Les 1000 vies d'une femme

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LES 1000 VIES D’UNE FEMME

ÉDITIONS D’UNE CERTAINE GAIETÉ


ÉDITO Vous avez entre les mains un roman-photo dénonçant les violences faites aux femmes. Cette publication est le fruit d’une collaboration entre le Collectif contre les Violences Familiales et l’Exclusion (CVFE) et D’une Certaine Gaieté ASBL. Cette brochure est aussi et surtout le fruit d’un long processus ayant demandé à toutes ses participantes un investissement personnel et émotionnel conséquent de septembre 2018 à janvier 2019. La question que l’on pourrait se poser en voyant ce roman-photo est pourquoi un roman-photo retraçant des histoires de violences vécues par des femmes ? D’abord, parce que nous avions envie d’utiliser notre colère comme moteur pour partager et dénoncer à travers un outil artistique les violences que nous avons vécues parce que nous sommes femmes, ainsi que toutes les stratégies que nous avons mises en place pour résister. Ensuite, parce que nous avions envie d’affirmer au travers de ce roman-photo que nos vécus et expériences ne sont ni des faits isolés et encore moins des faits divers, mais plutôt le résultat d’une société patriarcale qui va à l’encontre de nos droits humains fondamentaux et mettant à mal notre intégrité et notre autonomie. À travers le roman-photo qui nous offre une liberté de ton, mais aussi un aspect artistique, décalé et concret, nous avions envie de rendre visibles toutes ces violences, qu’elles soient conjugales, sexuelles, économiques, institutionnelles, psychologiques, qu’elles s’exercent au travail, en rue, à la maison, dans les transports en commun… Enfin, parce qu’il y a urgence à agir pour un monde plus juste en luttant contre ces violences qui nous concernent tou.te.s ! Que faire pour lutter contre les violences faites aux femmes ? Eh bien, on peut déjà agir individuellement en interrogeant nos propres stéréotypes de genre, en parlant autour de nous des violences faites aux femmes et en soutenant celles qui en sont victimes. Bref, en étant un.e allié.e ! Il est aussi possible et porteur d’agir collectivement là où on est. Par exemple, en rejoignant les associations qui portent ces luttes. On a aussi le pouvoir, en tant que citoyen.ne.s, d’exiger des statistiques genrées pour mieux mettre en évidence toute l’ampleur des violences faites aux femmes dans notre pays et ce afin de développer des actions de prévention adéquates. À l’heure où l’austérité est prétexte à tous les renoncements, nos politiques doivent montrer leur volonté de dégager les moyens nécessaires pour soutenir la lutte contre les violences et les discriminations, pour assurer la protection, l’accueil et l’accompagnement des victimes, ainsi que la réparation des préjudices subis ; d’offrir des services humains et professionnels ; une reconnaissance et un soutien pérenne pour les associations et collectifs qui luttent pour l’autonomie des femmes ; une formation systématique et continue des intervenant.e.s de première ligne et des professionnel.le.s concerné.e.s (police, justice, hôpitaux, etc.). Nous espérons que ce roman-photo pourra toucher le plus grand nombre, susciter la réflexion et pousser à l’action. FLORENCE LAFFUT DU COLLECTIF CONTRE LES VIOLENCES FAMILIALES & L'EXCLUSION / SERVICE D’ÉDUCATION PERMANENTE.


Alice a 20 ans et étudie le droit. Depuis un an, elle est en couple avec François, 21 ans, rencontré à la fac’. Il doute de la fidélité d’Alice depuis qu’il sait qu’elle est bisexuelle. Alice, mon trésor, tu me files ton gsm ?

Tu n’as plus de gigas sur le tien ?

Non, c’est juste pour voir avec qui tu as été en contact récemment…

Ah je vois, tu es encore dans ta phase parano…

Tiens ! Le mot de passe tu le connais déjà !

Dis, mais avec ta mère, vous vous écrivez combien de fois par jour ?!

