COMORES
NOUVEAUX HORIZONS Spécial 18 pages
SÉNÉGAL Le dilemme de Macky Sall
INTERVIEW ALI BENFLIS « Mon programme : sauver l’Algérie »
HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL NO 3072 DU 24 AU 30 NOVEMBRE 2019
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France 3,80 € Algérie 290 DA Allemagne 4,80 € Autriche 4,80 € Belgique 3,80 € Canada 6,50 $ CAN Espagne 4,30 € Éthiopie 67 Br Grèce 4,80 € Guadeloupe 4,60 € Guyane 5,80 € Italie 4,30 € Luxembourg 4,80 € Maroc 25 DH Martinique 4,60 € Mayotte 4,60 € Norvège 48 NK Pays-Bas 5 € Portugal cont. 4,30 € RD Congo 5 $ US Réunion 4,60 € Royaume-Uni 3,60 £ Suisse 7 FS Tunisie 4 DT USA 6,90 $ US Zone CFA 2 000 F CFA ISSN 1950-1285
M’jid El Guerrab et Sira Sylla.
Il n’y a jamais eu autant de députés originaires du continent à l’Assemblée nationale. • Qui sont-ils ? • Quel est leur bilan ? • Quels liens les rattachent toujours à l’Afrique ? • Et pourquoi ils devraient être – beaucoup – plus nombreux.
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LES AFRICAINS DE LA RÉPUBLIQUE
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FRANCE
GRAND FORMAT
COMORES
STEPHANE DE SAKUTIN / AFP
Pour tout comprendre de l’évolution d’un pays
Nouveaux horizons
Profitant du retour de la stabilité politique, le président Azali Assoumani, aisément réélu en avril, rencontrera les investisseurs à Paris les 2 et 3 décembre. Objectif : les convaincre de miser sur l’archipel. jeuneafrique no 3072 du 24 au 30 novembre 2019
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COMMUNIQUÉ
L’Union des Comores, sur le chemin de la modernisation de son Système National de Paiement La Banque centrale des Comores a initié depuis deux ans d’importantes réformes, notamment dans le domaine du développement de l’inclusion financière. Ainsi, en partenariat avec la Banque mondiale, elle a entrepris de moderniser son Système National de Paiement, avec pour objectif d’accompagner le pays dans son développement économique à l’horizon 2030.
Le secteur bancaire comorien était occupé depuis sa création par un seul acteur. Avec la politique d’ouverture prônée en 2004, le secteur bancaire comorien connaît une évolution significative et se compose désormais de 4 banques, 4 réseaux de microfinances, 3 intermédiaires financiers et 3 offres de mobile money qui favorise une inclusion financière d’une population à faible revenu. Ce paysage concurrentiel nécessite une modernisation du Système National de
Paiement pour faciliter les échanges, et favoriser l’accès au système bancaire d’un grand nombre de la population. La BCC dans son rôle de régulateur du secteur bancaire et financier aux Comores voit l’importance de moderniser le SNP comme une solution pour pérenniser l’inclusion financière de tous les acteurs du secteur.
L’innovation du SNP, un projet pour une économie robuste Ce projet financé par la Banque mondiale, permettra, une fois mis en place, de disposer d’instruments de paiements bien définis, de systèmes de traitement des paiements innovants et de haute qualité (transferts en temps réel de gros montants, interopérabilité des
cartes bancaires, etc.) d’un cadre juridique adapté aux fintechs et d’un solide soutien institutionnel. L’ensemble des acteurs économiques du pays (l’administration publique, le système bancaire, le secteur privé, les ménages) va pouvoir tirer profit de cette modernisation du SNP et voir leurs activités se développer considérablement. Le diagnostic approfondi effectué auprès du système financier par la BCC, avec l’appui de la Banque Mondiale, a permis d’établir une stratégie qui couvre la période de 2019-2030 pour une optimisation du financement de l’économie en vue de répondre à un impératif d’accélération de la croissance économique. L’impact de cette stratégie incluant l’innovation du SNP, devrait permettre au pays de passer d’un taux de financement bancaire de 28 % à 100 % et d’un taux de croissance économique de 3,8 % à 8 % à l’horizon 2030. A l’instar des pays émergents, le système financier du pays va générer plus de revenus, diminuer le taux de chômage et assurer le bien-être de la population.
BANQUE CENTRALE des COMORES Place de France - BP 405 - Moroni, Grande Comore - Tél. : (269) 773 18 14 / 773 10 02 – Fax : (269) 773 03 49 E-mail : secretariat@banque-comores.km - www.banque-comores.km
DIFCOM/DF - PHOTO : DR.
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réée le 1 er juillet 1981, la Banque Centrale des C omores (B CC) est la seule autorité monétaire de l’Union des Comores. Parmi ses missions régaliennes, elle définit et met en œuvre la politique monétaire, elle est garante de la stabilité monétaire, apporte son soutien et ses conseils au gouvernement dans la conduite de la politique économique du pays. La BCC, qui a l’exclusivité d’émettre les signes monétaires (billets et monnaies métalliques) veille au bon fonctionnement du système national de paiement et de son règlement.
108 ENJEUX
L’émergence, coûte que coûte
110 En débat
Marwane Ben Yahmed
Mayotte vaut bien un chèque
marwaneBY
112 Entretien avec
Azali Assoumani Président des Comores
Demain, les Comores uand j’ai quitté le pouvoir, je pensais que ma mission était terminée. Nous avions organisé les élections, mis en place les structures nationales, avec une assemblée, un gouvernement comptant des représentants de chaque île, et je pensais pouvoir me retirer. Je me sens garant du système d’élections tournantes [un mandat de quatre ans pour chacune des trois îles, à tour de rôle] que nous avons mis en place en 2001. J’ai pensé qu’il était de mon devoir de le perfectionner pour pérenniser la stabilité politique du pays. » Quand il est revenu à la tête des Comores, en 2016, dix ans après sa première expérience, Azali Assoumani avait une priorité : revoir de fond en comble un système de gouvernance qu’il n’estimait plus guère adapté aux besoins du pays. La stabilité politique étant quasiment acquise, dans un pays à l’histoire mouvementée, marquée par près d’une vingtaine de tentatives de coups d’État entre 1975 et 2009, date de la dernière crise séparatiste d’Anjouan, le principal défi réside dans le développement des trois îles. Objectif fixé par le chef de l’État: l’émergence en 2030. Avec la révision constitutionnelle de 2018, qui maintient le principe de rotation mais introduit un mandat de cinq ans renouvelable une fois, il s’est donné les moyens de ses ambitions, notamment pour mettre en place une stratégie qui peut désormais s’inscrire dans la durée. Malgré un taux de croissance de 3 % en moyenne depuis 2011, l’économie comorienne peine à décoller. Les infrastructures restent, en général, en mauvais état, et la crise énergétique que connaît le pays depuis près d’une décennie est à peine résorbée. Qu’il s’agisse de restructurer l’État et son administration pléthorique
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pour assainir les dépenses publiques ou de lancer la nécessaire diversification créatrice de richesse et d’emplois dans un pays où un habitant sur deux est au chômage, les chantiers sont légion. Sans oublier la lutte contre la corruption, qui a longtemps été endémique sur l’archipel.
Test crucial
Dans ce contexte socialement délicat, l’apport de la diaspora comorienne est loin d’être anodin. Estimée à près de 300000 personnes rien qu’en France, celle-ci contribue chaque année à plus de 20 % du PIB. Mais cet apport sans organisation ni planification ne participe que très marginalement à l’économie et au développement de l’île, permettant essentiellement aux familles des expatriés de vivre plus confortablement et alimentant une économie rentière sans réelle création d’activité. Si demain cette manne pouvait se transformer en investissements, ce serait un catalyseur inestimable de la relance économique espérée. À l’État de jouer sa partition afin d’inciter les Comoriens de l’étranger à rentrer au pays pour y créer leurs entreprises. Notamment dans les secteurs qu’il a luimême érigés au rang de priorités, comme l’agriculture, la pêche et le tourisme. Vanille, ylang-ylang, girofle, cacao, ressources halieutiques immenses, potentiel touristique rare… Les atouts dont dispose l’archipel sont réels. Reste le nerf de la guerre : les financements. La Conférence des partenaires au développement des Comores, les 2 et 3 décembre à Paris, représente un test crucial. Moroni espère lever plus de 4 milliards d’euros pour financer ses projets. Espérons que les bailleurs de fonds et les investisseurs privés sauront répondre à cet appel.
118 ÉCONOMIE Objectif 2030
125 Banques
Manque de crédits
128 Questions à
Imani Younoussa Gouverneur de la Banque centrale des Comores
130 Transports
Comment reconnecter l’archipel
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ENJEUX
L’émergence,
coûte que coûte
Désormais seul maître à bord politiquement, le chef de l’État entend profiter de sa marge de manœuvre pour remplir la mission qu’il s’est assignée: le développement économique de l’archipel.
Dans le vieux port aux boutres, à Moroni.
