JA 3021 du 2 au 8 décembre 2018 GF Tunisie

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ENQUÊTE

ARABIE SAOUDITE MBS et le Maghreb : je t’aime, moi non plus

TRÈS CHÈRE DIASPORA

MAROC La BMCE face au risque africain

HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL NO 3021 DU 2 AU 8 DÉCEMBRE 2018

Clarification de l’offre politique, réformes économiques, apaisement des tensions sociales… À un an des législatives et de la présidentielle, les défis sont légion.

DOSSIER

SANTÉ Spécial 6 pages

2019 L’année de tous les enjeux TUNISIE

SPÉCIAL 20 PAGES

ÉDITION MAGHREB & MOYEN-ORIENT

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France 3,80 € Algérie 290 DA Allemagne 4,80 € Autriche 4,80 € Belgique 3,80 € Canada 6,50 $ CAN Espagne 4,30 € Éthiopie 67 birrs Grèce 4,80 €

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Guadeloupe 4,60 € Guyane 5,80 € Italie 4,30 € Luxembourg 4,80 € Maroc 25 DH Martinique 4,60 € Mayotte 4,60 € Norvège 48 NK Pays-Bas 4,80 €

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Portugal cont. 4,30 € Réunion 4,60 € RD Congo 6,10 $ US Royaume-Uni 3,60 £ Suisse 7 FS Tunisie 3,50 DT USA 6,90 $ US Zone CFA 2 000 F CFA ISSN 1950-1285


© BLUEBAY2014/FOTOLIA

COMMUNIQUÉ

Retour sur l’évènement économique phare de la Tunisie de cette fin d’année 2018 avec le Président de la CONECT Mr Tarak Cherif

TC : Je parlerai plutôt des premiers résultats. Le bilan de cet évènement sera établi sur la base des fiches d’évaluation des participants. Les premiers indicateurs sont largement positifs et ont dépassé toutes les attentes. Avec près de sept cent participants de trente pays de tous les continents et représentant plus de quarante secteurs, cette 22ème édition de Futurallia a enregistré des performances exceptionnelles avec surtout plus de 9 000 rencontres B2B.

« 700 participants de 30 pays de tous les continents et 40 secteurs d’activités représentés ont permis 9 000 rencontres B2B. »

Nous avons également enregistré des rencontres institutionnelles entre plusieurs organisations patronales et des institutions d’appui des pays participants visant à développer la coopération bilatérale et multilatérale dans le cadre d’un Codéveloppement responsable et durable. Simultanément avec la tenue de cet évènement important, nous avons eu l’occasion d’organiser la cérémonie de remise du Trophée de la Femme Manager de 2018. Et pour les effets sur l’économie tunisienne ?

www.conect.org.tn

TC : Futurallia 2018 a constitué l’évènement économique phare en Tunisie pour cette fin de l’année 2018 de par son ampleur, la grande mobilisation de chefs d’entreprises de dizaines de pays et l’intérêt particulier manifesté par les responsables tunisiens de premier niveau à cette manifestation avec le haut patronage du Chef du Gouvernement M Youssef Chahed et l’appui personnel de SE le Président de la République M Béji Caid Essebsi qui a reçu au Palais de Carthage tous les Chefs des délégations des pays participants.

L’intérêt manifesté par plus de trois cent chefs d’entreprises étrangers de trente pays et d’institutions internationales d’investissement et de financement à notre pays illustre l’importance stratégique de la Tunisie en tant que site privilégié d’investissement et de plateforme de choix et de liaison entre des partenaires économiques potentiels des pays d’Europe, d’Asie, du monde arabe et même d’Amérique et leurs homologues du continent africain. Un autre résultat intéressant pour la Tunisie, celui de l’effet direct et indirect sur le secteur touristique et plus particulièrement le développement des nouveaux marchés potentiels d’Asie et d’Afrique. L’après Futurallia ? TC : C’est une question très pertinente. Futurallia Tunisia 2018 est organisé par les privés pour les privés. Nous cherchons avant tout les résultats et la concrétisation d’objectifs précis. La réussite a été tellement importante que nos partenaires de Futurallia et du Trophée de la Femme Manager de l’Année nous ont accordé la faveur d’organiser annuellement ces deux évènements en Tunisie. Notre travail est loin d’être terminé avec l’organisation du forum. Nous venons juste de semer les grains pour un meilleur développement à l’international de nos entreprises de tous les pays intéressés. L’heure est désormais au suivi et à la concrétisation des opportunités de coopération. C’est ce que nous avons déjà engagé en collaboration avec nos partenaires de Futurallia et des pays concernés.

PHOTOS : DR SAUF MENTION.

Futurallia Tunisia 2018 : le bilan ?


GRAND FORMAT Pour tout comprendre de l’évolution d’un pays

TUNISIE

ONS ABID (2), NICOLAS FAUQUÉ ; MOHAMED HAMMI POUR JA, MOHAMED HAMMI/SIPA

Derrière Béji Caïd Essebsi et Youssef Chahed, de g. à dr. : Noureddine Taboubi, Rached Ghannouchi, Hamma Hammami et Mehdi Jomâa.

L’année de tous les enjeux

Clarifier les alliances, réduire les déficits, apaiser les tensions sociales… Tels sont les principaux défis que devra relever la classe politique avant les législatives et la présidentielle prévues fin 2019.

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PUBLI-INFORMATION

BIOME SOLAR INDUSTRY Parce que nous avons tous besoin d’une énergie durable ! Le Leader tunisien du solaire éco-responsable Passionné par le développement durable, Ahmed Ernez, Président Directeur Général de Biome Solar Industry, écrit avec son équipe une success story dans le domaine des énergies renouvelables. Depuis sa création en 2006, Biome Solar Industry est une entreprise éco-solidaire engagée pour l’environnement. Mr Ahmed Ernez En partenariat avec le fabricant Président Directeur Général Allemand de capteurs solaires de Biome Solar Industry thermiques KBB, BSI conçoit et fabrique une gamme diversifiée de chauffe-eau solaires respectueuse de l’environnement et adaptée aux spécificités de chaque marché.

mation en énergie solaire sur son site industriel, dans le cadre d’un partenariat Public- Privé (PPP) avec la GIZ. Ces prouesses techniques et humaines ont été couronnées en 2015 à Marseille par le trophée EDILE 2015 de l’investissement inclusif, Impact économique décerné à BSI par ANIMA Investment Network.

Biome Solar Industry atteint aujourd’hui une maturité technologique par la mise en place d’une unité d’émaillage industrielle unique en Afrique et conforme aux standards internationaux. Unique entreprise Africaine et Arabe à avoir obtenu la certification Européenne « Solar Keymark » sur l’intégralité de son chauffe-eau solaire, BSI est aujourd’hui leader sur le marché Tunisien et s’impose à l’international en exportant ses produits en France, au Maghreb, au Burkina-Faso, au Sénégal, au Bénin, au Niger, en côte d’ivoire, en Nouvelle Calédonie et aux DOM TOM. Dans ce contexte, Biome Solar Industry vient de signer un contrat pour réaliser à Alger la plus importante installation solaire thermique de production d’eau chaude sanitaire en Afrique du nord, constituée de 2 900 m² de capteurs solaires. JAM M G/DIFCOM - PHOTOS : ©D.R.

Dans sa politique d’ouverture à l’international, l’entreprise vise à délocaliser partiellement sa production dans des pays tiers. Cette stratégie lui permet d’établir un réseau solide et durable pour la diffusion de la culture du kilowatt vert en Afrique. Par ailleurs, dans le contexte de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) et en accord avec sa stratégie de développement durable, BSI a mis en place un centre de for-

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96 ENJEUX

Compte à rebours enclenché

Marwane Ben Yahmed

100 Vie des partis Entretien avec Lotfi Zitoun Membre du bureau exécutif d’Ennahdha

marwaneBY

L’optimisme est la foi des révolutions alaise permanent, absence de visibilité globale, grogne sociale exponentielle, économie gérée à courte vue, incessantes querelles vipérines entre politiques, anarchie des volontés… Cela fera bientôt huit ans que la « révolution du jasmin » a éclos. Depuis, passé le temps de l’euphorie, l’ambiance ne cesse d’osciller entre maussaderie et catastrophisme. Les fruits n’ont semble-t-il pas tenu la promesse des fleurs. À qui la faute? À une classe politique, tous bords confondus, médiocre pour les plus indulgents, pitoyable pour les plus sévères, guère au niveau, en tout cas, de l’avis général. Analyse paresseuse, même si le constat est réel: la Tunisie est devenue une démocratie, les élections y sont transparentes. Ceux qui ont voté lors des scrutins successifs doivent assumer leurs choix. Ceux qui ne l’ont pas fait, eux, n’ont pas grand-chose à réclamer. On a les dirigeants que l’on mérite, dit-on… Depuis 2011, seuls deux acteurs politiques sont parvenus à tenir la distance : l’islamiste Rached Ghannouchi et le « moderniste » Béji Caïd Essebsi. Les autres, tous les autres – opposants au long cours sous Ben Ali (Mustafa Ben Jaafar, Nejib Chebbi, Moncef Marzouki, entre autres), anciens responsables sous ce dernier, comme nouveaux venus sur un échiquier où une chatte ne retrouverait pas ses petits – ont tous plus ou moins déçu ou disparu des écrans radars. Il ne suffit pas de courir les plateaux télé pour exister. Longtemps vantée pour la qualité des cerveaux sortis de ses écoles et universités, la Tunisie n’a guère su produire, à ce jour, les hommes et les femmes aptes à la gouverner avec succès. Ou à se faire élire quand ils avaient supposément les qualités requises. Sombre tableau? Question de perspective. Car il y a une autre manière d’analyser le chemin parcouru depuis janvier 2011. La plus logique, et la plus neutre, consiste à prendre un certain recul. Qui aurait pu sérieusement

M

102 Embouteillage au centre

103 Interview

de Rym Mahjoub Députée Afek Tounes de Mahdia

imaginer que, en un laps de temps aussi court à l’échelle de l’Histoire, et après avoir pris la décision de changer tout le système, la plupart des règles du jeu et des acteurs, ce chemin aurait été pavé de roses ? Qu’une génération spontanée de politiques, après plus d’un demi-siècle d’anesthésie générale, allait émerger en un tournemain? Que la raison l’emporterait aisément sur les passions et, surtout, les frustrations ? Que le civisme et la mesure, dans ce pays où plus personne n’osait s’exprimer et où tout le monde était surveillé, primeraient?

