MAROC
PJD : SEPT ANS POUR RIEN ? SPÉCIAL 14 PAGES
RD CONGO Tshisekedi-Kamerhe : drôle de ticket
DOSSIER Transport maritime La bataille d’Afrique
HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL NO 3020 DU 25 NOVEMBRE AU 1ER DÉCEMBRE 2018
Le président de l’Assemblée, Guillaume Soro, s’abstient de rompre avec le RDR, mais, en même temps, soigne ses relations avec le PDCI et réactive discrètement ses réseaux. Quelle est sa véritable stratégie pour la présidentielle de 2020 ?
CÔTE D’IVOIRE
L’ambigu ÉDITION INTERNATIONALE ET AFRIQUE SUBSAHARIENNE
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France 3,80 € Algérie 290 DA Allemagne 4,80 € Autriche 4,80 € Belgique 3,80 € Canada 6,50 $ CAN Espagne 4,30 € Éthiopie 67 birrs Grèce 4,80 €
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Guadeloupe 4,60 € Guyane 5,80 € Italie 4,30 € Luxembourg 4,80 € Maroc 25 DH Martinique 4,60 € Mayotte 4,60 € Norvège 48 NK Pays-Bas 4,80 €
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Portugal cont. 4,30 € Réunion 4,60 € RD Congo 6,10 $ US Royaume-Uni 3,60 £ Suisse 7 FS Tunisie 3,50 DT USA 6,90 $ US Zone CFA 2 000 F CFA ISSN 1950-1285
DPA PICTURE-ALLIANCE/AFP
Dossier Transport maritime
PORTS
Un nouveau terminal à conteneurs devrait entrer en service le 1er juillet 2019 à Tema, près d’Accra, au Ghana.
En attente de connexion L
Abidjan, Tema, Kribi… Les terminaux modernes se multiplient, mais ce développement se heurte au manque d’infrastructures sur terre, qui ralentit l’acheminement des marchandises.
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THIBAUD TEILLARD
e béton coule toujours en Afrique de l’Ouest. Moins sur terre, pour mieux relier les ports à l’arrière-pays, que le long des quais. Après la mise en service de plusieurs terminaux à conteneurs modernes ces dix dernières années – à Pointe-Noire, Lomé, Cotonou, Conakry, Kribi, Freetown, Owendo
Passer de l’insuffisance au trop-plein, un risque réel ?
À Abidjan, le terminal à conteneurs numéro deux (TC2) avance avec un décalage d’environ un an et demi sur Tema. « Le schéma d’investissement n’est pas le même, précise Olivier de Noray, car c’est l’État ivoirien, à travers le Port autonome d’Abidjan, qui est le maître d’ouvrage de l’infrastructure de base et qui nous passera le relais à l’issue des travaux en cours. » CHEC, toujours, doit théoriquement avoir terminé à la fin de l’année prochaine. « Si les caissons sont bien en phase d’alignement, il est peu probable que ce délai sera tenu », glisse un portuaire d’Abidjan. Dès que les infrastructures de base seront livrées, les concessionnaires – Bolloré Ports et APMT, comme à Tema – auront un an pour aménager le terre-plein et y installer leurs équipements. Le TC2 d’Abidjan doit donc arriver sur le marché fin 2020 au plus tôt. Pour le duo franco-danois, il viendra utilement soulager l’actuel TC1,
EN DOUZE ANS, BOLLORÉ A INVESTI 3 MILLIARDS D’EUROS DANS LES PLATEFORMES PORTUAIRES AFRICAINES.
