Owona, secrétaire général adjoint du parti, Marcel Niat Njifenji, président du Sénat, ou encore Ibrahim Mbombo Njoya, sultan des Bamouns et membre du comité central. Sous l’impulsion du ministre de l’Administration territoriale, Paul Atanga Nji, barons et militants ont été mobilisés à travers le pays. « Ces initiatives ne sont pas pilotées par le comité central, mais nous n’allons pas les décourager », commente Christophe Mien Zok. Dans la région du Littoral, les chefs traditionnels « prient le chef de l’État, M. Paul Biya, de continuer à la tête du pays »… Leurs homologues de l’Ouest n’en demandent pas moins, de même que les associations des chefs traditionnels du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, laquelle assure le chef de l’État sortant « du soutien massif de ses communautés ».
que le souligne Christophe Mien Zok. « Notre force, c’est notre maillage territorial. Avec lui, nous sommes à l’abri des surprises », ajoute-t-il. « Le RDPC a l’administration en main, avec des préfets et des sous-préfets qui font interdire des meetings ou en gênent l’organisation », dénonce Maurice Kamto, le candidat du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC). « On nous interdit de nous réunir ou on nous donne le feu vert à la dernière minute, on nous refuse le droit de défiler dans certains endroits, tandis que le RDPC aura les autorisations qu’il veut et pourra utiliser les moyens de l’État », déplore un autre cadre de l’opposition.
SELON LES STATUTS DU RDPC, LE CHEF DU PARTI EST MÉCANIQUEMENT LE CANDIDAT DE CE DERNIER À LA PRÉSIDENTIELLE.
Petit service très intéressé
Des sommes importantes ont été offertes par les sympathisants et barons du RDPC pour financer la campagne du parti au niveau local : 62 millions de F CFA (environ 94 500 euros) pour le Méfou-et-Afamba – dont 25 millions alloués par le ministre du Commerce, Luc Magloire Mbarga Atangana ; 55 millions pour le département de la Lekié, le fief du ministre de l’Agriculture, Henri Eyebe Ayissi ; 30 millions pour le Nyong-et-So’o de Grégoire Owona ; 25 millions pour le Nyong-et-Mfoumou de l’ancien ministre Robert Nkili… Les fidèles ne comptent pas. Certains vont même jusqu’à payer à leurs concitoyens les 2 800 F CFA exigibles pour l’obtention de leur carte nationale d’identité, indispensable à l’inscription sur les listes électorales. Peut-on aller jusqu’à parler d’achat de voix ? « Cela n’a rien à voir, c’est un service rendu. Et ce n’est pas parce que l’on favorise une inscription qu’on s’assure d’un vote », répond un cadre du parti. Reste que « la première bataille est celle des inscriptions sur les listes électorales », ainsi
Nombreux dauphins potentiels
« Bien sûr, quand un ministre bat la campagne, il utilise son véhicule de fonction, mais ce n’est pas l’État qui nous finance, rétorque-t-on au RDPC. Et pourquoi interdirait-on des rassemblements? Quand il faudra organiser des meetings de campagne, nous pourrons en tenir cinq fois plus que les autres. » Alors que le chef de l’État vient de convoquer le corps électoral pour le 7 octobre, l’hypothèse de sa non-candidature a perdu, un peu plus encore, en crédibilité. « Paul Biya ne peut pas ne pas se représenter. Ce serait le chaos au sein du parti, il faudrait organiser un congrès extraordinaire pour lui choisir un successeur », estime l’un de ses fidèles, qui ne manque pas de faire remarquer le nombre important de dauphins potentiels. Il y a quelques années, la communicante du chef de l’État, la Française Patricia Balme, avait acquis, pour 25 euros, le nom de domaine « paulbiya2018.com ». Elle affirmait alors que cela ne présageait rien de la volonté du président camerounais de rester au pouvoir. Il semble désormais que cette plateforme soit appelée à entrer en fonction. « Le moment venu, nous lancerons le rouleau compresseur », confirme un cadre du RDPC.
L’INCONNUE ANGLOPHONE En crise depuis la fin de l’année 2016, les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest concentrent plus que jamais les attentions, à l’approche de la présidentielle d’octobre. « La crise anglophone a révélé un certain échec de la décentralisation voulue par Paul Biya », confie un cadre du Rassemblement démocra-
86
tique du peuple camerounais (RDPC). Si le parti au pouvoir n’a officiellement ouvert aucun débat sur la possibilité de changer la forme de l’État, certains barons anglophones appellent cependant, à mots couverts, à un régionalisme accru. « Il existe aujourd’hui une question d’identité nationale à laquelle il va falloir répondre », explique un
jeuneafrique no 3001 du 15 au 21 juillet 2018
parlementaire de la majorité. « L’État doit nous donner les moyens de faire campagne et de proposer des solutions, en assurant la sécurité de nos militants », ajoute un cadre du RDPC, qui craint des violences de la part des sécessionnistes et évoque la possibilité d’une forte abstention. « La pire chose serait qu’il n’y ait pas
d’élection dans ces deux régions », s’inquiète Maurice Kamto, le leader du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC). Paul Biya a chargé le ministre de l’Administration territoriale, Paul Atanga Nji, originaire du Nord-Ouest, du dossier. Mais n’est-il pas déjà trop tard? M.O.
Grand format CAMEROUN ENJEUX
VIE DES PARTIS
Jacques Fame Ndongo
ADRIENNE SURPRENANT POUR JA
Ministre de l’Enseignement supérieur, secrétaire du RDPC
« Paul Biya a une vision, son âge n’importe pas » peut multiplier les exemples. Ce n’est pas le paradis, mais ce qui a été fait est colossal, comme ce qui reste à faire. Paul Biya a une vision, son âge importe peu.
Propos recueillis à Yaoundé par MATHIEU OLIVIER
embre du bureau et secrétaire à la communication du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), Jacques Fame Ndongo, 67 ans, est aux avant-postes de la campagne présidentielle. Persuadé que le maillage territorial fera la victoire, il entend ne laisser « aucun mètre carré » à l’opposition pour assurer la réélection de Paul Biya, lequel, il en est sûr, se représentera.
M
Ne lui reproche-t-on pas sa longévité au pouvoir plutôt que son âge?
Paul Biya n’a jamais fait de coup d’État et s’est toujours soumis au verdict des urnes. Sa longévité est voulue par le peuple. La décentralisation est-elle une réussite?
JeuneAfrique:Plusieurspartisetleurscandidats ont lancé leur campagne depuis des mois. Qu’en est-il du RDPC? Jacques Fame Ndongo : L’opposition
fait beaucoup de bruit, mais nous n’avons aucune inquiétude. Ces candidats peuvent faire des rassemblements, nous le pouvons aussi. Le RDPC est présent dans tous les villages, toutes les circonscriptions, ce qui n’est le cas d’aucune autre formation. Les médias et les réseaux sociaux ne peuvent pas remplacer le maillage territorial. Nous ne laisserons aucun mètre carré à l’opposition. N’en doutez pas: le RDPC est prêt. Certains candidats ont réussi à mobiliser des milliers de sympathisants dans leurs meetings. Cela vous impressionne-t-il?
Je crois surtout qu’ils ne devraient pas résumer leurs propositions à: « Paul Biya est vieux, il doit partir. » Parlons de programmes et de bilan. Celui de Paul Biya est éloquent. Le Cameroun de 2018 ne ressemble en rien à celui de 1982. Il ne comptait qu’une université publique, il en a huit aujourd’hui. On
88
jeuneafrique no 3001 du 15 au 21 juillet 2018
Vous considérez comme acquise la candidature du chef de l’État. Or il ne s’est pas encore exprimé sur ses intentions… Pour nous, il est candidat. C’est un fin tacticien, il ne l’a pas dit officiellement, mais nous savons que c’est le cas et nous préparons la campagne en conséquence. Il n’y a pas d’autre possibilité. S’il fallait trouver un remplaçant, ce serait le chaos au sein du parti.
Si c’était un échec, les Camerounais du Nord et de l’Est ne se révolteraient-ils pas aussi? Seules deux régions sont en crise, par nostalgie d’une époque où les Anglophones avaient leur propre État et accédaient plus facilement à des postes à responsabilité. Le Nord-Ouest et le Sud-Ouest ont bénéficié d’investissements. Qui a fait construire les facultés à Buéa et à Bamenda? Qui vient de créer le ministère de la Décentralisation ? Paul Biya fait du sujet un élément fondamental de sa politique. La crise anglophone a rouvert le débat : faut-il plus de régionalisme ou passer au fédéralisme?
Le débat est ouvert et sera tranché dans les urnes. Si le SDF [Social Democratic Front] propose le fédéralisme et est élu, soit. Mais, au RDPC, nous estimons que l’État unitaire et décentralisé n’est pas négociable. Nous avons connu le fédéralisme et y avons renoncé, ne revenons pas en arrière et ne permettons pas aux sécessionnistes, qui sont une infime minorité, de prendre en otage le peuple anglophone.
Grand format CAMEROUN ENJEUX
Le député Joshua Osih, candidat du Social Democratic Front (SDF).
La relève, enfin !