Il faut se retrousser les manches

La liste des acquis ne peut pas non plus être jetée avec l’eau du bain. Démocratie, libertés individuelles, nouvelle Constitution parmi les plus modernes d’Afrique et du monde arabe, avancées indéniables vers l’égalité entre hommes et femmes, art certain du dialogue et du consensus, mise en responsabilité d’une nouvelle génération, renaissance d’une société civile jadis aphone… La Tunisie a-t-elle quelque chose à envier à l’Égypte de Sissi ? À l’Algérie de Bouteflika, qui, elle, a préféré la stabilité ? Sans parler, bien sûr, de la toujours chaotique Libye ? À l’évidence, non. Les Tunisiens ont préféré, dans leur écrasante majorité, tout remettre à plat pour réinventer leur pays et leurs institutions. Il faudra donc de la patience pour atteindre l’objectif fixé, peut-être dans cinq ans, dix ans, voire plus. Mais aussi, et surtout, se retrousser les manches, être raisonnable (et sans doute cesser de faire grève pour un oui ou pour un non), assumer erreurs et lacunes, libérer les énergies sans tout attendre de l’État, cesser de se défausser en permanence sur de virtuels boucs émissaires. Il n’y a cependant aujourd’hui aucune raison de douter de leur réussite finale. La révolution ne déchante pas, elle décante.

105 Tribune

Rachida Ennaifer Ex-membre de la Haica

108 ÉCONOMIE Équation énergétique

110 Décryptage Le casse-tête de la dette

112 Innovation

Sousse au rythme de la mécatronique

118 SOCIÉTÉ Vacances sur ordonnance

120 Tendance

Harissa à toutes les sauces

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Grand format TUNISIE

ENJEUX À un an des élections générales, les alliances se font et se défont. Un nouveau bloc parlementaire soutient désormais le chef du gouvernement… contre le parti présidentiel, mis en minorité. Mais les grands équilibres politiques ont-ils changé pour autant?

FRIDA DAHMANI, à Tunis

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ne fois passées les élections législatives et pré­ sidentielle de 2014, la Tunisie pensait en avoir fini avec l’instabilité politique ou, du moins, s’être mise à l’abri des tempêtes, désormais forte d’une Assemblée des représentants du peuple (ARP) et d’un exécutif légitimés par les urnes. Quatre ans plus tard, il n’en est rien. Les crises politiques successives ne lui ont pas permis de retrouver l’équilibre ni, donc, l’aplomb nécessaire pour faire aboutir les réformes et surmonter les difficultés économiques et financières (lire p. 98 et p. 110). À un an des prochaines élections générales (prévues au dernier trimestre de 2019), la dernière crise en date, la plus profonde et la plus longue, rebat les cartes. Partie d’un mal­ entendu sur les prérogatives dévolues par la Constitution de 2014 au président de la République et au chef du gou­ vernement, elle a opposé pendant six mois les deux têtes de l’exécutif, bien que l’un et l’autre n’aient cessé de le nier… Jusqu’à la fracture (voir chronologie p. 98). Vainqueur des scrutins en 2014, Nidaa Tounes, le parti fondé en 2012 par le chef de l’État, Béji Caïd Essebsi (BCE), est désormais relégué dans l’opposition. Principale force politique du pays après sa victoire aux législatives en 2014, avec 89 députés sur 217, la formation a perdu 22 sièges dès fin janvier 2016 et, du même coup, son statut de premier groupe parlementaire au profit d’Ennahdha (69 sièges). En cause, la remise en question du leadership de Hafedh Caïd Essebsi (le fils de Béji), devenu directeur exécutif de Nidaa Tounes début janvier 2016, qui s’est traduite par plusieurs vagues de démissions.

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NICOLAS FAUQUÉ POUR JA

De fils spirituel de BCE…

Les désaccords les plus graves au sein du parti se sont décla­ rés avec l’arrivée de Youssef Chahed à la primature. Membre de Nidaa Tounes, sans passé politique marquant, l’ancien ingénieur agronome, qui a occupé le secrétariat d’État à la Pêche, puis a détenu le portefeuille des Affaires locales, a été nommé à la tête du gouvernement par le président à l’issue des accords de Carthage, fin août 2016. Il n’avait que 40 ans. Faisant d’abord figure de fils spirituel de Béji Caïd Essebsi, il a assez rapidement pris ses distances pour se positionner comme chef d’un gouvernement d’union. En l’absence de soutien de son parti et, selon ses dires, sous l’effet « des pressions et des tiraillements politiques », Chahed a choisi de composer avec les autres formations tout en ramenant à lui l’alliance conclue en tout début de man­ dat entre Nidaa Tounes et Ennahdha, les deux piliers de la majorité, pour gérer les affaires du pays. S’il n’a pu appliquer la vision de Nidaa Tounes et encore moins son programme, Youssef Chahed a su manœuvrer pour devenir l’homme le plus en vue du pays sans jamais avoir été élu, ni avoir mené de carrière politique. Cette montée en puissance s’accompagne pour­ tant d’un bilan économique mitigé, d’autant que le

Compte à


Youssef Chahed, le 30 novembre 2016.

rebours enclenchĂŠ jeuneafrique no 3021 du 2 au 8 dĂŠcembre 2018

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Grand format TUNISIE ENJEUX

PASSES D’ARMES

gouvernement est pris entre, d’un côté, ses engagements de réformes et de bonne gouvernance vis-à-vis des bailleurs de fonds et, de l’autre, les revendications de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), qui n’accorde aucun répit à l’exécutif (et avec laquelle le gouvernement a conclu un accord sur les augmentations salariales dans le secteur public le 20 octobre).

… à poulain d’Ennahdha?

4 mai 2018 Lors d’une allocution télévisée, le chef du gouvernement accuse la direction de Nidaa Tounes d’être responsable de la déliquescence du parti. 27 août Création d’un nouveau bloc parlementaire, la Coalition nationale, formé d’une trentaine de députés indépendants et centristes libéraux. Au 26 novembre, ce bloc comptait 42 membres. 15 septembre Youssef Chahed est suspendu des rangs de Nidaa Tounes, qui lance une procédure disciplinaire à son encontre. 5 novembre Sans attendre l’avis du président de la République, le chef du gouvernement présente un remaniement, avec 18 nouvelles nominations sur un total de 29 ministres et 5 secrétaires d’État. 12 novembre L’ARP approuve le remaniement.

Le remaniement ministériel, attendu pendant six mois, est finalement annoncé par Youssef Chahed le 5 novembre (alors que le chef de l’État, en déplacement en Mauritanie, ne l’a pas validé) et approuvé par l’ARP le 12 novembre. Il précise de nouvelles alliances et met en place de nouveaux équilibres. La majorité a changé de camp, puisqu’elle apporte ses voix au chef du gouvernement, qui est soutenu par le nouveau bloc parlementaire de la Coalition nationale (créé fin août, il compte déjà 40 députés indépendants, issus de divers partis centristes et ex-membres de Nidaa Tounes) et a reçu la bénédiction d’Ennahdha. Une reconfiguration qui laisse entendre que Youssef Chahed se destine à un avenir politique, même s’il ne s’est jamais prononcé sur ce point. Certains en donnent pour preuve l’entrée au gouvernement de Kamel Morjane, le fondateur du parti Al-Moubadara, qui montre que le chef du gouvernement consolide son assise politique en s’alliant à des franges du courant destourien, héritier de la pensée de Bourguiba.

Ce jeu d’alliances semble réussir au locataire de la Kasbah, qui a désormais les coudées franches avec une majorité au Parlement. L’adoption, mi-décembre, de la loi de finances 2019, sera un premier grand test pour le chef du gouvernement, en attendant qu’il précise ses projets, notamment « la création d’un parti », selon la députée Leila Chettaoui, qui a rejoint la Coalition nationale. Plus vite dit que fait, car le contexte est complexe. Les appuis de Chahed au sein de l’ARP devront se prononcer également sur la loi successorale figurant au projet présenté par la Commission des libertés individuelles et des égalités (Colibe), ainsi que sur la désignation des membres et du président de l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie). S’ils votent comme Ennahdha, ils perdront leur position de modernistes; s’ils font cavalier seul, Chahed risque de ne plus bénéficier du soutien des islamistes. Avec les élections de 2019 à la clé, la position de la Coalition nationale, mais aussi celle de Machrou Tounes, qui lui est proche, sera déterminante pour l’avenir politique de Chahed. À moins que ce dernier n’opère un rapprochement plus franc avec Ennahdha, dont il pourrait devenir le poulain pour la présidentielle. Malgré toute cette agitation, les Tunisiens semblent éprouver le sentiment singulier que rien ne change. Ennahdha est égale à elle-même; laCoalitionnationalequisoutientChaheds’estconstruitesur fond de Nidaa Tounes, notamment: la bipolarisation, contre laquelle l’universitaire Larbi Chouikha mettait en garde dès 2014, reste donc bien installée.

Des indicateurs au rouge Le patronat demandait en vain, depuis 2012, l’instauration d’un état d’urgence économique. Six ans plus tard, les indicateurs sont au rouge, et les activités d’autant plus difficiles à relancer que les handicaps sont lourds: le secteur informel représente plus de 70 % du PIB, le tissu industriel se disloque, la corruption semble hors de contrôle et le pays est inscrit sur les listes grises du Groupe d’action financière, au titre

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de paradis fiscal, et de l’UE, en raison de son exposition au blanchiment de capitaux et au financement du terrorisme. Pour attirer les investisseurs, le gouvernement tente de retrouver ses fondamentaux en limitant les déficits et en reconstituant ses réserves de change. Un défi avec une inflation de plus de 7 %, une dette de 71 % du PIB (lire p. 110), un investissement atone, un taux de croissance de 2,8 %

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qui ne crée pas d’emplois et un dinar qui a perdu 25 % de sa valeur. Pris en tenailles entre les exigences de l’Union générale tunisienne du travail et celles des bailleurs (dont le FMI, qui recommande le gel des augmentations salariales dans la fonction publique, le relèvement de l’âge de la retraite et la suppression du système de compensation), l’exécutif est sous pression. Il doit impérativement juguler les déficits abyssaux

des caisses sociales et de sa balance commerciale mais tergiverse. Rechignant à appliquer une politique trop austère, il cède à la centrale syndicale pour s’assurer une paix sociale, accepte une révision des salaires, la non-privatisation des entreprises publiques et – perspectives électorales obligent –, après une hausse de la fiscalité en 2018, a quelque peu adouci la loi de finances 2019. F.D.


