Mint #02

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n째2 Automne/Hiver 2014 Fall/Winter Free


min t édi to

édito by: Déborah Pham

On a voulu se sentir minuscule, infiniment humain face à la grandeur et à la force de la nature. On a souhaité se confronter à toutes ces choses pour être en phase avec le caractère sauvage qui sommeille en nous, comme notre fougue et notre besoin de découverte. La montagne s’est imposée face à nous, grandiose et intimidante. La route qui nous menait à Megève était parsemée de monts couverts de neige et d’arbres au vert profond sur leur versant. On a eu envie de ces paysages, de ces décors de boule à neige avec leurs reliefs, leurs pics, leurs lacs. Dans nos sacs il n’y avait rien d’autre que nos Opinel pyrogravés, quelques livres de Jack London et une imposante collection de pulls suédois. Lorsqu’on est arrivé, il était déjà tard mais la lueur nocturne nous permettait encore de discerner chaque sapin, chaque vallon. On s’est transformé en loup le temps d’une exploration sur le plateau du Mont d’Arbois, à traquer les éventuelles traces de pas d’animaux dans la neige avant que le vent ne les recouvre. Le silence qui régnait nous poussait presque à chuchoter, le souffle court, pour ne pas déranger cette harmonie. Chacun de nos sens était en éveil dans le froid pur et métallique, nous forçant à poursuivre l’ascension et ainsi écouter nos plus profonds désirs, nos « antiques désirs nomades ».

We had longed to feel minuscule, infinitely human before the size and force of nature. We wanted to face these things to attune ourselves with the wildness resting inside us; our energy and our need for discovery. The mountain rose up before us, daunting and spectacular. The road that lead us to Megève was scattered with snow-tipped mountains and their slopes of deep green trees. We yearned for these landscapes and their snowglobe scenery, with their valleys, their peaks, their lakes. In our bags was nothing but our pyrographed Opinels, some Jack London books and an imposing collection of swedish jumpers. It was already late when we arrived, and yet the nocturnal gleam allowed us to distinguish each pine, and every valley. We were transformed into wolves during an exploration of the plateau of Mount d’Arbois, following animal tracks in the snow before they were hidden by the wind. The prevailing silence hushed us almost to whispers, short of breath, so as not to disturb the harmony. Each of our senses awoke in the pure, metallic cold, propelling us up the ascent, where we could listen to our deepest longings, our ‘ancient nomadic desires’.

02|03


c on t rib u t e ur s

Mol ly A s hby

l aurè ne b o gl i o

t h o m a s Bre n g o u

tr aduc trice

illustr atrice

modèl e

Molly a grandi dans le Devon en Angleterre. En France depuis deux ans, elle travaille désormais en tant que traductrice. En hiver, elle aime déguster le bon pot-au-feu avec les « dumplings » de sa mère.

Laurène est une graphiste-illustratrice travaillant et habitant à Londres. Elle entretient des relations passionnées en noir et blanc. Elle aime la pluie mais surtout la neige. Notamment parce que celle-ci transforme tout en noir et blanc.

Pendant ses études d'art à la Cambre à Bruxelles Thomas lance avec deux amis Lazare hoche Records dont il gère la D.A. En hiver, il aime boire du lait chaud au miel et superposer les pulls pour ne pas avoir à mettre de manteau.

www.mollysashby.com

www.boglio.com

T ip h a ine c a ro

mi c k a ë l c unh a

S ilvi ja f l e uri o t

photo gr aphe

ILLUSTRATeur

illustr atrice

Étudiante en architecture, Tiphaine collectionne les vieux appareils photos et aime saisir les moments du quotidien à l’argentique. En automneet en hiver, elle aime l’air frais et la lumière dorée de fin d’après midi.

Attiré par l'illustration, la typographie, la signalétique et l'architecture, Mickaël est un graphiste curieux. Il aime dessiner tout plein de choses dans ses carnets. Ce qu'il préfère en automne et en hiver, c'est se balader et regarder les paysages changer de couleurs.

Silvija est illustratrice, passionnée par le dessin au trait, la calligraphie contemporaine et son stylo Pentel. En automne, elle adore marcher en forêt sur de la mousse toute craquante et cueillir des girolles et des airelles …

www.tiphainec.com

www.silvija.fr

www.mickael.cunha.free.fr

c hloé g a s s i a n

L auri a ne ge p ne r

he j u

photo gr aphe

journaliste

designers

Après des études en graphisme, Chloé a obtenu son diplôme en photohraphie, univers dans lequel elle baigne depuis toute petite. Elle aime les mises en scènes et créer des narrations dans ses séries. En hiver elle apprécie particulièrement les lumières froides.

Après avoir travaillé quelques temps au Fooding, Lauriane a décidé de devenir journaliste. Elle travaille notamment pour Metropolitan, Be ou encore Fricote. En hiver, elle aime sentir l'odeur du feu de bois et sortir emmitouflée dans son écharpe.

Hélène Pinaud et Julien Schwartzmann sont deux jeunes architectes tout juste diplômés. Ce duo créatif partage la même passion pour la déco, le design et les DIY. En hiver, ils aiment se replonger dans l'univers décalé de Wes Anderson avec un bon chocolat chaud.

www.chloegassian.com

www.heju.fr


Min t

L aurè ne b o gl i o

t h o m a s bre n g o u

tr aduc tor

il lustr ator

model

Molly grew up in Devon, England. From two years in France, she now works as a translator. During the winter, she loves to enjoy the nice pot-au-feu with the “dumplings” of her mom.

