JA 3067 DU 20 AU 26 OCTOBRE 2019 GF MAURITANIE

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Rupture ou continuité ?

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MAURITANIE

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PEUT-IL CHANGER LA TUNISIE ?

ALGÉRIE El-Harrach, prison VIP

France 3,80 € Algérie 290 DA Allemagne 4,80 € Autriche 4,80 € Belgique 3,80 € Canada 6,50 $ CAN Espagne 4,30 € Éthiopie 67 Br Grèce 4,80 € Guadeloupe 4,60 € Guyane 5,80 € Italie 4,30 € Luxembourg 4,80 € Maroc 25 DH Martinique 4,60 € Mayotte 4,60 € Norvège 48 NK Pays-Bas 5 € Portugal cont. 4,30 € RD Congo 5 $ US Réunion 4,60 € Royaume-Uni 3,60 £ Suisse 7 FS Tunisie 4 DT USA 6,90 $ US Zone CFA 2 000 F CFA ISSN 1950-1285

KAÏS SAÏED DOSSIER Pétrole & gaz 12 pages

HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL NO 3067 DU 20 AU 26 OCTOBRE 2019

Trois mois après son élection, Mohamed Ould Ghazouani prend insensiblement ses distances avec le style et les méthodes de son prédécesseur et mentor.

Spécial 18 pages


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MAURITANIE Alter ego

CÉCILE MANCIAUX

i tout à fait la même. Ni tout à fait une autre. La Mauritanie change-t-elle vraiment ? À la mi-2018, sa capitale accueillait le sommet de l’Union africaine (UA), l’occasion de moderniser un peu son centre-ville, de s’offrir un second Palais des congrès (non loin du nouvel aéroport) et de confirmer la place du pays sur l’échiquier international. Un rôle qui s’exprime sur la scène politique, au niveau sécuritaire et, désormais, sur le plan économique. Car les choses changent aussi côté business, quoique lentement. Le climat des affaires reste peu propice à l’essor du privé. L’économie

N

demeure principalement minière et rentière, donc fragile et source d’inégalités. Pourtant, malgré la chute des cours du fer, la courbe de croissance est résolument ascendante, grâce – enfin ! – aux bons résultats des secteurs non extractifs… et au développement du projet gazier offshore. Ces évolutions s’accompagneront-elles d’un renouveau politique? Dans ce pays où les coups d’État se sont succédé pendant trente ans, de 1978 à 2008, l’investiture de Mohamed Ould Ghazouani, le 1er août, est la première passation de pouvoirs « normale », entre un président et son successeur tous deux élus au suffrage universel direct. Anciens compagnons d’armes et amis

intimes, tous deux étaient membres du conseil militaire qui a destitué l’ancien président Maaouiya Ould Taya en août 2005. Ils ont organisé ensemble le coup d’État qui a renversé Sidi Ould Cheikh Abdallahi en août 2008. Ils ont préparé ensemble les élections de 2009, de 2014 et de 2019… Ce changement d’homme sera-t-il suivi d’un changement de politique, de projets, de méthode ? Pas nécessairement. Et toute rupture est a priori exclue. Pour le moment, le nouveau chef de l’État prend ses marques et semble vouloir, comme il l’avait répété pendant sa campagne, inscrire son mandat « dans la continuité » de celui d’Ould Abdelaziz. Sans être tout à fait le même.

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ENJEUX

Changement en douceur

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Investi à la tête de l’État le 1er août, Mohamed Ould Ghazouani pose les premiers jalons de son programme, reçoit les représentants de la classe politique et rompt progressivement avec le style de son mentor et prédécesseur. ALAIN FAUJAS, envoyé spécial

À Nouakchott, le 21 juin, veille de la présidentielle.

MOHAMED MESSARA/MAXPPP/EFE/EPA

B

ientôt trois mois que Mohamed Ould Ghazouani a accédé à la présidence de la République, et l’atmosphère politique a incontestablement changé en Mauritanie. Sommé, dès son investiture, par l’opposition et par certains médias de rompre avec son « frère » et prédécesseur Mohamed Ould Abdelaziz, il n’en a évidemment rien fait. En revanche, par petites touches, il imprime sa marque, avec la lenteur qui convient à un fils de marabout. Le désir de changement était si fort que l’on pouvait craindre que l’impatience populaire ne s’exprime rudement, comme après le 22 juin et son élection au premier tour. Mais il a fini par faire admettre son rythme en posant des actes qui sont autant de promesses pour la suite de son mandat et qui ont apaisé un théâtre politique polarisé, voire hystérique, depuis dix ans. L’opposition a compris que le changement de style était réel. Certes, aucun membre des partis de l’opposition dite radicale ne siège dans le gouvernement nommé le 8 août. Mais le président met un point d’honneur à recevoir un à un les chefs de ces partis et ses adversaires à la présidentielle, respectant à la lettre son discours d’investiture du 1er août, dans lequel il déclarait: « Je resterai ouvert à tout le spectre politique, tout au long de mon mandat, sachant que la Mauritanie a besoin de tous, majorité et opposition. » Pour la première fois depuis des années, on a donc vu à la présidence l’opposant historique Ahmed Ould Daddah (RFD), l’homme de gauche Mohamed Ould Maouloud (UFP), le tonitruant Biram Dah Abeid (IRA), arrivé deuxième à l’élection. Ont aussi été reçus, entre autres, l’ancien Premier ministre Sidi Mohamed Ould Boubacar, troisième du scrutin, le président de l’opposition démocratique, Brahim Ould Bekay (Tawassoul), Messaoud Ould Boulkheir (APP), Mohamed Ould Moine (AND) et Abdessalam Horma (Sawab). Tous sont sortis de cette rencontre en louant la capacité d’écoute du chef de l’État, qui a entendu leurs revendications, parmi lesquelles le retour d’exilés

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politiques, comme l’homme d’affaires Mohamed Ould Bouamatou, ou la fin des discriminations ethniques. Il y a de la recomposition politique dans l’air. Biram, qui rugissait naguère, se montre doux comme un agneau quand il déclare: « Je suis disposé à soutenir Ghazouani et à l’aider, à condition de ne pas oublier les questions posées au cours de notre discussion. » Quant à Mohamed Jemil Ould Mansour, l’un des fondateurs du parti d’inspiration islamique Tawassoul, il affirme à titre personnel « que le positif est plus évident que le négatif, car il y a une ouverture graduelle sur l’opposition. Les signes donnés par le gouvernement reflètent qu’il peut être sérieux. Il faut lui donner du temps ».

Urgences sociales

À l’évidence, le nouveau pouvoir privilégie le social. Dans tous ses discours, Mohamed Ould Ghazouani souligne la nécessité de corriger les inégalités au sein de la société mauritanienne, parlant même de la nécessité d’une « discrimination positive ». Mais il n’a jamais cité le nom d’une catégorie sociale ou d’une ethnie, préférant user du terme « composantes de notre cher peuple ». Le discours-programme prononcé le 5 septembre devant le Parlement par le Premier ministre, Ismaïl Ould Bedda Ould Cheikh Sidiya, a été critiqué pour le chiffrage peu précis de ses projets, sauf dans le domaine social : 20 milliards d’ouguiyas (plus de 483 millions d’euros) seront affectés aux différents programmes de solidarité (Cheyla, Dari, Tekavoul) qui aideront 200 000 familles défavorisées grâce à des versements trimestriels passant de 1500 à 3500 ouguiyas (soit d’environ 36 euros à près de 85 euros). Comme la cause première de la pauvreté et du maintien des déséquilibres résultant de l’esclavage est la médiocrité du système scolaire (moins de 8 % de réussite au bac en juin 2019), dont sont victimes surtout les communautés négro-africaines (Peuls, Soninkés, Wolofs), mais aussi les Haratines (descendants d’esclaves), le budget de l’Éducation

nationale augmentera pour atteindre 20 % du budget de l’État. Le recrutement de 5030 enseignants est en cours. La remise à niveau de l’école publique est enclenchée.