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RADHIA KAMOUN Président Directeur Général

COMMUNIQUÉ

A chacun son moment Gourmandise !


Grand format TUNISIE ENJEUX

VIE DES PARTIS

Lotfi Zitoun Membre du bureau exécutif d’Ennahdha

« Le système actuel a montré ses limites » idèle compagnon de route de Rached Ghannouchi, dont il est le conseiller politique depuis leur exil à Londres en 1991, Lotfi Zitoun affiche des positions modernistes, parfois à l’encontre de celles de son parti, Ennahdha, l’un des piliers de la majorité. Selon lui, le bicéphalisme de l’exécutif et l’absence de consensus freinent le pays depuis cinq ans et mettent désormais en péril le processus démocratique.

AUDE OSNOWYCZ/SIPA

Propos recueillis à Tunis par FRIDA DAHMANI

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Jeune Afrique : Que penser de l’affrontement entre les deux chefs de l’exécutif? Lotfi Zitoun : Le désaccord entre le pré-

sident de la République et le chef du gouvernement place le pays dans une impasse. On ne peut que souhaiter que cette fracture se résolve rapidement. Au sein de la classe politique en général, les trop nombreux tiraillements et débats versant dans le populisme font perdre de vue les priorités du pays et lassent les Tunisiens. Il faut que tout le monde se retrouve autour de la table, fasse preuve de pondération et dépasse les inimitiés pour réinstaurer un dialogue dans l’intérêt du pays. Il y a lieu aussi de tirer des enseignements de cette expérience – en espérant qu’elle ne créera pas de précédent. Quels enseignements?

Au - d e l à d e s p e r s o n n e s e t d e s mésententes, c’est le système politique choisi en 2013 qui montre ses limites. Pour se prémunir contre un retour à la dictature

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La question clé

ENNAHDHA PEUT-ELLE GOUVERNER SEULE ?

Non, pas plus que les autres partis. Et ce ne serait pas dans l’intérêt du pays. Au contraire, il est nécessaire de nous fédérer pour dépasser les dissensions et nous pacifier. La Tunisie a besoin de consensus. Dans le contexte actuel, c’est l’unique voie qui permette de maintenir une cohésion politique et sociale entre toutes les composantes du pays.

et à un régime présidentialiste, dans la nouvelle Constitution [adoptée en janvier 2014], les prérogatives de l’exécutif ont été réparties entre le chef de l’État et le chef du gouvernement. Mais nous n’avons pas pris la mesure des blocages que ce verrouillage pourrait entraîner, comme celui auquel nous sommes confrontés aujourd’hui. Il nous faut impérativement revoir le code électoral pour que puisse émerger une majorité tranchée. Il est tout aussi urgent et nécessaire de désigner les membres de la Cour constitutionnelle afin qu’elle soit opérationnelle – la situation actuelle nous montre combien son arbitrage est essentiel –, ainsi que les membres et le président de l’Isie [Instance supérieure indépendante pour les élections]. Sans ces instances, nous mettons en péril notre démocratie. Y compris la bonne organisation des élections législatives et présidentielle de 2019?

Dans les conditions actuelles, je ne sais comment elles vont se tenir et si elles le pourront. Évidemment, leur report serait un échec pour les ambitions démocratiques de ces huit dernières années. En tout cas, il est certain que ces scrutins vont engendrer une redistribution des équilibres politiques. Mais, attention, l’abstention risque d’influer sur la représentativité de l’Assemblée.


Ennahdha joue l’ouverture

Pour moderniser son image et élargir son électorat, le mouvement islamiste compte sur sa jeune garde, qu’il a opportunément mise en avant.

CAMILLE LAFRANCE, envoyée spéciale

vant la révolution, Ennahdha était un parti “totalitaire” », lâche Mohamed Amine S d i ri . C o ns ei lle r du mi nis tre du Développement, ce trentenaire assume la rupture avec ses aînés. « Nous n’avons pas vécu la confrontation avec le pouvoir, la prison. La première génération d’Ennahdha vivait un peu isolée, il fallait être coopté, et la clandestinité et l’exil l’ont un peu déconnectée. » Passé par Sciences-Po Paris, Mohamed Amine Sdiri se décrit comme « un facilitateur ». Il marche dans les pas de son ministre, Zied Ladhari, 43 ans, titulaire de son troisième portefeuille ministériel depuis février 2015. Constituant, puis député de Sousse, Zied Ladhari a été dès 2011 l’un des visages du renouvellement d’Ennahdha, dont il deviendra porteparole en octobre 2013. Avocat formé en France, il maîtrise tous les codes, sait naviguer d’un milieu à l’autre et adapter son style (volubile ou langue de bois). Les trentenaires et les quadras sont de plus en plus visibles au sein d’Ennahdha, qui leur attribue volontiers le rôle de communicants et investit dans ses jeunes cadres. Chaque année, ils sont une vingtaine à rejoindre son académie politique et à bénéficier de séminaires de formation.

A

«

2016, un tournant

Avec près de quarante ans de militantisme, même si elle n’a été légalisée qu’en 2011, Ennahdha est le parti le plus structuré du pays. Ses cadres historiques, docteurs, juristes ou ingénieurs, dont la plupart ont vécu la répression et l’exil – « les faucons », comme on surnomme encore parfois les plus conservateurs –, font progressivement place à la nouvelle génération. Lors de son dixième congrès, en mai 2016, le mouvement s’est officiellement

détaché de ses activités de prédication pour se consacrer exclusivement au domaine politique. « J’ai poussé à cette réforme », assure Oussama Sghaier, 35 ans, député de la circonscription de l’Italie, où sa famille s’est réfugiée sous Ben Ali. Diplômé en sciences politiques et relations internationales à La Sapienza de Rome, il est revenu en Tunisie au lendemain de la révolution, après dix-sept ans d’exil, et a su se faire une place au sein du mouvement. Élu membre du conseil de la Choura (haute instance consultative d’Ennahdha), il devient son porte-parole, puis celui du parti. Ennahdha martèle sa politique de consensus. Lui dit l’incarner « comme personne ». À l’instar d’autres binationaux.

DE PLUS EN PLUS VISIBLES, SES CADRES TRENTENAIRES ET QUADRAGÉNAIRES SONT « MANDATÉS » POUR COMMUNIQUER.

Fini les clichés

Comme la Franco-Tunisienne Sayida Ounissi, qui, à 31 ans, a été nommée ministre de l’Emploi lors du remaniement de novembre. Elle se réjouit de ce que les municipales du mois de mai ont été l’occasion de débarrasser le parti du cliché qui résume son électorat aux classes populaires, aux ultraconservateurs et aux enfants de prisonniers politiques. « C’était un vrai test et c’était génial. On a vu que l’on mobilisait des fonctionnaires et des représentants de catégories socioculturelles très diverses. » Silhouette longiligne, costume gris bien taillé, l’un de ses prédécesseurs au ministère de l’Emploi, le député de Sidi-Bouzid, Naoufel Jammali, se voit comme « une courroie de transmission avec les milieux modernistes ». Lui aussi se réjouit de la composition des listes de candidats d’Ennahdha aux municipales : la moitié étaient des indépendants, la moitié avaient moins de 35 ans. « Nous ne sommes pas une secte, nous voulons perdre cette image. Nous devenons un parti conservateur qui brasse large, qui veut s’ouvrir à l’ensemble des cadres désireux de faire avancer les choses. »

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Grand format TUNISIE ENJEUX

Embouteillage au centre SYRINE ATTIA

ur l’échiquier politique, qui compte 215 formations, la plupart des partis se positionnent au centre : Machrou Tounes (de Mohsen Marzouk), Al-Moubadara (de Kamel Morjane), Albadil Ettounsi (de Mehdi Jomaa), Afek Tounes (de Yassine Brahim), etc. Leur ligne varie peu, et l’électorat qu’ils ciblent encore moins. Ce qui explique que, depuis 2011, les uns fusionnent avec les autres, se séparent ou se coalisent, que certains de leurs cadres passent de l’un à l’autre… « Cette concentration au centre est avant tout une tendance historique, explique le politologue Selim Kharrat. Depuis l’indépendance, la majorité des partis tunisiens se sont positionnés ainsi,

S

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EN DÉPIT OU À CAUSE DE CETTE PROFUSION DE PARTIS, AUCUNE FIGURE NE PARVIENT À ÉMERGER.

y compris ceux de Bourguiba et de Ben Ali. » Un choix lié, aussi, à la volonté d’attirer un maximum d’électeurs. « Mais actuellement, ajoute Selim Kharrat, c’est surtout le flou et la faiblesse des projets qui entraînent cet embouteillage. » En dépit ou à cause de cette profusion, aucun véritable leader ne parvient à émerger depuis l’émiettement de Nidaa Tounes. Une réalité qui fait planer de sérieux doutes sur la capacité du centre progressiste à s’imposer face aux islamistes lors des scrutins de 2019.