L’irruption de nouveaux visages dans la course au palais d’Etoudi pourrait donner un coup de fouet au débat démocratique. Et remettre l’alternance au goût du jour. MATHIEU OLIVIER
l attendait cette consécration depuis plusieurs années. Le 24 février, Joshua Osih est devenu le candidat du Social Democratic Front (SDF) à la présidentielle. Quelques mois plus tôt, plusieurs cadres du parti proches de son fondateur, John Fru Ndi, lui avaient pourtant fait comprendre qu’il lui faudrait mettre une sourdine à ses ambitions, éviter d’être trop présent dans les médias et polir quelque peu son image de jeune loup aux dents longues. Car d’aucuns commençaient à douter de lui. Premier député anglophone élu dans le Wouri (en 2013), vice-président de la Commission du budget et des finances de l’Assemblée, le quadragénaire n’avait-il pas atteint le plafond de verre générationnel de la politique camerounaise? John Fru Ndi, le père et leader du SDF (qui a eu 77 ans le 7 juillet), allait-il lui laisser sa place dans la course au palais d’Etoudi, qu’il avait disputée pour son parti en 1992, 2004 et 2011 ? La réponse, positive, est finalement tombée, et, à 49 ans, le parlementaire du Littoral entend jouer à fond la carte de la jeunesse et du renouveau, dans une classe
I
90
jeuneafrique no 3001 du 15 au 21 juillet 2018
FACE À UNE CLASSE POLITIQUE DOMINÉE PAR LES SEPTUAGÉNAIRES, LE LEADER DU SDF, 49 ANS, ENTEND JOUER LA CARTE DE LA JEUNESSE.
politique camerounaise dominée par des septuagénaires qu’il estime déconnectés des électeurs. Actif sur les réseaux sociaux, très présent dans les médias, le candidat du SDF souhaite incarner la rupture avec John Fru Ndi. Mais il ne pourra le faire sans assumer une certaine continuité. Fru Ndi conserve ainsi son poste de président national du parti, tandis que Jean Tsomelou, l’un de ses lieutenants, reste secrétaire général, et que Benjamin Achu Fru, fils du patriarche, est chargé de mobiliser les jeunes. Ce renouvellement de candidat suffira-t-il à donner l’image d’un SDF nouvelle génération ? Rien n’est moins sûr. Le parti a vu s’effriter sa base électorale dans la dernière décennie et peine à être présent sur l’ensemble du territoire. Surtout, d’autres personnalités lui contestent la primauté dans l’opposition.
Maurice Kamto, facteur X
Autre nouveau prétendant à la magistrature suprême : Akere Muna. Fils de Salomon Tandeng Muna, artisan de l’unité nationale et frère du magistrat Bernard Muna, qui fut candidat à la présidentielle en 2011, Me Akere Muna, 65 ans, a tenté de prendre de vitesse le SDF en entrant officiellement en campagne avant lui, dès la mi-janvier. Peu attendaient l’ancien bâtonnier du barreau camerounais sur ce terrain, y compris du côté du palais
PHOTOS : ADRIENNE SURPRENANT/COLLECTIF ITEM POUR JA
L’avocat Akere Muna, leader du mouvement Now!
PUBLI-REPORTAGE
BEAC
Banque des États de l’Afrique Centrale
La BEAC, acteur privilégié de l’inclusion financière dans la CEMAC
La Banque ddes États É de d l’AAfrique Centrale (BEAC) s’eest vue assigner, enntre autres missions, ceelle d’assurer la stabillité financière et de proomouvoir l’inclusion fifinanncière dans la CEMAC. mmission Bancaire de Laa Com l'Afriquee Centrale (COBAC) est l’un dess leviers de mise en œuvre de cette politiquee. Créée le 16 octobre 1990, la COBAC est chargée de veiller au respect, par les établissements de crédit et de microfinance, des dispositions législatives et réglementaires édictées par les autorités de la zone CEMAC. La COBAC exerce sa compétence dans les six États membres de la CEMAC dont elle constitue l’un des organes. Elle est présidée par le Gouverneur de la BEAC, suppléé par le Vice-Gouverneur. La Banque Centrale met à la disposition de la COBAC les moyens financiers, matériels et humains nécessaires à l’exécution de sa mission. Conscientes du rôle de la microfinance dans le processus de bancarisation et d’inclusion financière et, soucieuses de structurer ce secteur en plein essor pour en faciliter la supervision, les autorités de la CEMAC ont chargé la Commission Bancaire de mener une réflexion afin d’uniformiser les textes réglementant le secteur. C’est ainsi qu’à partir de 2002, les compétences de la COBAC ont été étendues aux établissements de microfinance dont les condii d’exercice et de contrôle tions contrôl de l’activité ont été encadrées par le 2/CEMAC/UMAC/COBAC. règlement n°01/02/C
LES PAYS DE LA CEMAC : CAMEROUN CENTRAFRIQUEE
Plus d’une décennie après, tenant enregistrés compte des changements ch ur et dans le secteur et, en particulier, de l’évolution de l’ennvironnement socio-écconomique et juridiquue dans lequel évoluaiennt les EMF, la COBAC a proposé une actualisatition de ce texte, à la lumièree des enjeux actuels. Cettee réflexion a conduit d ption, le 27 à l’adopti septembrre 2017, du
règlement n°01/17/CEMAC/UMAC/COBAC relatif aux conditions d’exercice et de contrôle de l’activité de microfinance dans la CEMAC. La nouvelle architecture juridique en matière de microfinance dans la sous-région est articulée autour d’un texte de base, le règlement n°01/17/CEMAC/UMAC/COBAC,et de plusieurs textes d’application. Ce dispositif : › Réorganise l’activité des Établissements de Microfinance (EMF) ; › Redéfinit les formes juridiques des EMF ; › S’étend sur le régime des agréments, des autorisations préalables et de l’information préalable (régime désormais proche de celui des établissements de crédit) ; › Rehausse le capital social minimum des EMF (capital social renforcé pour tenir compte des enjeux actuels du secteur) ; › Innove en matière de gouvernance d’entreprise, de contrôle interne et de traitement des établissements de microfinance en difficulté. Les principales innovations de ce nouveau cadre réglementaire ont fait l’objet d’un séminaire d’appropriation, organisé à Yaoundé le 26 juin 2018, à l’attention des parties prenantes de la Communauté. Les participants à ce séminaire ont relevé avec satisfaction que le nouveau dispositif offrait aux EMF des outils adaptés au pilotage de leurs activités et qu’il mettait à la disposition de la COBAC un cadre efficace pour une meilleure supervision des établissements de microfinance.
QUELQUES CHIFFRES-CLÉ DU SECTEUR AU 31 DÉCEMBRE 2017 › Nombre d’établissements agréés dans la CEMAC : 857 › Total bilan : 1 592 milliards de francs CFA › Crédits bruts : 567 milliards de francs CFA › Dépôts de la clientèle : 877 milliards de francs CFA, › Excédent de trésorerie : 409 milliards de francs CFA
BP 1917 - Yaoundé, Cameroun Tél. : (+237) 222 23 40 30/ 222 23 40 60 Fax : (+237) 222 23 34 68 Email : communication@beac.int
CONGO GABON RIALE GUINÉE ÉQUATOR TCHAD
Banque des États de l’Afrique Centrale
www.beac.int COBAC : www.sgcobac.org
©DIFCOM - PHOTOS : D.R.
ABBAS MAHAMAT TOLLI, Gouverneur de la BEAC et Président de la COBAC
Grand format CAMEROUN ENJEUX
EN DÉBAT
Faut-il revaloriser le smig ?
présidentiel, et sa campagne populaire, fondée sur la Plateforme pour la nouvelle république – l’alliance de partis lancée à l’initiative de son mouvement, Now! –, en agace plus d’un. L’irruption de ce néophyte en politique, anglophone du Nord-Ouest et bien implanté à l’international, pourrait brouiller la donne d’une présidentielle traditionnellement réduite à un duel, déséquilibré, entre RDPC et SDF (le 9 octobre 2011, Paul Biya remportait le scrutin avec 77,99 % des suffrages exprimés, contre 10,71 % pour John Fru Ndi). D’autant qu’un troisième homme, nouveau venu lui aussi, entend tirer son épingle du jeu. Président du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC, lire p. 94), Maurice Kamto, 64 ans, n’a jamais brigué la magistrature suprême, et son parti, fondé en août 2012, engage pour la première fois un candidat dans cette arène, souvent violente, qu’est la campagne présidentielle. Depuis des semaines, Maurice Kamto ne cesse d’ailleurs d’essuyer des insultes à caractère ethnique, mais, comme Akere Muna, il continue de sillonner le pays.
ien sûr, la campagne officielle pour la présidentielle n’est pas encore lancée. Difficile, dès lors, de comparer les programmes des candidats. Une proposition n’est toutefois pas passée inaperçue. Le 30 avril, lors d’un meeting à Mbouda, dans la région de l’Ouest, dont il est originaire, Joshua Osih a proposé de quintupler le salaire minimum garanti s’il venait à être élu en octobre. Ainsi, selon le candidat du Social Democratic Front (SDF), le smig, actuellement de 36000 F CFA (55 euros), passerait « au moins à 160000 F CFA » (244 euros) – un peu plus qu’au Gabon voisin. Une proposition jugée irréaliste par le gouvernement, notamment par le ministre du Travail, Grégoire Owona, qui a préféré rappeler que le smig, dont la dernière augmentation, de 30 %, est intervenue en juillet 2014, se fixait « en fonction [du] niveau de développement, de la capacité des entreprises et du milieu économique ambiant ». En d’autres termes, le Cameroun n’en aurait pas les moyens. Alors, simple effet d’annonce du SDF? Coup de com de campagne? Ou énorme coup de pouce au pouvoir d’achat? L’augmentation du smig est également au programme du Mouvement pour la renaissance du Cameroun, de Maurice Kamto. Ce dernier suggère de le porter à 55000 F CFA (76 euros) – l’équivalent du salaire minimum en RD Congo, « augmentation pouvant être revue à la hausse à moyen terme, en fonction de l’accroissement de la richesse nationale », argumente Kamto. « C’est à peine de quoi se payer une petite chambre, la nourriture et le taxi, alors comment assume-t-on les dépenses de santé ou d’éducation avec un tel salaire? » s’inquiète un habitant de Yaoundé. Entre prudence budgétaire et annonce choc en faveur de la consommation, les Camerounais devraient pouvoir trancher, en octobre, dans les urnes.