Conflit peu vraisemblable

Le premier déplacement hors des frontières de Ghazouani a été consacré aux sommets de l’Uemoa et de la Cedeao, le 13 et le 14 septembre, à Ouagadougou, au Burkina Faso. Là encore, la continuité a prévalu. De nombreux observateurs estimaient que la force conjointe du G5 Sahel, regroupant les bataillons du Burkina Faso, du Mali, de la Mauritanie, du Niger et du Tchad, n’était pas efficace contre le terrorisme et qu’il fallait y remédier en intégrant le G5 Sahel dans la Cedeao, qui compte quinze pays membres et dont beaucoup sont menacés par le jihadisme. Tel n’a pas été le cas. Pourquoi? « Nous avons désormais posé les fondations d’une force qui n’existait pas il y a un an, explique le ministre de la Défense, le général Hanena Ould Sidi, qui l’a commandée de l’été 2018 à l’été 2019. Chaque pays doit se défendre lui-même, car ses soldats sont les meilleurs connaisseurs du terrain, mais il faut que nous arrivions à mutualiser nos moyens. » Il faut reconnaître que l’ombre de l’ex-président Ould Abdelaziz continue de planer. Il est parti en Turquie puis en Europe au lendemain de la fin de son mandat. Tout le monde se demande quelle posture il adoptera à son retour. L’opposition rêve de le traduire en justice pour la gabegie dont elle l’accuse. Exclu. Une partie de la majorité se sent orpheline et souhaiterait qu’il prenne la tête du parti majoritaire, l’Union pour la République (UPR), ce qui semble tout aussi exclu. Nombreux sont ceux qui supputent les embarras que l’ancien président pourrait causer au nouveau en se mêlant des affaires politiques et économiques du pays ou en défendant les intérêts de son clan. Leur longue amitié rend un tel conflit peu vraisemblable. Surtout, comme le disait Jean Bodin, théoricien politique français (1530-1596), « le pouvoir ne se partage pas plus que le point en géométrie ».

De proche en proche

Malgré la reconduction de sept ministres et l’absence d’opposant, le nouvel exécutif commence à imprimer sa propre marque. Du moins dans la méthode. La composition du gouvernement nommé le 8 août illustre la délicate ligne de crête qu’emprunte le nouveau président, Mohamed Ould Ghazouani, pour affirmer une politique qui lui soit propre sans pour autant humilier son « frère » et prédécesseur,

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Mohamed Ould Abdelaziz, qui l’a adoubé. Le renouvellement est incontestable. Si aucun opposant ne siège au Conseil des ministres, seuls sept membres du gouvernement faisaient déjà partie de la précédente équipe exécutive, parmi lesquels le ministre du Pétrole (lire

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p. 106), ceux des Affaires étrangères, des Pêches et de l’Enseignement supérieur, réputés proches de l’ancien chef de l’État, sans oublier le secrétaire général de la présidence, Mohamed Salem Ould Bechir, le dernier Premier ministre d’Aziz.

Le caractère technicien de la nouvelle équipe est tout aussi incontestable : la plupart de ses membres intègrent un gouvernement pour la première fois et n’ont pas de passé politique. Viennent de la Banque mondiale les ministres de l’Économie,


de la Santé, de l’Enseignement secondaire, des Affaires sociales et de l’Emploi (lire p. 106). D’autres sont passés par des agences onusiennes, comme les ministres de l’Enseignement fondamental, de l’Environnement et de l’Équipement, qui sont des anciens du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud), ou celui du Commerce, qui est un ancien de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Une plus grande place a été accordée aux Haratines (six membres), mais, dans l’ensemble, nombreux sont les observateurs à se réjouir qu’on ne retrouve

pas dans la composition de ce gouvernement les subtils dosages tribaux, régionaux et claniques qui présidaient jusqu’alors. Ce qui explique la grogne dans les rangs de la majorité présidentielle (lire p. 110).

Jugés sur pièces

Le nouveau chef de l’État n’a pas seulement imprimé sa marque dans la composition du gouvernement, il a aussi commencé à changer le mode de gouvernance. « Ould Abdelaziz s’occupait de tout. Ses ministres étaient seulement priés de lui transmettre les informations nécessaires et d’appliquer ses décisions quelles qu’elles fussent, commente un observateur.

des pluies diluviennes ont causé la mort de plusieurs personnes et ravagé des villages. La ministre des Affaires sociales a décidé de mieux surveiller la scolarité des enfants talibés, qui étudient dans les écoles coraniques, nombreux à mendier. Quant aux trois ministres chargés de l’Enseignement (fondamental, secondaire et supérieur), ils se sont réunis pour préparer la rentrée scolaire et la retarder d’une semaine pour qu’elle se fasse dans de meilleures conditions. Beaucoup jugent ces changements cosmétiques. Pourtant, l’atmosphère n’est plus tout à fait la même.

Ghazouani, lui, a d’entrée de jeu dit à ses ministres qu’ils étaient responsables de leur politique et qu’ils seraient jugés sur leurs résultats. » Ainsi responsabilisés, les ministres n’ont pas perdu une minute. Celui de l’Intérieur a fait déblayer par l’armée les ordures qui défiguraient la capitale et a fait publier les premiers textes d’application de la régionalisation, en panne depuis dix-huit mois. Celui de la Santé a arpenté les hôpitaux, bien mal en point. Depuis la fin août, plusieurs membres du gouvernement ont par ailleurs pris le chemin de la région de Guidimakha, dans le sud du pays, où

ALAIN FAUJAS

Moctar Ould Djay

Administrateur-directeur général de la Snim

Le joker

L

SNIM

a nomination, au début de septembre, de l’ex-directeur général des impôts (2010-2015) et ancien ministre des Finances (2015-2019) à la tête de la Société nationale industrielle et minière de Mauritanie (Snim) vaut largement une nomination au gouvernement tant l’entreprise publique est stratégique et lucrative pour l’État. Mais elle fait grincer des dents tous ceux qui voient en Moctar Ould Djay, 45 ans, l’homme lige de l’ancien président Mohamed Ould Abdelaziz et la perpétuation de l’emprise de celui-ci sur le pays. L’ancien grand argentier en avait exaspéré plus d’un par son optimisme inoxydable, en 2015-2016, au plus fort de la crise économique et sociale née de l’effondrement du prix du fer. Force est de constater que ce natif du Tagant (Centre) a su maîtriser une dangereuse dérive budgétaire en taillant dans les dépenses et en améliorant les recettes de l’État, sans que l’on puisse dire si les redressements fiscaux qui ont frappé

de grandes entreprises (notamment de la téléphonie) étaient motivés par leurs déclarations erronées ou par la nécessité de sauver l’État de la déconfiture. « Il est détesté par tous les chefs d’entreprise qu’il a fait payer, mais il a la qualité d’assumer ses actes, à la différence d’autres ministres, qui prétendent n’être que les simples exécutants des volontés suprêmes », remarque un observateur – qui n’est pas de ses amis. En nommant Moctar Ould Djay à la tête de la Snim, le président Ghazouani, qui n’a pas une confiance démesurée en lui, fait coup double. Il rassure le clan de son prédécesseur, qui s’indignait d’être mal représenté dans le gouvernement de Cheikh Sidya, et met l’ex-ministre au défi de redresser une entreprise mise à mal par l’obligation d’investir dans des secteurs étrangers à l’exploitation du fer (hôtellerie, santé, assurances, aéroport, immobilier) imposée par le précédent gouvernement… dont il faisait partie. A.F.