Laurène works in London as a graphic designer and an illustrator. She likes everything in black and white. When winters comes, she likes the rain and the snow, especially because it changes everything in black and white. www.boglio.com

Thomas studied art, partly in Brussels. Then he launched with three friends his record label named Lazare Hoche, in which he handles art direction. During wintertime, he likes to drink hot milk with honey and wearing several sweaters so he doesn't have to wear a coat.

t ip h a ine c a ro

Mi c k a ë l c unh a

s ilvi ja f l e uri o t

photo gr apher

ILLUSTRATor

il lustr ator

Architecture student, Tiphaine collects old silver cameras and likes to catch everyday life instants with it. When fall comes, she enjoys the fresh air and the golden light at the end of the day.

Interested in illustration, typography and architecture, Mickaël is a curious person. He enjoys drawing anything and everything in his notebooks. He enjoys walking around and whatching landscapes changing colors during fall and winter.

Silvija is passionate about line drawing, contemporary calligraphy and her Pentel. When fall comes, she likes to walk on crispy moss, and to gather chanterelles and cranberries.

www.mollysashby.com

www.tiphainec.com

www.silvija.com

www.mickael.cunha.free.fr

c hloé g a s s i a n

l auri a ne ge p ne r

he j u

photo gr apher

journalist

designers

After studying graphic design, Chloé finally got a degree in photography, a realm she's been living in since she was little. She especially likes to create stories inside her series and to embellish it with set design. In wintertime, she really appreciates cool ligths.

Lauriane used to work for the Fooding, after which she decided to become a journalist. She now works for Metropolitan, Be or Fricote. When winter comes, she likes the smell of the wood fire and being wrapped up under her scarf.

Hélène Pinaud & Julien Schwartzmann both graduated from architecture university. The couple shares the same passion for travels, design and DIY. During wintertime, they like to be immersed in Wes Anderson's world while drinking hot chocolate.

www.chloegassian.com

www.heju.fr

04|05

c on t rib u t e urs

m ol ly a s hby


c on t rib u t e ur s

j ul ie j up

l aur a kie n t z l e r

zoé l a b at u t

modèl e

illustr atrice

illustr atrice

Julie est graphiste indépendante, passionnée de nature, musique, cinéma et jeux vidéos. Elle s'adonne aussi à l'illustration et à la photographie en partageant ses voyages sur son blog. En hiver, elle aime s'allonger dans la neige et parcourir les forêts.

Un brin sauvage, Laura partage son temps entre ses deux amours : l’illustration et la couture. Quand vient l’hiver, elle aime hiberner devant un grand feu de cheminée et boire du chocolat chaud dans un bol géant..

Zoé est graphiste et illustratrice. Elle aime lire des bandes dessinées et observer les gens qui l’entourent. En hiver, emmitouflée dans un grand pull en laine, elle dessine des personnages en maillot de bain dans les coins de ses carnets, en attendant l'été …

www.laurakientzler.blogspot.fr

www.juliejup.com

www.zoe.labatut.free.fr

c a rol ine ne de l e c

pa ri s s e q ue m a

hé l è ne ro c c o

st yliste

gr aphistes

journaliste

Caroline aime faire mille choses à la fois : elle est graphiste, styliste, styliste photo et a aussi créé sa propre marque HYES. En automne, elle aime l'été indien.

Paris se quema, du nom d'une comptine vénézuélienne, est un studio de design graphique et de set design. En hiver, le studio aime les fenêtres qui s'allument le soir et les lampadaires qui s'éteignent le matin.

Hélène est étudiante en journalisme. Elle a vécu à l’étranger et aime autant le voyage que la cuisine. La grisaille lui plombe le moral, c’est pourquoi elle préfère rester sous son plaid. En hiver, elle aime voir les montagnes enneigées autour de Grenoble.

www.carolinenedelec.com

www.paris-se-quema.com

www.helenerocco.wordpress.com

m a rie - a mé l ie t ond u

f ré dé ri q ue ve rnil l e t

m at hie u vil a s c o

photo gr aphe

illustr atrice

photo gr aphe

Marie-Amélie est photographe. Elle aime particulièrement la mode et la photo culinaire. À l'automne elle aime le froid sec, les feuilles partout et manger de l'os à mœlle.

Frédérique est animée par son désir insatiable de dessiner. Elle est obsédée par la beauté du geste, l'alliance de la grâce et de la sauvagerie, l'envie de fabriquer des images à la fois attirantes et terrifiantes. En hiver, elle aime les balades sur la plage en Normandie, quand le froid est sec et la lumière rasante.

La plupart du temps, Mathieu travaille aux urgences la nuit et profite de ses journées pour travailler sur ses nombreux projets photographiques. En hiver, il aime les premiers frimas.

www.marieamelietondu.com

www.frederiquevernillet.com

www.mathieuvilasco.com


Min t

LAURA KIENTZLER

zoé l a b at u t

model

ILLUSTRATor

il lustr ator

Julie is a freelance graphic designer, interested in nature, music, movies and video games. She gives herself up to illustration and photography by sharing her journeys on her blog. When winter comes, she likes to lie down in the snow and to roam the forests.

A mite wild, Laura splits her time between her two passions: illustration and sewing. When winter comes, she likes to rest in front of a big chimney fire and to drink hot chocolate in an enormous bowl.