LOMÉ EN POLE POSITION DANS LA SOUS-RÉGION (Trafic conteneurs en 2017, en EVP) Lomé
1 050 000
Tema
956 400
Abidjan
663 600
Pointe-Noire
pratiquement arrivé à saturation avec 780000 EVP par an, notamment lors de la campagne de cacao et de noix de cajou. Passer de l’insuffisance au tropplein en moins de deux décennies, est-ce un risque réel pour le système portuaire ouest-africain ? « Je n’y crois pas, répond Yann Alix, délégué général de la Fondation Sefacil et bon connaisseur du système logistique ouest-africain. Tout simplement parce que, contrairement à ce que certains imaginent, le marché africain n’est pas encore mature. Si l’on prend un ratio simple, en comparant le PNB à la population des pays d’Afrique de l’Ouest, on est toujours dans “une sous-conteneurisation chronique”. » La concurrence portuaire risque néanmoins de croître, même si des projets sans réalité économique évidente, tel un hub à São Tomé-et-Príncipe, ne voient pas le jour.
Développer l’économie et désenclaver les pays
1 193 800
Lagos
Dans la sous-région, les ports ont trois vocations. Ils servent d’abord, bien sûr, de portes d’entrée et de sortie pour l’économie du pays où ils sont situés. Un marché sur lequel l’opérateur du terminal a peu de leviers d’action. « Tout va dépendre de la croissance économique et démographique du pays, analyse Olivier de Noray – dont le groupe aura, en incluant Tema et le TC2, investi 3 milliards d’euros en douze ans dans les plateformes portuaires africaines. Notre rôle est
579 000
Dakar
570 500
Luanda
570 200
Douala Cotonou San Pedro Conakry
386 400
SOURCE : DYNAMAR
et Monrovia –, deux gros projets sont en cours. À Tema, le consortium Meridian Port Services (MPS), formé de Bolloré Ports, d’APM Terminals (APMT, groupe Maersk) et de l’autorité portuaire publique du Ghana, prévoit de mettre en service une première partie du nouveau terminal à conteneurs MPS2, avec deux postes à quai, le 1er juillet 2019. « Un troisième poste sera livré un an plus tard, et un quatrième mi-2021 », annonce Olivier de Noray, le directeur général de Bolloré Ports. Après la construction d’une digue de 3 550 m, les travaux continuent sous l’égide de China Harbour Engineering Company (CHEC) – qui prévoit de terminer en avril 2019. Dans le même temps, Eiffage aménage le terminal proprement dit, avec la participation d’entreprises ghanéennes pour les superstructures et les bâtiments.
333 000 244 000 171 900
Port-Harcourt
160 000
Libreville
156 000
LE TRAFIC DE CONTENEURS EN HAUSSE DE 7,2 % Selon les chiffres fournis par CMA CGM, le trafic conteneurisé global de l’Afrique subsaharienne progresse de 8,2 % sur les neuf premiers mois, à 7,5 millions d’EVP. L’Afrique de l’Ouest en représente la moitié, soit 3,451 millions d’EVP, en hausse de 7,2 %. Si le Ghana gagne 10,5 %, le trafic croît de 7,1 % au Nigeria, de 3,3 % en Angola et de 1,8 % en Côte d’Ivoire, mais ce chiffre sera réévalué avec la prise en compte de la campagne de cacao et noix de cajou, qui doit commencer prochainement. L’Afrique de l’Est (avec 2,115 millions d’EVP, et une hausse de 8,7 %) ainsi que l’Afrique australe (1,664 million, + 11 %) avancent plus vite. La moitié des flux à l’importation de l’Afrique subsaharienne sont en lien avec l’Asie, 31 % dépendent de l’Europe et 19 % émanent des Amériques et d’autres régions du monde. T.T.
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Dossier Transport maritime PORTS
d’anticiper la croissance pour que les infrastructures portuaires ne freinent pas le développement et accélèrent au contraire le dynamisme des économies régionales. » Une croissance estimée en Afrique de l’Ouest entre 3 % à 5 % par an, tant à l’import qu’à l’export.
