L’architecture en symbiose avec la nature, une coexistence durable Une porte d’entrée vers le futur
Rapport d’études
BORDES Dorian
Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble Sous la direction de Ümmühan Öztürk Années universitaire 2018 - 2019
moments clés
Un mois de découverte en Thaïlande – Juin 2018
Construction d’une cabane dans la forêt - Eté 2010 Projet d’ambiance sur les Earthships – Octobre 2017 ENVIRONNEMENTS 1 - Architecture et impact environnemental-S1-2016
Rapports sur le climat- Problèmes environnementaux dans leur globalité Février 2017
Une nature grandissante - Projet d’Art Plastique de Terminal Janvier 2015
2010
2011
2015
2016
2017
Paris – Visite Fondation Louis Vuitton – Franck Guerry - Mars 2016.
Photo de page de garde : Ankor, Cambodge, «Ta Prohm» in pinterest.com
Article - ENSAG L3 - S5 – Octobre à Décembre 2018
STUDIO DE PROJET 6 (Studio ADELINE) Architecture de risque
Cours magistraux SI - Magali de Frederic Dellinger Paris- ENSAG Walter L3 -S6 Simone Janvier – WBDS 2019 Invasive – Janvier 2018
2018
2019
Avant-Propos Dans un contexte environnemental au cœur des préoccupations, l’architecture doit jouer un rôle primordial dans notre société. Mais l’architecte peut-il en assumer le rôle ? Peut-on réellement basculer le cours de l’histoire et du climat par nos actions ? C’est une question à laquelle il est difficile de répondre, mais j’aspire à être acteur et je m’engage à faire mon possible pour apporter des réponses positives pour l’homme.
SOMMAIRE introduction p. 1 I
II
L’influence de l’environnement sur la conception architecturale
A
La contrainte, source de conception du projet
p. 3
B
La nature, actrice de LA qualité architecturale
p. 6
L’écologie architecturale au service de la nature
A
Les matériaux locaux, acteurs de sensibilité et de durabilité
p. 13
B
Les énergies renouvelables, sources d’apaisement environnemental
p. 16
III L’homme et la nature en symbiose face au contexte actuel
A
La résilience, une réponse éco-responsable
p. 18
B L’autosuffisance, habiter durablement p. 20
EPILOGUE DE La métamorphose des modes de vie à la reconquête environnementale
p. 22
INTRODUCTION
Marqué dès l’enfance, à 5 ans, sous mon chapeau, couvert de crème solaire et assis à l’ombre des arbres, je subissais comme nous tous en Europe, la 8ième catastrophe la plus meurtrière de l’histoire de l’humanité. La canicule de 2003 a tué plus de 70 000 personnes. A cet âge, je n’en avais pas vraiment conscience. Des années après, les photos de cette époque resurgirent dans ma tête et me plongèrent dans une stupéfaction. L’herbe était entièrement brulée, morte. Ces dérèglements climatiques m’ont par la suite beaucoup interpellé et la « sur-construction » en était généralement le « suspect » numéro un. Le secteur tertiaire est un acteur primaire des crises environnementales que nous connaissons. Ces crises dues à l’épuisement des ressources et une pollution en augmentation constante, mènent inévitablement à un dérèglement climatique causant la lente disparition du vivant. C’est dans ce combat que l’architecture se doit d’établir « une symbiose » entre l’Homme et la Nature. Depuis toujours, l’environnement balayé par mes yeux observateurs, attise ma curiosité. Ce caractère curieux m’a amené à découvrir le monde sous un regard qui semblait, et semble toujours légèrement « décalé » selon mon entourage. Je dirai plutôt « analytique ». Cette curiosité m’a inévitablement poussé à observer et vouloir changer les choses qui me déplaisaient. L’architecture s’est ainsi dévoilée, construite et a évolué devant mes yeux remplis d’espoirs. Cet espoir, en tant que jeune homme naïf, s’est construit autour d’un imaginaire représentant une envie personnelle : concevoir mon espace tel que je le souhaitais. Enfant de la campagne, j’ai vécu proche des éléments naturels, de la forêt, sa faune et sa flore. Mon père, passionné de construction, toujours investi auprès de moi, a su prendre du temps durant mon enfance pour me permettre de me découvrir. C’est dans la forêt de notre village que ce temps a été le plus bénéfique, par l’édification de ce qui était pour moi, mon espace imaginaire, conçu comme bon m’en semble : une cabane. Elle était notre expression, à mon père et moi. Par cette cabane, mes envies se caractérisaient. Je sentais le besoin ou le plaisir de concevoir quelque chose. Par ces expériences, mes choix se sont dévoilés, l’architecture devait pour moi se construire dans la nature et grâce à elle. Dans ce contexte familial et sa situation géographique, la nature m’a préservé, par son excessive présence, des enjeux sociétaux en matière d’architecture et d’environnement qui régnaient en dehors de mon petit village campagnard. La réalité du monde « extérieur » a été bien différente. Le passage en études supérieures m’a mené à découvrir de nouveaux lieux, personnes, espaces, dans un contexte hautement différent : celui de la ville. Mon choix pour l’architecture, tout comme ma vision qui en émerge aujourd’hui, a été acquise de façon lente et saccadée. Le contexte dans lequel j’ai évolué au fil du temps a influencé mes choix, ma personne, la place que je possédais et celle que je voulais prendre dans cette société. Cette évolution m’a mené à développer un regard critique sur ce que je pouvais voir, entendre et entreprendre. Acquise par des changements de contextes de vie et des expériences vécues, l’architecture s’est dévoilée comme étant ma future voie. L’école d’architecture m’a permis de me découvrir comme si mes spécificités personnelles et mes goûts que je développais depuis mon enfance s’affirmaient de façon exponentielle. Dès la première année de licence, M.Zaninetti, professeur à l’ENSAG a apporté la première « vraie » pierre à l’édifice de ma pensée architecturale actuelle. Je dis « vraie » parce que c’est par son travail que j’ai pris conscience du domaine qui me portait à cœur. L’empreinte écologique était le mot d’ordre de son cours, dans un contexte proche de celui où j’ai eu la chance de grandir : la montagne. 1
Il dénonçait, par images et vidéos, les problèmes liés aux sports d’hivers sur le plan environnemental. Les stations de sport d’hivers, construites dans un but exclusivement financier, finissent pour une grande majorité à l’abandon et dégradent les paysages naturels peu touchés par l’Homme. Face à ce constat, j’étais comme stupéfait. Notre culture ne se sent que peu concernée par les enjeux environnementaux qui pèsent sur nos épaules, et en particulier sur celles des générations à venir. La conception erronée que l’Homme se fait de la nature, est ancrée dans nos cultures. Michel Sauquet l’explique comme une pensée « dans laquelle l’Homme se voit attribuer une position de domination des éléments minéraux, végétaux et animaux de la création ». Joseph KiZerb, historien et homme politique burkinabé, critique cette conception de façon ironique : « Multipliez-vous, remplissez la terre et soumettez-la. » (KiZerb, 1992). Une critique en lien avec ce que la culture occidentale nous a transmis : « une conception dominatrice » (Sauquet, 2014, p. 62). Nous ne lui laissons de moins en moins de liberté, de développement alors que celle-ci « nous invite à vivre en elle » (Ingenhoven, 2019). C’est un constat effroyable auquel nous devons tous s’impliquer pour changer les mœurs. Je pense que c’est par une multitude d’actions que chacun opère à son échelle, qu’un changement global peut être fondé afin de « libérer » la nature. Les hommes doivent vivre en harmonie avec ce qui les entourent ; pour cela, il est nécessaire de changer nos habitudes et penser différemment. « Il ne tient qu’à l’Homme de faire une place à la nature ». Je suis là pour emprunter cette voie, celle du changement qui permettra à l’architecture et ainsi à l’Homme de coexister avec la nature. Je pense l’architecture comme l’union de deux entités inséparables : l’Homme et la nature. Cette symbiose, partie prenante du processus de conception, guide le projet. Ce processus doit répondre de façon réfléchie aux crises environnementales et sociétales sans pour autant affecter les besoins de l’Homme et la nature en préservant sa notion de durabilité. Ils sont en symbiose afin d’offrir le meilleur de chacun d’eux, tout en se préservant mutuellement. Une approche responsable, raisonnée, ingénieuse et au plus proche de la nature. Afin d’y répondre, je parlerai dans un premier temps, de l’environnement, gage de conception et de la qualité architecturale. La place de la nature prise aujourd’hui dans notre société et celle qu’elle peut prendre dans les années à venir, sera la fondation de mon propos de la seconde partie. Celleci traitera notamment du concept d’écologie sur le plan architectural. Une utilisation raisonnée des matériaux mais aussi des énergies peut mener à une coexistence soutenable. Finalement, c’est en unifiant les propos vus précédemment, que l’Homme doit prendre place. Je m’intéresserai, dans une troisième et dernière partie, aux modes de vie qui découlent de l’union entre Nature et Architecture. C’est selon moi, par ces trois grandes notions, que nous pourrions vivre en « symbiose » avec la nature.