Je ne sais pas, je ne compte pas… Ça te pose un problème ?

Merci mon amour ! Tu sais que je t’aime !

Pas forcément… Mais ça doit être étouffant pour toi, non ?!

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C’est qui, Ayana ?

Je vois que tu viens de passer à Messenger !

Oui et après j’irai voir ton Facebook… C’est qui, Ayana ?

Une copine Erasmus espagnole. Je lui file mes notes, elle a du mal avec la langue.

Tu peux me rendre mon portable, je dois sortir…

Je viens juste de t’amener les courses, tu n’as pas besoin de sortir…

Un RENDEZ-VOUS !? Mais avec qui ? Avec Ayana ?

Détends-toi ! C’est avec la voisine, Blanche…

C’est gentil, mais j’ai rendez-vous…

Mais vous allez où ?

Elle a un plan pour une coiffeuse pas chère, du coup, je vais aller avec elle !

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Tu aurais pu me prévenir, quand même. Allez, je t’attends !


Enfin, te voilà ! Je pensais que tu n’allais plus venir !

Bon, ce n’est pas grave, ça arrive…

Salut Blanche, excuse-moi pour le retard.

Ça commence à m’arriver souvent d’être en retard…

Tu as des soucis ? Tu es tracassée par quelque chose ?

Non rien de tout ça, à chaque fois que je dois sortir et que mon copain est là… ben, tu vois…

Petite coquine, va ! En même temps c’est de votre âge hein, les galipettes…

Ah, si ça pouvait être des histoires de galipettes !

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Mais non ! Il veut chaque fois tout savoir, quand je sors, ce que je fais et avec qui. Ça me prend une plombe de tout lui expliquer…

Quoi, ne me dis pas qu’il est impuissant ?

Je sais qu’il fait ça parce qu'il m’aime, et qu’il ne veut pas qu’il m’arrive quelque chose.

Mouais…

En plus, comme je suis bisexuelle, il se sent menacé en permanence, le pauvre !

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On ne va pas le plaindre non plus… Allez, viens, on rentre !


Blanche, Daphné et Claudia sont toutes les trois passées par des violences conjugales et se sont rencontrées aux activités du CVFE. Salut les filles ! Je vous présente Alice, ma jeune voisine…

Tu viens couper tes beaux cheveux ? Non, juste les pointes… Mon copain ne serait pas d’accord !

Coucou…

Oui, enfin, ce sont tes cheveux, c’est encore toi qui décide…

Bienvenue…

Vous avez fait quoi de bon hier soir ? J’ai lu un bon bouquin au lit.

Moi, j’ai vu un film qui m’a toute retournée…

« L’Emprise » avec Odile Vuillemin et Fred Testot . Une femme tue son mari violent pour se défendre et se libérer...

C’était un film d’horreur ?!

Ça aurait pu. Je l’ai vu aussi. En fait, c’est une histoire vraie !

Le téléphone d’Alice sonne pour la 3ème fois en une demi-heure, sans compter les 6 sms qu’elle a reçus entre temps. Mon dieu, ces jeunes, toujours connectés ! Détends-toi ! Pose ton gsm : tu es chez le coiffeur !

Désolée, c’est mon copain ! Il préfère toujours savoir où je suis, au cas où…

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C’est des comportements comme ça, tu vois, que cet homme avait dans le film ! Il appelait constamment sa femme pour s’assurer qu’elle était à la maison. Il cherchait à contrôler ses faits et gestes.

Le mien n’est pas comme ça ! Il fait attention à moi. Il s’assure que je vais bien !

En te téléphonant 3 fois en une demi-heure et en t’envoyant je ne sais combien de sms ?!

Au début, tout était beau. Magnifique. Comme dans les contes.

Les papillons qui volent, les oiseaux qui chantent, la magie de l’amour… Dommage que tout ça se passe seulement dans les comédies romantiques.

On se demande bien pourquoi…

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Oui parce que malgré tout, il ne boit pas. Il Il est toujours disponible. Indispensable même ! Sans lui, tu te sens nulle.