Les armateurs s’offrent le plus de souplesse possible
Mais les ports constituent aussi des liens précieux avec le monde pour les pays enclavés. Ces derniers ne peuvent donc voir l’accroissement de l’offre en cours que comme une excellente nouvelle. Ils utilisent généralement un corridor naturel tel qu’Abidjan- Ouagadougou ou Dakar-Bamako, mais tous essaient aussi de se ménager au moins une alternative, voire deux. Le Niger est traditionnellement desservi par Cotonou, mais Lomé est à l’offensive. Le Burkina, qui bénéficie du chemin
de fer reliant Ouaga à Abidjan, essaie aussi de passer par Tema et Lomé, ou par Cotonou. Même le Mali peut se connecter à Tema. Quant au nord du Nigeria, il ne veut pas dépendre uniquement de Lagos et se branche depuis longtemps sur Cotonou et Lomé. « En multipliant l’offre de terminaux modernes, on participe au développement des pays enclavés, qui bénéficient de cette concurrence nouvelle », revendique Olivier de Noray. Troisième vocation des ports : le transbordement purement maritime. Là, les armateurs ont clairement la main, choisissant de constituer ici ou là une plateforme régionale adaptée à de grands navires pour réaliser des économies d’échelle sur les liaisons océaniques à destination ou en provenance d’Afrique de l’Ouest. « L’intérêt des armateurs est de démultiplier les offres pour s’offrir le plus de souplesse possible », analyse Georges Serre, le conseiller Afrique de CMA CGM,
IL FAUT EN MOYENNE UN JOUR ET DEMI POUR SORTIR UN CONTENEUR DE LA ZONE PORTUAIRE EN ASIE, CONTRE QUINZE EN AFRIQUE. numéro quatre mondial du transport de conteneurs et numéro deux sur le continent, derrière Maersk. Le transporteur français a ainsi choisi de miser sur le nouveau terminal de Kribi, ouvert en mars et dont il est l’opérateur aux côtés de Bolloré Ports, son partenaire et aussi son premier fournisseur en Afrique. Tout en conservant Pointe-Noire comme hub pour sa ligne venant d’Asie via l’Afrique du Sud. Tout le monde y trouve son compte, semble-t-il. « Kribi totalisera 150000 EVP en 2018,
LA STAM OPTE POUR UNE INDUSTRIE DE POINTE La Société Tunisienne d'Acconage et de Manutention, votre partenaire depuis 1961. La STAM opère : • En qualité d’ Entrepreneur de manutention Portuaire dans tous les ports maritimes de commerce en Tunisie à travers le réseau d'agences : Bizerte Goulette - Radès - Sousse - Sfax - Gabès et Zarzis ; • Concessionnaire du terminal à conteneurs et roulier au port de Radès et assure l’activité d’acconage et de garde de marchandise au port de la Goulette ; • Dans les ports de l’intérieur, la STAM opère avec des groupements d’entrepreneurs de manutention privés dans le cadre de concessions des terre-pleins de stockage.
• Recours systématique aux NTIC ;
3. DÉVELOPPEMENT DE L’ACTIVITÉ DES AGENCES DE L’INTÉRIEUR • Acquisition de nouveaux équipements de manutention ;
• Instauration du travail en continue 24/24 H et 7/7 J. 2 . CHANGEMENT DU MODE D’EXPLOITATION AU PORT DE RADÈS
• Changement du mode d'exploitation du port de Sfax ;
Séparer les 2 flux de marchandises par la création de 2 terminaux : • Terminal roulier (postes à quai 1 à 5) : traitement de la totalité du trafic roulier et 30% de son trafic conteneurisé ;
• Renforcement des capacités des agences de l'intérieur. 4. DÉVELOPPEMENT DU SYSTÈME D'INFORMATION • Mise en place d’un système de gestion des conteneurs et unités roulantes au port de Radès.T.O.S – Terminal Operating et son interfaçe avec System avec le portail d'accès à distance le CAP,l'AUTOGATE et le portail OCR ;
• Terminal à conteneurs (postes à quai 6 et 7).