Font-ils le poids face à l’éternel sortant, dont la candidature ne fait plus guère de doute? Tiendront-ils la distance? « Il y a une vraie mobilisation des jeunes et de la société civile pour pousser Paul Biya vers la sortie, argumente une militante du MRC. Et c’est plus fort qu’en 2011. » On sait cependant que, dans une élection à un seul tour, l’arithmétique ne joue pas en faveur de l’alternance. Le SDF a fait comprendre à Akere Muna et à Maurice Kamto qu’il n’accepterait pas de s’effacer derrière l’un d’eux, le fleuve n’allant pas à la rivière. Quant aux deux juristes euxmêmes, ils ne semblent guère enclins à former une coalition. Comme par le passé, chacun appelle de ses vœux un rassemblement, sans vraiment envisager de passer à l’acte. « S’ils ne se montrent pas capables de mettre le Cameroun et l’alternance au-dessus de leurs ambitions personnelles, pourquoi leur ferions-nous confiance ? » lance une de leurs connaissances communes. Si les hommes ont été renouvelés, la cuisine électorale camerounaise semble condamnée aux mêmes vieilles recettes qu’hier.
MATHIEU OLIVIER
B
92
jeuneafrique no 3001 du 15 au 21 juillet 2018
Ambitions personnelles
COMMUNIQUÉ
Grand format CAMEROUN ENJEUX
Maurice Kamto
Président du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC)
« L’exécutif se sert de l’Administration pour gêner notre campagne » mais ce n’est pas le seul moyen. En 1992, il n’y avait pas de candidat unique. Cela dit, le MRC a proposé aux autres formations d’ouvrir les discussions. Certaines nous ont déjà rejoints, des rencontres ont eu lieu avec Akere Muna et avec les représentants du SDF [Social Democratic Front] de Joshua Osih. L’important est de travailler pour être prêts au bon moment.
Propos recueillis par MATHIEU OLIVIER
ésigné mi-avril en tant que candidat du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) – parti de tendance sociale-libérale qu’il a fondé en 2012 –, Maurice Kamto se présente pour la première fois à la présidentielle. Ancien ministre délégué à la Justice (2004-2011), l’éminent professeur de droit est connu pour avoir supervisé le règlement du différend entre son pays et le Nigeria à propos de la presqu’île de Bakassi. Malgré les attaques, l’avocat se dit persuadé de pouvoir vaincre le candidat du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC).
D
nous déployer partout et enchaînons les meetings dans le Sud, le Centre et l’Ouest, où certains rassemblements ont malheureusement fait l’objet d’interdictions administratives. L’exécutif se sert de l’Administration pour gêner notre campagne. Malgré cela, nous sommes globalement satisfaits, car l’accueil des Camerounais est à la hauteur. Je suis convaincu que nous allons battre le candidat du RDPC. Certes, ce dernier mobilise ses troupes, mais cela me semble moins bien huilé que lors des précédents scrutins présidentiels. En revanche, il nous mène la vie dure sur le terrain. Cette période préélectorale est extrêmement violente, avec des attaques à caractère ethnique contre ma personne. Nous sommes une cible, mais nous tiendrons bon. Sans candidature unique de l’opposition, l’alternance est-elle envisageable?
Une coalition et une candidature unique seraient l’idéal,
94
jeuneafrique no 3001 du 15 au 21 juillet 2018
JACQUES TORREGANO POUR JA
Jeune Afrique: Comment se déroule votre campagne? Maurice Kamto : Nous continuons à
Enquoilarésolutiondelacriseanglophone est-elle l’un des principaux enjeux de la campagne, surtout depuis que l’armée a abattu 32 personnes à Menka fin mai?
Menka est le dernier épisode de cette sale guerre que le pouvoir a laissée s’installer. La crise aurait pu être réglée depuis longtemps. Elle n’était au départ qu’une somme de revendications corporatistes, émanant notamment des avocats. Voyez où nous en sommes : des Camerounais tuent des Camerounais. Je ne pensais pas revoir ça un jour! L’élection est la moins mauvaise des solutions. Les Camerounais du Nord-Ouest comme ceux du Sud-Ouest doivent être en mesure de se dire qu’ils peuvent peser sur la conduite de l’État. La présidentielle est la première étape vers l’ouverture d’un dialogue sur l’avenir du Cameroun. Cela implique-t-il d’envisager de changer la forme de l’État ?
Faut-il aller vers un régionalisme accru ou, plus encore, vers le fédéralisme ? Il faudra poser la question aux Camerounais, au Parlement ou par référendum. Mais le constat de base, c’est un échec de la décentralisation. Paul Biya, malgré les discours, a toujours eu peur de décentraliser.
COMMUNIQUÉ
AVIS D’EXPERTS
1. Pierre
MARLY,
Avocat associé de l’Africa Practice
2. Deana
d’ALMEIDA,
Avocat counsel, Head of tax de l’Africa Practice
1
2
Cameroun : émergence et fiscalité, une réforme nécessaire Le Cameroun est en travaux : les chantiers d’infrastructures se multiplient, certains à la faveur de la prochaine Coupe d’Afrique des Nations dont le pays est organisateur en 2019. Mais est-ce suffisant pour placer le pays sur la voie de l’émergence ?
L’arbre qui cache la forêt Sur les deux dernières années, le Cameroun a vu se réaliser des ouvrages essentiels comme la construction du port de Kribi, la réalisation du projet hydroélectrique de Nachtigal ou encore des ponts sur le Wouri et la rivière Cross. Ces grands travaux s’accompagnent généralement d’avantages fiscaux et douaniers significatifs prévus par la loi de 2013 portant sur les investissements privés. Ils ne doivent pas masquer certaines faiblesses du Cameroun dans d’autres secteurs d’activités essentiels pour prendre la voie de l’émergence, notamment celui de la transformation industrielle. L’annonce du ministère de l’industrie en juillet 2018 selon lequel près de 360 projets industriels cherchent des investisseurs dans les secteurs de la transformation locale de matières premières ainsi que la situation financière préoccupante de la CDC – deuxième employeur du pays et producteur de caoutchouc, banane et huile de palme – illustrent cette faiblesse.
Avec un taux de l’impôt sur les sociétés de 33 % dont le montant minimum, dû même en cas de déficit, s’élève à 2,2 % du chiffre d’affaires sans limitation, une taxation des plus-values de cession directe ou indirecte de valeurs mobilières difficile à mettre en œuvre, des contrôles fiscaux à répétition portant sur les mêmes exercices, Le Cameroun dénote une procédure fiscale parmi les pays africains coûteuse, le Cameroun visant ou étant parvenus dénote parmi les pays à l’émergence. africains visant ou étant parvenus à l’émergence. Si l’on en croit le travail accompli en 2017 par le think tank africain l’Observatoire de l’Émergence en Afrique, le Cameroun apparaît dans l’avant-dernier groupe, celui des pays ayant un potentiel d’émergence, derrière ceux considérés au seuil de l’émergence (tels que l’Algérie, le Sénégal, le Bénin) ou l’ayant atteint (comme Maurice, le Rwanda, le Ghana). Pour la détermination de cet index de l’émergence, 23 critères regroupés en quatre dimensions (politique, économique, humain et social), ont été pris en compte. Certes, la fiscalité ne crée pas à elle seule l’émergence, mais le fait de disposer d’un cadre fiscal moderne, cohérent, attractif et orienté vers le développement des industries et des services y contribue grandement.
Une fiscalité à adapter L’inadéquation de la fiscalité courante au secteur clé de la transformation industrielle est un frein à l’industrialisation de l’économie camerounaise et à son émergence. La plupart des opérateurs économiques établis doivent faire face à un régime fiscal qualifié par certains de confiscatoire, peu attractif pour les investisseurs étrangers et qui par ailleurs ne permet même pas de répondre aux exigences budgétaires de l’État (les recettes fiscales sur le premier semestre seraient en baisse).
CMS Francis Lefebvre Avocats 2, rue Ancelle 92522 Neuilly-sur-Seine Cedex - France Tél. : +33 1 47 38 55 00 E-mails : pierre.marly@cms-fl.com deana.dalmeida@cms-fl.com
www.cms.law/fl
Grand format CAMEROUN
TRIBUNE
De vives voix e 31 décembre 2017, le président de la République, Paul Biya, a annoncé dans son message à la nation que 2018 serait une année électorale. Puis, le 10 février, dans son discours à la jeunesse, il a confirmé la nécessité de s’engager et de s’inscrire sur les listes en invitant les jeunes à l’action. Prenons-le au mot. Nous devons répondre à cet appel ! La résignation du peuple a toujours favorisé le gouvernant. Sans pression du gouverné, pas de changement : l’engagement politique – sans pour autant être partisan – est nécessaire et indispensable pour faire bouger les choses.