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Coumba BA

Ministre conseillère à la présidence

Femme de confiance

GRAND HOTEL BAMAKO

HOTEL NOUAKCHOTT

HOTEL ABIDJAN

HOTEL COTONOU

DR

E

lle est l’une des rares à oser taquiner l’ancien président Mohamed Ould Abdelaziz en public. L’une des rares également à bénéficier de l’entière confiance de son successeur, Mohamed Ould Ghazouani, qui, le 8 août, l’a nommée conseillère avec rang de ministre. Elle a fait partie des quelques personnalités qui, en septembre, l’ont accompagné lors de son déplacement à New York à l’occasion de l’Assemblée générale des Nations unies. En toute discrétion, Coumba Ba a l’oreille des chefs d’État mauritaniens depuis Maaouiya Ould Taya. Elle a ses entrées auprès du Sénégalais Macky Sall et du Congolais Denis Sassou Nguesso. Originaire de la région du Gorgol (Sud), elle est issue d’une grande famille aristocratique peule – son père est Ba Mamadou Nalla, un instituteur très respecté. Titulaire d’un doctorat en chirurgie dentaire, elle a également assisté, en tant que conseillère ou chargée de mission, les dirigeants Ely Ould Mohamed Vall et Sidi Ould Cheikh Abdallahi. En août 2009, sitôt après son

élection à la tête du pays, Ould Abdelaziz l’a nommée ministre de la Fonction publique, avant qu’elle soit désignée vice-présidente de l’Union pour la République (UPR), le parti au pouvoir. Coumba Ba occupera par la suite d’autres portefeuilles (Affaires africaines, Jeunesse et Sports, Fonction publique). Sa famille bénéficie de son influence. Son frère, Ba Samba, a été désigné, en 2018, ambassadeur de Mauritanie aux États-Unis, et sa nièce, l’ancienne ministre Djindah Bal, fut la coordonnatrice de la cellule de communication de Ghazouani pendant la campagne présidentielle. JUSTINE SPIEGEL


COMMUNIQUÉ

Mauritania Airlines, l’Oasis du Ciel Mauritania Airlines une compagnie à la mesure des ambitions

DIFCOM/DF - © PHOTO : DR.

de la Mauritanie, un pays en plein essor, dans la perspective d’un boom économique majeur avec l’exploitation de ses réserves de gaz. Pays d’avenir par ses potentialités minières, agricoles, halieutiques et pastorales, la Mauritanie compte, avec Mauritania Airlines, déployer ses ailes toujours plus haut, toujours plus loin au firmament des nations prospères. Compagnie détenue par l’État mauritanien à 100 %, Mauritania Airlines est en plein essor économique et commercial. Dynamique et en perpétuelle amélioration elle a inauguré, cette année des nouvelles destinations pour les mettre à la portée de ses clients et des extensions de ses destinations,dont l’Europe, sont en cours d’exploration. À l’écoute de ses clients et pour répondre au mieux à leurs besoins, Mauritania Airlines suit avec attention l’évolution du trafic aérien dans la région et adapte ses stratégies et politiques en fonction de la meilleure offre possible à leur faire en termes de durée du voyage et de qualité des services au meilleur prix. Elle enregistre une évolution de deux chiffres par an de son nombre de passagers. De par son rayon d’action en expansion en Afrique de l’ouest et les possibilités et facilités offertes, Mauritania Airlines est en passe de devenir l’une des premières compagnies de la région. Une ambition servie par une équipe dynamique et compétente qui fait de la performance son unique argument pour être toujours parmi les premiers.

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Taleb Ould SID’AHMED

DAOUDA CORERA POUR JA

Ministre de l’Emploi, de la Jeunesse et des Sports

Parcours sans faute avec la jeunesse, notamment celle des « adouabas », pour la persuader que la meilleure façon de se libérer était l’éducation. Lui, le sans-parti, a dit oui au président Ghazouani quand il lui a demandé d’entrer au gouvernement pour concrétiser sa promesse de créer 100 000 emplois en cinq ans. Pour Taleb Ould Sid’Ahmed, il n’y a que l’amélioration du capital humain – « le parent pauvre de ces dernières années », déploret-il – qui permettra d’y parvenir. Il estime que quasiment la moitié des Mauritaniens n’ont pas de vrai travail et que, faute de formation, 96 % des jeunes survivent grâce à des petits boulots dans l’informel. Ainsi qu’il l’a présenté dans une communication au Conseil des ministres le 13 septembre, il prévoit d’améliorer la formation professionnelle et les parcours qualifiants pour permettre aux jeunes d’accéder à des métiers porteurs, ceux dont ont besoin le

Mohamed Ould Abdel VETAH

Ministre du Pétrole, des Mines et de l’Énergie

Jeune atout

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atif de Rosso, docteur en iinformatique f ti diplômé de l’université Paris-111, Mohamed Ould Abdel Vetah (42 ans) a rapidement réorienté sa carrière vers le secteurr des hydrocarbures et a été nommé ministre du Pétrole, des Mines et de l’Énergie en 2016. Il a su profiter de la découverte du u gisement géant de gaz de Grand Tortu ueAhmeyim (lire p. 116), sur la frontièrre maritime sénégalo-mauritanienne e, pour persuader les majors pétrolières BP, Exxon, Shell et Total de venir en Mauritanie explorer de nouveaux champs terrestres ou offshore et a

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BTP, l’agroalimentaire ou la pêche. Il entend promouvoir l’autoentreprise et ouvrir des « guichets emploi » dans les treize capitales régionales. S’il est partisan d’une discrimination positive en faveur des couches défavorisées de la population, il n’entend pas entonner la « rengaine » de l’esclavage. « Nous ne sommes plus en 1980, explique-t-il. Les abus doivent être sanctionnés. Mais il ne faut pas en voir partout. Le véritable esclavage, c’est la pauvreté. Et la bonne façon de le combattre, ce sont les 20 milliards d’ouguiyas [près de 488 millions d’euros] qui vont être consacrés aux zones déshéritées, aujourd’hui sans école, sans système de santé et sans eau. » Qu’elles soient habitées par des Beidanes, des Soninkés, des Peuls ou des Haratines. A.F.

ainsi fait rentrer des dizaines de millions de dollars dans les caisses de l’État. On le disait intime de Mohamed Ould Abdelaziz en raison de son amitié avec le fils préféré de celui-ci, Ahmed, décédé dans un accident de la route en 2015. Son maintien i ti à la tête du portefeuille du Pétrole, des Mines et de d l’Énergie dans le gouvernement formé en août pa ar Mohamed Ould Ghazouani a donc été interprété é par certains comme une preuve de la mainmise e de l’ancien chef de l’État sur l’équipe de son suc ccesseur. Ce point de vue méconnaît le fait qu ue Mohamed Ould Abdel Vetah est égalem ment un proche du nouveau président : leu urs épouses sont des amies intimes, et, da ans l’équipe de campagne du candidat Ghazouani, G Abdel Vetah était investi du poste p de trésorier, que l’on ne confie qu’à un homme de confiance. DR

I

l est le visage d’un gouvernement qui se veut multicolore et fondé sur la seule compétence. Né en 1971 dans une « adouaba » – village de Haratines descendants d’esclaves – du sud, Taleb Ould Sid’Ahmed a ému ses compatriotes en racontant à la télévision comment sa mère avait pleuré en apprenant à la radio qu’il avait réussi à être admis au collège. Car c’est à la force du poignet qu’il a surmonté la pauvreté: baccalauréat en candidat libre, école de journalisme en Tunisie, troisième cycle en communication internationale à l’université Stendhal de Grenoble, en France, où il soutient une thèse sur les politiques et pratiques des technologies de l’information et de la communication en Mauritanie, puis rédacteur en chef d’une télévision mauritanienne, chargé de communication à la Banque mondiale, conseiller à la Banque maghrébine d’investissement… Il a voulu partager son ascension spectaculaire

A.F.


COMMUNIQUÉ

SEPCO INDUSTRIES SA : UN EXEMPLE DE CONTENU LOCAL

N Notre logo: les deux premières branches bleues symbolises l’industrie, (opérateurs et soustraitants internationaux). Elles sont soutenues par la branche grise (SEPCO) qui sert de socle fiable qui garanti une minimisation maximale des risques pour les sous-traitants. Notre stratégie de « local content » a été de cibler les services à valeurs ajoutées, à même de contribuer activement aux projets industriels dans le secteur tout en accroissant le volume d’activités locales. Ces services à valeurs ajoutées demandent la collaboration avec des groupes internationaux. Chez SEPCO INDUSTRIES nous avons conçu et réalisé cette collaboration, non pas en tant que sous-traitant, ni agent local, mais plutôt en tant que contractant principal. Nous bénéfiçions de la transmission d’un savoir rapide et contrôlé, mais aussi de permettre à nos clients, in fine, de souscrire la totalité du marché, ainsi contracté à SEPCO INDUSTRIES, dans leur contenu local.