La STAM a engagé un plan de restructuration composé de quatre axes principaux :
• La généralisation du Système de Gestion de la Maintenance Assistée par Ordinateur GMAO.
1. DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES • Amélioration et développement des compétences en matière de conduite des engins lourds de manutention portuaire ;
5. TRAFFIC ANNUEL MANIPULÉ PAR LA STAM
• Maîtrise des techniques de maintenance ; • Maîtrise des techniques de sécurité, sûreté et de santé au travail et en milieu portuaire ;
© : D.R.
• Maîtrise des techniques de la gestion portuaire ;
365 000 158 000 320 000 6
EVP conteneurs semi-remorques voitures millions de tonnes (vrac et marchandises générales)
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en transbordement pour 90 % d’entre eux. Pointe-Noire progresse également », confirme Olivier de Noray, qui participe à la gestion des deux ports (avec APMT en ce qui concerne le port congolais). Si CMA CGM a misé cette année sur Kribi, Maersk continue à développer ses transbordements à Pointe-Noire. « Et Douala progresse aussi, car nous n’y employons pas les mêmes navires, et n’y exerçons pas les mêmes métiers », ajoute Georges Serre. Pour résumer : Douala, port de rivière au cœur d’une agglomération de 4 millions d’habitants avec un faible tirant d’eau – 8 mètres quand la drague vient de passer –, est un port de marché avec un bon corridor conduisant au nord du Cameroun. Alors que Kribi reste, en l’état, un port de transbordement qui accueille de grands navires d’Europe et d’Asie et en charge de plus petits, pour l’essentiel vers Douala et le Gabon. « Mais le Cameroun est un pays majeur en Afrique centrale, et Kribi, une fois qu’il sera bien connecté à l’économie régionale, a vocation à desservir ce pays, mais aussi la Centrafrique et le Tchad », estime Olivier de Noray, qui y vise un trafic de 230000 EVP en 2019. « Il faut que les entreprises camerounaises et internationales investissent aussi dans la zone de Kribi pour ancrer le trafic, ajoute Yann Alix. Avec des entrepôts et une industrie de transformation, notamment dans le bois, le potentiel est important. » Georges Serre confirme : « Kribi, c’est le début d’une aventure. » Mais si tout ce qui est côté mer est au niveau requis, les infrastructures terrestres demeurent très insuffisantes. « Il faut deux heures pour aller de Kribi à Douala, mais aussi deux heures supplémentaires pour
rentrer dans Douala et un temps très variable pour y circuler », constate Yann Alix. « Comme de nombreux ports en Europe et aux États-Unis, Lagos s’est développée à l’intérieur de la ville, et, sous certains aspects, on en atteint les limites », reconnaît Peder Sondergaard, le patron de la région Afrique-Moyen-Orient d’APMT (qui gère Apapa, longtemps premier terminal d’Afrique de l’Ouest).