N
otre association, Women Voters and Sons (WVAS), créée en 2003, travaille depuis des mois, avec le soutien de l’instance camerounaise des élections, Elecam, au sein des quartiers et des villes pour sensibiliser nos concitoyennes à l’importance de participer aux scrutins. De façon publique et festive, nous avons souhaité contribuer, notre vice-présidente Me Michèle Ndoki, avocate au barreau du Cameroun, et moi-même, à la promotion de l’inscription sur les listes électorales. Plusieurs milliers de personnes ont répondu à l’appel et font désormais partie des Camerounais qui seront appelés aux urnes pour les élections présidentielle, municipales et législatives.
C
peuple un plus grand contrôle sur celles-ci, du processus d’enrôlement aux règlements des contentieux. On ne peut pas avoir confiance en un scrutin sans contrôle citoyen des institutions chargées de l’organiser. Ce contrôle peut et doit passer par une plus grande implication des femmes dans le processus. Nous souhaitons que les Camerounaises prennent le pouvoir de façon effective, qu’elles l’exercent soit comme électrices, pour influencer, soit comme élues, pour diriger. Les femmes doivent apprendre à s’engager et à s’organiser. Nos mères, femmes et filles Alice Nkom doivent pouvoir défendre leurs intérêts avocate car ceux-ci sont bien souvent dans celui, général, de notre société. La femme doit être curieuse de la façon dont se gère le monde et, à travers son expérience et son savoir-faire, apporter sa pierre à l’édifice. VINCENT FOURNIER/JA
L
LES FEMMES REPRÉSENTENT 51 % DE L’ÉLECTORAT ET LEUR INFLUENCE SUR LES HOMMES N’EST PAS NÉGLIGEABLE.
e mouvement est essentiel : nous devons soutenir Elecam dans sa mission, lui faire confiance, mais également lui prêter main-forte. C’est le nombre d’inscriptions le plus élevé possible, le vote le plus massif et l’assistance la plus large qui feront la force de nos institutions électorales. Ils donneront au
C
’est l’une de mes missions principales en cette année électorale. Faisons comprendre à nos voisines, les femmes du Cameroun, qu’en matière de scrutin chaque vote est une voix et que chaque voix compte. Les citoyennes représentent à elles seules 51 % des voix, et leur influence sur les 49 autres pourcents n’est pas négligeable. Priver notre pays de tant d’actrices revient à le condamner au sous-développement, avec son cortège de souffrance et de pauvreté. Sans femme, pas d’émergence. À l’heure des élections présidentielle, municipales et législatives, je compte sur vous, jeunes et moins jeunes : allez vous inscrire pour voter, surveillez nos votes, portez-vous candidates ! Soyez conscientes de votre pouvoir ! jeuneafrique no 3001 du 15 au 21 juillet 2018
97
1
2
3
LA MÉTALLU RG I E A U SER VIC E D U D É V E L OPPEM EN T D E L , É C O N O MIE N ATION ALE Avec la mise en route des grands projets structurants, le Cameroun a fait de l’acier un produit de consommation courante, de par la place privilégiée qu’il occupe dans la réalisation de ces ouvrages. Prometal est, depuis 2010, un acteur majeur de l’économie camerounaise et sous régionale. Le Gouvernement du Cameroun s’est doté en 2009, d’une vision de développement à long terme, contenue dans le document « Cameroun-Vision 2035 ». Ce texte, qui définit une image à l’horizon 2035, a pour ambition de faire du Cameroun, un pays émergent, dont les défis majeurs sont la consolidation du processus démocratique et le renforcement de l’unité nationale. Cette stratégie requiert l’existence d’un secteur industriel développé pour que le pays atteigne le statut de Nouveau Pays Industrialisé ( N P I ). L’objec t i f est que la pro duc tio n manufacturière représente 24 % du PIB et que les produits manufacturés prennent une place importante dans la structure des exportations. Le Gouvernement a ainsi élaboré en Mars 2017, un Plan Directeur d’Industrialisation (PDI).
Nos références : des projets emblématiques Les produits de Prometal Aciérie ont été utilisés pour la construction des grands projets structurants suivants : Barrages hydroélectriques : Lom Pangar et Memve’ele Autoroutes : liaison transfrontalière Cameroun-Congo-Mintom ; Yaoundé-Douala et Yaoundé-Nsimalem 2e pont sur le fleuve Wouri à Douala Stades de football et structures annexes : Olémbé (Yaoundé), Japoma (Douala), Garoua… Port en eau profonde de Kribi Logements sociaux : Ahala, Mbanga Bakoko, Olembé …
Des équipements performants Ce nouvel élan économique génère depuis plus d’une dizaine d’années, un tissu industriel fort et spécifique, dont l’objectif est d’accompagner les grands projets structurants, porteurs de l’émergence du Cameroun. C’est dans ce contexte qu’a été créée la société Prometal SARL (Prometal Aciérie), industrie lourde de transformation de l’acier en produits finis et semi-finis destinés au bâtiment, aux travaux publics, à la construction métallique et à l’agriculture. Quatre métiers d’acier composent l’activité industrielle de la société : le laminage à chaud (fer à béton), le profilage (tubes, TPN, tôles toiture, etc.), le tréfilage (pointes et fils tréfilés) et le matériel agricole (machettes, brouettes, limes, etc.). Prometal dispose de trois sites de production et un quatrième est en construction.
PUBLI-INFORMATION
4
5
DIFCOM/DF - PHOTOS : DR.
6
La société s’est dotée d’un four à arc électrique, le premier du type en Afrique centrale et de l’ouest, hors Nigeria. Grâce à son système de traitement thermomécanique ( TMT ) et à sa forte capacité de production (200 000 tonnes/an), cet équipement permet de donner aux produits les caractéristiques souhaitées par le client tout en répondant à son attente qualitative.
Une entreprise de standard international Prometal est un exemple réussi de contribution au développement du tissu économique camerounais sur la base d’une offre compétitive, qui permet de réduire les importations et d’économiser les devises. L’offre de la société répond aux standards internationaux grâce aux reconnaissances obtenues notamment ISO 9001 depuis 2014, dont la version 2015 depuis Mars 2018 (première société métallurgique certifiée ISO 9001-2015 en Afrique subsaharienne, hors Nigeria) ; et Anor depuis 2014 (réglementation camerounaise). Dans ces conditions, le métier de l’acier n’est plus une exclusivité asiatique ou européenne. L’industrie de la métallurgie fait la preuve de son existence et de sa compétitivité au Cameroun avec un impact au-delà des frontières nationales, l’entreprise étant considérée comme la mamelle nourricière de la sous-région CEEAC en acier.
Une contribution aux grands chantiers structurants La relance de l’économie camerounaise donne lieu à de grands investissements qui, pour la plupart, du fait de cahiers des charges exigeants, requièrent des données d’entrées garantes de la pérennité et de la sécurité des ouvrages liés à ces investissements.
Four à arc électrique (1). Billettes (2). Fer à béton (3). Stade Olembé, Yaoundé (4). Barrage hydroélectrique de Memve’ele (5). 2e pont sur le fleuve Wouri (6).
PROMETAL en bref Date de création : 2010 Capital : 10 milliards FCFA
La qualité de l’offre de Prometal peut s’apprécier au regard de la contribution aux grands chantiers structurants et emblématiques du Cameroun, notamment : les barrages hydroélectriques de Lom-Pangar et Memve’ele, le 2e pont sur le fleuve Wouri, les stades de football d’Olembé (Yaoundé) et Japoma (Douala) et certaines autoroutes.
L’engagement sociétal au cœur de la culture de l’entreprise Le savoir-faire de la société repose sur une forte expertise humaine : 893 salariés œuvrent to us le s jo ur s po ur que le s produits et les marques demeurent leaders. Pour disposer de telles ressources, Prometal a établi des partenariats avec des grandes écoles et des universités camerounaises afin de capter les talents nécessaires à son ambition. Le personnel est constamment formé ou mis à niveau afin de rester compétitif et faire de Prometal une industrie de standard international. Consciente que son évolution est arrimée à celle des communautés qui l’entourent, Prometal fait de leur accompagnement un engagement fort dans sa stratégie globale. L’amélioration de leur qualité de vie (hygiène et environnement), de leur santé et de leur éducation, sont des sujets indexés dans un plan d’action suivi et dont les réalisations ne se comptent plus dans l’arrondissement de Douala 3e.
