EXCLUSIF
RACHED GHANNOUCHI
RD CONGO Le nouveau Bemba
« Les Tunisiens doivent reprendre confiance en eux »
GRAND FORMAT Rwanda : libre… et lucide Spécial 10 pages
HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL NO 3051 DU 30 JUIN AU 6 JUILLET 2019
MALI
« Nous sommes en guerre!»
Une interview exclusive du chef de l’État malien, Ibrahim Boubacar Keïta
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France 3,80 € Algérie 290 DA Allemagne 4,80 € Autriche 4,80 € Belgique 3,80 € Canada 6,50 $ CAN Espagne 4,30 € Éthiopie 67 birrs Grèce 4,80 € Guadeloupe 4,60 € Guyane 5,80 € Italie 4,30 € Luxembourg 4,80 € Maroc 25 DH Martinique 4,60 € Mayotte 4,60 € Norvège 48 NK Pays-Bas 5 € Portugal cont. 4,30 € Réunion 4,60 € RD Congo 6,10 $ US Royaume-Uni 3,60 £ Suisse 7 FS Tunisie 4 DT USA 6,90 $ US Zone CFA 2000 F CFA ISSN 1950-1285
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RWANDA
ADRIA FRUITOS
VINCENT FOURNIER/JA
GRAND FORMAT
Libre… et lucide l vient d’entrer dans l’âge que l’on qualifie d’« adulte ». Celui où l’on s’apprête à conquérir le monde en se sentant invulnérable. Celui aussi où l’on cultive des amitiés polymorphes, où l’on part au contact de ses contemporains depuis son voisinage jusqu’à l’autre bout du monde. Le 4 juillet, le « nouveau Rwanda » doit souffler sa vingt-cinquième bougie. Si le 7 avril commémore chaque année la date où le Pays des mille collines a plongé dans les ténèbres, en 1994, le Liberation Day marque, à l’inverse, celui de sa résurrection, quelque
I
cent jours plus tard: le premier jour de son année zéro. Le Rwanda post-génocide fut d’abord un nourrisson orphelin et traumatisé, né sur un charnier. Enfant, il dut lutter pour sa survie, privé des services de base. À l’adolescence, son sort s’était déjà amélioré, et dans le collège des nations ses bulletins scolaires commençaient à provoquer l’admiration de certains partenaires ou à faire pâlir de jalousie quelques concurrents. À 20 ans, par la force de sa volonté et son sens élevé de la dignité (l’« agaciro ») et du dépassement de soi, le nouveau Rwanda abandonnait le
statut de pays meurtri pour entrer dans la cour des grands. Au risque d’y prendre des coups, tant l’atypique modèle rwandais provoque aussi critiques et incompréhensions. À ceux qui invoquent un miracle, son inamovible président, Paul Kagame, répond invariablement que cet exemple de résilience à marche forcée est avant tout l’œuvre d’un peuple poussé vers le gouffre par un siècle de colonisation, qui a su renouer, en conscience, avec l’identité millénaire de la nation qu’il constitua dès le Xe siècle. MEHDI BA
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Grand format RWANDA
ENJEUX
Realpolitik à la A Le pays s’impose désormais comme un leader régional, même si ses relations avec certains de ses partenaires de l’EAC, que Paul Kagame préside depuis février, se sont récemment tendues.
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ROMAIN GRAS, envoyé spécial
u soir du 31 décembre 2018, au moment de souhaiter la nouvelle année à ses concitoyens, Paul Kagame, tout auréolé de son statut de président de l’Union africaine (UA), avait pourtant tenu à mettre un bémol à cette séquence diplomatique aussi chargée que compliquée : « Nos liens avec nos frères africains sont aujourd’hui plus solides, mais il reste d’importants défis à relever dans la région. » Le président rwandais se préparait alors à passer la main à la tête de l’UA à son homologue égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, après un an passé à tenter
OGS/FLICKR
Lors de la cérémonie d’hommage à Étienne Tshisekedi, ancien Premier ministre de la RD Congo, au stade des Martyrs, à Kinshasa, le 31 mai. De g. à dr., Paul Kagame, Félix Tshisekedi et le président angolais, João Lourenço.
rwandaise de réformer l’institution panafricaine. Le bilan, sur ce plan, se révèle positif, en dépit de certains blocages sur lesquels le président rwandais continue de travailler avec Moussa Faki Mahamat, le président de la Commission de l’UA. À l’échelle régionale, en revanche, la situation est autrement plus préoccupante pour Paul Kagame, qui a pris la tête de l’East African Community (EAC) depuis le 1er février.