Il était toujours là pour moi. Il n’arrêtait pas de me dire qu’il m’aimait. Il était attentionné. Il faisait tout pour que je sois bien. Puis, il y a eu les coups de gueule, pour tout et pour rien. Et toi, tu la fermes. Tu acceptes.

Elles ont des jupes trop courtes ! Elles portent trop de rouge à lèvres ! Elles ont une mauvaise influence sur toi…

Après, il commence à trouver que tes copines sont un peu trop salopes à son goût... Ton entourage ne te fait pas de bien. C’est pour ton bien, tu comprend ?! C’est mieux de ne plus les fréquenter...

Il passe en revue ta famille entière ! Tous tes proches sont trop nases pour lui.

Mais enfin, c’est interdit par la loi ! On ne peut pas être filmé à notre insu !

Puis, il commence à fliquer ton gsm. À foutre des cameras partout dans la maison ! C’est du vécu, j’ai été filmée pendant des années !

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Ah, la loi ! Quand j’ai voulu porter plainte à la police pour les coups... parce qu’à la fin, ils finissent par arriver... Ils m’ont dit : « Vous êtes sûre que ça s’est passé comme ça ? »

Oui, il aurait fallu leur faire un dessin pour qu’ils comprennent !

Il connaissait tous mes déplacements… Il contrôlait ma vie, et ça a duré 15 ans !

Moi, 5 ans et c’était pas mieux ! Passeport confisqué ! Pas de sortie seule, pas d’argent, pas de nourriture, pas de lessive… Je devais laver mes vêtements en cachette... Et bien sûr, pas de travail !

Ok, mais les hommes ne sont pas tous les mêmes !

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Certes, mais la domination masculine est la même !


Les quatre femmes continuent la discussion dehors, Alice est quand même intriguée par leurs histoires.

J’ai quand même une question : comment vous avez fait pour vous en sortir ?

Moi, c’était une assistante sociale qui m’a parlé du refuge du CVFE.

C’est quoi le CVFE ?

Le Collectif contre les Violences Familiales et l’Exclusion. Il y a toutes sortes d’activités pour les femmes.

Au début, je n’avais pas de titre de séjour, du coup ce n’était plus mon mari qui avait le pouvoir sur moi, mais l’État Belge. J’étais suspendue à son bon vouloir pour me donner des papiers ou pas et pouvoir reprendre ma vie en main…

C’est une amie qui m’a permis de m’en sortir… Elle m’apportait des pamphlets que je lisais en cachette. Puis, j’ai eu un boulot mieux rémunéré, je gagnais en autonomie. Je suis partie de la maison et ai ouvert mon compte en banque.

Ne te laisse pas faire hein ! Salut, à bientôt !

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Comment se fait-il que tu sois restée si longtemps avec cet homme ?

Culpabiliser ? Mais c’est lui qui te donne des coups !

L’éducation des femmes est basée sur la culpabilisation… Être serviable, souriante, tout accepter…

Parce qu’on ne se rend pas compte tout de suite. On minimise. On prend sur soi. On arrive seulement à identifier la violence quand les coups arrivent. Même à ce moment-là, on culpabilise !

Heureusement que de nos jours, le patriarcat n’existe plus !

Ce n’est pas moi qui ai claqué la porte, c’est lui. Mais au final, tu ne m’as pas dit comment tu as fais pour claquer la porte...

Oh la la, il est super tard ! Il va encore …

Je ne sais pas, on verra… Allez, je file !

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Si ça te dit, on pourrait aller ensemble au cours d’autodéfense du CVFE ?

J’étais déjà entrée en résistance ! J’allais à des rencontres de paroles de femmes. Je lui disais que j’allais voir ma sœur. Et tout ça m’a donné confiance pour la suite...


