JA 3073 du 1er au 7 décembre 2019 dossier santé

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MAROC

LA FUSÉE AKHANNOUCH

SÉNÉGAL Wade-Sarr : les dessous d’un parricide

DOSSIER SANTÉ L’Afrique est-elle vaccinée ? 10 pages

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France 3,80 € Algérie 290 DA Allemagne 4,80 € Autriche 4,80 € Belgique 3,80 € Canada 6,50 $ CAN Espagne 4,30 € Éthiopie 67 Br Grèce 4,80 € Guadeloupe 4,60 € Guyane 5,80 € Italie 4,30 € Luxembourg 4,80 € Maroc 25 DH Martinique 4,60 € Mayotte 4,60 € Norvège 48 NK Pays-Bas 5 € Portugal cont. 4,30 € RD Congo 5 $ US Réunion 4,60 € Royaume-Uni 3,60 £ Suisse 7 FS Tunisie 4 DT USA 6,90 $ US Zone CFA 2000 F CFA ISSN 1950-1285

HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL NO 3073 DU 1er AU 7 DÉCEMBRE 2019

AFRIQUE-FRANCE

Le grand malentendu

Accusé de tout et de son contraire, l’ancien colonisateur subit de plein fouet la défiance d’une partie de l’opinion africaine, sur fond d’impasse sécuritaire au Sahel, de controverse sur le franc CFA et de théories du complot. De Tunis à Bamako, de Dakar à Yaoundé, enquête sur une relation qui peine à se réinventer. Spécial 12 pages


Dossier Santé

VACCINATION

Gavi fait son checkEn janvier, l’Alliance mondiale du vaccin fêtera ses 20 ans. Cette initiative inédite associant laboratoires, ONG et États a permis de protéger des millions d’enfants sur le continent. Mais elle n’est pas immunisée contre les critiques.

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Vaccination d’une enfant de 1 an contre la fièvre jaune en RD Congo.

TOMMY TRENCHARD/PANOS/REA

D

eux décennies après son lancement en marge du sommet du G7 à Davos, en 2000, Gavi, l’Alliance mondiale du vaccin, est à l’heure du bilan. Son ambition principale au départ était de doper la couverture vaccinale dans les pays les plus pauvres, où, malgré la mobilisation récurrente de la communauté internationale, elle stagnait sous les 60 %. De ce point de vue, l’alliance est un succès : en vingt ans d’existence, le nombre de personnes immunisées par des vaccins de « routine » recommandés par l’OMS a augmenté de 20 % dans les pays au revenu national brut par habitant de moins de 1 580 dollars ciblés par Gavi. Le circuit mis en place est le suivant : Gavi centralise les demandes des pays, puis envoie une commande globale à l’Unicef, qui publie un appel d’offres auprès des laboratoires. Lorsque le fabricant est sélectionné, la production est livrée par l’Unicef, qui dispose d’antennes sur le terrain, et Gavi règle la facture. Par ailleurs, les États s’acquittent à date fixe auprès de Gavi d’une quote-part sur le coût des vaccins, déterminée en fonction de leur revenu national brut (RNB) par habitant. À ses débuts, l’initiative lancée dans la chic station de ski des Alpes suisses a été perçue comme un ovni : un partenariat public-privé (PPP) international dans le domaine du vaccin réunissant tous les acteurs concernés. « Il s’agissait d’une initiative sans précédent, rassemblant à la fois des organisations internationales, des experts de la santé publique comme l’OMS, l’Unicef, des pays donateurs et récipiendaires [78 à l’époque] et l’industrie pharmaceutique, indique l’Ivoirienne Marie-Ange Saraka-Yao, directrice des financements et des partenariats privés Gavi. L’objectif était aussi d’encourager l’appropriation des démarches qui fonctionnent par les différents acteurs. » Des

organisations de la société civile ont également un siège au conseil d’administration.

Vers un marché sain de la vaccination et vers l’autonomisation

Fin 2018, Gavi annonce que 960 millions de personnes, dont 760 millions d’enfants (soit 66 % de la classe d’âge concernée dans le monde), ont été vaccinées grâce à la mise en œuvre de ses programmes. « Ces accomplissements sont extraordinaires, s’enthousiasme Violaine Mitchell, directrice par intérim de la branche vaccin à la Fondation Bill et Melinda Gates. Le chiffre de la mortalité infantile a été divisé par deux, et ce principalement grâce à des vaccins [contre la pneumonie, les diarrhées, la rougeole,

17 LABORATOIRES PRIVÉS ET PUBLICS PARTENAIRES DE L’ALLIANCE, ISSUS DE 12 PAYS INDE Serum Institute of India Bharat Biotech Shantha Biotechnics (filiale de Sanofi Pasteur) Biological E Panacea Biotech CORÉE DU SUD LG Life Sciences, EuBiologics SÉNÉGAL Institut Pasteur de Dakar ROYAUME-UNI GlaxoSmithKline ÉTATS-UNIS Pfizer ALLEMAGNE Merck & Co FRANCE Sanofi Pasteur BRÉSIL Bio-Manguinhos RUSSIE Chumakov Institute PAYS-BAS Bilthoven Biological (filiale de Serum Institute of India) BELGIQUE CDIBP INDONÉSIE PT Bio Farma

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SOURCE : GAVI ET JA

-up

STÉPHANIE WENGER

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Dossier Santé LES PAYS CLÉS À VACCINER Population totale d’enfants

