CÔTE D’IVOIRE GON COULIBALYY : « Nous allons gagner la présidentielle » Interview exclusivve
NIGER État de choc
BELGIQUEAFRIQUE
Réunion de famille 8 pages
HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL NO 3075 DU 15 AU 21 DÉCEMBRE 2019
Édition Gabon
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Enfin la relance?
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France 3,80 € Algérie 290 DA Allemagne 4,80 € Autriche 4,80 € Belgique 3,80 € Canada 6,50 $ CAN Espagne 4,30 € Éthiopie 67 Br Grèce 4,80 € Guadeloupe 4,60 € Guyane 5,80 € Italie 4,30 € Luxembourg 4,80 € Maroc 25 DH Martinique 4,60 € Mayotte 4,60 € Norvège 48 NK Pays-Bas 5 € Portugal cont. 4,30 € RD Congo 5 $ US Réunion 4,60 € Royaume-Uni 3,60 £ Suisse 7 FS Tunisie 4 DT USA 6,90 $ US Zone CFA 2000 F CFA ISSN 1950-1285
Un an après son AVC, Ali Bongo Ondimba a fait le ménage dans son entourage, entièrement remanié son gouvernement, puis repris en main les rênes de l’exécutif, tandis que, lentement mais sûrement, la situation économique s’améliore. SPÉCIAL 38 PAGES
CERTAINS CHEFS SONT AU SOMMET DE LEUR ART À 9 000 MÈTRES
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GRAND FORMAT
GABON
BAUDOUIN MOUANDA POUR JA
Pour tout comprendre de l’évolution d’un pays
Retour à la normale Une situation politique enfin clarifiée et stabilisée. Une reprise économique timide mais bien réelle. Tout semble désormais réuni pour que le pays reparte sur de nouvelles bases.
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88 ENJEUX
En quête de la bonne formule
96 Exécutif
Georges Dougueli
Interview de Julien Nkoghe Bekale Premier ministre
GDougueli
105 Opposition
Question de confiance a notion de confiance renvoie à l’idée que l’on peut se fier à quelqu’un ou à quelque chose. Appliquée à la gouvernance d’un pays, elle se traduit par la foi dans les institutions et dans les hommes qui en sont les garants. La confiance est une valeur difficile à obtenir et très facile à perdre. Ses corollaires sont la prévisibilité, la fiabilité, l’assurance; ses antonymes, le doute, la défiance… Un pays qui doute perd confiance en lui et hypothèque son développement. Le Gabon a-t-il perdu la foi en ses hommes et en ses institutions? Et, s’il perd confiance en luimême, peut-il encore mériter celle de ses partenaires ? Si la réponse à ces questions n’est pas aisée, il faudrait être aveugle, en revanche, pour ne pas voir que le doute s’est insinué partout. Une partie des Gabonais s’interrogent sur la capacité du président de la République, qui se relève d’un AVC, à remplir convenablement sa fonction. Et ce alors qu’il a recouvré de manière spectaculaire l’essentiel de ses moyens physiques. On doute aussi, à raison, de la loyauté de ses proches collaborateurs. Les couloirs du palais bruissent encore de la chute de Brice Laccruche Alihanga, tombé de son piédestal, débarqué début novembre de la direction du cabinet président, pour se retrouver en prison après un intermède de quelques jours au gouvernement. Au minimum le président admet-il avoir été trahi par son éminence grise. On doute, enfin, de la capacité des nouvelles générations à faire mieux que leurs aînés tout en reprochant à ces derniers de n’avoir pas pu (ou su) faire de ce pays producteur de pétrole, de bois et de manganèse une puissance économique équivalente à celle d’un émirat du Golfe. En 2009, Ali Bongo Ondimba, quinqua mondialisé
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Le grand chantier
110 Entretien avec Guy Nzouba-Ndama Président du parti Les Démocrates
parlant anglais, est arrivé au pouvoir avec un discours aux accents ambitieux et optimistes. Un plan stratégique a été élaboré. Un lifting du personnel politique a fait monter aux affaires des dizaines de trentenaires et de quadragénaires sensibilisés aux défis de la transformation de l’économie et de l’émergence. On leur prêtait une approche plus respectueuse du bien public et de l’intérêt général. Voire. Treize d’entre eux ont été récemment arrêtés pour des malversations financières présumées. Les espoirs déçus de « l’or jeune » sapent une confiance déjà écornée. Quant aux « vieux », la plupart d’entre eux estiment avoir été humiliés, car jetés sans égards ni reconnaissance pour leurs services rendus à la nation. Il n’est pas de confiance sans respect de l’autre.
Signaux positifs
Par ailleurs, il faut de toute urgence restaurer la crédibilité des scrutins, depuis l’inscription sur la liste électorale jusqu’à la proclamation des résultats par la Cour constitutionnelle. Les longs mois de contestation du processus électoral qui ont suivi la présidentielle de 2016 ont ébranlé l’édifice. Le dialogue d’Angondjé, de mars à mai 2017, a amorcé un début de solution, même si, faute de confiance, là encore, une partie de l’opposition a refusé d’y participer. Il faut également envoyer des signaux positifs montrant que l’État achève les projets qu’il a commencés. Moins de chantiers abandonnés, moins de projets en friche, moins de vœux pieux. Plus de considération à l’égard du secteur privé, en particulier des PME, proches de l’asphyxie, auxquelles l’État doit montrer qu’il est un cocontractant fiable, et pas un mauvais payeur. Un pays en crise de confiance ne retrouvera pas l’optimisme qui mène au succès.
114 ÉCONOMIE
C’est (presque) reparti
118 Tribune
Jean Fidèle Otandault Ancien ministre des PPP et Thierry Déau PDG de Meridiam
124 Banque
Interview d’Henri-Claude Oyima PDG de BGFIBank
131 Hydrocarbures Relance pétrolière
135 Tribune
Mays Mouissi Analyste économique
136 Bois & stratégie
Entretien avec Lee White Ministre des Eaux, des Forêts, de la Mer et de l’Environnement
140 SOCIÉTÉ
Petits remèdes contre la vie chère
143 Aménagement
Baie des rois et business de bord de mer
146 Tourisme Parcs à la carte
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En quête de la bonne formule jeuneafrique no 3075 du 15 au 21 décembre 2019
Si les récents remaniements au sein du cabinet présidentiel et du gouvernement ont inquiété les uns et déconcerté les autres, ils ont aussi et surtout clarifié la situation au sommet de l’État: un an après son AVC, Ali Bongo Ondimba est bel et bien de retour aux commandes de l’exécutif et dicte le tempo. GEORGES DOUGUELI
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l est des records dont on pourrait se passer. En 2019, le gouvernement gabonais a été remanié à huit reprises. Le dernier réaménagement en date a eu lieu le 2 décembre, lorsque l’équipe dirigée par Julien Nkoghe Bekale (lire pp. 96-100) a été profondément revue et corrigée, moins d’un mois après un précédent remaniement, intervenu le 7 novembre. Et si l’on remonte à la présidentielle de 2016, la succession des entrées et des départs prend des allures de jeu de chaises musicales perpétuel, auquel le Palais du bord de mer aurait sans doute préféré ne pas s’habituer mais qui, selon les proches du chef de l’État, a été rendu nécessaire par la situation du pays. Sauf qu’il est de plus en plus compliqué de donner du sens à cette recomposition au long cours, tant elle secoue le pays, au point d’instiller le doute sur la solidité des institutions. Qui ne serait désorienté par ces incessants changements de personnes, ces redécoupages de portefeuilles et ces modifications de périmètre au sein de l’exécutif? Le plus récent de ces tours de manège est intervenu dans un contexte marqué par la reprise en main de la conduite des affaires publiques par le président, Ali Bongo Ondimba (ABO). Ce dernier avait été contraint de s’en éloigner à partir du 24 octobre 2018, après avoir été victime d’un accident vasculaire cérébral. L’indisponibilité temporaire du président avait alors déclenché une impitoyable guerre des clans, au grand dam du chef de l’État, qui, plus que jamais, devait pouvoir compter sur son cabinet et sur le gouvernement chapeautés respectivement par le directeur de cabinet, Brice Laccruche Alihanga (BLA), et par le Premier ministre, Emmanuel Issoze Ngondet, lequel sera remplacé à la primature, le 12 janvier, par Julien Nkoghe Bekale.
Crise existentielle
Le chef de l’État gabonais, le 11 novembre, au Palais du bord de mer, lors de la cérémonie de prestation de serment des nouveaux ministres.
Annonciateur de la victoire du clan de la présidence sur celui du gouvernement, le départ d’Issoze n’était que le début d’un règlement de comptes entre frères ennemis. Débarrassé de cette forte tête, le cabinet du président a pris l’ascendant sur la primature, d’autant que, propulsé chef du gouvernement en pleine tempête,
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Nkoghe Bekale n’avait pas encore pris ses marques. Se sont ensuivis des remaniements orchestrés de toute évidence par le Palais du bord de mer. L’un après l’autre, les poids lourds du gouvernement ont pris la porte. Exit les Étienne Massard, Régis Immongault, Ali Akbar Onanga Y’Obegue, etc. À leur place sont nommés de « jeunes » trentenaires et quadragénaires affiliés à l’Association des jeunes émergents volontaires (Ajev), qui prennent en main la direction de l’État, secteur par secteur. Pendant ce temps, le Parti démocratique gabonais (PDG) se mure dans un silence impuissant. « Qui dirige le Gabon? » s’est alors interrogée une partie de l’opposition, et, surtout, le collectif Appel à agir, qui réunit des personnalités majoritairement issues de la société civile (lirep.108). Alors qu’ABO se bat pour récupérer ses fonctions motrices, le système qu’il a bâti vacille sous les vents contraires d’une crise existentielle. Sonne alors l’heure du retour du roi. Le 3 novembre, le général Laccruche est « reversé » au gouvernement (lire ci-dessous). À la tête d’un ministère sans bureaux ni collaborateurs, il n’aura pas tenu longtemps sur ce toboggan spécialement aménagé pour amortir sa brutale défenestration du Palais du bord de mer. D’ailleurs, personne ne remarquera la disparition du fantomatique département ministériel lorsque, le 2 décembre, il sera limogé avant d’être arrêté, le lendemain, dans le cadre d’une vaste opération anticorruption qui a déjà vu la mise en détention de treize de ses
La nouvelle garde d’ABO MATHIEU OLIVIER
’exercice est périlleux. Voici un an, alors que nous discutions déjà, dans l’open space de la rédaction de Jeune Afrique, d’un article sur « les nouveaux hommes d’Ali Bongo Ondimba » (ABO), les incontournables du système s’appelaient encore Brice Laccruche Alihanga (BLA), le directeur de cabinet depuis août 2017 ; Arsène Emvahou, le fidèle aide de camp; Park Sang-chul, le « Monsieur Sécurité »; Frédéric Bongo, le patron des services spéciaux de la garde présidentielle et demi-frère d’ABO ; Liban Soleman, le coordonnateur du Bureau de coordination du Plan stratégique Gabon
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Noureddin BONGO VALENTIN Le gardien du temple Le 5 décembre, le fils aîné du chef de l’État et de la première dame, Sylvia Bongo Ondimba, a été nommé « coordinateur général des affaires présidentielles », poste spécialement créé pour lui. Il aura pour mission « d’assister le président de la République dans la conduite de toutes les affaires de l’État » et de veiller « à la stricte application de ses décisions ». Âgé de 28 ans, Noureddin Bongo Valentin avait pris récemment une place importante au Palais du bord de mer. Chargé par son père d’une mission de surveillance de l’ancien directeur de cabinet Brice Laccruche Alihanga, il recevait au palais présidentiel ceux qui se plaignaient de ce dernier. Formé à Londres, au collège d’Eton, puis à l’École des études orientales et africaines (SOAS) et à la London Business School, il a travaillé, à partir de 2014 et jusqu’en décembre 2018, au sein d’Olam Gabon, où il faisait figure de bras droit de Gagan Gupta. Il y a notamment géré le projet du port minéralier d’Owendo. Noureddin Bongo Valentin est également le patron d’une société d’investissement basée à Londres, Shanah Investments Ltd. DR
Tensions apaisées
proches. « Le président est de retour! exulte un ministre qui jure n’avoir jamais fait allégeance à “Brice”. On va pouvoir avancer et travailler de nouveau pour les Gabonais. » Il va sans dire que pendant cette séquence peu glorieuse le pays a fait du surplace. Certains en arrivent même à redouter le pire eu égard aux soupçons de détournements massifs de deniers publics dont se seraient rendues coupables les personnes arrêtées. On note cependant que, même si elle est encore fragile, la croissance économique reprend de la vigueur (lire pp. 114-117). Et que le pays bénéficie par ailleurs du satisfecit et de l’appui budgétaire des partenaires multilatéraux, notamment dans le cadre du programme avec le FMI. Ces appuis aident à juguler le déficit budgétaire. Libreville espère même être en excédent l’année prochaine. Sur le plan diplomatique, le Gabon renoue des relations avec l’Union européenne, lesquelles s’étaient distendues à la suite de l’élection présidentielle de 2016, les eurodéputés ayant estimé que le scrutin avait manqué « de transparence ». Le temps ayant apaisé les tensions, les deux parties ont repris le dialogue sur les droits humains, les libertés fondamentales et les élections. Sur le plan bilatéral, les relations avec la France se sont elles aussi améliorées (lire p. 120-122). Même le groupe bancaire BNP Paribas, qui avait un temps envisagé de quitter le Gabon en se désengageant de la Bicig, a finalement décidé de rester. Au-delà des entreprises de l’Hexagone, le fait que la situation au sommet de l’État se clarifie devrait redonner confiance aux investisseurs étrangers. Pourra-t-elle la redonner au Gabonais?
M.O.
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émergent; Emmanuel Issoze Ngondet, le Premier ministre… Douze mois plus tard, remaniements et évictions ont fait leur office. Aucun n’a conservé sa place. Mutés – ou parti à la retraite pour « Monsieur Park » –, ils ne font plus partie du premier cercle du président.
Théophile OGANDAGA Le dircab Docteur en physique des particules, après une carrière d’ingénieur chez Shell (1988-2004), puis de conseiller au ministère du Pétrole (2004-2010), Théophile Ogandaga, 59 ans, par ailleurs beau-frère de Christian Nkero Capito (ex-conseiller de l’ancien ministre Magloire Ngambia), est un technocrate et un pilier de la galaxie Olam, qu’il a rejoint en 2010. Jusqu’à sa nomination au Palais du bord de mer le 7 novembre, il était le bras droit de Gagan Gupta en tant que directeur général adjoint d’Olam Gabon – poste auquel il a succédé à Noureddin Bongo Valentin en décembre 2018. Il dirigeait surtout Gabon Special Economic Zone (GSEZ), coentreprise entre
Opération Scorpion
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Jessye Ella EKOGHA La nouvelle voix du Palais
DR
Depuis janvier 2019, en lieu et place d’Issoze Ngondet (aujourd’hui « simple » député), Julien Nkoghe Bekale (lire pp. 96-100) s’est peu à peu affirmé à la tête d’un gouvernement où Lee White (lire pp. 136-138) fait désormais figure d’homme de confiance du chef de l’État dans le domaine des forêts et de l’environnement, qu’ABO affectionne tout particulièrement. Il a d’ailleurs récupéré dans son portefeuille la question des Objectifs de développement durable, brièvement confiés à Brice Laccruche Alihanga. Évincé de la direction du cabinet présidentiel et nommé ministre chargé du Suivi de la stratégie des investissements humains et des objectifs de développement durable le 7 novembre, le fondateur de l’Association des jeunes émergents volontaires (Ajev) a finalement été limogé le 2 décembre, lors d’un énième remaniement. Il a été interpellé dès le lendemain matin dans le cadre de l’opération anticorruption Scorpion, qui a déjà visé de nombreuses personnes de son entourage ces dernières semaines. D’autres ministres proches de l’Ajev ont également été débarqués du gouvernement ce 2 décembre, dont Noël Mboumba (qui dirigeait le portefeuille du Pétrole), Tony Ondo Mba (Énergie) et Roger Owono Mba (Économie et Finances). À la présidence, le fils aîné du chef de l’État, Noureddin Bongo Valentin, qui, sans avoir de fonction officielle, jouait un rôle de vigie depuis des mois, a été nommé coordinateur général des affaires présidentielles lors du Conseil des ministres du 5 décembre. Un poste et des prérogatives qui le font apparaître comme le numéro deux du Palais. Au sein du cabinet, c’est Théophile Ogandaga, un technocrate proche de Noureddin Bongo, qui remplace BLA. D’autres ont conservé leurs positions, comme le secrétaire général, Jean-Yves Teale, et le lieutenant-colonel Jean-Luc Amvame. Entre cercles familiaux et fidèles de la première heure, JA revient sur les incontournables du Palais du bord de mer.
Olam International, l’État et Africa Finance Corporation, qui gère la Zone économique spéciale de Nkok, le port minéralier et le port vraquier d’Owendo, et l’aéro port Léon-Mba de Libreville. Théophile Ogandaga a d’ailleurs gardé une proximité avec le fils du président, qui a été nommé coordinateur général des affaires présidentielles le 5 décembre et apparaît désormais comme le principal collaborateur du chef de l’État. En outre, le nouveau dircab a comme adjoint un autre proche de Noureddin Bongo, Mohamed Ali Saliou, le fils de l’imam de Libreville, nommé trois semaines avant lui au sein du cabinet présidentiel.
Le 7 novembre, il a été nommé conseiller politique du chef de l’État, en même temps que Théophile Ogandaga était propulsé à la tête du cabinet du président. Puis, le 5 décembre, il a officiellement pris ses fonctions de porte-parole de la présidence à la place d’Ike Ngouoni Aila Oyouomi, détenu dans le cadre de l’opération Scorpion. Né en 1987, Jessye Ella Ekogha fréquente le Palais du bord de mer depuis au moins trois ans. Après des études en France – à l’université de Tours, à l’école de commerce Inseec, puis à l’École spéciale militaire de SaintCyr –, il rentre au Gabon en 2013 et intègre la cellule communication d’ABO par l’intermédiaire du géant britannique du secteur WPP, dont il était salarié. En 2018, il rejoint la Fondation Sylvia Bongo Ondimba en tant que directeur de la communication. Le nom d’Ella Ekogha est loin d’être inconnu : le père de Jessye n’était autre que le conseiller du président de la République et ancien chef d’état-major général des Forces armées, Jean-Claude Ella Ekogha, décédé en 2015. M.O.
COMMUNIQUÉ
« La proximité avec nos différents segments de clientèle est au cœur de notre stratégie de développement développement. » Un entretien avec Rose Mivedor, directrice générale d’Orabank Gabon
Cette année a été dynamique sur l’ensemble de nos marchés. Dans le segment corporate, nous avons renforcé notre présence dans les secteurs du commerce général, de l’industrie manufacturière et du bois. Les secteurs associés à la grande distribution et aux télécommunications ont enregistré la même croissance, aussi bien grâce à la captation de nouveaux clients que par le développement du volume des transactions avec nos clients historiques. Sur le segment institutionnel, des partenariats solides ont été établis avec des institutions de microfinance pour contribuer à l'inclusion financière de toutes les classes sociales. Pour atteindre ces résultats, nous nous sommes appuyés sur une offre de produits innovants et sur mesure, notamment en matière de cash management. Nous avons fourni des solutions de collecte de fonds sur l’ensemble du territoire, particulièrement dans les zones enclavées et non bancarisées à nos clients. Enfin, la proximité avec nos clients, un des facteurs clé de succès de notre marque, s’est manifestée par l’organisation d’opportunités de rencontre tout au long de l'année : sessions de formation sur la nouvelle réglementation des échanges, forum sur le financement des primo-entrepreneurs dans le secteur agricole avec la FAO, promotion de l’entreprenariat avec « Junior Achievement » Gabon et une rencontre débat avec la clientèle chinoise.
QU’EN EST-IL DE LA CLIENTÈLE DES PARTICULIERS ? C’est celle qui a enregistré la plus forte croissance de notre activité. En effet, les agences d’Angondje et de Nzeng Ayong, le cash point
de Tobia à Port-Gentil et le nouveau siège ont joué pleinement leur rôle en fournissant des services bancaires de proximité aux populations. Une campagne innovante de « street marketing » a permis de rendre accessible à tous l’ouverture d’un compte bancaire.
QUELLES SONT LES PERSPECTIVES POUR L’ANNÉE PROCHAINE ? Pour 2020, l’objectif est de consolider et d’accélérer les changements impulsés auprès de l’ensemble de la clientèle en termes de qualité de service, de proximité et de services bancaires sur mesure. Nous comptons y parvenir par la création d’une « proximité client » plus marquée auprès des grandes entreprises à travers la multiplication d’évènements. Pour les particuliers, les perspectives portent sur l’extension du réseau d’agences et des guichets automatiques de banque (GAB). L’augmentation de notre parc de terminaux de paiement électronique (TPE) participe également à cette dynamique. La digitalisation étant un facteur clé dans notre offre de service, la population gabonaise bénéficiera bientôt du produit digital « KEAZ » qui sera déployé au Gabon au premier trimestre de 2020, afin de faciliter les opérations multicanaux pour les clients (corporate, professionnels et particuliers). Les PME, tous secteurs confondus, seront également au centre de nos préoccupations grâce à la mise en œuvre de programmes de financement structurés, organisés autour de l’agrégateur que seront nos clients corporate. Nous sommes convaincus que c’est auprès de ces opérateurs qu’il est possible de bâtir une économie inclusive, créatrice de valeurs et de favoriser l’émergence de nouveaux gisements d’emplois.
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QUELLE A ÉTÉ L’ÉVOLUTION DE VOTRE ACTIVITÉ EN 2019 ?