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I L’influence de l’environnement sur la conception architecturale L’environnement est défini comme « un ensemble des choses qui se trouvent aux environs, autour de quelque chose » (Trésor de la Langue Française informatisé). Il constitue le point primaire par lequel le projet débute. Avant tout projet, seul le site et ses environs coexistent. Grâce à eux, la réflexion de l’architecte peut débuter car ce sont les seuls éléments d’analyse à l’instant T. Le projet de « vagues de béton » nommé «The wave» conçu par la firme Danoise Henning Larsen Architects symbolise cette idée. Sa forme de vague, installée au bord de l’eau, a été récompensée et jugée comme étant ingénieuse et respectueuse du paysage environnant. Sa forme vient exclusivement de l’environnement dans lequel l’architecture s’implante : l’eau. Tous les principes architecturaux découlent finalement de cette forme. L’analyse de l’environnement est l’essence de la conception. Une multiplicité de caractéristiques physiques et sensibles guide la conception du projet. Au cours des studios de projets, toutes années confondues, l’environnement a toujours initié le processus de conception par sa phase d’analyse. C’est grâce à elle que j’ai pu, dans mes projets, découvrir, assimiler et comprendre les notions liées à l’environnement dans le but de concevoir une architecture ingénieuse, illustrée par ce qui l’entoure. Elle permet d’appréhender le site et donc nous « contraindre » à concevoir dans la continuité de ce qui est déjà présent.
A
La contrainte, source de conception du projet
La contrainte se définit par « le fait d’être dans la nécessité d’agir malgré soi » (Trésor de la Langue Française informatisé). Cependant, selon moi, cette nécessité d’action n’est pas absolue dans l’architecture, elle n’est pas une fin en soi et peut être détournée ou non selon les situations. La contrainte contribue à affirmer la visée architecturale du projet et engage le processus de conception. Chaque architecte doit concevoir sa propre réponse aux contraintes. Cette réponse souligne l’architecture par l’identité de l’architecte qui l’a conçu et mis en œuvre. L’architecte travaille avec de multiples contraintes qui guident son projet. Doit-on finalement voir ces « contraintes » comme des défauts ? Je ne pense pas qu’elles en soient réellement, elles représentent plutôt un fil rouge nous permettant de penser le projet afin de répondre aux exigences des Hommes mais aussi de la nature. C’est le cas de l’architecture Japonaise, qui, étant exposée aux risques sismiques, conçoit des gratte-ciels résistants aux tremblements de terre et donc déformables. Ces contraintes nous mènent donc à accumuler une connaissance, une expérience des risques afin d’y répondre de la meilleure façon qu’il soit. Selon moi, plus les contraintes sont présentes, plus le projet sera en accord avec ce qui l’entoure. Je pense que le concepteur doit en premier lieu se fier à la contrainte sitologique : le site par sa forme, sa taille, sa composition et ses éléments étrangers. Il nous dirige vers une première phase conceptuelle dans laquelle l’architecte doit se demander : Quels sont les outils dont je dispose pour répondre au mieux à cette problématique et comment les exploiter pour en concevoir des dispositifs de qualités ? 3
Mon voyage en Thaïlande m’a apporté un certain nombre de connaissances et savoirs-faires à ce sujet. La rencontre de Méo, « maître » dans l’utilisation du bambou dans la construction, m’a stupéfait. Le logement dans lequel j’ai dormi avait été construit de ses propres mains. Au cœur de la forêt, des espaces de vie, privés et collectifs étaient construits en bambou, de la chambre d’hôtel comme « petite hutte privée », au pommeau de la douche comme simple tige de bambou (voir fig. 1) : une architecture fascinante, sa fabrication, sa méthode de mise en œuvre et son adaptabilité au site. En plus de l’utilisation quasi exclusive du bambou, le concept a été pensé pour s’adapter au site : un sol instable, soumis à de fortes tempêtes tropicales fréquentes et aux risques sismiques. Ces contraintes et sa connaissance du bambou ont permis de concevoir un projet de qualité : une implantation éparse, loin des grands arbres environnants (voir fig. 2), peu de surface de contact au sol et aux vents dominants. Des structures sur pilotis permettaient de se détacher du sol instable, soumis aux risques sismiques et d’inondations. Le bambou offrait les caractéristiques structurelles nécessaires pour répondre à ces risques. Méo a su répondre aux contraintes de façon ingénieuse et avec peu de moyens. Il a fait de ces contraintes un atout dans son projet en adaptant son propre principe constructif sur un unique matériau (voir fig. 3). Une vraie leçon de l’architecture de contrainte. La contrainte est principalement créée par les éléments naturels dans les régions rurales mais peut être due aux activités humaines en zones urbaines. «En 2007, la population des villes a dépassé celle des campagnes et d’ici 2030, 50% des mégapoles du monde seront peuplées de plus de dix millions d’habitants» (Alix, 2018). Face à cette constante augmentation d’habitants en ville, les territoires urbains se densifient, laissant peu de liberté aux éléments naturels (végétation, eau, animaux). Suite à cette densification, des risques se manifestent : grandes crues dues à l’endiguement de cours d’eau, inondations dues à l’imperméabilité de la quasi-totalité des sols, une pollution asphyxiante. Autant de risques amplifiés par l’Homme qui représentent aujourd’hui une contrainte pour l’architecture urbaine. Pour en revenir à la définition de contrainte énoncée au début du paragraphe, c’est dans ces cas précis où elle ne représente pas une nécessité d’agir malgré soi. C’est à nous, en tant qu’architecte, de participer ou non à l’amélioration des villes en proposant des solutions architecturales adaptées pour diminuer ces risques. En France, 3,7 millions de logements sont construits en zones inondables. Le risque de grandes crues causant des inondations est aujourd’hui en partie contrôlé mais aucun territoire n’échappe à une possible montée des eaux. Nous sommes acteurs principaux de l’amplification des aléas « l’Homme transforme l’aléa naturel en catastrophe » (Briceño, 2010). Je pense que ces architectures urbaines doivent être repensées et adaptées face à l’intensité, la fréquence et la répétition auxquelles elles sont exposées ainsi qu’aux enjeux humains sur ce territoire. Ces connaissances des risques nous permettraient d’envisager la solution la plus adaptée dans le cas des inondations. Quatre attitudes sont envisageables et initient le processus de conception : « le retrait stratégique […] la sanctuarisation positive […] la résistance […] la résilience » (Bonnet, 2016, p. 25). Ces attitudes sont que peu exploitées et la plupart des projets finissent par être « résistants » par souci de règlementation. Nous devons, selon moi, revoir ce système de prévention des risques.