Zoé is both an illustrator and a graphic designer. She likes reading comics and observing people around her. What she likes the most during wintertime is to draw people wearing swimsuits in her notebooks while wearing a big and comfy sweater.

www.laurakientzler.blogspot.fr

www.zoe.labatut.free.fr

www.juliejup.com

c a rol ine ne de l e c

pa ri s s e q ue m a

hé l è ne ro c c o

st ylist

gr aphic designers

journalist

Caroline is a real Swiss army knife: she's a graphic designer, as well as a (photo) stylist, and also created her own brand, named HYES. When fall comes, she likes the Indian summer.

Paris se quema, named after a Venezuelan nursery rhyme, is a graphic and set design studio. During winter, the studio likes the windows enlightening at night and the street lamps turning off in the morning.

Hélène studies journalism. She used to live abroad and likes to travel as much as she likes food. Greyness darkens her good spirits so she enjoys staying comfy under her plaid. What she enjoys the most during wintertime is to see the snow-capped mountains aroud her city, Grenoble.

www.paris-se-quema.com

www.helenerocco.wordpress.com

m a rie - a mé l ie t ond u

f ré dé ri q ue ve rnil l e t

m at hie u vil a s c o

photo gr apher

il lustr ator

photo gr apher

Marie-Amélie is a photographer. She especially likes fashion and culinary photography. When fall comes, she likes when the cold is dry, the leaves everywhere and also to eat marrowbone.

Her insatiable need to draw brings Frédérique to life. She's obsessed about the beauty of gesture, the alliance between grace and savagery. During wintertime, she likes to go for a walk on the beach in Normandy, when the cold is dry and the light is grazing.

Most of the time, Mathieu works in the A&E at night and enjoys working on his several photographic works during the day. When winter comes he likes the first wintry weather.

www.carolinenedelec.com

www.marieamelietondu.com

www.mathieuvilasco.com

www.frederiquevernillet.com

06|07

c on t rib u t e urs

j ul ie j up


min t

rédactrice en chef

Déborah Pham

o urs

direction artistique

Noémie Cédille www.noemiecedille.fr graphisme & maque t te

Agathe Boudin www.agatheboudin.com

ont coll aboré à ce numéro rédacteurs

Lauriane Gepner Hélène Rocco

traducteur

les photographes :

Tiphaine Caro, Chloé Gassian, Marie-Amélie Tondu et Mathieu Vilasco

Molly Ashby

les illustrateurs :

Laurène Boglio, Mickaël Cunha, Silvija Fleuriot, Laura Kientzler, Zoé Labatut, Noémie Cédille et Frédérique Vernillet les graphistes/designers :

Heju, Caroline Nedelec et Paris se quema les relecteurs :

Hugo Cabrit, David Cocciante et Rachel Feldhaus

remerciements

La Grande Epicerie du Bon Marché, Franck Rossina de la marbrerie Jules Léger, Jean-Pierre Araldi de la société Granito, Emmanuele Khann, Quentin Guériot, l'Office du tourisme de Megève, Guy Galilei, Julie Bathellier, Rachel Feldhaus, Fanny Vedreine, Marie Verlhac, Antoine Gendraud, Maylis Parisot et Hestia le chat.

imprimé par

SNEL, Belgique

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distribu tion

Le Crieur : contact@lecrieurparis.com Dans une ville où les publications gratuites fusent à tout-va sans jamais vraiment savoir où elles atterriront, Le Crieur se propose aujourd’hui de jouer les aiguilleurs.

mentions légales

ISSN : en cours Dépôt légal à parution. Le magazine décline toute responsabilité quant aux sujets et photos qui lui sont envoyés. Les articles publiés n'engagent que la responsabilité de leurs auteurs. Tous droits de reproduction réservés pour tous pays. Aucun élément de cette revue ne peut être reproduit ni transmis d'aucune manière ni d'aucun moyen que ce soient, sans l'autorisation écrite des auteurs. 08|09


design Sugar Lab e at - 86 | 87

O n t he r o c k s e AT - 2 8 | 2 9

découvertes Le sous-bois e at - 4 0 | 41

City Guide e xplore - 106|107

Bison bison e xp lore - 120|121

Radieuse aurore e x p lore - 124|125

Fo o t s te p s i n t he s now e x p lore - 130|131

B ou le à ne i g e e xplore - 146|147

rece t t es B r io c he à l a c a n nel le e t au x no i x e at - 7 8 | 7 9

G r a no l a f r u it s s e c s et cranberry e at - 80 | 81

P o ê l é e de p r u ne s e at - 82 | 83

Ricotta pancakes e at - 82 | 83

Croissant au jambon et à l'osso irati e at - 8 4 | 85


min t

humeur Je ne s u i s q u ' u n ve nt r e

s omm a ire

e at - 14 | 1 5

S u nd a y M or n i ng e at - 6 6 | 67

L ' h i v e r v u p a r. . . e at - 9 2 | 93

L e t ' s g e t l o s t  ! e x p lore - 96|97

A w e e k i n  . . . explore - 154|155

s h o pp i n g DIY e at - 62 | 6 3

L a Va l i s e explore - 102|103

renc on t res Porte 12 e at - 1 8 | 19

L'anticonformiste Mercier e at - 36 | 3 7

L'Absent e at - 5 0 | 51

L'enfant du pays e xplore - 112|113

Hunter explore - 134|135

10|11


e at



e at hu me ur

je ne s uis q u'un ven t re TEXTE / w o r d s : L a u r i a n e G e p n e r Il l u s t r at i o n : z o é l a b at u t

Je ne parle pas japonais et je ne maîtrise la culture nippone que lorsqu’elle tient dans un grand bol. Udon, Nasu Dengaku, Teppanyaki, Okonomiyaki, Nigiri … D’ailleurs, je l’avoue sans détour : je ne suis qu’un ventre. Ce qui nous fait déjà un point commun. J’en vois qui lèvent les yeux au ciel, choqués d’être insultés alors qu’on ne se connaît pas. Mais ce n’est pas une insulte – au contraire ! Je suis même persuadée qu’à la fin de la lecture de ce billet, on tombera d’accord. J’aimerais seulement vous prévenir : le texte qui suit pourrait, par moments, ressembler au visionnage d’un épisode de « bouillon de culture ». Mais en plus digeste, j’espère.