COMMUNIQUÉ
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En 2015, le dernier recensement faisait état de 345 468 citoyens en manque de logements, avec un besoin national en logements estimé à 225 000 unités. Riche d’un patrimoine foncier estimé à 640 hectares, situés à Angondjé, Essassa, Mindoubé, en zone aéroportuaire ou en bordure de l’estuaire du Komo, la CDC contribue chaque jour à la résorption de ce déficit global de logements. Grâce à sa filiale spécialisée, Avorbam Investissements, 420 unités de logements ont déjà été construits : les résidences Bougainvilliers, avec 220 appartements et Magnolia avec 173 villas plain-pied et 27 appartements, ont vu le jour. Ce projet a été réalisé au nord de la commune d’Akanda, au quartier Avorbam, dans une zone en forte expansion urbanistique. Des apparte-
www.cdc-gabon.ga
ments de 150 m2 ou 90 m2 et maisons avec jarde e 167 m2 habitab din d bles ont été construits en niques cla assiques techn s : ossature béton et revêents de sols en carrelages e c teme vitrifiés, murs tus au mortier ortier, etc. Magnolia est désorrevêtus mais une zone résidentielle de référence, avec des espaces communautaires, des commerces, des écoles, et des espaces de jeux pour enfants. Enfin, soucieux de marquer son adhésion aux principes environnementaux, Avorbam Investissements, équipe ses complexes résidentiels avec des technologies d’éclairage à énergie solaire ou mixte (solaire-électricité). Toujours dans la perspective de répondre aux besoins de logements, la CDC envisage, la construction d’autres programmes immobiliers sur 16 hectares au quartier Mindoubé au sud de Libreville. Ainsi, fort de cette expertise, la Caisse des Dépôts et Consignations s’engage pour le bienêtre des Gabonais.
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DIFCOM © CDC
Être une nation moderne, c’est garantir un toit digne pour tout le monde. Main dans la main avec l’État gabonais, la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC), créée en 2011, s’y engage chaque jour. En effet, elle accompagne la mise en œuvre du Plan Stratégique Gabon Émergent (PSGE), avec l’objectif principal d’investir massivement dans le domaine du logement résidentiel et commercial.
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Grand format GABON ENJEUX
Jean-Yves TEALE Le « SG » diplomate
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Ce diplomate de formation tient toujours les rênes du palais présidentiel, dont il est le secrétaire général depuis février 2018, en remplacement de Guy Rossatanga-Rignault – qui avait alors été nommé ministre de la Pêche, de la Mer et de la Sécurité maritime. Jean-Yves Teale travaille depuis plus de quinze ans auprès d’Ali Bongo Ondimba, dont il fut le conseiller diplomatique lorsque celui-ci dirigeait, sous la présidence d’Omar Bongo Ondimba, le ministère de la Défense. ABO devenu chef de l’État, Teale avait conservé sa fonction de conseiller au Palais du bord de mer en 2009. Discret, il fut l’un des représentants du clan dit des « experts », dont Rossatanga-Rignault a un temps fait partie du côté des juristes. Originaire de la province de l’Estuaire, le « SG » distille toujours ses conseils sur la diplomatie du Gabon et sur l’action du président. M.O.
Cyriaque ANDJOUA L’expert en sécurité
Jean-Luc NDONG AMVAME L’aide de camp
Avec le lieutenant-colonel Ndong Amvame, Cyriaque Andjoua est l’autre « Monsieur Sécurité » du chef de l’État, dont il est le cousin germain. Son père, Fidèle Andjoua, frère de feu Omar Bongo Ondimba, est considéré comme le patriarche de la famille Bongo (au sens large). À ce titre, le père et son fils conservent une influence non négligeable sur les élites du Haut-Ogooué, fief d’Ali Bongo Ondimba. Au Palais du bord de mer, où il était auparavant chargé de mission du chef de l’État, Cyriaque Andjoua, désormais « conseiller spécial » du président, a en quelque sorte succédé au SudCoréen Park Sang-chul, « Monsieur Park » ayant été admis à faire valoir ses droits à la retraite en février de cette année. Cyriaque Andjoua continue de travailler au quotidien avec les fils de son prédécesseur, Jin Hyoung Park et Kon Hyoung Park, qui sont tous deux conseillers du président.
Le lieutenant- colonel Amvame est l’un des rescapés de l’agitation post-AVC qui a secoué les cercles présidentiels. Fragilisé lors de la convalescence d’Ali Bongo Ondimba – qu’il n’a cependant pas quitté lorsque ce dernier était en Arabie saoudite et au Maroc –, Jean-Luc Amvame a su conserver son poste. Son confrère, le colonel Arsène Emvahou, a en revanche été muté en juillet de cette année au poste d’attaché de défense, à Bruxelles. Officier de la Garde républicaine, que dirige Grégoire Kouna, Jean-Luc Ndong Amvame gère la sécurité rapprochée du chef de l’État. Proche du Sud-Coréen Park Sang-chul, qui, jusqu’à sa retraite, en
février 2019, veillait sur ABO, Amvame travaille toujours en étroite collaboration avec Macaire Ngouoni, l’autre aide de camp du président.
GEERT VANDEN WIJNGAERT/AP/SIPA
M.O.
M.O.
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Grand format GABON ENJEUX
EXÉCUTIF
Julien Nkoghe Bekale
Premier ministre
« Le chef de l’État a remis de l’ordre partout où il a constaté des dérives » Propos recueillis à Libreville par ROMAIN GRAS
iplomate et prudent, Julien Nkoghe Bekale reçoit JA seul dans son bureau de la primature. Pas de conseiller ni de chargé de communication pour l’entourer, mais la parole reste calibrée, pragmatique, concise, et le choix des mots est minutieux. Si l’atmosphère se veut décontractée, le climat n’en est pas moins tendu. En onze mois à la tête du gouvernement, le Premier ministre gabonais a assisté à plus de remaniements ministériels que l’ensemble de ses prédécesseurs depuis le début du premier mandat d’Ali Bongo Ondimba, en octobre 2009. Derniers réaménagements en date, celui 7 novembre, marqué par le départ de la présidence du puissant directeur de cabinet Brice Laccruche Alihanga et son intégration au sein du gouvernement, puis celui 2 décembre, où ce dernier a finalement été limogé, ainsi que plusieurs ministres proches de son mouvement (lire pp. 88-92). Baron du Parti démocratique gabonais (PDG) originaire de Ntoum (Estuaire), ancien ministre du Pétrole, mais aussi du Transport et de l’Équipement, de l’Agriculture ou encore du Travail et des PME, depuis sa nomination à la primature le 12 janvier 2019 à tout juste 57 ans, le chef du gouvernement défend les réformes menées depuis le début de la convalescence du président Ali Bongo Ondimba, ainsi que l’unité de son équipe, malgré les nombreux bouleversements opérés au sein de l’exécutif.
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LORSQUE J’AI PRIS MES FONCTIONS, J’AI ANNONCÉ QUE J’ÉVALUERAIS LES MINISTRES. SI VOUS NE SUIVEZ PAS, ON VOUS MET À L’ÉCART. 96
Jeune Afrique : Perçu comme un personnage de premier plan depuis 2017, Brice Laccruche Alihanga a été évincé du cabinet de la présidence, puis limogé du gouvernement au sein duquel il venait d’être nommé. Qu’est-ce qui justifie un tel changement ?
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Julien Nkoghe Bekale : Le président de la République, qui, seul, apprécie ses collaborateurs, juge aussi de leur loyauté. Certains disent qu’il avait acquis une place inhabituelle pour un directeur de cabinet. N’y avait-il pas quelque chose d’atypique à le voir mener une tournée républicaine en lieu et place d’un chef de gouvernement ?
Atypique, certainement. Mais, à cette période, Brice Laccruche Alihanga cumulait la fonction de directeur de cabinet du président de la République avec celle de directeur du cabinet politique du président du PDG. Avait-il reçu l’autorisation du chef de l’État pour mener cette tournée? Je n’en sais rien. Certains m’ont reproché d’avoir laissé faire. Je ne peux empêcher les initiatives d’un directeur de cabinet du président de la République. À chacun son rôle. Je suis resté dans le mien. Notre Constitution est claire: son article 8 dispose que le président de la République est le détenteur suprême du pouvoir exécutif. Le Premier ministre, lui, conduit la politique de la nation et dirige l’action du gouvernement, sous l’autorité du président de la République. Les remaniements du 7 novembre et du 2 décembre sont les derniers en date d’une longue série… Pourquoi tant d’instabilité?
Être membre du gouvernement n’est pas un métier, c’est une mission. Aujourd’hui, vous ne pouvez pas penser que, parce que vous êtes au gouvernement, vous y resterez cinq ans, ou dix ans, ou plus. C’est l’efficacité et la compétence qui priment. Lorsque j’ai pris mes fonctions à la primature, j’ai annoncé que j’évaluerais les ministres. Ce faisant, on constate qui avance et qui n’avance pas. Si vous ne suivez pas, on vous met à l’écart. C’est la raison de ces remaniements. Le réaménagement d’octobre était quant à lui voué à donner plus de place aux
Permettez que je réponde que c’est faux. Il s’agissait d’ajustements qui s’imposaient. Alors que l’Assemblée nationale est très majoritairement acquise au PDG, le gouvernement compte plusieurs figures de l’Ajev (l’Association des jeunes émergents volontaires, mouvement créé au début de 2015 par Brice Laccruche Alihanga). Comment cette influence grandissante se gère-t-elle au sein du parti présidentiel ?
Le PDG reste le parti au pouvoir, rien ne change là-dessus. Il y a une forte percée de la jeunesse, plutôt que de l’Ajev. Le président s’était engagé à faire de ce septennat celui de la jeunesse. Un gouvernement qui ne prend pas en compte cette préoccupation, dans un pays où les jeunes représentent 65 % de la population, serait suicidaire. Ils sont présents à l’Assemblée nationale, au gouvernement et au sein des collectivités locales. Plus d’un an après son accident de santé, où en est l’état physique du président ?
FRANÇOIS ZIMA POUR JA
Dieu soit loué, le président a pleinement recouvré la santé, il se porte bien. Il récupère progressivement sa pleine capacité de travail.
femmes – c’est un reproche qui nous avait été fait de ne pas avoir assez de femmes au gouvernement. Celui du 10 juin était dû à l’engagement de réduire la taille du gouvernement, comme décidé dans les accords d’Angondjé ; il avait supprimé la question du genre, qui avait été incluse dans le portefeuille des Solidarités nationales. Mais avec le recul, nous avons conclu qu’il était nécessaire d’avoir un portefeuille chargé exclusivement de la question des femmes. Est-ce à dire que les précédents ministres ont failli ?
Certains oui. D’autres ont été remplacés pour cause de contingences politiques.
On a beaucoup entendu dire que ces changements étaient le fruit de règlements de compte internes…
Alors pourquoi n’est-il pas plus visible, ne s’exprime-t-il pas plus souvent et ne se déplace-t-il pas, comme à la fin d’octobre lors du sommet Russie-Afrique de Sotchi, où vous l’avez représenté ?
Pendant son premier septennat, on a reproché au président Ali Bongo Ondimba son hyperactivité. Il a décidé, au cours de ce deuxième mandat, de laisser chacun assumer ses responsabilités. Donc il se met volontairement en retrait, mais il suit de très près l’action du gouvernement. Et il n’hésitera pas à sanctionner s’il n’est pas satisfait. Au quotidien, il y a néanmoins des impératifs et des arbitrages qu’un président doit assurer. Quel impact la convalescence du chef de l’État a-t-elle eu sur le fonctionnement de votre gouvernement ?
Forcément, à un moment donné, son état de santé a eu un impact. Le chef de l’État est un chef d’orchestre. Dans un premier temps, on a bien sûr été surpris, parce qu’on a toujours besoin que ce leader
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STEVE JORDAN / AFP
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À Libreville, à la fin d’août. Sensibilisation d’étudiants au maraîchage et au potentiel des filières agricoles.
soit à côté pour vous guider et vous orienter. Mais le gouvernement a fonctionné à plein régime malgré son absence momentanée. De plus, le Parlement a continué de jouer son rôle, et les institutions judiciaires le leur. L’État a fonctionné normalement, et cela se voit. L’opposition a longtemps demandé qu’il soit procédé à un examen médical du président de la République. N’y avait-il pas motif à se montrer transparent ?
Il n’y avait aucune raison de déclarer la vacance du pouvoir. Nous avons été clairs là-dessus : il n’y a pas et il n’y aura pas de vacance du pouvoir. C’est la réponse que le gouvernement a donnée à Appel à Agir [lire p. 108], et le temps lui a donné raison: le président a repris les rênes du pays et a remis de l’ordre partout où il a constaté des dérives.
Les conclusions du FMI, dans le rapport qu’il a publié en octobre après sa mission à Libreville (lire pp. 114-117), montrent que la pression reste forte en matière de réformes…
Le FMI est satisfait des efforts fournis par le gouvernement depuis deux ans. Il nous invite à poursuivre ces efforts, mais constate que nous sommes déjà allés très loin par rapport à ce qu’ils attendaient. Il y a encore des aspects sur lesquels le Fonds souhaite que nous mettions l’accent, notamment concernant l’apurement de la dette intérieure, mais aussi la question de l’aval pétrolier et l’amélioration du climat des affaires. Là aussi nous sommes sur la bonne voie, la dernière revue a été un satisfecit. Bien sûr, le FMI ne nous a pas donné un chèque en blanc. Il veut toujours que l’on aille plus loin.
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Le Fonds plaide surtout pour « une croissance plus inclusive ». Quelles sont les pistes pour faire en sorte que la croissance profite plus largement, et mieux, aux Gabonais ?
Le FMI nous demande de faire des économies pour financer les dépenses sociales ; nous sommes en train de faire ces économies en essayant de réduire la masse salariale. Il souhaite également que nous réexaminions la question des subventions à la Sogara [Société gabonaise de raffinage] ; nous sommes en train d’analyser cette situation afin de réaffecter les économies qui pourraient être dégagées aux dépenses sociales.
Les prévisions de croissance du PIB ont été revues à la hausse par le FMI, à 3,4 % pour 2019 (voir « Repères » p. 117). L’objectif est-il atteint ?
Nous sommes sur la bonne voie, mais restons prudents. En plus du Plan de relance de l’économie [PRE], que nous avons poursuivi, nous avons également un plan de retour à l’équilibre budgétaire. Nous sommes convaincus que l’on pourra terminer l’année avec une croissance comprise entre 3,5 % et 4 %.
En revanche, le Gabon stagne toujours à la 169e place dans le classement « Doing Business » 2020 de la Banque mondiale. Comment convaincre les investisseurs ?
Il y a un paradoxe. La Banque mondiale nous demande de tout mettre en œuvre pour améliorer le climat des affaires, simplifier des procédures, tout cela est très bien. Pour sa part, le FMI nous dit qu’il faut arrêter les exonérations fiscales, qu’il faut prendre telle ou telle mesure pour
NOUS AVONS ÉTÉ CLAIRS : IL N’Y A PAS ET IL N’Y AURA PAS DE VACANCE DU POUVOIR.
COMMUNIQUÉ
Une politique RSE responsable L’EXEMPLE GABONAIS
Le volet environnemental est au cœur de notre vision. Notre démarche a d’abord consisté à mettre en place une politique « Zéro Déchet » sur nos différents sites de production. Cela s’est traduit par des investissements massifs en équipements, à la pointe de la technologie, pour améliorer la qualité des produits tout en permettant des économies d’énergie.
ENGAGEMENT ENVIRONNEMENTAL La structuration de nos actions sociétales a constitué un objectif, afin de donner plus d’envergure et d’efficacité aux initiatives que nous prenons ou que nous accompagnons. Nous capitalisons ainsi notre leadership pour fédérer les actions environnementales axées sur la lutte contre la pollution plastique. Nous pouvons citer le projet « Plages propres », renouvelé cette année : plus de 1 000 volontaires ont accompagné
les agents de la SOBRAGA dans le nettoyage des plages de Libreville. Nous citerons également la mini-entreprise « Recyclage & Collecte », spécialisée dans la collecte des déchets plastiques, à laquelle nous apportons depuis 2014 un soutien en termes de conseil, logistique et communication. Nous soutenons aussi les ONG, comme le RGEDD, qui met en place, de manière bimestrielle, des actions de nettoyage sur le littoral. Enfin, en mai dernier, nous avons signé un partenariat avec l’entreprise Namé Recycling, spécialisée dans le traitement des déchets plastiques.
La SOBRAGA participe ainsi à la création d’une économie circulaire autour du déchet plastique, ce qui contribue à l’amélioration de notre cadre de vie à tous.
CONSCIENCE SOCIÉTALE Le deuxième axe prioritaire est la lutte contre la consommation abusive d’alcool. Nous souffrons d’une image restrictive, associant la marque SOBRAGA avec la consommation d’alcool. Or, précisons que la production de bière ne représente qu’un tiers de notre activité. De plus, bien qu’alcoolisée, la bière l’est beaucoup moins, en comparaison avec d’autres spiritueux en vente libre.
ENGAGÉE POUR LA SÉCURITÉ ROUTIÉRE E En tant que brasseurs, nous sommes évidemment très concernés par ce sujet et voulons jouer notre partition, en assurant la promotion de la consommation responsable à trois niveaux : acheter au bon prix, consommer modérément et ne pas jeter les emballage n’importe où. Depuis plusieurs années déjà, nous diffusons de très nombreux messages afin de conseiller nos consommateurs de boire avec modération, et dans le respect de l’environnement. Nous avons initié plusieurs campagnes de sensibilisation sur les réseaux sociaux, sur le terrain et en interne. Ainsi, des formations à la conduite préventive sont réalisées pour nos collaborateurs motorisés et des vignettes de sensibilisation sur les risques liés à l’alcool au volant sont apposées sur l’ensemble des véhicules de notre flotte. La consommation responsable est donc un point primordial pour la SOBRAGA. Nous ne ménagerons aucun effort pour y apporter des solutions et contribuer ainsi à l’amélioration de la santé publique et à la sécurité routière
PRIX RSE Ces engagements et d’autres nous ont valu le prix RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) du Groupe CASTEL pour la seconde fois, couronnant ainsi notre implication constante et novatrice, depuis plusieurs années. Cette distinction nous encourage à maintenir le cap de notre politique RSE tout en l’inscrivant dans un processus d’amélioration continue.
BP487 Z.I. Owendo, Libreville, Gabon - Tél. : (+241) 11 70 19 79
JAMG - PHOTOS : D.R.
La notion de responsabilité a toujours été au cœur de l’« ADN » managérial de la SOBRAGA. Notre société a le souci de répondre aux attentes du consommateur, de préservernotre environnement, de soutenirles communautés et d’accompagner le talent nos collaborateurs.
sobraga.net
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situation. C’est l’une des principales solutions pour maîtriser cette inflation.
répondre à telle ou telle exigence. Or, quand les investisseurs arrivent, la première chose qu’ils demandent, ce sont des baisses de taxes, des exonérations… Il faudrait que la communauté financière internationale sache ce qu’elle veut.
C’était l’un des objectifs de Graine (le programme « Gabonaise des réalisations agricoles et des initiatives des nationaux engagés », lancé à la fin de 2014 par l’État en partenariat avec le groupe Olam International, dont la première phase s’achève en 2019). Or son bilan semble mitigé…
Qu’est-il advenu du Plan stratégique Gabon émergent (PSGE) ? Longtemps considéré comme un programme phare par la présidence, il semble marquer le pas depuis le départ de son coordinateur (Liban Soleman, lire pp. 90-92) ?
Le programme Graine a pris du retard à l’allumage. Ce programme entre dans le cadre de la diversification de notre économie. À l’épreuve des faits et de la réalité du terrain, le gouvernement a décidé de revoir sa stratégie de mise en œuvre, avec l’appui de la BAD [Banque africaine de développement], qui finance le projet d’appui au programme Graine dans sa phase 1 pour un montant d’environ 65 milliards de F CFA [99 millions d’euros], notamment en mettant en place les infrastructures indispensables, ainsi qu’un Fonds de développement du secteur agricole.
Le PSGE est toujours d’actualité. C’est le bureau de coordination du Plan qui a été dissous. Le reste de la structure a été déplacé de la présidence à la Primature. Le PSGE est actuellement sous la juridiction des services du Premier ministre. Bien sûr, face aux évolutions diverses et variées, et en fonction du contexte économique, il nécessite quelques ajustements. Le code des hydrocarbures (lire p. 132) a été revu notamment pour attirer les investisseurs, mais cela ne risque-t-il pas de fragiliser les recettes du pays ?
Le secteur pétrolier nécessite des investissements lourds et des financements sur le long terme. Et quel est l’intérêt pour un pays de disposer de ressources minières et pétrolières s’il ne peut les valoriser, notamment sur le plan financier ? Aussi, les pays pétroliers sont confrontés à un dilemme. D’un côté, on les incite à créer un environnement réglementaire et fiscal attrayant pour faire venir les investisseurs et, de l’autre, on leur reproche d’accorder trop d’exonérations fiscales. Alors, entre deux maux, il faut choisir le moindre. Le Gabon a choisi d’élaborer un nouveau code pétrolier pour mettre en valeur son bassin sédimentaire. L’inflation a presque doublé de 2017 à 2018, et a atteint une moyenne de 4,8 % l’an dernier. Comment aider les ménages (lire pp. 140-142) ?
Tout dépend du mode de calcul de cette inflation. Aujourd’hui, elle est sous contrôle. Certes, le panier de la ménagère continue de souffrir, mais c’est parce que nous ne produisons pas encore assez et que nous continuons de trop importer. Nous entendons donc mettre l’accent sur l’agriculture pour remédier à cette
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Enfin, il est un problème que déplorent depuis plus de dix ans les Gabonais : celui de la gestion des ordures à Libreville. Cherchez-vous un remplaçant à Averda, le groupe qui en était chargé depuis 2015 et dont le contrat arrive à échéance ?
LE PANIER DE LA MÉNAGÈRE SOUFFRE PARCE QUE NOUS NE PRODUISONS PAS ENCORE ASSEZ ET QUE NOUS CONTINUONS DE TROP IMPORTER.
La question des ordures ménagères est une réelle préoccupation pour le chef de l’État [qui vient de créer un HautCommissariat à l’environnement et au cadre de vie], et pour le gouvernement. Nous réfléchissons pour trouver une solution durable, mais cela passe aussi par l’éducation et la pédagogie auprès de la population. Ces dernières années, nous avons eu plusieurs partenaires qui, sur la durée, n’ont pas répondu aux attentes ni tenu leurs promesses – Sovog d’abord, puis Clean Africa, et ensuite Averda. L’État a toujours payé, même si c’est avec du retard parfois. C’est trop facile de dire que l’État n’a pas payé, alors que le service n’est pas satisfaisant, sur le moyen ou sur le long terme. Sovog nous avait dit qu’il allait mettre en place une société de traitement des ordures ménagères, il ne l’a pas fait. Clean Africa et Averda ont fait la même promesse, ils ne l’ont pas honorée. Alors nous cherchons d’autres solutions.