Marie a 20 ans. Chômeuse, elle suit une formation d’aide soignante. Elle est seule à s’occuper de sa sœur Léa (13 ans) et de son frère Hugo (7 ans) depuis que leur père, un directeur de banque, est parti faire des courses depuis 6 mois sans donner de nouvelles. Leur mère est décédée.

Des pâtes en formes de lettres !

On n’a pas d’argent pour ça, chouchou… Pfff !

Des serviettes hygiéniques ?

Allez ! Les serviettes !

Il faut choisir entre le beurre et les serviettes !

Ok, on prend les serviettes, mais celles à 74 cents !

J’ai gagné !

Trop nul, les filles !

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Enfin des serviettes…

Marie compte ses quelques sous. Son père, en partant, ne lui a rien laissé pour subvenir aux besoins primaires.

Elle est devenue une femme, la petite ! Bientôt du rouge à lèvres et des mini-jupes pour séduire les jeunes hommes !

Va remettre les serviettes ! Je t’en ferais avec un vieux t-shirt. Et prends du beurre ! Celui à 50 cents.

Sale con !

C’est lui, le cochon ! Je vais lui donner les 26 cents pour qu’il se lave…

Ne sois pas déçue : tu pourras mettre la différence dans ton cochon !

Oui, qu’il se lave la bouche !

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Depuis que le père de Marie est parti, les huissiers sont venus et ont saisi la plupart des meubles.

Pas plus de deux tranches chacun ! Je mangerai plus tard, je n’ai pas faim. Je vais à la boite aux lettres.

À table !

Y a plus de table...

T’es bête ! C’est les huissiers…

Les WC étaient forts, ils ont tout pris !

Depuis que son père est parti, Marie a découvert ses nombreuses dettes. La boite aux lettres est devenue son cauchemar !

Ouf ! Rien pour aujourd’hui !

Pitié, pitié, pas de huissiers…

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Mais pas de chance pour Marie, elle rencontre la propriétaire dans les escaliers...

J’aimerais voir votre père. C’est quand même lui mon locataire !

Il semblerait que vous ayez quelques loyers de retard ?

Il est parti... Je n’ai plus de nouvelles de lui depuis 6 mois. Pour les loyers, on peut s’arranger : je cherche une femme d'ouvrage. Je suis flexible. J'aime aider qui à besoin d'aide.

J'ai entendu parler des huissiers. Dans cet immeuble, ce genre d'incident fait vite tache. Vous comprenez ?

Oui... Merci.

Un homme comme votre père... Un directeur de banque ! Somme toute... Un homme bien !

Oui... Un super gars.

Si vous avez des dettes, adressez-vous au CPAS ou à un autre service de médiation. Faites-vous aider !

Savez-vous quand les meubles de votre père seront disponibles en salle de vente ? J'ai toujours trouvé son secrétaire d'une splendeur inouïe... À bientôt !

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Quelques jours plus tard, Marie décide de se rendre au service de médiation des dettes de sa commune. Bonjour, je vous en prie, entrez !

J’ai vu votre panneau « Respecter la dignité humaine », et je me sens rassurée, car je ne me sens plus comme un être humain !

Racontez-moi tout ça !

Marie raconte toute son histoire. Ses difficultés financières. La situations devenue insoutenable avec sa sœur et son petit frère.

Ok, je vois le cadre ! Je vois le plan d’attaque aussi. Je vais contacter un avocat, et vous venez me revoir dans 15 jours !

Merci madame. Vous me sauvez la vie…

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Alors que Marie, Léa et Hugo rentrent chez eux, trois hommes en voiture roulent au pas à leur hauteur et en les dévisageant.

Vous voulez monter ? On prend pas cher la course !

Tu veux ma photo ? Têtes de cake !

On dit que ton père est parti acheter du lait pour le déjeuner... Toujours pas de nouvelles ?

On voit bien que c'est ton père qui paye l'essence pour perdre ton temps en bagnole !

Il parait même que les meubles sortent de chez toi…

Fais-nous une pipe et on vous laisse tranquilles !

La ferme, salope !