Crise de voisinage
Depuis plusieurs mois, les discussions à Urugwiro Village, le campus ultrasécurisé sur lequel est installée la présidence rwandaise, tournent autour de la sécurité aux frontières. Le Rwanda a essuyé deux attaques en décembre. La première,
dans le district de Rubavu, frontalier de la RD Congo, attribuée par l’armée à de présumés rebelles des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), aurait fait deux morts dans les rangs des militaires rwandais. La seconde, l’incendie d’un bus dans la forêt de Nyungwe, proche du Burundi, a provoqué la mort de deux personnes et en a blessé huit autres. L’arrestation, à la mi-décembre, dans le nord-est de la RD Congo, de deux cadres des FDLR est venue alourdir un peu plus le climat régional. D’autant que, selon une source militaire, ils auraient profité de leur séjour en Ouganda pour rencontrer certaines personnalités haut placées de Kampala. Cette version fait grincer des dents en Ouganda, où les autorités contestent de telles allégations.
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Elles ne font pourtant que confirmer des informations déjà connues à Kigali qui illustrent, en toile de fond, le jeu de dupes en cours dans la sous-région. Notamment entre deux hommes qui se connaissent depuis trente ans: Yoweri Museveni et Paul Kagame. Hasard de la rotation à la tête de l’EAC, c’est à son homologue ougandais que le président rwandais a succédé. Les deux anciens compagnons de lutte sont aujourd’hui à couteaux tirés. Et la fermeture temporaire d’un poste-frontière, à la fin de février, a tendu davantage les relations entre les deux pays voisins, qui se connaissent par cœur. À la State House ougandaise, la collaboration accrue entre Kigali et Kinshasa passe mal, alors que dans l’est de la RD Congo prolifèrent encore plusieurs dizaines de groupes armés. L’apparente brouille diplomatique qui avait vu le président rwandais ciblé par une partie de la classe politique congolaise après la demande de l’UA, emmenée par le chef de l’État rwandais, de suspendre la proclamation des résultats définitifs de la présidentielle congolaise de décembre 2018 n’a visiblement pas entamé le rapprochement entre les deux pays. Il est des signes qui ne trompent pas. Alors qu’il n’était pas venu en RD Congo depuis 2010, Paul Kagame est arrivé sous les applaudissements au stade des Martyrs de Kinshasa, le 31 mai, pour se recueillir devant la dépouille de l’opposant historique Étienne Tshisekedi. Persona non grata en RD Congo quatre mois plus tôt, alors qu’il devait se rendre dans le pays à la tête d’une délégation de l’UA pour trouver « un consensus sur une sortie de la crise post électorale », Paul Kagame a cette fois été reçu en grande pompe dans la capitale congolaise, où, aux côtés du président angolais, João Lourenço, et de Félix Tshisekedi, il a insisté sur le renforcement d’un axe diplomatique entre les trois pays. De quoi agacer un peu plus Kampala.
LE CORRIDOR NORD PAS ENCORE SUR LES RAILS Alors que Kinshasa envisage de rejoindre l’East African Community (EAC) – sujet que le nouveau président congolais a abordé avec Paul Kagame lors des obsèques de son père, Étienne Tshisekedi, début juin –, l’organisation tente de concrétiser le processus d’intégration régionale. Avec le Kenya, le Rwanda fait figure de locomotive en la matière, alors que les blocages persistent sur certains projets, comme celui de la ligne ferroviaire du
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Northern Corridor, qui devait initialement relier Mombasa à Kigali, via Nairobi et Kampala. Relancé en juin 2018, le projet pâtit des mauvaises relations entre le Rwanda et l’Ouganda. Le prochain sommet consacré à cette question doit être organisé à Kigali, mais aucune date n’a encore été fixée. « Cela fait longtemps que nous n’en discutons même plus », confirme un diplomate rwandais. R.G.