Sénégal 29 Gambie 6 Guinée-B. 1

Guinée 1

Sierra Leone 13 Liberia 6

Mali 28 Burkina 24 Côte d’Ivoire 31 Ghana 35

Niger 30

Bénin 9

Nigeria 120

Congo 1

de 6 à 15 millions de 16 à 40 millions

Zambie 18

Tanzanie 69 Malawi 34

Zimbabwe 11

> à 40 millions

Nigeria 3 millions Somalie 3

Ouganda RD Congo Kenya 62 73 44 Rwanda 12

UN SOUTIEN FINANCIER QUI VARIE SELON LES PAYS Angola 2

Éthiopie 120

Soudan du Sud 24

Burundi 44

(en millions de dollars versés par Gavi en 2018) < ou = à 5 millions

Érythrée 10 Djibouti

Centrafrique 6

Cameroun 14

Togo 6

Soudan 75

Tchad 1

Non Gavi

Comores 2

Mozambique 27 Madagascar 15

Lesotho 1

UNE APPLICATION DE RAPPEL VACCINAL

En Côte d’Ivoire, Orange et Gavi sont partenaires pour le développement de l’application téléphonique M-Vaccin, qui rappelle aux parents l’importance de la vaccination et leur envoie des SMS ou des messages vocaux pour qu’ils n’oublient pas les échéances. Cette application espère toucher 800000 enfants: « Les innovateurs du secteur privé sont flexibles et complètent le système traditionnel. Nous devons aussi nous appuyer sur la prévalence du portable en Afrique », estime Marie-Ange Saraka-Yao, de Gavi, qui explique que le système devrait être mis en place dans toute l’Afrique de l’Ouest.

S.W.

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le tétanos…], nous avons évité 13 millions de morts. » L’organisation philanthropique du milliardaire américain, ex-patron de Microsoft, et de son épouse, est le premier contributeur de cette alliance : en vingt ans, elle a investi plus de 4,3 milliards de dollars dans Gavi. « Il s’agit du plus important investissement de la fondation », précise Violaine Mitchell. Et d’un puissant levier financier et de communication pour l’homme d’affaires américain, son épouse et sa fondation, qui peuvent dénombrer le nombre de vies sauvées grâce à leur soutien à la vaccination. L’alliance vise aussi à installer un « marché sain » de la vaccination. Intéressés par une demande soutenue, des millions de doses à produire et les économies d’échelle induites, les fabricants et les laboratoires sont rapidement entrés dans la danse (ils sont 17 actuellement, lire p. 69), ce qui a permis une baisse des prix et un approvisionnement suffisant. « Le prix de l’ensemble des vaccins recommandés par l’OMS lors de la petite enfance est passé de 1100 à 27 dollars par enfant, s’enthousiasme MarieAnge Saraka-Yao. L’idée n’est pas de faire de la charité, mais d’encourager

Éthiopie 950 000

RD Congo 620 000

Angola 480 000

SOURCE : OMS ; GAVI

Mauritanie 4

Part non vaccinée

les pays à adopter une politique de santé publique de vaccination, et de les conduire vers l’autonomisation. La quote-part versée à Gavi augmente en fonction du PIB. » Violaine Mitchell abonde dans le même sens : « Les vaccins sont plus accessibles, moins onéreux, et Gavi a contribué à créer un marché viable. Ce système de cofinancement avec les pays concernés est une spécificité, cela a eu un rôle pivot dans le renforcement de l’appropriation par les États de leurs programmes de vaccinations, même les pays les plus pauvres y contribuent. »

Les laboratoires les plus réputés partenaires de Gavi

L e s plus grands laboratoire s (GlaxoSmithKline – GSK –, Pfizer, et Sanofi Pasteur) affichent leur enthousiasme: « 70 % de notre production est destinée à des pays à revenus bas ou moyens », indique la multinationale GSK, qui a racheté l’unité vaccin de Novartis en 2015. Le laboratoire britannique est le premier fournisseur en valeur et le second en volume de Gavi. Il peut garantir un gel de dix ans des prix des vaccins aux pays sortant de l’alliance pour soutenir des programmes durables de vaccination.



Dossier Santé

Autre partenaire, le français Sanofi Pasteur, qui détient la plus grosse part du marché des vaccins en Afrique (30 %), tire lui aussi un bilan positif de ce lien avec Gavi. Lamia Badarous, responsable des affaires publiques, institutions globales et vaccins endémiques du groupe, se félicite de cette coopération: « Dans le cadre de l’éradication mondiale de la poliomyélite, par exemple, nous avons produit et distribué, depuis 1982, plus de 1 milliard de doses pour répondre à la demande mondiale et au programme d’éradication. Nous sommes le principal fournisseur du vaccin IPV à l’Unicef pour les pays Gavi. Notre contribution concerne non seulement la vaccination de routine et les campagnes de prévention, mais se traduit aussi au niveau du stock de réserve qui a été mis en place pour répondre aux urgences sanitaires en cas d’épidémie [méningite, fièvre jaune et choléra]. » À l’origine, les six ou sept laboratoires

SUR LE CONTINENT, L’ALLIANCE A FACILITÉ LE FINANCEMENT DE VACCINS CONTRE LA MÉNINGITE A, LA TYPHOÏDE, LA FIÈVRE JAUNE ET LE CHOLÉRA.

ISAAC GRIBERG/UPS/COVER IMAGES/S

Un drone Zipline qui devrait parcourir le Ghana et l’approvisionner en médicaments et en vaccins.

