6 minute read
Conseils Santé pour préparer votre périple
from Voile Santé
by DocDuSport
Commençons par faire sauter une idée trop souvent évoquée : naviguer à la voile, quelle que soit la taille du bateau, n’est pas dangereux. Les enquêtes menées auprès de plaisanciers naviguant près des côtes ou en haute mer sont concordantes. En croisière, la plupart des accidents ont lieu à terre, que ce soit à pied ou en voiture. Le seul désagrément couramment rencontré qui fait fuir beaucoup de marins potentiels est le mal de mer. Certains pensent que c’est un passage obligé, mais un certain nombre de précautions peuvent l’éviter ou, au moins, en diminuer la durée. Une bonne manière de le combattre est d’en comprendre le mécanisme.
Par le docteur Jean-Yves chauve, médecin officiel du vendée Globe
L’origine du mal de mer
Le principal système indiquant la position du corps dans l’espace est situé dans l’oreille interne. Il existe d’autres récepteurs annexes comme les yeux, les muscles et certains ligaments. À terre : les informations en provenance de ces différents récepteurs sont cohérentes. Les centres de l’équilibre du cerveau, jouant un véritable travail d’ordinateur, intègrent ces données avant de déclencher la contraction ou le relâchement de certains muscles, permettant ainsi de garder l’équilibre. En mer : tout se complique, car certains récepteurs sont sensibles aux mouvements du bateau tandis que d’autres ne tiennent compte que de la posture du corps. La discordance des informations perturbe l’action des centres de l’équilibre. Dans l’impossibilité de donner une réponse conforme aux informations reçues, le centre « accumule » ces informations inutilisables, entraînant un surplus d’influx nerveux. Au-delà d’une dose supportable, il faut évacuer cette surcharge nerveuse et c’est le vomissement qui s’en charge. Puis, peu à peu, le centre de l’équilibre considère ces informations incohérentes comme non pertinentes. Quand il n’en tient plus compte du tout, cela va bien mieux. C’est la phase d’amarinage. Le phénomène est le même face à un bruit désagréable permanent (le ronronnement d’une climatisation par exemple). Au bout d’un certain temps, ce bruit de fond s’intègre dans l’environnement à tel point que l’on ne le perçoit même plus. Le temps nécessaire à cette adaptation est très variable selon les individus mais dans la plupart des cas, il est obtenu au bout de 2 à 3 jours. Au retour, à terre : les informations que le cerveau « ignore », une fois l’amarinage réalisé, disparaissent. Le cerveau va mettre du temps pour se rendre compte de leur disparition effective. C’est le même phénomène qu’avec le bruit désagréable cité plus haut. Quand il s’arrête, on met un certain temps pour s’apercevoir de sa disparition. C’est cette continuité de la perception des mouvements que traduit le mal de terre avec l’impression que le sol bouge.
Les facteurs favorisants
Facteurs personnels : ➧ l’âge : la sensibilité augmente de 2 à 12 ans, pour se stabiliser ensuite et décroître doucement avec l’avancement en âge. Après 50 ans, le mal de mer est plus rare ; ➧ le mental : craindre le mal de mer est le meilleur moyen de l’avoir. Avoir l’esprit occupé est excellent pour l’éviter. Facteurs extérieurs : ➧ la fatigue, la faim, le froid, l’humidité : ces facteurs augmentent le risque de mal de mer ; ➧ les odeurs : les odeurs ayant favorisé le déclenchement du mal gardent souvent un pouvoir de nuisance élevé. Facteurs liés à la mer : ➧ les mouvements de haut en bas, perpendiculaires à la ligne œil-oreille, sont les plus à craindre. En conséquence, il vaut mieux s’allonger que rester debout ou assis ; ➧ les mouvements propres à la tête : ils accentuent les informations contradictoires. Il est préférable de garder la tête immobile et bien calée quand on se sent un peu malade ; ➧ l’action de l’œil : la ligne d’horizon ou tout point fixe de la côte est une référence géométrique essentielle pour le système de l’équilibre. Ainsi, il est préférable de rester à l’extérieur pour « garder un œil » sur ces repères tant que les conditions de sécurité le permettent.
La prévention
Avant le départ : ➧ avoir une bonne nuit de sommeil avant le départ ; ➧ éviter de faire un gros repas avant d’embarquer ; ➧ bien se couvrir (bottes et cirés si nécessaire) ; ➧ mettre dans ses poches quelques barres de céréales pour pouvoir grignoter à l’extérieur ; ➧ prévoir de l’eau minérale (Vichy) à portée de main ; ➧ prendre le traitement anti-mal de mer approprié quelques heures avant de partir en mer et le poursuivre ; adapter les produits et les doses à l’âge.