Je peux t'acheter du lait, te filer de la thune... si tu te montres gentille.

Dans vos rêves !

Allez les enfants, on y va !

Touchez-nous et vous êtes morts !

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Sur le chemin, ils tombent sur une dame qui semble faire un malaise.

Ça va madame ? Vous voulez que j’appelle une ambulance ?

Aidez-moi…

C’est quoi cette embrouille !? Venez les gars, on se casse.

Regarde, ils sont partis ces têtes de gland !

Cool, la diversion…

?¿?

Non, non, tracasse…

Les filles, il faut que vous appreniez à vous défendre de ces emmerdeurs !

Moi, je me défends plutôt bien !

Vous êtes guérie?

Au CVFE, ils font des cours d’autodéfense pour femmes !

Ah, mais l’argent ne doit pas être un frein !

Merci, mais là, on n'a vraiment pas un balle !

Et vous y allez ?

Cool, la mamy !

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Quinze jours plus tard, Marie retourne voir l’assistante sociale et son plan d’attaque. Elle a beaucoup d’espoir.

Un avocat s’est chargé de négocier avec les créanciers. Voilà le plan de payement ! Il faut juste signer en bas !

Si je signe, je vais être encore plus dans la merde !?

Je ne comprends pas… Ici, il est écrit en tout petit : « J’accepte de vivre en dessous du seuil de pauvreté »...

Vous voyez là, le panneau derrière vous ? Vous auriez dû écrire « Respecter la dignité des créanciers » ! Au moins, il n'y aurait pas de doutes !

Vous me faites perdre mon temps ! Nous ne sommes pas une société philanthrope !

Ah, ces pauvres, ils pensent que tout leur est dû !

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Rachel a 25 ans. Elle travaille dans une grande multinationale comme responsable restaurant. Elle gère le stock, la marchandise, l’équipe, les formations et les engagements.

Elle fait aussi le service, débarrasse, gère les finances et dépose l’argent à la banque. Puis, le soir, elle rentre la terrasse et s’occupe du nettoyage.

L’histoire se répète à son nouveau boulot : elle travaillait en binôme avec Max. Lui est promu. Après quelques mois, les chefs reviennent vers elle. On se rend compte maintenant que c’était vous qui gériez tout…

Rachel faisait le même boulot ailleurs. Elle a claqué la porte quand elle a appris que sur les quatre responsables (trois mecs et elle), trois furent promus, sauf elle. Elle découvre alors qu'elle est la seule femme noire à occuper ce poste…

Nous avons mal analysé votre travail et sommes contents de vous avoir toujours avec nous !

Rachel se confie auprès de son amie Anne.

Si vous êtes si contents de mon travail, donnez-moi une promotion !

Rachel, nous estimons beaucoup votre travail et votre engagement, mais une promotion n’est pas possible : nous n’avons pas le budget.

Je bosse comme une tarée sans pouvoir rembourser mes dettes ! Physiquement, je n’en peux plus, et je vais prendre des antidépresseurs à vie !

Va au syndicat, peut-être qu'ils pourront t’aider... Je dois y aller aussi.

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Les deux amies vont ensemble au syndicat pour se donner du courage. Anne passe la première… Mon patron me harcèle, me dénigre, me dévalorise... Je ne sais plus quoi faire !

Pardon ?! Et en attendant, je fais quoi ?

Et bien... faites profil bas et évitez les ennuis !

Madame, vous êtes en fin de carrière, faites le gros dos jusqu’à la pension. Courage !

C’est au tour de Rachel de faire le point sur sa situation professionnelle.

Les deux amies sont dépitées. Sur le pas de la porte, elles trouvent une connaissance qui n’a pas l’air d’aller mieux...

Madame, combattre les multinationales, c’est compliqué, je vous le garantis !

Merci, vous êtes vraiment encourageant. La prochaine fois, je vous apporte ma boite d’antidépresseurs ! Peut-être y trouverez-vous un peu de combativité...

Je ne comprends rien à leur jargon... Comme si on était toutes juristes !

