JA 3068-69 du 27 octobre au 9 novembre 2019 International France

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INTERNATIONAL

AFRIQUE-FRANCE

80 Interview Donald Kaberuka, président du Fonds mondial

Du discours à


82 Économie Une offre à relancer

84 Questions à Étienne Giros, président délégué du Cian

la méthode

Coopération économique accrue, dialogue politique renforcé, gestes symboliques forts... Emmanuel Macron a ouvert un nouveau chapitre dans les relations entre Paris et le continent. BENJAMIN ROGER

Le chef de l’État français à l’Afrika Shrine, à Lagos (Nigeria), le 3 juillet 2018.

SIPA

C

’était il y a deux ans, à l’université de Ouagadougou. Face à un amphithéâtre bondé d’étudiants burkinabè, Emmanuel Macron, arrivé six mois plus tôt à l’Élysée, y délivrait sa vision de la « nouvelle » relation qu’il entendait tisser avec l’Afrique. En formulant une promesse martelée par ses prédécesseurs depuis le général de Gaulle : celle d’en finir avec la Françafrique, ses liens malsains et ses réseaux obscurs. Rien de très neuf, donc, si ce n’est un changement en termes d’image et de méthode. Un président français pas encore quarantenaire qui se plie à une séance de questions-réponses musclée avec son jeune auditoire, en direct et sans filet de rattrapage. Emmanuel Macron a eu beau assurer qu’il n’y avait « plus de politique africaine de la France », son désormais célèbre discours de Ouagadougou décline une à une les grandes mesures qu’il entend prendre sous son quinquennat. « C’est une feuille de route, confirmet-on à l’Élysée. À part sur l’Europe, il n’y a aucun autre domaine où le président a clairement affiché ses intentions de la sorte. » Conçu avec les membres de son Conseil présidentiel pour l’Afrique (CPA), composé d’une douzaine de personnalités françaises et africaines issues de la société civile, ce discours-programme entend marquer une rupture et le début d’une nouvelle ère. Objectif affiché: bâtir une relation normalisée passant uniquement par les canaux officiels. Parmi la batterie de mesures annoncées à Ouagadougou, certaines, considérées par son entourage comme des « marqueurs symboliques », ont été rapidement prises. Les archives françaises sur l’assassinat de Thomas Sankara ont ainsi été transmises à la justice burkinabè, et le processus de restitution du patrimoine culturel africain a été enclenché, en particulier avec le Bénin. Autre symbole fort: le rapprochement avec le Rwanda de Paul Kagame, notamment à travers le soutien à Louise Mushikiwabo pour son accession à la tête

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International AFRIQUE-FRANCE

de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), à la fin de 2018. Pour le reste, une des grandes idées directrices de la gouvernance macronienne en Afrique est de sortir du « logiciel de crise » pour mettre l’accent sur une coopération accrue dans des secteurs plus classiques, comme l’éducation, l’entrepreneuriat, le développement durable ou encore la culture et le sport. Mais c’est surtout en termes économiques qu’Emmanuel Macron et ses conseillers envisagent leurs relations avec leurs partenaires africains. D’où l’intérêt accordé aux poids lourds non francophones du continent, comme le Nigeria, le Ghana ou encore l’Éthiopie, trois pays où le président s’est rendu tour à tour depuis son arrivée au pouvoir. Toujours dans la même logique, il se rendra en Afrique du Sud et en Angola au mois de mai 2020. À chaque fois, des entrepreneurs et des investisseurs français l’accompagnent pour tenter de saisir les opportunités dans les pays concernés. Avec plus ou moins de succès. « Il y a des blocages persistants, estime une source au Palais. La conversion du regard de nos opérateurs économiques sur l’Afrique ne change pas assez vite. Nous avons encore du mal à les convaincre de venir y développer des nouveaux projets. » Aussi ambitieux et bien marketé soit-il, le discours présidentiel sur le changement des

Le président français a tenu à accueillir la conférence de reconstitution du Fonds mondial contre les trois grandes pandémies (sida, tuberculose et paludisme), dont 70 % des fonds sont destinés à l’Afrique. Il a affiché un objectif très ambitieux, invité les chefs d’État africains à participer à l’événement et, sur scène comme en coulisse, n’a pas ménagé son énergie pour comptabiliser les 14 milliards de dollars annoncés. L’objectif a été atteint, même s’il serait injuste de limiter ce succès au seul « show Macron ». Rémy Rioux, président de l’Agence française de développement (AFD) en témoigne : « Entre 2007 et 2017, l’argent consacré par la France à l’aide publique au développement avait baissé de 40 % et, de fait, l’action de l’AFD en matière de santé avait quasiment disparu. Depuis, la tendance a changé : nous disposons de 500 millions d’euros pour le secteur. » Les projets financés sont variés : formation en Côte d’Ivoire, chèques-santé en Mauritanie, laboratoires d’analyse (en partenariat avec le groupe Mérieu) dans sept pays du continent… À cela s’ajoute la publication, en septembre, de « Carnets de santé » réalisés sous l’égide du Conseil présidentiel pour l’Afrique (CPA) pour recenser les initiatives observées sur le continent et appeler les porteurs de projet à se manifester.