OLIVIER CASLIN, envoyé spécial à Moroni
TOMMY TRENCHARD/PANOS-REA
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u’a fait l’Union des Comores de ses 45 ans ? » C’est, à quelques nuances près, la question que posait au début de 2018 le président Azali Assoumani, alors fraîchement réélu, lors des assises nationales lancées par son prédécesseur. Certainement pas assez, lui ont répondu ses compatriotes, comme le montrent les conclusions de ces consultations citoyennes. Depuis son retour aux affaires, en 2016, le colonel, putschiste en 1999 puis président élu entre 2002 et 2006, tente de redresser le destin de son pays. Et le sien par la même occasion. En la matière, l’ancien chef d’état-major de l’armée a su faire preuve d’un sens tactique certain ces trois dernières années. Comme s’il avait décidé de mettre en pratique, sur la scène politique, les stratégies apprises à l’Académie royale du Maroc ou pendant sa formation militaire en France. Il frappe là où personne ne l’attend et sait tirer avantage des événements pour trouver des alliés et se débarrasser de ses principaux opposants: lors de la campagne de 2016, il a noué un pacte improbable avec son rival Ahmed Abdallah Sambi. Puis, en mai 2018, cet ex-président a été placé en résidence surveillée dans le cadre de l’enquête sur la citoyenneté économique. Idem pour l’ancien vice-président Mohamed Ali Soilihi, cantonné chez lui dans le cadre d’une enquête liée à une entreprise détenue par son épouse. Azali Assoumani manœuvre à merveille lorsqu’il s’agit de concentrer les pouvoirs entre ses mains et d’éviter les foudres de la communauté internationale. Enfin, en bon officier, il fixe des objectifs. Et après celui, aujourd’hui atteint, de renforcer sa présidence dans le fond, dans la forme et sur la durée, il veut profiter du boulevard qu’il a désormais devant lui pour développer son pays. « Il souhaite partir en laissant l’impression que les Comores iront mieux que quand il est arrivé », résume le représentant de l’un des principaux bailleurs de fonds internationaux. Pour remplir sa mission, le président comorien semble s’inspirer de l’un de ses homologues africains les plus observés, lui aussi ancien militaire et seul maître à bord dans son
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pays : le Rwandais Paul Kagame. « Comme lui, Assoumani semble avoir fait du développement économique un préalable à la démocratie du pays », confirme un diplomate local. Quitte à parfois utiliser la manière forte, comme lorsqu’il a fait passer par décrets les lois de finances ou a préféré ignorer les remontrances – bien timides – des observateurs internationaux au lendemain de sa réélection, dès le premier tour et avec 60 % des suffrages, en mars. Pour lui, l’essentiel est ailleurs. S’il refuse le dialogue demandé par l’opposition pour préparer les législatives de janvier, il sollicitera toute l’attention de la communauté d’affaires internationale, à Paris, les 2 et 3 décembre (lire p. 118120). En s’engageant personnellement dans l’organisation d’une Conférence des partenaires au développement des Comores, le chef de l’État s’est lancé un nouveau défi, qu’il se doit de relever, pour son pays bien sûr, mais également pour lui-même. À lui de redorer l’image de l’archipel, écornée au fil des décennies par les coups d’État à répétition, les exactions des mercenaires de Bob Denard, la crise récurrente avec la France sur la question de Mayotte (lire ci-contre), ou, plus récemment, la vente sous le manteau de passeports retrouvés jusque dans les poches de terroristes islamistes en Afghanistan. « Il doit montrer au monde des affaires qu’il peut venir investir sans crainte », reprend notre diplomate.
Pragmatisme
Le président sait faire preuve de pragmatisme, comme il l’a montré depuis son retour au palais de Beit-Salam. Mais l’archipel des îles de la lune – tel qu’il est nommé dans les Mille et Une Nuits – semble aussi bénéficier d’un alignement des planètes particulièrement favorable. Ses relations avec la France n’ont pas été aussi officiellement apaisées depuis longtemps. Et le retour dans le pays des grandes institutions financières ces dernières années, Banque mondiale en tête, renforce la crédibilité du pays sur la scène internationale. « Le président a appris à travailler avec ses principaux partenaires bilatéraux et multilatéraux. Il doit maintenant apprendre à le faire avec le secteur privé », affirme Rasit Pertev, représentant de la Banque mondiale à Moroni. Alors que commencent à se faire entendre les rumeurs d’un énième soulèvement d’Anjouan en 2021, année durant laquelle l’île frondeuse aurait dû exercer la présidence tournante de l’archipel, Azali Assoumani va devoir démontrer ses capacités de rassembleur s’il veut conduire l’Union des Comores vers l’émergence qu’il lui a promise pour 2030.
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e 26 avril, moins de 24 heures après le passage du cyclone Kenneth, les habitants de Moroni se sont empressés de redresser la pancarte branlante qui domine le vieux port aux boutres pour affirmer, un peu solennellement, que « Mayotte est comorienne et le restera à jamais ». Comme si la priorité était bien de répondre à la pancarte identique installée sur la corniche de Mamoudzou, la préfecture du 101e département français, et qui clame, avec tout autant de solennité, le contraire. Un dialogue de sourds qui n’empêche pourtant pas la France et l’Union des Comores d’avoir ouvert, ces dernières années, la phase de négociations la plus fructueuse sur la question depuis longtemps. Les relations entre les deux présidents sont d’ailleurs, semble-t-il, au beau fixe ces derniers mois. Invité à la fin de juillet à Paris par son homologue français, le président Assoumani Azali est reparti chez lui avec un accordcadre « qui ouvre de nouvelles perspectives », selon la formulation officielle, qui parle aussi un peu plus bas de « changement de paradigme ». En dehors du fait d’avoir associé les Mahorais dans des discussions devenues – enfin – tripartites, le changement annoncé reste bien timide. Le visa Balladur imposé aux Comoriens reste en place, mais doit être assoupli au cas par cas pendant que la France accorde, par l’intermédiaire de l’AFD, une enveloppe de 150 millions d’euros sur trois ans pour développer à travers le territoire les secteurs de la santé et de l’éducation, ainsi que celui de l’agriculture. « L’objectif est de mieux fixer les populations », décrypte un observateur. Et de leur ôter l’envie de sauter dans le OLIVIER CASLIN premier « kwassa kwassa » quittant Anjouan.
EN DÉBAT
Mayotte vaut bien un chèque
Au moment où Azali Assoumani s’apprête à se rendre à Paris pour demander un peu plus de 4 milliards d’euros à ses partenaires internationaux, le geste de la France peut apparaître comme sa contribution directe au développement des Comores. Mais certains détracteurs estiment que, en signant ce chèque, l’Hexagone s’offre surtout un peu de répit à bon compte. « Mayotte n’est pas à vendre », répond Mohamed El-Amine-Souef, le ministre comorien des Affaires étrangères. Mais la paix si, notamment sur le territoire national le plus défavorisé de la République française. D’autant plus que les premières vapeurs d’hydrocarbures qui remontent des grands fonds du canal du Mozambique pourraient bien échauffer davantage les esprits dans les différents camps.
COMMUNIQUÉ
ENTREPRISE GÉNÉRALE DE TERRASSEMENT
Parlons-en !
E G T : trois lettres pour trois réalités Entreprise Générale de Terrassement, doyenne des entreprises de BTP en Union des Comores est spécialisée dans la construction de routes, la rénovation et l’édification de bâtiments, la production d’agrégats pour les entreprises publiques et privées.
L’expertise de EGT dans ce dernier domaine où il est leader lui permet de livrer des agrégats 6 jours sur 7. Situation qui a notamment permis d’abandonner l’extraction du sable des plages naturelles à Ngazidja. EGT est aujourd’hui une société familiale d’environ 150 salariés. Codirigée, par Mohamed Soidiki et Faharate Mahamoud, cette structure a vu le jour grâce à l’initiative privée de Mahamoud Mradabi, un visionnaire ayant eu le réflexe d’associer la famille dans une aventure entrepreneuriale respectant des valeurs essentielles : créer de l’emploi - exploiter et/ou valoriser les produits locaux - s’ouvrir aux autres entreprises et s’enrichir mutuellement dans la technicité et la modernité. Au cours des années 80, des politiques publiques ont incité la Banque de Développement
des Comores à venir supporter les initiatives privées. Des projets d’ampleur ont donc pu être financés, un accompagnement relayé et complété par la BIC. Ces ressources ont permis à EGT de mener à bien divers projets comme la construction de VRD (Voiries et Réseaux Divers), de routes rurales et urbaines, de villas ou encore d’hôpitaux… Fort de cette réussite, Mahamoud Mradabi a ensuite développé Compêche, activité dédiée à la pêche semi-industrielle. Toutefois, les débuts prometteurs n’ont pas été concrétisés, malgré l’acquisition d’un navire palangrier de vingt mètres, construit aux normes internationales par Solas Marine, au Sri Lanka. Aujourd’hui cet « arsenal » de chambres froides, ngélation, ng gél ti gélation d machine de hi à glace l de tunnel de con on et le sollicite l’attentio enaire soutien d’un parte n technique et financier e r le er pour concrétise d rêve de fournir du poisson frais, loccalet ment et à l’exportt.
E G T SARL
BP 576 - Moroni, Petite Coulée Grande Comore, Union des Comores Tél. : + 269 773.23.39 - Fax : + 269 773.24.99 E-mail : contact@egt-comores.com
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L’
Grand format COMORES ENJEUX
INTERVIEW
Azali Assoumani
Président de l’Union des Comores
« J’ai une grande ambition pour mon pays »
Réformes économiques, révision de la Constitution, production d’énergie, promesses pétrolières, relations avec la France, critiques de l’opposition… Le chef de l’État s’explique et expose son projet pour l’archipel. approuvée par référendum en juillet 2018 à plus de 92 %, lui offrant la possibilité de conserver son fauteuil jusqu’en 2029 et non plus jusqu’en 2021. Pendant probablement dix années désormais, au lieu de cinq, le président sera ainsi issu de la même île. Les trois postes de vice-président (un par île) sont supprimés, comme les gouvernements insulaires et la Cour constitutionnelle. Le président devient en outre également le chef de gouvernement. Il concentre donc désormais une grande partie du pouvoir entre ses mains. Revers de la médaille, il affronte seul l’impatience des Comoriens, dont les attentes sont légion. Dans l’entretien qui suit, il répond à toutes nos questions. Sur l’organisation de la Conférence des partenaires pour le développement des Comores (à Paris, les 2 et 3 décembre), ses objectifs en matière de réformes économiques, ses relations avec Emmanuel Macron, les critiques formulées à son endroit par l’opposition, la nouvelle Constitution, sa gouvernance, les promesses pétrolières, le rôle de la diaspora ou encore son évolution personnelle. À sa manière, sans ambages…
Propos recueillis par MARWANE BEN YAHMED
trange destin que celui d’Azali Assoumani, qui, dix ans après avoir cédé démocratiquement le pouvoir à Ahmed Abdallah Sambi, a retrouvé le palais de Beit-Salam, siège de la présidence comorienne. Ce colonel de 60 ans, formé à l’Académie royale militaire de Meknès, au Maroc, et passé par l’École de guerre, en France, reprend les rênes du pays avec de nouvelles ambitions. Et un mode de gouvernance qui n’a plus rien à voir avec ce qu’il a pu être lors de sa précédente expérience. La première fois, en avril 1999, il était arrivé aux commandes après un putsch, présenté a posteriori comme une intervention de l’armée destinée à prévenir une guerre civile, alors que le pays traversait une crise sécessionniste (1997-2001). La deuxième, en 2016, représente une alternance, Azali faisant alors partie de l’opposition. Après des assises nationales, dont le principe avait été acté sous son prédécesseur, Ikililou Dhoinine, et dont il a confirmé la tenue quelques mois seulement après son retour, le nouveau chef de l’État s’appuie sur les conclusions de ces consultations, rendues publiques en février 2018, pour annoncer la nécessité de réformer la Constitution héritée des accords de Fomboni (2001). La règle d’une présidence tournante entre les trois îles de l’archipel, Grande Comore, Anjouan et Mohéli, est maintenue, mais pour une période de cinq ans renouvelable une fois, contre un seul mandat autorisé auparavant. Azali Assoumani prend « le risque », comme il l’affirme luimême, de remettre en jeu son mandat plus tôt que prévu, la nouvelle Constitution,
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LE PRÉSIDENT MACRON COMME MOI-MÊME SAVONS QUE CE QUI NOUS LIE EST PLUS IMPORTANT QUE CE QUI NOUS SÉPARE.