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Encadré d’expérience : Un mois à la découverte de la Thaïlande - Juin 2018
Fig 2.
Fig 1.
Photo perso - Cda, Thaïlande, 2018
Fig 3.
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Photo perso - Cda, Thaïlande, 2018
Photo perso - Cda, Thaïlande, 2018
Les règlementations nous contraignent à utiliser « la résistance » comme stratégie étant la plus adaptée aujourd’hui, alors que chaque situation doit être analysée séparément pour l’avenir. La résilience reste la solution la plus adaptée durablement. L’architecture de risque en zone inondable étant le sujet du studio du semestre 6, ce sujet m’a passionné. Avec mon collègue, nous avons libéré le lit du DRAC sur une bande de 50 par 500 mètres (voir fig. 4) et ainsi conçu un quartier sur pilotis au-dessus de l’eau. Cette réflexion à l’échelle du quartier afin de garantir la sécurité des réseaux et mobilités en cas de grandes crues est d’après moi nécessaire. Afin de répondre au mieux aux éventuels aléas, il est possible de mettre en place des stratégies où l’aléa spatialise les différentes activités du quartier en fonction de leur importance : les activités primordiales (centres de soins, écoles et réseaux de mobilités) se trouvent dans les zones les moins vulnérables. Des toitures végétalisées, une omniprésence de la végétation contre l’imperméabilité des sols et une consommation d’énergie allégée par les énergies renouvelables apportent elles aussi une réponse aux risques de la ville. Cette architecture se retrouve mise en valeur par la contrainte naturelle, la connaissance des risques et les solutions apportées. Elle devient un atout, une ressource pour le projet et engendre la création de qualités architecturales par l’innovation des concepts mis en place. La nature qualifie l’architecture.
B
La nature, actrice de qualité architecturale
La nature est définie comme « l’ensemble de la réalité matérielle considérée comme indépendante de l’activité et de l’histoire humaine » (Bonnet, 2016, p. 8). André Corboz insiste sur le fait que la nature est aujourd’hui utilisée comme « un bien commun à la disposition de l’humanité, que les hommes peuvent et même doivent exploiter à leur profit » (Corboz, 2001, p. 6). Cette définition a été popularisée et nous a mené aux crises environnementales que nous subissons aujourd’hui. La nature ne doit pas être exploitée, elle représente « un bien commun » qui nous a été offert. Il est essentiel de l’utiliser avec prudence et retenu. Je suis de l’avis d’André Corboz : la nature doit être « une espèce de pédagogue de l’âme humaine, […] un être mystique entretenant avec les hommes un incessant dialogue » (Corboz, 2001, p. 6). De son étymologie, « du latin « natura » lui-même dérivé de « nasci », être né » (Sauquet ; Vielajus, 2014, p. 61). Cela nous permet de se rendre compte du « lien avec les éléments innés d’un individu » (Sauquet ; Vielajus, 2014, p. 61), et à quel point elle est notre essence. C’est pourquoi je pense qu’il est important d’entretenir avec elle une relation fusionnelle. Elle est à la base de principes marqueurs d’époques et de qualités architecturales symboliques. Prenons l’exemple du nombre d’or et de la suite de Fibonacci, grands principes de l’architecture grecque antique que l’on retrouve dans la croissance des pétales de plantes et certains légumes, existants depuis des milliers d’années. L’architecture est reliée au reste de l’univers. La nature nous apporte des connaissances que nous ne pouvons renier. Son observation a permis d’apporter des innovations historiques significatives comme l’avion inspiré de l’oiseau ou le pansement inspiré de la toile d’araignée. L’Homme imite la nature, elle qui évolue depuis des millions d’années à laquelle nous ne pouvons rivaliser. Ce concept se nomme le biomimétisme ; il vise à concevoir des dispositifs ou systèmes spécifiques inspirés du monde du vivant. Largement utilisé dans l’architecture, il peut apporter de multiples qualités au projet.
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Encadré d’expérience: STUDIO DE PROJET S4 (Studio PNG) Phénoménologie, ambiances et matérialités de l’architecture - 2018
Fig. 4 Maquette d’intention de projet - 1/2000.
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Photo perso - Cad, 2019, Studio S6
Fig. 5 Structure de la LilyPad immaginée par Vincent Callebault.
Modélisation, 2015 in Vincent.Callebault.org
Fig 6. Le nénuphare géant d’Afrique, le Victoria Cruzana.