MSC a fait de Lomé un redoutable rival pour Lagos
À Lagos, il a suffi que l’économie reprenne avec la remontée du cours du brut depuis quelques mois pour que la thrombose s’installe. Un camion peut mettre une semaine pour couvrir les cinq derniers kilomètres menant au port. S’estimant pénalisés, les armateurs ont frappé fort en mettant en place des surcharges temporaires vers les deux terminaux de Lagos (Apapa et Tincan) au mois d’octobre. Lagos a perdu beaucoup
de plumes. Le numéro deux mondial, MSC, a fait de Lomé un hub efficace et un redoutable rival, qui dépasse désormais Apapa et Tincan réunis. « Si les ports ouest-africains ont maintenant la même cadence que Rotterdam, on ne peut pas en dire autant du temps de sortie des boîtes d’un terminal, relève Olivier de Noray. Il faut en moyenne une journée et demie en Asie pour que le conteneur quitte l’environnement portuaire, deux à trois jours en Europe et quinze jours en Afrique. » Tout l’enjeu d’un développement réussi du continent réside dans le fait de bien connecter les ports à l’intérieur des terres. « Les grandes villes portuaires ne pourront pas absorber une croissance de 5 % par an sur dix ans, estime Yann Alix. Il faut veiller à ne pas reproduire un “modèle” – littoraliser et métropoliser 80 % de la population – sur lequel les Chinois eux-mêmes reviennent, sinon on risque de connaître un sacré chaos. »
COMMENT DÉCONGESTIONNER LES PORTS
Alors que le projet de Badagry, au Nigeria, terminal censé être développé par APMT, est, semble-t-il, mort-né et que CMA Terminals, filiale de CMA CGM, prévoit d’exploiter le port à construire à Lekki en 2020, Lagos reste une priorité pour Bolloré Ports. Le groupe, associé à China Merchants pour gérer Tincan, l’un des deux terminaux de Lagos, est en discussion avec l’État nigérian pour reconstruire le quai et
l’équiper de portiques. Mais le français essaye aussi de sortir de la congestion et a mis en place, en début d’année, une offre de barges sur la lagune qui a pris beaucoup d’ampleur depuis quelques semaines. Un conteneur sort du terminal par barge et est déchargé en périphérie de la zone portuaire avec des grues mobiles. Bolloré, qui loue le matériel, songe à investir en propre et à dupliquer ce modèle
à Abidjan, où le contexte est le même : congestion et lagune ! Bolloré veut sortir de la zone portuaire et étendre ses capacités logistiques dans les corridors. À Dakar, un port sec, à Diamniadio, sur la route du Mali, a été mis en fonction l’an passé. Et, vers le nord d’Abidjan, le groupe finalise l’achat d’un terrain au PK28, un secteur où foisonnent les projets turcs, chinois, libanais… T.T.
Dossier Transport maritime
INTERVIEW
Mohammed Abdeljalil
Au premier semestre, l’entreprise a réalisé 1,4 milliard de dirhams de chiffre d’affaires.
Président de Marsa Maroc
« Nous saisirons toutes les opportunités de croissance en Afrique »
Propos recueillis par EL MEHDI BERRADA
n 2016, l’entreprise publique Marsa Maroc a basculé partiellement dans les mains du privé. L’État a cédé 40 % de son capital pour 1,9 milliard de dirhams (environ 170 millions d’euros) et reste présent au tour de table. Sa relation avec les investisseurs se passe bien, malgré des difficultés à cerner les fluctuations du secteur. Au premier semestre de 2018, l’opérateur portuaire a réalisé un chiffre d’affaires de 1,4 milliard de dirhams, en augmentation de 9 % par rapport à l’année précédente. L’entreprise cherche de nouvelles opportunités en dehors des frontières marocaines. Après avoir perdu la bataille du port ghanéen de Takoradi, Marsa Maroc fait partie des quatre entreprises récemment retenues sur la liste des candidates à l’obtention de la future concession d’un terminal polyvalent au sein du port autonome de Kribi, au Cameroun.
E
Jeune Afrique : Depuis 2016, Marsa Maroc n’est plus public à 100 %. Qu’est-ce qui a changé en matière de gouvernance et de relations avec les investisseurs ? Mohammed Abdeljalil : Le conseil
de surveillance de la société s’est élargi à trois nouveaux investisseurs
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institutionnels du royaume : la Caisse marocaine des retraites (CMR), Wafa Assurance et le Régime collectif d’allocation de retraite (RCAR), qui détiennent tous 10 % du capital. Ces nouveaux membres font bénéficier l’entreprise de leur expertise et enrichissent les débats par leur expérience. Marsa Maroc est l’une des valeurs stars de la Bourse de Casablanca. Votre secteur dépend souvent d’éléments extérieurs. Comment gérezvous cette situation ?