Une aide à mieux répartir

« La France agit au niveau multilatéral et au niveau bilatéral, insiste la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, également présente à la conférence lyonnaise. Son effort porte prioritairement sur les pays les plus vulnérables, notamment en Afrique subsaharienne, qui, paradoxalement, ont souvent du mal à absorber l’aide venue d’organisations comme le Fonds mondial ». C’est un problème que tous les intervenants soulignent : certains pays où le système de santé est bien organisé – Rwanda ou Malawi par exemple – savent

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Les artistes Youssou N’Dour et Bono, à la conférence du Fonds mondial, à Lyon.

trouver un usage aux sommes versées, mais d’autres peinent car la demande de soins y est trop désorganisée pour qu’elle puisse parvenir à rencontrer l’offre. L’initiative Santé Entreprise Afrique, lancée par le Conseil français des investisseurs en Afrique (Cian), vise à répondre à ce défi en proposant un service de détection des maladies directement dans les entreprises. « Nous avons commencé en Côte d’Ivoire, explique son président, Étienne Giros (lire p. 84). L’objectif est d’être au Cameroun en 2020, puis en Guinée et au Burkina Faso. » Coauteur du rapport du CPA sur les systèmes de santé, l’oncologue et immunologue kényane Yvonne Mburu conclut par un ultime rappel: « Il faut faire attention à ne pas concentrer toute l’aide sur les grandes pandémies. Aujourd’hui, les maladies non transmissibles comme le cancer ou l’hypertension sont de plus en plus fréquentes, mais elles ne bénéficient que d’environ 1 % de l’aide internationale. » OLIVIER MARBOT

OLIVIER CHASSIGNOLE/AP/SIPA

Au chevet d’un continent


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International AFRIQUE-FRANCE

relations franco-africaines se heurte à certaines réalités moins séduisantes. À commencer par la coûteuse opération Barkhane au Sahel, où plus de 4 000 militaires français ont été déployés depuis 2014. Difficile, en effet, d’évoquer la fin de la Françafrique alors que Paris mène sa plus importante opération extérieure sur le continent depuis les indépendances. Le président français, dont les propos sur le taux de natalité dans certains pays africains avaient déjà créé la polémique en 2017, est aussi régulièrement fustigé pour sa politique migratoire à l’égard du continent.

Deux événements majeurs

LE PRÉSIDENT FRANÇAIS EST RÉGULIÈREMENT FUSTIGÉ POUR SA POLITIQUE MIGRATOIRE À L’ÉGARD DU CONTINENT.

L’année 2020 sera une année charnière pour la politique africaine d’Emmanuel Macron. Il organisera deux événements majeurs à domicile: le sommet FranceAfrique, qui se tiendra au début de juin à Bordeaux, et la saison des cultures africaines, qui se déroulera de juin à décembre à travers la France. L’occasion de recevoir ses pairs africains en grande pompe mais aussi d’intéresser ses compatriotes au continent et à ses évolutions. Après le discours de Ouaga, le CPA sera une nouvelle fois appelé à jouer un rôle dans la préparation de ces deux temps forts. En s’appuyant notamment sur les diasporas, dont le chef de l’État souhaite qu’elles constituent un vecteur privilégié d’échanges avec l’Afrique. Enfin, au-delà des grands discours et des belles intentions, il sera peut-être confronté à ce que tous ses prédécesseurs ont connu avant lui et qui, in fine, marquerait au fer rouge son bilan : sa gestion d’une crise politique dans un pays francophone. Burkina Faso, Guinée, Côte d’Ivoire, plusieurs élections présidentielles à l’issue incertaine doivent avoir lieu dans des pays clés à la fin de 2020. Nul doute qu’elles seront scrutées avec une attention toute particulière par l’Élysée.

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International

INTERVIEW

Donald Kaberuka

Président du conseil d’administration du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme

« Sur la levée de fonds, le président Macron a fait un travail exceptionnel » Ancien patron de la Banque africaine de développement, le Rwandais se félicite du volontarisme montré par la France lors de la conférence de Lyon. Propos recueillis à Lyon par OLIVIER MARBOT

fonds, bien sûr, avec un objectif annoncé de 14 milliards de dollars qui, grâce au travail exceptionnel du président Macron, a pu être atteint. Dans le détail, et pour ce qui concerne l’Afrique, il y avait trois priorités: que les pays africains eux-mêmes soient plus nombreux et y contribuent davantage; que les 14 milliards récoltés aient un effet de levier incitant les pays récipiendaires à mobiliser également leurs propres moyens et donc à augmenter leur budget de santé; et enfin, que les pays mettent leur politique en conformité avec les objectifs affichés ici, c’est-à-dire, concrètement, qu’ils veillent à ce que toute leur population ait accès à la santé, sans discriminations et avec un système de couverture maladie universelle. La France a fait preuve un volontarisme évident lors de cette campagne de levée de fonds. À l’inverse d’autres pays semblaient se désengager. Confirmez-vous cela?