Une fois en mer Attitudes à éviter : ➧ se tenir debout ou assis sans être actif ; ➧ aller à l’avant ; ➧ rester dans la cabine ; ➧ manger des aliments lourds à digérer ; ➧ prendre des excitants : café, alcool, etc. ; ➧ lire. Attitudes à privilégier : ➧ s’allonger s’il n’y a rien à faire ; ➧ grignoter régulièrement pour ne pas rester le ventre vide (barres de céréales, fruits, gâteaux secs) ; ➧ boire beaucoup d’eau ; ➧ rester à l’extérieur ; ➧ avoir bien chaud mais pas trop ; ➧ s’occuper : observer l’horizon, les oiseaux, d’autres bateaux, tenir la barre, pêcher…
Les préparatifs personnels
A – les pathologies chroniques à surveiller : Peu de pathologies contre-indiquent de naviguer. L’épilepsie mal contrôlée est celle qui mérite sans doute le plus d’attention avec le risque de chute à la mer suite à un épisode inopiné. Pour les personnes porteuses de ce type d’affection, le port permanent d’un gilet gonflable est une bonne précaution. Les pathologies chroniques telles que le diabète justifient un contrôle plus assidu du fait d’une dépense d’énergie supérieure à celle que l’on a à terre : ➧ la lutte permanente contre le déséquilibre lié aux mouvements du bateau. La recherche de la verticalité engendre un travail musculaire et nerveux incessant. Plus les conditions seront rudes, plus cette dépense physique sera importante. Par mauvais temps, nous avons évalué les besoins supplémentaires entre 800 et 1000 calories ➧ un sommeil plus court et de moins bonne qualité avec pour corollaire une activité physique et mentale plus importante. ➧ la lutte contre le froid et l'humidité; ➧ le mal de mer (éventuellement);
➧ le stress lié à de multiples paramètres (météo, difficultés techniques, dangers sur l'eau ...) L’asthme et les allergies sont également des pathologies à prendre en compte en prévoyant les traitements adaptés pour le temps de la navigation. ➧ La prévention : une vigilance accrue dans le suivi des constantes et du traitement
B – Les pathologies dont il faut tenir compte avec l’éloignement a-Les dents : la classique rage de dent ou pulpite aigue due à une carie infectée ou à un traumatisme entraine une violente douleur, t’autant plus violente qu’elle survient à plusieurs heures ou à plusieurs jours de terre. Les douleurs de début de carie (sensibilité au chaud ou au froid), les douleurs d’involution d’une dent de sagesse sont plus supportables mais peuvent gâcher une croisière. La Prévention : un bilan dentaire complet en début de saison de navigation ou avant une longue croisière (transat) b- La grossesse : le début et la fin de la grossesse sont des moments dangereux en mer du fait de l’éloignement des secours. ainsi : ➧ une grossesse extra-utérine qui saigne est une urgence majeure très difficile à traiter que ce soit au large ou près des côtes. ➧ Un accouchement prématuré lié par exemple à une navigation dans des conditions de mer très dures peut avoir des conséquences graves pour la mère comme pour l’enfant. La Prévention : il est recommandé de ne pas naviguer pendant le 1er et le dernier trimestre de la grossesse. Se méfier également du mal de mer et des vomissements qui peuvent altérer l’action d’une contraception orale avec un risque de grossesse non détectée au départ d’une grande traversée. c- L’hypertrophie bénigne de la prostate : le risque est la rétention aigüe d’urine avec un globe vésical du a un obstacle sous la vessie empêchant l'évacuation des urines. La douleur est très intense et ne peut se résoudre qu’en évacuant l’urine soit par sondage soit par un cathétérisme sus-pubien. En mer, ces gestes sont très compliqués à réalisées par des personnes ne les ayant jamais pratiqués. La prévEntion : tout problème de prostate doit être évalué précisément par un médecin pour qu’il autorise ou non une navigation à distance des côtes et des secours. d-La crise d’appendicite : selon un large consensus et sauf antécédents douloureux dans le bas du ventre, à droite, associés ou non à des épisodes de constipation, l’intervention préventive qui consiste à enlever l’appendice ne se justifie pas. La prévEntion : avoir à bord des antibiotiques en quantité suffisante pour « refroidir » l’infection et attendre, si les troubles persistent, un avis chirurgical.
C – L’utilité des bilans cardiaques Les travaux menés depuis de nombreuses années sur l’activité physique à bord d’un bateau et notamment au sein de la Commission médicale de la Course au large (CoMED) ont montré que parfois les efforts à bord pouvaient être violents et donc exigeant au niveau cardiaque. a partir de 50 ans, un bilan régulier avec un test d’effort, serait le bienvenu.
D – L’utilité de connaitre les gestes de secours Comme toute activité sportive dans un milieu naturel, la voile peut parfois nécessiter d’intervenir pour secourir. La spécificité est évidemment l’eau avec les risques inhérents, c’est-à-dire l’hypothermie et la noyade. Connaitre ces gestes de secours peut parfois être très utile. La Commission médicale propose une formation adaptée : Le pSMer, une formation de 6h dédiée aux sports nautiques et réalisé dans des centres agréés.
La pharmacie de bord
Depuis de nombreuses années, la Commission Médicale Fédérale travaille à l’amélioration du contenu des pharmacies de bord. Ces travaux s’effectuent en collaboration avec les coureurs au large et avec des médecins spécialistes dans un domaine et également navigateurs. Dans ce sens, la course au large est un magnifique laboratoire expérimental au service de tous ceux qui naviguent.