Jeune Afrique : Vous organisez les 2 et 3 décembre à Paris la Conférence des partenaires pour le développement des Comores. Qu’en attendez-vous concrètement ?
Azali Assoumani : Depuis vingt ans, les Comores jouissent d’une certaine stabilité politique. Cette stabilité doit être renforcée et, pour y parvenir, nous devons développer notre pays de manière durable et moderne, améliorer significativement la qualité de vie de la population, donner envie aux jeunes de s’inscrire dans un véritable projet national où ils puissent
VINCENT FOURNIER/JA
trouver des perspectives d’avenir. Après mon élection, j’ai clairement fixé le cap : l’émergence des Comores en 2030. Et lorsque j’ai rencontré le président Macron, en juillet, je lui ai demandé si nous pouvions organiser cette conférence à Paris pour réunir les bailleurs de fonds – la Banque mondiale, la BAD, l’AFD, le Pnud notamment – et les opérateurs du secteur privé susceptibles de nous accompagner dans cette démarche. Il a tout de suite accepté, et je l’en remercie. Nous sommes désormais très optimistes, car nous connaissons notre potentiel. Tablez-vous sur un montant précis à réunir ?
Oui, nous espérons réunir 4,2 milliards de dollars.
Pour développer quels secteurs en particulier ?
Nous avons identifié trois secteurs prioritaires. Le tourisme, dont le potentiel est
À Paris, en novembre 2018.
immense, en veillant au respect de l’environnement et en proposant une offre différente de ce que l’on peut trouver chez nos voisins immédiats que sont Maurice ou les Seychelles. L’agriculture, ensuite. En visant l’autosuffisance alimentaire mais aussi en développant la culture de nos produits phares – l’ylang-ylang, la vanille, le cacao et le girofle –, qui devront toutefois être transformés sur place et non plus exportés directement, afin de créer de la valeur ajoutée et évidemment des emplois locaux. Enfin, la pêche, un secteur peu exploité jusqu’ici, alors que nous disposons de ressources très importantes et demandées un peu partout dans le monde. Tout cela suppose l’amélioration de la production d’électricité. Sans énergie, difficile d’imaginer développer l’économie du pays rapidement…
Nous en sommes conscients. Depuis dix ans, c’est un problème majeur. Que nous avons réglé dans l’immédiat en misant
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sur le thermique. Nous avons acheté des groupes électrogènes pour faire face à l’urgence. Mais l’avenir, ce sont les énergies renouvelables, et nos atouts en la matière sont considérables. Notamment dans le solaire, l’éolien et la géothermie. Nous y travaillons déjà.
considérablement évolué. Vous pourriez rester à la présidence jusqu’en 2029 désormais, et non plus jusqu’en 2021, comme cela était prévu à l’origine. Qu’est-ce qui a motivé un tel bouleversement et que cela change-t-il en matière de gouvernance ?
Comment évoluent vos relations avec la France depuis la crise d’octobre 2018, liée, encore une fois, à l’éternelle pomme de discorde que constitue Mayotte ?
Elles vont dans le bon sens car tout le monde y met du sien, fait preuve d’esprit d’ouverture mais aussi de bonne volonté. Cela ne signifie pas que le dossier soit réglé, évidemment, mais les tensions sont derrière nous. Le président Macron comme moi-même savons que ce qui nous lie est plus important que ce qui nous sépare. Et nos ministres des Affaires étrangères respectifs travaillent très bien ensemble. Si Paris demeure votre premier partenaire commercial, les Comores entendent s’ouvrir à d’autres partenaires, au premier rang desquels figurent désormais la Chine et, plus récemment, l’Arabie saoudite. Que vous apporte cette nouvelle concurrence ?
Pour parvenir à notre objectif d’émergence, nous avons besoin de tout le monde et de toutes les compétences. J’ajouterai aux pays que vous avez évoqués le Japon, l’Inde, mais aussi la Russie, par exemple. La Chine est effectivement devenue notre deuxième partenaire, mais cela reste encore du bilatéral. Le secteur privé est peu présent mais commence à nous faire part de son intérêt, notamment dans le domaine des infrastructures. À nous de faciliter les conditions d’investissement pour tous ceux qui le souhaitent. Nous savons que nous sommes un marché restreint, mais nous sommes aussi une porte d’entrée stratégique sur ceux, plus larges, qui appartiennent comme nous à la SADC [Communauté de développement d’Afrique australe] ou au Comesa [Marché commun pour l’Afrique orientale et australe]. Et, plus largement, sur le reste de l’Afrique, puisque nous avons ratifié l’accord portant création de la Zone de libreéchange continentale (Zlec). Avec la réforme constitutionnelle de 2018, le cycle du pouvoir aux Comores a
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JE RESPECTE LA CONSTITUTION À LA LETTRE. PERSONNE N’A ÉTÉ PRIS PAR SURPRISE: J’AVAIS ANNONCÉ MES INTENTIONS DÈS 2016, AVANT MON ÉLECTION.
C’est un changement extraordinaire. Le hasard a voulu que je sois chef de l’État en 2001, quand nous avons adopté le principe de rotation entre les trois îles qui composent les Comores, avec un mandat unique. À l’époque, c’était la bonne solution pour obtenir la paix et la sécurité. Je suis à nouveau à la tête du pays alors qu’il a fallu revoir ce système, qui, désormais, a plus d’inconvénients que d’avantages. Avant, chaque île présentait ses candidats après une sorte de primaire, les autres n’étaient pas concernées. Celui qui occupait la présidence considérait que seule la période de son mandat importait, l’avenir du pays se limitant à cela. Tout était par ailleurs mis en œuvre pour préserver les intérêts d’une île en particulier, au détriment des autres. Le communautarisme s’est enkysté. Et aucune continuité de l’État n’a jamais été mise en place. La modification actuelle conserve le principe de rotation, mais c’est désormais l’ensemble des Comores qui choisit l’heureux élu. Et le mandat renouvelable une fois impose un devoir de résultats à celui qui entend poursuivre sa mission. Lequel peut enfin travailler sur le long terme, avec une véritable stratégie de développement pérenne. L’opposition vous reproche ce changement des règles du jeu, mais aussi de concentrer tous les pouvoirs entre vos mains, de manière dictatoriale…
Demain, ils peuvent prendre ma place. Ils n’ont qu’à travailler pour parvenir à leurs fins. En 2006, j’étais au pouvoir et j’avais un candidat pour me succéder. Il a été battu. Je l’ai accepté, car nous sommes en démocratie, c’est la règle. En 2016, j’étais dans l’opposition, et j’ai gagné. Je ne pensais pas revenir en politique, sincèrement. C’est la gabegie et l’irresponsabilité de certains de mes prédécesseurs qui m’y ont contraint. Je respecte la Constitution à la lettre et travaille à l’avenir de notre nation. Personne n’a été pris par surprise: j’ai annoncé mes intentions en 2016 lors de mon élection, la Constitution a été
Évidemment. La diaspora comorienne représente près de la moitié de notre population, et son rôle économique est indéniable. Nous avons tous un ou plusieurs parents à l’étranger, en particulier en France. Maintenant, nous ne sommes pas là pour improviser et faire n’importe quoi. Il y a notamment des écueils logistiques majeurs.
LOUIS WITTER/LE PICTORIUM
Depuis des lustres, on évoque les promesses de gaz ou de pétrole aux Comores. Est-ce un mythe ou une réalité ?
adoptée par référendum, et non en catimini, en 2018, et j’ai remis mon mandat en jeu en 2019. Pour le reste, l’opposition sait ce qu’elle a à faire : convaincre les Comoriens du bien-fondé de ses propositions ou de ses critiques. À l’occasion des prochaines législatives, par exemple. Et non en s’époumonant à raconter n’importe quoi sur les réseaux sociaux. C’est quand même le monde à l’envers ! Certains au sein de cette opposition ont attenté à ma vie, à Mohéli, en tentant de crever les roues du train d’atterrissage de mon avion, ou à celle de mon vice-président, qui a essuyé dix-sept tirs de kalachnikov. Sans parler d’autres tentatives de déstabilisation. Et ils ont le culot de vouloir me faire passer pour un dictateur ? Les seules personnes qui ont été emprisonnées sont les responsables ou les commanditaires présumés de ces actes odieux. La justice décidera. Pour le reste, personne ici n’est incarcéré pour délit d’opinion, aucune manifestation n’est empêchée, le journal qui appartient à l’État ouvre ses colonnes aux membres de l’opposition… De quel type de dictature parlent-ils ? Soyons sérieux. La diaspora comorienne est très importante et contribue de manière décisive à l’économie nationale. Se pose aujourd’hui, comme ailleurs sur le continent, la question de sa participation aux différents scrutins nationaux. Y êtes-vous favorable ?