DES DRONES POUR ACHEMINER LES DOSES Comment atteindre des villages inaccessibles en pleine saison des pluies ? Comment faire face à des situations d’urgence, comme dans le cas de la rage, où le vaccin post-exposition doit être

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injecté après la morsure ? Déjà actifs au Rwanda, les drones de l’américain Zipline prendront bientôt leur envol au Ghana. Le partenariat entre la start-up de la

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SiliconValley UPS et Gavi est emblématique de ce qui est recherché avec INFUSe, un système d’incubation mis en place au sein de Gavi. S.W.

impliqués étaient issus de pays développés. Aujourd’hui, il y a notamment cinq grands fabricants indiens de médicaments. Marie-Ange Saraka-Yao souligne aussi qu’auparavant il fallait dix à quinze ans pour qu’un vaccin disponible en France puisse arriver en Afrique subsaharienne étant donné la faiblesse du marché, alors qu’aujourd’hui on est passé à une seule année de décalage. L’Alliance a facilité le financement de vaccins d’importance régionale en Afrique, comme ceux contre la méningite A, la typhoïde, la fièvre jaune et le choléra.

Des mécanismes financiers qui augmentent les investissements

En plus de la mobilisation des États et de la Fondation Gates, le développement de mécanismes financiers taillés sur mesure a augmenté les sommes investies dans la recherche, la production ou la distribution, dont une bonne partie est pilotée par le biais de Gavi. La Facilité internationale de financement de la vaccination (IFFim), lancée en 2006, a émis des obligations sur les marchés internationaux garanties par des engagements à long terme des pays en la matière. Autre mécanisme : l’AMC, une garantie de marché spécialement développée pour le vaccin contre la pneumonie et qui a permis à Pfizer de produire 149 millions de doses, introduites dans 60 pays. Pourtant, ce mécanisme a suscité la controverse : seuls deux gros groupes, GSK et Pfizer, ont été préqualifiés et ont bénéficié de l’AMC, alors qu’un fabricant indien – Serum Institute – est parvenu au même résultat pour un prix trois fois moindre. En août, Médecins sans Frontières, ONG associée à Gavi, dénonçait cette situation dans un communiqué. « On est face à un duopole qui a reçu énormément d’argent – 1,2 milliard de dollars [grâce à l’AMC] – alors que leur vaccin reste cher », regrette Nathalie Ernoult, directrice du plaidoyer à la campagne d’accès aux médicaments essentiels de MSF.


COMMUNIQUÉ

AVIS D’EXPERT

Emails : samir.sayah@cms-fl.com pierre.marly@cms-fl.com www.cms.law

Libéralisation des IDE en Algérie : quel impact sur l’industrie pharmaceutique ? À l’heure où les dispositions contrai-

tiques souffrent avant toute chose

gnantes en matière d’investisse-

de l’absence d’évolution, depuis plus

ments directs étrangers (IDE) sont

de 20 ans, de la réglementation liée

en passe d’être partiellement levées

à la limitation de la marge.

pour le secteur pharmaceutique en Algérie, nombre d’opérateurs locaux et étrangers s’interrogent sur l’impact réel qu’aura l’allègement du 51/49 sur la dynamisation de la production locale.

Les producteurs pharmaceutiques n’arrivent pas à rémunérer leurs distributeurs n’atteignant pas le seuil de rentabilité nécessaire. Ils

standards de qualité qui sont en

et allègement du 51/49

perpétuelle évolution.

dustrie algérienne, a annoncé la mise en place d’une commission ad hoc pour définir les secteurs concernés par l’allègement du 51/49, dont devrait faire partie l’industrie

Pierre Marly,

Partner CMS Africa

Partner CMS Africa

doivent assumer un niveau réel de charges pour satisfaire aux

Secteurs non stratégiques Djamila Tamazirt, ministre de l’In-

Samir Sayah,

Le secteur pharmaceutique face aux contraintes de terrain À ce problème réglementaire s’ajoutent des contraintes bureaucratiques importantes. Les diffé-

pharmaceutique.

rentes procédures administratives,

Il existe de nombreuses voies

de terrain pour la réalisation des

convergentes qui soulignent la

usines, sont tellement chronophages

comme l’attribution de concessions

investisseurs. L’opacité entourant les perspectives d’évolution de la situation politique engendre des postures d’attentisme défavorables à l’acte entrepreneurial. Ainsi, la promulgation d’une loi d’assouplissement dont l’application incombera de facto à un futur gouvernement, ne saurait constituer un remède suffisant pour pallier les maux dont souffre le secteur.

Le projet de Loi de finances pour 2020 supprime en partie l’obligation d’inclure des actionnaires nationaux dans le capital des sociétés algériennes à capitaux étrangers.