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Paul Kagame reçu par son homologue ougandais, Yoweri Museveni, le 25 mars 2018, à Entebbe.
« Museveni voit surtout d’un très mauvais œil la coopération sécuritaire entre Kinshasa et Kigali parce que, comme le Rwanda, l’Ouganda cherche à avoir de bonnes relations avec le nouveau pouvoir congolais », explique une source ougandaise au Parlement de l’EAC.
Priorité au dialogue
Arrivé au pouvoir dans la confusion d’un scrutin contesté, Félix Tshisekedi a promis de ramener la paix dans l’est de la RD Congo, foyer de rébellions depuis plus de vingt ans. Particulièrement actif sur le plan diplomatique, il est scruté par ses voisins, dont il a accueilli les chefs des services de renseignements, au début de juin, pour une réunion sécuritaire, boudée seulement par le Burundi. Cité dans un rapport de l’ONU publié à la fin de septembre comme « réseau de recrutement » pour les groupes rebelles, Bujumbura accuse de son côté Kigali de servir de base arrière aux mouvements qui lui sont hostiles. Comme en Ouganda, les autorités burundaises redoutent surtout qu’une éventuelle alliance rwando-congolaise se fasse à leurs dépens. Après une première tournée dans la région, en Angola, au Congo-Brazzaville et au Kenya, Félix Tshisekedi s’est rendu à Kampala à la mi-mars, quelques jours avant d’aller à Kigali pour la première visite d’un dirigeant congolais au Rwanda depuis 2016. Le 10 mai, c’était au tour du chef de l’armée rwandaise, Patrick Nyamvumba, de rencontrer le nouveau président congolais. Si l’UA reste plutôt discrète sur ce dossier jusqu’à présent, certains de ses membres n’hésitent plus à faire endosser au nouveau président congolais le costume de médiateur sous-régional. Un pas que n’a pas encore franchi Kigali. Mais pour le Rwanda, dans le grand jeu régional en redéfinition, l’essentiel est ailleurs. Pour le président Kagame, comme pour ses homologues, le dialogue doit continuer de primer. « C’est dans l’intérêt du Rwanda que les choses se gèrent dans le calme, explique un diplomate de l’Union africaine. La dernière chose dont le pays a besoin, c’est d’un climat néfaste qui viendrait perturber sa bonne dynamique économique. »
MICHELE SIBILONI/AFP
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Radisson Blu réinvente les rendez-vous d’affaires BIENVENUE AU CENTRE DE CONVENTION DE KIGALI
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L’
emblématique Centre de Convention de Kigali, peut accueillir plus de 6 000 personnes et s’étend sur plus de 32 000 m2 d’espaces d’exposition et de réunion, tous personnalisables. Situé à 5 km de l’aéroport international de Kigali et du centre-ville, le Centre de Convention dispose de 18 salles de réunion ultramodernes et d’un espace événementiel élégant, dont un auditorium pouvant accueillir jusqu’à 3 000 personnes. Un centre d’affaires, des restaurants, des bars exclusifs et d’innombrables places de stationnement disséminées dans les jardins luxuriants font de cet endroit un lieu de choix pour vos réunions d’affaires, congrès et occasions spéciales.
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Idéalement situé dans le complexe du Centre de Convention de Kigali, le Radisson Blu dispose de 291 chambres et suites, de plusieurs restaurants et bars, d’un centre de remise en forme, du spa Amani et d’un court de tennis. Le Radisson Blu Hôtel & Convention Center est l’heureux lauréat de 17 récompenses internationales, dont celles du Meilleur Hôtel de Conférence en Afrique, Meilleur Hôtel de Conférences et Meilleur Hôtel au Rwanda par le « World Travel Awards » en 2017, 2018, et 2019, ainsi que Meilleure Conception Architecturale et Meilleur Développement Hôtelier d’Afrique de l’année 2018.