Moroni, avril 2019.
C’est une réalité. Il y a des perspectives dans toute la région, même le Mozambique a fait de récentes découvertes. Nous serions vraiment maudits si nous étions les seuls à ne pas en avoir. Maintenant, soyons prudents et patients. C’est un sujet sensible, qui ne supporte pas l’approximation. Nous devons maîtriser tous les paramètres, disposer des ressources humaines capables de gérer cela, tirer les leçons de ce qui a pu se passer ailleurs. Nous nous querellons déjà pour rien, alors imaginez si une île plutôt qu’une autre se retrouve avec du pétrole… Notre priorité aujourd’hui concerne les secteurs que nous avons évoqués précédemment, ce que nous pouvons faire avec les ressources qui existent déjà. Vous avez quitté le pouvoir en 2006 puis êtes revenus aux affaires en 2016. Êtes-vous un président différent ?
CERTAINS OPPOSANTS ONT ATTENTÉ À MA VIE. ET ILS ONT LE CULOT DE VOULOIR ME FAIRE PASSER POUR UN DICTATEUR?
Je suis certainement moins fougueux, plus patient. Ceux qui travaillent à mes côtés depuis longtemps vous diront : « Ce n’est plus l’Azali que nous avons connu. » Sous-entendu, le militaire… On a beau dire, personne ne peut vraiment comprendre de l’extérieur ce que cela signifie et ce que cela implique d’être président. A fortiori dans les pays comme les nôtres, où la continuité de l’État n’existe pas, où tout prend un temps infini, où il faut se battre comme un forcené pour trouver des financements. J’ai une grande ambition pour mon pays et je ne supporte guère la médiocrité, mais j’ai dû apprendre à composer. À supporter, par exemple, que des projets que j’avais lancés avant mon départ, en 2006, comme l’université ou l’hôpital public, aient été zappés par mes successeurs et qu’il faille aujourd’hui quasiment tout recommencer. Que de temps perdu pour les Comoriens…
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BUREAU GÉOLOGIQUE Q DES COMORES
LE DÉVELOPPEMENT INDUSTRIEL EST EN MARCHE Conscient de leur importance dans l’avenir, l’Union des Comores s’est investi dans les géosciences pour capitaliser le développement de diverses filières géologiques nationales. Cet intérêt de l’État comorien à l’égard de la géoscience a été institutionnalisé avec la création en 2010 du Bureau Géologique des Comores, afin de renforcer les capacités nationales et assurer une gestion rationnelle des ressources géologiques. En effet, le sol et le sous-sol peuvent jouer un rôle primordial dans le développement, alors que les sciences de la terre contribuent également à répondre à ces enjeux et à améliorer la qualité de vie de la population avec la gestion écologique et durable des ressources. En tant que service géologique national, le BGC est en charge de la mise en œuvre de la politique minière définie par l’État comorien, mais également de la recherche en matière de géosciences et de l’exploitation raisonnée et durable des ressources. Face aux défis climatiques et la diminution des sources d’énergies primaires, l’électricité demeure un défi indéniable pour les autorités comoriennes. Le BGC s'emploie à en faire un atout pour impulser la croissance économique, en concentrant ses efforts sur le développement de la géothermie.
ÉNERGIES RENOUVELABLES GÉOTHERMIE - Programme de Développement de la géothermie (PDG) Le PDG s’inscrit dans les objectifs globaux de l’émergence énergétique et socio-économiques à échéance 2030. Un programme ambitieux qui vise à promouvoir l’énergie géothermique et à développer des conditions locales favorables pour la production d’électricité et de chaleur, nécessaire pour soutenir les secteurs clés de l’économie et assurer une croissance accélérée en vue de l’émergence économique.
Selon le plan établi, le PDG (avec un potentiel géothermique estimé à plus de 40 MW) devrait représenter 50 % des approvisionnements en électricité. Il présente cinq avantages majeurs : • Peu d’émissions de gaz à effet de serre ; • Sources de production électrique de base à faibles coûts d’exploitation ; • Développement d’une industrie de transformation, via les applications indirectes de la géothermie (agriculture, tourisme...) ;
COMMUNIQUÉ • Énergie stable, endogène avec un potentiel suffisant (en substitution des énergies fossiles) ;
Contrat de prospection géologique (Deux contrats - Ion/Gxt & CGG)
• Acquisition d’un gain économique estimé à hauteur de 9 778 576 280 KMF par an.
Les actions de promotion et de valorisation du secteur pétrolier national, menées par le BGC, ont conduit à la signature d’un nouveau contrat de reconnaissance, conclu par CGG avec gouvernement portant sur 2 643 KM de données sismiques.
Grâce au soutien renouvelé de l’Union Africaine (GRMF), de la Nouvelle-Zélande, du Fonds pour l’Environnement Mondial (GEF) et du PNUD, les études initiales d’explorations de surface ont été achevées en 2015. La prochaine phase du projet est le forage d’exploration de trois puits évalué à 53 millions de dollars dont 17 millions de dollars mobilisés.
RESSOURCES MINÉRALES Projet de cartographie géologique Pour promouvoir le secteur et attirer plus d’investisseurs, un projet de cartographie géologique, topographique et d’indices miniers est élaboré. Une feuille de route est déjà mise en place pour améliorer la couverture territoriale en cartes géologiques. Les Schémas des Carrières vise également à promouvoir la mise en œuvre d’une stratégie nationale de gestion durable des granulats terrestres substances de carrières.
Les blocs pétroliers et lignes sismiques 2D de l'Union des Comores BIOGAZ - Projet pilote biogaz Le Bureau Géologique des Comores, avec son projet pilote en biogaz, œuvre à la promotion de cette filière indispensable pour une transition énergétique. L’objectif de ce projet est de mettre en place un prototype industriel aux Comores offrant la possibilité de produire du biogaz à partir de déchets organiques pour réduire les dépenses énergétiques et participer positivement à la protection de l’environnement en apportant une réponse à plusieurs problématiques : • Traitement local des déchets fermentescibles ; • Énergie alternative à l’utilisation de charbon et de bois de chauffe comme combustible ; • Création emploi, maintien de l’agriculture et développement économique ; • Indépendance énergétique ; • Réduction des émissions de CO2.
HYDROCARBURES Campagne de prospection des hydrocarbures Le secteur pétrolier national connait des avancées considérables dans la prospection des hydrocarbures offshore. Il enregistre l’arrivée des nouveaux opérateurs depuis 2018. Deux contractants Partage de Production sont en vigueur, d’abord avec de La firme Tullow Oil, associée à la société Discover Exploration sur les blocs 35, 36 et 37 qui a lancé un sondage sismique 3D, pour confirmer le potentiel du pays en hydrocarbures. Puis avec Safari Petroleum/Western Energy, qui poursuit les études sismiques 2D. Un troisième contrat CPP entre l’État comorien et Rhino Ressources est en attente d’approbation par l’Assemblée nationale.
STATUTS DES BLOCS CPP Tullow Oil plc CPP Safari Petrolium Indian Ocean Ltd CPP Rhino Resources Ltd non encore validé Bloc non occupé Zones restituées par Tullow Oil plc Surface émergée
LIGNES SISMIQUES 2D_COMORES-GXT ION Réalisées en 2007 : 1 463 Km Réalisées en 2014 : 8 523 Km
BUREAU GÉOLOGIQUE DES COMORES - BP 8083 Moroni - Union des Comores - Tél. : (+269) 773 91 36 - E: @BGComores
JAMG - PHOTOS : D.R.
Contrat de partage de production (CPP)
Grand format COMORES
ÉCONOMIE
Objectif 2030
Le président se rendra à la Conférence de Paris avec un vrai programme : le Plan Comores émergent. Et la ferme intention d’attirer les investisseurs pour financer ses ambitions. OLIVIER CASLIN
L
es 2 et 3 décembre, l’Union des Comores a fixé un rendez-vous à la communauté économique internationale, qu’elle ne peut pas se permettre de manquer. Cet événement, organisé à Paris, se veut plus qu’une simple « conférence des bailleurs », à l’exemple de celles déjà organisées par le passé, à Maurice en 2005 puis à Doha en 2010, dont beaucoup des dons étaient restés à l’état de promesse. Les autorités comoriennes s’adressent cette fois à leurs « partenaires au développement ». Une formule qui permet d’englober le secteur privé et la diaspora avec les bailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux traditionnels. C’est que le pays revient de loin. En 2015, son économie était encore à l’arrêt, avec une croissance qui progressait de moins de 1 %. Il n’a donc pas d’autre choix que d’étendre le spectre de ses donateurs potentiels s’il veut être présent à un autre rendez-vous, fixé cette fois par Azali Assoumani: celui de son émergence économique à l’horizon 2030. D’autant plus que le chef de l’État a annoncé des objectifs précis qui entraînent la remise en cause de certaines pratiques et habitudes qui ont fait que, presque quarante-cinq ans après son accession à l’indépendance, le pays semble presque aussi démuni qu’aux premiers jours.
L’archipel fait cette fois le déplacement avec un vrai programme, le Plan Comores émergent (PCE), défini pendant de long mois avec l’aide des administrations concernées et des experts du Pnud et de la Banque mondiale. Les chantiers ne sont pas difficiles à identifier tant il y a à faire, en matière d’infrastructures et d’environnement des affaires, de formation des ressources humaines ou d’accès aux financements afin de mettre pour de bon le pays sur la voie du développement économique, mais l’ordre des priorités compte.