Il est utile de rappeler que la volonté des autorités algériennes de créer une industrie pharmaceutique locale ne date pas d’hier. Depuis le milieu des années 90, les différents gouvernements ont échoué à concrétiser cet objectif et cela même sous l’empire d’une politique libérale en matière d’IDE.

portée limitée de cette réforme. Son objectif, selon le gouvernement algérien, est de dynamiser la production locale du médicament. Mais les secteurs de production et de distribution de produits pharmaceu-

Pour atteindre l’objectif recherché, une révision en profondeur du cadre réglementaire et de la pratique de l’Administration est indispensable pour ce secteur hautement stratégique pour l’Algérie.

qu’elles dissuadent nombreux opérateurs locaux et internationaux. La situation politique actuelle semble être aussi un facteur manifestement anxiogène pour les


Dossier Santé

PLUS DE LA MOITIÉ DES ENFANTS NON VACCINÉS SONT AFRICAINS

45

LES PAYS QUI RECULENT, CEUX QUI PROGRESSENT

(en millions d’enfants)

35

(évolution en % de la couverture contre la rougeole entre 2010 et 2017 )

«Zéro dose»

Projection de la population infantile

Cameroun Sénégal

15

Burundi SOURCE : OMS

20

10 5 0

1990

2000

NEUF PAYS AFRICAINS UNIS HORS GAVI POUR FAIRE BAISSER LES PRIX

Ils ne sont pas membres de Gavi, étant considérés comme des pays à revenus intermédiaires (avec un revenu par habitant supérieur à 1580 dollars). Ils achètent donc les vaccins aux tarifs du marché. Au début de novembre, alors qu’ils étaient accueillis par l’OMS à Mbabane, la capitale de l’Eswatini (ex-Swaziland), l’Algérie, le Botswana, le Cap-Vert, Eswatini, le Gabon, Maurice, la Namibie, São Tomé-et-Príncipe et les Seychelles ont décidé de se regrouper pour faire baisser les prix et partageront « des études de marché, échangeront des informations sur les fournisseurs de vaccins et le suivi des prix […]. En coordonnant l’achat des vaccins grâce à ces informations, les neuf pays auront à la fois une plus grande stabilité dans leur approvisionnement et un pouvoir de négociation accru grâce auquel ils pourront obtenir des prix plus bas », explique le communiqué de l’OMS. S.W.

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2010

2018

2030

Cette ONG et d’autres pointent aussi le peu de responsabilité et de redevabilité des laboratoires fabricants bénéficiaires de ces financements massifs et de l’appui du Gavi : ils rechignent parfois à la tâche si leur intérêt économique n’est pas clair. « Il y a eu par exemple toute une mobilisation pour introduire dans les pays en développement le vaccin contre le HPV, le papillomavirus, jugé responsable du développement du cancer du col de l’utérus. Finalement, le fabricant Merck, qui devait mener le projet, a reculé en constatant le nombre insuffisant de doses à produire, le marché n’était pas jugé intéressant », s’insurge encore Nathalie Ernoult. « Les normes viennent de l’OMS mais Gavi fixe ses propres règles, il n’est pas redevable vis-à-vis des États ou de l’OMS, mais simplement devant son conseil d’administration, ce qui laisse à désirer en matière de gouvernance et de transparence vis-à-vis du public », dénonce-t-elle.

Le critère du revenu par habitant est-il pertinent et durable ?

Autre faiblesse du système : la sortie progressive des États de l’alliance vaccinale. Sur le papier, dès qu’il a atteint le statut de pays à revenus intermédiaires (PRI), avec 1 580 dollars de revenu par habitant, l’État doit quitter Gavi et payer les doses vaccinales au prix du marché. Mais

95

71

83 82

93

88 72

Comores Lesotho 0

20

40

60

98 90

88

90

80

100

65

Liberia 1980

86 80

Algérie

Entièrement vacciné

25

70

Afrique du Sud

Partiellement vacciné

30

91

un pays comme le Congo, théoriquement sorti du Gavi pour cette raison en 2018, a été réadmis cette année, arguant de l’impossibilité pour lui de faire face à ce surcoût vaccinal brutal. Le Nigeria a quant à lui bénéficié d’une extension de sa phase de transition. Pour les critiques de ce système, le seul critère du revenu national brut par habitant est insuffisant. « Cet indicateur ne dit rien sur l’état du système de santé, estime ainsi Nathalie Ernoult. En Angola et en Tanzanie, la couverture vaccinale a baissé quand ces pays sont sortis de Gavi. La pérennité n’est pas au rendez-vous. » Le Gavi est conscient de cette difficulté et des défis qui l’attendent encore. En juillet, l’OMS s’inquiétait de la stagnation de la vaccination à l’échelle mondiale (à 86 %), alors que sur le continent 8,5 millions d’enfants n’y ont toujours pas accès. « Les enfants zéro dose [n’ayant jamais reçu un seul vaccin] et la question de la logistique des derniers kilomètres feront partie des points clés de notre stratégie 2021-2025 », affirme MarieAnge Saraka-Yao. Le plan stratégique qui doit être prochainement adopté cible aussi la résolution des difficultés de respect de la chaîne du froid, la collecte des données, et l’accès au système de santé… Sur les 9,4 milliards de dollars prévus pour la phase 2021-2025 de Gavi, 2 milliards ont déjà été levés.

SOURCE : OMS

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Dossier Santé

DÉPENDANCE ET RETRAITE

Carthagea transforme les hôtels tunisiens en Ehpad pour Européens Cadre de vie agréable, suivi individualisé rassurant, prix abordables… Les centres gériatriques en Tunisie attirent les retraités venus de l’autre côté de la Méditerranée. L’Alhambra Thalasso de Hammamet a été reconverti partiellement en maison de retraite.

d’hébergement de personnes dépendantes en attente, Canabal dit ne pas avoir d’inquiétude sur le développement des maisons de retraite médicalisées en Tunisie. Il anticipe d’ailleurs et se lance dans la formation en interne d’aides-soignants. « Nous avons recruté tout le personnel disponible de la région et leur avons dispensé une formation spécifique conforme à nos besoins en gériatrie, une expertise qui n’existait pas jusque-là en Tunisie », explique le promoteur. Il escompte à moyen terme intégrer à son projet une école qui proposera une formation continue puis une spécialisation en gériatrie, et qui disposera d’un centre d’hébergement pour les soignants recrutés.