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ÉCONOMIE
La fin du babyGrâce à des investissements publics massifs et à des choix stratégiques, Kigali se libère progressivement de la dépendance aux aides extérieures, tout en continuant d’afficher une forte croissance. De quoi se hisser dans le groupe des pays à revenu intermédiaire? 84
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balance commerciale en progrès (grâce à la dynamique des exportations), inflation contenue entre 3 % et 5 %, investissements étrangers et tourisme en hausse, dette stabilisée (voir « Repères » p. 86). Et ces progrès macroéconomiques semblent porter leurs fruits sur le terrain du développement humain. Si l’on en croit les statistiques des autorités rwandaises et des organisations internationales, le taux de pauvreté est tombé de 77 % en 1994 à 39 % en 2018. Sur la même période, l’espérance de vie s’est améliorée de vingt-neuf ans (passant à 67 ans), et le taux de mortalité infantile a reculé des deux tiers. Désormais, 90 % de la population dispose d’une couverture santé. Le taux de scolarisation atteint 98 %. Entre 2010 et 2017, le taux d’électrification a quadruplé, passant de 10 % à 40 %, et, grâce aux technologies hors réseau, comme les panneaux solaires, l’accès universel à l’énergie est annoncé pour 2025.
Changement de modèle
-sitting ’ L ALAIN FAUJAS
Éthiopie croît plus vite, Maurice est plus développée, mais c’est le Rwanda qui attire en Afrique tous les compliments. Malgré les vents contraires venus des marchés et malgré son enclavement géographique, sa croissance, déjà forte, poursuit sa progression à un rythme soutenu de + 6,1 % en 2017, + 8,6 % en 2018 (bien plus que les 7,2 % prévus), et vraisemblablement d’encore + 7,8 % en 2019, selon le FMI. Tous les paramètres s’améliorent: déficit budgétaire en baisse,
JUAN HERRERO/UNFRAME
Jeunes entrepreneurs dans le Knowledge Laboratory (K-lab), incubateur créé en 2012 dans l’Innovation Center de Kigali, qui réunit des start-up et des acteurs du numérique.
Il est évidemment excessif de parler de « Suisse » ou de « Singapour » de l’Afrique tant certaines zones rurales de ce petit pays (26 338 km2, soit 1,5 fois moins que la Suisse) restent à l’écart d’une partie de ces bienfaits. Il n’empêche que les résultats sont là. La Coface, expert français de l’assurance-crédit, en a tenu compte en améliorant la notation de la dette rwandaise de A5 à A4. Cependant, tout a une fin. « Le Rwanda est à la croisée des chemins, explique Ruben Nizard, économiste à la Coface. Ses progrès le mettent sur une trajectoire qui en fera bientôt un pays à revenu intermédiaire, ce qui signifie qu’il va être moins aidé par les organismes multilatéraux. Son développement s’est appuyé jusque-là sur l’investissement public, qui, lui aussi, a atteint ses limites. Il lui faut donc changer progressivement de modèle et miser sur le privé et sur la consommation domestique, d’autant que, faute de ressources naturelles, il dispose d’une base d’exportations trop étroite et que ses comptes extérieurs sont exposés à une baisse des cours mondiaux, du café par exemple. » Paul Kagame doit donc appliquer à son propre pays ce qu’il déclarait à propos de l’Afrique, il y a un an, dans une interview à JA: « Le temps du baby-sitting est révolu. » Ce qui semblait une fière déclaration un brin provocatrice est, en fait, une façon de se plier à la réalité. Le président rwandais fait de nécessité vertu, avec une vision claire des politiques à mener pour affronter les obstacles. La baisse de l’aide internationale et le plafonnement des capacités financières de l’État ne l’empêcheront pas de mener à bien les deux derniers projets d’infrastructures lourdes prévus, l’aéroport de Bugesera (lire pp. 88-89) et le raccordement ferroviaire avec la Tanzanie, pour lequel il reste à mobiliser 1,3 milliard de dollars. Ses moyens contraints ont obligé le gouvernement à agir, en 2018, sur les recettes à travers une amélioration de la collecte des impôts ainsi que sur les dépenses en limitant l’augmentation de la masse salariale des fonctionnaires.