SEPCO INDUSTRIES SA

SOCOGIM No. 33 - BP 5336 - Nouakchott, Mauritanie

À SEPCO INDUSTRIES, nous poursuivons notre effort pour continuer à améliorer les infrastructures de support pour l’industrie pétrolière dans notre pays. En témoigne, notre plateforme industrielle et logistique, unique dans la sous-région, avec le concept « one stop shop » en cours de réalisation au port autonome de Nouakchott.

© DR.

Notre engagement pour le contenu local est matérialisé et soutenu par une politique (Local Content Policy) créée, signée par notre CEO, diffusée en interne/externee affi et affichée dans tous nos locaux.

Quelques impacts positifs d’une telle démarche (philosophie et stratégie) sont résumés dans les graphes ci-dessous. Mais le résultat le plus important est la création d’un acteur économique solide sur les plans organisationnel, technique et financier à même de maintenir une contribution durable à l’économie nationale, y compris, au-delà des frontières du pays et même après la fin des projets pétroliers. Il va de soi que le contenu local n’est pas juste la nationalité locale, il nécessite de s’imprégner de sa philosophie citoyenne, humaniste d’abord et ensuite mettre en avant les compétences techniques et les qualités requises pour qu’enfin, cela, combinées avec la nationalité devienne un atout imbattable pour tout concurrent étranger.

DIFCOM/DF - PHOTOS :

À

SEPCO INDUSTRIES, notre souci premier est l’accroissement de l’industrie locale dans le secteur pétrolier et de servir d’exemple à d’autres sociétés locales et régionales. Notre compréhension et notre philosophie du « contenu local » ne se limite pas à notre accroissement de part de marché, mais plutôt à la manière que nous avons de l’appliquer en toute transparence avec le souci permanent « d’impact positif » sur tous les acteurs de la vie économique autour de nous (employés, États, sous-traitants locaux, clients mais aussi les institutions éducatives et la société civile).


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SIA KAMBOU/AFP

Sidi Mohamed Ould Boubacar (à g.) et Mohamed Ould Maouloud, le 22 juin, à Nouakchott.

VIE DES PARTIS

Querelles de famille

Après leurs résultats décevants à la présidentielle, deux des principales forces politiques, Tawassoul et l’Union des forces de progrès, tentent de surmonter leurs divisions. ALAIN FAUJAS

on incapacité à s’unir a été funeste pour l’opposition lors de l’élection présidentielle du 22 juin. Seul Biram Dah Abeid, soutenu par son mouvement antiesclavagiste, Initiative de résurgence pour le mouvement abolitionniste (IRA), et par le parti nationaliste Sawab (d’obédience baathiste), peut se réjouir de son score. Avec 18,58 % des suffrages exprimés, il arrive deuxième du scrutin, derrière le candidat de l’Union pour la République (UPR, parti présidentiel), Mohamed Ould Ghazouani, élu dès le premier tour avec 52,01 %. En revanche, deux des principales forces politiques du pays font grise mine. D’un côté, le parti de sensibilité islamique Tawassoul, premier parti d’opposition, qui a soutenu Sidi Mohamed Ould Boubacar, un indépendant arrivé troisième (17,87 %). De l’autre, l’Union des forces de progrès (UFP), dont le candidat, Mohamed Ould Maouloud, n’a obtenu que 2,44 % des

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suffrages exprimés malgré le soutien d’un autre opposant historique, Ahmed Ould Daddah, le leader du Rassemblement des forces démocratiques (RFD). Après ces résultats très décevants, les deux formations cherchent à surmonter leurs divisions.

Sabotage interne

L’UFP est secouée par une forte crise. Son comité permanent a exclu l’un de ses membres et en a suspendu deux autres pour trois mois en raison de critiques formulées contre la ligne du parti. Malgré sa suspension, Kadiata Malick Diallo, députée et vice-présidente du mouvement, n’en démord pas : elle l’avait prédit, la candidature du leader du parti équivalait à « un suicide collectif ». « Au lieu de jouer la carte de l’unité de l’opposition, les dirigeants du parti ont choisi de présenter Ould Maouloud, dit-elle. Il n’avait aucune chance, car nous avions rompu avec notre base en 2013 en boycottant les élections législatives et municipales. Nous dirigions

MÊME SUSPENDUE DE L’UFP, LA DÉPUTÉE KADIATA MALICK DIALLO N’EN DÉMORD PAS: LA CANDIDATURE DU LEADER DU PARTI ÉTAIT UN SUICIDE COLLECTIF.


onze mairies et nous n’en avons plus une seule ; nous avions neuf députés et nous n’en avons plus que trois. Découragés, nos cadres ont rallié d’autres partis. J’accuse la direction d’avoir bradé nos acquis et de nier la réalité. » Un point de vue auquel s’oppose Mohamed Ould Maouloud. Lui accuse les « rebelles » de vouloir faire sécession. « Ils ne visent pas à corriger des défauts, sinon ils attendraient notre congrès prévu fin décembre, affirme-t-il. C’est une crise, mais pas une crise d’idées. Cette minorité n’a aucun projet politique. Ses membres soutiennent les thèses du pouvoir sur la régularité du scrutin présidentiel, ils ne respectent plus la discipline du parti et ne participent plus aux réunions. Nous leur avons adressé un rappel à l’ordre pour leur donner la possibilité de se corriger. Sinon, il faudra qu’ils cessent de saboter le parti de l’intérieur. Et qu’ils le quittent! » Pourquoi l’UFP et le RFD ne se sont-ils pas ralliés aux candidatures de Biram Dah Abeid ou d’Ould Boubacar ? « Il fallait que

OULD MAOULOUD VOIT DANS SON FAIBLE SCORE UNE MANŒUVRE DE LA MAJORITÉ PRÉSIDENTIELLE VISANT À BALAYER L’OPPOSITION HISTORIQUE.

l’opposition originelle soit représentée à la présidentielle, et mon entourage m’a forcé la main pour que je me présente », répond Ould Maouloud. Pourquoi voit-il dans son mauvais résultat une manœuvre de la majorité présidentielle ? « Nous n’avons pas les moyens de le prouver, car nous étions exclus de la Ceni [Commission électorale nationale indépendante]. Mais mon résultat est en complète contradiction avec les audiences énormes que nos meetings de campagne ont attirées, poursuit le président de l’UFP. Le pouvoir a tout fait pour balayer l’opposition originelle, qui l’a combattu sans relâche, afin de créer une nouvelle opposition, plus facile à diaboliser. »

À tâtons

Au sein de Tawassoul, les tensions sont plus feutrées. Avant même le scrutin présidentiel, un certain nombre de ses cadres avaient annoncé leur ralliement au candidat de la majorité présidentielle et leur refus de voter pour Mohamed

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Ould Boubacar, soutenu par leur parti. À l’évidence, l’électorat islamique n’a pas bien suivi cette consigne de vote. Cela s’explique notamment par l’appartenance d’Ould Ghazouani à la tribu maraboutique Ideiboussat, dont certaines composantes sont proches de Tawassoul. Pour ne pas accentuer ces dangereuses divisions, les chouras du parti ont soigneusement évité de parler des résultats de juin, mais leur ligne politique est

encore tâtonnante. En effet, il s’agit pour Tawassoul de réaffirmer sa place de premier parti d’opposition au Parlement au moment où Biram Dah Abeid, fort de sa deuxième place à la présidentielle, revendique celle de leader de l’opposition. Tawassoul a donc dû répéter son opposition de principe au nouveau président, tout en lui reconnaissant un changement de ton et de manières qui plaît à beaucoup de ses adhérents.

Grogne à l’UPR C’est peu dire que l’Union pour la République (UPR, majorité) n’a pas le moral. Le gouvernement de technocrates nommé le 8 août a fait la part belle à des personnalités marginalisées par l’ex-président Ould Abdelaziz (lire pp. 102106), comme le Premier ministre, Ismaïl Ould Bedda Ould Cheikh Sidiya, ou le ministre de l’Intérieur, Mohamed Salem Ould Merzoug, ainsi qu’aux Haratines, qui obtiennent six portefeuilles. L es caciques de l’UPR, qui n’en font pas partie, ont protesté en sourdine contre la faible présence de personnalités réputées pro-Aziz, tel Ould Abdel Vetah (ministre du Pétrole, des Mines et de

l’Énergie), Cheikh Ahmed (Affaires étrangères) et Mohamed Salem Ould Bechir, le secrétaire général de la présidence. C’est peu, selon eux, et d’autant plus inquiétant que le nouveau président a reçu sans discontinuer les responsables de l’opposition, que son prédécesseur ignorait superbement.