DR

Un secteur d’avenir

FRIDA DAHMANI, à Tunis

petitspas,Alinerevientd’une promenade en bord de mer avec sa mère. Une activité banale pour des touristes étrangers, à Hammamet, en cette fin d’octobre. Reste que la mère d’Aline est une promeneuse particulière : elle est résidente d’un établissement cinq étoiles, l’Alhambra Thalasso, reconverti partiellement, en 2016, en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), spécialisé dans l’accueil de personnes souffrant de maladies neuro-dégénératives. Une initiative lancée par Alexandre Canabal, le gestionnaire de l’Ehpad de Carthagea, propriétaire de l’hôtel, qui séduit de nombreuses familles françaises même si elles ne bénéficient d’aucune aide pour ces séjours au long cours en Tunisie. « J’habite à Lille, et ma mère vivait seule à Agen ; c’était bien plus compliqué de lui rendre

À

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visite en France que de venir la voir en Tunisie. Le forfait global comprend quatre billets d’avion et un tarif préférentiel pour l’hôtel », précise Aline, qui débourse 2 600 euros par mois ; bien en deçà de ce que lui aurait coûté un Ehpad en France. Mais, selon les professionnels et résidents interrogés, ce n’est pas tant l’offre financière ou les trois cents jours d’ensoleillement qui attirent ceux qui décident de franchir la Méditerranée, mais bien les prestations. « Nous sommes les seuls au monde à affecter un soignant à chaque résident avec une mobilisation 24 heures sur 24 », affirme Alexandre Canabal, qui compte développer le concept avec l’aménagement de nouveaux centres, toujours dans la région de Hammamet. Un développement qu’il compte financer en ouvrant le capital de Carthagea, qui aboutira à une levée de fonds de 100 millions d’euros. Annonçant 1600 demandes

Patron militant pour que la Tunisie devienne un acteur de l’hébergement des personnes âgées dépendantes en provenance d’Europe, le dirigeant de Carthagea a été entendu par le ministère de la Santé, qui compte promulguer prochainement un cadre réglementaire pour tous les opérateurs qui s’implanteront en Tunisie. Loin de ces considérations, Aline profite de son séjour et apprécie de pouvoir consacrer tout son temps à sa mère, atteinte de la maladie de Parkinson. « Avec des prestations haut de gamme et une prise en charge totale qui inclut les accès piscine, hammam, coiffeur, sans compter le suivi médical rigoureux, je repars rassurée », affirme-t-elle. La Française songe d’ailleurs à intégrer, le moment de la retraite venu, ce type d’établissement. À cette date, elle pourrait avoir le choix, puisque Alexandre Canabal envisage « jusqu’à 10 000 résidents francophones et une dizaine d’hôtels reconvertis ». Une aubaine pour la Tunisie, qui pourrait générer des milliers de nouveaux emplois.



Dossier Santé

PRESCHESMISKY BRUNO

PRESCHESMISKY BRUNO

TOURISME MÉDICAL

Les cliniques marocaines séduisent les Subsahariens Depuis les années 1960, le royaume est une destination santé mondiale. D’abord pour la chirurgie esthétique, ensuite pour d’autres spécialités. Et attire aussi la patientèle africaine. EL MEHDI BERRADA, à Casablanca

e tourisme médical au Maroc fleurit depuis longtemps, mais c’est la chirurgie esthétique qui a d’abord attiré les patients étrangers dans le royaume. La ville de Casablanca, en particulier, a connu son heure de gloire dès les années 1960 grâce à la présence de grands médecins français tels les docteurs Cochain, Lentillhac et Burou. L’éclat de la ville en la matière perdure grâce à des investissements privés qui ont pu la doter d’installations modernes, de cliniques parfaitement équipées et d’un écosystème capable d’accueillir les patients dans de très bonnes conditions. On dénombre actuellement au Maroc une cinquantaine de chirurgiens esthétiques et une petite dizaine de cliniques spécialisées réparties entre Casablanca, Rabat, Agadir, Marrakech et Tanger. Leur bonne

L

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réputation, mise en valeur sur les réseaux sociaux, leur permet de gagner en notoriété et de séduire une patientèle essentiellement étrangère. Si le concept de « tourisme médical » – le fait de se faire soigner dans un pays autre que celui où l’on réside pour des raisons économiques ou médicales – n’a guère changé depuis les années 1960, le budget qu’y allouent les patients étrangers a, lui, explosé ces dernières années, entraînant un boom du secteur,

LES DÉPENSES DES PATIENTS ÉTRANGERS ONT EXPLOSÉ, ENTRAÎNANT UN BOOM DANS LE PAYS, OÙ LES PRIX SONT 30 % PLUS BAS QU’EN EUROPE.

notamment au Maroc, où, pour une opération à visée esthétique, les coûts sont en moyenne 30 % plus bas qu’en Europe.

La chirurgie réparatrice, grande favorite

Les praticiens expliquent qu’ils ont remarqué dans leur activité des changements liés notamment à l’augmentation du niveau de vie et à l’ouverture du royaume à l’international. « Nous avons l’habitude de recevoir des patients venant des pays européens avoisinants, du MoyenOrient, et plus récemment d’Afrique subsaharienne », nous explique le Dr Mohammed Guessous, dont la clinique, Guess, est l’une des plus sophistiquées du Maroc et qui reçoit des patients de France, de Belgique ou encore de Suisse. La nouvelle patientèle subsaharienne commence à devenir prépondérante, surtout en ce qui concerne la chirurgie réparatrice.