Ben, t’en tires une drôle de tête... Ça fait 4 ans que je me bats pour avoir ma pension, entre la France et la Belgique, et je me rends compte que ce n’est pas encore gagné !

Bats-toi ! Ne te laisse pas faire !

Et vous non plus ! Brûlez vos soutiens-gorges s’il le faut ! Les femmes galèrent toujours ! Avec des doubles journées, des salaires de misères... Pour finir avec une pension de misère aussi grâce à cet écart salarial entre hommes et femmes.

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Anissa a quitté la maison pour échapper à un mariage forcé. Une partie de sa vie s'est passée dans la rue. Elle souffre de fibromyalgie, la « maladie de fainéant-e-s », comme on dit ! Des douleurs et fatigue permanentes. Un quotidien difficile...

Oui je sais, la maladie te fatigue…

Ça ne te fait pas du bien de venir au bistro ? Ça faisait longtemps...

J’ai mal partout, et je n’arrive pas toujours à faire ce dont j’ai envie…

C’est le moins qu’on puisse dire…

Oui Sonia, bien sûr, mais tu sais bien que ça ne dépend pas de moi !

Comment peux-tu douter de ça ? Tu sais que je t’aime !

Ça fait combien de mois qu’on ne fait plus l’amour ? J’ai perdu le fil …

Sonia, tu sais bien qu'avec cette maladie, j’ai une baisse de libido.

Alors prouve-le moi ! Si on ne fait pas l’amour prochainement, j'irai voir ailleurs !

Des fois, je me demande si c’est réellement ça ou si tu n’es plus amoureuse de moi…

Voilà l’argent pour la consommation... De toute manière, tu n'as jamais un balle... Trop malade pour travailler, hein ?!

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Anissa a beau être fauchée, ça ne l’a pas empêchée de se faire voler son portefeuille en sortant du bistrot… Elle décide d’aller porter plainte à la police.

Dites-moi tout…

Asseyez-vous, on va s’occuper de vous… On vient de me voler mon portefeuille.

On vient justement de nous ramener un portefeuille : Anissa Salem, c’est vous ?

Le policier s’amuse à lire une lettre trouvée dans le portefeuille d’Anissa.

Oui, c’est le mien…

« Anissa, mon amour, tu es mon soleil, merci d’être la pour éclairer mes moments difficiles »… Signé : Sonia

Une arabe qui se fait voler !? C’est le monde à l’envers Mon poing dans ta gueule, tu l’auras pas volé !

Arabe et lesbienne, de mieux en mieux…

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Non, mais !? Ça va aller, vous ?

Oui, ça arrive ! Il paraît que quand j’ai été conçue mon père pensait à une autre femme... Attention, ça pourrait vous arriver aussi d’avoir une fille lesbienne !


Rachel est en arrêt maladie depuis plusieurs mois. Elle ne tient plus debout suite à une rupture du tendon d’Achille. Elle est convoquée par la médecine du travail.

Effectivement, Rachel ne tient pas sur ses jambes et tombe.

Vous allez marcher sans vos béquilles.

Mais… C’est impossible !

Après avoir répété « l’exercice » trois fois sans succès, Rachel est mise sur une chaise roulante et amenée dans la salle d’attente. Elle y rencontre Anne, Anissa et Rose, elles aussi convoquées…

J’espère que vous aurez plus de chance que moi…

Y’a intérêt… Rien que de penser à mon patron, j’ai un ulcère en plus !

Anne vient de passer son entrevue avec la médecin…

Je vois que vous êtes une bonne simulatrice ! On va répéter l’exercice !

Je suis mal barrée alors ! Quand on a de la fibromyalgie, on ne vous croit jamais…

J’ai survécu à un anévrisme et un cancer. Si on me dit que je dois retourner travailler, je crois que je vais mourir sur place !

Je suis devenue nulle à force d’entendre mon patron me le répéter à longueur de journées.