En attendant Aziz

De là à penser que Mohamed Ould Ghazouani mijotait la création d’un parti bien à lui avec le renfort d’opposants, il n’y avait qu’un pas. Vite franchi par les fidèles d’Ould Abdelaziz. Les anciens Premiers ministres Hademine et Laghdaf

n’étaient pas les derniers à dire leur mauvaise humeur. On murmurait même dans les couloirs de l’Assemblée nationale qu’une motion de défiance pourrait être infligée au nouveau gouvernement… par la majorité ! Et puis le président Ould Ghazouani a déjeuné avec les élus de l’UPR, auxquels il a garanti qu’il n’avait pas d’autre socle politique qu’eux. Il a nommé Moctar Ould Djay, l’ex-ministre des Finances et homme lige d’« Aziz », à la tête de la Snim (lire p. 103). Tout le monde est alors rentré dans le rang, et, au début de septembre, les députés ont adopté sans encombre le discours-programme d u Pre mie r m i n i s t re

(128 voix pour, 19 contre, 2 abstentions). Reste que l’UPR est déboussolée. La préparation de son congrès, très attendu compte tenu des querelles internes et du vieillissement de ses cadres, n’avance pas. Peut-être une fraction de ses membres joue-t-elle la montre en espérant que le retour au pays d’Ould Abdelaziz (parti en voyage à l’étranger après son mandat) leur permettra de se doter d’un leader et d’une stratégie? Sauf que l’ancien chef de l’État, bien qu’il veuille jouer un rôle politique, a répété qu’il ne serait pas président de l’UPR. Comprenne qui pourra. ALAIN FAUJAS

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AMBITIONS 2018 - 2022 ● ●

La nouvelle équipe de la CCIAM, élue en 2018 est déterminée à appuyer et à soutenir le secteur Privé afin de permettre aux entreprises Mauritaniennes de grandir, de se moderniser, de renforcer leurs compétences et de créer des emplois, mais aussi d’attirer les investissements étrangers et d’encourager entrepreneuriat. C’est dans cette perspective que le nouveau Bureau Exécutif présidé par M. Ahmed Babe Ould ELEYA, soucieux de proposer une offre de services homogène, opérationnelle et visible a mis en place un nouveau plan stratégique décliné en 5 axes stratégiques et 20 objectifs pour la période 2018-2022. La CCIAM assume actuellement la présidence de l’Union des CCI du G5 Sahel ainsi que la Vice-présidence de la CPCCAF pour la zone Afrique du Nord. Elle est également membre de plusieurs réseaux consulaires. 303, Avenue de l'Indépendance, BP 215 Nouakchott, Mauritanie

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PUBLI-INFORMATION


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TRIBUNE

Solidarité sans frontières M

VINCENT FOURNIER/JA

bera, dans le Hodh El Chargui, sud-est de la Mauritanie. « commodités » s’y rattachant. D’autres organisations de Un groupe d’hommes achève sa prière sur une dune, l’ONU et de la société civile interviennent également. Le Fonds telle une mosquée improvisée. « S’il vous plaît, c’est l’heure. des Nations unies pour la population (Unfpa) a construit et On avance vers les véhicules ! Tout le monde doit partir, ne équipé une maternité, qui est gérée par l’Association marorestent ici que les réfugiés ! » La voix est celle d’un travailleur caine de planification familiale. Le Bureau international du humanitaire. La consigne est stricte et chaque jour répétée, de travail (BIT) a formé des jeunes à divers métiers. La Fédération 17 heures à 18 heures. luthérienne mondiale assure, entre autres, la prise en charge Créé en 2012, quand a éclaté la crise dans le Nord-Mali, des soins de santé et la gestion d’un service d’ambulances. le camp de Mbera accueille aujourd’hui 56 130 personnes, Confiés aux bons soins des autorités mauritaniennes selon le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés et des organisations internationales, en particulier de (HCR). Touaregs, Peuls, Arabes, Bambaras, l’Unicef, les enfants du camp suivent, en plus Songhaïs, ils ont fui la région de Tombouctou, de cours d’arabe, le même programme scolaire les villages de Léré, Nampala Nioro, Youwarou, que leurs compatriotes au Mali et ont fait cette Ténenkou… À pied, à dos de chameaux, cachés année leur rentrée presque comme les autres, à l’arrière de voitures, mêlés à des bergers le 7 octobre. marchant derrière leurs troupeaux, ils ont erré jusqu’à ce camp, situé à 60 km de la frontière n partenariat avec l’association littéraire malienne. Traversées mauritanides, l’Unicef a par ailDépossédés de tout, les réfugiés soulagent leurs conduit, en juillet, un groupe d’écrivains, en partie leurs peines grâce à l’hospitalité des de poètes et d’humoristes dans deux villes de la Bios Diallo populations locales, avec lesquelles ils parrégion, Bassikounou et Fassala, ainsi que dans Écrivain, directeur des tagent le Sahel et la foi en l’islam. Ici, on ne le camp de Mbera. Des ateliers d’écriture, de Rencontres littéraires se refuse rien, on partage le gâteau du jour. poésie, de théâtre, de danse et de musique y et culturelles Qu’on parle arabe, peul, songhaï ou bambara, ont été organisés. « Nous avons discuté avec « Traversées après des épreuves traumatisantes, on réapdes jeunes pleins d’ambition. D’aucuns nous ont mauritanides » prend à vivre. À vivre ensemble pour certains surpris, avec des textes inspirés et poignants, qui, « dans leur vie d’avant », ont été ennesouligne Cheikh Nouh, écrivain de langue mis. « Nous nous sommes retrouvés avec les arabe. Bien entendu, ils regrettent d’avoir dû mêmes urgences. Nous opposer n’a plus aucun quitter leur pays dans des conditions tragiques, sens », explique Souad. Elle presse ses mains et maugrée. mais, au camp, ils se reconstruisent et tracent de nouveaux « Nous avons compris que ce qui nous unit est ce qui aurait chemins. » Le moral est là comme la foi en l’avenir. pu nous épargner cette situation. » Cependant, face à l’incertitude qui demeure du côté de Tombouctou, pour la plupart des réfugiés, le retour au pays ur le terrain, les petites mains sont des humanitaires. Des ne semble pas à l’ordre du jour. « Rien ne vient nous rassuhommes et des femmes qui apportent le réconfort qu’ils rer. Ceux d’entre nous qui sont rentrés volontairement n’ont peuvent. Le camp est découpé en quatre zones, avec des blocs retrouvé ni leurs biens ni leurs statuts. Pire, la peur les gagne bien délimités afin de rendre fluide la circulation, surtout lors de nouveau, témoigne Mahmoud. Alors, nous resterons là le du marché hebdomadaire qui approvisionne les résidents mais temps qu’il faudra. » aussi les voisins, à l’affût de denrées à prix accessibles. De son côté, le HCR continue d’enregistrer de nouvelles Le HCR, qui administre le camp, suit les formalités d’état arrivées – 6 000 en 2018 –, tandis que les aides, elles, sont civil qui permettent d’obtenir le statut de réfugié et les toujours très en deçà des besoins.

S

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E


PUBLI-INFORMATION

DERRIÈRE LES PROGRÈS DU FOOTBALL MAURITANIEN un exemple de bonne gouvernance

Après avoir participé à deux CHAN, tournoi réservé aux joueurs évoluant dans les championnats locaux, en 2014 et 2018, les « Mourabitounes » ont réussi à décrocher une qualification historique à la Coupe d’Afrique des Nations 2019 en Égypte. Un exploit, réalisé au prix de performances incroyables face au Burkina Faso, à l’Angola et au Botswana, et qui a valu à la Mauritanie le trophée de la meilleure équipe de l’année, décerné par la CAF.

> Ismael Diakité porté en triomphe par ses coéquipiers après son doublé face au Botswana, le 18 novembre 2018 à Nouakchott.