I do not speak Japanese, and I only master Japanese culture when it is happening in a large bowl. Udon, Nasu Dengaku, Teppanyaki, Okonomyaki, Nigiri… I freely admit: I am nothing but a stomach. Which already gives us something in common. I see some of you rolling your eyes, shocked at being insulted when we do not even know each-other. But this is not an insult – on the contrary! I am even persuaded that after reading this piece you will come to agree. I would just like to warn you: the following text might sometimes be a bit like watching an episode of “The Culture Show”. Only more digestible, I hope.

14|15


C’est bien simple : « Hara » caractérise à peu près tous les états que l’être humain traverse et toutes les émotions qu’il ressent.

« Je ne suis qu’un ventre », donc. Je n’aurais sans doute jamais fait ce constat si je n’étais pas tombée, presque par hasard, sur le mot « hara ». En japonais, « hara » signifie « ventre » au sens propre et « cœur, esprit » au sens figuré. La définition s’attache d’abord à l’aspect fonctionnel du ventre, mais on glisse vite et presque sans s’en rendre compte, dans le symbole. Le « hara » porte la vie, autant qu’il est associé à la mort, par le « harakiri ». Bizarrement, c’est une des seules expressions formées à partir de « hara » qui nous soit parvenue, et dont on connait le geste et l’issue. Ce qu’on sait moins, en revanche, c’est ce que ce geste dit du « hara », ce « lieu de sentiments véritables : sincérité, honnêteté, et franchise. Le fond du coeur ». Le «  harakiri  » (se couper le ventre), condamnation ultime infligée aux samouraïs, leur permettait de prouver courage et loyauté envers leur maître en mettant leur cœur à nu. Ce suicide « noble » et interdit aux classes autres que celle des guerriers, s’inscrit même dès le XVIIIè siècle dans un rituel très précis. Mais avant d’en arriver à ces extrémités, la noblesse du « hara » se révèle dans la vie. C’est bien simple : « Hara » caractérise à peu près tous les états que l’être humain traverse et toutes les émotions qu’il ressent. La langue japonaise, qui compte un grand nombre d’expressions formées à partir de ce mot, le prouve bien. J’ai d’ailleurs réalisé que les expressions françaises contenant le mot «  cœur  », sont, en japonais, formées à partir de « hara ». Par exemple, on ne dit pas « parler à cœur ouvert », mais « parler à ventre ouvert » (hara o watte hanashi). Et, là où la langue française évoque « le cœur déchiré », la langue japonaise parle d’« avoir le ventre percé » (hara o eguru). Suivant la même logique, le vocabulaire amoureux s’est aussi construit autour du « hara » et

So, “I am nothing but a stomach”. Doubtless I would never have made this statement had I not tumbled, almost by chance, upon the word “hara”. In Japanese, “hara” literally means “stomach” and figuratively means “heart, mind”. The definition firstly has to do with the functional aspect of the stomach, but quickly slips, almost unconsciously, into the symbolic. The “hara” bears life as much as it is associated with death, through the “harakiri”. Strangely, this is one of the only expressions formed from the term “hara” that has come to us; and we know both the gesture and the outcome. What we might not be aware of, however, is what this gesture says about the “hara”; this “place of true emotions: sincerity, honesty, truthfulness. The foundation of the heart”. “Harakiri” (cutting one’s stomach), the ultimate condemnation inflicted on the samurais, allows them to prove their courage and loyalty to their master by baring their heart. This “noble” suicide is forbidden to all but the warrior class, and from the 18th century it formed part of a highly precise ritual. But before coming to such extremes, the nobility of the “hara” is revealed in life. It is quite simple: “hara” characterises just about all of the states passed through by the human being and all the emotions he feels. The Japanese language, which counts a large number of expressions formed from this word, is solid evidence. I incidentally discovered that the English phrases containing the word “heart” are, in Japanese, formed from “hara”. For example, one does not say “speak with an open heart”, but “speak with an open stomach”, hara o watte hanashi. And, where English evokes “a broken heart”, the Japanese language speaks of “having a punctured stomach” (hara o eguru). Following the same logic, the vocabulary of love is also formed around the “hara”. Someone


e at hu me ur

It is quite simple: “hara” characterises just about all of the states passed through by the human being and all the emotions he feels.