Sans projet, pas de leadership

Conscient de cette faiblesse, l’intellectuel Mounir Charfi a créé l’Union civile, une alliance constituée en vue des municipales de mai 2018 entre onze partis du centre et des candidats indépendants. Une aventure qu’il ne souhaite pas renouveler l’an prochain. « Les partis, c’est beaucoup d’ego. Pour la présidentielle, je me retrouverais avec onze candidats et aucun désistement, déplore-t-il. L’expérience des municipales a été un échec. Manque de solidarité pendant la campagne, tentatives d’écarter les indépendants, etc. : chaque formation cherchait à tout prix à imposer ses candidats, sans même se demander s’ils étaient les plus compétents ou les mieux placés. Et dans les circonscriptions que nous avons remportées, les élus n’agissent plus dans le cadre d’une union. » Certains espèrent conquérir le terrain perdu par Nidaa Tounes et fédérer la famille centriste,telMachrouTounes.Lepartifondé en mars 2016 par Mohsen Marzouk et issu de la scission de Nidaa Tounes s’est récemment rapproché du bloc de la Coalition nationale, créé fin août. « Nous avons nos chances aux élections, car les Tunisiens forment un peuple centriste par essence, mais nous devons y aller ensemble », déclare Abderraouf Cherif, président du bloc parlementaire de Machrou Tounes. « Une nouvelle union apportera peutêtre plus de voix pour des raisons purement arithmétiques, mais, sans réel programme, cette alliance sera éphémère et extrêmement fragile, comme le prouve le cas de Nidaa Tounes. Ce n’est pas l’accumulation des partis qui empêche l’émergence d’un leader, mais bien l’absence d’un projet sociétal et économique clair », conclut Selim Kharrat.


au nom de la stabilité gouvernementale, mais a-t-elle une valeur quand la stabilité politique, elle, n’est pas garantie?

DR

Certains députés d’Afek Tounes ont rejoint la Coalition nationale, le nouveau bloc parlementaire qui soutient le chef du gouvernement. Ce bloc peut-il être un rival pour les scrutins de 2019 ?

Rym Mahjoub

Députée Afek Tounes de Mahdia

« Chahed veut faire comme Macron, mais sans démissionner » Propos recueillis par SYRINE ATTIA

édecin de profession, Rym Mahjoubs’estengagéeenpolitique en 2011 et a intégré la Constituante sous les couleurs du parti social-libéral Afek Tounes. Élue présidente du bureau politique de sa formation le 10 août, la députée revient sur le sens et les conséquences de la crise qui divise l’exécutif.

M

Jeune Afrique : Pourquoi estimez-vous que le chef du gouvernement devrait démissionner ? Rym Mahjoub : Youssef Chahed a été

choisi par le président de la République car il est issu de son parti. Une cohérence constitutionnelle qui, aujourd’hui, n’est plus respectée. Qu’il existe un conflit interne au sein de Nidaa Tounes, je peux le comprendre. Que cela se répercute sur les institutions, je trouve cela profondément regrettable. Si Youssef Chahed veut mener une bataille au sein de son parti, il doit d’abord démissionner. En cédant à son entêtement, nous sommes en train de créer un petit dictateur. Certains veulent le maintenir

Ce mouvement dissident de Nidaa Tounes est interne au Parlement. En dehors de l’hémicycle, ce bloc ne représente rien ; ce serait tout de même curieux qu’il donne naissance à une formation politique. D’habitude, ce sont les partis qui créent les groupes parlementaires, et non l’inverse. Bâtir un nouveau parti solide n’est pas une affaire de quelques mois. La Coalition nationale et le chef du gouvernement prétendent qu’ils vont rassembler le centre, mais quel est leur véritable programme, mis à part l’opposition à Hafedh Caïd Essebsi ? Que vont-ils pouvoir vendre avec un bilan gouvernemental aussi catastrophique? Youssef Chahed veut faire comme Emmanuel Macron, mais Macron, lui, avait démissionné du gouvernement avant de créer son mouvement. Yassine Brahim, le président d’Afek Tounes, a dit que la famille centriste allait devoir impérativement resserrer ses rangs en 2019. Comment ?

Elle doit se rassembler autour d’un socle de valeurs communes. Mais aucun parti ne doit trahir son programme pour une union. Cela devra donc passer par des discussions partisanes, afin d’établir une feuille de route. Si une ou plusieurs formations croient en notre programme, nous sommes ouverts au dialogue. Pour l’instant, nous nous préparons aux élections seuls, même si nous sommes conscients que notre poids reste modeste. Le centre peut-il s’unir derrière un seul candidat à la présidentielle ?

Tout parti qui se respecte se doit d’y présenter un candidat. La famille centriste peut éventuellement en présenter un seul, mais cela implique qu’il y ait aussi des candidatures communes aux législatives. Notre régime s’appuie sur un exécutif à deux têtes, donc, si accord il y a, il faut qu’il soit binaire.

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COMMUNIQUÉ

LA QUALITÉ EST UNE HABITUDE ! « Nous avons les compétences pour que la Tunisie fasse beaucoup plus » est la conviction profonde de Iyadh Rekik, Directeur Général de

Medica Sud, qui met son énergie à valoriser les capacités de la Tunisie avec pour mot d’ordre « Imaginer, Penser, Agir ».

Cette ambition est soutenue par le savoir-faire d’un personnel hautement qualifié et d’une maîtrise technologique certifiée ISO 13485 et CE pour la fabrication et la distribution des dispositifs et d’équipement médicaux qui range Medica Sud parmi les concurrents sérieux des multinationales. Après avoir débuté par la commercialisation de produits couvrant les différentes gammes et spécialités destinées aux infrastructures publiques et privées du secteur de santé, Le groupe fondé en 2014, Medica Sud industrie, spécialisée dans la conception, la fabrication ainsi que la stérilisation des dispositifs médicaux stériles à usage unique de classe I, IIa, IIb et dans le domaine de l’habillage, du drapage, et de la fourniture de trousses complètes personnalisés. Une large gamme de produits à usage unique spécifique à

www.medicasud.com

chaque type d’intervention assurant un confort optimal aux patients et aux professionnels de la santé. Ces divers produits, fabriqués dans des zones d’atmosphère contrôlé (ISO7 et ISO8), améliorent la qualité de service du secteur de la santé, dont celle de la chirurgie générale, la pédiatrie et la néonatologie, la réanimation, l’anesthésie, l’urologie ; réduisant ainsi le risque infectieux avant et au cours d’intervention afin d’atteindre les exigences pharmaceutiques et les normes d’hygiène reconnues à l’échelle mondiale. Ce process s’appuie également sur deux laboratoires d’analyses microbiologiques et physico-chimiques qui assurent le contrôle des matières premières des produits en cours de production, des produits semi-finis et produits finis. Ces performances et une équipe jeune et motivée, permettent à Medica Sud de se mettre au diapason de la mondialisation et de se développer à l’international. Medica Sud Industrie Distribue ses produits dans plusieurs pays notamment Le Sénégal, La Burkina Faso, Côte d’Ivoire et Maroc, le groupe table sur les rapports gagnant-gagnant et s’apprête à lancer deux projets industriels en Afrique.

Fabrication & stérilisation de textile médicaux stériles à usage unique

© D.R. sauf bandeau supérieur AdobeStock

L’entreprise, filiale de MS Group, le confirme ; depuis sa création en 2002 et avec les dispositifs médicaux pour cœur de métier, elle a articulé son développement autour d’ un axe commercial et d’un pôle industriel et s’accapare 40 % des parts du marché tunisien avec pour objectif de réaliser un chiffre d’affaires à l’export de 15 millions d’euros en 2019.


Grand format TUNISIE

TRIBUNE

Liberté, vérité et fake news H

ONS ABID

uit ans après la révolution, qu’en est-il de la liberté d’exle paysage audiovisuel – ou plutôt deux et demi, sachant pression? Elle reste un idéal toujours convoité mais jamais qu’El Hiwar et Attessia fonctionnent comme de véritables atteint. Et à cet égard, la Tunisie est loin d’être une exception. vases communicants. Les radios et télévisions nationales La poursuite de cette liberté est l’histoire d’une conquête éterrestent à la traîne, la réforme des médias publics marquant nellement recommencée qui se traduit par une précarité des le pas. Quant aux médias associatifs, lancés au lendemain de acquis, mais aussi par une persévérance des luttes. la révolution pour constituer le troisième pilier de la régulaSi l’on se contente d’arrêter là le constat, on peut dire qu’aution du paysage audiovisuel national, ils ont été aspirés par jourd’hui ressemble à hier, et probablement à demain. Or il de multiples lobbies. n’en est rien. Au lendemain de la révolution, des modificaDe son côté, la presse écrite tunisienne, l’une des premières tions institutionnelles ont été opérées, qui ont apporté de du monde arabe, a perdu son aura auprès des lecteurs. Les nets progrès – visibles aussi bien du côté des journaux qui continuent de paraître sont médias que de l’opinion publique –, mais qui comme des miraculés, le miracle relevant en comportent aussi un certain nombre de risques. l’occurrence de l’occulte puisqu’ils semblent Le pays a connu le boom médiatique le plus plongés dans les ténèbres plutôt que dans important de son histoire, et les Tunisiens disla transparence : leurs sources de financeposent désormais d’une pluralité de médias : ment sont opaques, et leurs lignes éditoriales une dizaine de chaînes de télévision privées, souvent indéchiffrables pour le commun des une trentaine de radios privées et associatives, mortels. et des dizaines de journaux, presse écrite et La régulation baisse les bras face à cette électronique confondues. Cette éclosion a été situation ou, plutôt, se retrouve pieds et poings Rachida favorisée par une nouvelle législation relative liés en raison du blocage auquel est confronté Ennaifer à la liberté d’expression, notamment par les le projet de loi censé constitutionnaliser la Docteure en droit, décrets-lois numéros 2011-115, -116 et -41, proHaica. Quant à l’autorégulation de la presse ex-membre de la mulgués dans les tout premiers mois qui ont écrite et électronique, elle se trouve fragilisée Haute Autorité suivi la révolution. par les intérêts contradictoires qui opposent indépendante de des journalistes soucieux de leurs intérêts corla communication a Haute Autorité indépendante de la comporatistes (y compris ceux afférents à la déonaudiovisuelle (Haica) munication audiovisuelle (Haica) a été tologie) à des patrons de presse qui ne voient mise en place le 3 mai 2013. Elle est habilitée pas plus loin que leurs portefeuilles. à exercer un pouvoir de régulation très étendu, aussi bien au niveau de l’octroi des licences de ’ est pourquoi la régulation opérée par diffusion que du contrôle des contenus, avec un pouvoir de les nouveaux médias est une alternative sanction allant de l’avertissement au retrait de ladite licence. sérieuse. À travers eux, les citoyens peuvent non seulement Un conseil d’autorégulation de la presse écrite a été créé, le s’informer, mais aussi faire pression sur les organes classiques 20 avril 2017, pour lutter contre les dérives journalistiques. et les amener parfois à rectifier le tir. Cette métamorphose du paysage médiatique est renforcée Mais c’est compter sans les jeux et les manipulations dont ces par l’émergence d’une opinion publique de plus en plus eximédias sont l’arène : par eux, intox et fake news se répandent geante, qui a trouvé dans les réseaux sociaux les moyens de d’un simple clic. Dans un pays où l’éducation à l’information contrôler, voire de contourner, les médias classiques, exerçant fait défaut, ce phénomène prend une ampleur considérable, ainsi à leur égard un rôle de contre-pouvoir, alors qu’ils jouent voire dangereuse. déjà eux-mêmes ce rôle. Entre embellie et répression, la Tunisie fait le difficile apprenL’envers du décor, c’est que la pluralité est loin d’avoir assuré tissage de la liberté d’expression, laquelle doit se nourrir de la le pluralisme. Aujourd’hui, deux médias privés dominent vigilance d’une société civile solidaire des journalistes.