JarlMacaroni, 2014, Thaïlande in Imgur.com
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Celui qui reste, selon moi, un des plus importants est l’économie de matière liée à la performance structurelle de nos bâtiments intégrant ainsi la notion de durabilité dans la conception. Prenons l’exemple de la Lylipad, une ville flottante, imaginée par Vincent Callebault, capable d’accueillir cinquante mille réfugiés climatiques. Aujourd’hui au stade d’architecture de papier, elle est imaginée à partir de sa structure : élégante, fine et nervurée, possédant une flottaison optimale au grès des océans (voir fig. 5). Une capacité due à l’imitation d’un élément naturel. Celui-ci possède des capacités de flottaison hors du commun grâce à ses nervures composées géométriquement : le nénuphar géant d’Afrique. Il peut mesurer jusqu’à 4 mètres de diamètre et supporter des charges de plus de 80 kilos (Voir fig. 6). Ces observations prouvent le « génie de la nature » (Boeuf, 2017) auquel Léonard de Vinci portait déjà énormément d’importance : « Scrute la nature, c’est là qu’est ton futur » (Léonard de Vinci.) Le futur réside dans une utilisation réfléchie de la nature, dans un contexte d’observation pour l’imiter mais aussi dans un contexte plus personnel, où la nature nous permet de ressentir des émotions, créer des ambiances et atmosphères et de se sentir « protégé » ou « menacé » selon sa disposition, sa densité, sa hauteur. Ces ambiances sont modifiées selon l’espace que l’on perçoit et les expériences personnelles vécues. La nature peut être architecture et donc modeler des espaces. En considérant la nature comme espace, on peut réaliser à quel point un simple arbre peut offrir des dizaines de qualités que l’on peut retrouver dans l’architecture : en été, il nous protège du soleil par ses larges feuilles, en hiver, il nous réchauffe en laissant passer la lumière. L’arbre évolue dans le temps et peut accueillir des dizaines d’activités et usages par la complexité de ses réseaux de branches (Voir fig. 7). Il nous plonge dans une atmosphère spécifique, nous fait ressentir l’espace et est selon moi architecture. Cédric Price, architecte britannique, défend l’idée que l’architecture évolue dans le temps, tel un arbre et pense la nature comme architecture. Le projet 25 Verde (conçu par Luciano Pia à Turin en 2015), par son excessive utilisation de la nature, caractérise et qualifie ses espaces (Voir fig. 8). L’omniprésence de la nature dans un projet d’immeuble collectif en ville est osée mais se démarque méliorativement du reste du quartier (Voir fig. 9). Une utilisation moindre d’énergie due à l’isolation naturelle des arbres, la création d’une barrière sonore et visuelle naturelle sur le reste de la ville, des saisons pleinement vécues par les habitants, des espaces extérieurs en mouvement permanent ou encore la fusion entre les espaces naturels et habitables, sont autant de qualités que la nature apporte au projet d’architecture. Par la présence de la nature, les habitants, après les avoir interrogés, ont tous affirmé qu’elle était un moteur de créativité, d’enthousiasme et de détente. Ils ne se voient plus aujourd’hui vivre autre part. Ce concept est, selon moi, entièrement réussi dans ce projet. L’architecture parait vivante et modifie ainsi son image banalisée. On se retrouve dans un espace proche de l’imaginaire (Voir fig. 10).
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Fig 7. Croquis descriptifs des possibilitées d’usages offerts par l’arbre.
Fig 8. La végétation dans le logement collectif.
Fig 9.
Turin, Italie, 2012, in Archdaily.com
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Fig 10.
Grenoble, France, 2019
Turin, Italie, 2012, in Archdaily.com
Turin, Italie, 2012 in Archdaily.com
Je pense que l’architecte se doit aujourd’hui de collaborer avec des biologistes et ingénieurs. Ils peuvent, par leurs connaissances et leurs études environnementales et techniques, proposer des solutions plus optimales comme vu précédemment avec la Lilypad de Vincent Callebault. L’architecture doit utiliser les qualités que la nature possède, ces projets en sont la preuve. C’est en l’imitant, la recopiant que nous pourrons mettre en œuvre des principes plus adaptés à nos besoins dans notre contexte actuel. Outre les qualités pouvant améliorer notre rapport à l’architecture comme vu précédemment, la nature possède d’autres qualités que l’on a appris à exploiter au fil du temps dans le but de diminuer au maximum notre impact environnemental. Elles nous permettent aujourd’hui de répondre à une demande toujours croissante de façon plus raisonnée. Nombre d’architectes cités dans ce rapport comme par exemple Luciano Pia, cherchent à adopter des méthodes de conception et de consommation plus responsables et respectueuses de l’environnement.
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II
L’écologie architecturale au service de la nature
L’écologie est définie comme « l’étude des conditions d’existence et des comportements des êtres vivants en fonction de l’équilibre biologique et de la survie des espèces » (Trésor de la Langue Française informatisé ). Cependant, sa définition peut selon moi être complétée, en particulier dans le domaine de l’architecture. L’écologie architecturale peut être définie par un système ayant pour but de concevoir des espaces de vies responsables, durables et respectueux de l’environnement pour assurer la survie des espèces qui y vivent. Après des dizaines d’années d’insouciance écologique et de désastres environnementaux causés en particulier par le secteur du bâtiment « 40 % des émissions de CO2 des pays développés, 37 % de la consommation d’énergie et 40 % des déchets produits » (Golla, 2018), nous devons trouver des solutions permettant de réduire au maximum le gaspillage d’énergie et de ressources que nous causons. Certains chiffres sont accablants : L’Europe, l’Amérique et le Japon produisent à eux seuls 900 millions de tonnes de gravats qui ne sont qu’en infime partie, recyclables. De nombreux jeunes architectes, aujourd’hui figures du XXIème siècle, ont vécu dans des villes asphyxiées et revendiquent une architecture éco-responsable, capable de répondre positivement aux impacts environnementaux. Je souhaite faire partie de cette génération qui entreprend de nouvelle façon de concevoir et d’habiter l’architecture comme gage de soutenabilité pour notre planète.
A Les matériaux locaux, acteurs de durabilité La durabilité est définie comme « quelque chose qui dure dans le temps, qui est susceptible de durer pour toujours et qui présente de la stabilité et de la constance dans le temps » (Trésor de la Langue Française informatisé). Suite à la première Guerre mondiale, le béton armé est devenu indispensable à l’homme, cette architecture est allée à l’encontre même de la notion de localité et durabilité. Il a été utilisé en masse pour son faible coût et ses capacités structurelles qui permettaient de construire sur de grandes hauteurs dans le but de loger en masse. Suite à quoi, il est aujourd’hui nécessaire de détruire ces bâtiments mal construits et énergivores afin de reconstruire de manière plus réfléchie. L’utilisation et la nature des matériaux sont l’une des grandes problématiques de notre époque. Les maîtres d’œuvres ont un choix à faire quant à l’utilisation de ressources locales, durables, souvent plus chères, face à des ressources énergivores en tout point, vieillissant mal, mais moins chères. Depuis peu, les matériaux naturels et locaux sont réenvisagés dans la construction et notamment le bois en France. Nous avons aujourd’hui de nombreuses forêts exploitables durablement dans le cadre de l’architecture. L’utilisation de matériaux plus sains écologiquement sur le plan énergétique comme durable engage un possible renouveau écologique. L’utilisation de ressources locales reste la méthode la plus efficace afin de pallier aux énergies grises dans la récupération et l’acheminement des matériaux. Mais ce n’est pas son seul avantage, outre sa qualité environnementale. Chaque matériau spécifique s’insère dans une zone géographique restreinte dans laquelle les savoirs-faires liés à ces matériaux sont ancestraux et de qualité. Ils permettent la mise en œuvre de matériaux de façon économe, réfléchie, ingénieuse et en peu de temps car la population connaît ce matériau, ses usages et ses techniques de mise en œuvre.