Notre activité est intimement liée à la progression de l’économie
BIENTÔT AUX MAINS DU PRIVÉ
Le gouvernement va rouvrir les vannes de la privatisation en 2019. Marsa Maroc fait partie des cibles, comme Maroc Telecom et l’hôtel La Mamounia de Marrakech. Ces opérations devraient rapporter 10 milliards de dirhams (environ 920 millions d’euros), et Marsa Maroc à elle seule pourrait en représenter 4 milliards si elle basculait totalement dans les mains du privé.
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CHALLENGE.MA
Entré en Bourse en 2016, l’opérateur portuaire public profite de la forte hausse du trafic de conteneurs et souhaite conquérir d’autres terminaux hors du royaume.
marocaine et à celle de ses principaux partenaires. Par conséquent, les anticipations de croissance peuvent constituer un premier baromètre de l’évolution de notre activité. Mais effectivement, une forte incertitude caractérise toujours les prévisions ayant trait au domaine portuaire à moyen et à long terme. Pour y parer, nous essayons de maintenir une communication régulière avec la place financière afin de partager l’actualité de nos projets. Le segment des conteneurs a connu une belle hausse ces derniers mois. Avez-vous établi une stratégie particulière le concernant ?
Nous voulons renforcer la position de leader de Marsa Maroc sur l’import-export. L’augmentation du trafic de conteneurs a été soutenue ces dernières années. Entre 2015 et 2017, elle a frôlé les 9 % de moyenne. Nous avons donc essayé de renforcer notre offre sur ce segment. Dans un premier temps, nous avons engagé les moyens nécessaires pour sécuriser de nouveaux terminaux à conteneurs et assurer ensuite leur mise en exploitation avec succès.
Marsa Maroc dépend beaucoup de grands projets d’infrastructures tels que la construction de fermes éoliennes ou celle de la centrale Noor. Ces activités ne se répètent pas et ne s’étendent pas sur une longue période. Comment intégrez-vous ce paramètre, alors que vous êtes surveillé par les investisseurs ?
Des variations peuvent en effet toucher de manière ponctuelle certains trafics ou certaines régions. Mais la diversité de ceux que nous traitons ainsi que notre présence dans les principaux ports de commerce du pays nous aident à limiter l’impact de ces variations. Une entreprise comme Marsa Maroc a-t-elle besoin de s’internationaliser pour poursuivre son développement ?
Dans le port de Casablanca, qui concentre à lui seul 36 % du trafic national à l’import et à l’export, nous avons doublé nos capacités depuis fin 2016 pour atteindre 1,3 million d’équivalent vingt pieds (EVP) à travers nos deux terminaux. Nous avons acquis des portiques de grande capacité qui permettent de traiter des navires post-Panamax, les plus gros qui existent. Sur le port d’Agadir, principale porte d’entrée des régions du Sud et qui se caractérise par la prédominance des conteneurs réfrigérés, nous pouvons gérer 400 000 EVP.
En réfléchissant à la stratégie de la société pour les prochaines années, il nous a semblé important de chercher des relais de croissance complémentaires à l’international pour accélérer le développement de la société. Cette stratégie englobe deux dimensions. Tout d’abord le positionnement de Marsa Maroc sur le trafic de transbordement, via la plateforme portuaire de Tanger Med. C’est chose faite, dans la mesure où Marsa Maroc a obtenu la concession du terminal à conteneurs 3 du port de Tanger Med 2. D’une capacité de 1,5 million d’EVP, il devrait entrer en exploitation en 2020.
Ensuite, la société s’est fixé pour ambition d’obtenir des concessions sur le continent au cours des prochaines années. Marsa Maroc saisira toute opportunité de croissance qui se présentera au Maroc ou en Afrique. Votre offre pour la gestion du port de Takoradi, au Ghana, n’a pas été retenue. Nourrissez-vous d’autres projets sur le continent ?