L

C

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COMET, un leader en Afrique Fondée à Tunis en 1971 par feu Mustapha Driss, COMET se positionne aujourd’hui comme le leader africain dans la fabrication des semi-remorques. Forts des valeurs que leur a inculqué leur défunt père, à savoir le sérieux et la persévérance, les frères Sami et Slim Driss ont repris le flambeau en 1988 pour faire de l’entreprise familiale une SUCCESS STORY à l’international. La démarche des frères Driss consistait à mettre en place une stratégie audacieuse et avant-gardiste basée sur deux axes : la diversification des produits et l’internationalisation. La première décision fut de s’entourer d’une équipe capable d’accomplir cette performance, en investissant dans les ressources humaines et matérielles. Cette implication a permis à COMET de disposer de souplesse et de réactivité pour une meilleur écoute du client et d’être en mesure de lui proposer les produits les plus appropriés.

COMET c’est 1 800 de semi-remorques vendues par an en Afrique

C’est ainsi que COMET a évolué du statut de simple fabricant de carrosserie de camions, avec un effectif de 50 personnes en 1988, à celui de constructeur de semi-remorques certifié ISO 9001, version 2015. Aujourd’hui, dotée d’un fort capital humain de 670 collaborateurs, elle affiche une production de plus de 2 500 unités par an. COMET propose de larges gammes de semi-remorques plateaux, de bennes, de citernes et de portes-engin. Chacune de ces gammes se décline en plusieurs lignes de produits portant le nombre de modèles fabriqués à plus d’une centaine. L’orientation à l’international planifiée depuis 1988 par les frères Driss a vu le jour en 2003 avec des exportations ponctuelles vers la Libye et l’Algérie. Trois ans après, et pour accompagner l’évolution de ses ventes, MONDIAL TRAILER fut créée en Algérie et, à travers elle, un réseau de distribution s’est réparti sur tout le territoire algérien. Par la suite et pour répondre à la politique algérienne de substitution de l’importation par la fabrication locale, COMET a édifié son usine à la Wilaya de Sétif. Elle a pu se positionner

Plateau à 4 essieux


Les équipes techniques et commerciales ont ainsi réalisé une multitude de visites de prospection ciblées afin d’analyser et de cerner les spécificités de chaque segment de marché de l’Afrique de l’Ouest. Cette analyse a montré un besoin d’adaptation sur certains produits, il s’agit, entre autres, de la mise en conformité des citernes hydrocarbures aux normes ADR exigées par les majors pétrolières, et de la construction de semi-remorques bennes avec de l’acier Hardox pour résister aux conditions d’exploitation dans les mines et le renforcement des suspensions des semi-remorques plateaux pour supporter les surcharges. Ainsi, COMET a pénétré le marché de l’Afrique de l’Ouest avec un matériel adapté aux conditions routières, climatiques et d’utilisation extrêmes. Ce travail complexe et de longue haleine a valu à COMET de voir circuler ses semi-remorques en Côte d’Ivoire, au Mali, au Burkina Faso, au Sénégal, au Niger et au Togo.

Citerne Hydrocarbures

Forte de la confiance acquise auprès des concessionnaires de camions, des majors pétrolières et des divers opérateurs, les frères Driss ne comptent pas s’arrêter là. Parmi ses projets à court terme :

COMET semble donc s’installer dans la durée en tant que constructeur numéro 1 de semiremorques en Afrique.

COMET, une compétence renforcée par d’excellents produits et un véritable savoir-faire

SAMI DRISS

Président Directeur Général

SLIM DRISS

Directeur Général

Zone Industrielle de Ben Arous Téléphone : +216 71 381 020 Fax : +216 71 384 704 E-mail : contact@comet.com.tn

� www.comet.com.tn PUBLI-INFORMATION

JAMG/DIFCOM - PHOTOS : ©D.R.

Poursuivant sa stratégie de développement à l’international, COMET a retenu la Côte d’Ivoire comme première plateforme de son expansion subsaharienne avec la création de sa filiale AFRICA TRAILER.

une usine de montage et un centre de SAV en Côte Porte-engin d’Ivoire, ainsi que l’ouverture d’une nouvelle filiale au Sénégal, et de deux centres SAV, au Mali et au Burkina Faso. COMET regarde également vers l’Afrique Centrale et l’Afrique de l’Est.

comme leader en Algérie avec plus de 1 000 semiremorques vendues par an, dotées d’un SAV déployé sur tout le pays.


Grand format TUNISIE

ÉCONOMIE

Équation

FRIDA DAHMANI

I

nscrite au Plan de développement 2016-2020, la réduction de la facture énergétique est une priorité pour le pays. Il y a même urgence : les besoins augmentent sans que le pays ait assuré son autosuffisance en la matière. Car il doit non seulement faire face aux changements climatiques, mais aussi satisfaire la demande de son économie et celle des particuliers, parfois erratique. Pendant l’été 2017, la Société tunisienne de l’électricité et du gaz (Steg) a ainsi enregistré un pic de consommation de 4025 MW, au lieu des 3900 MW prévus. Une alerte qui a poussé le pays à se libérer de sa dépendance au gaz naturel et à sortir de son isolement. Après avoir fait appel à l’Algérie pour obtenir les kilowattheures nécessaires en cas de délestage en période de pointe, la Tunisie étudie son interconnexion avec les réseaux électriques européens, et principalement avec celui de l’Italie. En attendant, l’État, qui subventionne l’énergie à hauteur de 62 %, doit aussi faire ses comptes. Fin août 2018, la facture affichait 4,235 milliards de dinars (1,317 milliard d’euros),

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bien au-delà des 2,400 milliards prévus pour l’année par la loi de finances 2018. Un différentiel qu’il doit assumer, alors qu’il opère un ajustement graduel du prix des hydrocarbures conforme aux recommandations du FMI. Le déficit sévère des finances publiques, la dévaluation du dinar et le prix du brut lui imposent de diversifier ses ressources en énergie à travers des solutions alternatives pour assurer sa sécurité énergétique. Avant de pallier également sa faible capacité de stockage, la Tunisie se lance dans les énergies vertes et renouvelables : son objectif est de porter leur part dans le bouquet énergétique de 3 % actuellement à 30 % en 2030, pour atteindre une capacité installée de 4 700 MW. Pour cela, il compte sur son potentiel éolien et solaire, atouts naturels négligés jusque-là malgré des tentatives qui ont tourné court dans les années 2000. Un taux d’ensoleillement moyen de plus de 3 000 heures par an et un potentiel éolien de 8 GW sur 1 600 km² exploitables ont convaincu l’État d’entamer une intégration progressive des énergies renouvelables. Il s’est d’abord doté en 2015 d’un cadre juridique avec une loi relative à la production


énergétique

Champ d’éoliennes à Sidi Daoud, au cap Bon, dans le Nord-Est.

NICOLAS FAUQUÉ/WWW.IMAGESDETUNISIE.COM

Pour se libérer de la dépendance au gaz naturel et réduire les coûts de production, l’État s’est enfin résolu à exploiter l’immense potentiel éolien et solaire du pays.

En aval, l’optimisation du contrôle de la consommation sera effective avec l’installation de 100 000 compteurs intelligents dans le cadre du projet Smart Grid. Un marché juteux qui suscite de nombreuses convoitises et qui a été à l’origine d’une crise qui a conduit au rattachement du ministère de l’Énergie à celui de l’Industrie. La Tunisie avance néanmoins, soutenue notamment par l’AFD et par la coopération allemande. Porter la part Elle compte aussi sur des projets comme du renouvelable à Desertec, mené par les Britanniques de Le pays conduit sa transition vers une Nur Energie pour un investissement économie verte en adaptant son réseau de 1,6 milliard d’euros, afin d’exporter électrique aux énergies renouvelables. du bouquet 4,5 GW de puissance électrique solaire Le dispositif de production comprend énergétique vers l’Italie, Malte et le sud de la France. la construction de cinq stations photovolPour exploiter ses capacités au maximum, le taïques dans le Sud tunisien et d’une unité pays s’intéresse également aux énergies marines, éolienne au cap Bon, ainsi que d’une station de à la biomasse et à la valorisation des déchets tout en stockage d’énergie par pompage de turbine dans le mettant en place un plan d’efficacité énergétique pour les Nord-Ouest. Pour un budget estimé à près de 10 milliards nouvelles constructions. Toutes les ressources d’énergie de dinars, la Tunisie améliorera sa capacité énergétique propre ont ainsi été identifiées; reste à réaliser les projets. d’environ 800 MW. d’électricité à partir des énergies renouvelables destinée aussi bien à la consommation locale qu’à l’exportation, et il a mis en place des formules de partenariat publicprivé pour l’exploitation des concessions. En 2017, le ministère de l’Énergie a soumis leur attribution à un appel à projets portant dans un premier temps sur une capacité globale de 140 MW.