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Fig. 11 Ecole primaire conçue par Francis Keré.
Gando, 2000 in Archdaily.com
Fig. 12 Un espace qui rassemble.
Gando, 2000 in Archdaily.com
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Prenons l’exemple de l’école primaire à Gando au Burkina Fasso. Francis Keré, architecte, fait le choix d’utiliser la brique de terre rouge, ressource locale traditionnelle du pays. Un choix de localité, de mise en œuvre par des savoirs-faires ancestraux mais aussi pour ses qualités naturelles de régulation thermique, d’isolation et de performance technique (Voir fig. 11). La terre retourne à la terre en fin de vie, le processus se répète à l’infini, la notion de durabilité se retrouve au centre du projet. Je pense que le matériau biosourcé, durable, au bilan énergétique faible, a tout à fait sa place dans l’architecture contemporaine et doit revenir au goût du jour dans des régions où cette ressource est présente. CRAterre, laboratoire de recherche à l’ENSAG spécialisé sur la terre, a bien compris les problématiques de notre époque et souhaite, par ce matériau, répondre aux défis liés à l’environnement. La ressource locale met donc en avant la notion de durabilité dans son architecture. Les habitants, étant acteurs du projet, se sentent impliqués et prennent soin de la construction, ces espaces deviennent symboliques et les rassemblent (Voir fig. 12). Sa mise en œuvre, mettant en avant les techniques artisanales et alimentant l’économie locale est extrêmement bénéfique à l’échelle locale. Cet exemple peut être complété par celui des bâtiments en Bambou que j’ai eu la chance de découvrir en Thaïlande : le bambou, matière locale traditionnelle du pays dont de nombreux habitants possèdent un savoirfaire de qualité. John Ardi, architecte américain installé à Bali, pense que le bambou « est le matériau le plus beau et le plus résistant que nous pouvions choisir, s’enthousiasme-t-il. La forêt équatoriale est pratiquement anéantie, le contreplaqué en est essentiellement issu et le ciment a une empreinte carbone néfaste. Il ne nous reste que le bambou. Si les enfants en plantent aujourd’hui, dans huit ans, ils auront de quoi construire tout ce dont ils ont besoin. » Une idée que je conçois, la révolution du bambou, sa démocratisation et son utilisation dans la construction sont envisageables. Il est, selon moi, l’avenir de la construction écologique et permettrait de bâtir les buildings de demain. Le but premier étant de remplacer les matériaux énergivores par des matériaux ne coutant que très peu d’énergie et n’épuisant pas les ressources terrestres. On pourrait aller jusqu’à penser le bambou comme substituant du béton dans la construction. Je pense que le bambou a un avenir prometteur dans l’architecture, déjà très démocratisé. Il devrait s’affirmer davantage dans les prochaines années. Il est le matériau qui, à terme, pourrait remplacer les matériaux-phares du XIX siècle. La ressource locale n’est cependant pas nécessairement naturelle. Le recyclage devient une alternative dans la quête de durabilité. La « EarthShip », imaginée initialement par Michael Reynolds, architecte américain a été l’habitat précurseur de ces nouvelles manières de concevoir et d’habiter (Voir fig. 13). La planète étant saturée de déchets, leur utilisation dans l’architecture peut devenir acteur de qualités : « nos déchets valent de l’or » (Reynolds, 2000). Le plastique étant le matériau le plus utilisé et répandu dans le monde devient malheureusement une ressource locale : « Les îles isolées n’existent plus. Nous avons transformé l’océan en une gigantesque soupe de plastique » (Sala, 2018). D’autres matériaux tel que les pneus ou les bouteilles de verres sont aussi utilisés dans ces habitats. Ils sont adaptés aux différents besoins du logement permettant ainsi l’autosuffisance. L’Earthship est isolée et régulée thermiquement par l’utilisation de pneus servant aussi de mur de soutènement. La terre prend le rôle d’isolant, le verre des bouteilles, fabriquant une zone tampon à l’avant de la maison, sert également de serre nécessaire à l’alimentation et à réguler la température intérieure (Voir fig. 14). Sa manière de concevoir mais aussi de penser l’architecture m’ont conquis. Les matériaux de construction sont 100% locaux, le recyclage lui permet de mettre en avant des qualités secondaires aux matériaux pouvant signifier des doubles fonctions. 14
Encadré d’expérience : PROCESSUS DE CONCEPTION ; DE LA THÉORIE AU DÉTAIL ARCHITECTURAL 4 - De la phénoménologie et des ambiances aux détails d’édifices majeurs contemporains - 2018
Encadré d’expérience : Un mois à la découverte de la Thaïlande - Juin 2018
Encadré d’expérience MAITRISE DES AMBIANCES S4 Énergie, thermique et bio climatisme Octobre 2017
Fig. 13 Adaptabilité en zone aride.
Etats-Unis, 2014 in build-green.fr
Fig. 14 Détails de mis en oeuvre des matériaux recylcés dans l’Earth ship.
Etats-Unis, 2014 in build-green.fr
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Cet habitat se distingue des autres par la création d’une composition entre les matériaux naturels et industriels recyclés. Il assure la notion de durabilité par le recyclage effectué, l’économie de ressources et d’énergies lors de son cycle de vie. Ce concept a, selon moi, une place dans l’avenir de notre société et doit être affirmé. La localité des matériaux devient essentielle aujourd’hui. L’énergie grise produite lors de grands déplacements n’est pas négligeable et contribue à l’impact environnemental. La Earthship reste aujourd’hui une référence quant à l’utilisation ingénieuse de ces matériaux et la garantie de son autosuffisance, complétée par la mise en œuvre d’énergies renouvelables.
B Les énergies renouvelables, sources d’apaisement environnemental Les énergies renouvelables sont aujourd’hui d’actualité et connaissent un développement majeur. L’énergie solaire est une solution envisagée par un bon nombre de français. Elle assure une augmentation de production énergétique dans l’habitat induisant une baisse du budget en énergie en fin d’année. L’augmentation de la production d’énergie renouvelable reste cependant un défi à l’échelle nationale et mondiale. Des régimes de consommations/productions énergétiques plus responsables et durables doivent être mis en place. La notion d’apaisement environnemental est selon moi le terme adéquate : malgré le fait d’utiliser l’environnement comme une ressource dans une production énergétique, nous ne lui causons aucun impact du fait du caractère renouvelable des énergies exploitées. Il se retrouve donc apaisé.