Fenêtre de tir
Car le pays n’a plus de temps à perdre, tant son économie semble fragile et, en l’état, incapable de pouvoir faire face au moindre choc extérieur, qu’il s’agisse d’une catastrophe naturelle ou de la variation des cours internationaux de ses principaux produits d’exportation. Le passage dévastateur du cyclone Kenneth en avril a suffi pour faire perdre au pays 1 point de croissance et freiner la dynamique enclenchée ces trois dernières années. Après avoir culminé à 3,8 % en 2018, son taux ne dépassera pas les 2,4 % cette année, après la destruction d’une large partie des cultures vivrières du pays. C’e st justement p our renforcer les fondamentaux d’une économie
EN PLUS DES BAILLEURS DE FONDS TRADITIONNELS, LES AUTORITÉS ESPÈRENT CONVAINCRE LE SECTEUR PRIVÉ ET LA DIASPORA.
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LOUIS WITTER / LE PICTORIUM
En avril, le cyclone Kenneth a détruit les cultures (ici, une cueilleuse d’ylang-ylang sur l’île de Grande Comore).
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particulièrement fragile qu’Azali Assoumani vient à Paris chercher « les 4,2 milliards de dollars » (lire pp. 112-115), qui doivent permettre aux Comores de franchir un pas décisif en matière de développement. Il bénéficie pour cela d’une fenêtre de tir qu’il ne faut pas laisser passer, tant les périodes de stabilité politique ont été jusqu’alors rares dans l’histoire du pays. À lui d’en profiter pour venir à la rencontre des investisseurs du monde entier et les convaincre de prendre le relais des institutions financières, dont les dons et les prêts accordés dans le cadre de l’Aide publique au développement (APD) concourent chaque année à hauteur de 80 % aux dépenses d’investissements. Au premier rang de ces contributeurs potentiels figurent les membres de la diaspora. Leurs transferts de fonds soulagent certes le quotidien des familles et participent au rééquilibrage de la balance commerciale du pays, mais ils participent peu à la relance de l’économie (lire p. 126). Loin d’être un catalogue de bonnes intentions, le PCE fixe une feuille de route censée rétablir la confiance des investisseurs pour les voir construire et gérer les ports et les aéroports, les centrales solaires et les unités de transformation agricole, les établissements touristiques ou financiers, qui manquent tant au pays.
Transformation en profondeur
L’Union des Comores n’a pas attendu la réunion de Paris pour commencer sa mue. Ces dernières années, le gouvernement a réussi à redémarrer les centrales thermiques du pays qui ont permis de rebrancher l’économie locale sur le courant continu. Un certain nombre de textes ont été promulgués ou complétés pour améliorer l’environnement réglementaire des affaires et, même si tous ne sont pas encore appliqués, ce toilettage a permis aux Comores de gagner quatre places dans le classement Doing Business, dévoilé en octobre par la Banque mondiale. Pour retrouver un peu de marges budgétaires, et montrer au passage qu’il était lui-même prêt à faire des efforts, l’État comorien cherche surtout à mieux mobiliser ses recettes tout en optimisant ses dépenses. Les douanes ont par exemple subi une transformation en profondeur qui en fait aujourd’hui l’un des services les plus efficaces du continent, alors que le PCE prévoit à moyen terme d’informatiser les principaux services publics afin de réduire les coûts d’une administration pléthorique qui absorbe chaque année près des deux tiers du budget de fonctionnement de l’État, réduisant à la portion congrue ses capacités propres d’investissements. D’où l’importance que l’Union des Comores réussisse son opération séduction de décembre, pour voir ses partenaires lui donner les moyens de ses ambitions.
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Regain d’énergie « Jusqu’en 2017, et pendant dix ans, il n’y avait quasiment pas d’énergie disponible dans le pays. Aucune activité économique n’était donc possible », se souvient Fakridine Abdoulhalik, le secrétaire général de l’Union des chambres de commerce, d’industrie et d’agriculture des Comores (Uccia). Partant d’un tel constat, il n’est pas difficile de comprendre pourquoi, dès son retour au pouvoir, en 2016, le président Azali Assoumani a fait de la question énergétique sa priorité. Avec quelques résultats, illustrés par le redécollage de la croissance économique ces dernières années. La situation est pourtant loin d’être satisfaisante. Si elle peut répondre aux besoins de Mohéli, la production d’électricité nationale est encore loin de satisfaire ceux d’Anjouan ou de la Grande Comore. En cause, le problème d’entretien des installations existantes – l’énergie produite et donc disponible reste bien inférieure aux capacités installées.
Groupes électrogènes
D’origine thermique à 100 %, l’électricité comorienne est produite par des groupes électrogènes alimentés au diesel. Sur la principale île du pays, seul cinq des quinze groupes existants sont actuellement utilisables, d’une capacité totale de production de seulement 7,4 MW sur une puissance installée de 28 MW, alors que la demande identifiée est au minimum de 13 MW. Idem sur Anjouan, dont la capacité de production nécessaire est estimée à 7 MW, mais qui n’en dispose que de 2,6.
Avec l’aidedesfondsd’Abou Dhabi, de nouvelles unités de production doivent être opérationnelles dans les prochaines semaines, pour des capacités supplémentaires de 6,4 MW sur la Grande Comore et de 3,6 MW sur Anjouan. En attendant l’éventuel redémarrage des travaux de la centrale au fuel lourd de 18 MW financés par les Indiens mais au point mort depuis le début de cette année. Le sujet était justement au menu des discussions avec Venkaiah Naidu, le vice-président indien en visite à Moroni en octobre. Mais c’est encore vers les énergies renouvelables que se tournent aujourd’hui les autorités, avec un premier projet significatif en construction, à Foumbouni, au sud de la Grande Comore. L’entreprise française Innovent doit livrer une centrale photovoltaïque de 3 MW d’ici à 2021, alors qu’une autre installation du même ordre doit voir le jour à Anjouan, portée par un consortium composé d’Engie, du tanzanien Vigor et de l’italien EPS. Pour que d’ici à deux ans les Comores puissent disposer d’un mix énergique qui corresponde enfin aux besoins de son économie. O.C.
AVEC L’AIDE D’ABOU DHABI, DE NOUVELLES UNITÉS DE PRODUCTION DOIVENT ÊTRE OPÉRATIONNELLES SOUS PEU.
© TARTIB
L’ARCHIPEL DES COMORES, AU COEUR DE L’OCÉAN INDIEN
© TARTIB
L’archipel des Comores ou les îles de la Lune, ressemble à un paysage sortie des contes des milles et une nuits. Situé à l’entrée nord du Canal de Mozambique, entre l’Afrique orientale et Madagascar, un ensemble de quatre îles d’origine volcanique : Ngazidja, Ndzuani, Mwali et Maoré. La légende fait débuter l’histoire des Comores aux temps des amours du roi Salomon et Balkis, reine de Saba. Sur le pied du Karthala, un volcan encore actif, on raconte que le roi Salomon et Balkis furent volés d’un anneau jeté dans le cratère, les obligeant à une douce promesse, celle de revenir un jour, sur ces lieux magiques au p paysage y g lunaire. Moroni est un appel à l’émerveillement,, un u voyage dans le temps, dans les récits des Sultans venus de Perse et dans l’histoire d’une dynastie e qui ne demande qu’à être découvertte e e.
COMMUNIQUÉ
I
l y en a pour tous les goûts et de toutes les couleurs.Les âmes nomades qui veulent perdre pied partiront à la découverte de ses innombrables plages sauvages et de sa richesse sous-marine. Les aventuriers en soif de découvertes s’enivreront dans ses terres et en découvrir les particularités à travers des randonnées sur les sentiers des rêves et de l’impossible.Les amoureux de l’histoire et de l’architecture se perdront dans ses médinas et ses villes à l’allure de vieux comptoirs portuaires. Et qu’importe l’alternative prise, partir aux Comores, c’est s’émerveiller à l’accueil chaleureux de ses habitants et à la sécurité de ses rues. Un retour vers l’essentiel et la découverte du merveilleusement beau.
C’est une destination à l’écart des grands flux touristiques. La volonté de l’État comorien de faire du tourisme l’un des principaux leviers de développement dans le cadre du plan «Comores Horizon 2030» s’exprime par l’investissement d’un tourisme écoresponsable et respectueux de l’environnement.Un tourisme de proximité, où le visiteur serait proche de l’humain et de la nature,et qui garderait intacts le climat ainsi que les paysages naturels et le patrimoine culturel.
Les Comores disposent d’atouts exceptionnels et d’un patrimoine touristique riche et varié. Il s’exprime notamment dans la culture et la gastronomie. Il constitue également une ressource touristique très importante. L’archipel est un des hauts lieux de la biodiversité mondiale,de par sa nature époustouflante, safaune rare, une flore luxuriante, des fonds marins classés parmi les plus préservés au monde, et la présence d’espèces endémiques dont le plus emblématique est le Coelacanthe, un poison préhistorique existant encore aujourd’hui et n’ayant que très peu évolué, depuis 300 millions d’années.
se prête admirablement à la randonnée, en offrant de nombreux itinéraires de découverte. Les sentiers du littoral permetttant d’admirer toute la côte en coulées de lave, d’interminables grottes basaltiques, de plages et de baies magnifiques. Rendez-vous dans les hauteurs de Boboni, haut-lieu de la société coloniale Humblot, situé entre la côte et le cratère du volcan Karthala, vestiges historiques où subsistent des fourneaux et des pièces rouillées de la scie à vapeur. Ou encore à la Convalescence (1 760 m) sur une des pentes du Karthala, lieu mythique des excursions vers ledit volcan. Le nord de l’île vous orientera vers un tourisme balnéaire avec ses plages de sables fins, très variées, situées dans un environnement tropical particu-
© EXPLORE LE MONDE
COMMUNIQUÉ
Ngazidja, ou Grande Comore
Haut lieu de la biodiversité mondiale, de par sa nature époustouflante, sa faune rare, sa flore luxuriante, des fonds marins classés parmi les plus préservés du globe et la présence d’espèces endémiques
lièrement attractif. Faites un tour à Mitsamiouli, Maloudja, Galawa,Trou du Prophète, Sada, et marquez une pause au mythique Lac-salé et au Dos du Dragon à Ivoini, pour ensuite admirer les plages de Hantsidzi, Ndrudé et son îlot aux tortues, Bouni et Chomoni.