Effectivement. Marsa Maroc a défini une stratégie en cinq points : accompagner nos clients dans leur développement africain, acquérir ou signer des contrats de sous-traitance des quais privés d’opérateurs industriels sur le continent, négocier de nouvelles concessions de ports publics dans les pays ayant des relations diplomatiques privilégiées avec le royaume, nouer des partenariats avec des opérateurs portuaires existants et, enfin, participer à des appels d’offres pour l’obtention de nouvelles concessions. Le marché marocain propose-t-il encore de belles opportunités d’expansion ?
La stratégie portuaire nationale à l’horizon 2030 élaborée par le ministère de l’Équipement en 2011 prévoit la construction de nouvelles infrastructures. Par exemple Safi Grand Vrac, à court terme, et des projets comme Nador West Med, Kenitra Atlantique et Dakhla Atlantique, à plus long terme.
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14 Agences en Afrique 22 dans le monde
Dossier Transport maritime
CONCURRENCE exclusivement à l’Afrique de l’Ouest », reconnaît Romain Massoulle, chargé du marché Europe-Afrique au siège de NileDutch, à Rotterdam.
La société établie à Rotterdam a mis en place ses lignes vers l’Afrique de l’Ouest en 1984.
NILEDUTCH
Préférer les services directs aux hubs, malgré le coût
NileDutch face aux géants Le néerlandais est le dernier armateur spécialiste du continent à résister aux poids lourds mondiaux et à leurs navires de plus en plus gros. THIBAUD TEILLARD
vec 95 % des ports ouest-africains désormais conformes aux standards internationaux, les navires adaptés au continent, assez larges, avec de faibles tirants d’eau et surtout des grues, sont devenus obsolètes. Il n’y a plus que 1 % à 2 % des volumes travaillés avec les gréements des navires. Les wafmax (West Africa Maximum Vessels) de Maersk ou aframax de CMA CGM forment la dernière génération de ces porte-conteneurs. L’effet de cascading (quand les très grands navires introduits sur les lignes est-ouest chassent les plus petits sur les lignes nord-sud), l’un des marqueurs de la conteneurisation, a joué directement sur l’efficacité portuaire. L’Afrique de l’Ouest attire les grands armateurs : en octobre, l’allemand Hapag-Lloyd, numéro cinq mondial, a ouvert une deuxième ligne au départ
A
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de l’Europe. MSC, deuxième pour sa part, essaie, lui, de rivaliser dans le roulier avec son leader sur le continent (et la planète), l’italien Grimaldi Lines. Comment les derniers indépendants peuvent-ils faire face aux transporteurs mondiaux superpuissants ? La Compagnie fruitière résiste, car elle maîtrise ses propres volumes. Les allemands Bocs et MTL Liner capitalisent sur leurs navires conventionnels, adaptés aux projets industriels. L’espagnol Marguisa occupe une (petite) partie de la niche des départs réalisés depuis la Méditerranée, et le turc Arkas, de ceux effectués depuis son pays d’origine, de plus en plus relié à l’Afrique de l’Ouest. Reste un seul véritable spécialiste du continent, le néerlandais NileDutch, qui s’est même renforcé en 2016 en reprenant le service polyvalent depuis l’Europe de Safmarine (Maersk). « Nous sommes le dernier armateur de taille significative qui se consacre
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Créé en 1980 pour assurer un service roulier entre l’Europe du Nord et la Méditerranée (Égypte, Liban), l’armateur néerlandais a mis en place ses services à destination de l’Afrique de l’Ouest en 1984. Il exploite des lignes reliant cette dernière à l’Europe, à l’Amérique du Sud et à l’Asie avec une forte spécialisation concernant l’Angola. « Nous proposons une liaison directe hebdomadaire entre Leixões, au Portugal, et l’Angola, un marché toujours important pour l’ex-puissance coloniale, précise Romain Massoulle. Être un spécialiste, c’est ainsi préférer les services directs aux hubs, même si cela a un coût. » NileDutch réalise aussi lui-même sa propre documentation quand le back-office des géants est souvent délocalisé en Inde. « Et sur certains ports de rivière qui s’ensablent, comme Matadi ou Douala, il faut avoir un peu d’expertise. C’est le bon côté du métier, même si la compétition est plus féroce. » NileDutch coopère avec CMA CGM pour ses trois marchés, et aussi avec Maersk et Hapag-Lloyd pour l’Amérique du Sud, ainsi qu’avec Cosco Shipping Lines, le singapourien Pacific International Lines (PIL) et le même Maersk pour l’Asie. À chaque fois, il met en ligne ses propres navires avec ceux de ses partenaires. « Sans navires, on est pieds et poings liés, suspendus aux décisions des autres aux escales. » NileDutch travaille néanmoins avec des affrétés après avoir dû renoncer à exploiter lui-même quatre porte-conteneurs neufs de 3500 EVP livrés en 2015. Deux ont été revendus, et deux sont loués à l’extérieur à long terme. Tous les armateurs africains ont disparu, et les tentatives de relance sont laborieuses. MNM African Shipping Line, au capital marocain et nigérian (Sifax), n’a pas percé en 2015.