Si cette stratégie de développement a porté ses fruits, elle ne limite pas qu’au parcours des équipes nationales seniors. Les autres catégories ne sont pas en reste et prennent part à des tournois, comme le COTIF en Espagne, qui a permis à plusieurs joueurs de signer avec des clubs en Europe. Des bases so-

www.ffrim.org

> L’explosion de joie de Moulay Khalil Bessam et ses coéquipiers après la qualification à la CAN 2019 face au Botswana.

lides ont aussi été posées à travers l’ouverture d’une académie qui accueille les meilleurs jeunes du pays, alliant sport et étude. La FFRIM a également axé sa stratégie sur les infrastructures. Un complexe sportif est sorti de terre, comprenant trois pelouses synthétiques qui bordent le stade Cheikha Boïdiya. Grâce à l’appui de la FIFA, l’enceinte a connu une extension, passant de 1 000 à 8 500 places. Elle abrite désormais aussi bien les rencontres internationales que les compétitions nationales. Les différents championnats s’y déroulent régulièrement. De la « Super D1 » aux championnats de petites catégories (U13, U15, U17, U20), en passant par le football féminin. Et tous ces évènements sont couverts par une unité de production audiovisuelle interne dénommée FFRIM TV, qui découle du soutien de la FIFA. A présent, un nouveau défi se présente devant la FFRIM. Celui de l’organisation de la prochaine CAN des moins de 20 ans en 2021. Un challenge, que l’équipe d’Ahmed Yahya, accompagnée par les autorités mauritaniennes, saura certainement relever, après avoir organisé avec brio des événements majeurs, tels que, entre autres, le Sommet Exécutif de l’instance dirigeante du football mondial.

JAMG - POTOS : D.R.

Arrivé à la tête de la Fédération mauritanienne de football en juillet 2011, Ahmed Yahya avait pour ambition de placer la Mauritanie sur la carte du football africain et mondial. Cette Mauritanie, plus connue à cette période pour son absence des compétitions continentales, enchaînant les défaites et les abandons, et qui végétait dans les bas-fonds du classement FIFA. Huit ans après, le constat est tout simplement implacable. Avec le soutien infaillible du Gouvernement, le Président de la FFRIM a bel et bien remporté un pari, que d’aucuns auraient qualifié de complètement fou.


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ÉCONOMIE

Vertueuse div

DR

En dépit des difficultés du secteur minier, les indicateurs s’améliorent, notamment grâce à des ajustements budgétaires et à la croissance du PIB non extractif. Mais beaucoup reste à faire en matière de climat des affaires.

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Le BTP est l’un des secteurs en pleine expansion. Ici, le nouveau siège de la Snim, à Nouakchott.

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ersification L e Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale sont d’accord: l’économie mauritanienne s’améliore. Pour le premier, « la performance de la Mauritanie continue d’être forte. La stabilité macroéconomique a été préservée, le ratio dette extérieure/produit intérieur brut [PIB] a baissé, les réserves de change ont augmenté ». Pour la seconde, « la décélération économique en 2015-2016 a entraîné le gouvernement à faire un ajustement budgétaire et des réformes structurelles qui ont permis de rétablir la stabilité économique ». Les preuves de ce rétablissement sont nombreuses. Le rythme de la croissance s’accélère, avec 3,6 % en 2018 et + 6,9 % prévus en 2019, revus à la hausse par le FMI (voir tableau). Et la bonne nouvelle est que cette embellie n’est plus seulement tirée par les industries extractives mais par l’agriculture (riz, viande blanche, cultures irriguées), la pêche, la construction (fer à béton) ou encore les télécoms. Un début de diversification dans un pays trop dépendant de son sous-sol. Grâce aux économies et aux meilleures rentrées fiscales (+ 0,7 % en 2017 et + 0,8 % en 2018), le déficit budgétaire de 0,2 % du PIB a fait place à un excédent de 1,5 %. Les réserves en devises sont convenables. L’inflation est contenue à moins de 4 % et la Banque centrale de Mauritanie a pu abaisser son taux directeur pour la première fois depuis dix ans, de 9 % à 6,5 %. Il est également question qu’une Bourse des valeurs voie le jour en 2020. Il faut néanmoins apporter quelques retouches à ce tableau plutôt réjouissant. Dans le milliard de dollars de réserves de la Banque centrale, 300 millions de dollars ont été prêtés par l’Arabie saoudite. Deux banques, la NBM et la BMS, semblent mal en point. Enfin, la dette publique a dépassé 80 % du PIB en 2018, l’un des taux les plus élevés d’Afrique occidentale.

Caisse noire géante

Reste le risque important que représente la Société nationale industrielle et minière (Snim), détenue à 78,35 % par l’État. Personne ne comprend comment une entreprise qui a engrangé de beaux bénéfices de 2010 à 2013 en raison du prix très élevé du minerai de fer a pu, dans le même temps, s’endetter autant. Victime de la dégringolade des prix à partir de 2014 et incapable depuis deux ans de produire

plus de 12 millions de tonnes par an malgré une augmentation de ses capacités de production, elle se trouve en panne de liquidités et en déficit, ce qui met en péril le remboursement de ses emprunts. L’opacité est totale sur les investissements qu’elle a dû réaliser sur ordre dans le transport aérien, l’immobilier, la santé ou le tourisme. Comme la Sonatrach algérienne ou Gazprom en Russie, la Snim a été une caisse noire géante, mise à contribution sans contrôle ni rationalité au gré des besoins du pouvoir. L’ancien ministre des Finances Moctar Ould Djay (lire p. 103) a été nommé à sa tête le 5 septembre et sa première tâche est de faire l’inventaire des maux financiers et techniques de l’entreprise dont la taille (elle est le premier employeur du pays) fait peser un risque

REPÈRES

Une croissance généralisée hors secteur extractif Projections

2016

2017

2018

2019 2020

(variation annuelle en %)

PIB réel, à prix constants

Hors industries extractives

1,8 2,0

3,1 4,5

3,6 6,3

6,9 5,4

5,8 5,8

Inflation

1,5

2,3

3,1

3,6

4,0

Solde budgétaire global

–0,5 31,7 32,3

0,0 31,8 31,9

3,3 33,6 30,0

0,0 30,5 30,6

0,5 31,2 30,7

77,4 71,6

75,9 72,5

83,0 69,3

78,5 67,3

80,9 69,4

Total recettes et dons Total dépenses et prêts nets

Dette publique totale 1 et 2 Dette publique extérieure 2

Solde des comptes courants –15,1

–14,4 –18,4

–15,7 –21,6

Réserves officielles

5,5

4,6

5,0

5,2

5,7

Production de fer

13,3

11,8

11,1

12,3

Prix du minerai de fer

58,6

71,1

70,1

76,5

70,2

(en mois d’importations hors industries extractives) (en millions de tonnes) (en dollars/tonnes)

1 - Y compris dette publique envers la Banque centrale reconnue en 2018. 2 - Hors dette passive envers le Koweït, en cours de négociation.

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SOURCES : AUTORITÉS MAURITANIENNES ET FMI

ALAIN FAUJAS

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PACTOLE GAZIER: PAS AVANT 2023 L’annonce faite à la fin de juin par le britannique British Petroleum (BP) et la junior américaine Kosmos Energy de la découverte d’un nouveau réservoir de gaz dans le gisement sous-marin de Grand Tortue-Ahmeyim (GTA), à cheval sur la frontière maritime entre le Sénégal et la Mauritanie, a encore accru les attentes de l’opinion publique mauritanienne (lire pp. 64-68). La capacité du champ, dont l’entrée en phase de production est prévue en 2022, était estimée à 15 milliers de milliards de pieds cubes (en anglais, trillion cubic feet, TCF), soit environ 425 milliards de mètres cubes de gaz, à se partager à parts égales entre la Mauritanie et le

Sénégal. On parle désormais « de 15 à 30 TCF ». Les préparatifs d’exploitation vont doper les investissements et l’emploi. BP et Kosmos ont lancé à Nouakchott les travaux du centre qui formera les cadres et les techniciens spécialisés. BP, majoritaire avec 62 % des parts dans les blocs situés côté mauritanien, assurera l’exploitation. La major a passé les premières commandes d’installations en mars 2018 auprès des américains McDermott et Baker Hugues, chargés de réaliser l’avant-projet de l’infrastructure sous-marine et, en février dernier, elle a confié la construction du terminal gazier au français Eiffage, associé à Saipem, filiale de

systémique sur les finances publiques et sur l’économie. Si la situation s’éclaircit au niveau macroéconomique, il n’en est pas de même dans le domaine de la microéconomie : le secteur privé est en panne. Le climat des affaires s’améliore si l’on en croit le classement « Doing Business » de la Banque mondiale, où la Mauritanie a progressé du 176e au 148e rang, entre 2015 et 2019. En réalité, le tissu des entreprises est de qualité médiocre parce que l’économie est dépendante de l’État. Le secteur informel est omniprésent, et les PME vivent plutôt mal que bien, parce que de grands groupes familiaux multiactivités (négoce, immobilier, mines, banque, agroalimentaire) accaparent les marchés publics et étouffent dans l’œuf les concurrents potentiels. Souvent proches du pouvoir, ces groupes sont généralement dans une situation de monopole ou d’oligopole.