Mwali ou Mohéli, la plus petite
des îles de l’archipel, s’étend sur une longueur de 50 km d’est en ouest, et sur une largeur de 20 km. C’est l’île nature par excellence, sanctuaire de l’écotourisme, avec son paysage naturel encore préservé, la virginité de son territoire, son habitat traditionnel réservé, ainsi que sa vie villageoise et communautaire. Au sud de l’île se trouve un archipel de 9 îlots très escarpés, en face de la localité de Nyoumachoua. Ils s’étendent
sur une surface de 900 ha, entourés chacun d’immenses plages très fréquentées par les tortues marines. Ils forment une zone écologique exceptionnelle, l’un des plus beaux sites sous-marins de l’océan Indien. Des quatre îles de l’archipel, Mwali est la plus renommée en biodiversité terrestre et marine, attirant des scientifiques du monde entier, se matérialisant par le parc marin de Mohéli. Vous aurez peut-être l’occasion de rencontrer des espèces endémiques de l’île, comme la roussette de Livingstone, l’immense chauve-souris (mesurant jusqu’à 1 m 50) dans la forêt de Ouallah 2, les lémuriens (le maquis des Comores), le Dugong, la tortue verte, la tortue imbriquée, les dauphins ou la baleine à bosse.
Moheli est ponctuée d’au moins 45 plages remarquables, telles que Nyoumachoua, Mombassa, Samba, Itsamia ou encore Ouallah. Une visite et une baignade sous la cascade de Lingoni s’imposent. L’archipel a un potentiel en matière de plongée. Et de multiples sites ont été repérés sur chacune des trois îles, surtout au niveau du parc marin de Mohéli. Les experts de Mohéli Laka Lodge Plongée vous accompagnent à la découverte des fonds marins.Vous y croiserez des requins de récif à pointes blanches, des requins gris, des poisons multicolores et des croissances de coraux sur un fond rocheux, ainsi que d’autres merveilles dans l’une des réserves marines les plus importantes au monde.
Anjouan, ou Ndzuani, est la plus montagneuse des quatre îles. Elle est dominée par le lac Dzialandzé qui couronne le mont Ntringui culminant à 1 595 m d’altitude. Les pentes du Ntringui sont couvertes d’une épaisse forêt primitive et parcourues de nombreux torrents et rivières. Elle dispose de magnifiques criques et de belles cuvettes, surtout dans la région de Bambao ou de Patsi. Cette île volcanique, au relief accidenté, offre des panoramas exceptionnels. Son paysage formé de montagnes entrecoupées de valets, abrite une
végétation luxuriante et parfumée d’où l’origine de son surnom, l’ile aux parfums (ylang-ylang, jasmin, basilic, girofle, vanille).
À voir absolument ! Bambao, pour la découverte des plantes et fabrications de parfums. Cette cité abrite les ruines du palais Abdallah III. Domoni, la porte d’entrée de la culture arabe, son mausolée et sa médina vous chuchoteront l’histoire de l’archipel. Il y a aussi la région de Pomoni, avec ses plantes aquatiques et ses forêts de guirlandes, où l’on trouve les roussettes de Livingstone et les makis des Comores. Les vestiges de la première fabrique de sucre et d’autres édifices de l’époque coloniale. Bimbini avec sa plage de sable roux, ses mangroves, son lagon, sans oublier l’île de la Selle. Les sites naturels dans la région de Nioumakélé au sud-ouest : la falaise de Ngomadjou et la plage de Chiroroni.
Ngazidja
(GRANDE COMORE)
Anjouan (NDZUANI)
Mayotte Mwali
(MOHÉLI)
COMMUNIQUÉ
(MAORÉ)
Mayotte ou Maoré vous garantit un dépaysement total dès votre arrivée.Vous apprécierez l’un plus grands lagons fermés au monde,où se nichent plusieurs espèces endémiques. L’île dispose de nombreux spots reconnus pour les plongeurs ,qui peuvent apprécier les fonds sous-marins, une beauté sans pareil. Mayotte est une merveille étendue sur 1100 km2, avec son climat tropical, ses paysages naturels. Sa forêt très riche, vous offre plus d’une centaine de kilomètres de parcours de randonnées balisés permettant de découvrir l’île de l’intérieur.Sa culture riche et diversifiée comme sur les trois îles soeurs, issue du brassage des populations et des influences africaines,orientales,indiennes, européennes et malgaches. Oubliez tous vos repères et laissez-vi-ous porter par les charmes de l’île Hippocampe.
Le tourisme est un secteur à fort potentiel p o u r l a c ro i s s a n c e économique de l’archipel. Une identité culturelle riche, un p a t r i m o i n e n a t u re l exceptionnel, un récif corallien remarquable, une population très accueillante, des plages encore vierges, des espèces endémiques, tout cela fait des Comores l’une des destinations d’écotourisme à découvrir.
Office National du Tourisme des Comores (ONTC) - Bd de Strasbourg - Itsambuni, Moroni - Union des Comores Tél.: + (269) 773 78 16 - E-mail : mohamed.rachidi@ont-comores.com / communication.dept@ont-comores.com
www.comorosdiscover.com
DIFCOM/DF - PHOTOS : © ONTC SAUF MENTION.
Mutsamudu la capitale d’Anjouan, possède la plus belle médina de l’archipel, surplombée d’une citadelle qui offre des vues panoramiques sur la vielle ville.
DR
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Cinq ans après avoir failli disparaître, la Banque de développement des Comores (BDC) a retrouvé une certaine vitalité.
BANQUES
Manque de crédits
Échaudés par leurs difficultés passées, les établissements bancaires se contentent souvent de gérer les dépôts. Pourtant, l’économie, largement sous-financée, a impérativement besoin d’une mobilisation du secteur. OLIVIER CASLIN
es Comores connaissent un véritable paradoxe. Alors que l’économie de l’archipel reste largement sous-financée et manque d’investissements tant publics que privés pour véritablement pouvoir décoller, sa place financière affiche une situation de surliquidité presque incongrue, au regard de la faiblesse chronique des banques et surtout de la taille réelle du marché bancaire. Dans un contexte aussi étriqué, les milliards de francs comoriens injectés chaque année dans le pays par la diaspora provoquent des effets distordants qui ne poussent pas les banques à jouer pleinement leur rôle, malgré la libéralisation du secteur opérée en 2005. « Les enseignes se contentent encore beaucoup de gérer les dépôts et rechignent
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à accorder des crédits », constate Souef Kamalidini, conseiller auprès du ministre des Finances. Et quand elles le font, c’est essentiellement pour accorder des produits à court terme pour soutenir la consommation intérieure, alimentée par les transferts de fonds de la diaspora.
Prêts improductifs
Les difficultés quotidiennes de la plupart des Comoriens ne leur permettent pas d’économiser – l’épargne privée représente moins de 4 % du PIB, contre près de 14 % en moyenne en Afrique subsaharienne – et les quatre banques commerciales présentes sur la place comorienne ne les y poussent pas. « Elles proposent des prêts pour financer les grands mariages ou pour aller faire des achats à Dubaï, qui ne créent
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aucune richesse sur le territoire mais qui leur permettent de limiter leur part de risque », explique l’un des représentants du secteur privé local, qui regrette la frilosité des banques à investir dans l’économie réelle et productive. Mais certaines d’entre elles reviennent de tellement loin. C’est le cas de la Banque de développement des Comores (BDC), qui, après avoir failli disparaître il y a cinq ans, commence tout juste à retrouver une certaine vitalité, ou de la Banque pour l’industrie et le commerce (BIC), dont l’actionnaire principal, BNP Paribas, cherche à se débarrasser depuis plusieurs années. En cause, « la difficulté pour les établissements à gagner de l’argent alors que les prêts improductifs représentent plus de 20 % des crédits accordés, ainsi que le taux de créance élevé auquel ils doivent faire face et qui limitent leurs activités de crédits et donc le financement de l’économie », résume l’un des principaux banquiers de la place. La situation s’est néanmoins bien améliorée au cours de la dernière décennie. Selon la Banque centrale, l’encours des dépôts a été multiplié par trois, pour atteindre 104 milliards de francs comoriens (plus de 210 millions d’euros) en 2018. Et l’encours des crédits – bien que leur attribution reste limitée à ceux qui possèdent des biens immobiliers – a connu une progression du même ordre, pour un total de 80 milliards de francs comoriens.
Plus d’audace
Alors que seulement 9 % de la population dispose d’un compte en banque, la marge de progression est importante pour les banques commerciales, qui vont devoir faire preuve de plus d’audace dans les produits et les services financiers qu’elles proposent pour que l’épargne puisse se développer et que les crédits puissent se généraliser. C’est le cas avec les services de mobile money, qui commencent à voir le jour dans le pays. BDC vient même d’inaugurer en octobre, avec Holo, la première interface de mobile banking, « qui permet de toucher un nouveau segment de clientèle », apprécie Gervais Atta, le patron de cet établissement détenu majoritairement, depuis le début de cette année, par le groupe français Duval.
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LA PROVENCE/MAXPPP
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Manifestation de la communauté comorienne, à Marseille, en août 2019.