Superficie totale : 187 500 m2 (sites de production, hangars de stockage, équipements techniques, bureaux, etc.) Employés : 893 Activité opérationnelle : 4 métiers d’acier (laminage à chaud, profilage, tréfilage et matériel agricole) répartis sur 3 sites (un 4e en construction) Marques : PM, Tropic et Tik Plus d’une cinquantaine de produits : fer à béton, tubes, TPN, tôle toiture alu, aluzinc, bac, tuile, et pré laquée, poutrelles, cornières, pointes, fers et tubes décoratifs, machettes, limes, brouettes, pelles, houe, pioche, etc. Certification ISO 9001 depuis 2014 dont version 2015 depuis Mars 2018 Certification Anor depuis 2014
Z.I Magzi – Bassa. BP 3061 Douala – Cameroun Tél. : +237 233 37 85 85 / 95 Fax : + 237 2 33 37 85 80 info@prometal-cm.com www.prometal-cm.com
Grand format CAMEROUN
ÉCONOMIE
Doublevoievers Pour conforter le rôle de plateforme sous-régionale du pays, l’État a lancé la construction de deux autoroutes qui vont faciliter le trafic entre Douala et Kribi, mais aussi vers N’Djamena et Bangui. OMER MBADI, à Yaoundé
U
ne tranchée de 60 m au milieu de nulle part – les prémices du futur poste de péage de Nkolkoumou, dans la banlieue ouest de la capitale – marque le point de départ de l’autoroute Yaoundé-Douala (196 km). De là, deux rubans noirs de 7 m de largeur chacun, séparés par un terre-plein, s’enfoncent dans la forêt équatoriale, sur plus de 20 km. « Il ne reste plus qu’à poser la signalisation et les glissières », précise Liu Chengkun, l’ingénieur en chef de la première phase de ce chantier réalisé par China First Highway Engineering Company (CFHEC), filiale du conglomérat China Communications Construction Company (CCCC). Les soixante premiers kilomètres, qui vont coûter 345 milliards de F CFA (près de 526 millions d’euros), devraient en principe être terminés en octobre. Mais le retard pris dans l’indemnisation des riverains ralentit quelque peu la progression des travaux, réalisés à 62 %. Un problème qui ne se pose plus sur le chantier de l’autoroute Édéa-Kribi (130 km). La première phase, entre ce port et Lolabe (38,5 km), dont le coût est estimé à 250 milliards de F CFA, est achevée à 86 %, et les employés de China Harbour Engineering Company (CHEC), autre entité de CCCC, posent des glissières et tracent déjà le marquage sur la chaussée. Encore dépourvu d’autoroute, après bientôt soixante ans d’indépendance, le Cameroun entend combler son retard avec ces deux premiers gigantesques chantiers, en comptant sur China Eximbank, qui en assure 85 % du financement. Dans un contexte de concurrence pour la conquête de l’hinterland, ces choix obéissent à une volonté de conforter son rôle de hub sous-régional, en sécurisant
Objectif : porter le linéaire autoroutier à 800 km d’ici à 2030. Ici, près de la capitale.
FERNAND KUISSU POUR JA
l’émergence
Grand format CAMEROUN ÉCONOMIE
liaisons Douala-Limbe et sur le triangle Yaoundé-DoualaBafoussam, sans compter les voies de contournement des métropoles de Yaoundé et de Douala, ainsi que de la cité industrielle d’Édéa, à une quarantaine de kilomètres de Douala.
et en fluidifiant les corridors routiers reliant ses complexes portuaires à N’Djamena, au Tchad, et à Bangui, en Centrafrique. « Le gouvernement souhaite ainsi accroître les échanges et renforcer la compétitivité de l’économie nationale et de celle de ses voisins », assure le ministre des Travaux publics, Emmanuel Nganou Djoumessi. Après avoir privilégié le financement direct pour la première partie de chaque projet, Yaoundé envisage de changer son fusil d’épaule pour leur seconde phase. « Nous adopterons des partenariats public-privé [PPP], poursuit Emmanuel Nganou Djoumessi. Les entreprises retenues par adjudication pourront exploiter ces ouvrages, dégager suffisamment de ressources pour se rémunérer, entretenir l’infrastructure, contribuer au remboursement de la dette et financer la suite des travaux. » Dans la droite ligne de la stratégie d’émergence du pays, le ministère des Travaux publics mène plusieurs études afin de porter le linéaire autoroutier à 800 km d’ici à la fin de la prochaine décennie. Les projets portent sur les
Aléas conjoncturels
FERNAND KUISSU POUR JA
Le premier tronçon de 60 km entre les capitales politique et économique du Cameroun devrait être livré en octobre.
Une ambition certes noble, mais qui se heurte, pour l’heure, à une économie morose. Comme le montre le lent va-etvient, à la mi-juin, de quelques camions de CFHEC sur le chantier de la première autoroute (Yaoundé-Douala), où 70 % des autres engins restent immobilisés faute de moyens. « Cela fait presque un an que nous n’avons pas reçu d’argent. Nous continuons de préfinancer la majeure partie des travaux pour montrer notre bonne volonté et participer aux “grandes réalisations” du président, mais nous ne pouvons plus tenir », explique Liu Chengkun. L’entreprise estime avoir déjà déboursé près de 100 milliards de F CFA. En mai, sur le chantier Kribi-Lolabe, CHEC a mis ses employés en congé technique, comptant ainsi attirer l’attention des autorités sur l’extrême tension de sa trésorerie, à force de préfinancer le chantier. Une visite du ministre des Travaux publics a permis la reprise de l’activité. En cause : l’indisponibilité des fonds de contrepartie (15 % de l’enveloppe globale) du Cameroun, qui retarde le déblocage des ressources par China Eximbank. Un souci que le gouvernement ne nie pas. « Le retard dans le paiement ne signifie aucunement que les crédits budgétaires n’existent pas. Nous sommes engagés dans plusieurs projets d’infrastructures, sans compter les défis sécuritaires auxquels le Cameroun doit faire face bien malgré lui. Les délais peuvent ne pas être respectés, mais nous payons toujours pour inciter notre partenaire financier à remplir son obligation », rappelle Emmanuel Nganou Djoumessi. Des aléas conjoncturels qui n’empêcheront certainement pas Yaoundé de concrétiser son rêve autoroutier.
Le port de Douala dégage le passage OMER MBADI
À l’aide de motopompes, les employés de l’entreprise italienne Bonifacio délestent la drague Youpwe de son indésirable cargaison. Au fur et à mesure que l’eau boueuse e s t é va c u é e , l ’é p av e échouée depuis des années sur l’un des quais du port de Douala se redresse
102
imperceptiblement mais sûrement. Une opération qui permettra de gagner 30 à 40 m de linéaire pour l’accostage. Le Youpwe fait partie du premier lot de 25 épaves (sur 80 re cens é e s) à
enlever du plan d’eau et des quais du port de la capitale économique, dont elles pénalisent l’exploitation à hauteur de 30 %. Cette opération de désencombrement, d’un coût de 4,7 milliards de F CFA
COÛT D’ÉVACUATION DU PREMIER LOT DE 25 ÉPAVES: PRÈS DE 7,2 MILLIONS D’EUROS.
jeuneafrique no 3001 du 15 au 21 juillet 2018
(près de 7,2 millions d’euros), marque une rupture. Les derniers gros investissements, qui remontent à près de quarante ans, avaient permis à ce port d ’e s t u a i r e d e t r a i t e r 7 millions de tonnes de marchandises par an. Auj ourd’hui, ce s ont 12 millions de tonnes de marchandises qui y transitent chaque année, soit
PIERRE GLEIZES/REA
Actuellement, 12 millions de tonnes de marchandises transitent chaque année par le PAD.
90 % des échanges commerciaux du pays.
Révision tarifaire
Le Port autonome de Douala (PAD) a donc décidé de se mettre à niveau, tant en matière d’équipements que d’infrastructures.
Grâce à une révision tarifaire des loyers applicable depuis le début de l’année, il engrange 13 milliards de F CFA de recettes supplémentaires. Son budget d’investissement pour 2018 est de l’ordre de 60 milliards de F CFA, soit
43 % de l’enveloppe, contre 22 % l’année précédente. Les réalisations vont de la construction du duc-d’Albe (ouvrage destiné à absorber l’impact lors de l’accostage des navires) du terminal pétrolier à la réhabilitation de treize magasins, en
passant par la rénovation des routes, l’acquisition d’une nouvelle drague ou encore la rénovation du port de pêche. L’un des objectifs est de maintenir un important volume d’échanges avec ses partenaires de l’hinterland (le Tchad et la Centrafrique), qui représente près de 30 % du trafic en période d’embellie économique. Afin de faire face à la concurrence au niveau national, avec l’entrée en activité du port de Kribi, mais aussi au niveau international, avec la montée en puissance des ports soudanais, nigérians et béninois, le PAD vient d’ouvrir des bureaux de représentation à N’Djamena et à Bangui.
Grand format CAMEROUN ÉCONOMIE
STRATÉGIE
Célestin Tawamba Président du Groupement interpatronal du Cameroun (Gicam)
« Notre système fiscal est confiscatoire » Propos recueillis par OMER MBADI
lu en juin 2017 à la tête de la principale centrale patronale du pays et, en mai 2018, à la présidence de l’Union des patronats d’Afrique centrale (Unipace), Célestin Tawamba, le fondateur du groupe Cadyst Invest (Cinpharm, SIPP, La Pasta, Panzani Cameroun) dévoile quelques orientations du premier livre blanc de l’économie camerounaise que le Gicam s’apprête à publier.
ADRIENNE SURPRENANT/COLLECTIF ITEM POUR JA
É
JeuneAfrique:Oùenestlelivreblancquele Gicam élabore depuis bientôt un an? Célestin Tawamba : Il sera présenté en
septembre. C’est un projet capital pour le Gicam et sur lequel notre engagement est total. Au moment où s’accumulent des signes qui font craindre une mise en péril de l’ambition de faire du Cameroun un pays émergent à l’horizon 2035, ce livre blanc vise à proposer des voies et des moyens d’asseoir, de manière pérenne, la compétitivité des entreprises. Entreprises dont le développement est le gage d’une croissance élevée, durable et inclusive. En recevant le ministre des Finances, le 28 mai, vous avez dit que la fiscalité était unobstacleàcedéveloppement.Pourquoi?