Elle refuse de me donner un C4 médical. Mais non, tu n’es pas nulle…

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C’est au tour d’Anissa de rencontrer la médecin. Tout au plus faites-vous une légère dépression…

Je vois que vous prenez beaucoup de médicaments…

Vous pouvez reprendre le travail, ça vous changera les idées…

Ben, je suis quand même atteinte de fibromyalgie.

Je savais que vous ne m’auriez pas crue.

Une chaise dans ta face te fera le plus grand bien ! Ah, mais vous êtes chômeuse en plus… Chercher de l’emploi vous fera le plus grand bien !

Au secours ! On m’attaque !

Après une injection d’un puissant sédatif, Anissa est transportée dans un hôpital psychiatrique… Personne suivante !

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En face de la médecine du travail, elles aperçoivent un corbillard.

Oh la la, j’espère que ce n’est pas pour Rose… Foutons le camp, on va laisser nos plumes ici… Mais ce n’est pas pour Rose…

Eh les filles, attendez-moi !

J’ai survécu à trop de choses pour me laisser intimider par une jeunette en blouse blanche.

Rose, t’es toujours en vie !

Je n’ose même pas imaginer ce qui va arriver à Anissa...

J’ai un plan ! On va la faire sortir de là !

Ah bon ? T’es Wonder Woman, toi !? J’ai surtout chopé son numéro de téléphone dans la salle d’attente.

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Quelques jours plus tard, le trio rend visite à Anissa…

On ne se connaît pas beaucoup, mais on est venue pour t’aider ! ?¿?

On va te faire sortir, enfin si tu veux bien…

Euh… Mais qui êtes-vous ?

On est surtout des femmes qui s’en prennent plein la gueule…

… sur tous les plans : en privé, au boulot, chez le médecin, dans la rue… Et on en a marre ! Du coup, on se dit qu’il faut s’entraider !

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Des amazones en mode « Wonder Woman » !

Anissa leur fait confiance. Ensemble, elles établissent un plan !


Après les congés d’été, les activités du CFVE reprennent. Aujourd’hui, c'est le cours d’autodéfense... Blanche a su convaincre d'autres femmes de venir.

Quant aux amazones Wonder Women, leur plan d’attaque, c’est de suivre une formation pour trouver un travail plus épanouissant.

Les élections communales approchent, elles se retrouvent toutes au cycle politique. Mais les questions de genre semblent être reléguées aux oubliettes pour l’ensemble des partis. Il faut plus de caméras de surveillance pour plus de sécurité… Et les crottes de chien, hein, les crottes de chien ?

Le tram doit être prioritaire !

Il faut arrêter avec cette politique bling-bling.

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Rose et Anissa, quant à elles, décident de participer aux ateliers théâtre.

J’ai enfin trouvé ma vocation !

Il n’est jamais trop tard !

Concentrées, les filles !

Le féminisme de combat est de retour… Et comme les féministes des années ‘70, brûlons nos soutiens-gorges et reprenons nos vies en main !

Nous sommes partout ! 28


Contacter le CVFE

SIÈGE SOCIAL Rue Maghin, 11- 4000 Liège. Directrice générale : Claire Gavroy Tél 04.221.60.69 | Fax 04.250.07.57 SERVICE ADMINISTRATIF ET FINANCIER Tél 04.221.60.69 | Fax 04.250.07.57 ACCUEIL - HÉBERGEMENT Permanence téléphonique 24h/24 : 04.223.45.67 Hébergement Tél. 04.223.45.67 | Fax 04.221.04.62 | E-mail : refuge@cvfe.be

LIGNE D'ÉCOUTE, FORMATION DES PROFESSIONNEL.LES Informations sur www.ecouteviolencesconjugales.be MCAE LE TRAVERSIER Tél 04.223.44.02 ÉDUCATION PERMANENTE Animations, activités de participation citoyenne, stages d’autodéfense pour femmes et filles, sensibilisations grand public, publications d'analyses et d’études. Rue Maghin 11 - 4000 Liège.Tél 04.223.68.18 | GSM 0471.60.10.15 | E-mail : educperm@cvfe.be