L’urbanisation et l’architecture contemporaine se voit attribuer des défis ambitieux. L’arrivée de nouveaux matériaux, une complexité grandissante des réseaux, le respect de délais toujours plus courts, un développement durable à mettre au premier plan, des insertions urbaines devenant immaîtrisables : il est nécessaire de concevoir le projet sous une approche pluridisciplinaire afin d’innover et relever d’ingéniosité pour répondre aux défis actuels. Qu’ils soient architectes, paysagistes, ingénieurs, écologues, designers ou encore concepteurs, tous ont une place dans le processus de conception. Pour moi, la production d’énergies renouvelables ne doit pas se restreindre à l’architecture. Dans une volonté de consommation purement renouvelable, ces installations doivent être mises en œuvre sur tous systèmes où la captation d’énergie renouvelable est favorable à une production sans occasionner une gêne, quelle qu’elle soit. La question n’est finalement pas dans quelle situation nous allons mettre en œuvre ces infrastructures mais comment les adapter à notre environnement, à nos modes de vie afin qu’elles fassent partie intégrante du paysage environnant. Une réflexion sur ces réseaux et infrastructures de production et d’alimentation doit les rendre « invisibles » ou simplement agréables au regard de l’Homme et la nature.
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Mais devons-nous se limiter dans la captation d’énergie ? Doit-on en privilégier une plus qu’une autre ? Il est préférable de capter une énorme quantité d’énergie qui peut, en cas de supplément, être stockée ou renvoyée dans d’autres réseaux. Vincent Callebault par son projet de Lilypad1 a placé la rentabilité énergétique au premier plan en intégrant neuf systèmes de captations d’énergies renouvelables : solaire, thermique, éolienne, hydraulique, maréthermique, marémotrice, osmotique, phyto-épuration ainsi que biomasse. Ces systèmes étant peu développés pour certains d’entre eux, nous devons en apprendre plus sur ces technologies et techniques de captation dans lesquels des corps de métiers complémentaires pourraient intervenir mettant ainsi en œuvre cette notion de pluridisciplinarité. Je pense que les systèmes utilisables à grande échelle tel que le panneau solaire ou l’éolienne doivent être repensés formellement pour être intégrés à certain éléments afin de leur attribuer une seconde fonction. La route en est un exemple : elle permet le passage de voitures et peut intégrer des panneaux solaires, comme la route solaire à Tourouve en France. Etant souvent surexposée au soleil, cela peut permettre une forte rentabilité énergétique. Ce système de double fonction doit être adapté aux équipements que nous utilisons quotidiennement. Nous pourrions, par exemple, produire de l’énergie hydraulique grâce aux réseaux d’égouts mais aussi par la suite, la réutiliser dans l’arrosage collectif. L’existant doit être repensé pour répondre à de multiples fonctions pour en tirer des qualités jusqu’ici non envisagées afin d’augmenter considérablement la rentabilité. A la campagne, une nouvelle consommation d’énergie se dessine. Les producteurs agricoles consommant de grande quantité de carburant dans leurs matériels, grâce à leurs actions de mutualisation du colza, ils obtiennent un carburant naturel, végétal et renouvelable par leurs propres cultures. Cinquante-quatre agriculteurs des Côtes-d’Armor pratiquent ce concept, ils produisent également 2100 tonnes d’aliments pour le bétail à base de colza (le tourteau de colza). Par ces approches, ils souhaitent « stimuler l’économie par des énergies renouvelables, […] convaincre que notre espoir et notre avenir résident dans la production locale et que depuis notre petit territoire, innover dans le local, c’est exister dans le global »2. Comme eux et moi, Hélène Gassin, femme politique chargée de l’environnement en Ile-deFrance pense que « La maîtrise de l’énergie et les énergies renouvelables étant par essence décentralisées, la mobilisation au plus proche des citoyens est impérative » (Gassin, 2012, p. 17)3. Les énergies renouvelables transposent la question de l’économie d’énergie dans la construction, mais aussi en dehors du secteur tertiaire jusqu’aux modes de vie des individus. Nous sommes dans le devoir de ne pas gaspiller l’énergie produite et d’en produire autrement. Cette écoresponsabilité doit devenir un mode de vie partagé par tous. Un mode de vie aux actions transdisciplinaires où chaque individu, à son échelle, possède une place au bon fonctionnement de la société.
1 Ville flottante destinée à accueillir 50 000 réfugiés climatiques. Elle est capable de se déplacer sur les mers et océans. Elle est aujourd’hui au stade d’architecture de papier. 2 Citation d’un agriculteur des Côtes-d’Armor, « Ecologik 08, Habiter écologique » p. 29, Mai 2009 3 Citation de Hélène GASSIN, « Ecologik 24, Bâtiments à énergie positive » p. 24 Décembre/ Janvier 2011/2012
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III L’Homme et la nature en symbiose face au contexte actuel Le contexte est défini comme « l’ensemble de circonstances liées, situations où un phénomène apparaît, un événement se produit. » (Trésor de la Langue Française informatisé). La situation environnementale est provoquée par de nombreuses « circonstances liées » comme la pression démographique ou encore la consommation de masse, qui sont deux facteurs qui, liés à des milliers d’autres, amènent à des « évènements » tels que le réchauffement climatique mondial, la montée des eaux, les disparitions d’espèces animales et végétales des ressources primaires et l’amplification des catastrophes naturelles dans le temps et la puissance. La symbiose, terme venant de la biologie, est définie comme « l’association durable entre deux ou plusieurs organismes et profitable à chacun d’eux » (Trésor de la Langue Française informatisé). Cette métaphore qualifie la relation que l’Homme doit entretenir avec la Nature. Les responsabilités environnementales sont énormes et nécessitent un changement de mode de vie. Un mode de vie autonome, proche de la nature est nécessaire pour que l’Homme puisse évoluer de façon libre et coexister avec ce qui l’entoure. Il doit apporter à la nature autant que celle-ci nous retourne : la vie.
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La résilience, une attitude éco-responsable
La notion de résilience appliquée à l’écologie est définie comme « la faculté d’un écosystème à retrouver ses équilibres initiaux après avoir subi des altérations dont les causes peuvent être d’origines multiples (naturelles ou humaines) » (E-RSE informatisé). Sur le plan architectural, « la résilience c’est à la fois parvenir à réduire la vulnérabilité d’un territoire, faire du risque un « atout » […] et rendre ce territoire plus facilement adaptable aux évènements à venir » (Bonnet, 2016, p.8). Une approche qui consiste à vivre en harmonie, durablement avec mère nature sans jamais s’opposer à sa liberté. La résilience s’établit en particulier dans des zones à risques où les éléments naturels reprennent leurs droits lors d’évènements et catastrophes non contrôlés. Elle se construit d’abord à l’échelle du bâtiment avec le traitement technique et structurel des infrastructures intégrées au contexte. Cela peut impliquer l’installation de pieux en fondations, de sols surélevés, de pilotis ou encore d’étages inondables. La deuxième échelle de traitement est celle du quartier, le quartier résilient est régi par une diversité de réseaux où les infrastructures primordiales sont des centres de réseaux. Ces liaisons et cheminement doivent être autonomes et se trouver au-dessus du niveau de grandes crues. La troisième échelle de traitement est celle du territoire où le quartier est réfléchi sous une politique d’ensemble pour développer une stratégie globale à l’échelle territoriale. Cela permet d’allier « réduction de la vulnérabilité et qualité de vie des habitants » (Bonnet, 2016, p. 8) au sein du quartier.