La clinique Guess à Casablanca, spécialisée dans la chirurgie plastique.

les cabinets spécialisés en chirurgie esthétique aussi se sont organisés pour s’occuper de leurs « invités », à qui ils peuvent proposer un peu de tourisme avant ou après le traitement.

Un large réseau de cliniques et de centres de soins partenaires

La façon dont ces étrangers sont traités au Maroc diffère de celle qui est réservée aux locaux. Cela est dû à la distance parcourue et à la courte durée du séjour. « Nous nous sommes imposé des règles strictes adaptées à la patientèle étrangère. Nous proposons essentiellement de la liposculpture légère sous anesthésie locale, de l’augmentation mammaire, un rafraîchissement du visage, une greffe de cheveux ou des soins dentaires de type “Hollywood Smile” », nous liste cette « star » du milieu installée à Casablanca. Lui et d’autres chirurgiens esthétiques nous assurent qu’ils refusent de faire des interventions lourdes qui présentent des risques ou nécessitent une longue période de convalescence. Les praticiens interrogés par JA indiquent tous refuser que les patients étrangers leur soient adressés par des agences de voyages. « C’est pour nous une question éthique essentielle. Le premier contact avec le client doit être établi par un médecin et non par un commerçant, même si nous leur proposons un accompagnement personnalisé pour organiser leur séjour comme ils le souhaitent », nous explique le Dr Mustapha Ibnouzahir, installé à Tanger et qui reçoit dans son cabinet une majorité d’Espagnols. Les cliniques et

Depuis quelques années, la chirurgie esthétique n’est plus la seule raison de ce « tourisme médical ». « Nous remarquons que les patients qui choisissent le Maroc viennent aussi pour d’autres spécialités telles que l’orthopédie, la cancérologie, l’ophtalmologie, la neurochirurgie ou encore la chirurgie cardio-vasculaire », nous explique le Dr Achraf Sokari, directeur médical de la société C3 Médical. Cette entreprise se positionne comme un intermédiaire et un facilitateur des séjours de santé au Maroc mais aussi en France, sans être une agence de voyages à proprement parler. « Nous nous occupons intégralement du séjour en prenant en considération l’amont et l’aval du traitement. Cela va de l’analyse du dossier médical réalisée par nos experts jusqu’à l’accueil du patient à l’aéroport, en passant par la facilitation des démarches administratives et le suivi rapproché du malade durant le traitement », nous apprend Achraf Sokari, qui accompagne le patient dans le choix de la structure sanitaire adaptée à travers un large réseau de cliniques et de centres de soins partenaires. Les dessertes aériennes directes avec les capitales africaines, l’absence de barrières linguistiques et les coûts plus abordables comparés à d’autres destinations occidentales ont fait que le nombre de patients en provenance du reste de l’Afrique a fortement augmenté. « C’est ainsi qu’aujourd’hui on assiste à un flux important en provenance du Mali, de la Guinée, du Burkina Faso, du Tchad, du Sénégal, du Gabon, du Cameroun, du Congo ainsi que, tout récemment, de l’Algérie et de la Mauritanie », poursuit notre interlocuteur. La nouvelle patientèle qui a émergé au cours de la dernière décennie en provenance

de l’Afrique subsaharienne est exigeante, elle demande des plateaux élaborés et des cadres médicaux reconnus. Mais, selon l’ensemble de nos interlocuteurs, le marché du tourisme médical ne semble pas beaucoup intéresser les autorités marocaines chargées du secteur touristique, toujours centrées essentiellement sur le loisir et la culture. C’est ce qui explique l’absence totale de chiffres officiels concernant le nombre de personnes étrangères qui sont venues se faire soigner dans le royaume. À en croire les estimations des professionnels du secteur, le Maroc recevrait annuellement environ 500 000 touristes médicaux, dont une majorité en provenance d’Afrique, devant les patients européens. Pour les professionnels de santé marocains interrogés, le potentiel du pays en la matière est réel et doit être soutenu afin de permettre la croissance d’un secteur fortement créateur d’emploi.

LES TURCS, ROIS DE LA SANTÉ INDUSTRIELLE À BAS COÛT Sur le segment du tourisme de santé, le Maroc est en concurrence historique avec la Tunisie, mais la Turquie a fait une entrée fracassante sur ce marché évalué à plus de 40 milliards de dollars par la Banque mondiale. « Contrairement à des pays comme la Tunisie, la Thaïlande et la Turquie, qui ont choisi de mettre en place un marché médical low cost, le Maroc ne s’est pas engagé dans le tourisme médical de masse », nous explique le Dr Mohammed Guessous. Un constatpartagé par ceux de ses confrères que nous avons interrogés. Ces derniers nous expliquent qu’en Turquie, où la spécialité phare est la greffe de cheveux, le procédé s’est industrialisé, ce qui réduit au strict minimum le rapport humain entre le médecin et le patient. E.M.B.

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Son Excellence Mme Hinda Déby Itno, Première Dame du Tchad

Mme Anuradha Gupta, Directrice générale adjointe de Gavi, l’Alliance du Vaccin

IL EST URGENT POUR LE TCHAD D’ACCÉLÉRER LA VACCINATION Plus de 600,000 enfants de moins de cinq ans meurent chaque année à travers le monde de maladies évitables par la vaccination, dont un tiers en Afrique.