Un savoir-faire Une ambition
d’expérience à votre service
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Société Nationale Immobilière Gabon MESSAGE -I-
La Société Nationale Immobilière au service de la politique nationale du logement La Société Nationale Immobilière (SNI) est une société anonyme de droit gabonais d’intérêt national créée en 1976. Elle joue un rôle essentiel dans la stratégie de mise en œuvre de la politique nationale du logement en République Gabonaise.
Les missions de la SNI PRODUIRE Aménager
Construire
• Créer des lotissements • Viabiliser des terrains en zones urbaines et semi-urbaines • Restructurer les quartiers sous-intégrés
• Maîtrise d’ouvrage • Maîtrise d’ouvrage déléguée
GÉRER La Sécurité
Les produits
• Conseil et accompagnement des procédures administratives
• Vente de parcelles aménagées • Vente des logements finis ou évolutifs • Financement à long terme des acquisitions de logements par le biais de la location-vente • Location simple de biens
Facilitation de l’accès à la propriété : une ambition réaffirmée Avec plus de 85 % de la population vivant dans les principales villes du pays, le Gabon a connu au cours des 20 dernières années une urbanisation rapide. Libreville, la capitale, abrite à elle seule près de 47 % de la population occasionnant parfois des occupations anarchiques à grande échelle. Le domaine foncier de la Société Nationale Immobilière souvent pris d’assaut par des occupations irrégulières s’en trouve fortement affecté. Entre l’impérieuse nécessité de protéger ses réserves foncières pour le développement de projets immobiliers d’intérêt national et l’exigence d’une maitrise des occupations anarchiques, La société Nationale Immobilière a lancé en 2018 l’opération « Un titre foncier. Une garantie » Une opération de régularisation foncière visant ultimement à délivrer un titre foncier aux occupants irréguliers installés dans les réserves foncières de la SNI et détenteurs de cadres bâtis répondant aux critères établis par la SNI. Ce processus nouveaux, rompt avec le traditionnel bras de fer entre la société et les occupants irréguliers.
MESSAGE - II -
ENTRETIEN
Hermann Kamonomono
Directeur Général de la Société Nationale Immobilière (SNI) Pouvez-vous nous présenter brièvement la SNI et ses objectifs ? La Société Nationale Immobilière (SNI) est née en 1976 de la fusion intervenue entre l’Office National de l’Habitat et la Société Gabonaise d’Aménagement et d’Équipement Immobilier. Bras séculier de l’État dans la promotion du logement, ses missions principales sont l’aménagement de terrains pour la mise à disposition de parcelles constructibles avec titre foncier mais aussi la construction de logements économiques et sociaux.
3 808 logements et du programme des logements sociaux de Bikélé. Cette opération sera accompagnée de travaux d’aménagement complémentaire afin d’améliorer le cadre de vie des occupants. Dans le même élan et en vue de faciliter l’accès à la propriété, une opération de régularisation a lieu à l’intérieur de nos réserves foncières.
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Nous voulons faire décoller le secteur de l’habitat
Quel bilan tirez-vous de l’activité de la SNI à ce jour ? Depuis sa création jusqu’à ce jour la SNI a réalisé de nombreux programmes immobiliers à travers le pays avec à son actif plus de 6 000 logements construits. C’est donc un bilan globalement satisfaisant en dépit des manquements constatés ces dernières années notamment avec l’arrêt brusque des programmes immobiliers d’envergure pour de multiples raisons. Il y a quelques mois, le Président de la République, Chef de l’État, Son Excellence Ali Bongo Ondimba, a réaffirmé sa ferme volonté de faire décoller le secteur de l’habitat. A la SNI, cette volonté se matérialise par la relance des chantiers à l’arrêt et le lancement à venir de nouveaux programmes immobiliers. Quels sont les projets en cours de réalisation actuellement ?
Où en est le processus de rapprochement avec la SNLS ? Le processus de fusion entre la SNI et la SNLS connaîtra son épilogue à la mi-décembre avec la tenue des derniers conseils d’administration et assemblées générales des deux structures pour enfin entériner la fusion entre nos deux structures. C’est ici l’occasion pour nous de saluer l’accompagnement du gouvernement qui joue inlassablement le rôle de facilitateur dans cette démarche.
MESSAGE - III -
DIFCOM/DF - PHOTOS : © DR SAUF MENTION.
Nous venons d’achever le projet « Likouala Crossroads Apartments » qui est un lot de 4 immeubles et un duplex. Ce lot a eu un succès commercial en raison de la forte demande et nous avons repris depuis quelques temps les travaux du projet « Résidences les Parasoliers », qui est un ensemble de 22 immeubles idéalement situés dans la commune d’Akanda au Nord de Libreville. Nous avons aussi entrepris, entre autres, la cession en l’état des logements issus du programme
Une nouvelle impulsion : la relance des chantiers Bras séculier de l’État dans la promotion du logement, la Société Nationale Immobilière (SNI) a entrepris ces dernières années de nombreux programmes immobiliers sur l’ensemble du territoire gabonais. En raison de plusieurs facteurs, les travaux se sont arrêtés brusquement en mi 2016. Instruits, par les plus hautes autorités du pays, les nouveaux dirigeants de la société s’attèlent à redonner une seconde vie à ces ambitieux programmes. La décision de fusion-absorption de la Société Nationale du Logement Social par la Société Nationale Immobilière prise en Conseil des Ministres le 16 novembre 2018 fait de la SNI le principal véhicule de l’État chargé de mettre en marche la politique de logement et de l’habitat prônée par le Chef de l’État, Son Excellence, Ali BONGO ONDIMBA. Depuis 2018, la Société Nationale Immobilière s’attèle à poursuivre ses engagements par la relance progressive des chantiers.
Les chantiers en cours de la Société Nationale Immobilière LE LIKOUALA CROSSROADS APARTMENTS Relancé en Novembre 2018 et issu du lot programme 3 808 logements et constitué de 4 immeubles comprenant 56 appartements un duplex, les travaux de ce complexe se sont achevés en fin Novembre 2019. La livraison du chantier est prévue pour mi-Décembre 2019.
La projet « Likouala Crossroads Apartments » est un lot de 4 immeubles, sorti de terre.
LES RÉSIDENCES « LES PARASOLIERS » © GILDASPHOTODREAM
Situé au cœur de la commune d’Akanda, au nord de Libreville, ce programme immobilier de 22 immeubles propose aux populations un nouveau cadre de vie. Il s’agit d’un ensemble immobilier comprenant des espaces d’habitation avec des appartements modernes, fonctionnels et spacieux de 3 et 4 pièces mis à la disposition des potentiels acquéreurs en location simple et location-vente ainsi que des espaces commerciaux en plus des espaces de détente. Établis sur un site de 6 ha, la première phase de livraison est prévue pour le 3 e trimestre 2020. La « Résidence des Parasoliers » est un ensemble de 22 immeubles, au Nord de Libreville, en voie d’achèvement.
CESSIONS EN L’ÉTAT D’UNE PARTIE DU PROGRAMME
3 808 LOGEMENTS
Afin d’encourager l’accession à la propriété des réservataires initiaux du programme, la Société Nationale Immobilière a entrepris de céder en l’état une partie des logements issus du programme. La Société Nationale Immobilière a la responsabilité d’effectuer des aménagements complémentaires afin d’améliorer le cadre de vie sur ces sites. Les acquéreurs vont quant à eux effectuer les travaux complémentaires pour la finition des logements acquis en l’état. Il s’agit ici d’un partenariat gagnant-gagnant entre la société et ses clients.
MESSAGE - IV -
Grand format GABON ENJEUX
OPPOSITION
Le grand chantier
Ultra-minoritaires au sein de l’Assemblée et divisés sur la stratégie à adopter, les adversaires de la majorité sont en pleine reconstruction. ROMAIN GRAS, envoyé spécial à Libreville
emobilisée – à défaut d’être unie –, l’opposition gabo naise semblait déterminée, en octobre 2018, à prendre la revanche d’une présidentielle qu’elle estime toujours lui avoir été volée. Mais, une nouvelle fois, le Parti démocratique gabonais (PDG) et ses alliés avaient raflé la majorité des deux tiers au palais Léon-Mba, ne laissant aux trois principales formations d’opposition que moins de 20 sièges sur 143. Après les partielles d’août 2019, Les Démocrates (LD) comptent 10 élus, le Rassemblement Héritage et Modernité (RHM) 7 et l’Union nationale (UN) 1 seul. « Ces cinq années [jusqu’à la présidentielle de 2023] vont être une purge », lâchait un opposant à l’issue des législatives d’octobre 2018. Un an plus tard, la réorganisation se poursuit, et le chemin reste pavé d’embûches. WILS YANICK MANIENGUI / AFP YVAN G.PICTURES POUR JA V.FOURNIER/JA
R
De g. à d., Zacharie Myboto, Alexandre Barro-Chambrier et Jean Ping.
Le flou institutionnel qui a accompagné la maladie puis la convalescence d’Ali Bongo Ondimba a offert à l’opposition un espace inattendu pour tenter de se relancer, mais, là encore, les ténors ne sont pas parvenus à parler d’une seule voix. Guy Nzouba-Ndama (lire interview pp. 110-111) a fait le choix de rester en retrait pour se concentrer sur son propre parti, propulsé principale force d’opposition, et de lancer sa propre coalition. L’ancien président de l’Assemblée, déjà réticent à se ranger derrière Jean Ping en 2016 au détriment de ses propres ambitions, semble aujourd’hui s’inscrire dans une opposition plus prudente. Son absence avait été remarquée, le 10 avril, au domicile de son ancien allié, qui, ce jour-là, avait manifesté son soutien aux lycéens en grève. Devant un parterre de fidèles et sous le regard de Zacharie Myboto (UN) et d’Alexandre Barro-Chambrier (RHM), Ping avait aussi appelé à l’union de l’opposition.
Ligne radicale
Mais quel est aujourd’hui le poids de celui qui continue de se présenter comme étant le président élu ? Pour beaucoup d’anciens soutiens du candidat Ping, le chef de file de la Coalition pour la Nouvelle République (CNR) s’est trompé de stratégie lors des dernières législatives. Lorsque, pendant le premier semestre de 2018, l’opposition tergiversait pour savoir si elle devait ou non participer aux législatives, le silence de l’ex-président de la Commission de l’Union africaine avait été interprété comme « un feu orange » pour ceux qui souhaitaient se rendre aux urnes. « Ce n’est qu’en juin que l’on a compris qu’il penchait pour une non-participation. Derrière, il restait peu de temps aux
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autres pour préparer l’échéance », raconte Anges-Kevin Nzigou, membre du parti Pour le changement et d’Appel à agir (lire p. 108), collectif politico-citoyen qui a porté le combat judiciaire pour demander l’examen médical du chef de l’État. « Celui qui avait la légitimité de parler s’est tu pendant un long moment. Naturellement, ça donne l’impression d’une opposition impréparée, explique un cadre du RHM. Jean Ping n’a pas su trancher entre certains responsables de la CNR qui le poussaient à se relancer aux législatives, et son carré de fidèles, plus radicaux, qui privilégient aujourd’hui encore une ligne dure, en phase avec une certaine base et avec la diaspora. » La stratégie de Jean Ping reste la grande équation à l’heure actuelle dans l’opposition. Confronté à l’hémorragie de ses soutiens de 2016, l’ancien candidat a multiplié les meetings, les rencontres, et a progressivement durci son discours pendant la convalescence d’ABO, après avoir initialement appelé « les Gabonais de tous bords » au « rassemblement ». Toujours entouré d’un groupe de fidèles, parmi lesquels l’ancien Premier ministre Jean Eyeghe Ndong, le professeur JohnNambo, son « dircab », l’ex-ministre de l’Environnement Radegonde Djeno et l’ancien vice-président Didjob Divungi, Ping s’est positionné sur tous les fronts, dont celui, incontournable, de la vacance, pour laquelle il milite à chacune de ses interventions depuis plusieurs mois. Jusqu’alors fidèle à sa ligne radicale, il a néanmoins surpris en appelant au soutien des candidats CNR aux législatives partielles d’août, rompant avec le mot d’ordre du scrutin d’octobre 2018.
partielles à Mouila. Ses anciens alliés, s’ils n’ont pas renoncé à leurs ambitions, savent qu’il est préférable de ne pas marquer une rupture trop brutale. Preuve en est, les mêmes Zacharie Myboto et Alexandre Barro-Chambrier (ABC), qui, au lendemain du scrutin d’octobre 2018, critiquaient « l’égoïsme » de Ping, continuent d’échanger avec lui. Le patron du RHM a repris contact avec Ping au début de 2019. « Ils se voient personnellement environ tous les deux mois. Ils ne sont pas d’accord sur tout, notamment sur ce qu’impliquerait la reconnaissance de la vacance, qui, pour Ping, signifie la reconnaissance de sa victoire. Mais il y a une forme de loyauté », confie l’un des fidèles lieutenants d’ABC. « La dynamique que nous avons enclenchée en 2016 existe toujours. Si on commence tous à faire notre route dans notre coin, c’est regrettable », estime Alexandre Barro-Chambrier. « Il faut comprendre aussi que désapprouver Ping a toujours un coût, même trois ans après, et que cela implique de se discréditer auprès des électeurs qui lui sont restés fidèles. Ces mêmes électeurs qui ne sont pas allés voter aux législatives », nuance un membre d’Appel à agir.
CONFRONTÉ À L’HÉMORRAGIE DE SES SOUTIENS DE 2016, PING A PEU À PEU DURCI SON DISCOURS.
« Une forme de loyauté »
« Le problème, aujourd’hui, c’est qu’on ne voit pas où il veut en venir », s’agace un ancien lieutenant de Ping. « Attention, on ne fait rien dans ce pays sans Ping. Il a une légitimité très profonde au Gabon », tempère Serge Maurice Mabiala, l’un des piliers du RHM, qui a bénéficié du soutien de Ping pour remporter les législatives
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L’option de l’union
La route vers 2023 se fera-t-elle avec ou sans Jean Ping ? En attendant de se trouver un porte-voix, la logique de parti a repris le dessus. Le RHM, renommé Rassemblement pour la patrie et la modernité (RPM, nom qui attend toujours son homologation officielle) lors de son congrès, en avril, tente de se réorganiser avec dans sa ligne de mire le scrutin de 2023. Une échéance pour laquelle plusieurs cadres du parti prêtent à ABC une ambition. De son côté, l’UN prépare son congrès (prévu en 2020), qui doit permettre de désigner un successeur au patriarche Zacharie Myboto. À voir ensuite si, le moment venu, l’opposition choisira à nouveau l’option de l’union. Pour un député de l’opposition, ce ne sera pas si simple. « Personne n’acceptera cette fois de jouer les porteurs de valise… »
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erritoire recouvert d’une riche diversité naturelle, de zones forestières luxuriantes, le Gabon possède une hydrographie importante. L’Ogooué, le fleuve nourricier du pays traverse et délimite les régions du Sud au Nord jusqu’à Booué, et de l’Est à l’Ouest jusqu’à l’Océan Atlantique. Au XXe siècle, de telles prédispositions géographiques permirent le développement d’une voie ferrée. Ce fut chose faite, à partir du 30 décembre 1986, quand débuta ce que l’on appellera alors le « chantier du siècle ». La SETRAG (Société d’Exploitation du Transgabonais) est aujourd’hui l’un des moteurs historiques de l’essor économique et du désenclavement du Gabon. Filiale de COMILOG, société du groupe minier et métallurgique ERAMET, la SETRAG possède des missions
TROIS QUESTIONS À …
DIFCOM
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Vous avez pris la tête de la SETRAG le 17 septembre, dans un contexte marqué par l’accroissement du trafic ferroviaire. Quelles sont vos priorités ? Le programme de renouvellement des voies ferroviaires est le chantier-phare pour les trois années à venir. Nous sommes résolument engagés dans la transformation de notre outil de production et nous avons mis en place un ambitieux programme pour former les effectifs. En ce qui concerne les acquis sociaux, à mon arrivée, j’ai rencontré les partenaires sociaux et nous échangeons régulièrement sur des sujets d’intérêts communs.
COMMUNIQUÉ
SETRAG : une locomotive du développement économique du Gabon
s’articulant autour de la gestion de l’infrastructure ferroviaire et de la garantie de la circulation des trains. Devenir un réseau ferré de référence en Afrique, telle est aujourd’hui l’ambition de la SETRAG. Pour y parvenir, plusieurs actions sont mises en place : Réhabiliter des infrastructures Moderniser des systèmes d’exploitation Instaurer une politique de sécurité Offrir une capacité de transport optimale Investir dans le capital humain pour attirer les talents Jouer un rôle renforcé dans la politique environnementale du Gabon
LUIZ RENATO LOMBARDO TORRES, Directeur Général de la SETRAG
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La SETRAG s’est mieux investie dans la politique sociétale. Peut-on en savoir plus ? La SETRAG s’est résolument engagée à être une entreprise socialement responsable. En 2018, ce sont trois milliards de francs CFA qui ont été consacrés à l’éducation par la réhabilitation de transports scolaires et d’écoles. Un accent a été mis sur la santé avec des consultations gratuites offertes aux populations dans les huit unités de soins de l’entreprise d’Owendo à Franceville. Par ailleurs, un programme d’adduction d’eau et de connexion à l’électricité pour 700 familles gabonaises a été mené à son terme. La SETRAG a été primée cette année par l’Office National de l’Emploi au Gabon, en tant que deuxième entreprise contributive pour sa politique de recrutement des jeunes.
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Quelle est concrètement la contribution de la SETRAG à l’économie gabonaise ? En cinq ans, la SETRAG a assuré la mobilité de 1,3 million de voyageurs et 23 millions de tonnes de marchandises. La SETRAG est en phase avec ses missions régaliennes avec près de 1 200 salariés directs, dont 40 % sont repartis tout au long de la voie d’Owendo à Franceville. La SETRAG c’est aussi plus de 1 000 emplois indirects le long de ce linéaire. Depuis 2017, un vaste programme de remise à niveau des infrastructures de la voie (PRN) est financé par l’Etat gabonais et la SETRAG, avec le concours des bailleurs de fonds, pour un montant de plus de 200 milliards de francs CFA. Ce programme se poursuivra jusqu’en 2025.
Grand format GABON ENJEUX
Qui répondra à l’Appel ?
Une partie des membres du mouvement Appel à agir, avec leurs avocats et quelques soutiens, sur le perron du tribunal de Libreville, le 23 juillet.
DR
Cette année, le mouvement Appel à agir, composé de dix personnalités de l’opposition et de la société civile, a occupé le terrain en multipliant les recours judiciaires pour obtenir que le chef de l’État soit soumis à un examen médical. La genèse de ce mouvement, lancé le 28 février, n’est pas claire. Pour certains, tout est parti de l’échec de l’union de l’opposition aux législatives. Pour d’autres, ce sont « les prises de position court-termistes de certains leaders sur la vacance du pouvoir » qui ont fini par faire émerger le mouvement, dont le lancement était initialement prévu en décembre 2018. « Les chefs des partis d’opposition se sont dit que, si une présidentielle anticipée se tenait, il valait mieux rester discrets et ne pas se faire trop d’ennemis, trop tôt », explique un membre du mouvement. « C’est nous qui avons, les premiers, demandé que la vacance soit déclarée, rappelle quant à lui Alexandre B arro Chambrier. Ils nous ont ensuite emboîté le pas. »
Objet non identifié dans le paysage politique gabonais, Appel à agir divise au sein des partis d’opposition. « Le fonctionnement de certains d’entre eux est similaire à celui du PDG, ils ont une organisation verticale avec peu de concertation », fustige Anges Kevin Nzigou, membre du mouvement. « Chez certains leaders de parti, l’accueil a été glacial », explique Jean Gaspard Ntoutoume Ayi, à la fois cadre de l’Union nationale et d’Appel à agir. « On est conscients, aussi, que certains se servent de notre plateforme comme d’un tremplin pour leur carrière », reconnaît un autre membre d’Appel à agir.
Si le flou semble toujours entourer l’état de santé du président, l’avenir du mouvement paraît tout aussi incertain.
Feuilleton judiciaire
Un tribunal de première instance avait jugé la demande d’examen médical irrecevable au motif que seule la Cour constitutionnelle saisie par le gouvernement ou les deux chambres du Parlement pouvaient constater l’empêchement du chef de l’État à gouverner. Mais la présidente de la première cour d’appel de Libreville, Paulette Ayo Mba Akolly, a déclenché un court feuilleton judiciaire en acceptant d’entendre l’appel des dix
requérants. Les avocats du président gabonais ont alors saisi la Cour de cassation, qui a demandé à la magistrate de se dessaisir. Ce qu’elle a refusé de faire. Le 19 août, cette dernière a été suspendue, et, le 2 septembre, les juges de la cour d’appel ont donc renvoyé ce dossier devant la Cour de cassation… Lequel se trouve désormais devant la Cour constitutionnelle. Et certains membres d’Appel à agir estiment que le mouvement doit déjà se renouveler. « Il faut qu’on puisse continuer à mobiliser les gens avec un autre discours. Sinon on risque de faire nous-même s comme Jean Ping. » ROMAIN GRAS
PRIMA Services offre, depuis douze ans, des solutions de sécurité physique et électronique de pointe à des clients soucieux de normes de sécurité internationales : sociétés pétrolières, minières, ou évoluant dans des secteurs aussi divers que la banque, le BTP, le transport ferroviaire et la logistique, notamment.
Stabilisée pendant les années de crise, PRIMA Services a vu son chiffre d’affaires s’accroître ces deux dernières années ; en partie, en raison d’un engagement social responsable. Pour continuer sa progression, elle ambitionne de s’attaquer au marché régional avec le même leitmotiv : La sécurité est un sentiment… Il vaut mieux prévenir que guérir.
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Grand format GABON ENJEUX
Guy Nzouba-Ndama Président du parti Les Démocrates (LD)
« Soit on continue de pleurnicher, soit on avance! » Propos recueillis à Libreville par ROMAIN GRAS
rôle d’étiquette que celle de « première force d’opposition » pour un parti qui ne compte que 10 députés sur 143. Au lendemain de la gifle reçue par l’opposition aux législatives d’octobre 2018, Les Démocrates – qui ont fêté leur deuxième anniversaire en mars 2019 – sont apparus comme les rares rescapés du naufrage dans une Assemblée nationale encore largement acquise au Parti démocratique gabonais (PDG) et à ses alliés. Mais qu’importe, Nzouba-Ndama, lui-même défait lors du scrutin législatif, voit plus loin. Discret pendant la convalescence du président Ali Bongo Ondimba, son cheminement en cavalier seul lui vaut l’animosité d’une partie de ses partenaires de l’opposition, qui lui reprochent de ne pas avoir rompu avec ses anciens camarades du PDG. Santé du chef de l’État, échecs de l’union de l’opposition, ambitions présidentielles… Guy NzoubaNdama a reçu JA dans son QG du Bas-deGué-Gué, à Libreville.