Aujourd’hui, le régime fiscal camerounais se caractérise par un taux de fiscalisation effectif du secteur formel qui, pour certains secteurs, va bien au-delà de la norme. Ce, alors même que le taux de mobilisation des recettes est insuffisant. D’où un glissement vers un système fiscal confiscatoire – un système de taxation sur la base du chiffre d’affaires – qui n’est pas corrélé au bénéfice réel des entreprises. Un changement de paradigme fiscal s’impose, avec la mise en place d’une fiscalité qui dépasse les légitimes contraintes des finances publiques pour tendre vers des objectifs résolument
104
jeuneafrique no 3001 du 15 au 21 juillet 2018
économiques et sociaux. C’est le sens de la proposition de réforme fiscale soumise au ministre des Finances. D’autres freins au développement sont liés au cadre légal et réglementaire, à l’application par l’Administration de la législation, ainsi qu’au déficit des infrastructures, etc. Le livre blanc en fera mention de manière extensive. L’État va-t‑il assez loin dans le paiement de la dette due aux entreprises?
À quel point la crise dans les régions anglophones affectet‑elle l’économie ? Son incidence va grandissant. Les entreprises sont sévèrement touchées dans la plupart des secteurs, avec des pertes d’activité qui vont de 5 % dans la banque à 50 % dans la distribution.
Il s’est retrouvé confronté à une baisse de ses recettes, alors que ses besoins budgétaires devenaient de plus en plus importants. Conséquence immédiate : un endettement en hausse et une accumulation de la dette intérieure, fortement préjudiciable aux entreprises. Les milieux d’affaires ont donc favorablement accueilli les engagements de l’État relatifs à l’apurement de cette dette, notamment celle due aux PME, et ces derniers mois le Gicam a relevé des signaux encourageants, avec le règlement de 42 milliards de F CFA [64 millions d’euros]. Mais on reste loin du compte, d’où la nécessité de poursuivre et de consolider la dynamique enclenchée.
COMMUNIQUÉ
AU SERVICE DE L’INDUSTRIE ET DES MÉNAGES TRADEX rend disponible depuis 1999, la source d’énergie finale pour l’industrie, les transports et divers usages domestiques. Avec ses stations-service modernes dotées d’équipements à la pointe de la technologie, TRADEX couvre 4 pays de la zone CEMAC. L’entreprise fabrique et met sur le marché des produits de grande qualité, destinés à répondre de manière efficace aux défis que pose l’environnement africain.
de sa filiale TRADEX Centrafrique. TRADEX compte aujourd’hui 89 stations-service réparties entre 64 au Cameroun, 22 en République Centrafricaine et 3 au Tchad.
DES RÉFÉRENCES PRESTIGIEUSES La présence de TRADEX dans le périmètre de la Zone Economique Exclusive de Luba Freeport en Guinée-Equatoriale, lui permet d’approvisionner les plus grandes entreprises intervenant dans la recherche et la production de pétrole dans le Golfe de Guinée. Il en est ainsi de MOBIL EG, HESS, NOBLE ENERGY ou encore MARATHON. Toujours sur le plan international, TRADEX est le partenaire carburants de La Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation en Centrafrique (MINUSCA). L’armée américaine déployée dans la partie septentrionale du Cameroun fait également confiance à TRADEX pour son approvisionnement en Gasoil et Jet A1. Au Tchad, TRADEX accompagne des entreprises telles la chinoise du BTP, CGCOC ou encore l’entreprise de services parapétroliers SCHLUMBERGER. Au Cameroun, nous enregistrons dans notre portefeuille, des clients tels que RAZEL, SATOM, HEVECAM, SOSUCAM, ENEO, PERENCO, ADDAX PETROLEUM, C&K MINING.
La station-service Nouvelle route Bastos à Yaoundé
En Afrique Centrale, les interventions du Groupe TRADEX couvrent les besoins en carburants et lubrifiants des entreprises exerçant dans des domaines exigeants tels que la production de l’énergie électrique, l’aéronautique, l’exploration et production pétrolière, la marine marchande. Dans les ménages, TRADEX apporte le combustible nécessaire à une vie de famille harmonieuse. Dans nos stations-service, nous faisons vivre une expérience particulière qui va au-delà du simple approvisionnement en carburants, pour offrir un instant de détente dans nos boutiques Trad’Shop, un instant de soins pour véhicules et des assurances données à la ménagère sur son approvisionnement régulier en gaz.
Le Groupe Tradex fait partie des principaux contribuables au Cameroun, au Tchad et en République Centrafricaine. Il assure à ses employés, des conditions de travail décentes, en toute sécurité. Les stations-service de Tradex et ses dépôts sont construits dans le plus strict respect des normes environnementales et des règlements en vigueur dans ses pays d’accueil. Tradex participe à la vie de la communauté en intervenant dans les domaines de la prévention et de la sécurité routière, la culture et l’éducation.
En 2018, Jeune Afrique positionne TRADEX à la 10ème place au classement des 70 plus grandes entreprises d’Afrique Centrale. Sur le plan africain, TRADEX est 272ème sur les 500 premières entreprises. Sur un plan purement sectoriel, TRADEX est le 26ème chiffre d’affaires le plus important dans l’industrie des Hydrocarbures.
UNE COUVERTURE EFFICACE DE L’AFRIQUE CENTRALE En lançant ses activités en août 2015 à Luba Freeport en Guinée-Equatoriale, TRADEX s’installe dans un quatrième pays d’accueil. Fondée au Cameroun en 1999, TRADEX a ouvert sa première filiale en République du Tchad en 2004. En 2006, la société a racheté la moitié du réseau de stations-service en République Centrafricaine, pour le compte
Une équipe jeune et conquérante
BP 1468 Douala Cameroun
Tél. : (+237) 233 43 63 75 Email : tradex@tradexsa.com facebook.com/groupetradex twitter.com/tradex_sa
È ! "
www.tradexsa.com
©DIFCOM - PHOTOS : D.R.
UN ACTEUR ÉCONOMIQUE PERFORMANT
E
E
UNE ENTREPRISE CITOYENNE
Grand format CAMEROUN ÉCONOMIE
ENTREPRENEURIAT
François-Xavier Tembiwa met les gaz Le fondateur d’AZA Group ne lésine pas sur les investissements pour consolider la deuxième place de son holding sur le marché local du GPL.
OMER MBADI
n 2017, il a investi 2 milliards de F CFA (plus de 3 millions d’euros) pour renforcer sa logistique et construire l’unique unité de fabrication de bouteilles de gaz domestique (GPL) du pays, dans la zone industrielle de Bonaberi, à Douala. Cette année, il a consacré 3 milliards de F CFA à l’installation, entre autres, de deux centres d’emplissage, à Bafoussam et à Kribi, portant ainsi le total à dix. François-Xavier Tembiwa, 50 ans, n’a pas l’intention de freiner sa boulimie d’investissements et compte bien conforter la deuxième place qu’occupe Afrigaz, le fleuron de son groupe, Actives Zones of Africa (AZA), sur le marché local de la distribution de GPL. Malgré un chiffre d’affaires de 20 milliards de F CFA, le holding a en effet vu sa part de marché stagner à 18 % en 2017, alors qu’il visait 22 %, derrière la Société camerounaise de transformation métallique (SCTM, 25 %), notamment à cause de l’arrivée de quatre nouveaux acteurs, décidés à mener une guerre des prix aux neuf opérateurs déjà présents. Le natif de Bafang (Ouest) en a tiré les conséquences.
E
tonnes de combustible, soit le cinquième de la consommation mensuelle nationale, souligne François-Xavier Tembiwa. Notre centre permettra de conditionner ce gaz au plus près. » Le holding emploie 450 personnes. En plus d’Afrigaz, il possède AZA Manufacturing (bouteilles de gaz), AZA Logistics (transport), AZA Energy (vente de produits pétroliers), et envisage des incursions dans la finance et l’immobilier. Une volonté de diversification affirmée dès la création du groupe, en 2003, et qui s’est concrétisée à partir de 2015. Elle se conjugue aussi à un développement à l’étranger. Le promoteur a obtenu l’agrément pour distribuer des produits pétroliers en Centrafrique et mise sur une levée de fonds afin d’y investir. Également dans sa ligne de mire : le Gabon, le Tchad et même le Nigeria. Ingénieur en génie mécanique, diplômé de l’École nationale supérieure polytechnique de Yaoundé et amateur de belles mécaniques américaines, François-Xavier Tembiwa a eu très tôt l’envie de monter son entreprise. Fort des économies qu’il a pu réaliser en travaillant chez Schlumberger et Pathfinder Energy Services au Cameroun et aux États-Unis, il décide de lancer, avec quelques partenaires, Actives Zones of America, dont il détient 75 %, pour participer à la construction du pipeline TchadCameroun. C’est un échec, mais cela réveille chez l’ingénieur l’idée d’un projet gazier, née en décrochant son premier emploi chez SCTM. Dans la foulée, il fonde Actives Zones of Africa. Et sa réussite aujourd’hui est la preuve que le maître-mot de FrançoisXavier Tembiwa, « détermination », a fini par payer.
ADRIENNE SURPRENANT/COLLECTIF ITEM POUR JA
PROCHAINE ÉTAPE : LA DISTRIBUTION DE PRODUITS PÉTROLIERS À L’ÉTRANGER, NOTAMMENT EN CENTRAFRIQUE.
106
Une volonté de diversification
À Douala, le 29 juin.