Absolument. Lors de la reconstitution précédente, il y a trois ans, le Fonds avait recueilli 12,2 milliards de dollars. Mais, depuis, le multilatéralisme a reculé, la coopération internationale s’est un peu bloquée. C’est très difficile en ce moment, même les Nations unies ont des difficultés budgétaires. Le rôle du président Macron a

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VINCENT FOURNIER/JA

JeuneAfrique:Quelsétaientlesprincipaux objectifs de la conférence de Lyon? Donald Kaberuka : D’abord lever des

L’ex-ministre rwandais de l’Économie et des Finances.

donc été vital: il a engagé toute sa diplomatie sur ce dossier, jusqu’au dernier jour il a appelé lui-même ses homologues partout dans le monde pour les inciter à donner… La France, qui fait par ailleurs beaucoup de choses à travers l’Agence française de développement (AFD), a vraiment joué un rôle capital. Certains estiment pourtant qu’Emmanuel Macron a tendance aussi à délaisser la coopération multilatérale au profit du bilatéralisme…

C’EST TRÈS DIFFICILE EN CE MOMENT, MÊME LES NATIONS UNIES ONT DES PROBLÈMES BUDGÉTAIRES.

C’est un mauvais procès, opposer multilatéralisme et bilatéralisme n’a pas de sens. L’AFD a de multiples projets dans de nombreux pays africains, pour moi c’est aussi du multilatéralisme. La coopération internationale est un peu en souffrance en ce moment, mais je crois que la France vient de prouver que ce n’était pas irréversible. Et d’ailleurs la Chine, qui a longtemps favorisé le bilatéralisme, s’inscrit de plus en plus dans le multilatéralisme. C’est un signe encourageant.



International

ÉCONOMIE

Une offre à relancer Si les exportations de la France en Afrique ont doublé depuis 2001, ses parts de marché y ont été divisées par deux. En cause : une vision archaïque qu’il faut dépasser. ALAIN FAUJAS

u moment où le président français tente de faire regagner aux entreprises françaises le terrain qu’elles ont perdu en Afrique, c’est l’occasion de mesurer leurs forces et leurs fragilités. Le baromètre des 1 244 leaders d’opinion en Afrique, publié en février par le Conseil français des investisseurs en Afrique (Cian), classe la France au septième rang des partenaires considérés comme bénéfiques pour le continent, loin derrière la Chine, le Japon, l’Allemagne ou la Turquie. En revanche, sur les dix entreprises dont les leaders sont les mieux perçus, trois sont françaises : Orange (2e), Total (6e) et Renault (8e). Air France arrive en tête dans la catégorie des compagnies aériennes. Le déclin de la présence française est net, mais relatif. Selon un rapport de la Coface publié en juin 2018, les parts de marché de la France en Afrique ont été divisées par deux depuis 2001, tombant de 12 % à 6 %. Dans le même temps, les exportations françaises ont plus que doublé, de 13 à 28 milliards de dollars sur un marché qui lui, il est vrai, a quadruplé.

A

« Révolution culturelle »

À la demande du ministre français des Affaires étrangères et de celui de l’Économie et des Finances, Hervé Gaymard, ancien ministre lui-même, a analysé les forces et les faiblesses économiques de la France en Afrique dans un rapport publié en avril, intitulé « Relancer la présence

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Une usine des Brasseries ivoiriennes du groupe Castel, à Abidjan, en mars 2013.

économique française en Afrique : l’urgence d’une ambition collective à long terme ». Il y pointe un certain nombre d’archaïsmes dans les mentalités. « Notre talon d’Achille tient au fait que, dans les esprits, l’Afrique demeure une affaire de spécialistes, car elle est considérée comme un monde économique à part où seuls les passionnés se lancent », commente Hervé Gaymard. Ce manque d’allant s’explique par une image vieillotte du continent trop souvent perçu comme à risque en matière politique, économique ou sanitaire. « Nous avons une révolution culturelle


d’exister, mais elle n’a pas les moyens nécessaires, avec quelques dizaines de millions d’euros, quand la coopération technique allemande GIZ dispose d’un budget de 2 milliards d’euros, souligne M. Gaymard. Si l’Allemagne a une aussi bonne image de marque en Afrique, c’est qu’elle y a déployé une expertise qui ouvre la voie à ses entreprises. » Berlin a lancé un bouquet d’initiatives à destination du continent comme « le plan Marshall pour l’Afrique », le « Compact with Africa » via le G20, la « Skills Initiative for Africa » avec l’Union africaine et encore la « Subsahara Afrika Initiative » (Safri). Pas étonnant qu’elle ait détrôné la France, prenant la place de premier fournisseur européen du continent en 2018.