OBJECTIF 2030

Marché juteux

30 %

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DÉCRYPTAGE

Le casse-tête de la dette

D

epuis 2011, l’État a eu systématiquement recours à des emprunts, en grande partie pour assurer son fonctionnement. Une stratégie qui revient à financer la consommation et chamboule les équilibres financiers. Alors que le plan 2016-2020 visait à limiter l’endettement public à 54,7 % du PIB en 2020, son poids dépassera 71 % fin 2018, alourdi par le creusement du déficit budgétaire, qui est passé de 650 millions à 5,2 milliards de dinars (d’environ 337 millions à 1,57 milliard d’euros) de 2010 à 2018 et devrait encore avoisiner les 4,5 milliards de dinars en 2019. Cette spirale infernale est difficile à briser puisque, d’une année à l’autre, l’État est dans l’incapacité de relancer l’investissement, nécessaire au retour d’une croissance forte. Puisque, d’une année à l’autre, il est dans l’incapacité de mobiliser assez de ressources propres pour rembourser les emprunts qu’il a contractés, couvrir les déficits et

assurer les dépenses courantes ainsi que celles engendrées, en particulier, par la masse salariale de la fonction publique (6,7 milliards de dinars en 2010, 16 milliards en 2018) et par la compensation, c’est-à-dire la prise en charge d’une partie du coût de certains produits (de l’ordre de 7 milliards).

Emprunter pour rembourser L’encours de la dette s’est donc envolé. Il est passé de 5,1 milliards de dinars en 2016 à 7,8 milliards en 2018 et devrait atteindre un niveau record de 9,3 milliards en 2019. Une situation d’autant plus critique que la dette extérieure a été alourdie par la dévaluation du dinar, que la couverture des réserves de change du pays est en baisse et que, la note souveraine de la Tunisie s’étant régulièrement dégradée depuis 2011, il lui est devenu difficile de lever des fonds à des taux raisonnables au niveau international – comme ce fut le cas pour l’eurobond, en octobre, qui n’a permis d’engranger que 500 millions

Tableau de bord macroéconomique Indicateurs

2015

estimations

2013

2014

2016

2017

2018

2019

PIB réel, à prix constants Inflation

2,4

2,3

1,1

1

5,7

4,8

4,1

4,2

1,9

2,4

2,9

6,4

6,5

5,9

Dette publique brute Dette extérieure Solde des transactions courantes Investissements directs étrangers (IDE)

46,8

51,6

54,8

61,2

71,3

73,1

73,3

57

61,4

64,9

72,2

80,1

83,7

85,5

– 8,4

– 9,1

– 8,9

– 8,8

– 10,1

– 9,2

– 7,8

2,3

2,2

2,2

1,7

1,8

2,0

2,5

(variations annuelles, en %)

(en % du PIB)

110

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SOURCES : AUTORITÉS TUNISIENNES ET FMI, JUIN 2018

FRIDA DAHMANI

d’euros, au lieu du milliard escompté. En augmentant, la dette pèse sur le budget de l’État, et ce poids risque de s’alourdir au cours des prochaines années, compte tenu des échéances de remboursement que le pays va devoir honorer à partir de 2020. Or une part de plus en plus importante des emprunts contractés est allouée au remboursement de la dette. La marge de manœuvre dont dispose la Tunisie pour rendre cette dernière soutenable est réduite. Selon l’économiste Abderrazak Zouari, il lui faut combiner croissance en hausse, action sur les taux d’intérêt et discipline budgétaire rigoureuse. En l’occurrence, réduire drastiquement les dépenses et augmenter les ressources, notamment les recettes fiscales. Tout le contraire de la loi de finances 2019 (année électorale), qui prévoit une augmentation des recettes, mais pas encore des recettes fiscales (nonobstant la réforme du code des impôts). En septembre, le FMI a autorisé le décaissement de la quatrième tranche, soit 245 millions de dollars (209,5 millions d’euros), en plus des 1,5 milliard déjà perçus, du financement prévu dans le cadre du mécanisme élargi de crédit (MEC) de 2,9 milliards de dollars sur quatre ans, de 2016 à 2020. Année à partir de laquelle, justement, le pays va devoir honorer d’importants remboursements. Le FMI a d’ailleurs encore une fois mis en garde la Tunisie contre les risques de plus en plus prononcés d’instabilité macroéconomique, soulignant qu’il fallait prendre « les mesures nécessaires, cette année, pour protéger les jeunes d’un fardeau excessif de la dette à l’avenir ».


PUBLI-INFORMATION

LE PORT D’ENFIDHA LE PORT DE L’AVENIR

République Tunisienne

PRINCIPAL OBJECTIF DE LA CRÉATION DU PORT Faire de la Tunisie une plateforme régionale et internationale de commerce et de services pour le développement de la chaîne de production et l’ouverture sur le monde extérieur et ce par l’encouragement des activités logistiques et industrielles en Tunisie en profitant de l’intégration des différents modes de transport qui sont à proximité dans la région.

AVANTAGES DU SITE ENFIDHA PORT •

La proximité des lignes maritimes intercontinentales principales ;

L’excellente accessibilité terrestre routière et ferroviaire, le site est à 100 km de Tunis et à 170 km de Sfax par l’autoroute ;

Importante disponibilité foncière pour la création du port et de la ZAEL avec une zone industrielle attenante ;

Profondeur des chenaux d’accès en eaux profondes à -19 m.

COMPOSANTES DU PROJET Le complexe portuaire ENFIDHA PORT à développer sur 3 000 ha englobe : Le domaine portuaire sur 1 000 ha et la zone d’activité économique et logistique ZAEL sur 2 000 ha.

Phase 1a

1 200 ml

Durée des travaux

3 ans

Début des travaux

2020

Début d’exploitation 2023 Phase 1b

800ml

Durée des travaux

2 ans

Début des travaux

2023

Début d’exploitation 2025

PHOTOS : ©D.R.

Légende

Bâtiment administratif 2060 - La Goulette - Tunis

www.ommp.nat.tn


Grand format TUNISIE ÉCONOMIE

INNOVATION

Bienvenue chez iRobot

École d’ingénieurs, centre de recherches, start-up et grands groupes… Le pôle de compétitivité de Sousse, Novation City, est en plein essor. CAMILLE LAFRANCE

l se déplace comme un spectre. Long tube blanc surplombé d’un écran tactile, le eTouch Bot glisse sur son support roulant. Fidèle télé-présence, tout de plastique et pixels profilé, ce longiligne robot est destiné à l’accompagnement de personnes âgées isolées. Quelques-uns de ses clones œuvrent déjà en France, au service de propriétaires qu’ils mettent en relation avec leurs médecins. « Je prépare mes futures balades en bord de mer avec lui ! » plaisante Anis Sahbani, fondateur et directeur général d’Enova Robotics, l’entreprise qui a développé ce système d’intelligence artificielle. C’est au sein du technopôle de Sousse que, depuis 2014, la start-up a pu mûrir ses projets. Outre l’eTouch Bot, elle a conçu, entre autres, le minitank qui patrouille sur la centaine d’hectares du technopôle, l’un des premiers robots de sécurité à usage civil qu’elle a développé pour la surveillance des sites tertiaires. Anis Sahbani n’a pas hésité à mettre entre parenthèses sa vie de professeur au sein de l’université Pierre-et-Marie-Curie, en France, pour rejoindre le nouveau pôle de compétitivité en mécatronique créé en 2014 sur le site de l’École nationale d’ingénieurs de Sousse (Eniso), désormais nommé Novation City. Pari réussi: montée avec une mise de départ de 25 000 euros, Enova Robotics est désormais valorisée à 5 millions d’euros. Elle vient d’ouvrir une

I

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Disciplines de prédilection du technopôle : l’électro­ mécanique et l’informatique.

filiale à la Station F, à Paris (le plus grand campus de start-up au monde, ouvert à la mi-2017 par l’homme d’affaires et business angel, ou investisseur providentiel, Xavier Niel), et emploie déjà une vingtaine d’ingénieurs au sein du technopôle de Sousse. Novation City lui a facilité l’accès à des fournisseurs, mais aussi à des clients, confirme Anis Sahabani en jetant un coup d’œil derrière les grilles du parc. Au loin, la mer. « Entre midi et deux, on peut aller piquer une tête », dit-il en souriant.

Un port et trois aéroports

Sur le technopôle, l’État gère un centre de recherche, ainsi que l’Eniso, d’où sortent chaque année 300 diplômés. Les cadres de Novation City font partie du conseil scientifique de l’établissement. Des activités de recherche et développement (R&D) à la commercialisation, en passant par les levées de fonds, tout est fait pour


ONS ABID

Hichem Turki

Directeur général de Novation City

« Nous symbolisons le renouveau économique »

ONS ABID POUR JA

Propos recueillis à Sousse par CAMILLE LAFRANCE

épauler la vingtaine de start-up qu’accueille la pépinière. L’objectif est de permettre à ces jeunes PME de croître, mais aussi d’attirer de grands groupes. « En soutenant les projets des entreprises dès la R&D, on peut par ailleurs s’orienter vers des investissements de plus en plus porteurs », précise Abdelhamid Denguezli. Le directeur commercial de Novation City ne manque pas de rappeler la proximité du parc industriel d’Enfidha (40 km au sud de Sousse) – idéal pour accueillir d’éventuelles unités de production –, et de trois aéroports (Monastir, Enfidha et TunisCarthage). Sans compter la construction annoncée d’un port en eaux profondes à Enfidha. Sur l’immense campus, entre les plants d’olivier, des milliers de mètres carrés sont en cours d’aménagement. Ils accueilleront bientôt des espaces de restauration et des promenades. À côté des bâtiments

Comment le technopôle est-il financé? C’est un partenariat publicprivé, tant au niveau des investissements qu’à celui de la recherche et développement. Ce sont les groupes One Tech, HBG et Amen Banque qui ont lancé le projet de Société du pôle de compétitivité de Sousse, via Tunisie Leasing, au côté de la filiale immobilière du consortium tuniso-koweïtien CTKD. L’État en est actionnaire à hauteur de 30 %, via la Caisse des dépôts et consignations. Le développement du pôle a été planifié sur quinze ans, jusqu’en 2030. D’ici à la fin 2019, il y aura déjà beaucoup de changements, puisque six groupes ont signé des contrats de location. Notre objectif est de maintenir immédiatement disponibles 2000 à 3000 m2 à partir de 2021. Puis, en fonction de l’évolution de Novation City, si la demande est importante, on devra ouvrir son capital. Quels sont vos objectifs en matière de création d’emplois ? L’un des problèmes auxquels la Tunisie est confrontée est celui du chômage des diplômés. Dans la région, environ 1000 ingénieurs achèvent leur formation chaque année, c’est à eux que nous voulons ouvrir nos portes en priorité. L’objectif est que, en dix ans, 25000 jeunes cadres soient passés par notre technopôle.