quelqu’un qui tombe amoureux est « séduit par le ventre » (hara ni horeru). Plus généralement, qu’il s’agisse du rire (on dit « rire du fond du ventre »), des larmes, de la gêne, de l’angoisse, de la richesse et de la pauvreté, de la douleur ou de la joie, il n’est pas un état ou une émotion qui ne passe par « hara ». Centre vital de l’homme, le ventre représente aussi la volonté, la maîtrise de soi et le contrôle des émotions, une dimension essentielle de la culture japonaise. Je ne sais pas pourquoi, mais la culture occidentale n’a jamais considéré le ventre comme autre chose qu’une enveloppe contenant le tube digestif, l’estomac et tout son cortège d’organes aussi importants que peu plaisants. Le ventre n’est pas noble, un point c’est tout. D’ailleurs, on ne pense qu’à le cacher ou à le perdre. Et quand par miracle il fait autre chose qu’être le théâtre de la digestion ou l’incarnation de nos complexes, c’est pour mieux révéler nos bas instincts. Bien sûr, il porte la vie, mais ça n’arrive qu’en troisième position dans la définition du mot, et c’est la seule symbolique qu’on lui attache. Il est relégué, loin derrière la tête, siège des pensées, et le cœur, siège des émotions. Je ne peux pas m’empêcher de penser qu’on aurait tout intérêt à emprunter à la culture japonaise sa conception globale du « hara ». Tenter de s’éloigner de l’anatomie et comprendre qu’il est au cœur de nos émotions, de nos actions, et que finalement « nous ne sommes qu’un ventre ». Alors, oui, c’est sans doute plus facile à dire qu’à faire : mettre à terre une notion inscrite dans l’inconscient collectif risque d’être compliqué. Mais se réapproprier son corps, à commencer par son ventre, nous éviterait peut-être de verser par moments dans une haine féroce. Je suis pour un rabibochage avec le « hara ». Je vous le dis comme ça, entre nous, de ventre-à-ventre*.

who falls in love is “seduced by the stomach” (hara ni horeru). More generally, whether it be about laughing (in Japanese: “laughing from the bottom of one’s stomach”), tears, embarrassment, anxiety, about wealth or poverty, pain or pleasure, there is not a state or an emotion that does not pass through the “hara”. The essential centre of man, the stomach also represents passion, selfdiscipline and emotional control, an essential part of Japanese culture. I do not know why, but Western culture has never considered the stomach as anything more than an envelope containing the alimentary canal and its team of organs that are as important as they are unpleasant. The stomach is not noble, end of discussion. Besides, all we think about is either hiding it or else getting rid of it. And when it does miraculously become something other than the stage of digestion or the incarnation of our complexes, it is simply to highlight our basic instincts. Of course, it bears life, but that only comes as an afterthought in the word’s definition, and is the only symbolic meaning we attach to it. It is relegated far behind the head, home of thought, and the heart, home of emotion. I cannot prevent myself from thinking that it could be in our best interests to borrow the global conception of the ‘hara’ from Japanese culture. To try to move away from anatomy and understand that it is at the centre of our emotions and our actions; that in the end “we are nothing but a stomach”. So, yes, doubtless this is easier to say than do. Bringing down a notion held in the collective unconscious could be tricky. But reclaiming our bodies, starting with the stomach, might mean that we avoid occasionally slipping into fierce hatred. I am all for reconciling with the hara. I say this to you like that, between us, stomach-to-stomach*.

* hara-awase, l'équivalent de notre tête-à-tête.

*hara-awase, the equivalent to our face-to-face. 16|17



e at ren c on t re

rendez-vous Porte 12 t e x t e s / word s : D. P p h o t o s : m at hie u v il a s c o

Dans les cercles culinaires, la nouvelle se chuchote depuis le début de l’été : André Chiang débarque à Paris. Le chef du restaurant éponyme primé maintes fois au classement des World’s 50 best restaurants s’associe à son ancien second, Vincent Crépel et ouvre une adresse très secrète dans le 10è arrondissement. Nous nous sommes rendu Porte 12, où nous avons découvert une cuisine délicate au style affirmé. Une adresse rafraîchissante en ce début de rentrée. Rencontre avec les deux hommes à l’origine de cette belle aventure. Culinary circles have been buzzing with the news since early summer: André Chiang is coming to Paris. Chef of the eponymous restaurant recognized several times in the World's 50 best restaurants list, he is joining forces with his former sous-chef Vincent Crépel to open a secret address in Paris' 10th arrondissement. We visited Porte 12 and discovered a delicate cuisine with a distinct style; a refreshing address for the beginning of autumn. We met with the two men behind this beautiful adventure. 18|19


min t: Comment vous êtes-vous rencontrés ?

min t : How did you meet?

andré: Vincent a travaillé chez Jaan avec moi puis nous avons fait l’ouverture d’André ensemble en 2009-2010. Il était mon second de cuisine.

andré: Vincent worked at Jaan’s with me, and then we did the opening of André together in 2009 - 2010. He was my sous-chef.

vincen t: Je viens du Pays Basque où j’ai suivi un enseignement culinaire relativement classique. J’ai eu envie de voyager et j’ai appelé André. J’avais eu son numéro de téléphone grâce à un fournisseur et tout s’est fait naturellement : on s’est rencontré, on a bu un café et on a rapidement commencé à travailler ensemble.

vincen t: I come from Basque Country, where I received a relatively classic culinary education. I wanted to travel and called André. I had been given his number by a supplier and everything happened naturally: we met, had a coffee and quickly started working together.

min t: Cuisiner au sein d’un restaurant d’hôtel

est toujours compliqué car le chef est sous le joug des patrons qui donnent la direction à prendre. C’est pour ça que vous avez décidé de créer André ?

min t: Cooking in a hotel restaurant is always complicated because the chef is under the constraint of bosses who decide the direction to take. Is that why you decided to do André?