Développement de Sea-Invest en Côte d’Ivoire et au Sénégal Le groupe SEA-Invest est un des leaders mondiaux de la manutention et de la logistique des vracs solides, liquides et de la chaîne de froid. Il opère dans 25 ports (huit pays) pour un tonnage annuel manutentionné de plus 100 millions de tonnes et compte 5000 employés. Fortement présent en Europe notamment en Belgique et en France, SEA-Invest s’engage activement dans le développement sur plusieurs ports en Afrique de l’Ouest notamment au Sénégal (Dakar) et en Côte d’Ivoire (Abidjan et San Pedro).
CÔTE D’IVOIRE
TERMINAL MINÉRALIER D’ABIDJAN (TMA) ▲ Terminal Minéralier d’Abidjan (TMA) pour la gestion du terminal vraquier avec le traitement de 5 millions de tonnes par an de vracs solides industriels (minerais, intrants à la fabrication du ciment) et l’objectif de traiter 10 millions de tonnes à l’horizon 2022.
PETRO-SEA LOGISTICS (PSL)
SEA TRUCK
▲ PETRO-SEA LOGISTICS (PSL) spécialisée dans la logistique pétrolière à travers la gestion d’une base supply de 5 hectares en partenariat avec la compagnie nationale pétrolière.
▲ SEA TRUCK met à disposition une flotte de 55 camions pour le transport de produits miniers avec plus de 300 000 tonnes transportées chaque année.
SEA INVEST LOGISTIQUE (SIL)
SAN PEDRO
▲ SEA INVEST LOGISTIQUE (SIL) spécialisée dans les activités d’entreposage avec 30 000m2 d’entrepôts sous douane en zone de VRIDI.
▲ San Pedro Manutention (SPM) en charge du traitement des matières premières d’une cimenterie nouvellement installée dans la région.
TERMINAUX VRAQUIERS ET PETROLIER DE DAKAR
CHARGEMENT D’ILMÉNITE
▲ Terminaux Vraquiers du Sénégal (TVS) en charge de la gestion de 4 millions de tonnes de vracs industriels par an. Terminal Pétrolier de Dakar (TPD) spécialisé dans la gestion de déchargement des navires du secteur.
▲ Sea Invest Sénégal assure des activités de manutention portuaire dont le traitement des navires à l’export d’ilménite.
Une politique d’investissements soutenue couplée à un savoir-faire dans la gestion de terminaux portuaires et une volonté de faire émerger une expertise locale sont au cœur de la stratégie de développement du groupe sur le continent.
www.sea-invest.com
Skaldenstraat 1 / 9042 Ghent - Belgium Tél. : +32(0) 9 255 02 11 - Fax : +32(0) 9 259 08 94 Email : info@sea-invest.be
JAMG - © SEA-INVEST
SÉNÉGAL