Novation City est le symbole du renouveau économique du pays. Notre vocation est d’orienter la recherche fondamentale vers les besoins de l’entreprise et, donc, vers le développement de services et de produits à forte valeur ajoutée, à travers nos start-up, lesquelles sont focalisées sur l’industrie 4.0, la robotisation et le logiciel. Notre site leur permet de rencontrer des partenaires rapidement. Parfois, on trouve même des solutions à des problèmes très complexes pendant la pause-café ! Quelles collaborations envisagez-vous avec l’Afrique? Nous voulons que Novation City devienne un phare de la mécatronique pour le Maghreb et la Méditerranée, voire pour l’Afrique. C’est le moment d’échanger avec le reste du continent, qui jouera un rôle majeur dans le développement global et la croissance des prochaines années. On peut y transposer certains modèles développés dans notre pôle de compétitivité et encourager les échanges d’expériences. Nous nous sommes par exemple rendus récemment à Kigali, au Rwanda, où des start-up, dont le business model a réussi, ont facilement accès à l’Afrique du Sud, tandis que celles de Tunisie ont, elles, plus facilement accès aux marchés européens. On pourrait envisager un développement des produits rwandais en Europe ou commercialiser des produits tunisiens en Afrique du Sud. jeuneafrique no 3021 du 2 au 8 décembre 2018

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Dès 2012, en prélude à la création de Novation City, les start-up, PME et grands groupes avaient constitué un cluster (« incubateur ») autour de projets communs dans le domaine de la mécatronique. Une dizaine ont déjà été commercialisés, comme l’InnerJ Box, distribuée en Tunisie et en Europe pour optimiser sa consommation d’énergie à distance. Cette technologie est développée par Proxym IT en partenariat avec Fuba, filiale du groupe industriel tunisien OneTech, et la start-up Chifco, fondée par Mohamed Amine Chouaieb, spécialisée dans l’internet des objets (IoT) et le machine to machine (M2M). Créée en 2006 par Wassel Berrayana, un ingénieur tunisien passé par la Silicon Valley au début des années 2000, Proxym IT chapeaute désormais quatre start-up spécialisées dans les services numériques (banque en ligne, e-gouvernance, etc.), dont elle est actionnaire majoritaire. Après avoir conquis les marchés français et moyen-orientaux, elle s’attaque à ceux du Maghreb et de l’Afrique francophone. « Entre l’école d’ingénieurs installée sur le campus et celles présentes dans les environs, les ressources humaines ne manquent pas ici, ce qui est un vrai plus », souligne Elyes Mdimagh, le responsable marketing de Proxym IT. Il en sait quelque chose : le groupe emploie 150 ingénieurs sur son site de Sousse et 20 autres dans ses filiales de Tunis, Paris et Dubaï.

et directrice générale d’Envast

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on projet a mûri dans l’incubateur de l’École nationale d'ingénieurs de Sousse, dont elle est fraîchement diplômée. Elle y a cofondé Envast, qui développe des applications éducatives pour les enfants. La start-up, qui s’est installée en octobre dans la pépinière de Novation City, sur le même campus, emploie déjà cinq collaborateurs à temps plein et deux personnes à temps partiel. Après avoir élaboré des plateformes éducatives pour d’autres sociétés et pour une fondation, Envast a lancé, le 26 novembre, le Class Quizz, une

application mobile, et un site proposant des tests scientifiques en arabe sur les programmes scolaires tunisiens qu’elle compte adapter aux autres marchés du Maghreb et à ceux du Moyen-Orient. C.L.

Amel Saidane 39 ans, présidente de l’association

Tunisian Startups et PDG de WeeStudio

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ngénieure en électronique diplômée de l’université Leibniz de Hanovre (Allemagne) et titulaire d’un master en économie numérique de l’université du Maryland (États-Unis), Amel Saidane a commencé sa carrière au sein de multinationales, dont Microsoft et Siemens, avant de tenter de monter sa PME 4.0 en 2015. En vain : « Difficultés d’accès au financement, environnement hostile à la création d’entreprises, milieu très masculin… » Pour surmonter ces obstacles, Amel Saidane a fondé l’association Tunisian Startups en janvier 2017. Figure incontournable de l’écosystème tunisien des start-up, elle est aussi ambassadrice du Digital Arabia Network et du réseau international Seedstars, qui soutient l’éclosion de start-up dans les marchés émergents. Dans cet esprit, l’experte en transformation numérique vient de cofonder WeeStudio, à Tunis, avec Wevioo (ex-Oxia), le groupe de Mehdi Tekaya : une « start-up studio » dont la vocation est de mutualiser les ressources de

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De machine à machine

Sabrine Ibrahim 26 ans, cofondatrice

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déjà occupés par des groupes internationaux (tel le germano-nippon Yamaichi Electronics ou le franco-tunisien Proxym IT), d’autres sont à louer. Et, sur le site mitoyen de la Business City, des terrains sont disponibles à la vente pour l’implantation de sociétés de services.

façon à permettre aux industries du numérique de développer leurs sociétés avec les expertises et les outils technologiques les plus pointus, mais les coûts les moins élevés possible. L’objectif est de lancer trois à quatre start-up d’ici à mi-2019. La première-née, implantée au Canada, est spécialisée dans la fintech. Et un projet lié à la finance islamique est à l’étude. « Nous pourrons accélérer notre développement une fois que nous aurons mis en place un fonds d’amorçage, qui nous permettra d’augmenter la cadence et de sécuriser des investissements de suivi. » C.L.

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Union des Banques Maghrébines (UBM) L’Union des Banques Maghrébines (UBM) a été créée en 1990 dans le sillage de l’Union du Maghreb Arabe (UMA) à l’initiative des Présidents des Banques des 5 pays du Maghreb.

De même, La promotion, la défense des intérêts, l’analyse prospective de l’avenir et des leviers de développement du secteur bancaire maghrébin revêtent une importance particulière dans la stratégie actuelle de l’UBM. Enfin, l’UBM est un organisme régional reconnue au service de la communauté bancaire maghrébine depuis 30 ans. Il compte aujourd’hui plus de 80 banques et établissements financiers membres dans les pays de l’UMA (Algérie, Libye, Maroc, Mauritanie et Tunisie).

Entretien avec Mr Mohamed Vall EL ALEM Le secrétaire Général de l’UBM en marge du 16e Sommet Bancaire Maghrébin les 7 et 8 novembre 2018 à Tunis.

Qu’est-ce que l’UBM ? M.V. EL ALEM : L'UBM s’est fixée comme objectif d’œuvrer à l’intégration économique du Maghreb à travers le développement de la coopération au sein de la communauté bancaire et financière des cinq pays de l’UMA. Elle joue un rôle fondamental en tant que plateforme de rencontre et d’échanges d’expériences pour L‘UBM œuvre à l’intégration les acteurs du secéconomique du Maghreb teur. Elle fait également office de force à travers la coopération de proposition qui bancaire et financière dans les formule des recomcinq pays de l’UMA. mandations aux autorités monétaires et financières en vue de l’harmonisation des cadres d’exercice et de la levée des obstacles qui entravent la libre circulation des capitaux et empêche l’émergence de davantage de projets communs à l’échelle du Maghreb.

L’UBM vient d’organiser à Tunis le 16e sommet bancaire Maghrébin sur le thème « Évolution de l’activité bancaire : défis et perspectives pour les banques maghrébines ». Qu’en est-il ? M.V. EL ALEM : Ce sommet est organisé traditionnellement par l’UBM à l’occasion de son Assemblée Générale qui a eu lieu cette année du 7 au 8 novembre à Tunis. Il a été placé sous le haut patronage de SEM Mr Marouane EL-ABASSI, Gouverneur de la Banque L’UBM s’intéresse notamment Centrale de Tunisie, et a été honoré par la préa la transformation digitale sence de Mr Taieb BAdes services financiers et a COUCHE, Secrétaire Gél’approche client à l’ère digitale néral de l’UMA.Il a réuni un très grand nombre d’un point de vue maghrébin. des présidents et dirigeants des banques et établissements financiers du Maghreb. En plus de nombreux experts internationaux. Les principales questions posées à l’activité bancaire maghrébine ont été débattues dans plusieurs panels et workshops de très haut niveau. Les meilleures expériences et approches les plus pertinentes pour nos banques ont été présentées.Ainsi, la transformation digitale des services financiers et l’approche client à l’ère digitale d’un point de vue maghrébin ont été traitées. Les banques sont appelées à se réinventer si elles veulent garantir leur présence dans un paysage financier où de nouveaux acteurs issus de l’extérieur de la sphère financière traditionnelle offrent des services potentiellement plus proches des attentes,plus rapides (voire instantanés) et parfois moins chers que certaines banques.


PUBLI-INFORMATION

Mr Marouane EL-ABASSI, Gouverneur de la BCT au 16e Sommet Bancaire Maghrébin

De même, la finance islamique, dont le potentiel dans notre région n’est plus à démontrer, a également eu sa place dans le programme du sommet. Les défis et les perspectives de développement de cette industrie de services financiers alternatifs ont été largement discutés. Dans ce cadre, les participants ont salué les efforts menés par les banques centrales dans les pays de l’UMA pour mettre en place un environnement juridique et réglementaire propice à un développement harmonieux de ce secteur prometteur.

Le trés fort potentiel de la finance islamique n’est plus à démontrer dans notre région.

Plusieurs autres questions telles que le rôle des banque maghrébine dans l’intégration économique du Maghreb ont également été traité.

nouveau système de paiement en monnaies locales des transactions intra-maghrébines. Un tel système représente une brique de base de l’infrastructure d’intégration régionale, compte tenu de son effet accélérateur des volumes des échanges commerciaux.

L’UBM a tenu sa 14e Assemblée Générale le 8 novembre à Tunis, qu’est ce qui y a été décidé ? M.V. EL ALEM : Les membres de notre union ont examiné son rapport d’activité des deux dernières années au cours desquelles une forte amélioration a été enregistrée, et ont exprimé leurs attentes de ses actions futures. Plusieurs décisions portant sur la modernisation et l’amélioration des performances de l’UBM ont été prises. Un nouveau Conseil d’Administration a été désigné. Il est présidé par Mr. Ahmed EL KARM, Président de l’Association Professionnelle Tunisienne des Banques et Etablissement Financiers.