andré: En effet, Jaan fait partie du Swissôtel à Singapour et j’avais le sentiment d’être brimé et de ne pas pouvoir m’exprimer comme je l’entendais. Le soir où j’ai appris que Jaan entrait au classement des 50 meilleurs restaurants du monde, j’étais en voyage et j’ai réalisé que j’étais au maximum de ce que je pouvais donner compte tenu de mes directives et de la structure du restaurant. En rentrant, j’ai annoncé ma démission et tout le monde était choqué.

andré: Jaan is in fact part of Swissôtel in Singapour and I felt repressed and unable to express myself as I understood things. The night I found out Jaan was in the listings of the 50 best restaurants in the world I was travelling, and I realized I was giving the maximum I could give, given my directives and the structure o the restaurant. On my return, I handed in my notice and everyone was shocked.

vincen t: L’envie d’un cuisinier c’est de pouvoir se lâcher quand il a des idées, être créatif. Dans un hôtel, certains plats se doivent d’être à la carte même si on les revisite et il y a toujours des barrières. Souvent la direction est trébuchante : ils commencent avec une cuisine asiatique puis bifurquent sur une cuisine française et les gens sont déboussolés, c’était le cas à Jaan avant l’arrivée d’André.

vincen t: A cook wants to be able to let himself go when he has ideas; to be creative. In a hotel certain dishes have to be on the menu, even if they are revisited, and there are always barriers. Often the direction stumbles: they start with Asian cuisine then drift onto French, and people are disorientated. That was the case at Jaan before André was there.

min t: Finalement, André s’est frayé une place au classement en devenant même le 6è meilleur restaurant d’Asie. Accordez-vous beaucoup d’importance à ces classements ? Et qu’en est-il des critiques ?

min t: In the end, André made made himself a place in the listings and even became the 6th best restaurant in Asia. Do you pay much attention to these listings? And what about the critics?

andré: Ces reconnaissances sont très positives pour nous car cela nous permet d’être visible pour les clients. En 2011, nous étions #100 au classement, #38 en 2013 et #37 aujourd’hui ; est-ce-que c’est important pour moi et pour ma brigade ? Oui. Est-ce-que cela va changer ma façon de cuisiner ? Non. Pour moi le plus important c’est de rester concentré sur ce que je sais faire et ce que j’aime faire. Les critiques, je préfère les éviter et ne pas les lire.

andré: These acknowledgements are very positive as it gives us client visibility. In 2011, we were at number 100 in the listing, #38 in 2013 and #37 today. Is that important for me and for my team? Yes. Will it change the way I cook? No. For me, the most important thing is to stay focused on what I know and what I like to do. As for the critics, I prefer to avoid and not read them.


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vincen t: Bien sûr que les avis des journalistes m’intéressent mais je pense que je m’intéresse encore plus à l’avis du client. Celui qui me dira s’il a passé un bon moment, s’il reviendra. Il y a beaucoup de critiques, certaines sont justes et d’autres moins, c’est pourquoi il vaut mieux rester concentré. On fait un briefing avant le service et un second après le service pour que tout soit parfait.

vincen t: Of course journalists' opinions interest me, but I think I am even more interested in the opinions of the clients. The one who tells me they have had a good time, whether they will come back. There are a lot of critics, some are fair and others less so, that is why it is better to stay focused. We have a briefing before service and a second after service to make everything perfect.

min t: Voyez-vous des différences entre la clientèle française et celle de Singapour ?

min t: Do you see differences between French and Singapourean clientele?

vincen t: Je trouve que les singapouriens sont très ouvert, peut-être plus que les européens. Il y a une culture food très forte, là-bas on peut littéralement manger à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit.

vincen t: I find Singapoureans to be very open, maybe more than Europeans. There is a very strong food culture; over there you can literally eat at any time of day or night.

andré: Par rapport à la France, je sais qu’à Singapour rares sont les personnes qui cuisinent à la maison, la plupart des gens mangent à l’extérieur.

andré: Compared to France, I know that in Singapour people who cook at home are rare. Most people eat out.

min t: Comment s'est passée la création de porte 12 ?

min t: How did the creation of Porte 12 happen?

vincen t: Je suis parti travailler à Crissier aux côtés du chef Benoît Violier à L’Hôtel de Ville. André et moi sommes toujours restés en contact et gardions un œil sur ce que faisait l’un et l’autre. On a entendu parler de ce lieu et on a décidé de travailler ensemble.

vincen t: I left to work at Crissier alongside the chef Benoît Violier at l'Hôtel de Ville. André and I always stayed in touch and each kept an eye on what the other was up to. We had heard about this place and decided to work together.

andré: Aujourd’hui je suis là pour soutenir Vincent et j’ai pleinement confiance en la direction qu’il prendra.

andré: Today I am there to support Vincent and I am entirely confident in the direction he is going to take.

min t: Était-ce le bon moment pour vous ? vincen t: Oui, je vais avoir 30 ans et j’ai eu la chance

d’acquérir des méthodes de travail auprès de grands chefs. Pour moi, c’est l’aboutissement d’un parcours et j’ai envie, à mon tour, de montrer ce que je sais faire et de le transmettre. min t: André, est-ce que la transmission de savoirfaire est une chose importante pour vous ? andré: Oui, c’est capital. Moi-même j’ai appris énormément notamment en France avec les frères Pourcel avec qui j’ai travaillé pendant 9 ans. Dans ma brigade, je ne demande pas aux gens de penser comme moi, j’attends un échange. Je pense apprendre des autres aussi car si nous ne sommes que 16 personnes en tout dans mon restaurant, il y a 13 nationalités différentes et chacun peut apporter sa pierre à l’édifice. C’est assez amusant d’ailleurs de voir chaque personne apporter un peu de sa culture lorsqu’on conçoit un plat. Chacun a une vision différente pour chaque aliment.