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Ces trois échelles de traitement permettent d’obtenir un ensemble cohérent au sein du territoire et impliquent une « gouvernance » : « une solidarité entre les territoires » (Bonnet, 2016, p. 9). « Résilience, cohérence et gouvernance sont donc des impératifs pour construire des projets durables » (Bonnet, 2016, p. 8). L’alliance de ces trois points permet ainsi d’obtenir des quartiers en tant que microsystèmes : des micro-villes à l’échelle d’un quartier. Ils sont donc à même de construire une économie (commerce local et activités) et une vie de quartier à part entière. Les habitants, étant dans des quartiers différents du reste de la ville, développent des modes de vie intéressants, les réunissant, mais également avec le lieu dans lequel ils évoluent : la nature.
Encadré d’expérience : SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES 6 - Fevrier 2019
Ces quartiers « à la mode » se voient attribuer une place d’écoquartier appréciée par les habitants et visiteurs. Ces lieux sont des points de rassemblement, des espaces où il fait bon vivre, loin de l’agitation des véhicules et proches de la nature. Ce sentiment peut être assimilé à la fantasmagorie4 décrite par W. Benjamin. Les atmosphères qui y règnent nous déconnectent du monde extérieur et nous plongent dans un univers plus sain où tout est agréable, « calme et volupté » (M. Bonicco) poussant ainsi l’Homme à modifier son comportement suite à un pouvoir lénifiant. La fantasmagorie est provoquée par un pouvoir divertissant, mis en œuvre par l’état, dans un but économique, traitant l’échelle nationale. Elle est selon moi néfaste dans ces conditions. Cependant, dans le cas d’un quartier résilient, elle pourrait être reconsidérée et avoir une vraie plus-value. Cela peut nous mener à privilégier des commerces plus locaux et à porter un intérêt plus particulier au respect de la nature. L’approche du quartier résilient traite donc toujours avec le contexte et l’environnement. L’eau, qui est pour bon nombre d’architectes et en particulier pour moi, une énorme opportunité de s’accorder avec le naturel. « Il faut relancer cette dynamique démographique qui a construit la ville autour du fleuve et dont le principe de précaution l’a éloigné, il faut conquérir les berges avec responsabilité » (Dinin, 2013, p.38). Le projet de Studio de S6 traitant de l’architecture en zones inondables, nous avons pu expérimenter chacun des procédés résumés ci-dessus. Le quartier résilient doit, selon moi, être autonome et éco-responsable par la mise en œuvre d’énergies renouvelables, de dispositifs spécifiques (ventilation naturelle ou récupération des eaux de pluies et égouts) et de matériaux bruts et locaux (bois, bambou, terre crue, pierre). Les modes de vie qui en découlent doivent réunir les habitants sous une même approche. Le quartier doit comporter des espaces publiques de rassemblement, dédiés en partie aux activités du quartier : jardins partagés, parcs, commerces locaux. Ces usages sont en lien direct avec la « politique » du quartier, qui place les habitants dans une approche responsable vis-à-vis de l’environnement. Ces quartiers vont finalement rapprocher des populations similaires aux mêmes besoins et attentes. Ces quartiers étant « isolés » du reste de la ville, leurs situations leur permettent de mettre en avant des modes de vie durables et innovants et une gestion des ressources alimentaires contrôlées par une production à petite ou grande échelles selon les besoins du quartier. Ils sont aujourd’hui trop peu accessibles et leur mode de vie peine à se démocratiser. Selon moi, ce quartier peut nous mener à une ville durable pouvant s’affirmer comme autosuffisante. Tous les aspects vus dans ce rapport, assembler les uns aux autres, mènent à une vie en symbiose avec notre environnement et en autosuffisance totale. 4 Création d’une valeur d’apparence aux lieux et à leurs usages en les transfigurant par une ambiance générale qui colore la perception générale du lieu. Elle provoque sur l’Homme un effet d’ivresse, de sidération et brouille les repères, on se sent comme apaisé. (Reprise personnelle à partir du cours de Bonicco-donato.C).
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L’autosuffisance, habiter durablement
L’autosuffisance se définie comme « le fait de subvenir à tous ses besoins » (Trésor de la langue française informatisé) de manière durable, sans prendre à la nature ou en lui rendant ce qui lui a été pris. L’Homme est capable de vivre en autonomie. Cependant l’autosuffisance est indissociablement dépendante de la nature et nous épuisons ses ressources pour vivre sans pour autant la réalimenter. L’autosuffisance doit être alimentaire, énergétique, totale pour une liberté absolue. L’Homme doit vivre, exister et jouir de sa liberté tout en respectant la nature qui n’a pas besoin de nous pour subvenir à ses besoins. L’autosuffisance nationale peut être acquise par un long processus de traitement des projets à petite échelle, afin de converger vers une échelle toujours plus grande. Cependant, je pense que le système établit doit être repensé, sous une démarche prônant l’unité et l’autosuffisance à l’échelle de chaque quartier. Elle peut être adaptée par l’application des notions explicitées dans ce rapport d’étude de manière locale « Biomorphisme, bionique, biomimétisme : trois concepts qui s’inspirent de la nature » (Callebault, 2015) auxquels s’ajoute « la combinaison des énergies renouvelables (biomasse, solaire, éolien...) et des technologies de l’information ouvrant d’immenses possibilités d’innovation architecturales » (Callebault, 2018). Cela redonnerait du pouvoir aux localités par une autonomie, une production énergétique et alimentaire locale et donc la création de postes locaux. Je pense que l’autosuffisance doit s’acquérir par la petite échelle en coordonnant ces actions sur l’ensemble du territoire afin de construire une unité. Cela impliquerait la disparition d’une économie nationale et de multinationales au profit d’entreprises locales prônant la durabilité et la qualité de ses produits. Mais où cultiver en ville si l’économie devient locale et que la population se densifie ? « Pour nourrir toute la population en bio, il faudrait 600 hectares de maraîchage alors que, sur tout le département, on compte moins de 300 hectares » (Pragnère, 2012). L’architecte doit utiliser la moindre opportunité pour créer de l’espace cultivable, sans pour autant obstruer le reste. Cela peut s’établir sur nos toits, nos balcons, terrasses et espaces publics jusqu’à utiliser le concept de permaculture5 pour une production naturelle améliorée. La culture peut aller jusqu’à être pensée verticalement. L’architecte américain Dickson Despommier a imaginé et mis en œuvre un concept de fermes verticales dans le but de nourrir la population des villes. Cela remet en question notre façon de vivre, les fonctions et les usages qui découlent de notre quotidien. Je pense que chaque espace et élément doit être pensé et réfléchi par l’intégration du plus grand nombre de fonctions et usages possibles : les murs servent généralement à créer des espaces intérieurs ou à protéger mais ils peuvent devenir un espace de culture, de vie (par l’épaisseur), ou même de production d’énergie. L’eau potable que nous rejetons dans les égouts peut, par l’installation de dispositifs, produire de l’énergie hydraulique, qui serait ensuite transférée dans l’électricité du quartier ou de l’éclairage public. 5 Agriculture visant à s’inspirer de l’écosystème et l’écologie naturelle afin de développer des systèmes agricoles optimisés et en accord avec les éléments naturels qui l’entourent. (Reprise personnelle à partir du cours de Dellinger.F)