Remises à plat

Le Rapport sur la situation économique en Mauritanie publié en mai 2019 par la Banque mondiale confirme les pesanteurs qui empêchent les PME de croître : « Une forte présence de l’État dans l’économie et des conditions de concurrence peu équitables, un accès difficile au financement, une main-d’œuvre locale ayant des

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l’italien Eni (un contrat de 350 millions d’euros). Selon les prévisions de la Banque mondiale, ces préparatifs devraient contribuer à faire bondir la croissance mauritanienne de + 3,6 % en 2018 à + 6,7 % en 2019. Toutefois, gare à l'emballement. Pour les experts, il est fort probable que GTA n’entre en phase d’exploitation qu’en 2023 et, pendant deux ou trois ans, il est prévu que BP et Kosmos se remboursent en priorité de leurs lourds investissements, ce qui ne devrait pas valoir des recettes importantes au Trésor mauritanien. Il faut aussi relativiser le « pactole » que représentera Grand Tortue. La Banque mondiale a calculé que la Mauritanie pouvait raisonnablement

s’attendre à 14,4 milliards de dollars de recettes nettes sur trente ans, soit un apport d’environ 500 millions de dollars par an, c’est-à-dire un renfort pour le budget de 30 %. C’est important, mais pas de quoi transformer le pays en émirat pétrolier. C’est pourquoi la Banque mondiale aidera les autorités mauritaniennes à « adopter une stratégie efficace de gestion des ressources ». Cela veut dire installer des mécanismes pour ne consommer qu’une partie des recettes gazières, afin d’en faire profiter aussi les générations futures, et mener à bien les réformes pour renforcer la compétitivité du pays hors hydrocarbures.

A.F.

compétences limitées, la prévalence de la corruption, des services aux entreprises restreints et une bureaucratie peu efficace. » Le marché du travail s’est détérioré d’autant plus qu’il « est marqué par un grand écart entre les hommes et les femmes et par une marginalisation des jeunes », note la Banque mondiale. Le nouvel exécutif a envoyé des signaux annonciateurs de remises à plat. Le ministre de la Fonction publique prépare un report de l’âge de la retraite de 60 à 65 ans, celui des Pêches a annulé les licences accordées aux pêcheurs cette année et non exécutées avant le 31 août… Nombreux sont les chantiers qui attendent le gouvernement. Ce dernier devra mener à bien un règlement de l’insolvabilité, une amélioration de la justice commerciale, une meilleure communication des autorités, un vrai dialogue entre le privé et le public, une égalité juridique entre hommes et femmes, un accès des PME aux marchés publics et à des financements adaptés, une lutte soutenue contre la corruption ou encore une politique foncière digne de ce nom. Ni les recettes du gisement de gaz offshore de Grand Tortue à partir de 2023 (lire ci-dessus) ni le récent regain des prix du fer ne lui épargneront la voie malaisée et parfois douloureuse de réformes en profondeur.

LES MARCHÉS PUBLICS DEMEURENT ACCAPARÉS PAR DE GRANDS GROUPES FAMILIAUX MULTIACTIVITÉS, SOUVENT PROCHES DU POUVOIR.



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SECTEUR PRIVÉ

Mohamed Ould Noueigued veut y croire

DAOUDA CORERA POUR JA

Dans son bureau de la BNM, à Nouakchott.

Le patron du groupe AON et PDG de la Banque nationale de Mauritanie reconnaît que l’économie va mal. Il voit tout de même quelques motifs d’espoir.

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ALAIN FAUJAS

55 ans, Mohamed Ould Noueigued est à la tête de l’une des entreprises familiales les plus puissantes du pays, le groupe Abdallahi Ould Noueigued (AON, du nom de son père), présente dans le BTP, la pêche, l’agroalimentaire, les hydrocarbures et la banque. Il est surtout le PDG de la Banque nationale de Mauritanie (BNM), qui a notamment investi 80 millions de dollars dans l’aéroport international de Nouakchott-Oumtounsy, inauguré en 2016. Proche de l’ex-président Maaouiya Ould Taya, il a connu la prison quand Mohamed Ould Abdelaziz s’est emparé du pouvoir, en 2008. Mais, à la différence d’un autre homme d’affaires, Mohamed Ould Bouamatou, il ne s’est jamais opposé à l’exécutif, préférant les joies de l’entreprise aux intrigues politiques. En février, il est apparu en compagnie de l’ancien président français François Hollande, qu’il avait invité à Atar, dans l’Adrar, son fief, avec son ancien ministre de l’Économie Michel Sapin. Le constat que fait ce grand patron de la situation économique n’est pas rose. « La pauvreté gagne du terrain. La santé est à terre. L’éducation aussi, comme le prouvent les 8 % de taux de réussite au baccalauréat

À

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cette année, déplore-t-il. De nombreuses entreprises publiques sont en quasi-faillite, notamment la Snim, pour laquelle les coûts d’extraction du minerai de fer s’élèvent à 40 dollars la tonne, contre 18 dollars au Brésil. Et le poisson pourrit dans les frigos à cause du manque d’électricité et du monopole de la Société mauritanienne pour le commercialiser. » Le secteur privé pourrait-il aider à surmonter ces difficultés ? « Il est malade ! rétorque le banquier. Les investisseurs, domestiques comme étrangers, hésitent à s’engager, parce que les règles élémentaires ne sont pas respectées. Certains importateurs s’acquittent des droits de douane, d’autres pas. Il n’y a plus d’entreprises mauritaniennes dans le BTP, mais des sociétés internationales. »

« Ça va changer! »

Le patron de la BNM voudrait que son pays prenne enfin le chemin du développement. « Mais, pour cela, il ne faut pas qu’il y ait deux Mauritanie, avec d’un côté 10 % de riches, éduqués dans le privé, et de l’autre 90 % d’analphabètes. L’école de la République doit mettre fin à la fracture sociale. Et nous sommes prêts à mettre de l’argent pour qu’elle soit le creuset de la nation », insiste Mohamed Ould Noueigued. Selon lui, l’arrivée d’un nouveau président rebat les cartes. « Ça va changer ! s’exclame-t-il. Je pense que Mohamed Ould Ghazouani ne se mêlera pas de tout et déléguera à ses ministres le soin de décider. Ils ne seront plus de simples chargés d’affaires. L’entreprise publique ne concurrencera plus l’entreprise privée dans des domaines où elle n’est pas compétente, et toutes deux devraient travailler en bonne intelligence dans le cadre de partenariats public-privé. Nous avons l’énorme espoir qu’une bonne gestion permette une meilleure répartition des richesses et que la confiance libérera enfin les énergies pour sortir la Mauritanie du sous-développement. »


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Un thé au Sahara

Depuis leur réouverture en décembre 2017, les circuits dans l’Adrar attirent de plus en plus de voyageurs, séduits par la beauté du désert et des cités anciennes. ALAIN FAUJAS

e tourisme remonte en puissance en Mauritanie. Le pays a accueilli 1 488 randonneurs au cours de la saison 2017-2018 et 3 800 en 2018-2019. « Dans le même temps, précise Kadi Medhi, cofondateur de l’agence réceptive Mauritanides Voyages, le nombre de voyagistes français qui proposent notre destination est passé de 9 à 17 et devrait atteindre 28 pour la prochaine saison. » Parmi les opérateurs à l’initiative de ce regain: Voyageurs du monde, Terres d’aventure, Allibert, La Balaguère, Point-Voyages, Club Aventure et Nomade Aventure. L’engouement des touristes s’explique par la beauté du désert de l’Adrar et de ses villes anciennes. Et par le fait que le ministère français des Affaires étrangères a confirmé la sécurité de la zone : sur la carte des risques tenue à jour par le Quai d’Orsay, le centre de la Mauritanie est passé en 2018 du rouge (« formellement déconseillée ») à l’orange (« déconseillée sauf raison impérative »), et, au début de 2019, le reclassement de la région en jaune

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jeuneafrique no 3067 du 20 au 26 octobre 2019

EN CONFIRMANT LA SÉCURITÉ DE LA ZONE, LE QUAI D’ORSAY A RELANCÉ L’ACTIVITÉ DANS LA SEULE PARTIE DU SAHEL OÙ IL FAIT BON VOYAGER.