L’amélioration de l’accès à la vaccination systématique n’est pas seulement un investissement dans la santé de nos enfants, mais dans le bien-être du Tchad tout entier.

Parmi les pays soutenus par Gavi, 10 pays prioritaires,dont le Tchad, rassemblent 70 % des enfants sous-vaccinés.En tant que Première Dame du Tchad et directrice générale adjointe de Gavi,notre mission est d’augmenter les taux de vaccination au Tchad pour assurer le futur du pays.Ensemble,nous nous sommes engagées à mettre nos voix et nos plateformes au service d’un financement accru de la vaccination dans la région et d’une amélioration globale de la santé et des perspectives d’avenir des enfants à travers le continent. Cela est particulièrement important au Tchad,où près de la moitié (47 %) de la population a moins de 15 ans. Nous nous devons donc d’investir dans cette jeune génération,qui porte en elle nos futurs leaders,éducateurs et créateurs de changement. L’amélioration de l’accès à la vaccination systématique n’est pas seulement un investissement dans la santé de nos enfants,mais dans le bien-être du Tchad tout entier.

Le 31 janvier 2017,les chefs d’Etat africains ont pris l’engagement historique de promouvoir l’accès universel à la vaccination d’ici 2020 avec l’adoption de la Déclaration d’Addis-Abeba sur la vaccination, faisant de l’amélioration des taux de vaccination une priorité continentale. Dans les pays africains soutenus par Gavi,le taux moyen de vaccination est d’environ de 75 %,de sorte que les pays comme le Tchad doivent prendre leur responsabilité pour améliorer leurs taux de vaccination et se maintenir au niveau du reste du continent. La vaccination de routine prévient aujourd’hui 2 à 3 millions de décès dans le monde chaque année. Pourtant,l’Organisation mondiale de la Santé estime que 19,4 millions de nourrissons ne bénéficient toujours pas de vaccins de base contre les maladies entraînant souvent des décès prématurés.L’Afrique dans son ensemble a fait d’énormes progrès au cours des dernières décennies grâce à


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la vaccination de routine,mais il reste encore beaucoup à faire. Outre les pertes de vie causées par les maladies évitables,les maladies infectieuses telles que le rotavirus,la rougeole,la rubéole et les infections à pneumocoques coûtent collectivement au continent africain 13 milliards de dollars,du fait de leur fréquence et de leur mortalité.Pourtant,selon une étude de l’Université John Hopkins,le retour sur chaque dollar investi dans la vaccination est de 21 dollars en moyenne,économisés sur les frais de santé,les gains de salaire et de productivité.En évaluant la situation de façon plus générale encore,les avantages tirés de chaque dollar dépensé pour les vaccinations permettent d’obtenir un retour sur investissement de 54 dollars, permettant ainsi aux bénéficiaires de vivre plus longtemps et en meilleure santé. Les vaccins sont essentiels,non seulement pour le bien-être de nos enfants,mais aussi pour la santé des jeunes femmes.Une femme meurt encore du cancer du col de l’utérus toutes les deux minutes,et environ 80 % des décès liés à ce cancer surviennent dans les pays à revenu faible et intermédiaire.L’introduction du vaccin anti-VPH (virus du papillome humain) a révolutionné le dépistage des VPH et peut prévenir jusqu’à 90 % des cas de cancer du col utérin.Alors que nous insistons sur la hausse des taux de vaccination,il est important de maintenir l’accent sur la santé des jeunes femmes. Nos expériences démontrent clairement que les dirigeants qui prennent leurs responsabilités en

matière de santé publique sont les premiers à en récolter les bénéfices. La vaccination est l’intervention la plus rentable qui existe pour lutter contre les maladies mortelles qui causent handicaps et réductions de productivité en Afrique et doit donc figurer en tête des priorités de tout dirigeant. Reproduire ce qu’ont fait d’autres pays a ses limites cependant, et il est essentiel de prendre le temps de comprendre les défis de nos pays respectifs et d’adapter notre réponse nationale aux besoins de nos citoyens pour créer un réel changement. En 2013, le taux de vaccination des enfants tchadiens de 1 an était de 5 %. Aujourd’hui, le taux de couverture vaccinale des enfants du Tchad est de 22 %. Il reste encore beaucoup à faire, mais nous sommes fiers des progrès accomplis, le Tchad va dans la bonne direction en prenant la responsabilité de mieux adapter les programmes de vaccination aux citoyens tchadiens. Depuis 2013, il s’agit notamment de travailler avec les chefs de village et les agents de santé communautaires pour identifier les enfants qui ont besoin de ces vaccins vitaux et d’élaborer des stratégies de micro-planification qui nous permettent d’affecter plus efficacement les ressources dans chaque zone. Notre travail en partenariat avec le Ministère de l’Elevage sur une campagne de vaccination mixte commence également à porter ses fruits. Cette approche multisectorielle nous a déjà permis l’an dernier d’administrer une première dose du vaccin pentavalent 5-en-1 à 3616