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CONCEPTION ANIMATION ET AIDE AU SCÉNARIO Donatella Fettucci & Florence Laffut SHOOTING PHOTOS Elodie Timmermans ILLUSTRATIONS Dácil Martín Paillet COORDINATION DES ANIMATIONS ET DIALOGUES Donatella Fettucci MAQUETTE ET MISE EN PAGE Arnaud Ferrante et Joel Napolillo RELECTURE Catherine Thieron SUPERVISION Joel Napolillo EDITEUR RESPONSABLE Benjamin Monti IMPRIMERIE Print UP, Esneux APPARAISSENT DANS LE ROMAN-PHOTO (PAR ORDRE ALPHABÉTIQUE) Ruby Am-kow, Sigrid Amond, Pascale Bothilde, Pierre-Nicolas Bourcier, Julie Burg, Melita Cala, Chantal Cao, Béatrice Cué Alvarez, Madeleine Demeyere, Inès Domé, Arnaud Ferrante, Donatella Fettucci, Jean-François Framerie, Annick Grandry, Roger Herla, Henri Hervelle, Florence Laffut, Valérie-Anne Lahaye, Rose-Marie Laurent, Dawinka Laureys, Aude Lorquet, Nerine Lux, Dácil Martín Paillet, Leila Saidi M’Rabet, David Mussenge, Marc Mussenge, Sarah Tshinguta Mussenge, Claire Nanty, Joel Napolillo, Joëlle Nijst, Prisca Nzembo, Yves Pinon, Victor Popadić, Julie Ricard, Florence Ronveaux, Marine Ruby, Michel Thiry et Sarah Thomas.

Nous remercions le Carrefour Express Saint-Léonard, L Coiff’ – salon pour dames ASBL et tous les autres lieux qui nous ont accueilli chez eux pour les shootings photos.

L’édition est libre de droit pour autant que vous citiez la source et l’auteur et que vous n’en fassiez pas d’usage commercial. Plus d’infos : http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/2.0/be/ © Liège, 2019


La société vue par elle-même À travers une série de romans-photos présentant chacun un microcosme social différent, des occupant.e.s d’une maison de repos aux usager.e.s d’une maison médicale en passant par des sans-papiers ou des sansemplois, la société est passée au crible de son propre regard. Chaque milieu social est simultanément auteur et sujet. Dans le cadre d’ateliers d’éducation permanente, il est mis en place un dispositif d’autoreprésentation où les participant.e.s sont invité.e.s à s’approprier le scénario et à le construire pas à pas, jouant des rôles qui leur ressemblent, face objectif, et traduisant au mieux leurs préoccupations quotidiennes, leurs frustrations, leur joies, les conflits qui les opposent, les passions qui les animent. L’ensemble des romans-photos vise à constituer une vaste fresque kaléidoscopique de la société vue par elle-même sur un support ludique et populaire. Une juxtaposition de milieux à priori imperméables les uns aux autres qui, à terme, mettrait en perspective la notion même d’alterité. L’auto-représentation et l’auto-détermination sont des éléments centraux dans notre démarche d'éducation permanente car elle se veut caisse de résonance des minorités (supposées ou non) avec qui D’une Certaine Gaieté a l'habitude de travailler. Dans cette optique, Il nous est apparu opportun de collaborer avec le Collectif contre les Violences Familiales et l'Exclusion (CVFE) et de réaliser ce roman-photo que vous avez dans les mains, car il problématise des luttes féministes à travers le prisme de l'exclusion socio-économique. Une série de valeurs que nous avons envie de défendre avec vous.

978-2-930759-08-1 D/2019/10.070/36

ISBN

9-11 RUE DES MINEURS 4000 LIÈGE, BELGIQUE TÉL +3242221246 INFO@CERTAINE-GAITE.ORG WWW.CERTAINE-GAITE.ORG


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