Le choix d’une implantation à Kribi ne doit rien au hasard. Outre le démarrage des activités de son port, la cité océane a bénéficié du fait que, pour alimenter sa centrale à gaz, la Société nationale des hydrocarbures (SNH) a décidé de séparer le GPL (jusqu’alors torché) du gaz naturel liquéfié (GNL), extrait au large par son partenaire Perenco. « Il s’agit tout de même de 400
jeuneafrique no 3001 du 15 au 21 juillet 2018
ADRIENNE SURPRENANT POUR JA
Le fondateur et ppropriétaire p de Penjaland j (ci-dessus),, le 28 jjuin,, à Yaoundé. La boutique (en haut) et le laboratoire (ci-contre).
Du Penja pur jus
Le publicitaire Jean Paul Tchomdou vient d’ouvrir le premier bar à fruits de la capitale. Qui devrait rapidement faire des petits. OMER MBADI
éli-mélo de fruits au gingembre, duo de fruits à la mandarine, trio de fruits frais de Penja, le tout relevé d’escargots grillés, de porc ou de poulet braisé. Le menu est à l’avenant. Et avec l’ouverture du premier bar à fruits du pays, Penjaland, le 27 juin, le lieu-dit Camp-Sonel-Essos, à Yaoundé, connaît une affluence inédite. Natif de Penja – localité proche de Douala rendue célèbre par le poivre du même nom –, le publicitaire Jean Paul Tchomdou, 47 ans, s’est fait une place dans l’audiovisuel grâce à Carrières et à Stratégies, deux programmes produits par sa société In&Out. Ce fils de pub, qui se définit comme un entrepreneur social, a décidé d’importer au Cameroun le concept de « fraîche découpe », lequel
consiste à acheter, nettoyer, découper et conditionner des fruits et légumes frais, prêts à la consommation: un marché qui a pesé quelque 37 millions d’euros en France en 2017. Un concept encore plus pertinent au Cameroun, où, faute de dispositif de conservation à l’échelle industrielle, on assiste bien souvent, dans les villes comme dans les campagnes, au spectacle navrant de fruits et légumes en décomposition.
Réseau de points de vente
M
OBJECTIF: IMPOSER LE RESPECT DES NORMES SANITAIRES, MAIS AUSSI SATISFAIRE AUX NOUVELLES EXIGENCES DIÉTÉTIQUES ET ESTHÉTIQUES.
Le bar à fruits, qui a mobilisé 105 millions de F CFA (160 000 euros), n’est qu’une première étape. Fin juillet, le laboratoire de Penjaland démarrera ses activités afin d’approvisionner en fruits frais les supermarchés, les restaurants et les hôtels. Parallèlement, Jean Paul Tchomdou va installer un réseau de points de vente dans la capitale, puis, d’ici à deux ans, à Douala et dans la sous-région. Son objectif : sortir le secteur des fruits et légumes frais du seul commerce ambulant et artisanal en imposant, à toutes les étapes, le respect des normes sanitaires, mais aussi en répondant aux exigences diététiques ainsi qu’aux critères esthétiques des consommateurs, avec des bars et des boutiques au design épuré et aux couleurs acidulées.
jeuneafrique no 3001 du 15 au 21 juillet 2018
107
Bolloré Transport & Logistics :
ACTEUR DE L’EMERGENCE DU CAMEROUN Les activités de Bolloré Transport & Logistics au Cameroun contribuent à la fluidité des corridors et à l’essor des échanges, leviers essentiels à la croissance socio-économique du pays et de la sous-région. Présent dans 106 pays et implanté au Cameroun depuis 1947, Bolloré Transport & Logistics est un acteur clé de l’économie camerounaise employant à ce jour plus de 5 000 personnes à travers ses différentes entités. Doté d’une expertise logistique globale, le Groupe propose des services à forte valeur ajoutée au Cameroun où il opère deux terminaux à conteneurs ainsi qu’une concession ferroviaire. Bolloré Transport & Logistics a investi ces dernières années près de 300 milliards de francs CFA pour développer des infrastructures au niveau des meilleurs standards internationaux, participer à la croissance économique du pays et créer de l’emploi. Le Groupe déploie également ses activités dans les domaines de la culture, de l’audiovisuel et de la communication à
travers notamment un réseau de salles de spectacle et de cinéma CanalOlympia. Engagé dans une démarche éco-responsable, le Groupe investit massivement dans le secteur des énergies renouvelables. Il a par exemple récemment mis en service à Yaoundé 3 bus électriques affectés au transport gratuit de passagers.
Une logistique de bout en bout Au Cameroun, Bolloré Transport & Logistics a développé une offre multimodale locale et internationale permettant à la fois de connecter ses clients camerounais à son réseau international mais aussi de servir les besoins de ses clients mondiaux dans le pays. Certifié ISO 9001 version 2015, Bolloré Transport & Logistics s’appuie également sur son réseau pour garantir des prestations de haute qualité et déployer ses services à travers le Cameroun et vers les pays de l’hinterland, comme le Tchad, la Centrafrique et une partie du Congo.
PUBLIREPORTAGE
Kribi, Douala : les deux portes d’entrée du Cameroun Bolloré Transport & Logistics opère le terminal à conteneurs de Douala (Douala International Terminal) en partenariat avec le Groupe Maersk. Depuis mars 2018, il opère également le terminal à Conteneurs de Kribi (Kribi Conteneurs Terminal) avec les groupes CMA CGM et CHEC. Ce deuxième pôle portuaire, unique port en eaux profondes du pays, est capable d’accueillir des navires de grande capacité faisant du Cameroun une plateforme de transbordement de référence en Afrique Centrale.
MOHAMED DIOP Directeur Régional Golfe de Guinée Bolloré Transport & Logistics
Notre priorité est de créer des emplois
Kribi Conteneurs Terminal favorise le désenclavement de l’hinterland et le développement d’ activités industrielles et commerciales au Cameroun et particulièrement dans le bassin de Kribi. Une zone logistique de 267 ha est d’ailleurs actuellement en cours d’aménagement dans l’espace attenant au Port et sera dédiée aux activités logistiques à valeur ajoutée et aux industries légères. Camrail, une concession ferroviaire de référence Concessionnaire depuis 1999 du réseau ferroviaire camerounais, Camrail est un acteur majeur du développement socio-économique en Afrique Centrale.
Avec ses 1700 salariés et son réseau long de 1000 km, Camrail assure en moyenne chaque année la mobilité de 1 500 000 voyageurs et 1 600 000 tonnes de marchandises sur les corridors Douala-N’Djaména et Douala-Bangui. Grâce à sa politique de proximité, Camrail favorise le désenclavement de 152 villages traversés par le rail et étudie les projets d’extension de la voie vers Kribi et en direction du Tchad. Un soutien à la jeunesse camerounaise Conformément à l’objectif fixé par son Président-directeur général Cyrille Bolloré, les actions du Groupe au Cameroun s’articulent principalement autour de deux axes : l’éducation des jeunes et le soutien aux communautés. Avec plusieurs cadres camerounais à des postes de direction locale ainsi qu’à des postes d’expatriés au sein de son réseau international, le Groupe accorde une importance particulière à la formation. Dans cette optique, l‘entreprise a conclu un partenariat majeur avec l’UCAC- ICAM, un groupe d’écoles d’ingénieurs présent à Pointe-Noire au Congo ainsi qu’à Douala au Cameroun.
Au Cameroun, nous employons plus de 5 000 personnes et avons indirectement créé 30 000 emplois. Ces postes ont un impact sur plus de 145 000 personnes ! Nous sommes fortement engagés pour la formation de jeunes camerounaises et camerounais. Nous développons notamment une politique de formation qui invite la jeunesse à se responsabiliser et à participer activement à la transformation digitale du pays. Plus de 150 jeunes ont été recrutés cette année par Camrail au terme d’une formation aux métiers ferroviaires et plus de 300 postes ont été pourvus dans le cadre du terminal à conteneurs de Kribi. Nous participons de façon efficace et soutenue aux actions ayant un impact social vertueux. À ce titre, plus de 250 000 euros ont été investis cette année dans les campagnes de vaccination et de dépistage. Nous avons également créé 7 centres médicaux sur le territoire national au service de nos employés, de leurs familles et des populations riveraines.
Grand format CAMEROUN
SOCIÉTÉ
Ellesontmangé
du Lion ! MATHIEU OLIVIER
Q
u’y a-t-il de plus triste que de suivre une Coupe du monde de foot depuis Douala alors que les Lions indomptables ne sont pas qualifiés? Ambiance terne, pénibles encouragements pour les équipes africaines présentes en Russie et, surtout, résignation. Mais, même absente de la compétition, l’équipe nationale masculine en prend pour son grade. « Les Lions ne soulèvent plus d’enthousiasme, explique, tout en euphémisme, Gustave Emmanuel Samnick, le président de l’Association des journalistes sportifs du Cameroun. Ils ont gagné
110
jeuneafrique no 3001 du 15 au 21 juillet 2018
la dernière CAN [Coupe d’Afrique des nations], mais c’était un accident. L’euphorie n’a pas duré, ajoute-t-il. » « Il y a un vrai désamour des Lions, résume un fan d’antan. Ils n’ont pas la combativité de leurs aînés, ceux de la bande de Rigobert Song. » La passion du Cameroun pour le ballon rond se seraitelle éteinte elle aussi ? Pas tout à fait. Depuis trois ans, les Lionnes ont pris le relais. « Aujourd’hui, le capital sympathie des joueuses féminines est supérieur à celui des hommes », constate Martin Camus Mimb, directeur général de la radio RSI, à Douala. Comment ces indomptables jeunes femmes sont-elles donc devenues les préférées des supporters ?