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Cette eau peut aussi simplement être réutilisée dans l’arrosage des cultures verticales présentes sur les façades des immeubles. Ces exemples montrent l’étendu de nos possibilités. L’ingéniosité est actrice de durabilité. Ces nouveaux dispositifs vont contraindre l’Homme à vivre différemment. Il connaîtra un changement brutal dans sa façon de vivre, d’habiter, se déplacer, manger. Vincent Callebault, architecte précurseur de nos futurs modes de vie et d’habiter, pense que le citadin du futur sera agriculteur, éleveur et producteur d’énergie. « Nous pensons que les citoyens des villes sont prêts à se changer en « consom’acteurs » ». Ces avancées vont « renforcer la coopération entre voisins pour des potagers collectifs ou des épiceries collaboratives installées sur les toits des nouveaux villages verticaux. Je pense que les nouvelles générations sont prêtes à ce changement parce qu’elles aspirent à devenir des citoyens actifs du nouveau monde urbain qui s’annonce. » (Vincent Callebault, 2015). Ces architectes « pionniers, visionnaires » m’ont marqué et m’ont fait prendre conscience des possibilités envisageables. L’architecte, penseur et concepteur, doit prendre l’initiative de repenser notre système dans sa globalité. Par ces modes de vie, l’humanité sera amenée à développer une éthique environnementale où l’ensemble de la biosphère sera prise en compte par l’Homme, où la symbiose avec la nature sera primordiale et où chacun coexistera à l’intérieur de l’autre. La pensée de tous s’accordera avec un concept que je juge comme un symbole de notre époque : la « Deep ecology »6
6 Ou « écologie profonde » Imaginée dans les années 1970 par le philosophe norvégien Arne Næss. Celle-ci représente l’être humain comme une partie de l’écosystème.
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EPILOGUE La métamorphose des modes de vie à la reconquÊte environnemental Suite aux pensées et ressentis exposés dans mon rapport d’étude, je souhaite entreprendre un master mettant en concordance ces entités dans un avenir durable. Par ce cursus situé à L’ENSA Paysage de Bordeaux, j’aimerais enrichir mes compétences et connaissances dans le domaine du paysage, de l’ingénierie en lien avec l’économie de matière, en me concentrant sur l’architecture de risque et la construction bois. Au travers des nouveaux modes de vie, un futur environnemental positif se dessine. Celui-ci doit être mis en œuvre et compris par tous. Il s’initie par la compréhension de la nature comme élément primaire et base de fonctionnement de nos sociétés et cultures. La nature possède des millions d’années d’adaptation, de compréhension et d’évolution. L’Homme doit l’approprier et s’en servir pour la sauver. La nature doit être utilisée comme ressources renouvelable, durable et productive. Les méthodes d’adaptation explicitées dans mon rapport peuvent pallier l’épuisement des ressources, d’énergies et réduire les investissements financiers par une initiation à l’autosuffisance. La partie traitant de « l’Homme et la nature en symbiose face au contexte actuel » découle des deux premières (respectivement « l’influence de l’environnement sur la conception environnemental » et « l’écologie architecturale au service de la nature »). Il faudrait allier ces nouvelles méthodes vues tout au long du rapport d’étude pour en créer des modes de vie et des façons d’habiter inédites, répondant aux besoins d’émancipation de la nature mais aussi à ceux de l’Homme. Les architectes doivent être précurseurs sur ce plan. Ces deux entités qui sont la nature et l’architecture doivent vivre en concordance, en symbiose et se compléter. Les modes de vie seront bouleversés par de nouvelles méthodes de production alimentaire, de déplacement, de construction, induits par une nouvelle architecture, au cœur de la nature. La résilience et l’autosuffisance à l’échelle locale puis nationale comme nouveau mode de vie sont, selon moi, la prochaine étape à mettre en œuvre pour nous mener à une coexistence où l’Homme et l’architecture se tourneraient vers une culture commune : la Nature.
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BIBLIOGRAPHIE LIVRES Michel Sauquet, Martin Vielajus, 2014, L’intelligence interculturelle, Éditions Charles Léopold Mayer, 383 p. Frédéric Bonnet, « atout risques » Des territoires exposés se réinventent, Edition Parenthèse 176 p. Ecologik 24, 2011/2012, Bâtiments à énergie positive, 130 p. Ecologik 08, 2009, Habiter écologique, 122 p. Ecologik 33, 2013, Architectures au fil de l’eau , 130 p. Vincent Calebault, 2015, Paris 2050, Edition Michel Lafon, 191 p. Anthologie des grands textes de l’humanité sur les rapports entre l’Homme et la nature, 1992, Paris, Éditions Charles Léopold Mayer, 688 p. André Croboz, 2001, Le Territoire comme palimpseste et autres essais, collection tranches de ville, edition Broché, 281 p.
ARTICLES Salvano Briceño, 28 août2010, (UN/ISDR) Le Monde.
Enric Sala, 2018, 38 millions de déchets plastiques recouvrent cette île déserte, National Géographique. Emmanuelle Moreau, France Inter, 2018, L’esprit d’initiative.
VIDéOS Habiter le monde, Suède – Malmö, la renaissance verte, documentaire Arte, 2017. (Interview Phillipe Simay) Architecture et nature : une union durable, documentaire Arte, 2019. (Interview Christoph Ingenhoven) Gilles Boeuf, 2017, Une époque formidable. Vincent Callebault, 2015, Visitons le Paris de 2050, TEDxÉcolePolytechnique, Youtube. Grégoire Alix, 2018, Les villes compteront 2,5 milliards d’habitants en plus en 2050, Le Monde.
LIEN INTERNET Trésor de la langue française : http://atilf.atilf.fr/ Build-green : https://www.build-green.fr/earthship-et-geonef-avantages-et-inconvenients/ E-RSE, plateforme de l’engagement RSE et développement durable : https://e-rse.net/#gs.6e961t https://www.lemonde.fr/economie/article/2018/05/17/les-villes-compteront-2-5-milliards-d-habitants-en-plusen-2050_5300620_3234.html Vincent Callebault Architecte : http://vincent.callebaut.org/object/080523_lilypad/lilypad/projects/user
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