Mot de la fin ? Où en est-on justement de cette intégration économique Maghrébine dont on parle depuis longtemps et qu’on ne voit toujours pas ? M.V. EL ALEM : Il est vrai que le Maghreb, en dépit de tant de potentiel d’intégration, a accusé beaucoup de retard dans ce domaine par rapport à d’autres zones du monde aux conditions moins favorables. Les échanges commerciaux intra-maghrébins sont aujourd’hui dérisoires par rapport au potentiel. Le coût du manque d’intégration économique du Maghreb est estimé entre 1 et 2 % de PIB pour les pays de l’UMA. Néanmoins, sur le plan bancaire et financier, une nouvelle dynamique pour relancer la coopération maghrébine est en marche. Nous sommes heureux de la reprise récente des réunions du Conseil des Gouverneurs des banques centrales des pays de l’UMA. Nous les remercions également pour leur soutien et leur coopération avec l’UBM. Dans ce cadre, l’UBM vient de lancer un groupe de travail maghrébin pour formuler des recommandations en vue de la mise en place d’un

M.V. EL ALEM : L’intégration économique du Maghreb est non seulement à notre portée, mais elle est également vitale pour nos pays, dans un monde où seules les voix des grands ensembles sont audibles. Nous n’avons pas le droit, vis-à-vis de nous-même et des générations futures, d’y renoncer. L’Union des Banques Maghrébines y croit fermement et mettra tout en œuvre pour y contribuer.

CONTACT UBM « Maison du Banquier » deuxième étage 13 Rue Omar Ibn Kaddeh Montplaisir - 1073 Tunis Tél. : +216 70 131 380 + 216 70 131 381

www.ubmonline.org

JAMG/DIFCOM - Photos : © D.R. - Illustration conçue par Naulicreative - Freepik.com

Le sommet a aussi traité des défis que pose, le phénomène du derisking engendré par la conformité aux normes internationales de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.


Grand format TUNISIE

SOCIÉTÉ

Vacances sur ordonnance Deuxième destination du continent en matière de tourisme médical, le pays accueille de nombreux patients maghrébins et subsahariens. Et pas seulement pour des opérations de chirurgie esthétique. 118

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CAMILLE LAFRANCE

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nne lâche sa valise sur le carrelage. Poignées de main, tutoiements, accolades… Elle arrive tout juste du Gabon, mais connaît déjà le personnel de cette résidence du quartier Ennasr, à Tunis. C’est la troisième fois qu’elle s’adresse à la société Service médical international (Smedi). Elle a en effet déjà accompagné sa mère puis sa sœur dans cette même résidence, où elles ont effectué leur convalescence après avoir été opérées dans des cliniques tunisoises. Elle en avait d’ailleurs profité pour s’offrir un « package massage et esthétique ». Cette fois, la quinquagénaire vient pour tenter de résoudre son problème de sciatique. « À Libreville, ils ne trouvent pas de solution », soupire-t-elle. Pour les soins et le séjour, elle paie 2500 euros, avion inclus.


Salle de cathétérisme à la clinique Amen du quartier de Mutuelleville, à Tunis.

les coûts restent deux fois moins élevés qu’en Europe », souligne Fadhel Bouchrara, du tour-opérateur tunisois Sotuvit. « La Tunisie a fait des choix judicieux. La qualité des formations dispensées au sein de ses facultés de médecine est exceptionnelle », explique Xavier Latouche. Y sont d’ailleurs formés de nombreux médecins et professionnels de santé du continent. C’est à Monastir que le chirurgien-plasticien français a créé son Ambassade médicale internationale (AMI). Depuis 2014, celle-ci organise des évacuations sanitaires vers la Tunisie à partir d’autres pays africains, en traitant en priorité les pathologies lourdes (cardiologie, oncologie, infectiologie…), souligne le praticien – l’AMI comportant tout de même un volet esthétique et une société sœur, l’Ambassade esthétique Afrique.

© NICOLAS FAUQUÉ/WWW.IMAGESDETUNISIE.COM

Patients-clients et néo-tour-opérateurs

Fondée en 2007, Smedi compte déjà huit résidences médicalisées et en construit une neuvième, avec piscine et salle de rééducation. C’est l’une des premières agences spécialisées dans l’exportation des services liés à la santé. Son directeur général, Ghazi Mejbri, s’est lancé dans le créneau après avoir ouvert une agence de voyages. Il assure l’interface entre ses « clients-patients » – environ 400 par an – et les vingt-cinq établissements de soins publics et privés avec lesquels il a établi des partenariats. Les cliniques et hôpitaux tunisiens accueillent de plus en plus de patients venus d’autres pays du continent. Et ce dans l’ensemble de leurs services – cardiologie, pneumologie, oncologie, traumatologie, etc. Le marché profite aussi aux voyagistes, qui organisent des excursions durant la convalescence. « Pour les patients comme pour leurs accompagnants, c’est réconfortant d’être entouré, et

Bien que les Libyens, leurs clients historiques, aient laissé à ces néo-tour-opérateurs médicaux et aux cliniques une ardoise de quelque 200 millions de dinars (près de 60 millions d’euros) d’impayés, le secteur a su se faire une bonne place dans la zone Moyen-Orient et Afrique du Nord (Mena) face à ses principaux concurrents régionaux (l’Égypte, la Jordanie et la Turquie). Il n’a cessé d’élargir ses clientèles maghrébine et subsaharienne, et il lui reste une bonne marge de progression si les lignes aériennes s’adaptent. À l’échelle continentale, selon le ministère de la Santé tunisien, le pays occupe désormais le deuxième rang en matière de tourisme médical, derrière l’Afrique du Sud. Agences spécialisées et prestataires de services connexes sont en plein essor. De même que les cliniques privées : elles sont 90 et comptent 5600 lits. « Les projets en cours devraient augmenter cette capacité de 3 000 lits », assure Boubaker Zakhama, président de la chambre syndicale des cliniques privées, qui recense 1,5 million de consultations ambulatoires et 400000 hospitalisations d’étrangers par an dans ses établissements. « S’y ajouteraient environ 400000 autres patients étrangers, surtout venant de pays voisins, qui ne passent pas par les cliniques privées », ajoute Ghazi Mejbri. Le secteur public de santé tunisien compte en effet 23 CHU, 167 hôpitaux et plus de 2000 centres de base. Un tel boom fait craindre des dérives. Le Dr Bouraoui Kotti, chirurgien qui a dirigé le premier forum du tourisme médical dans le pays en 2014, appelle à réguler le secteur. « Si je me lançais dans le tourisme médical, je multiplierais mon chiffre d’affaires par cinq. Mais il ne faut plus que notre destination soit synonyme de rabais. Je n’en peux plus de l’image “soleil-prothèses” ! » peste-t-il. Alors que 30 établissements attendent que l’Instance nationale de l’évaluation et de l’accréditation en santé (Ineas) leur délivre leur agrément, le ministère de la Santé élabore un cahier des charges pour encadrer les agences de services d’évacuation sanitaire, tandis que l’Institut national de la normalisation et de la propriété industrielle définit une norme. Un registre pour répertorier et identifier les patients étrangers traités en Tunisie est aussi à l’étude.

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TENDANCE

Harissa à toutes les sauces L’incontournable purée à base de piments rouges, d’ail et d’épices se refait une jeunesse. Et compte bien s’inviter à toutes les tables du monde.

SYRINE ATTIA

our manger de la harissa dès le matin, il faut être tunisien ! » lance un visiteur enthousiaste en attrapant un bout de pain. Hôte de marque du Salon international de l’alimentation (Sial), qui s’est tenu à Paris du 21 au 25 octobre, la fameuse sauce épicée tunisienne trônait dans de petits bols au centre de la table dressée par la chef Manel Aydi sur le stand du Groupement des industries de conserves alimentaires (Gica). Posés sur un plateau, d’appétissants cornets rouge nacarat garnis de mousse de fromage, de thon et de champignons émincés intriguent les visiteurs. « Il y a de la harissa dans la pâte? » demande une jeune Parisienne. « Oui, mais essayez et vous Il faut verrez que cela ne

P

«

au moins

2 kilos de piments frais pour produire

1 kilo de harissa

RIOU/PHOTOCUISINE

Le pays en exporte chaque année près de 12000 tonnes, pour une production de 30000 t.

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pique pas », lui répond la chef, arborant un tablier paré du drapeau tunisien. La visiteuse s’exécute et, dès la première bouchée, affiche un large sourire. Une conquête de plus pour Manel Aydi. « On pense que la harissa n’est faite que pour être tartinée. Mais avec un peu d’imagination, on peut l’utiliser de bien d’autres façons », assure la chef, qui l’invite dans la plupart de ses recettes: avec des dattes farcies, des gaufres salées, un wok de légumes sautés, du riz noir…

Du cap Bon à Djerba

En marge du Sial, le 23 octobre, le Gica avait aussi organisé un événement culinaire sur la harissa à la Maison de la Tunisie, à Paris, en compagnie de toques blanches tunisiennes et françaises. Au programme: une version épicée de plats traditionnels français pour faire découvrir ou redécouvrir la précieuse sauce et le savoir-faire tunisien au-delà des frontières. Une stratégie qui commence à porter ses fruits. Du cap Bon à Djerba, le pays produit désormais environ 30 000 tonnes de harissa par an et, selon les données du Gica pour 2017, il en exporte près de 12 000 t dans plus de 40 pays (dont un tiers en France), pour une valeur d’environ 20 millions d’euros à l’export. En 2014, le Gica a mis en place un label qualité pour valoriser et protéger la harissa produite en Tunisie contre les pâles imitations réalisées à l’étranger. « La culture du piment remonte au XVIe siècle en Tunisie, et c’est son utilisation en tant que condiment, pour épicer nos plats traditionnels, qui a fait naître la pâte de harissa, raconte Lotfi Baccouche, directeur du développement commercial du Gica. C’est donc un art culinaire historique, qui s’étend aujourd’hui sur une large partie du territoire et concerne 15000 producteurs en Tunisie. » Mieux, le Gica prépare un dossier afin de demander à l’Unesco d’inscrire la harissa tunisienne sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité.


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