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TOUTES LES DÉMARCHES S’EFFECTUENT EN LIGNE. PLUS UN SEUL PAPIER N’ENCOMBRE LA TABLE DU CONSEIL DES MINISTRES.
Un certain protectionnisme
Il est temps, également, de diversifier une économie essentiellement rurale. Cap sur le tourisme haut de gamme (notamment grâce aux gorilles des montagnes du parc national des Volcans) et à l’accueil de congrès, qui génèrent désormais des recettes d’environ 500 millions de dollars par an. D’où le contrat de 40 millions de dollars passé entre l’Office du tourisme rwandais et le club de foot britannique Arsenal – dont le président Kagame est un supporter – afin que les maillots de ses joueurs portent la mention « Visit Rwanda » pendant trois ans. Le développement d’une industrie manufacturière est non moins essentiel. La création d’une usine de montage de voitures Volkswagen d’une capacité de 1000 véhicules par an et l’arrivée du brasseur Heineken s’inscrivent dans cette stratégie. Celle-ci implique un certain protectionnisme afin de protéger les jeunes pousses de la concurrence des mastodontes mondiaux. La politique du « made in Rwanda » a poussé le gouvernement à surtaxer les importations de vêtements et de chaussures de seconde main. Washington a protesté et, devant le refus de Kigali de revenir sur cette mesure, il a privé le pays des avantages de l’African Growth and Opportunity Act (Agoa), qui dispense de droits de douane les produits africains importés aux États-Unis.
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La réussite de cette diversification supposant l’émergence d’un secteur privé compétitif, le gouvernement fait tout pour lui simplifier la vie. « Grâce à des procédures administratives allégées dans la construction, un cadre législatif pour réduire les coupures de courant électrique et des mesures pour accélérer les partenariats public-privé (PPP), le Rwanda a poursuivi en 2018 les réformes destinées à améliorer son climat des affaires, constate Ruben Nizard. Cela lui vaut la 29e place sur les 190 pays étudiés par le classement “Doing Business” 2019 de la Banque mondiale et fait de lui l’un des plus attractifs du
continent. » Tout n’est pas rose pour autant. La « révolution verte » à marche forcée a accru la productivité et permis l’exportation de produits agricoles, mais elle a fragilisé les petits paysans. La pression démographique demeure forte, alors que la densité de population est l’une des plus élevées d’Afrique. Enfin, ni au sud (Burundi) ni à l’ouest (RD Congo) la situation sécuritaire n’est stabilisée. Le Rwanda n’est pas au bout de ses peines.
REPÈRES Quand croissance rime avec constance 2017
PIB réel, à prix constants Inflation moyenne annuelle
2018
Projections
2019
(variation annuelle en %)
2020
6,3
8,6
7,8
8,1
4,8
1,4
3,5
5,0
(en % du PIB)
Solde budgétaire global
– 2,5 22,9 25,4
– 2,6 24,1 26,7
– 3,2 23,5 26,7
– 3,4 23,3 26,7
dont gouvernemental
Investissement intérieur
23,4 10,7
25,6 12,2
26,3 10,8
26,6 10,6
Dette publique brute
36,5
40,7
50
51,3
Solde du compte courant
– 6,8
– 7,8
– 9,2
Total des recettes Total des dépenses
– 8,7
Fer de lance de l’EAC
Croissance du PIB réel, à prix constants, en 2018 (PIB en milliards de dollars, à prix courants) Rwanda
8,6 % (9,1)
Tanzanie
6,6 % (57,9)
Ouganda
6,2 % (28,1)
Kenya Burundi
6 % (89,2) 0,15 % (3,4)
Soudan du Sud –1,2% (3,9)
SOURCES : AUTORITÉS NATIONALES, FMI, BANQUE MONDIALE