Le vivier de la diaspora Si les chiffres officiels font état de 200000 à 300000 personnes, les Comoriens de l’étranger seraient en réalité près de 400 000 à travers le monde, dont plus de 80 % établis en France. Sachant que l’archipel lui-même compte un peu moins de 800 000 ressortissants, la diaspora est surnommée « la cinquième île » – Mayotte est considérée comme la quatrième. Aux marins qui constituaient les équipages de la marine marchande française au lendemain de la Seconde Guerre mondiale – ce qui explique que hors de l’Île-deFrance les principales communautés au sein de l’Hexagone se trouvent toujours à Marseille et à Dunkerque – s’est ajouté au fil des décennies le flot des étudiants. Loin d’être négligeable, la contribution de cette diaspora représente chaque année 20 % à 25 % du PIB national. Si elle apporte une bouffée d’oxygène financière aux familles, avec lesquelles la relation reste par tradition très forte, son apport au développement du pays reste des plus marginaux. « Elle soutient essentiellement la consommation intérieure, notamment lors des grands mariages, mais ne crée pas de richesses directes dans le pays. Et elle ne contribue pas non plus à développer l’esprit d’entreprise sur les îles », constate Abdoussalami
Abdou, à la tête du commissariat chargé des Comoriens de l’étranger, créé en 2011 pour mieux « mobiliser leurs capacités financières ». « La diaspora est à l’origine de moins de 6 % des entreprises créées chaque année dans l’archipel », confirme Abdou Katibou. Le directeur général de l’Agence nationale pour la promotion des investissements regrette de voir ces investissements partir en priorité « dans les équipements sociaux de proximité plutôt que dans l’appareil de production national ». « Il y a urgence à réorienter ces transferts de fonds », reprend Abdoussalami Abdou.
Droit de vote
Vaste programme, tant les Comoriens de l’étranger restent mal connus dans leur pays d’origine. « Pour mettre en place les mesures d’incitation nécessaires, nous devons mieux les identifier », estime le commissaire, qui déplore qu’aucun « recensement fiable n’ait jamais été organisé ». Il permettrait pourtant également d’honorer un des droits accordés aux Comoriens de l’extérieur par la Constitution de 2018, mais aujourd’hui encore irréalisable, tant pour des raisons techniques que financières: le vote aux élections nationales. O.C.
SOCIÉTÉ COMORIENNE DES HYDROCARBURES UN ACTEUR ET UN PARTENAIRE INCONTOURNABLE DANS LE DÉVELOPPEMENT DE L’UNION DES COMORES
Créée il y a presque quarante ans pour répondre aux besoins du pays en matière de produits pétroliers, la SCH remplit bien sa mission de prestataire de service publique. Elle est bien implantée sur tout le pays avec trois dépôts à Mohéli, Anjouan et en Grande-Comore où elle approvisionne aussi les aéronefs en Jet A1. Avec plus de 400 employés, la SCH est l’une des entreprises publiques comoriennes offrant beaucoup d’emplois et contribuant grandement au budget de l’État.
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Suite aux efforts déployés, la capacité de stockage des produits s’est beaucoup améliorée avec la construction de nouveaux bacs notamment à Mohéli et en Grande-Comore , ramenant la capacité de stockage à plus de 13 500 tonnes métriques et bientôt à 14 000, avec la mise en service prochaine du nouveau dépôt de Mohéli ; Aux trois produits de base (essence, gasoil et kérosène), la SCH a décidé de mettre en place une unité d’exploitation de gaz domestique. D’ici peu, ce centre sera opérationnel pour importer, mettre en bouteille et distribuer du gaz à usage domestique. Ce sera, dit-on au sein de la société, une grande contribution à la préservation de l’environnement.
que financières. Il fera compresser certaines dépenses et procédera au redéploiement des effectifs. Résultats : le chiffre d’affaire a connu une croissance de plus de 7 %, passant d’un peu plus de 35,3 milliards à près de 38 milliards de francs comoriens. Consciente des enjeux de développement économique des Comores pour atteindre le statut de pays émergeant à l’horizon 2030, la SCH se donne entre autre priorités l’extension de la capacité des dépôts de Moroni en Grande Comore et de Mutsamudu à Anjouan, afin de porter l’autonomie de consommation à plus de trois mois au lieu de 45 jours actuellement. JAMG - PHOTOS SCH
La société comorienne des hydrocarbures (SCH) approvisionne, de manière régulière et sans rupture de stock, le pays en produits pétroliers. Cette société publique qui jouit de l’autonomie administrative et financière est présente sur tout le territoire comorien.
Pour réussir ces paris, la nouvelle direction générale a mis l’accent sur la gestion des ressources tant humaines
La SCH est une société à capitaux publics créée par la loi N° 80-27 du mois de janvier 1980. Elle est sous les tutelles, technique du ministère de l’Économie, et financière du ministère des finances et du budget. Elle a pour objet d’importer, de stocker et de distribuer les produits pétroliers aux Comores.
COMMUNIQUÉ
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Société Comorienne des Hydrocarbures Siège social Moroni Union des Comores B.P. 28 Moroni Tél. : +269 773 0971 Fax : +269 773 1883 E-mail : hydrocom@comorestelecom.km
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Mais l’urgence pour les banques consiste à réduire significativement l’encours des créances afin de poursuivre l’assainissement de leurs portefeuilles et de retisser des liens de confiance entre elles et avec leur clientèle. « Le potentiel est énorme, mais tout reste à organiser », insiste Gervais Atta, qui se rendra à la Conférence des partenaires pour le développement des Comores les 2 et 3 décembre à Paris pour rassurer les investisseurs étrangers sur le sérieux de la place bancaire locale. D’autant
que les quatre acteurs du secteur semblent prêts à travailler ensemble. Depuis un an, ils partagent certaines informations au sein d’une centrale des risques. Avant qu’une syndication des financements, voire la constitution d’un marché interbancaire ne voient le jour, autour d’une Banque centrale qui disposerait des outils nécessaires pour réorienter les flux de liquidités selon les besoins. Et donner ainsi les moyens à l’archipel et à ses habitants de financer leurs ambitions.
Imani Younoussa
SOEF ALI
Gouverneur de la Banque centrale des Comores
« Pas d’autre choix que la diversification » Comment qualifiez-vous l’état actuel de l’économie comorienne ? Elle connaît une grande période de stabilité, avec une croissance supérieure à 3,5 % ces dernières années. Elle ne dépassera pas les 2,4 % en 2019, puisque le passage du cyclone Kenneth en avril a eu un effet dévastateur sur nos cultures de rente, mais elle devrait repartir à la hausse dans les prochains mois, tirée par la consommation intérieure ainsi que par l’investissement public, très dynamique ces trois dernières années. Mais pour atteindre l’émergence économique promise pour 2030, le pays doit aligner des taux compris chaque année entre 6 % et 8 %. Comment faire pour enregistrer une telle accélération ? Il faut, au minimum, que nous puissions 128
avancer deux fois plus vite si nous voulons être au rendez-vous fixé par le Plan Comores émergent (PCE). Pour doper notre croissance, nous n’avons pas d’autre choix que de diversifier notre économie, en développant notamment le secteur du tourisme et en professionnalisant celui de la pêche, comme ont su le faire les Seychelles, par exemple. Ces deux activités ne nécessitent pas forcément beaucoup d’investissements ou de technologies et peuvent avoir rapidement un effet sur notre économie. Il nous faut également développer la transformation de nos produits agricoles de rente et arrêter d’exporter notre girofle et notre vanille à l’état brut. En plus de créer de la valeur ajoutée localement, cela nous permettra de rééquilibrer
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notre balance commerciale structurellement déficitaire. Dans le même ordre d’idée, nous devons également réfléchir à la manière de produire localement certains biens que nous importons. C’est particulièrement vrai dans l’ameublement ou dans la filière avicole, cela permettrait de lutter efficacement contre un chômage qui concerne actuellement 22,5 % de notre jeunesse. Est-ce que la solution ne serait pas également de pousser les jeunes à créer leurs propres entreprises plutôt qu’à rejoindre une fonction publique déjà pléthorique ? Oui, mais il faut pour cela qu’ils puissent avoir accès à des crédits à moyen ou à long terme, ce que notre place financière, malgré sa libéralisation en 2005, ne leur apporte
pas aujourd’hui. Pour aider les banques à proposer de tels produits financiers, il faut réduire les risques de défaut de paiement en créant par exemple des fonds de garantie, qui n’existent pas aujourd’hui dans le pays. Il faut rassurer nos établissements bancaires si nous voulons les voir jouer leur rôle auprès du secteur privé. Actuellement, le risque élevé de nonremboursement des crédits fait que ceux-ci préfèrent garder leur liquidité plutôt que de prêter, même à 14 % d’intérêt, comme c’est actuellement le cas. Toutefois, la Banque centrale travaille déjà sur un certain nombre de réformes pour réduire le risque bancaire et faciliter l’octroi de crédits à tous les porteurs de projets bancables. Propos recueillis par O.C.
COMMUNIQUÉ
Les Aéroports de l’Union des Comores (ADC)
ADC RELÈVE LE DÉFI
Aérogare Aé A éroga are internationale intte in ernatiio on nale AIMPSI AIMPSI A S
Aéroport Aérop Aé oportt Bandar Band Ba nda a salam salam M Mohéli oh hé i
Aéroport d’Ouani Anjouan
Deux ans après avoir réussi à redresser l’unique aéroport international de l’Union des Comores, Yasser Ali Assoumani se voit confier la responsabilité de gérer les trois aéroports de l’Union des Comores après la création de l’ADC. Un nouveau défi à relever pour ce jeune gestionnaire, qui vient de se révéler au public comorien. C’est en septembre 2018 que la société Aéroports Des Comores est créée par décret présidentiel. La nouveauté est qu’elle unifie la gestion des trois aéroports des Comores, qui fonctionnaient jusque la de façon indépendante l’un de l’autre. Sans grande surprise, c’est le Directeur Général de l’AIMPSI qui est désigné pour être à la tête de cette nouvelle structure.