Les tour-opérateurs locaux ont accueilli 3 800 randonneurs lors de la saison 2018-2019.

(« vigilance renforcée ») a rouvert en grand les portes de la seule partie du Sahel où il fait bon gravir les ergs et les regs. « Les populations qui nous accueillent sont les plus grands défenseurs de la sécurité, car leur gagne-pain en dépend, explique Kadi Mehdi. On estime que, au cours de la saison 2018-2019, les agences réceptives ont reçu entre 700 000 et 900 000 euros. Pour ma part, je recrute localement guides, chauffeurs, cuisiniers, chameliers, et j’achète tout sur place, même si c'est plus cher. Les structures d’hébergement et les moyens de transport se multiplient et s’améliorent. Par exemple, je peux mobiliser une centaine de chameaux à Ouadane. Quand on sait qu’il faut trois chameaux pour un touriste, on comprend comment un chamelier peut gagner jusqu’à 1000 euros en quinze jours et être mieux payé qu’un directeur d’administration centrale ! »

À pied, en 4×4 ou à VTT

Les circuits et séjours – proposés aux voyageurs du 19 octobre au 12 avril pour la saison qui commence – s’étoffent. En plus des randonnées pédestres et chamelières dans la région de Chinguetti et du « train du désert » Zouerate-Ben Amera (258 clients en 2018-2019) sur la voie ferrée des trains géants du minerai de fer, la palette s’élargit


techniquement (circuits en 4×4 ou à VTT) et géographiquement (région du Tagant, dont les villes de Tidjikja et de Tichitt). La colonne vertébrale de cette offre touristique est la liaison en charter Paris-Atar, opérée cette année avec les Boeing 737 de la compagnie française ASL Airlines France. Un vol Marseille-Atar est à l’étude. Fort de cette renaissance du tourisme, qui commence à profiter aussi au fameux parc du banc d’Arguin, sur la côte Atlantique, Mahmoud Sid’Ahmed, le nouveau ministre du Commerce et du Tourisme, est en train d’élaborer une politique ambitieuse pour pouvoir accueillir 100 000 visiteurs toutes catégories confondues (randonneurs, chasseurs, pêcheurs, surfeurs, amateurs d’oiseaux de mer, congressistes, etc.) à l’horizon 2030. « Le tourisme doit devenir l’un des leviers du développement de notre économie, affirme le ministre. L’exemple de l’Adrar prouve qu’il est la meilleure façon d’injecter directement de l’argent dans la poche des habitants, mais aussi la meilleure façon de préserver notre culture et notre artisanat. La première condition

était la sécurité. Elle est assurée. Il nous faut maintenant organiser le secteur. » Mahmoud Sid’Ahmed entend restructurer l’Office national du tourisme pour améliorer la visibilité de la destination. Le recensement des ressources à valoriser permettra de développer une activité touristique locale. La réorganisation du ministère et le toilettage des lois et des règlements contribueront à mieux séduire les investisseurs locaux et étrangers. « Il nous faut créer un cadre d’investissements qui les orientent vers nos zones naturelles, comme le banc d’Arguin ou le parc de Ndiago, à l’embouchure du fleuve Sénégal, afin d’y créer des capacités d’accueil et d’y organiser des animations, poursuit le ministre. Cela suppose un volet formation, car nous manquons d’interprètes, de chauffeurs, de cuisiniers, de guides et de personnel hôtelier, que nous devons professionnaliser. » Une école de tourisme devrait voir le jour à Nouakchott, qui donnera des cours de langue à ces personnels afin de ne plus recevoir seulement des Français ou des Belges.

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HUMEUR

financière qui, en 2009, a valu à l’Américain Bernard Madoff d’être condamné à cent cinquante ans de prison. L’arnaque, inventée en 2013, a consisté à acheter des maisons, des terrains, des troupeaux ou des voitures à un prix cinq ou six fois supérieur à leur valeur, à condition que le vendeur se contente d’une somme modique à la signature et consente à ne recevoir le solde que un ou deux ans plus tard. Ce fut la ruée des vendeurs. Aussitôt la cession actée devant un notaire traditionnel (économisant les 4 % de taxes qui auraient été perçues pour le compte de l’État par un notaire officiel), le bien était mis en vente à un prix deux fois inférieur à celui du marché, à condition que l’acheteur paie illico l’intégralité de l’achat. La ruée des acheteurs ne fut pas moindre.

Chute des prix de l’immobilier

Une sainte escroquerie ALAIN FAUJAS

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hut ! Aucun homme de loi ne veut en parler, même si les sites mauritaniens et le ToutNouakchott en débattent depuis des mois. Il faut taire le nom du coupable, même si des milliers de familles ont été escroquées, et que le préjudice dépasserait les 7 milliards d’ouguiyas (169,4 millions d’euros). Les manifestations se sont multipliées, un coup de feu a été tiré contre un homme de main dudit coupable, mais, de plaintes déposées, point. On a parlé de pyramide de Ponzi, or cette escroquerie se révèle bien plus stupide que le procédé de cavalerie

Peu de sorties d’argent frais et beaucoup de rentrées d’ouguiyas sonnants et trébuchants : le dispositif était manifestement destiné à obtenir des liquidités. On ignore toujours dans quelles poches elles sont allées. Cette aberration ne pouvait déboucher que sur la faillite. Au début de 2018, à court d’argent, son initiateur a humblement demandé pardon à Dieu et à ses créanciers de ne pas être en état de payer les dettes contractées depuis cinq ans et a garanti qu’il s’en acquitterait… quand il aurait d’importantes rentrées d’argent. Désespérés, certains vendeurs ont voulu revenir dans leur maison, et des heurts ont éclaté avec les nouveaux propriétaires. La gendarmerie a été obligée de protéger le domicile du coupable, situé dans le quartier de Teyssir, à Nouakchott, devant lequel les victimes organisaient des sit-in à répétition. Ces ventes à prix cassés ont provoqué l’effondrement du marché immobilier en 2018 et ont perturbé la commercialisation des terrains à bâtir de l’ancien aéroport. Les banques ont également été fragilisées, car les biens immobiliers pour lesquels elles avaient prêté de l’argent ont été largement dévalorisés. Le coupable de ce gâchis ? Un saint homme, marabout très respecté et proche du pouvoir, murmure-t-on. Mais pourquoi ces bouches cousues et ce silence sur l’évidente responsabilité du cheikh ? À cause de ses pouvoirs supposés et de son bras long certes, mais aussi parce qu’il a pris soin de ne signer personnellement aucun acte d’achat ou de vente, ni la moindre reconnaissance de dette, laissant ces formalités à ses courtiers. Pendant des mois, la justice et la police ont regardé le ciel plutôt que les dégâts, les autorités affirmant qu’il s’agissait d’une affaire strictement privée. Bon nombre de victimes ont renoncé à se battre face à cette impasse juridique, politique et religieuse. Elles ont enterré dans le sable leurs titres de créance inutiles et ne seraient plus que quelque 4 800 à exiger leur dû. Seul (faible) signe de sympathie du nouveau gouvernement pour leur cause: les forces de l’ordre ne protégeraient plus le génial inventeur de cette pyramide de Ponzi à la mauritanienne. Mais… chut ! jeuneafrique no 3067 du 20 au 26 octobre 2019

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