Paul Kagame veut faire du Rwanda le pays le plus connecté du continent, et même celui où s’épanouira le futur Marc Zuckerberg, le génie fondateur de Facebook. Dans le sillage du Knowledge Laboratory (K-lab), incubateur créé en 2012, installé au sixième étage de l’Innovation Center et qui réunit des start-up et des acteurs du numérique, les universités et les centres de recherche invitent les plus grands cerveaux, tel Cédric Villani, mathématicien et député français (de La République en marche), qui enseigne à l’African Institute for Mathematicals Sciences (AIMS) de Kigali. Déclarations de naissance ou demandes de permis de construire s’effectuent en ligne. Plus un seul papier n’encombre la table du Conseil des ministres. Le fonds Africa50 de la BAD ne s’y est pas trompé, qui a investi 400 millions de dollars (sur un coût global estimé à 2 milliards) dans la Cité de l’innovation de Kigali, qui accueillera 2800 étudiants, le premier centre de recherche en informatique quantique du continent, des incubateurs dans le numérique et les biotechnologies, ainsi qu’une antenne de l’université américaine Carnegie-Mellon. L’inventivité est vraiment tous azimuts puisqu’elle concerne aussi bien la mise au point de drones capables d’apporter en un temps record des poches de sang dans les hôpitaux que le lancement d’une crypto-monnaie, baptisée « afro », susceptible d’accélérer la naissance d’une union monétaire africaine.
COMMUNIQUÉ
INYANGE, L’EXIGENCE DE LA QUALITÉ La société Inyange Industries est l’un des acteurs majeurs du secteur de l’agroalimentaire rwandais. Fondée en 1997, la société à pour objectif de fournir des produits de haute qualité à partir de produits agricoles locaux, commercialisés non seulement sur le marché rwandais mais également sur l’ensemble du marché africain. Dans cette optique, Inyange Industries a progressivement développé sa gamme de produits pour inclure une variété de produits laitiers, d’eau minérale en bouteille et de jus de fruits.
mation du lait ont pour ambition de s’adapter aux rendements croissants à travers le pays et de répondre ainsi aux opportunités des marchés régionaux.
En 2007, la société a investi dans une nouvelle usine à la pointe de la technologie, ce qui lui a permis de multiplier par 10 sa capacité de production. Grâce à cette expansion, Inyange a répondu à la demande croissante du marché tout en mettant Inyange Industries dispose l’innovation au cœur de sa d'un réseau de 15 distributeurs croissance. Les dernières innovations incluent le sur le marché local et format de beurre 10 g lande 80 magasins franchisés cé en 2016 et développé spécialement pour les bespécialisés dans la vente soins de la restauration. de lait pasteurisé. L’entreprise est parmi les seules en Afrique de l’Est a commercialiser ce produit et la seule au Rwanda. Elle est également pionnière dans la production de yaourts aromatisés de longue durée, conditionnés dans des emballages pratiques et individuels, et commercialisés depuis 2018.
En effet, la société exporte de manière régulière vers les pays de la région et a le projet d’augmenter significativement ses exportations en pénétrant de nouveaux marchés en Afrique de l’Ouest et Afrique Centrale. Cet ambitieux plan d’expansion s’appuie sur une offre de produits de haute qualité qui privilégie les ingrédients naturels (lait frais, eau minérale naturelle, jus de fruits à 100 %) et sur un système de gestion de la qualité s’étendant de la récolte au conditionnement.
INYANGE INDUSTRIES LTD, RWANDA. P.0.BOX 4584, MASAKA Kigali, Rwanda Tél. / Fax : (+250) 788 161 900 Email : info@inyangeindustries.com
n Usine de production des produits Inyange
www.inyangeindustries.com
JAMG - PHOTOS : D.R.
Inyange Industries se positionne comme un partenaire clé de la chaîne de valeur et de la filière du lait au Rwanda. Au cours des cinq dernières années, la société a investi dans deux nouvelles installations de traitement du lait. En partenariat avec des agriculteurs et éleveurs locaux, ces nouveaux sites de transfor-
L’avenir de l’entreprise réside dans l’innovation verte. Lauréat du titre de « Champion de la gestion des eaux usées au Rwanda », Inyange est constamment à la recherche d’améliorations de ses processus pour réduire la production de déchets. Avec cette ambition, la société renforce ses efforts de recherche et développement vers de nouvelles solutions d’emballage plus durables.