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Jeune Afrique: Pourquoi êtes-vous resté si discret pendant la convalescence du chef de l’État?
JE SUIS OPPOSÉ AU PDG, MAIS PAS AUX INDIVIDUS QUI EN SONT MEMBRES. CELA NE VEUT PAS POUR AUTANT DIRE QUE JE SUIS UN COURTISAN. 110
Guy Nzouba-Ndama : Ma discrétion tient à deux raisons. C’est la maladie d’un homme, elle est suffisamment grave pour qu’on laisse à ce dernier le temps de se soigner. Et tout homme est un malade qui s’ignore, cela peut arriver à n’importe qui. Ce n’est justement pas « n’importe qui »…
D’autant plus parce que c’est le président de la République, il y a un minimum d’égards à avoir. Nous avons donc pensé qu’il fallait laisser le temps au chef de l’État de se soigner et de passer sa période de convalescence avant d’aviser. Le combat réclamant un examen médical vous semblait-il perdu d’avance?
Ce combat est perdu d’avance parce que notre Constitution ne reconnaît qu’à deux
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organes la possibilité d’engager la procédure de vacance : le gouvernement et les deux chambres du Parlement, qui sont majoritairement composés du PDG et de ses soutiens. Vous ne pouvez donc pas compter sur eux pour mener ce combat. Ensuite il y avait l’option judiciaire. Avec MM. Myboto et Barro-Chambrier, nous avons cosigné une lettre adressée à la présidente de la Cour constitutionnelle pour qu’une commission médicale puisse se pencher sur la condition physique du président. Cela n’a pas abouti. Croyez-vous encore en une union de l’opposition?
Pourquoi voudrait-on que ce qui ne se fait pas ailleurs se fasse au Gabon? Ici aussi, nous avons des sensibilités différentes. S’il y a une élection à l’horizon, alors nous pouvons envisager une union pour combattre un adversaire commun. Sinon, c’est difficile de se prononcer en faveur d’une telle option; dans ce cas, nous n’avons qu’à faire un seul parti d’opposition… Aux législatives, l’UN et le RHM ont accepté de ne pas opposer leurs candidats dans certaines circonscriptions. Vous n’avez pas souhaité le faire. Pourquoi?
En tant que Démocrates, nous avons pensé que, dans une élection à deux tours, il était difficile de réaliser une union dès le premier tour et que chacun devait avoir la liberté d’y présenter des candidats s’il souhaitait le faire. Mais il fallait pour cela signer un code de bonne conduite afin de ne pas nous attaquer au cours de la campagne et de privilégier des alliances au second tour. Nos amis ont fait un autre choix. Et combien d’élus ont-ils eus?… Le résultat de l’opposition n’est-il pas venu sanctionnersonmanquedecohésionàl’approche du scrutin?
C’est possible que la campagne menée par l’équipe de Ping appelant à boycotter les élections et considérant ceux qui y allaient comme des traîtres ait pu jouer. On
nous laisser avancer. Je persiste à croire que nous avons gagné la présidentielle de 2016, mais nous n’avons pas pu exercer le pouvoir parce que l’adversaire l’a usurpé. Reste que cet adversaire s’est installé et qu’il a été reconnu par la communauté internationale. À partir de là, soit on continue de pleurnicher, soit on avance! Serez-vous candidat en 2023?
À quoi servirait d’avoir un parti si on ne participe pas aux compétitions? 2023 est un objectif pour notre parti.
VINCENT FOURNIER/JA
Si l’occasion se présentait, Les Démocrates p ourraient-ils prendre par t au gouvernement?
ne peut pas le nier. C’est aussi possible que la multiplicité des candidatures ait compliqué les choses, puisque aucun d’entre nous n’est parvenu à conquérir un siège. Il aurait fallu qu’à un moment nous nous surpassions et que nous nous entendions sur des critères objectifs d’union. Je maintiens que tout ce qui se fait dans la précipitation ne peut pas marcher. Et qu’une candidature unique de l’opposition aux législatives est un non-sens. La création de la Coalition démocratique de l’opposition (CDO),en mars, était-elle un moyen de tourner la page des précédentes alliances?
Nous l’avons créée pour fédérer des forces qui avaient la même analyse que la nôtre, afin de voir comment travailler à la conquête du pouvoir. Nous ne pouvons pas rester statiques. En 2019, on ne doit pas toujours être ramené trois ans en arrière, il faut
Il y a un pouvoir qui est là et que nous combattons de la manière le plus démocratique possible. Mais la situation économique du pays nécessite l’apport de tout le monde si l’on veut la redresser. Le PDG aurait tort de penser qu’il peut à lui seul apporter les remèdes à notre pays. Et s’il y a alternance, on aura tout de même besoin de toutes les forces de ce pays. Nous ne sommes pas demandeurs de postes. Si un membre LD veut aller à titre personnel au gouvernement, alors il est exclu. Si c’est le parti qui est sollicité et que cela se fait sur la base d’un programme négocié, alors LD pourrait être partie prenante. Que répondez-vous à ceux qui vous accusentdenepasavoirpleinementrompu avec vos anciens camarades du PDG?
Si j’ai des parents au PDG, ils veulent que je rompe avec eux ? Avec mes amis aussi ? Les gens qui disent ça ne sont pas sérieux. Nous avons tous des amis au PDG. Je suis opposé à la gouvernance du président et au PDG, mais pas aux individus qui en sont membres. Cela ne veut pas pour autant dire que je suis un courtisan. Et que dites-vous à ceux qui appellent à l’émergence d’une nouvelle génération, qui n’ait aucun lien passé avec le PDG?
Poser le problème en ces termes est une erreur. Une société aussi jeune que la nôtre a besoin de toutes les compétences. Regarder ce qu’est devenu le Gabon quand on a voulu le confier aux jeunes, en 2009. Aujourd’hui, le Gabon est à terre. C’est un faux débat, l’expérience des anciens peut tempérer les ardeurs de la jeunesse.
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PRENONS LA ROUTE ENSEMBLE
Le Nouveau Look d’un acteur historique du marché pétrolier
N
ouvelle marque, nouvelle identité visuelle, nouvelle offre, « OLA Energy » Gabon souhaite mieux servir ses clients en proposant des produits et des services qui répondent aux exigences de plus en plus pointues des consommateurs.
OLA Energy Gabon S.A., anciennement dénommée Libya Oil Gabon, est un acteur historique du marché pétrolier au Gabon où elle est implantée depuis les années 1950. Avec pour principales activités, l’entreposage et la distribution de produits pétroliers : carburants, lubrifiants et GPL (Gaz de Pétrole Liquéfié). La société est aussi membre du Groupement Professionnel Pétrolier (GPP) qui réunit les principales sociétés d’entreposage et de distribution de produits pétroliers dans le pays.
Une Nouvelle Marque… une nouvelle vision
« Notre vision est de consolider notre présence et notre position sur le marché
gabonais, non seulement à travers un investissement régulier et continu, mais aussi en contribuant à façonner le secteur énergétique du pays et à valoriser la prospérité des communautés locales » , affirme Mohamed Ali Amira, Directeur Général de OLA Energy Gabon.
Une offre complète Le renouveau d’OLA Energy Gabon, au-delà d’une nouvelle identité visuelle, s’accompagne également d’une offre de services revisitée pour mieux satisfaire la clientèle. Les boutiques et points de vente sont dotés d’un nouveau design. Celui-ci se veut à la fois plus accueillant et plus convivial, avec un style moderne et rafraîchi, afin d’être en adéquation avec la nouvelle image de la marque. Les marques phares de lubrifiants, Accel, pour les voitures particulières, et DeoMAX, pour les flottes commerciales et gros engins, sont maintenues et soutenues davantage pour continuer à répondre aux exigences des clients.
COMMUNIQUÉ OLA Energy, qui permet de gérer tous les aspects liés à la sécurité, l’hygiène au travail et la protection de l’environnement. SHEMS est reconnu par l’organisme Lloyds comme étant l’équivalent de l’ISO 14001.
Quant aux détenteurs de parcs et flottes de véhicules commerciaux, l’offre carte O’Card demeurera la solution idoine et continuera d’évoluer pour atteindre de nouveaux marchés, mais aussi pour offrir davantage de fonctionnalités et de services.
Priorité au respect des normes OLA Energy Gabon S.A. a mis en place, tout au long de ces années, des politiques strictes en matière de sécurité, de santé et d’environnement ; ainsi qu’un système de gestion de l’intégrité de ses opérations appelé SHEMS (Safety, Health and Environment Management System). Il s’agit d’un dispositif développé par le groupe
“ C’est une représentation stylisée de l’Afrique, ce continent qui façonne notre identité. Nous voulons ainsi rappeler notre vocation panafricaine et le fait que nous sommes le 1er groupe originaire de ce continent dans la distribution de produits pétroliers. La couleur orange rappelle l’énergie et la vitalité. Le bleu symbolise la technologie, l’excellence et la qualité. La couleur blanche représente les routes utilisées pour servir nos clients au quotidien.” Mohamed Ali Amira,
Directeur général de OLA Energy Gabon
OLA Energy Gabon S.A. SIÈGE SOCIAL
Immeuble OLA Energy, Boulevard Georges Pompidou - Louis BP 145 - Libreville, Gabon Tél. : + 241 11 44 55 89/91 Email : info.gabon@ olaenergy.com
OLA Energy Gabon en bref • 27 stations-services et points de vente. • 2 dépôts de carburant appartenant à 100 % à la société et situés à Port-Gentil (capacité de stockage : 17 000 m3 ) et Ndjolé (9 000 m3). • 1 dépôt de stockage de lubrifiants et de bouteilles de gaz à Owendo. • Des dépôts carburant et aviation en copropriété avec des confrères et servant Libreville et Moanda en carburant automobile et Libreville, Port Gentil et Franceville pour le Jet.
DIFCOM/DF - PHOTOS : DR.
Le nouveau logo symbolise ce changement…
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ÉCONOMIE L’une des usines de traitement et d’extraction d’Olam Palm près de Mouila, dans la Ngounié (Centre). Objectif : faire du pays le premier producteur et exportateur d’huile de palme du continent certifié RSPO (huile de palme durable).
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C’est (presque) reparti Retour de la croissance après deux années d’atonie, hausse des recettes supérieure aux objectifs… La relance est timide mais réelle. Et l’État semble décidé à mener les réformes qu’exige une situation encore précaire.
ALAIN FAUJAS
L JACQUES TORREGANO/DIVERGENCE POUR JA
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économie gabonaise va mieux. La croissance quasi nulle de 2017 (0,5 %) et de 2018 (0,8 %) devrait se redresser nettement cette année selon les prévisions du FMI, qui ont d’ailleurs été revues à la hausse à 3,4 %, au lieu de 2,9 %, à l’issue de la mission du Fonds à Libreville du 27 septembre au 9 octobre. L’inflation est contenue à 1 % en glissement annuel – supérieure à 6 % à la fin de 2018, elle est retombée à 1 % depuis juillet et devrait s’établir aux alentours de 2,5 % en moyenne annuelle. La dette publique et le déficit budgétaire ont également diminué (voir Repères p. 117). « Les indices macroéconomiques se sont améliorés, mais de façon plus lente que nous ne l’avions prévu, commente Alice Ouedraogo, représentante-résidente de la Banque mondiale à Libreville. La reprise est essentiellement due aux meilleures performances des secteurs pétrolier, minier et agricole. Les réformes portant sur la gestion des finances publiques, dont certaines sont encore en cours de mise en œuvre, ont été bénéfiques. Elles ont
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Grand format GABON ÉCONOMIE
Rigueur budgétaire
Ces résultats mitigés s’expliquent d’abord par la rigueur budgétaire. Celle-ci a touché le pouvoir d’achat, en réduisant de quelque 25 milliards de F CFA (environ 38 millions d’euros) la masse salariale de l’État. Elle a aussi réduit quasiment à zéro les investissements publics, stoppant notamment l’activité du BTP, traditionnellement grand pourvoyeur d’emplois. Le chômage et la pauvreté, qui frappe plus de 25 % de la population, ont progressé. Deux autres facteurs ont contribué à freiner la reprise. Le premier est le règlement de la dette intérieure, qui affecte
FORTE AUGMENTATION DU STOCK D’IDE (investissements directs étrangers, en millions de $)
10 335 9 489
6 750 7 991
5 760 4 712
Flux entrants
Stock
771
2013
1 048
991
2014
2015
1 241
2016
1 498 846
2017
2018
la santé du secteur privé. « Ce règlement s’opère de deux manières, explique Didier Lespinas, président du Comité Gabon des conseillers du commerce extérieur de la France (CNCCEF). La première se fait par le canal du Club de Libreville, qui a fait l’objet de décaissements quelque peu erratiques – le dernier, au début de novembre, portait sur les échéances groupées de mai, juin, juillet et août. L’autre partie de la dette fait l’objet d’une évaluation, qui a pris de nombreux mois de retard, sur la base d’un audit réalisé par Price Waterhouse Cooper (PwC). » L’extrême dépendance du Gabon au pétrole et la faible diversification de son économie constituent un autre handicap majeur. Cependant, là aussi, même si les résultats sont encore peu perceptibles au niveau macroéconomique, les choses bougent. La deuxième source de
TVA ET BROUILLARD COMPTABLE Le Gabon fait des progrès incontestables en matière de paiement de ses dettes. Il a soldé les arriérés de ses dettes commerciales extérieures. Le Club de Libreville (créé au début de 2018 par la Confédération patronale gabonaise dans le cadre du mécanisme d’apurement de la dette intérieure) a prévu de rembourser sur soixante-deux mois les 285 milliards de F CFA (environ 434,5 millions d’euros) d’arriérés dus aux entreprises gabonaises, promesse qui s’exécute, certes, mais avec quelques à-coups. Reste le lancinant problème du remboursement des trop-perçus de TVA, qui étranglent bien des entreprises. Lorsque celles-ci
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versent au fisc plus de TVA qu’elles n’en perçoivent pour le compte de celui-ci, elles disposent d’un crédit de TVA que les services fiscaux doivent leur rembourser. Dans de nombreux pays d’Afrique, ce remboursement est trop lent. Au Gabon, il est franchement problématique, car il peut prendre des mois, voire des années. Pour survivre et récupérer leur dû, les entreprises dont les trésoreries sont ainsi asséchées ont pris l’habitude de pratiquer une compensation fiscale, c’est-à-dire qu’elles s’entendent avec les services fiscaux pour déduire leur crédit de TVA de la masse des autres impôts sur les sociétés, sur les
bénéfices, fonciers, etc., qu’elles doivent acquitter. « Cette compensation prive l’État de recettes liquides et l’empêche d’avoir un espace budgétaire sécurisé pour ses investissements publics, qui serait précieux en ces temps de disette », analyse un spécialiste. De plus, personne n’est en mesure de dire quel est le montant de ces arriérés de TVA ni comment éviter qu’ils se perpétuent, voire qu’ils s’aggravent. L’État est tout aussi perdant que les entreprises, dont les PME, principales victimes de ce brouillard comptable et fiscal. A.F.
SOURCE : CNUCED
déjà permis une baisse de la masse salariale et une mobilisation accrue des ressources. Les efforts de maîtrise des finances publiques ont par ailleurs permis un recul des importations et amélioré les réserves de change. » Si la reprise est incontestable, sa lenteur aussi. Selon l’analyste Mays Mouissi (lire p. 135), le Plan de relance économique (PRE) 2017-2019 comportait onze objectifs : réduire le déficit budgétaire à moins de 3 % du produit intérieur brut (PIB), augmenter les recettes hors pétrole de 12,5 % à 16,3 %, ramener la dette publique à moins de 40 % du PIB, porter la croissance à 5 %, créer au moins 30000 emplois dans le privé, renouer avec un solde positif de la balance des paiements, renforcer la compétitivité des filières qui sont des moteurs de la croissance, réduire de 100000 le nombre de Gabonais économiquement faibles, construire plus de 160 salles de classe, réhabiliter trois universités et mettre en service dix centres de formation et de perfectionnement professionnels, et, enfin, garantir la continuité de l’approvisionnement en eau et en électricité. Or, alors que l’année 2019 s’achève, deux objectifs seulement ont été atteints : la réduction du déficit budgétaire et le solde positif de la balance des paiements.
Lire aussi l’interview de Mays Mouissi « Je crois la diversification possible » sur jeuneafrique.com
devises du pays est le bois tropical, et l’interdiction faite en 2009 d’exporter des grumes non transformées a porté ses fruits, puisque la production de bois ayant subi deux transformations a plus que quadruplé en dix ans. Par ailleurs, les premières exportations d’huile de palme ont été réalisées par Olam Palm, la filiale gabonaise du géant singapourien Olam International, en 2017, notamment vers le Cameroun. Cela est de bon augure, mais ne peut prétendre pour l’instant compenser la chute des revenus pétroliers (lire pp. 131-132).
REPÈRES
Révolution culturelle
Recettes publiques (hors dons) Dépenses publiques et prêts nets
2017 2018 2019 2020 PIB réel à prix constants
0,5 1,7 2,7
PIB hors pétrole (moyenne annuelle)
0,8 1,9 4,8
3,4 3,5 2,5
3,4 4,0 2,5
(en % du PIB)
Solde budgétaire global (hors dons)
– 1,7 – 0,2 16,4 16,9 19,0 18,2
Solde du compte courant
– 2,1
Dette publique totale
62,6 40,6
dont dette intérieure
1,6 18,5 17,2
0,9 19,3 18,4
0,1
0,9
– 2,4 60,7 38,5
56,4 40,5
54,0 41,1
107,3
(pour l’année 2018) PIB réel à prix courants (en milliards de $) Croissance du PIB à prix constants (en %) 13,7
11,7
11,1
2,2
d
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Un développement humain mitigé (Pour l’année 2017)
Population
2 millions d’habitants,
Taux de chômage (en % de la population active)
Population vivant au-dessous du seuil de pauvreté (moins de 1,90 $ par jour)
26,7 %
PIB par habitant (en dollars de 2011, en parité de pouvoir d’achat, PPA) 16 562 dollars, contre une moyenne de 3 489 $ en Afrique subsaharienne
Indice de développement humain (IDH) : 0,602, soit le 110e rang mondial sur 189 pays classés, au-dessus de la moyenne de 0,537 en Afrique subsaharienne
Durée moyenne de scolarisation d’un Gabonais de 25 ans : 8,2 ans – au lieu d’une durée attendue de 12,8 ans et d’une moyenne de 5,6 ans en Afrique subsaharienne
dont 89 % d’urbains. Âge médian : 22,6 ans
19,6 %
jeuneafrique no 3075 du 15 au 21 décembre 2019
SOURCES : AUTORITÉS NATIONALES, FMI, BANQUE MONDIALE, PNUD
RD
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42,7
An
Comment accélérer le rythme du redressement, alors que la poursuite de la sagesse budgétaire s’impose ? Et alors que le pays stagne à la 169e place sur 190 pays dans les classements « Doing Business » 2019 et 2020 sur la qualité du climat des affaires de la Banque mondiale, alors qu’il était au 144e rang en 2015 ? « Le Gabon regorge de potentialités dans le secteur forestier, le tourisme, l’économie numérique, l’agrobusiness ou encore la pêche, souligne Alice Ouedraogo. Mais pour attirer des investisseurs privés qui épauleraient cette diversification, il lui faut poursuivre la consolidation des soubassements de cette diversification, notamment par la mise en œuvre du cadre pour les partenariats public-privé, la finalisation du nouveau code des investissements, le développement de la formation professionnelle, la réalisation des infrastructures de base, ainsi que la mise en place d’un cadre propice aux règlements des litiges commerciaux, notamment un tribunal de commerce et une chambre d’arbitrage et de médiation. » Les Gabonais commencent à se faire à l’idée que la rente pétrolière est finie. Cela signifie que l’État ne peut plus tout et qu’il doit soupeser la pertinence de chacune de ses dépenses pour ne plus gaspiller des ressources devenues rares. Cela signifie aussi qu’il doit encourager le développement d’un secteur privé qui ne dépende plus de lui comme par le passé. Il lui faut devenir chef d’orchestre et se consacrer à la réalisation des infrastructures qui manquent cruellement à un pays dont 11 % des routes seulement sont goudronnées. Mais les Gabonais, eux aussi, sont appelés à faire leur révolution culturelle. La voie royale de la fonction publique est durablement bouchée, et il leur faut penser à prendre le chemin de la formation professionnelle plutôt que les couloirs des universités de droit ou de lettres. Ces citadins – neuf Gabonais sur dix vivent dans les villes – seraient bien avisés de retrouver le goût de l’agriculture, toujours méprisée. Celle-ci peut devenir un précieux vivier d’emplois et améliorer la balance commerciale du pays, qui importe entre 50 % et 80 % de son alimentation. Le gouvernement a deux ans pour réussir les réformes auxquelles il s’est attelé avec courage, contraint et forcé par la crise pétrolière. S’il tergiverse, le retour des cycles électoraux risque de ranimer les vieux démons de la facilité et du court terme.