nourrissons âgés de 0 à 11 mois, et les trois doses requises à 200, 1 600 nourrissons ont été vacciné contre la rougeole, et 10 000 enfants âgés de 1 à 5 ans contre la polio. Pour augmenter significativement le taux de couverture vaccinale auTchad et dans toute l’Afrique,nous avons désormais besoin que toutes les couches de la société se mobilisent pour maximiser l’impact de nos investissements collectifs. Les dirigeants nationaux,les organisations comme Gavi et les ministères de la santé sont chargés de l’amélioration de l’accès aux vaccins,mais les individus,les familles et les soignants ont tous un rôle important à jouer.Nous appelons les parents d’un bout à l’autre du pays à comprendre les risques associés à la non-vaccination des jeunes enfants et à prendre en charge la santé de leur famille. Le soutien de Gavi a permis à 15 pays d’autofinancer complètement leurs programmes de vaccination.D’ici fin 2020,cet autofinancement complet concernera 18 pays.Au cours des dernières décennies,le Burkina Faso a augmenté son taux de couverture pour le vaccin en trois doses contre la diphtérie-tétanos-coqueluche pour atteindre 91 %,prouvant que le succès est possible en Afrique. Aujourd’hui nous devons nous inspirer des succès de ces pays tout en continuant à intensifier nos efforts pour améliorer les taux de vaccination et nous assurer que nos enfants grandissent en bonne santé.


Dossier Santé

PORTRAIT

Jean-Claude Ratsimivony, chantre de la pharmacopée malgache Le fondateur et ex-dirigeant d’Homeopharma a créé une nouvelle clinique de soins à la fois traditionnels et modernes. Il entend ouvrir d’autres établissements. EMRÉ SARI, à Antananarivo

arrelage blanc, blouses blanches, propreté parfaite… La clinique de JeanClaude Ratsimivony, située dans le quartier d’Antsakaviro, au centre d’Antananarivo, présente le décor d’une clinique ordinaire. Et pourtant, elle propose des traitements peu communs. On y fusionne la médecine traditionnelle malgache avec son homologue occidentale. Et a une ambition : donner à la science de la Grande Île une renommée identique à celle des médecines chinoise ou indienne. « Je suis confiant car nous disposons de remèdes uniques », déclare-t-il. À Madagascar, 80 % des plantes sont endémiques. En 1992, ave c s on ép ous e, Bako, pharmacienne, il a créé Homeopharma, un laboratoire et une chaîne de distribution de produits phytothérapiques. Mais il a revendu l’entreprise au groupe SIRR (lire ci-dessous) en 2017, et a totalement quitté la direction. « Leur vision reste très axée sur le produit, alors que je veux une prise en charge complète du patient », se justifie-t-il. Il dirige aujourd’hui le groupe JCR,

RIJASOLO/RIVA PRESS POUR JA

C

propriétaire de sa clinique, et travaille avec cinq autres sociétés indépendantes qui forment un consortium : Vaniala, des centres de bien-être à Antananarivo, en France, à Maurice, et aux Seychelles; Green Club Resort, des hôtels spa à Majunga et près de Tamatave et de Tana ; Ladimed et Cramant, des laboratoires d’analyse et de recherche à Antananarivo, et Expam, des plantations de 1 600 hectares. Dans sa clinique d’Antsakaviro, ouverte en début d’année, il emploie

HOMEOPHARMA INTÉGRÉ À UN GROUPE DE DISTRIBUTION DIVERSIFIÉ MALGACHE

Dirigé par Feride Ismaël, SIRR, le repreneur d’Homeopharma, détient également Pharmalife, un grossiste pharmaceutique spécialisé dans les produits naturels, Hotel Plus, un fournisseur de matériel pour hôtels et restaurants, ABC et Reejena, deux sociétés actives dans l’immobilier, et Ceni, société d’optimisation de la fonction achat des sociétés. Au moment du rachat, en mai 2017, Homeopharma disposait d’une soixantaine de centres de santé à Madagascar et employait 500 personnes. Ses produits étaient distribués par cette chaîne mais aussi en grande surface et dans les pharmacies. E.S.

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jeuneafrique no 3073 du 1er au 7 décembre 2019

une trentaine de personnes, dont dix médecins et dix chercheurs. Quatre autres centres devraient ouvrir en 2020 à Madagascar – à Antsirabe, Nosy Be, Majunga et Tamatave. À Antananarivo, sa clinique traite en particulier les maladies dégénératives et chroniques. Pour le diagnostic, elle dispose d’un centre d’imagerie et d’analyse. Les deux approches thérapeutiques – moderne et traditionnelle – diffèrent radicalement. « Quelle que soit la pathologie, l’homme ne se traite pas par partie, explique Jean-Claude Ratsimivony. Il faut agir sur son cadre de vie, son environnement, son alimentation, son énergie, sa psychologie… » La clinique accueille aussi des personnes atteintes de cancers. « Nous ne les guérissons pas, prévient-il. Mais nous activons le système immunitaire et rechargeons l’énergie de la personne pour qu’elle lutte elle-même contre la maladie. Il est toujours plus aisé de traiter un cancer au début. Aux stades plus avancés, on essaye de rendre au patient son confort de vie avec des remèdes naturels, de diminuer les doses de morphine par exemple. » Jean-Claude Ratsimivony avait 4 ans quand son père a commencé à le former. Il s’est perfectionné ensuite auprès de guérisseurs aux quatre coins de Madagascar, puis à Aix-enProvence avec un doctorat en psychologie. Il détient aussi des diplômes en naturopathie et en homéopathie émanant notamment de l’institut Pierre-Schmidt (Suisse). Plusieurs médecins généralistes et hospitaliers de la Grande Île contactés par JA ne nient pas les bienfaits de la médecine traditionnelle malgache mais rappellent qu’elle ne remplace en aucun cas la médecine moderne.



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