Edmonton. Direction les huitièmes de finale. Certes, dès la rencontre suivante, les Camerounaises s’inclinent face à la Chine (0-1). Mais le phénomène est né, avec, en point de mire, la CAN féminine 2016, organisée à domicile. Cette CAN 2016 est un véritable succès populaire. Suivies de près par les fans de football camerounais et par le couple présidentiel, les Lionnes atteignent la finale, où, le 3 décembre, elles finissent par rendre les armes, très honorablement (0-1) face aux Nigérianes, tenantes du titre. Une défaite au goût de victoire. Le 8 décembre, les jeunes femmes sont reçues au palais d’Etoudi et fêtées par Paul et Chantal Biya. Le selfie du chef de l’État avec les joueuses fait le tour du web. « Elles ont redonné le goût de la victoire aux Camerounais », note Martin Camus Mimb. « C’est l’une de nos rares fiertés au niveau du football, ces derniers temps, renchérit Gustave Emmanuel Samnick. Ce sont elles qui sont dans les cœurs aujourd’hui. Elles sont devenues des stars, alors qu’avant personne ne les reconnaissait dans la rue. »
Succès mémorable contre la Suisse, le 16 juin 2015, lors de la Coupe du monde, à Edmonton (Canada).
Les joueuses de l’équipe nationale ont éclipsé leurs homologues masculins dans le cœur des fans de foot. Qui fondent de grands espoirs sur elles pour la CAN 2018. Et, pourquoi pas, le Mondial 2019. Une défaite au goût de victoire
Elles entrent dans l’Histoire loin des rives du fleuve Wouri. À Vancouver, au Canada, le 8 juin 2015. Dans l’indifférence quasi générale, les Lionnes font leurs premiers pas dans la Coupe du monde féminine. Quatre-vingt-dix minutes plus tard, les voilà dans la lumière : elles viennent d’écraser l’Équateur six buts à zéro, dont trois marqués par une certaine Gaëlle Enganamouit – qui sera sacrée meilleure joueuse africaine de l’année. Dans une poule difficile, les footballeuses de Carl Enow Ngachu, le sélectionneur, se prennent à rêver d’une qualification. Quatre jours plus tard, elles s’inclinent de justesse (1-2) face aux Japonaises. Mais elles l’emportent face à la Suisse (2-1), le 16 juin, à
PHOTOSHOT/ICON SPORT
Des sponsors encore peu nombreux
Peuvent-elles prolonger cet état de grâce? « C’est une bonne génération de joueuses, qui a été bien gérée par Carl Enow Ngachu, avec des filles qui évoluent à l’international », poursuit Samnick. En mai 2017, dans un contexte marqué par la crise anglophone, Carl Enow Ngachu a été nommé directeur général de l’Académie nationale de football. Mais avec leur nouveau sélectionneur, Joseph Ndoko, les Lionnes ont validé sans difficulté leur ticket pour la CAN 2018, qui se déroulera au Ghana du 17 novembre au 1er décembre. En écrasant le Congo (5-0) au mois de juin, les vice-championnes camerounaises ont offert une démonstration de leur talent à la télévision nationale, qui, une fois n’est pas coutume, retransmettait la rencontre en direct. Au Ghana, les Lionnes viseront évidemment le titre – qui devrait passer par une victoire contre leurs rivales nigérianes (dix fois titrées en douze éditions) – et elles auront à cœur de se classer parmi les trois premières équipes afin de se qualifier pour le prochain Mondial (qui aura lieu du 7 juin au 7 juillet 2019, en France). « Maintenant, il va falloir éviter ce qu’on a connu avec Samuel Eto’o chez les garçons. Annette Ngo Ndom, la gardienne, a 33 ans, et la capitaine, Christine Manie, 34… Il faut préparer la relève, notamment en se fondant sur le championnat national », s’inquiète Martin Camus Mimb. Malgré l’engouement populaire pour l’équipe, la filière de recrutement des jeunes joueuses n’a guère évolué, et on continue de repérer les talents dans la rue ou dans les écoles. Par ailleurs, à de rares exceptions près – comme la marque de bière Guinness, qui a pris pour égérie Gaëlle Enganamouit –, les sponsors sont encore trop peu nombreux. Le contrat publicitaire liant l’équipementier Puma à la Fédération camerounaise de football serait en renégociation: accordera-t-il plus de place aux Lionnes ? Les championnes camerounaises suscitent des vocations, elles ont pu bénéficier des installations construites pour la CAN 2016. Reste à finir le travail.
jeuneafrique no 3001 du 15 au 21 juillet 2018
111
Grand format CAMEROUN SOCIÉTÉ
MUSIQUE
Tenor de Yaoundé Premier artiste du pays à signer chez Universal Music, le phénomène du hip-hop kamer, 20 ans tout juste, prépare un concert événement dans sa ville natale. Étapes suivantes: une nouvelle tournée européenne et la sortie d’un album. MATHIEU OLIVIER
ans sa robe tout aussi flamboyante que sa coiffure, Chantal Biya apprécie la soirée. Nous sommes le 4 mars 2017, au Palais des congrès de Yaoundé. Enchantée par le titre Do le dab, du jeune rappeur Tenor – nommé dans les catégories « révélation de l’année » et « chanson populaire » des Canal 2’Or –, la première dame place son visage dans le pli du coude tout en pointant ses deux bras parallèles vers le ciel dans la direction opposée… Un « dab » dans les règles de l’art. Et un buzz national. Tenor ne descend pas de son nuage. Né le 11 avril 1998 d’un père ewondo et d’une mère bulue, Thierry Mengoumou Ayia, alias Tenor (acronyme de « toucher l’excellence dans la négritude ordinaire du rap ») obtient son certificat d’études à l’école Saint-Vincent-Pallotti de Nkol Eton, à Yaoundé, où il poursuit sa scolarité au collège de la Retraite, puis dans celui du Père-Monti. C’est au tout début de ses études secondaires qu’il envisage de se consacrer au hip-hop. « Je chante depuis tout petit mais, à 12 ans, j’ai commencé à écouter du rap français : Booba, La Fouine… », se souvient Tenor. Bon sang ne saurait mentir : avec un grand-père
D
112
jeuneafrique no 3001 du 15 au 21 juillet 2018
Son nom de scène est l’acronyme de « toucher l’excellence dans la négritude ordinaire du rap ».
« NNOM NGUI »
Ce premier EP, sorti le 18 mai, compte sept titres: « Bobo », « Balance », « Monsieur Mignon », « Mariage », « LVMH », « Appeler » et « Le Ventre ». « Nnom Ngui » désigne le rang le plus sacré et le plus vénéré dans la chefferie traditionnelle du sud du Cameroun.
(et homonyme) musicien et un frère (Ghislain Laroche) dans le milieu, il a de qui tenir. Le jeune Tenor s’exerce, écoute ses aînés camerounais, comme Krotal ou Negrissim. « En classe de cinquième, je m’y suis mis à fond, malgré les moqueries. Et à partir de la seconde, ça a commencé à marcher », raconte-t-il. En 2014, alors qu’il étudie au lycée technique d’Édea, il sort son premier titre, Camerounais. L’année suivante, il enchaîne avec le clip Alelouyah, financé par sa mère. « Elle n’avait pas beaucoup de moyens, mais elle m’a beaucoup aidé et m’a lancé. Le rap, c’est une manière pour moi de mettre en lumière ma culture betie, de la valoriser, explique le jeune homme. C’est pour cela que je joue sur des sonorités dites traditionnelles. »
Rappeur, producteur et entrepreneur
En 2016, Tenor signe avec le label War Machine et sort les titres Do le dab, Nathalie (en référence à Nathalie Koah, ex-petite amie de Samuel Eto’o), Kaba Ngondo, entre autres. Il suspend ses
TENOR
IL A CONCOCTÉ LE TITRE « CHICOTER LES TYMPANS », SORTI EN SEPTEMBRE 2017, AVEC LA SUPERSTAR IVOIRIENNE DJ ARAFAT. études en terminale pour se consacrer à la musique. En mai 2017, il quitte War Machine et, le mois de novembre suivant, il signe pour deux albums avec Universal Music Africa. Premier artiste camerounais à intégrer la branche africaine de la maison de disques établie à Abidjan, Tenor y rejoint notamment les Ivoiriens DJ Arafat, auquel il s’est associé sur le titre Chicoter les tympans, et Kiff No Beat, avec lequel il prépare une collaboration. En décembre, lors de la cinquième édition des Balafon Music Awards organisés par
Radio Balafon à Yaoundé, il remporte trois prix : ceux de la révélation, de l’artiste et du clip de l’année.
Sur les traces de Booba
Un succès qui ne s’est pas démenti en 2018. Après une première brève tournée européenne en février et en mars, Tenor a sorti son premier EP en mai, Nnom Ngui. Il prépare un concert événement au Palais des sports de Yaoundé, le 18 août, une nouvelle tournée en Europe et un premier album, dont la sortie est prévue pour fin 2018 début 2019. Son objectif ? Suivre les traces de Booba pour construire sa carrière. Avec un label au sein duquel il produit déjà quatre artistes et une marque de vêtements streetwear, qu’il vient de lancer, Tenor se voit en rappeur, en producteur et en entrepreneur. Surtout, il veut participer à la création d’une véritable industrie musicale camerounaise et croire en un univers hip-hop où les artistes pourront enfin vivre de leur métier et de leurs droits d’auteur.