Grand format RWANDA ÉCONOMIE
VINCENT FOURNIER/JA
Le Kigali Convention Centre, inauguré en 2015.
Tous les chemins mènent à Kigali
La capitale figure désormais dans le top 3 des villes africaines pour l’accueil de congrès et l’hôtellerie haut de gamme. Un levier de croissance bientôt renforcé avec la livraison du nouvel aéroport, en 2020. RÉMY DARRAS
omment attirer des investisseurs et devenir une place d’affaires incontournable en Afrique quand on est un pays enclavé, surtout agricole et peu industrialisé, avec une électricité très chère? En quelques années, le Rwanda est parvenu à transformer ses handicaps en atouts en pariant sur le tourisme comme levier de développement. En vendant à ses visiteurs la beauté de ses paysages et un climat des affaires exemplaire, le secteur a généré 438 millions de dollars de revenus en 2017 (+ 7 %). Selon le ministre des Transports, Jean de Dieu Uwihanganye, cette manne devrait doubler d’ici à 2024, grâce notamment au développement du tourisme de conférences, qui devrait avoir apporté 74 millions de dollars en 2018, contre 42 millions en 2017. En deux ans, le pays est ainsi passé de la treizième à la deuxième place pour l’organisation de conférences sur le continent,
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LA VRAIE VALEUR DE RWANDAIR N’EST PAS SA VALEUR INTRINSÈQUE. C’EST UN ADJUVANT À D’AUTRES STRATÉGIES. » JEAN-PAUL KIMONYO, conseiller spécial du président Kagame
derrière l’Afrique du Sud et le Maroc. Pivot de cette démarche, le Convention Centre, inauguré en 2015 et dont le dôme illumine toute la ville, auquel s’est adossé un hôtel Radisson Blu. Ce dernier a été la locomotive pour l’installation d’autres établissements dans la capitale (Marriott, Park Inn ou encore Onomo), sans oublier l’ouverture, en 2018, du lodge de grand luxe Nyungwe House, du groupe One&Only, à l’orée du parc national de Nyungwe (Ouest). D’après le cabinet américain JLL, 300 nouvelles chambres devraient sortir de terre d’ici à 2020. Un hôtel Ramada est annoncé pour cette année, et un Sheraton pour 2023. Un modèle que certains observateurs rapprochent de celui élaboré il y a trente ans dans un Dubaï encore embryonnaire sous l’impulsion de l’émir Al Maktoum, et dont l’autre moteur a été le développement d’une compagnie aérienne, Emirates, aujourd’hui géant mondial. Pour Kigali, cette compagnie s’appelle RwandAir.
RwandAir en pleine expansion
Tablant sur 1,2 million de passagers cette année (1 million en 2017-2018, 700000 en 2016-2017), RwandAir dessert déjà 26 destinations (22 sur le continent) et vient même disputer des parts de marché depuis Cotonou à Air Côte d’Ivoire et à Asky sur les capitales d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale en pratiquant un certain dumping tarifaire. Après avoir inauguré, à la mi-avril, la ligne vers Kinshasa – forte en symboles –, de nouvelles routes ont été ouvertes en juin, comme Tel Aviv et Canton (très important marché pour les traders africains, jusqu’alors capté par Ethiopian et les compagnies du Golfe), et d’autres sont envisagées, comme New York (via Accra), Francfort, Rome, Khartoum, Luanda, voire un Cotonou-Paris qui viendrait concurrencer Air France… Une expansion qui ne pourra se faire que par le doublement d’ici à 2023 d’une flotte aujourd’hui composée d’une douzaine d’appareils. Deux Airbus A330neo doivent être réceptionnés cette année, ainsi que deux 737 Max, en dépit de la tragédie du vol d’Ethiopian. De lourds investissements pour un déploiement que certains analystes décrivent cependant comme « à marche forcée ». Car malgré des revenus en hausse (99,8 millions de dollars en 2016, contre 95,2 millions en 2015), le transporteur
RWANDA MOUNTAIN TEA LTD Where quality makes the difference
des investisseurs dans le secteur de la fabrication, de la construction de matériaux, du textile et de l’agroalimentaire, tout en développant son potentiel minier.