La reprise reste fragile
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TRIBUNE
Pourquoi les partenariats public-privé sont l’une des clés du développement C
VINCENT FOURNIER/JA.
omment financer le déficit d’infrastructures en Afrique ? un montant bien trop modeste qu’il faut désormais doubler. Comment diversifier les économies du continent, dont Depuis près de dix ans, le pays est en effet engagé dans une beaucoup dépendent encore des matières premières, tout entreprise de diversification économique et met le paquet pour en favorisant un développement durable ? Si les partenariats attirer les investisseurs (la création de la zone économique de public-privé (PPP) ont longtemps été décriés, Nkok en est un exemple). En effet, pour le pays, ils sont pourtant aujourd’hui l’une des solules PPP sont une solution pour élargir la base de tions à envisager. Le continent est la partie du recettes budgétaires. monde où l’on voit les plus grands chantiers et Et la machine est en marche. Un exemple : à des investissements majeurs, notamment en partir d’un investissement total de 300 millions Afrique centrale. D’après des estimations de d’euros, le Gabon et le fonds d’investissement la Banque africaine de développement, 130 à français Meridiam ont récemment formé deux 170 milliards de dollars par an sont nécessaires PPP afin de construire une centrale hydroélecpour développer les infrastructures du contitrique et une route. Le fonds détiendra 60 % de nent. À la difficile mobilisation du financement la centrale, dont l’objectif est de produire 13 % se sont ajoutés ces dernières années les effets de l’électricité de Libreville. Jean Fidèle pervers de son externalisation totale, certains Otandault États perdant le contrôle de ressources potenes pays africains qui ont une croissance Ancien ministre tielles générées par l’actif ou l’infrastructure. de 8 % sont ceux qui attirent plus d’IDE et gabonais de la Le développement des PPP suppose des préconcluent des PPP. Les chiffres le prouvent. Promotion des alables, au premier rang desquels une harmoSelon le World Investment Report publié en investissements nisation des pratiques. Le premier levier de la juin, alors que les investissements mondiaux et des PPP mise en place de ce type de financement est sont en baisse pour la troisième année consél’adoption d’une définition commune et d’un cutive, l’Afrique échappe à cette tendance. En cadre légal. Le Plan stratégique 2011-2020 et effet, les IDE y sont en hausse de près de 11 % ; la Vision Uemoa ou la Vision Cemac 2025 sont une bonne nouvelle pour le continent, même autant d’exemples de la prise en main de la s’il représente toujours une infime part des flux question par les organisations sous-régionales. financiers mondiaux (3,5 %). Les États africains l’ont bien compris : miser econd point, et non des moindres: les États sur les PPP est peut-être le moyen de sortir de la africains doivent travailler à l’amélioration dépendance financière des organisations interThierry Déau du climat des affaires au niveau national, ce nationales. Et de financer le développement PDG de Meridiam afin d’attirer les investissements directs étransans recourir systématiquement à l’emprunt, gers (IDE). Ainsi, les pays doivent engager des dont le montant étrangle certaines économies réformes sur les volets financiers, fiscaux, mais depuis de trop nombreuses années. aussi politiques. Atténuer le risque de non-paiement, limiter l’insMais attirer les financements est une chose, établir des partabilité politique, adopter des mesures douanières incitatives et tenariats gagnant-gagnant en est une autre. Or il s’agit d’un lutter contre la corruption sont autant de pistes qui permettront point crucial pour les États africains. Le respect des bonnes de rassurer les investisseurs potentiels, encore trop frileux. pratiques par les multinationales et la conclusion de deals Certains États ont déjà décidé de relever ce défi, car, ils l’ont équitables doivent être exigés par les dirigeants. Autre piste : bien compris, les PPP peuvent être l’avenir du continent. Le les PPP devront s’appuyer sur le tissu d’entreprises locales, en Gabon a notamment choisi de leur consacrer un ministère. incluant les PME et les artisans, afin de favoriser le développeSon but ? Booster les IDE, estimés à 9,5 milliards de dollars, ment économique, l’emploi et la croissance inclusive.
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COMMUNIQUÉ
Grand format GABON ÉCONOMIE Lire aussi notre article : « Au Gabon, PPP rime avec échanges de bons procédés » sur jeuneafrique.com
ENTREPRISES FRANÇAISES
L’éclaircie
COMILOG
Après trois ans de bras de fer, les relations d’affaires entre Libreville et Paris s’apaisent et reprennent sur de meilleures bases, avec l’arrivée de nouveaux investisseurs.
ALAIN FAUJAS
a saisie manu militari, le 16 février 2018, de la Société d’eau et d’énergie du Gabon (SEEG), filiale gabonaise du groupe français Veolia, pour cause de différend technique et financier avec le gouvernement avait fait l’effet d’un coup de tonnerre dans les milieux économiques. Pour d’autres raisons, et au même moment, d’autres groupes français avaient annoncé leur départ du Gabon, notamment Bouygues Energie Services, Veritas et Sodexo. Une sorte de psychose en est résultée chez les investisseurs et les entrepreneurs originaires de l’Hexagone. Libreville allait-il discriminer les intérêts français ? Allait-il même leur faire la chasse? Et puis, la France a apporté des facilitations qui ont aidé le Gabon à solder une partie de ses arriérés. Un colloque sur les opportunités économiques du pays, organisé le 29 mars 2019 au Sénat, à Paris, a contribué à renforcer les liens qui s’étaient distendus entre le Gabon et la France. « Si je m’en tiens au discours introductif que le Premier ministre gabonais a prononcé lors d’un déjeuner de travail que, nous, membres du Conseil du commerce extérieur de la France (CCEF), avions
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Chargement de manganèse de la Comilog (filiale du minier français Eramet), au port d’Owendo. Ce terminal minéralier est géré par la société GSEZ Ports, dont le français Stoa Infra & Energy vient d’acquérir 10 % du capital.
organisé le 7 octobre en présence de neuf ministres de son gouvernement, les entreprises françaises sont attendues et sont les bienvenues au Gabon », souligne Didier Lespinas, président du Comité Gabon du CCEF et directeur du fonds d’investissement DBL Africa, basé à Libreville. « Chaque fois que je rencontre le Premier ministre, il me demande de promouvoir la venue d’investisseurs français sur le territoire gabonais. »
Changement de paradigme
Pour Étienne Giros, président délégué du Conseil français des investisseurs en Afrique (Cian), la situation s’éclaircit. « Nous sortons d’une période morose qui ne s’expliquait pas seulement par l’affaire Veolia, affirme-t-il. Les impayés ont découragé certaines entreprises. Dans leur recherche de moyens pour boucher les trous du budget de l’État, les autorités ont multiplié les redressements fiscaux, qui ont été vécus comme un harcèlement prédateur. Enfin, il y a eu des demandes d’indemnités délirantes lorsque les entreprises ont dû réaliser des plans sociaux pour survivre à la crise. Mais il y a des signes de rapprochement qui vont dans le bon sens, et je n’aurais pas dit cela il y a un an. »
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Ces témoignages sont confirmés par Francis Rougier, PDG du holding du même nom, qui exploite depuis des décennies des forêts au Gabon, au Cameroun et au Congo-Brazzaville. « Je ne ressens aucune discrimination ni aucune stigmatisation de la part des Gabonais, témoigne-t-il. Que ce soit en matière de climat des affaires comme de paiements d’arriérés, le Gabon me semble le pays le moins compliqué de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale [Cemac]. Il y existe désormais une vraie concurrence, face à laquelle les entreprises françaises ne sont pas toujours les mieux placées. » Effectivement, un changement de paradigme est en train de se produire dans l’économie gabonaise, qui dépendra de moins en moins d’un État désargenté et de plus en plus de la logique entrepreneuriale. Le poids de la France y est toujours considérable, avec 28 % de parts de marché, quoique loin, cependant, des 50 % enregistrés il y a dix ans.
AVEC 28 % DES PARTS DE MARCHÉ, PARIS A TOUJOURS UN POIDS CONSIDÉRABLE, MÊME S’IL EST LOIN DES 50 % AFFICHÉS IL Y A DIX ANS.
Belles retombées
Les vétérans que sont Eramet, dans le manganèse, ou Rougier, dans le bois, resteront les entreprises françaises phares actives dans le pays. Mais l’on voit apparaître de nouveaux acteurs, qui sont indemnes des pratiques anciennes et devraient accélérer la mue des investissements français. Filiale de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) française et de l’Agence française
de développement (AFD), Stoa Infra & Energy a annoncé le 8 novembre l’acquisition de 10 % du capital de GSEZ Ports – filiale de Gabon Special Economic Zone (GSEZ), joint-venture créé en 2010 par Olam International, l’État gabonais et Africa Finance Corporation (AFC). Meridiam se positionne efficacement dans les projets d’infrastructures, notamment pour la construction de l’axe routier stratégique Libreville-Franceville, ainsi que celle d’un complexe hydroélectrique en aval de Kinguélé (lire ci-dessous). La RATP dans les transports urbains, Canal+ dans le divertissement ou JC Decaux dans l’affichage publicitaire arrivent. Enfin, le groupe Suez est en négociations pour combler le départ de son compatriote et concurrent Veolia (qui, en février, a cédé ses parts à l’État gabonais dans la SEEG, redevenue société publique), mais pas sous la forme d’une reprise pure et simple de la concession de celle-ci en matière d’eau et d’électricité. « Le Gabon est un petit marché, mais avec un pouvoir d’achat élevé, conclut un expert. Dans le domaine des services, il peut être la bonne porte d’entrée pour aborder la région. Enfin, les bureaux d’études français ont beaucoup d’atouts qui pourraient leur ouvrir les projets routiers, ferroviaires, énergétiques et environnementaux dont le Gabon a un besoin urgent. » Ce qui augurerait de belles retombées pour des entreprises françaises… compétitives.
PPP : DEUX CONTRATS PROMETTEURS Parmi ses nouveaux partenariats public-privé (PPP), le 24 octobre, le gouvernement gabonais a signé deux contrats, représentant un montant d’investissement total de 300 millions d’euros, avec Meridiam, fonds d’investissement français spécialisé dans le financement et la gestion d’infrastructures publiques, qui détient déjà 25 % des parts du port minéralier d’Owendo. Le premier contrat porte sur la construction d’un nouveau complexe hydroélectrique
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en aval du barrage de Kinguélé, qui sera détenu par Meridiam (60 %) et le Fonds gabonais d’investissements stratégiques (FGIS, 40 %). D’une puissance installée de 35 MW (soit une production annuelle de 200 GWh), cet ouvrage, dont le coût est estimé à 80 milliards de F CFA (environ 122 millions d’euros), doit fournir 13 % de l’électricité de la région du Grand Libreville et permettra d’augmenter la part du renouvelable dans le mix énergétique. Sa construction,
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qui doit durer trois ans, a été confiée, à la fin de novembre, à Sinohydro (finalement préféré au français Eiffage). Le groupe chinois a déjà mené à bien plusieurs chantiers dans le pays, dont celui du barrage de Grand Poubara, près de Franceville. Le développement du projet est assuré par la société gabonaise Asonha Energie, détenue par Meridiam (60 %) et par Gabon Power Company (GPC, 40 %). Le même jour, l’État gabonais a par ailleurs signé un contrat avec la Société autoroutière
du Gabon (SAG), filiale de Meridiam et d’Arise – le holding panafricain d’infrastructures et de solutions logistiques fondé par Olam International. Il porte sur la réalisation, puis la maintenance et la gestion, pour une durée de trente ans, des 780 km de la route Transgabonaise, qui doit relier la capitale Libreville (est), à Franceville (ouest), chef-lieu du Haut-Ogooué. Un chantier dont le coût est estimé à plus 600 milliards de F CFA. CÉCILE MANCIAUX
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BANQUE
Henri-Claude Oyima PDG du groupe BGFIBank
« Aucun pays ne s’est développé grâce à un programme du FMI » Propos recueillis par JOËL TÉ-LÉSSIA ASSOKO
ux commandes de BGFIBank depuis trente-quatre ans, HenriClaude Oyima décrypte la stratégie du premier groupe bancaire d’Afrique centrale. Après une phase d’expansion géographique, puis un repli macroéconomique dans une zone Cemac affectée par la chute des cours du pétrole, BGFI planche sur son nouveau plan de développement (2021-2025) et sur son entrée en Bourse. Observateur averti de l’économie, président de la Confédération patronale gabonaise (CPG) de 2003 à 2013, Henri-Claude Oyima, 63 ans, analyse également pour Jeune Afrique la situation économique du Gabon et celle de la Cemac, de l’efficacité (douteuse) des politiques économiques aux investissements étrangers (moins efficaces qu’on ne le croit).
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Jeune Afrique : BGFIBank prévoit une introduction à la Bourse des valeurs mobilières de l’Afrique centrale (BVMAC). Dans quel objectif?
Henri-Claude Oyima : Je préside depuis juillet le conseil d’administration de la BVMAC, la nouvelle Bourse unifiée d’Afrique centrale [issue de la fusion des places de marché de Libreville et de Douala]. Il est important de donner l’exemple. Par ailleurs, nous lancerons l’an prochain notre plan stratégique 2021-2025, et nous voulons diversifier les sources de son financement. Nous céderons une part minoritaire (15 % à 20 %), probablement au second semestre de 2020. Combien espérez-vous lever?
Nous n’avons pas limité les besoins, mais notre développement se fera par des implantations nouvelles ou par des acquisitions en Afrique centrale et en
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Afrique de l’Ouest. Pour la valorisation ciblée, je peux simplement vous dire que la valeur nominale de l’action est de 90000 F CFA [137,20 euros], mais sa valeur mathématique – alimentée par le bénéfice remis en fonds propres – est autour de 200 000 F CFA. Les actionnaires qui voudront se dessaisir de leurs actions auront une marge bénéficiaire importante. Quid des futurs acheteurs de l’action?
Nous ferons l’an prochain le bilan du plan Excellence 2020, qui visait à améliorer notre performance avec un niveau de rentabilité élevé. Celle-ci était de 15 % sur fonds propres en 2018, malgré le renforcement de la réglementation et les difficultés économiques dans nos zones d’implantation. Le plan 2021-2025 sera rendu public en novembre 2020. Tous nos collaborateurs seront impliqués dans la réflexion. Le projet visera la croissance et, pour cela, nous devons dynamiser l’action commerciale, maîtriser les coûts de crédit, optimiser le capital humain et transformer le groupe. Cela passe aussi par la transformation digitale et par de nouveaux produits. Au début de novembre, nous avons lancé une plateforme pour la consultation des comptes à domicile qui sera diffusée dans tout notre réseau. Pourtant les résultats du groupe – 30 milliards de F CFA de bénéfice, un total de bilan de 3 135 milliards et 200 milliards de revenus en 2018 – stagnent depuis près de quatre ans. Alors que des concurrents, Oragroup par exemple, ont enregistré une croissance…
Notre projet Cap 2015 ciblait le développement à l’international, avec plusieurs filiales ouvertes en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale [voir graphique p. 126]. Leur démarrage a consommé beaucoup de
NOTRE DÉVELOPPEMENT SE FERA PAR DE NOUVELLES IMPLANTATIONS ET ACQUISITIONS EN AFRIQUE CENTRALE ET EN AFRIQUE DE L’OUEST.
croissance. Nous conservons 50 % de part de marché et nos bénéfices sont au rendez-vous. C’est une bonne nouvelle pour BGFI. Qu’en est-il pour le reste du secteur privé?
L’économie gabonaise n’a pas changé, et son évolution reste liée aux secteurs extractifs [hydrocarbures et mines] et à la forêt. Si ces secteurs vont bien, le reste de l’économie fonctionne. Aujourd’hui, de grands programmes sont lancés dans l’agriculture et l’industrie – notamment avec Gabon Special Economic Zone [GSEZ] –, qui peuvent renforcer l’assise de notre économie.
ERIC LARRAYADIEU POUR JA
Dans son dernier rapport sur le pays, en octobre, le FMI recommandait à l’État de renforcer ses recettes budgétaires. Les entreprises gabonaises n’y contribuent pas assez?
moyens en fonds propres et en ressources L’ACTIONNARIAT DE BGFI humaines, une situation aggravée par les HOLDING CORPORATION besoins en capitaux dus à la réglementaAu 31 décembre 2018 tion bancaire de Bâle 2 et Bâle 3. Il fallait 7% 9% renforcer le ratio de solvabilité, ce qui GROUPE DELTA SYNERGIE CARLO nous a empêché de distribuer plus de TASSARA dividendes aux actionnaires. Le plan ASSET 33% MANAGEMENT Excellence 2016-2020 a, lui, privilégié INVESTISSEURS PRIVÉS* non plus la croissance mais la performance, c’est-à-dire la rentabilité, 10% avec la consolidation de nos moyens PERSONNEL GROUPE humains, financiers et matériels, DU BGFI BANK avec de nouveaux sièges au CongoBrazzaville, en Guinée équatoriale, au Cameroun et au Gabon. Ce plan sera finalisé l’an prochain et nous allons désormais 19% 22% mettre l’accélérateur sur la croissance. Le Gabon reste votre principal marché. Le ralentissement de la croissance (0,5 % en 2017, 0,8 % en 2018 selon le FMI, voir « Repères » p. 117) a-t-il affecté vos opérations?
Au Gabon, notre banque commerciale est orientée vers les grandes entreprises, qui ont des marchés à l’international et n’ont pas trop souffert de la baisse de la
COMPAGNIE DU KOMO
INSTITUTIONNELS PRIVÉS*
* Aucun des investisseurs ne détient plus de 5% du capital
Au contraire, les entreprises sont vertueuses et remplissent leur rôle. Le problème, c’est le traitement de la dette et cette impression que la dette extérieure est privilégiée au détriment de la dette intérieure. C’est pour cela que nous avons lancé le Club de Libreville [créé à la mi-février 2018 par la Confédération patronale gabonaise dans le cadre du mécanisme d’apurement de la dette intérieure] pour permettre aux entreprises nationales d’avoir le même traitement que les entreprises extérieures. Tous les pays de la Cemac ont signé un accord avec le FMI. Dix ans après la vague des « plans d’émergence », n’est-ce pas un aveu d’échec?
La question à se poser est: y a-t-il un seul pays au monde qui se soit développé avec un programme du FMI? La réponse est non. Peut-on continuer avec ces schémas? Je ne crois pas que ce soit la bonne approche. Et quelle serait la bonne approche?
Il faut que le secteur privé prenne en main les problématiques de développement, alors que le schéma actuel est de se développer avec l’investissement direct étranger, avec les forces extérieures. Rienn’empêchelesentreprisesprivéesafricaines de le faire…
Nos programmes de développement doivent être conçus sur nos problématiques
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internes : la formation, la santé, le logement… À l’époque, on nous disait : il faut lancer les grands travaux d’investissement, les programmes « structurés ». Mais cela est fait par les entreprises extérieures, ce qui automatiquement appauvrit le pays. Pourquoi « automatiquement »? Ces entreprises « extérieures » créent des emplois, font entrer des capitaux…
Non. Elles apportent leur savoir-faire, mais pas le financement. Dans le schéma actuel, ce sont les États qui empruntent pour rembourser à des entreprises étrangères, qui repartent avec la valeur ajoutée! Qu’avez-vousfaitpourchangercelalorsque vous présidiez la CPG?
Le plus important est de redonner de la liberté d’entreprendre sans persécution. Les entreprises locales, qui n’ont pas la protection des diplomaties étrangères, ne doivent pas être soumises à une répression fiscale, à la modification constante des lois de finances, des taux d’impositions, etc. Or c’est l’inverse pour les majors, qui sont protégées par des conventions fiscales, réglementaires et, même, en ce qui concerne les ressources humaines. Ces privilèges créent des distorsions concurrentielles au détriment des entreprises nationales, notamment dans les mines et les hydrocarbures.
CONTRIBUTION AU RÉSULTAT DE BGFI HOLDING PAR MÉTIERS au 31 décembre 2018
2%
SERVICES FINANCIERS SPÉCIALISÉS Loxia (100 %, dépôts d’épargne) Finatra (64 %, crédit)
BANQUE COMMERCIALE GABON BGFIBank Gabon (100 %)
0%
ASSURANCE Assinco (60 %)
Où en sont vos procédures avec le promoteur du portefeuille de monnaie électronique E-Doley, le Gabonais Ernest Akendengue Tewelyo?
Il y a eu des discussions, mais notre offre mobile a été développée avec d’autres partenaires. L’opérateur dont vous parlez a été débouté par le tribunal de Paris. D’ailleurs, le choix de Paris est curieux, alors que le tribunal compétent est à Libreville…
Soit. Mais cette concurrence extérieure ne vous inquiète-t-elle pas?
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41 %
doivent comprendre que nos pays ne vont pas se développer avec des groupes financiers, agricoles et industriels autres qu’africains. Quant aux acteurs dont vous parlez, ils vont et viennent au gré des conjonctures et des stratégies de leurs maisons mères. C’est un effet de mode. Ils partiront.
Pourquoi dites-vous « encore » ? Nous resterons premiers.
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BANQUE D’INVESTISSEMENT BGFICapital (100 %) BGFIBourse (60 %)
52 %
BANQUE COMMERCIALE À L’INTERNATIONAL BGFIBank RDC (100 %) BGFIBank São-Tomé-et-Prìncipe (100 %) BGFIBank Cameroun (71 %) BGFIBank Congo (60 %) BGFIBank Guinée équatoriale (50 %) BGFIBank Sénégal (100 %) BGFIBank Bénin (84 %) BGFIBank Côte d’Ivoire (65 %) BGFIBank Madagascar (63 %) BGFIBank Europe (100 %)
Selon nos chiffres, BGFIBank est encore la première banque de la Cemac, ce qui devrait changer si le marocain Banque centrale populaire (BCP) reprend les filiales du français BPCE au Cameroun et au Congo…
Non. Parce qu’il n’y a pas d’entrée de capitaux de manière massive. Tous les capitaux qui viennent de l’extérieur sont empruntés par les États, je ne connais pas d’acteurs privés arrivés avec des capitaux importants pour développer le continent. Nous n’avons pas peur de cette concurrence : nous avons nos moyens, nous avons une meilleure expertise de nos marchés et nous croyons en nos opérateurs économiques. Nous sommes une banque africaine, notre stratégie c’est l’Afrique, et nous resterons en Afrique. Nos dirigeants
5%
NOUS N’AVONS PAS PEUR DE LA CONCURRENCE ÉTRANGÈRE. NOUS AVONS UNE MEILLEURE EXPERTISE DE NOS MARCHÉS.
Et avec l’ex-directeur général de BGFIBank Gabon, l’Ivoirien Edgard Théophile Anon? Limogé en 2017 et poursuivi après qu’une fraude a été détectée sur les cartes bancaires, il a apparemment bénéficié d’un non-lieu…
Pour nous, cette affaire est terminée et les tribunaux continuent leur travail pour connaître la vérité. Quand il y a dysfonctionnement dans une entreprise, seul le directeur général peut ester en justice, déposer une plainte contre X. C’est ce qui s’est passé avec BGFIBank Gabon. Le holding ne s’est jamais impliqué dans cette affaire, et je ne commente pas les procédures judiciaires en cours.