min t: Was it the right time for you? vincen t: Yes, I am going to turn 30 and I have been lucky enough to acquire working methods alongside great chefs. For me it is the end of a journey, and now I want to take my turn at showing my knowledge and passing it on. min t: André, is passing on expertise an important thing for you? andré: Yes, it is essential. Personally, I learned a great deal in France, especially with the Pourcel brothers who I worked with for 9 years. In my team I do not ask people to think like me, I expect an exchange. I also learn from the others. All together we are 16 people in my restaurant, and there are 13 different nationalities. Everyone makes their own contribution. And it is quite funny to see each person bring a bit of their culture when we are creating a dish. Each person has a different vision of every food.


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min t: Comment définiriez-vous Porte 12 ?

min t: How would you define Porte 12?

vincen t: On y fait cuisine spontanée qui est toujours en mouvement et évolue au rythme des saisons.

vincen t: Here, it is about doing spontaneous cooking that is always moving and evolving with the seasons.

andré: Le principe c’est de réfléchir à ce dont j’aurais envie en tant que client. Aujourd’hui, au vu du contexte économique, j’ai envie d’une cuisine de qualité qui reste accessible. D’une certaine manière je n’ai plus besoin des chichis sur l’assiette. vincen t: On est sur une vague de retour à la simplicité, une cuisine plus épurée et d’une certaine manière un retour aux racines. J’ai envie de me sentir bien dans un lieu sans avoir à parler tout bas ni être entouré de cinq personnes à mon service. andré: D’une certaine façon, nous sommes en train de redéfinir l’idée de luxe. Qu’est-ce que le luxe ? Ce ne sont pas les chandeliers en crystal qui ornent la table mais ce qu’il y a dans l’assiette. min t: Vous avez tous les deux beaucoup voyagé notamment pour votre carrière, qu’est-ce que ces voyages ont apporté à votre cuisine selon vous ? vincen t: Les voyages en général nous ouvrent l’esprit et découvrir de nouvelles saveurs forme le palais. Chaque maison marque notre travail et c’est à nous de trouver ensuite notre propre langage. andré: Cela nous rend plus aventureux, on n’a pas peur d’essayer, de créer. Les termes de restaurants « asian fusion », « français » etc. me semblent dépassés. Je vais au restaurant pour l’identité d’un chef, je vais chez Michel Bras pour sa cuisine et non pour goûter à une cuisine française. min t: Quelles sont vos envies à l’arrivée de l’automne ? vincen t: Un poisson d’eau froide, peut-être un lieu jaune avec des cardons et un bouillon de mollusques, quelque chose d’assez léger. Autrement je peux me laisser tenter par une tartiflette, mais dans ce cas c’est ma mère qui la fait. andré: Une soupe de légumes un peu comme un cassoulet avec des haricots, des haricots coco et des légumes racines.

andré: The idea is to think about what I would want as a client. Today, considering the economic context, I want a quality cuisine that remains accessible. In a certain way I no longer need fuss on my plate. vincen t: We are on a wave of a return to simplicity; a more refined cuisine. A return to our roots, in a way. I want to be able to feel good in a place without having to lower my voice or being surrounded by five people for the service. andré: We are kind of in the process of redefining our idea of luxury. What is luxury? It is not the crystal candlesticks decorating the table, but rather what is in the plate. min t: You have both travelled a lot, especially for your careers. What would you say these travels have brought to your cuisine? vincen t: Traveling in general opens the mind, discovering new flavors and forming the palette. Each place marks our work and then it is up to us to find our own language. andré: It makes us more adventurous. We are not afraid of trying, of creating. The restaurant terms 'Asian fusion', 'French' and so on seem outdated to me. I go to a restaurant for the chef's identity. I go to Michel Bras' for his cuisine, and not to taste French cuisine. min t: What do you feel like when autumn comes? vincen t: Cold water fish, maybe pollock with cardoon and a mollusc stock; something quite light. Otherwise I could be tempted by a tartiflette, but in that case it is my mother who makes it. andré: A vegetable soup; a bit like a cassoulet with beans, haricot coco and root vegetables.

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de si g n

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o n t h e roc k s D. a e t se t de si gn : Pa ris se q ue m a Photos : Chloé Gassian N o u s r e m e r c i o n s L a G r a n d e Ép i c e r i e d u B o n M a r c h é , Fr anck Rosina de l a marbrerie Jules Léger e t Je a n - P ierre A r a l di de l a s o c ié t é Gr a ni t o.