Les efforts significatifs de l’ADC accompagnent la politique du chef de l’état Azali Assoumani, afin d’atteindre l’émergence à l’horizon 2030. Mais, en héritant des deux aéroports secondaires, tout le monde s’accorde à dire que le défi n’est pas le même. Ces aéroports dits secondaires, n’accueillent que des vols domestiques, ainsi, l’activité est moins intense et les recettes provenant des redevances aéronautiques et extra-aéronautiques sont naturellement très faibles. Alors que, les problèmes ne manquent pas. Une situation qui est loin d’effrayer le Directeur Général de l’ADC. Pour lui : « il n’a jamais été un secret pour personne que dans ces aéroports, les problèmes étaient énormes et qu’il fallait rapidement agir pour élever le niveau de mise en œuvre de la réglementation relative à l’exploitation des aérodromes notamment par la formation, l’acquisition d’équipements adaptés et la mise aux normes des installations. Mais, il faut reconnaitre qu’il serait
Le DG et l’équipe CGC sur le chantier d’amégement d’un parking avion
inconséquent de croire que l’on peut garantir la sécurité et la sûreté à l’aéroport international si l’on ne protège pas suffisamment les aéroports secondaires d’où proviennent au quotidien des vols. Donc, le projet d’unification a toujours été soutenu par l’AIMPSI en vue d’améliorer le niveau de sûreté et de sécurité dans ces aéroports, et c’est un honneur que je sois désigné pour relever ce défi. » Ainsi, depuis sa nomination au mois de janvier, plusieurs activités ont été réalisées dans le cadre du renforcement des capacités institutionnelles des aéroports secondaires et le changement commence à se faire sentir comme le montre Zouhar Hafidhou, commandant d’aérodrome de l’aéroport d’Ouani : « Avec l’unification, les arriérés de salaire et autres difficultés qui entravaient le bon fonctionnement de notre aéroport ne sont plus que de mauvais souvenirs. » Même son de cloche à Mohéli où la directrice régionale se félicite de cette fusion. Cette dernière comme son homologue d’Anjouan géraient déjà ces aéroports en tant que directrice générale. Elles connaissent les obstacles et maintenant c’est ensemble avec Yasser Ali Assoumani qu’elles entrevoient l’avenir. Pour ce dernier, ces investissements dans les aéroports secondaires ne devraient pas faire perdre de vue la certification de l’AIMPSI. En effet, l’aéroport international des Comores s’est déjà engagé dans le processus de certification de son aérodrome et se prépare à accueillir dans les mois à venir les inspecteurs de l’autorité nationale de régulation.
JAMG - Photos : D.R.
Ce dernier a réussi l’exploit de redresser un établissement public en grande difficulté en aout 2016, lorsqu’il a été nommé. À l’époque, tous les indicateurs de performance étaient au rouge : avec une grosse dette accumulée, un effectif pléthorique, des infrastructures délabrés et des équipements vétustes. Mais l’effort a payé et deux ans plus tard, en fin 2018, l’AIMPSI se porte bien et se lance même dans des projets d’investissement donnant des nouvelles couleurs à l’établissement.
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TRANSPORTS
Comment désenclaver l’archipel
LOUIS WITTER / LE PICTORIUM
Liaisons inter-îles, modernisation des ports, construction d’un nouvel aéroport, création d’une compagnie aérienne… Les défis sont nombreux pour sortir de l’insularité.
OLIVIER CASLIN
our être au rendez-vous de l’émergence, l’Union des Comores va devoir emprunter d’autres voies que de simples chemins pavés de roses ou de bonnes intentions. Les autorités publiques l’ont rapidement compris et, en même temps qu’elles s’attaquaient au dossier énergétique (lire p. 120), elles tentaient de régler la question des transports, le second frein au développement économique du pays. Sur son volet terrestre d’abord, en remettant en état une partie du réseau routier sur les trois îles, alors que d’autres projets, le plus souvent sous financements internationaux, sont en cours pour tenter d’équiper le pays, à terme, d’une desserte correcte. Beaucoup reste à faire, mais la priorité est maintenant de sortir ces territoires de leur insularité, entre eux et avec le reste du monde. Un enjeu vital, qui justifie que le secteur des transports – maritimes et aériens – figure en bonne place dans le Plan Comores émergent (PCE). « La baisse des tarifs du transport, de biens comme de personnes, va favoriser les échanges et permettre la création d’un marché national suffisamment solide pour soutenir la croissance », assure un expert international. L’archipel possède une marge de progression assez importante, puisque la part des échanges extérieurs dans le PIB, qui
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permet de mesurer le degré d’ouverture de son économie, ne représentent que 65 %. Un résultat bien plus proche des 50 % affichés par les pays enclavés que des 100 % généralement alignés par les autres états insulaires de la région, Seychelles et Maurice en tête.
À peine 70 000 personnes utilisent chaque année les lignes inter-îles. Ici, un bateau comorien dans le port de Dzaoudzi, à Mayotte.
Peu de profondeur
Pour répondre à cet impératif de désenclavement, le pays ne dispose que d’interfaces portuaires datées et depuis longtemps dépassées. À Moroni, le port se compose d’une jetée d’une centaine de mètres, sans grue, et alimentée par des barges qui traitent les navires tenus à distance par son tirant d’eau limité à 4,5 m. À Anjouan, la situation n’est guère meilleure. Le port de Mutsamudu ne possède qu’un quai de 170 mètres de long, à une profondeur de 9 mètres, lui permettant bien de traiter 75 % du trafic comorien, mais qui reste largement en deçà des dimensions standards des navires porte-conteneurs présents aujourd’hui dans l’océan Indien. Cinq ou six d’entre eux suffiraient d’ailleurs pour transporter les 80000 boîtes traitées chaque année dans l’ensemble des terminaux comoriens. Au milieu des marchandises à quai, les services de transport de passagers tentent de s’organiser, mais, là aussi, l’offre est très loin de répondre à la demande. À peine 70 000 personnes utilisent chaque année les liaisons inter-îles, soit environ le nombre
LES ÉCHANGES EXTÉRIEURS NE REPRÉSENTENT QUE 65 % DU PIB, CONTRE 100 % POUR MAURICE ET LES SEYCHELLES.
de croisiéristes en visite à Maurice. Alors que les Comores nourrissent également de grandes ambitions en matière touristique (lire ci-dessous), l’archipel n’a pas vu passer un paquebot depuis 2016. Autant de dossiers rouverts par les autorités comoriennes à l’occasion du PCE. Selon le document, le pays a besoin de 112,5 milliards de francs comoriens (près de 230 millions d’euros) pour moderniser ses ports et mettre en place les différents services de transport qui relieront les îles. Il compte sur l’aide de ses bailleurs de fonds traditionnels, mais aussi et surtout sur le soutien du secteur privé international, seul à même de lui apporter l’expertise demandée par des secteurs d’activité aussi complexes que le maritime et l’aérien, qui, lui aussi, fait l’objet de toutes les attentions comoriennes. Côté air, l’archipel souffre des mêmes maux. Le pays ne dispose d’aucune liaison directe avec les principaux marchés émetteurs, régionaux comme internationaux,
et l’aéroport international Moroni-PrinceSaid-Ibrahim, bien que rénové durant la dernière décennie, ne répond toujours pas aux normes requises en matière de sécurité, d’entreposage et de maintenance des aéronefs. À Anjouan, le gouvernement souhaite même construire un nouvel aéroport pour remplacer l’unique piste (à sens unique) qui dessert l’île. Mais le dossier le plus symbolique de ces nouveaux appétits est la création d’une compagnie aérienne nationale. Pour concrétiser un tel rêve, le pays n’a d’autre choix que de s’adosser à un partenaire. Des discussions sont en cours avec certains opérateurs, qui ont vite montré leur intérêt, à commencer par Ethiopian Airlines, qui dessert déjà Moroni. Là encore, la facture s’annonce salée, puisque le PCE table sur 97,5 milliards de francs comoriens, hors compagnie aérienne, pour que les Comores puissent décoller d’ici à 2030.
Pour gagner la course au développement économique, les pouvoirs publics comoriens misent sur le secteur touristique. Au premier coup d’œil en direction de l’archipel, le visiteur comprend rapidement pourquoi. Les trois îles cumulent les atouts, tant naturels que culturels, susceptibles d’attirer les touristes de tous horizons, de la beauté paradisiaque de ses plages et de ses lagons à la diversité de sa faune marine et de ses paysages, sans oublier un patrimoine historique unique hérité des sultans. Autant d’attraits que l’Office du tourisme comorien est venu mettre en avant, à Paris, au début d’octobre, lors du salon IFTM Top Resa, l’un des plus importants dans le secteur. Pour l’occasion, les Comores ont joué la carte du collectif en s’affichant avec les autres membres du label « Îles Vanille » (Madagascar, Maurice, Mayotte, Réunion et Seychelles). Mais c’est bien en tant que destination propre que le pays compte se faire une place au soleil, sur un marché international déjà bien encombré.
LOUIS WITTER / LE PICTORIUM
Trois destinations en une
La plage de Mitsamiouli, sur la Grande Comore.
La fréquentation n’a jamais été aussi importante que ces dernières années sur l’archipel, avec un nouveau record établi en 2018: 35000 touristes enregistrés aux frontières – un chiffre en hausse de 28 % comparé à celui de 2017. Un résultat encourageant, même s’il est constitué à 90 % par les membres de la diaspora. Handicapé par une desserte aérienne au mieux insuffisante et des capacités hôtelières embryonnaires depuis la fermeture du fameux Galawa, qui n’a toujours pas trouvé repreneur, le pays espère que la conférence de Paris donnera un
coup de fouet au secteur en attirant les investisseurs. La destination compte s’appuyer sur la complémentarité de ses îles : « Écotourisme sur Mohéli, agro tourisme sur Anjouan et tourisme d’affaires sur la Grande Comore », précise Rachidi Mohamed, le directeur général de l’Office du tourisme comorien. Plus un hub d’hôtels cinq étoiles dans le nord de l’île principale, pour développer un tourisme plus familial, à condition de parvenir à attirer des enseignes telles qu’Accor ou Hyatt, semble-t-il déjà en contact avec les autorités. Reste encore à gagner en visibilité. L’OT travaille à la création d’un événement sportif qui viendrait s’inscrire dans le calendrier international, le Karthala Raid, ainsi qu’à la réalisation d’un vrai guide touristique destiné aux professionnels du monde entier. « Les Comores ont un potentiel unique, c’est une terre vierge où tout reste à découvrir », veut croire Rachidi Mohamed, dont l’argumentaire semble suffisamment bien rodé pour convaincre les 250 000 touristes espérés chaque année à l’horizon 2030. O.C.
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