L’OBJECTIF DE L’OPRAG : DÉVELOPPER L’ÉCONOMIE GABONAISE
COMMUNIQUÉ
:
LES 8 PILIERS DE LA VISION STRATÉGIQUE DE L’OPRAG
1
L’AFFIRMATION DE L’AUTORITÉ DE L’ÉTAT DANS LA RÉGULATION ET LE CONTRÔLE DES ACTIVITÉS PORTUAIRES • La régularisation de l’exercice des activités portuaires conformément aux dispositions réglementaires (concession, autorisation, occupation temporaire du domaine). • La mise en place d’un organe/comité de régulation multidisciplinaire, dont les missions et le rôle sont définies dans le règlement intérieur. • La formation des ressources humaines aux métiers de la régulation portuaire • La réappropriation des missions de régulation et de contrôle par chaque Direction. • L’application stricte de la réglementation en cas d’infraction et/ou de retard d’exécution en matière d’exploitation. • La fixation d’objectifs de performances aux différents opérateurs portuaires en fonction de la nature des activités
2
LA CRÉATION ET LA GARANTIE D’UN CLIMAT PAISIBLE DES AFFAIRES EN MILIEU PORTUAIRE • La cartographie des activités portuaires concédées et/ou autorisées ainsi que de leurs périmètres respectifs.
• La création d’une véritable communauté portuaire. • La mise en place d’une politique d’accompagnement des opérateurs dans l’exercice de leur activité.
3
LE DÉVELOPPEMENT DE L’OFFRE PORTUAIRE • L’aménagement et le développement des ports de plaisance le long du littoral entre Cocobeach et Mayumba. • L’aménagement des ports de pêche ainsi que la construction des superstructures de réception des produits halieutiques à Libreville, Port-Gentil et Mayumba. • L’aménagement et la construction des ports secs aux zones dites frontalières avec le Cameroun, la Guinée Équatoriale et le Congo.
• Le déploiement des équipes de la capitainerie de manière permanente sur chaque site d’exploitation d’activité portuaire. • La redéfinition des termes de gestion du domaine et la mise en place d’un contrôle physique et électronique de l’occupation domaniale portuaire. • La maîtrise du tracking des cargaisons importées et exportées. • La mise à jour du barème des redevances, des droits et taxes applicables dans les ports et rades du Gabon.
6
LA SPÉCIALISATION DES RESSOURCES HUMAINES • L’identification de métiers portuaires de pointe conformément à la vision stratégique. • La définition et le suivi d’un plan de formation incluant l’ensemble du personnel.
4
LA SIMPLIFICATION DES PROCÉDURES PAR LA DÉMATÉRIALISATION • La mise en place d’un système de communication portuaire intégré. • La mise en place d’un guichet unique portuaire. • La suppression des procédures et des étapes dites répétitives ou redondantes. • La réduction du nombre d’intervenants et de documents dans les procédures portuaires.
5
L’OPTIMISATION DES RECETTES ET LA TRAÇABILITÉ TOTALE DU TRAFIC PORTUAIRE • Le recensement exhaustif des opérateurs portuaires, des activités exercées, et des sites d’exploitations de ces activités sur l’étendue du territoire national.
COMMUNIQUÉ
7
LA CONFORMITÉ AUX NORMES PORTUAIRES INTERNATIONALES • Gestion : ISO 9001 version 2015. • Sécurité : OHSAS 18001. • Sûreté : ISO 28001. • Environnement : ISO 14001.
8
LA PROMOTION ET LA VALORISATION DE LA PLACE DE LA FEMME DANS L’INDUSTRIE PORTUAIRE
ENTRETIEN AVEC
Landry Régis Laccruche Lelabou
Directeur Général de l’Office des Ports et Rades du Gabon (OPRAG).
Quelle est votre vision de l’importance et de la place des ports dans l’économie gabonaise ? L’économie gabonaise est en pleine mutation. Il faut, de prime abord, considérer les réformes multisectorielles engagées par le Président de la République, Chef de l’État, dans le but principal de sevrer l’économie gabonaise de sa dépendance au pétrole. Cette stratégie a permis au Gabon de passer de la situation de pays mono-exportateur typique des économies post-coloniales (exportation des matières premières et importations des produits manufacturés) à celle d’un pays exportateur de biens transformés. C’est le cas du bois, par exemple, qui n’est plus exporté sous l’état de grume depuis avril 2010. Le port est le passage obligé de cette transformation économique. L’essentiel de notre commerce transfrontalier repose sur le dynamisme et la modernité de nos ports ainsi que sur leur capacité à s’adapter aux exigences du commerce maritime international. C’est là le leitmotiv de l’OPRAG. Notre vision stratégique résulte du souci de faire des ports du Gabon, des ports encore plus modernes qui seront des outils de développement de l’économie du Gabon mais encore plus : des ports au service des populations. Notre vision stratégique est définie en huit piliers.
“
Nous aspirons à être la première plaque tournante maritime de la sous-région
Comment vous positionnez-vous dans le contexte hyperconcurrentiel des ports en Afrique de l’Ouest ? Les agrégats macroéconomiques des pays de la sous-région sont pratiquement similaires, excepté les taux de croissance qui sont sensiblement variables d’un pays à
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l’autre. Mais dans le cadre sous-régional, le Gabon n’a pas à rougir devant les autres ports. En dehors du trafic captif propre à chaque pays (importations et exportations pour les besoins de son économie), nous arrivons à fournir des services aux navires avec une célérité telle que nous avons été primés par deux fois lors des dernières assemblées de l’Association de Gestion des Ports de l’Afrique de l’Ouest et du Centre (AGPAOC). La première distinction concerne le meilleur temps d’attente pour les navires : nous sommes à la 2e place sur 26. Nous sommes passés de 5 jours à moins de 24 heures en l’espace de 2 ans, ce qui représente une progression sans précédent. C’est la conséquence logique des investissements consentis d’un commun accord avec nos différents partenaires. Nous avons de même simplifié au maximum nos procédures et procédé à une réduction du coût de fret d’entre 20 % à 40 % sur certains produits. Et la deuxième distinction ?
La deuxième distinction, qui date de cette année, nous place au 1er rang parmi les ports de l’AGPAOC en ce qui concerne la progression du trafic conteneurisé. Ceci étant, nous ne nous reposons pas sur nos lauriers, mais aspirons à être la première plaque tournante de la sous-région notamment en faisant d’un de nos ports un hub maritime. Le Gabon jouit d’une stabilité politique et offre d’excellentes conditions de sécurité et de sûreté aux principaux armateurs fréquentant nos installations portuaires. C’est un atout déterminant en matière de choix d’escale par ces derniers et confère à notre pays une place de choix parmi les destinations portuaires les plus sûres en Afrique et ce malgré le fait que nous soyons dans le Golfe de Guinée.
COMMUNIQUÉ
La véritable difficulté du port résidait dans la multitude et la diversité d’intervenants dans la chaîne logistique industrialo-portuaire, impliquant donc une pléthore de procédures ; ainsi que dans l’absence d’une plate-forme logistique dans le pays. Nous avons résolu ce problème d’une part, par la simplification des procédures évoquées précédemment. D’autre part, nous avons également ouvert, mais de manière encadrée, le marché de la livraison et de la réception portuaire. Nous avons aussi libéré des espaces dans la sphère péri-portuaire, afin de permettre aux acconiers et aux transitaires de disposer d’aires de conditionnement et de préparation d’escales, sous la supervision des services douaniers 24/24. L’exemple le plus patent est l’ancien port à bois : près de 6 hectares sont entièrement dédiées aux services logistiques. En ce qui concerne le multimodal, il faut savoir que le principal port du Gabon est desservi par la route, le rail et le fleuve. Il reste certes des efforts à faire mais nous sommes sur la bonne voie. Vous envisagez également de développer le trafic fluvial… Entre Port-Gentil et Ndjolé nous souhaitons réhabiliter la voie fluviale navigable qui permettait de rallier la ville de Port-Gentil le plus aisément possible, afin de permettre l’acheminement facile et à moindre coût du manganèse exploité dans le centre du pays. En effet, nous sommes en pleine discussion avec des partenaires pour l’aménagement d’un port minéralier à Port-Gentil. Il ne faut pas oublier le trafic domestique. Cette réhabilitation des voies fluviales navigables permettrait de désenclaver cette partie du territoire et pourrait impulser par ailleurs une activité touristique dans cette contrée qui regorge des sites très bucoliques. La transparence est devenue aujourd’hui une préoccupation majeure. Comment l’OPRAG peut-il garantir qu’il n’y a pas de détournement de fonds ? Il est quasiment impossible que des détournements de fonds à grande échelle se produisent au sein de l’OPRAG. Le niveau de recette mensuelle n’atteint que très rarement le milliard de FCFA. Le niveau des recouvrements s’élève très souvent à 600 millions par
DE MULTIPLES RÉCOMPENSES POUR LE SYSTÈME PORTUAIRE GABONAIS • L’Office des Ports et Rades du Gabon (OPRAG) a été désigné, en 2015, 2e structure offrant la meilleure attractivité portuaire parmi les 22 pays membres de l’Association de Gestion des Ports de l’Afrique de l’Ouest et du Centre (AGPAOC). • Prix du « Port, meilleure productivité à quai en 2016-2017 ». Les critères d’éligibilité étaient, entre autres, le nombre de navires commerciaux accostés au port d’Owendo et le nombre de conteneurs traités par ledit port. • Prix du « Port, meilleure performances progression du trafic import et export en 2016-2017 ». Un prix qui est dû à la progression du trafic du port d’Owendo. • Prix de la « Meilleure Performance en Import /Export entre 2017 et 2018 ». • Certificat d’encouragement sur « La Transmission des Statistiques Portuaires ». • Certificat d’encouragement sur « La Communication Régulière des Données pour les Awards des Ports Africains ».
OPRAG - Office des Ports et Rades du Gabon (Autorité Portuaire) SIÈGE OWENDO : BP 1051 - Libreville, Gabon - Tél. : (+241) 11 70 17 98 - Fax : (+241) 11 70 51 55
www.opraggabon.ga COMMUNIQUÉ
DIFCOM/DF : PHOTOS : DR;
Pouvez-vous évoquer la logistique ?
mois et par déduction en 10 mois, on arrive à peu près à 6 milliards. Si on déduit les charges salariales mais aussi de fonctionnement, il est quasi impossible de distraire des montants élevés. En effet, les crédits de l’OPRAG sont essentiellement composés de DAT (dépôt à terme), qui constituent une somme d’argent mise en dépôt et bloquée, qui garantit par conséquent le fonctionnement des comptes domiciliés dans plusieurs banques. Les charges de l’OPRAG tournent autour de 800 millions par mois, un chiffre supérieur à celui des recouvrements (près de 600 millions par mois). Compte tenu des difficultés de recouvrement, l’OPRAG est régulièrement à découvert au niveau de sa trésorerie. Mais au-delà de ces éléments, il y a aussi les charges fiscales, le règlement de la TVA, de l’IRPP, mais aussi dépenses d’investissements. L’Office dispose de deux comptes dans des banques commerciales de la place, l’un supporte certaines dépenses d’investissement, notamment les travaux de réhabilitation de la route de Port-Gentil, tandis que le second est utilisé pour son fonctionnement. En effet, la structure a effectué d’importants investissements pour l’amélioration de ses infrastructures et de ses services notamment l’acquisition des voitures, le lancement des travaux de la route de Port-Gentil, ou le lancement des travaux des bâtiments administratifs pour l’amélioration des conditions de travail de ses agents. L’audit diligenté par la Cour des comptes récemment n’a laissé apparaître aucune anomalie dans sa gestion financière.
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INDUSTRIES EXTRACTIVES
Relance pétrolière Le secteur des hydrocarbures reprend de la vigueur, notamment grâce à la signature de nouveaux contrats d’exploration. Une première depuis cinq ans. CAROLINE CHAUVET, à Libreville
Forages offshore prometteurs
Plateforme au large de Port-Gentil.
Mais la tendance semble s’inverser. Selon la Direction générale des hydrocarbures (DGH), la production aurait augmenté de 11 % en un an, entre 2018 et 2019. L’objectif est d’augmenter la production pour
JUSTIN TALLIS / AFP
n nouveau code pétrolier, plus attractif pour les investisseurs, promulgué en juillet. Neuf contrats d’exploration signés depuis le mois d’août – une première depuis cinq ans ! – et trente-cinq blocs offshore mis aux enchères jusqu’en janvier 2020… Le Gabon semble mettre toutes les chances de son côté pour relancer sa production d’hydrocarbures. Depuis la mi-2014, la chute des cours du baril de brut au niveau mondial a mis en difficulté le secteur pétrolier au Gabon, qui jusqu’alors tirait en moyenne 60 % de
U
ses recettes d’hydrocarbures. Sans compter le déclin de la production (voir graphique). L’économie tout entière du pays a été touchée par cette crise, à laquelle est venu s’ajouter le lot d’incertitudes et de troubles politiques liés à la présidentielle, en 2016. Licenciements économiques et cessations d’activités se sont ensuivis. En octobre 2017, la major américaine Shell a cédé ses actifs à Assala ; à Port-Gentil, la capitale pétrolière, le taux de chômage a augmenté et, entre 2014 et 2019, le pays n’a signé aucun nouveau contrat d’exploration.
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qu’elle atteigne 300 000 barils par jour (b/j) en 2021, contre 194 000 en 2018 (selon le rapport statistique annuel 2019 de BP). « Certains pétroliers ont recommencé le forage en 2017-2018, et la reprise se fait sentir depuis le dernier trimestre 2018 environ », confirme Sylvain Mayabi Binet, secrétaire général de l’Organisation nationale des employés du pétrole (Onep). Aujourd’hui, le pays se tourne surtout vers l’offshore, la majorité des champs onshore étant en état de maturation, même si cela n’empêche pas les entreprises d’essayer d’y rentabiliser leurs puits. Par ailleurs, certains de ces gisements ont encore des potentiels gaziers, comme le site d’Olowi, exploité par le franco-britannique Perenco, indique-t-on au ministère.
« LA REPRISE SE FAIT SENTIR DEPUIS LE DERNIER TRIMESTRE 2018. »
SYLVAIN MAYABI BINET, secrétaire général de l’Organisation nationale des employés du pétrole (Onep)
« Nous ne remarquons pas une baisse du chômage à Port-Gentil, car en même temps que certains postes d’emploi se créent d’autres continuent de disparaître », constate Sylvain Mayabi Binet. De nombreuses compagnies pétrolières ont par ailleurs profité de la crise pour mettre en place des « programmes d’assainissement » au niveau du personnel, précise l’Onep. En attendant une « véritable relance » pour pallier le problème du chômage dans les différents métiers liés au secteur, le ministère des Hydrocarbures et des Mines tente de mettre en place des mesures d’accompagnement, et, en juin, il a organisé un forum sur la reconversion professionnelle et l’employabilité des jeunes.
Chômage et reconversion
TROIS ANNÉES DE DÉCLIN 85,8
Croissance 2017>2018 (évolution en %)
81,9
– 8,8 %
74,6
+ 23,9 %
17,0
Production de pétrole en millions de tonnes par an Angola Congo Guinée équatoriale
Gabon Tchad
13,8 11,8
– 7,6 %
10,5
11,0 10,4 5,4
2016
9,0 5,4
– 3,1 %
2017
– 3,1 %
9,7 8,7 5,3
2018
UN CODE ATTRACTIF Promulgué en juillet 2019, le nouveau Code des hydrocarbures, qui remplace celui de 2014, a été pensé pour favoriser le retour des opérateurs privés. Exit l’impôt sur les sociétés, qui avait été fixé en 2014 à 35 % du « profit oil » – c’est-à-dire la « production restante »
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après déduction de la part affectée au remboursement des coûts (« cost oil ») dans le système de partage de production entre l’État et la compagnie pétrolière. Il est purement et simplement supprimé. Côté taxes, la « redevance minière proportionnelle » (RMP) versée à l’État et donnant
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droit d’exploiter son sous-sol est plus favorable à l’opérateur. Dans les contrats d’exploitation et de partage de production (CEPP), qui représentent la majorité des contrats signés, la part maximale de l’État est passée de 50 % à 40 %. Quant aux participations de l’État dans les CEPP,
qui peuvent être transférées à la société nationale, Gabon Oil Company (GOC), elles ne peuvent dépasser 10 % de la part d’intérêts, contre 20 % dans le Code de 2014. Enfin, la participation maximale de l’État dans le capital social de l’entreprise passe de 20 % à 10 %. C.C.
SOURCE : BP STATISTICAL REVIEW OF WORLD ENERGY 2019
Côté offshore, ces six derniers mois, le pays a signé neuf nouveaux contrats d’exploration et de partage de production (CEPP) conformes aux termes du nouveau code pétrolier, dont deux, au début d’août, avec la major malaisienne Petronas : Yitu (F12) et Meboun (F13), situés au large de la côte sud du pays, qui couvrent une superficie de plus de 4 300 km2. Malgré ces nouveaux investissements et l’augmentation de la production sur les champs existants, les effets de la relance ne se font pas encore pleinement sentir. Il faudra attendre entre cinq et dix ans, le temps de l’exploration et de la phase de développement, pour que les opérateurs puissent commencer à exploiter de nouveaux blocs. Selon l’Onep, on ne peut pas non plus observer de véritable relance en matière d’emplois pour le moment.
COMMUNIQUÉ
Agence Nationale de l'Aviation Civile du Gabon (ANAC)
L’AVIATION CIVILE GABONAISE
un exemple édifiant en Afrique centrale L’aviation civile gabonaise est gérée par l’Agence Nationale de l’Aviation Civile (ANAC). Cet établissement public à compétence nationale, doté d’une autonomie technique et de gestion, a été créé par l’État gabonais par la loi 005/2008 du 11 juillet 2008. Il a remplacé le Secrétariat Général à l’Aviation Civile et Commerciale (SGACC), première administration de l’aviation civile gabonaise à la suite d’un audit de mai 2007 de l’Organisation de l’Aviation Civile Internationale (OACI) qui a établi un taux de mise en œuvre (EI) des normes et pratiques recommandées de seulement 6,3 %.
Face à cette situation, retrousser les manches était de mise ! De ce fait, le gouvernement a immédiatement constitué une Task Force (présidée à l’époque par le Ministre de la Défense, l’actuel Président de la République, Chef de l’État, Ali Bongo Ondimba) qui a pris des engagements importants pour la mise en place d’une nouvelle structure (ANAC) et d’une assistance de l’OACI pour la mise aux normes. En mai 2016, l’OACI, à travers son bureau régional basé à Dakar, a mis en œuvre un projet pilote d’assistance dénommé GABON/16/001, visant à l’amélioration de la capacité de supervision de la sécurité aérienne. Outre l’implication forte des plus hautes institutions et autorités du pays (Chef de l’État, Parlement, Gouvernement, Tribunal…), il a vu la collaboration des experts sous-régionaux en aviation civile (Burkina Faso, Cameroun, Côte d’Ivoire, Mali, Mauritanie, Niger, Togo, Sénégal...) ainsi que d’organismes régionaux et partenaires (EASA, CASCAP, ASSA-AC…).
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Ü Audit de l’OACI en février 2019.
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Du 29 janvier au 6 février 2019, une mission de validation coordonnée de l’OACI (ICVM) sur les huit domaines et éléments cruciaux de l’aviation civile marque une progression importante de 46,84 % par rapport à la précédente IVA, établissant ainsi un taux de EI de 72,91 % du Gabon (1er en CEMAC et 2e dans la CEEAC).
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Ce résultat impressionnant a été honoré à travers le « Prix spécial du Président de l’OACI »
DES OBJECTIFS LARGEMENT ATTEINTS •
En décembre 2016, une IVA (revue selon les cinq éléments cruciaux) est effectuée, faisant progresser le taux d’EI de plus 8,09 %, avec un taux final de 26,07 %.
Au mois d’août 2018, la société ADL reçoit, en présence de l’OACI, du Chef de l’État et du gouvernement, le certificat d’aérodrome, faisant de l’aéroport international Léon Mba de Libreville, le premier aéroport en Afrique centrale à être certifié selon les normes.
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COMMUNIQUÉ
qui a été remis au Directeur général de l’ANAC, M. Arthur Nkoumou Delaunay, le 24 septembre 2019, à l’occasion de la 40e Assemblée générale de l’Organisation à Montréal. Le 18 octobre 2019, la Secrétaire Générale de l’OACI, Dr Fang Liu, a marqué sa satisfaction pour souligner non seulement cette progression record (la moyenne mondiale est actuellement de 67 %) après la mise en œuvre du projet pilote, mais également l’établissement d’un système de supervision solide de l’aviation civile.
Ces résultats traduisent le partenariat multidimensionnel qu’évoque le slogan de l’OACI, « Aucun pays laissé de côté », qui montre bien que le partage et la collaboration sont les clés principales pour continuer à faire progresser l’aviation civile mondiale.
Ü Remise du certificat de l’OACI.
C’est l’action conjointe digne de reconnaissance entre l’OACI, un Président de la République (également féru d’aviation), un parlement et un gouvernement engagés, ainsi que tous les partenaires et de l’industrie, qui permettra au Gabon de progresser continuellement et l’accompagnera dans les projets en cours (amélioration des taux en sécurité et sûreté aérienne, certification qualité ISO 9001 version 2015 de l’ANAC, certifications IOSA des compagnies aériennes, mise en œuvre des procédures d’atténuation des émissions de CO 2…).
Agence Nationale de l’Aviation Civile (ANAC) - BP 2212 - Libreville / Gabon Bureaux : Zone aéroportuaire Rond-Point Jardins de Jade - Tél.: (+241) 11 44 46 54 / 44 46 58 - Email : contact@anac-gabon.com
JAMG - PHOTOS : D.R.