Pari économique
Des ambitions qui ne pourront être pleinement assouvies qu’avec le nouvel aéroport de Bugesera, qui, tout comme RwandAir, devrait profiter d’investissements qataris. Les équipes de la firme portugaise de BTP Mota-Engil s’activent pour faire émerger le plus gros chantier du pays au premier semestre de 2020. D’un montant de 800 millions de dollars, l’aéroport pourra accueillir 4,5 millions de passagers tout en créant 2000 emplois dans la maintenance et le cargo. « Nous ouvrons de nouveaux secteurs de croissance qui nous permettent de baisser le prix d’importation des matières premières et des machines-outils, de faciliter et d’accroître les exportations. Pour cela, nous sommes prêts à assumer des pertes. C’est un pari économique », insiste JeanPaul Kimonyo.
UN MODÈLE QUE CERTAINS COMPARENT À CELUI ÉLABORÉ IL Y A TRENTE ANS DANS UN DUBAÏ ENCORE EMBRYONNAIRE.
DU NOUVEAU À RWANDA MOUNTAIN TEA LTD Rwanda Mountain Tea Ltd, en plus d’être un producteur/exportateur de thé haute gamme vendu en gros, s’est confirmé progressivement comme un conditionneur et emballeur de thé rwandais de première qualité. Récemment, Rwanda Mountain Tea Ltd a modernisé et étendu sa gamme de produits en vue d’être plus présent au niveau national mais aussi d’accéder aux marchés internationaux du thé vendu aux détaillants. Les nouveaux paquets de thé, déjà disponibles sur le marché Rwandais, répondent aux besoins d’un public plus varié et plus exigeant. C’est ainsi que la gamme propose du thé noir, avec une palette de saveurs pour tous les goûts et les moments de la journée, s’étalant de la liqueur forte à moyennement forte et légère. Le thé est proposé en vrac ou en infusettes. La gamme offre aussi du thé biologique vert et noir aux consomma-
teurs friands de produits plus bénéfiques pour la santé. Aussi, Rwanda Mountain Tea Ltd a mis à la vente du thé avec valeur ajoutée tel que le thé au gingembre. Le thé mis en paquet par Rwanda Mountain Tea Ltd détient des certifications d’adhérence aux normes internationales de production et commercialisation de produits alimentaires, de production de produits bio, et de préservation de l’écosystème.
Rwanda Mountain Tea Ltd : Av. des Poids Lourds, Kigali, Rwanda - PO. Box: 1576 Kigali, Rwanda Tél. : (+250) 788 313 901 - Email : info@rwandamountaintea.com
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JAMG - Photos : D.R.
accumule les pertes: 48,2 millions de dollars en 2013; 65,8 millions en 2014; 53,4 millions en 2015 ; 54,8 millions en 2016… Le trafic régional transitant par Kigali n’est pour le moment pas suffisant pour remplir les long-courriers de RwandAir. Mais, comme l’a confié à JA Yvonne Makolo, directrice générale de RwandAir, « l’objectif n’est pas forcément de réaliser des profits immédiatement. [La compagnie] sera un jour rentable, la priorité est à l’expansion et à la recherche de moyens pour connecter le Rwanda. » « La vraie valeur de RwandAir n’est pas sa valeur intrinsèque. C’est un adjuvant à d’autres stratégies », complète le politologue JeanPaul Kimonyo, conseiller spécial du président Kagame. « Ce que le Rwanda perd d’un côté, il le regagne par ailleurs en PIB », commente un autre expert. Et Clare Akamanzi, directrice générale de Rwanda Development Board (RDB), de rappeler que Kigali souhaite devenir un hub dans l’éducation, le tourisme médical, les sièges d’entreprises et la finance, mais aussi attirer
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