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Préparation physique des skippers

Autrefois, être bon navigateur pouvait suffire. Désormais, les bateaux de compétition sont devenus bien plus rapides et beaucoup plus physiques. Pour espérer l’emporter, il faut être très en forme ! Découvrons ensemble l’entraînement de ces athlètes de la mer.

Par le docteur Stéphane Cascua, médecine du Sport et entraînement du Sportif

Rester stable sur un bateau qui bouge sans cesse revient à être tout le temps en mouvement ! Le cœur et les muscles des skippers travaillent en permanence. Il faut une endurance de marathonien, voire d’ultratraileur ! Lors des changements de cap, pendant 5 à 20 minutes, l’effort devient très intense. Le skipper doit manipuler des sacs contenant d’énormes voiles. Il lui faut une force d’haltérophile. Il les hisse ensuite sur les mâts en moulinant sur les winchs. Dans le jargon des voileux, le déplacement de tout ce matériel porte le nom de « matossage ». Lors de ces manœuvres, toutes les masses musculaires sont sollicitées puissamment et le système cardiovasculaire s’emballe. La fréquence cardiaque tourne entre 170 et 190. Cette fois, notre skipper fait du fractionné à la manière d’un cycliste qui tente une échappée. Comme tout sportif de haut niveau, sa préparation physique est structurée : de l’endurance basse et haute intensité, de la musculation et de la coordination. Voyons les méthodes utilisées pour forger des athlètes aptes à assumer de telles charges de travail. Découvrons les astuces employées pour rendre efficace cet entraînement plus spécifique de la voile.

Une préparation physique généralisée

À distance des grosses épreuves, en période de conception des bateaux, les marins restent actifs. Ils poursuivent ce que l’on nomme encore une « préparation physique généralisée ». Entre deux rendez-vous avec les sponsors, ils restent en forme en pratiquant des sports d’endurance, du renforcement musculaire et des activités plus techniques. Le plus souvent la mer est omniprésente. Nombreux sont ceux qui aiment nager. Certains sont même coachés par des triathlètes qui eux aussi apprécient la natation en milieu naturel. Le kayak de mer, le stand up paddle ou le kitesurf sont aussi des disciplines plébiscitées. Elles sollicitent l’ensemble du corps en faisant la part belle au gainage, à la glisse et à l’équilibre. Plus loin dans les terres, d’autres courent ou pédalent. Le vélo de route et surtout le VTT travaillent la coordination et l’optimisation des trajectoires. La musculation et le cardio-training se pratiquent à domicile ou en salle selon les goûts de chacun. Les exercices traditionnels du type développé couché, tirage et squat sont au programme. Comme la navigation de compétition, le rameur ou l’elliptique mettent à contribution les bras et les jambes. Un « gainage fonctionnel » assure la transmission des forces entre le haut et le bas du corps.

Un affûtage plus technique

À l’approche des grandes échéances, environ trois mois avant le départ, le programme devient plus dur et gagne en spécificité. Le cardio-training intègre maintenant des cessions reproduisant les contraintes du « matossage ». Initialement, les cessions durent 15 à 20 minutes et sont réalisées au seuil de l’essoufflement soit entre 70 et 80 % des aptitudes cardiaques. Progressivement, les fractionnés se raccourcissent et gagnent en intensité. Ils se déclinent désormais entre 90 et 100 % de la puissance maximale aérobie. Là encore, les rameurs et les elliptiques sont les bienvenus. Cependant il faut désormais mettre l’accent sur le travail des membres supérieurs. Des vélos à bras existent chez Technogym® et Matrix®. Ils reproduisent assez bien le geste du winch incontournable pour hisser les voiles. L’utilisation de cordes lestées contribue aussi à l’entraînement du haut du corps. Le CrossFit tient également une place de choix à ce moment de la préparation. L’esprit même de cette discipline ressemble au « matossage ». Il s’agit de mobiliser de lourdes charges du quotidien à l’occasion d’efforts explosifs associant cardio et renfo ! Les exercices de musculation traditionnelle sont détournés pour gagner en spécificité. Les squats deviennent instables ; ils sont réalisés sur des coussins de proprioception ou sur des trampolines. Pour ce rapprocher des contraintes inhérentes à la voile, on ne peut guère faire mieux. Souvenez-vous que « trampoline » est aussi le nom donné aux grands filets tendus entre les flotteurs et la coque des trimarans. Les tremblements des nouveaux bateaux en carbone épuisent les muscles. En effet, ces derniers ont le réflexe de se contracter à chaque micromouvement. Pour mieux s’y adapter, les squats peuvent être faits sur des plates-formes vibrantes type Power Plate®. Le renforcement fonctionnel est très en vogue dans les salles. C’est une aubaine pour les skippers. Le travail à la poulie de tirage placée à différentes hauteurs s’apparente aux gestes effectués sur le voilier. Le déplacement de kettlebells ou de sacs lestés prépare aussi au « matossage ». Mais pour peaufiner la spécificité, ils le font sur des parcours de proprioception ou sur de gros tapis de saut à la perche. Enfin, si chacun à sa méthode, tous les navigateurs sont unanimes : ce qui est le plus efficace pour achever sa préparation, c’est de naviguer ! Alors, dès que le nouveau bateau est prêt, il faut prendre le large afin de procéder aux derniers réglages de l’homme et de la machine ! ✱

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