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www.anacgabon.org
PUBLI-INFORMATION
LE MONDE VOUS VA SI BIEN ENTRETIEN AVEC FREDERIC DESCOURS, DIRECTEUR GENERAL AIR FRANCE-KLM POUR L’AFRIQUE CENTRALE Quelle place Air France occupe-t-elle au Gabon ? Elle est la plus ancienne compagnie aérienne opérant au Gabon. C’est sur un contrat de confiance que s’inscrit la première valeur ajoutée de la compagnie. Il en résulte un profond attachement des Gabonais à la marque Air France, et inversement. En termes de chiffres, que représente Air France localement ? 73 ans de présence sans interruption 135 000 passagers transportés à l’année + 1 000 emplois indirects créés pour l’économie gabonaise 1 vol quotidien entre Libreville et Paris-Charles de Gaulle Quels sont les engagements d’Air France en matière d’émissions de CO2 ? Air France a décidé d’accélérer ses engagements en matière de CO2 avec un nouvel objectif à l’horizon 2030 : réduire de 50% ses émissions de CO2 au AIR FRANCE passager/km par rapport à 2005. Entre 2011 AU GABON : et 2018, nous avons déjà réduit de 20% nos UNE OUVERTURE émissions de CO2. Et dès le 1er janvier 2020, SUR LE MONDE Air France compensera 100% des émissions « Grâce à son réseau CO2 de tous ses vols domestiques. SkyTeam, Air France fait voyager ses clients vers plus de 1 000 destinations. Le s p as s a g e r s b é n éf icie nt des meilleurs créneaux horaires au départ de l’aéroport Paris-Charles de Gaulle. Un atout majeur pour le développement des affaires et du tourisme au Gabon ! »
AIRFRANCE.GA
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TRIBUNE
Monnaie unique, non, évolution du CFA, oui À
DR
l’aube des indépendances, deux visions de l’Afrique Seuls les pays de la Cemac et de l’Uemoa ont expérimenté les se sont affrontées. La première, défendue par les chefs contraintes et les avantages de l’appartenance à une union d’État des nouveaux pays souverains du continent réunis au monétaire commune. Le franc CFA va être réformé, mais, avant sein du groupe de Monrovia, privilégiait une Afrique où les d’envisager une réforme en profondeur du système monétaire, pays demeureraient souverains tout en coopérant entre eux. il est important d’identifier ses avantages, pour éventuellement La seconde, défendue par un autre groupe de chefs d’État, les conserver, et ses limites, pour éventuellement les dépasser. le groupe de Casablanca, plaidait pour une Afrique fédérale Les discussions sur l’avenir du franc CFA ne devraient pas échapcontinentale, dotée notamment d’une armée et d’une monper à cette règle. naie fédérales. Le franc CFA doit évoluer pour répondre à la volonté que Si la vision du groupe de Monrovia semble l’avoir emporté, semblent exprimer les citoyens de la zone franc, pour être plus les idées du groupe de Casablanca reviennent en phase avec les évolutions économiques sourégulièrement dans le débat public, défendues haitées dans ces pays et, enfin, pour s’adapter parfois de façon très technique par des intellecaux grandes mutations intervenues dans le tuels, reprises souvent un peu maladroitement monde. Cependant, cette évolution ne doit pas par des populistes et, de plus en plus, soutenues prendre la forme de l’instauration de 14 monpar les jeunes générations, sur fond d’anticolonaies nationales. En effet, dans des pays où nialisme. Le débat sur la monnaie unique en la gouvernance est parfois faible, la solidarité Afrique et l’avenir du franc CFA en est la plus monétaire régionale peut se révéler protectrice parfaite illustration. et favoriser la stabilité. En théorie, tout est toujours possible. Cependant, dans la situation de nos économies, e mon point de vue, le franc CFA doit évoMays Mouissi une monnaie unique continentale est-elle souluer afin de : Analyste économique haitable et réalisable ? Je ne le pense pas. En • devenir une monnaie totalement africaine, l’état actuel de l’intégration économique africe qui impliquerait, d’une part, une réforme de caine et des défis propres à chaque pays, quelle la relation monétaire entre la France et les pays serait la cohérence d’une union monétaire regroupant l’Afrique de la zone franc, et, d’autre part, la fin du régime de change du Sud, le Gabon, la Gambie, l’Algérie et l’Éthiopie ? fixe entre le franc CFA et l’euro ; • centraliser progressivement l’intégralité des réserves en ce stade de notre développement, les projets de monnaie devises dans les banques centrales des deux unions monéunique ne peuvent s’envisager qu’au niveau régional, favoritaires, lesquelles doivent demeurer indépendantes ; sés par la proximité géographique et économique. Une monnaie • s’élargir à la RD Congo, au Rwanda, au Burundi et à São unique continentale serait prématurée et difficilement envisaTomé-et-Príncipe, dans une zone Cemac réformée pour regrougeable, tant sur le plan pratique que sur les plans politique et per dans un même espace monétaire ces pays qui ont une économique. En outre, mis ensemble, les pays africains ne remcommunauté de destin ; plissent pas les critères d’une zone monétaire optimale. En effet, • favoriser un meilleur accès au crédit et l’accroissement des l’opportunité ou non d’adhérer à une union monétaire devrait échanges intrarégionaux ; s’apprécier à la lumière de trois critères : l’efficacité des méca• devenir un instrument de lutte contre le chômage sur le nismes d’ajustement par les prix et/ou par les quantités, l’impormodèle de la Réserve fédérale américaine (FED) ; tance des chocs symétriques, et les caractéristiques structurelles • favoriser une plus grande convergence économique et des économies, qui divergent fortement d’un pays à l’autre. budgétaire entre les États ; Alors que des voix plaident pour une monnaie unique afri• devenir à plus long terme la monnaie unique des États caine, il convient de rappeler que la zone franc constitue, à ce jour, de l’Afrique centrale et de l’Afrique de l’Ouest, dans une vision la seule expérience de monnaie unique régionale en Afrique. d’intégration monétaire commune.
D
À
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BOIS ET STRATÉGIE
Lee White
Ministre gabonais des Eaux, des Forêts, de la Mer et de l’Environnement
« On a fait comprendre que la corruption, aujourd’hui, prend fin » ood afternoon Minister! » En cette fin d’après-midi moite à Libreville, Lee White est accueilli par ses équipes au septième étage de son ministère, situé sur le boulevard Triomphal. De retour de la présentation de son plan d’action pour les forêts à la Primature, le ministre des Eaux, des Forêts, de la Mer et de l’Environnement, chargé du Plan climat, du Plan d’affectation des terres et – depuis le remaniement du 2 décembre –, des Objectifs de développement durable (portefeuille qui avait été confié durant moins d’un mois à Brice Laccruche Alihanga), nous reçoit dans son département, où trône un large bureau en kevazingo. Ce bois précieux, dont l’exploitation et la coupe sont interdites depuis mars 2018, s’est retrouvé, au début de cette année, au cœur d’un scandale qui a coûté sa place au prédécesseur de Lee White, Guy-Bertrand Mapangou, ainsi qu’au vice-président, Pierre Claver Maganga Moussavou, limogés le 21 mai. Le scientifique britannique, natif de Manchester et naturalisé gabonais en 2008, vit depuis trente ans au Gabon. De 2009 jusqu’à sa nomination au sein du deuxième gouvernement Bekale, le 10 juin, il dirigeait l’Agence nationale des parcs nationaux (ANPN). Ce fervent défenseur de l’environnement, qui se définit comme un ministre « plus technique que politique », se voit confier, entre autres, la lourde tâche de réformer le secteur de l’exploitation forestière, rongé par la corruption et les trafics, mais aussi hautement stratégique pour l’économie et la politique industrielle du pays.
«
G
Jeune Afrique : En quoi consiste l’accord signé entre le Gabon et la Norvège au début de septembre, lors du sommet de l’ONU sur le climat?
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Lee White : Dans le cadre de la Cafi [l’Initiative pour la forêt de l’Afrique centrale, à laquelle le Gabon a adhéré en 2017], une première phase d’engagement d’un montant de 18 millions de dollars est destinée au financement du Plan national d’affectation des terres et de notre Système national d’observation des ressources naturelles et des forêts [SNORNF]. La deuxième phase de la Cafi, qui est de 12 millions de dollars, commencera en janvier 2020. Elle va financer un appui aux forestiers, en vue de la certification. Pour la troisième phase, la Norvège s’engage à récompenser le pays de ses efforts contre la déforestation en payant entre 5 et 10 dollars la tonne de carbone séquestré, soit jusqu’à 150 millions de dollars sur dix ans. Cet argent étant versé dans le cadre de la coopération, il servira à financer des activités contribuant à la bonne gestion de la forêt. Nous allons proposer une liste de projets en justifiant, pour chacun, en quoi il peut nous aider à continuer de réduire les émissions de CO2. Ce peut être un projet de police forestière, d’exploitation à faible impact ou d’installation de barrières électriques pour les populations qui souffrent des attaques d’éléphants. Où en est-on de l’enquête sur le « kevazingogate », qui a éclaté en février ?
Dans cette affaire, on s’est focalisé sur le kevazingo parce que c’est le bois qui se vend le plus cher, mais il y avait aussi d’autres essences dans les conteneurs. On a récupéré 160 des 353 conteneurs [découverts et confisqués par la justice en février-mars, ils avaient ensuite « disparu » du port d’Owendo], qui sont désormais dans la Zone économique spéciale [ZES] de Nkok. On a commencé à les vider. Pour 23 d’entre eux, la partie juridique est terminée et ils sont saisis par l’État, leur
MELIMAGEE.COM
Propos recueillis à Libreville par ROMAIN GRAS
valeur est d’environ 1 million d’euros. Il reste à régler un dernier détail, et nous pourrons procéder à la vente de cette première partie de bois saisi. Cet épisode a-t-il été dommageable pour les industriels ?
Cela a eu un impact sur les exploitants illégaux, qui y ont perdu de l’argent, et certains ont été arrêtés, ce qui est une bonne chose. Mais il y a aussi eu des dommages collatéraux. Par précaution, les exportations de bois ont été gelées au port d’Owendo pendant près de quatre mois. Une des premières mesures que j’ai prises au ministère a été de rouvrir le port, parce qu’on ne pouvait pas pénaliser les bons forestiers. Nous avons mis en place une équipe mixte [eaux et forêts, douanes,
ON VA FRANCHIR UN NOUVEAU PALIER EN FAISANT CERTIFIER TOUTES LES CONCESSIONS FORESTIÈRES D’ICI À 2022.
gendarmes] pour minimiser les risques de fraudes, et nous avons donné la priorité aux sociétés certifiées, puis à celles en voie de certification. Depuis, l’activité a repris progressivement. Pourquoi voulez-vous revenir sur l’interdiction d’exploitation du kevazingo ?
L’exploitation du kevazingo a été légale jusqu’en mars 2018. En 2014, on avait décidé d’autoriser uniquement l’exportation des meubles en kevazingo, et, pendant un temps, le ministère délivrait des dérogations pour autoriser l’exportation de planches… Mais il y a eu tellement d’exploitations illégales qu’il a fallu l’interdire. À l’époque, je n’avais pas été consulté, mais j’étais contre cette interdiction. C’est une espèce précieuse, dont on peut faire une exploitation durable, à hauteur de 40 000 m3 par an. C’est d’ailleurs moi qui ai encouragé le président à mettre le kevazingo sur la liste Cites [des espèces et essences protégées] afin de contrôler cette exploitation. Le kevazingo n’a pas un rôle clé dans l’écosystème et c’est une espèce qui se régénère dans la forêt, donc, écologiquement, il est intéressant de l’exploiter. Comment encadrer cette exploitation pour éviter les trafics ?
On a réglementé le port d’exportation : il ne peut plus recevoir de bois sans que celui-ci soit assorti des documents prouvant sa traçabilité. Le Parlement a adopté un nouveau code pénal qui sanctionne de dix ans de prison la falsification de ce type de document. On a sensibilisé tous nos collègues sur le terrain. On a fait comprendre que cette culture de la corruption, aujourd’hui, prend fin. C’est aussi la raison pour laquelle le chef de l’État souhaite franchir un nouveau palier en faisant certifier toutes les concessions forestières d’ici à 2022 pour mieux réglementer le secteur. Parallèlement, nous allons aussi développer les systèmes de traçabilité – nous devrions être pleinement efficaces en la matière d’ici à la fin de 2020. Dix ans après l’interdiction d’exporter les grumes, quel bilan en tirer (lire p. 138) ?
Au début, cela a été difficile : on a perdu presque la moitié des emplois dans
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L’INDUSTRIALISATION DE LA FILIÈRE, DIX ANS APRÈS Adoptée en 2009 et entrée en vigueur en janvier 2010, l’interdiction d’exporter le bois en grumes a nécessité des adaptations, des sacrifices et des efforts, de la part des pouvoirs publics comme des opérateurs privés, exploitants forestiers comme industriels. Les principaux objectifs étaient d’imposer à la filière de s’industrialiser localement, au moins à travers une première transformation, afin d’augmenter la valeur ajoutée des exportations et de contribuer à une
meilleure gestion du secteur. Dix ans plus tard, même si beaucoup reste à faire, le pari est réussi. De 2009 à 2019, la contribution du secteur au PIB a doublé pour atteindre 5 % (60 % du PIB hors pétrole), la production de bois transformé est passée de 280 000 m³ à 800 000 m³ (le Gabon est notamment devenu le deuxième producteur de placage au monde), et l’ensemble de la filière (exploitation et transformation) représente désormais 26 000 emplois dans le pays, contre environ 16 000
en 2009. Principal outil de transformation de la filière, la Zone économique spéciale (ZES) de Nkok, à 27 km de Libreville, développée depuis 2010 par Gabon Special Economic Zone (GSEZ). Même si les opérateurs historiques (comme le français Rougier, le suisse Precious Woods ou la gabonaise Société équatoriale d’exploitation forestière) ne l’ont pas rejointe, en neuf ans, la ZES a attiré plus de 1,7 milliard de dollars de la part de 141 investisseurs de
D’après les chiffres dont je dispose, nous serons à 13 % du PIB l’an prochain. D’ici à 2022, nous aurons donc probablement atteint le seuil des 20 %. Le projet de certification FSC (Conseil du soutien de la forêt) d’ici à 2022 ne risquet-il pas de fragiliser les petites structures, compte tenu de ses exigences ?
Beaucoup de petites sociétés asiatiques sont présentes, qui ont été le moteur du « kevazingogate ». Si cette certification peut permettre de les écarter, pas de problème ! En revanche, si cela met en difficulté des petites sociétés qui respectent la loi, c’en est un. Le FSC est en effet exigeant, et nous avons voulu choisir la meilleure certification pour être aux normes internationales. On nous demande
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CÉCILE MANCIAUX
souvent si l’on ne peut pas choisir d’autres systèmes ; ce n’est pas impossible. Nous sommes en train d’en évaluer plusieurs mais, pour l’instant, nous privilégions la FSC.
la forêt et environ 3,5 millions de m3 d’exploitation. Aujourd’hui, le secteur représente 26 000 emplois [soit environ 10 000 de plus qu’en 2009] et un chiffre d’affaires près de trois fois supérieur à ce qu’il était en 2009, avec quasi une usine qui ouvre chaque mois. Sur cinq ans c’était compliqué, mais sur dix ans c’est une réussite. Le poids de la filière bois dans le PIB a doublé en dix ans pour atteindre 5 %. Mais c’est encore loin de la barre des 20 % en 2020 qui avait été fixée…
19 nationalités (principalement asiatiques), et une cinquantaine d’usines y sont en activité (et une vingtaine en train de s’y installer), parmi lesquelles celles du chinois Jin Shan Wood et des indiens Greenply et Gabon Veneer, qui emploient chacun entre 70 et 150 personnes. Parmi les prochaines étapes envisagées par le gouvernement gabonais, la création d’une Bourse du bois, qui pourrait jouer le rôle d’intermédiaire entre fournisseurs et clients pour la filière.
Plus de 70 % des permis forestiers sont aujourd’hui détenus par des exploitants chinois, dont certains sont critiqués pour leurs méthodes. Un audit de l’attribution des permis forestiers est-il envisageable ?
À PORTEFEUILLE STRATÉGIQUE, BUDGET SUBSTANTIEL
Dans le projet de loi de finances 2020, le budget du ministère a été arrêté
à 21 milliards de F CFA
(32 millions d’euros),
en hausse de 5 milliards par rapport à l’exercice 2019
Nous allons le faire, nous allons lancer un audit de la légalité fiscale de tous les permis au Gabon et aussi évaluer la légalité de tous les plans d’exploitation. Nous irons sur le terrain évaluer les assiettes 2020. Le message que les choses ont changé est passé, c’est à nous de montrer des règles claires. La demande en bois des pays asiatiques semble en baisse. Comment y remédier ?
Le marché est bas, donc la demande moins forte. C’est le moment de mettre en place les réformes afin d’être prêts lors de la reprise du marché. Peut-être qu’à court terme on souffre, notamment avec les négociations commerciales entre la Chine et les États-Unis. Mais certaines sociétés chinoises peuvent voir le Gabon, qui fait partie de l’Agoa [African Growth and Opportunity Act], comme une destination d’investissement.
PUBLI-REPORTAGE
Bolloré Transport & Logistics :
ACTEUR MAJEUR DE LATRANSFORMATION LOGISTIQUE DU GABON BolloréTransport & Logistics emploie aujourd’hui près de 1 000 personnes au Gabon, dont 98% de gabonais, à travers ses activités de manutention portuaire, de consignation maritime, de logistique transit et de commissionnaire en douane.L’entreprise qui déploie une politique d’engagement sur le long terme est engagée aux côtés des autorités gouvernementales et portuaires pour lutter contre la vie chère et contribuer à la croissance économique et sociale du pays.
Le Gabon a lancé un ambitieux programme d’investissements pour développer ses infrastructures portuaires, aéroportuaires et logistiques, en vue de favoriser les importations et exportations des produits issus des principaux secteurs d’activité de l’économie locale (pétrole, minerais, bois, agriculture…). Owendo Container Terminal (OCT), concession de Bolloré Ports apporte un service compétitif aux armateurs, aux importateurs et aux exportateurs. Il s’est doté d’équipements de manutention conformes aux standards internationaux qui lui permettent d’accueillir des navires jusqu’à 6000 EVP et dispose d’un parc à conteneurs de plus de 10 hectares. OCT déploie une politique tarifaire compétitive visant à réduire l’impact du coût de passage portuaire sur le panier de la ménagère et à favoriser les flux industriels et semi-industriels indispensables à la croissance de l’économie Gabonaise. En 2017, une nouvelle grille des tarifs d’acconage a d’ailleurs été mise en place avec des tarifs en baisse de 25 à 40 %.
Partenaire des nouveaux défis logistiques Leader historique dans les métiers de la commission de transport pour les secteurs Miniers et de la Grande distribution, Bolloré Transport & Logistics continue à investir pour être le partenaire de référence des nouveaux défis logistiques. L’entreprise a ainsi renforcer son offre de Logistique magasin pour l’industrie FMCG/ Telecom à Libreville et la Logistique pétrolière terrestre à Port Gentil.
Par ailleurs, Bolloré Transport & Logistics a mis en œuvre avec la société ferroviaire SETRAG et des groupes spécialisés dans la transformation du bois, un hub logistique à Lastourville. Il permet de fluidifier, d’optimiser et de sécuriser l’acheminement de plusieurs centaines de conteneurs, chaque mois, vers le Terminal d’Owendo distant de 560 km.
Acteur du développement local
Bolloré Transport & Logistics Gabon favorise le recrutement local et la formation de ses collaborateurs. L’entreprise participe ainsi à la formation des talents de demain qui contribueront au développement économique du Gabon. Un bureau d’embauche de dockers a récemment été mis en place au Port d’Owendo afin de professionnaliser et de sécuriser ces emplois. Bolloré Transport & Logistics œuvre à la professionnalisation des enseignements à travers des conventions signées avec des Grandes Écoles et des universités ; et s’engage auprès de la jeunesse gabonaise en accueillant chaque année près de 300 stagiaires. L’entreprise mène aussi des actions solidaires dans des secteurs clés comme la santé, l’éducation et la protection de l’environnement. En 2019, Bolloré Transport & Logistics Gabon a par exemple lancé un programme de prise en charge des soins de santé des pensionnaires de l’orphelinat Arc-en-ciel et distribué des kits scolaires à des orphelinats. bollore-transport-logistics.com
SC BTL-11/19
Développer les performances des infrastructures portuaires du pays
Grand format GABON
SOCIÉTÉ
Petits remèdes contre la vie 140
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La chaîne de boulangerie Paul a ouvert son premier établissement dans le centre de Libreville en 2018.
Baisse des revenus, hausse des prix des produits de base… Ces dernières années, les Gabonais ont vu leur pouvoir d’achat se réduire comme peau de chagrin. Un casse-tête pour tous, y compris pour l’État. ROMAIN GRAS
A
vant même de s’engouffrer dans l’un des taxis massés sur le parking de l’aéroport Léon-Mba, on aperçoit sa moustache et son bouc. Le portrait schématique sur fond rouge du « colonel » de l’enseigne de restauration rapide Kentucky Fried Chicken (KFC) accueille désormais chaque voyageur sortant du terminal d’arrivée librevillois. S'étalant sur deux étages, la première antenne gabonaise de la franchise américaine a été inaugurée en mars 2019. Située en bordure d’un axe routier très fréquenté, elle a immédiatement été prise d’assaut par une clientèle de jeunes Librevillois. Le succès de l’enseigne dans les premières semaines qui ont suivi son ouverture a été tel que le ministre des Infrastructures de l’époque, Arnauld Engandji, a dû se rendre sur place pour tenter de trouver des solutions aux embouteillages causés par le flot continu d’amateurs de poulet grillé. « Chaque nouvelle enseigne de ce genre qui ouvre au Gabon connaît un pic de fréquentation très rapide, car il y a une demande de nourriture “jeune”, explique l’économiste gabonais Gabriel Zomo Yebe. La classe moyenne veut de plus en plus consommer, comme les autres classes moyennes ailleurs dans le monde. Il y a une forme d’européanisation de la consommation. »
chère
JACQUES TORREGANO/DIVERGENCE POUR JA
Classe moyenne aisée
L’euphorie est retombée et, depuis, le restaurant ne fait plus le plein. La fréquentation se résume souvent aux voyageurs qui arrivent au Gabon ou en repartent, ainsi qu’aux Librevillois aux revenus aisés. « Nous savons que la fréquentation chute très vite après les premiers jours, mais on s’y adapte. Les Gabonais méritent ce type d’offre », insiste la direction de l’établissement. Car si le prix moyen des plats se situe autour de 2000 F CFA (3 euros), il faut compter un minimum de 6000 F CFA (9,15 euros) pour un repas complet et, pour certaines formules, jusqu’à 25000 F CFA (plus de 38 euros). De quoi freiner les ardeurs de beaucoup de clients, plus habitués aux portions et aux tarifs – bien plus abordables – des vendeurs de « coupés-coupés » qu’à ceux des franchises internationales.