OLIVIER POUR JA

Le goût du long terme

à accomplir, poursuit-il. Nous sommes rivés sur l’export, alors que l’avenir c’est l’implantation sur le continent. » Nombreux sont les opérateurs français qui ne pensent que du point de vue des échanges commerciaux, bien que la réussite de sociétés françaises comme Eramet ou Castel tient au fait qu’elles se sont africanisées. Les entreprises françaises comptent 620 000 salariés africains. Le rapport incrimine encore la perte d’expertise de la France depuis l’abandon de la coopération technique, qu’elle pratiquait avec succès au lendemain des indépendances. « France Expertise a le mérite

LA RÉUSSITE DE SOCIÉTÉS COMME ERAMET TIENT AU FAIT QU’ELLES SE SONT AFRICANISÉES.

Le rapport énumère 47 propositions pour relancer l’offre française, d’où émerge par exemple la nécessité de « faire de la formation de la main-d’œuvre locale une priorité ». Cela pourrait prendre la forme de « bourses d’excellence », ce qu’Hervé Gaymard tente de mettre en place avec le secteur privé. « Beaucoup de nos entreprises ont besoin de cadres africains de haut niveau et pas seulement pour l’Afrique, dit-il. Il faudrait aussi multiplier les centres d’excellence de formation technique créés ou en cours de création en Afrique du Sud (Dassault) ou au Maghreb (Schneider Electric). » Mais surtout, il faut redonner à la France une expertise technique et le goût du long terme. Le rapport donne en exemple l’élaboration d’un grand programme d’aménagement durable du territoire autour du fleuve Sénégal qui, avec le concours de firmes françaises, intégrerait les dimensions juridiques, sociales, financières et techniques dans l’amélioration de l’accès à l’eau et de la production d’énergie. « Nous avons la chance d’avoir une des meilleures expertises en matière d’agronomie ainsi qu’un secteur agricole coopératif très développé, déclare Hervé Gaymard. Les conditions sont réunies pour construire une proposition à l’Afrique notamment dans le domaine de l’agriculture vivrière dépassant l’autoconsommation et qui profitera du développement urbain accéléré que connaît le continent. »

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International

Étienne Giros

Président délégué du Conseil français des investisseurs en Afrique (Cian)

« Les entreprises actives en Afrique ont une responsabilité citoyenne » Le Cian a fêté ses 40 ans cette année. Comment ont évolué ses missions ? Nous représentons une partie du secteur privé français en Afrique. Nous regroupons 180 membres, des grosses entreprises bien sûr, mais aussi des PME. Au total, elles réalisent un chiffre d’affaires de 60 milliards d’euros, soit 80 % du business français sur le continent. Notre mission est à la fois d’aider ces professionnels qui investissent en Afrique à se connaître entre eux, mais aussi de les tenir au courant de l’actualité dans tous les domaines qui peuvent avoir une influence sur leur activité : des questions de sécurité à celles de la responsabilité sociale. Certains nous voient comme un lobby, mais ça ne correspond pas à notre action : nous portons certaines convictions, en matière de développement notamment, et de

ANTOINE KREMER

Propos recueillis par OLIVIER MARBOT

Dans quelle logique ? Depuis deux ou trois ans nous menons en effet également des actions sur le terrain. Nous estimons que le secteur privé est légitime pour

NOUS ESTIMONS QUE LE SECTEUR PRIVÉ EST LÉGITIME POUR LANCER DES PROGRAMMES QUI CONTRIBUENT À AMÉLIORER LE CLIMAT DES AFFAIRES. par notre représentativité nous sommes fondés à nous exprimer au nom du secteur privé. Vous menez aussi des opérations concrètes, sur la santé entre autres. 84

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lancer des programmes qui contribuent à améliorer le climat des affaires, et donc à faciliter l’activité des entreprises. Nous intervenons sur la santé parce que les grandes pandémies posent des problèmes

aux sociétés dont les salariés sont touchés. Nous menons aussi d’importantes actions en matière de formation en général. Pourquoi dites-vous que les entreprises françaises ont un rôle particulier à jouer sur le continent ? Les entreprises que nous représentons sont actives en Afrique et ont donc une responsabilité citoyenne. Mais c’est vrai qu’à nos yeux la France, par son histoire et ses liens anciens avec le continent, a une responsabilité toute particulière. Bien plus que l’Allemagne, par exemple, même si Berlin est dernièrement très actif sur le continent.


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