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Depuis 2015, Resto Group – filiale de Cedicom Group, qui supervise l’importation de nombreux produits de consommation au Gabon –, organise le déploiement de franchises européennes ou américaines au Gabon. C’est ce groupe, dirigé par l’homme d’affaires d’origine libanaise Nader Hashem, qui est à l’origine de l’ouverture du KFC et, avant lui, des trois restaurants de l’enseigne Paul. La chaîne de boulangerie s’est en effet élargie, au Gabon, à des restaurants plutôt chics, où, en plus des viennoiseries, sont servis des burgers gourmets et des petits plats mijotés. Là aussi, il faut « mettre le prix », mais ces établissements ont trouvé leur clientèle. Si de telles enseignes ne sont pas légion dans la capitale gabonaise, elles continuent de s’y développer, malgré la crise et la baisse du pouvoir d’achat. Du côté des promoteurs, on assume d’ailleurs la volonté de viser la « classe moyenne aisée », qui reste encore aujourd’hui une minorité, dans un pays qui importe 90 % de ses produits de consommation courante. « La diversification qui devait avoir lieu dans le domaine alimentaire n’a pas donné les résultats escomptés, notamment le programme Graine (lire p. 100), et les Gabonais subissent la fluctuation des prix », explique l’économiste gabonais Mays Mouissi (lire p. 135). Selon les estimations du gouvernement, la tendance haussière de l’inflation est aujourd’hui maîtrisée (son taux moyen était de 4,8 % en 2018 et il devrait redescendre à 2,5 % pour 2019). Pourtant les consommateurs continuent d’en subir les effets. D’ailleurs, selon les chiffres de la direction générale de l’Économie et de la Politique fiscale, l’inflation mesurée par l’Indice harmonisé des prix à la consommation des ménages (IHPCM) à Libreville, Akanda (en périphérie nord de la capitale) et Owendo affichait un taux de 4,7 % en moyenne pour les trois premiers mois de 2019, contre 2,7 % sur la même période en 2018. Plus généralement, l’inflation affecte tous les postes de dépense des ménages gabonais, en particulier les « produits alimentaires et boissons non alcoolisées » (5,6 %), les frais de « logement, eau, gaz et électricité » (5 %) et les « transports » (5,1 %).
Chers transports
Sur ce dernier point, il suffit d’observer la contestation, récurrente ces derniers mois, liée à la hausse des prix du carburant. Depuis la suppression des subventions de l’État, à la fin de 2015, sur demande du FMI, le prix à la pompe a connu des augmentations régulières (par exemple entre 40 F CFA et 50 F CFA supplémentaires par litre en juin dernier). Du côté des chauffeurs, la grogne monte d’autant plus que le secteur du transport est en difficulté depuis plusieurs années. La Société gabonaise de transport (Sogatra), qui en a le monopole depuis 1997 mais est handicapée par un parc automobile vétuste et par des tensions sociales importantes, va devoir faire face à un concurrent : TransUrb, la nouvelle société de transports urbains. L’arrivée de cette société privée est censée améliorer un système de transports publics saturés par la demande et souvent onéreux. Car si les bus de la Sogatra restent le moyen le moins
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coûteux de traverser la ville, avec des billets à prix fixes à 100 F CFA (15 centimes d’euros), les interminables files d’attente pour accéder aux véhicules aux heures de pointe poussent nombre d’usagers à se tourner vers d’autres solutions. Parmi les options possibles, les taxi-bus, plus rapides mais plus chers – l’inconvénient majeur est que les voyageurs doivent généralement s’aligner sur le passager qui fait le plus de chemin pour harmoniser le tarif du trajet. Il reste l’option la plus onéreuse, celle des taxis, classiques ou sans licence. En juin, face à l’augmentation des prix du carburant, la Coalition nationale des syndicats du secteur des transports et assimilés (Conasystra) a haussé le ton et, après des négociations stériles avec le gouvernement, n’a eu d’autre choix que d’annoncer une hausse d’environ 100 F CFA sur le prix moyen des courses – lequel, à Libreville, est fixé après discussion avec le chauffeur. En juin 2018, dans un contexte économique déjà délicat, le gouvernement avait annoncé une série de mesures pour réduire les dépenses de l’État, parmi lesquelles la réduction des effectifs des cabinets ministériels, la création de bons de caisse pour l’ensemble des personnels de l’État (afin de s’assurer de la présence effective des agents), la baisse des revenus des agents publics, la réduction des effectifs dans les principales institutions, ainsi que le gel des recrutements pendant trois ans. De nouvelles mesures pour maîtriser la masse salariale de la fonction publique ont été adoptées en avril 2019. Des dispositions jugées positives par le patronat gabonais, mais qui ont provoqué une levée de boucliers, notamment de la part des syndicats, Dynamique unitaire – l’une des principales centrales – dénonçant des mesures « décoratives, destinées à précariser les agents publics ».
PLAFONNEMENT SALUTAIRE Le mécanisme de défiscalisation de certains produits, instauré en 2012 et destiné à maîtriser les coûts de certains produits de consommation de base, a été renouvelé en juin dernier. Le nouveau dispositif d’exonération des droits de douane et de la TVA concerne 58 produits de première nécessité consommés essentiellement « par les ménages disposant de revenus modestes » : il s’agit notamment des produits laitiers, de la volaille, des cotis (petites côtes de porc) et de certaines
variétés de riz. La mesure a indéniablement eu un impact sur les ménages dits modestes et peut toujours être ajustée en fonction des produits. « Plafonner le coût de certains produits dans une économie libérale où les prix s’autorégulent est toujours risqué et peut parfois entraîner l’opposition de certains opérateurs économiques », souligne cependant Abbas Nziengui Mabika, secrétaire exécutif de la Confédération gabonaise des syndicats des commerçants (Cogasyc). R.G.
AMÉNAGEMENT
Business de bord de mer
Futur quartier d’affaires sur le littoral de Libreville, la Baie des rois est l’un des rares chantiers d’infrastructures que l’État maintient dans ses priorités. Un projet qui fascine autant qu’il irrite. C’est la dune de sable la plus célèbre de la capitale gabonaise. Le bâtiment de l’Agence nationale des grands travaux d’infrastructures (ANGTI), situé à quelques mètres de la Cour constitutionnelle, offre une vue panoramique sur le bord de mer et permet de contempler le chantier de la Baie des rois, un projet de quartier d’affaires de 40 hectares. « C’est à nous de concrétiser les choses, de montrer que le projet a de l’avenir, reconnaît Serge Thierry Mickoto, président du Fonds gabonais d’investissements stratégiques (FGIS), chargé du projet. L’erreur qui a été faite au départ a été d’engager les travaux simultanément sur les 40 hectares. Désormais, nous nous sommes recentrés sur une parcelle, et les choses avancent », explique-t-il. En longeant la route embouteillée du bord de mer et les palissades qui délimitent le chantier, on constate en effet qu’une partie du terrain en construction, divisé en cinq zones, est accessible. Là, sur la parcelle n o 2, au nord du site qui fait face au centre hospitalier Jeanne-Ebori, l’entreprise française Colas (qui avait remporté l’appel d’offres lancé au printemps 2017) a achevé les travaux de viabilisation. Sur les autres zones, ils ont pour l’instant
été suspendus. Colas a pris la suite de la China Harbour Engineering Company, chargée des travaux de dragage, de remblais et de terrassement – d’un coût estimé à 58,8 milliards de F CFA (89,5 millions d’euros) – menés entre 2013 et 2016, qui ont permis de faire passer la superficie de l’ancien Port-Môle de 4 à 40 hectares.
Modernisation de la capitale
Chantier emblématique de la capitale, l’ancien projet de marina de Libreville, devenu celui de la Baie des rois, alimente les fantasmes et les critiques depuis plus de vingt ans. C’est en 1997 qu’Omar Bongo Ondimba lance ce gigantesque projet d’aménagement du front de mer, afin de faire de Libreville la plateforme économique et touristique incontournable de la région. Le président gabonais se tourne alors vers deux entreprises sud-africaines, V&A Waterfront et Entech Consultants. Montant estimé des travaux : entre 200 et 280 millions de dollars. Le projet sous sa forme initiale échoue. « Les pouvoirs publics avaient estimé qu’il n’était pas envisageable de laisser les Sud-Africains gérer eux-mêmes le transfert des titres fonciers de la zone du Port-Môle », explique un collaborateur
du projet de la Baie des rois. Au milieu des années 2000, plusieurs alternatives sont étudiées. En vain. C’est en 2013 que l’aménagement de l’ancien P o r t- M ô l e, r e b a p t i s é Champ-Triomphal, est relancé et confié à l’ANGTI dans le cadre du plan de modernisation de la capitale voulue par Ali Bongo Ondimba. Mais, dès 2013, les premiers signes de ralentissement de l’économie se font sentir, et, en 2015, la crise financière liée à la chute des cours du pétrole porte un coup d’arrêt au chantier. Celui-ci est alors confié, dès décembre 2015, au FGIS (dont le capital de départ pour le projet est fixé à 15 milliards de F CFA), qui le place quelques mois plus tard entre les mains de la filiale qu’il a créée à cet effet sous le nom de Façade maritime du Champ-Triomphal(FMCT).
Lassés de croire, pressés de voir « Le FGIS reste le bras financier de l’État, mais la FMCT agit hors du cadre de la loi de finances, c’est donc un moyen pour l’État de se détacher du projet aux yeux de l’opinion, tout en restant son principal moteur », explique notre interlocuteur. « Aujourd’hui, pour le président, c’est devenu un projet de fierté, confiait
en début d’année un habitué du palais. Car l’opposition profite de chaque occasion pour pointer du doigt ce chantier. » À l’instar d’Alexandre BarroChambrier: « Il y a d’autres priorités pour les Gabonais que de construire des hôtels et des bureaux sur le bord de mer, confiait ce dernier à JA à la fin de 2018, lors de la campagne pour les législatives. Certains quartiers croulent sous les ordures, le système scolaire a été laissé de côté… Pour les gens, ce projet reste une aberration! » Surtout, les Librevillois sont lassés de croire et pressés de voir. Malgré les critiques et la peur de voir le projet se transformer en « éléphant blanc », le FGIS maintient que les travaux sont sur les bons rails. Un appel d’offres doit être lancé au début de 2020 pour amorcer la commercialisation des premiers lots. « L'objectif est de livrer le premier îlot de la parcelle no 2 d’ici à 2021 », explique le Franco- Gabonais Emmanuel Edane, coordinateur du projet pour la FMCT. La filiale du FGIS espère financer le reste des parcelles à partir des ventes des terrains de cette zone nord. « Ce sont des projets d’envergure, cela ne me paraît pas aberrant que leur développement s’étale sur plus de vingt ans », assure Emmanuel Edane. ROMAIN GRAS
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Le temps des réformes
P
Parce qu’il en a toujours fait l’un des principaux instruments de mise en œuvre de la politique sociale et de la cohésion nationale, le gouvernement gabonais a prescrit à la nouvelle équipe dirigeante de la Caisse Nationale de Sécurité Sociale du Gabon l’urgente mission de redonner des couleurs à une institution minée depuis plusieurs années par des déficits de gouvernance. © AFFOLABY JAMES FRANCK
romu Directeur Général de la Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS), mi-juillet 2019, au plus fort d’un bras de fer interminable entre les retraités gabonais et le directoire sortant, Romaric Ghislain Youmou Mbodot se savait attendu sur le terrain des décisions de gestion urgentes, audacieuses et nécessaires pour sortir l’institution dont il a désormais la charge des difficultés de tous ordres, en tirant le meilleur parti de toutes les réformes déjà initiées par ses devanciers.
Tirer profit des promesses de l’embellie annoncée
Romaric Ghislain Youmou Mbodot, Directeur Général de la Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS)
Les missions de la CNSS : immatriculer les travailleurs et les employeurs, recouvrer les cotisations et payer les prestations sociales.
Les réserves techniques sont dérisoires au point d’alarmer les actuaires qui s’inquiètent d’un assèchement complet à l’horizon 2036. Et pour ne pas arranger les choses, la crise économique qui touche de plein fouet l’économie gabonaise, consécutive à la baisse des cours du baril du pétrole, affecte principalement les entreprises privées qui ont de plus en plus du mal à créer des emplois, quand elles ne sont pas contraintes à des licenciements massifs ; et donc peinent à s’acquitter régulièrement des cotisations sociales des travailleurs assurés auprès de la CNSS.
De fait, la CNSS a,w depuis plus d’une décennie, maille à partir avec une gouvernance peu orthodoxe, à l’origine des tensions de trésorerie récurrentes qui l’obligent à se retourner sans cesse vers les banques locales pour faire face à ses obligations sociales : paiement des pensions, des rentes et autres allocations ; charges de fonctionnement, etc.
Les experts de l’économie et de la finance internationale s’accordent à dire que les pays producteurs du pétrole, notamment le Gabon amorcent une phase de croissance, quoique timide. Le Directeur Général de la Caisse Nationale de Sécurité Sociale voudrait surfer sur la remontée qui se dessine, s’engageant à croire et à œuvrer, à partir de l’exercice 2020, à la mise à jour des équilibres qui ont longtemps enraciné l’image et le prestige de la CNSS au sein de la société gabonaise. Ses premières décisions et actes de gestion sont, à cet effet, des signaux annonciateurs d’un retour à la bonne gouvernance et à la transparence qui
COMMUNIQUÉ
Prendre le « PARI » Le pari de la lutte contre la fraude notamment peut paraître risqué pour le Directeur Général de la CNSS, pour qui sait combien ses prédécesseurs s’y sont essayés, sans succès et combien, telle une gangrène, ce phénomène a contribué à obérer et à biaiser les relations de confiance avec les décideurs et les partenaires. Mais, pour qui connait la témérité de ce juriste de formation, devine aisément qu’il en fait un défi, un pari, parmi les
onze axes ou piliers qui découlent de sa vision et orientations stratégiques triennales 2020-2022. Une vision dénommée d’ailleurs PARI en sigle, marquée par un leadership voulu Participatif, Actif et Réactif, sur la base des Instructions formelles édictées par les plus hautes autorités gabonaises. Instructions en faveur du retour aux fondamentaux, exclusivement dédiés à l’exécution diligente et sans plus, des missions régaliennes de la CNSS, à savoir : immatriculer les travailleurs et les employeurs, recouvrer les cotisations et payer les prestations sociales. La Caisse Nationale de Sécurité Sociale du Gabon est un organisme privé, chargé de la gestion d’un service public, actuellement sous tutelle du Ministère de l’Économie, des Finances et des Solidarités Nationales. Elle est créée par la loi n° 6/75 du 25 novembre 1975 portant code de sécurité sociale en république gabonaise, récemment abrogée par la loi n°28/2016 du 6 février 2017 portant code de protection
sociale, dont le décret d’application est en examen au parlement gabonais. La CNSS du Gabon a pour principales missions d’immatriculer les employeurs et travailleurs du secteur privé, de recouvrer les cotisations et de payer les prestations sociales ; notamment à quelques 30 000 retraités du privé, ainsi que ceux de la maind’œuvre non permanente des administrations publiques et des collectivités locales qui sont en passe d’être reversés à la Caisse des Pensions et des Prestations Familiales des agents de l’État, la CPPF.
Boulevard de l’Indépendance - BATAVEA BP 134 - Libreville, Gabon Tél. : +241 (0) 11 79 12 00 Fax : +241 (0)11 74 24 25
www.cnss.ga
caissenationaledesecuritesocialegabon-officiel CENTRE D’APPELS : 1432 ou +241 (0) 11 79 73 00
DIFCOM/DF - PHOTOS : © DR.
ont longtemps fait défaut au sein de cette maison et crispé les positions entre les différents partenaires, notamment les allocataires et le patronat gabonais. Parmi ces décisions de gestion, on citera, sans être exhaustif, la réorganisation amorcée de l’organigramme, qui a inspiré un subtil mouvement des personnels d’encadrement, préfigurant l’optimisation de la gestion des compétences et une bien meilleure utilisation des ressources humaines. Il convient également d’évoquer, la création d’une cellule administrative et technique d’appui aux directions centrales et régionales ; l’opérationnalisation de la cellule de lutte contre la fraude et la mise en route d’un comité de sécurité informatique pour le renforcement des capacités de protection de l’intégrité des données stockées.
Grand format GABON SOCIÉTÉ
TOURISME
Parcs à la carte Safaris-photos, circuits culturels, sports nautiques… Les opérateurs privés locaux – hôteliers ou agences – proposent des activités et des séjours dans les plus beaux sites. Des excursions souvent taillées sur mesure.
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n créant en 2002 treize parcs nationaux, qui représentent 11 % du territoire national, Omar Bongo Ondimba posait les jalons d’un écotourisme durable. Couvert de forêt tropicale sur plus de 82 % de sa superficie, le pays compte 10 000 km² de plans d’eau, lacs et lagunes, 885 km de littoral et reste pourtant peu connu des touristes étrangers. C’est justement ce que recherchent ceux qui y viennent, en quête d’une nature encore sauvage. L’Agence gabonaise du tourisme (Agatour) a enregistré 200 000 entrées de touristes en 2018. De son côté, l’État essaie d’inciter les Gabonais à découvrir eux aussi le pays, notamment en leur proposant des tarifs réduits pour l’entrée de certains parcs. Quelques agences locales proposent des excursions organisées ainsi que des circuits sur mesure. Petite revue des principaux sites et des activités les plus prisées.
E
BIOSPHOTO/AFP
L’AGETOUR DIT AVOIR ENREGISTRÉ 200 000 ENTRÉES DE TOURISTES EN 2018. ET L’ÉTAT TENTE D’INCITER LES GABONAIS À DÉCOUVRIR EUX AUSSI LE PAYS.
CAROLINE CHAUVET
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La Pointe, le spot du week-end
Située en face de Libreville, sur l’autre bras de terre entourant l’estuaire du Komo, la Pointe-Denis tient son nom du roi Denis Rapontchombo, qui négocia un traité avec la France au XVIIIe siècle. Des navettes maritimes assurent la traversée (entre 10 et 20 minutes) depuis le port de MichelMarine, à Libreville (LBV), pour un prix aller-retour de 12 000 F CFA (18 euros). Plages de sable fin, eaux cristallines, quelques bons hôtels-restaurants: La Pointe est l’un des spots préférés des Librevillois aisés, Gabonais comme expatriés, pour se détendre ou pratiquer des sports nautiques le temps d’un week-end. C’est aussi l’un des lieux de villégiature privilégiés du roi du Maroc, Mohammed VI, lors de ses séjours au Gabon. En descendant sur le littoral s’étend le parc national de Pongara, où l’on peut observer nombre d’oiseaux migrateurs, de reptiles et d’amphibiens, ainsi que quatre espèces de tortues, dont les très protégées tortues luth, qui, chaque année, de la midécembre à la mi-février, viennent pondre après une migration de milliers de kilomètres depuis la Guyane ou le Brésil.
PICASA
Tente (de luxe) d’un campement de la société Gabon Wildlife Camps… pour « profiter de l’odeur de la forêt la nuit ».
Ballet de baleines au large
Éléphants de forêt dans le parc national de Loango.
À quelques kilomètres au large de Libreville, chaque mois d’août, de majestueuses baleines traînent leurs bosses. Un exceptionnel ballet auquel on peut assister pour 50000 F CFA (76 euros) la traversée en petit bateau et quelques heures de navigation. Avis aux amateurs de sensations fortes, les plus téméraires pourront même se baigner aux côtés des cétacés.
Escapade express à Nyonié
À 130 000 F CFA par personne pour deux jours et une nuit tout compris (repas, boissons à volonté, safaris), Nyonié est l’escapade la plus facile à organiser et la plus abordable depuis la capitale (départs quotidiens depuis l’embarcadère Michel-Marine à LBV pour une traversée de l’estuaire, puis un trajet de 45 minutes en 4×4). Établi entre la réserve de Wonga-Wongué et le parc de Pongara, le site comprend une vingtaine de bungalows pour accueillir les visiteurs. Petit plus : la randonnée à pied, tôt le matin, qui reste l’un des meilleurs moyens, au meilleur moment, pour observer les animaux au plus près, notamment les éléphants de forêt.
Loango, l’aventure pour initiés
Située dans l’Ogooué-Maritime, cette aire protégée composée de savanes, de forêts, de mangroves, de plages et de lagunes s’étend sur 1550 km². Elle abrite une faune et une flore exceptionnelles : éléphants de forêt,
gorilles de plaine, léopards, crocodiles, lamantins… Ici, la nature semble vierge, ou presque, encore sauvage. C’est exactement ce que recherchent les touristes qui viennent à Loango. La plupart sont étrangers, notamment américains. Comptez 350 euros par personne la journée (comprenant le transfert depuis LBV ou Port-Gentil). Seule difficulté: l’accès au site, à 300 km au sud de LBV, qui prend au minimum une demi-journée (1h30 d’avion de LBV à Port-Gentil, puis 3h30 de voiture). L’idéal est donc de pouvoir rester une ou deux nuits dans l’un des campements du parc. En partenariat avec l’Agence nationale des parcs nationaux (ANPN), Gabon Wildlife Camps permet aux visiteurs de dormir sous des tentes (de luxe) et de profiter de « l’odeur de la forêt la nuit », comme l’explique Jan Fourie, coordonnateur tourisme à l’ANPN, qui s’évertue à concilier tourisme et conservation de la nature.
Un peu d’histoire à Lambaréné
Située à trois-quatre heures de route au sud de Libreville, Lambaréné est connue pour l’hôpital Albert-Schweitzer, du nom du médecin alsacien, Prix Nobel de la paix en 1952, qui l’a créé. Albert Schweitzer arriva en 1913 à Lambaréné, où il mourut et fut enterré en 1965. Un musée permet de retracer sa vie, son action contre la lèpre, ainsi que l’évolution de l’hôpital, qui compte aujourd’hui plus de 500 lits et, depuis 1981, une unité de recherche médicale sur la malaria. À Lambaréné, les visiteurs peuvent notamment séjourner dans l’écolodge Tsam Tsam et profiter d’une balade sur le fleuve Ogooué pour y observer les hippopotames.
La Lopé, étape obligée
Inscrit depuis 2007 sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco, le parc national de la Lopé est « le » site touristique incontournable, remarquable pour sa forêt, sa flore et sa faune, et pour ses « vestiges de cultures passées » : en 1987, l’archéologue français Richard Oslisly y a en effet découvert, sur huit rochers, des peintures rupestres datées d’environ 2 000 ans. Accessible en train – qui a souvent du retard –, cette aire protégée de 4970 km² située en plein centre du Gabon est couverte de zones de savane et de forêt tropicale avec, en son cœur, le mont Brazza, entouré d’une étendue d’eau.
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