à gauche : Maquere au - Onyx méduse /  ci-dessus : ro quefort - Marbre bl anc Ar abescato

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e at de si g n à gauche : meringue - Marbre bl anc de Carr are /  ci-dessus : chou rouge -Brèche viol e t t e (Médicis) page suivan t e à gauche : œufs de cail l e - T r avert in romain / à droi t e : Pavé de chèvre - bé ton, cimen t gris

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e at de si g n à gauche : Cruzil l e, Sourél ie t t e - bé ton /  ci-dessus : Nougat aux pépi t es de fr amboise - Gr ani to

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l'an t ic onfor mis t e mercier t e x t e s / word s : d. P il l u s t r at i o n : s ilv i j a f l e ur i o t

Descendre l’avenue de champagne d’Epernay revient quelque peu à descendre celle des Champs-Elysées. Les somptueuses demeures se succèdent et rivalisent de grandeur et de bourgeoisie. Nous arrivons aux caves Mercier, il y a du monde sur le parking et pour cause : ce sont les caves les plus visitées en Champagne avec plus de 100 000 visiteurs chaque année. Dans l’entrée trône le formidable foudre − un tonneau gigantesque − qui fit la renommée de la maison lors de l’Exposition Universelle de Paris. Emmanuel Mercier, aujourd’hui ambassadeur de la marque retrace pour nous son histoire.

Walking down the avenue de champagne in Epernay is a little bit like walking down the Champs-Élysées. Each sumptuous abode is grander and more bourgeois than the one before. We arrive at the Mercier cellar, and there are people in the drive. For good reason: these are the most visited wine cellars, with more than 100 000 visitors each year. In the entrance sits a huge barrel: the formidable cask that made the business’name during the Univeral Exhibition in Paris. Emmanuel Mercier, today the brand ambassador, retraces its history for us.


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À seulement 20 ans, Eugène Mercier créait sa marque de champagne à Epernay. Contrairement à ses concurrents, il ne possède aucune vigne, aucun héritage : c’est un parfait outsider. Ce postulat est déjà une révolution selon Emmanuel Mercier : « À contre-courant, il décide de produire un champagne de qualité à un prix plus accessible, car au XIXe siècle, le champagne est déjà la boisson des classes fortunées ». Eugène est aussi un visionnaire et invente des techniques de communication encore utilisées aujourd’hui. Il profite notamment des Expositions Universelles pour faire connaître son champagne au plus grand nombre . Il fit créer la statue d’une femme légèrement vêtue pour promouvoir son produit. Aguicheuse, mais choquante pour une génération encore assez chaste, Eugène Mercier apparaît une nouvelle fois en avance sur son temps, mais cette fois le public n’est pas prêt. « Cette statue on l’a gardée, Eugène l’avait cachée à la vue de tous en l’entreposant dans ses caves. Nos visiteurs peuvent désormais lui rendre visite ! ».

At just 20 years old, Eugène Mercier founded his champagne brand in Epernay. Unlike his competitors, he had no vines, no heritage: he was a true outsider. According to Emmanuel Mercier, this idea was revolutionary in itself: “Going against the grain, he decided to produce a quality champagne at a more accessible price, because in the 19th century champagne was already a drink for the wealthy”. Eugène was also a visionary and invented communication methods that are still used today. He notably took advantage of the Universal Exhibitions to introduce his champagne to as many people as possible. He had a statue of a scantily clad woman made to promote his product. Enticing, but shocking for a still rather chaste generation. Eugène Mercier was again ahead of his time, but on this occasion the public wasn't ready. “The statue was kept; Eugène hid it out of sight, storing it in his cellars. Now our visitors can go and see her!”.

Ce dernier n’abandonne pas pour autant l’idée de briller à l’occasion de l’Exposition Universelle de Paris et décide de rebondir en créant une machine qui dépasse l’entendement. Nous sommes en 1872 quand Mercier se lance à corps perdu dans un projet fou. Imaginez un tonneau de plus de cinq mètres de haut, lourd de vingt tonnes et rempli de quelques deuxcent mille bouteilles de champagne. Si vous réussissez à vous figurer ce foudre grandiose, ajoutez y douze paires de bœufs blancs pour tracter cette machine jusqu’à Paris. Vous n’êtes pas dans un conte des frères Grimm, mais dans l’un des plus grands coups de com’ du siècle. Il lui faudra pas moins de trois semaines pour rejoindre l’Exposition Universelle de 1889. Sur le chemin, les villageois et journalistes s’empressent d’aller voir le Foudre Mercier avant son arrivée dans la capitale. Là-bas, plus de trente-trois millions de visiteurs viennent observer cette prouesse technique et le foudre devient ainsi la seconde attraction la plus admirée, tout juste derrière la Tour Eiffel. Eugène ne s’arrête pas là et se lance à la recherche d’une égérie. Une nouvelle fois précurseur, il fut le premier à associer son nom à une actrice. En 1883, il convainc Sarah Bernhardt – l’une des plus grandes actrices du XIXe siècle- d’être la muse des champagnes Mercier. Elle devient ainsi la première égérie de l’histoire de la publicité.

But this was not enough for him to abandon the idea of standing out at the Universal Exhibition in Paris, and he decided to create a machine beyond belief. In 1872 Mercier threw himself headlong into a crazy project. Imagine a cask over five meters high, weighing twenty tonnes and filled with some 200 000 bottles of champagne. If you do manage to picture this enormous cask, add on two dozen white bulls to hall his machine to Paris. You're not in a brothers Grimm fairytale, but in one of the biggest publicity stunts imaginable. It took him no less than three weeks to reach the 1889 Universal Exhibition. On the way, villagers and journalists hurried to go and see the Mercier Cask before it arrived in the capital. There, more than 33 million visitors came to observe its technical prowess. The cask became the second most admired attraction, just behind the Eiffel Tower. Eugène didn't stop there and took a stab at finding a brand icon. Eugène was the first to associate his name with an actress. In 1883 he persuaded the actress Sarah Bernhardt (one of the greatest actresses of the 19th century) to be the face of Mercier champagnes. She thus became the first brand icon in advertising history.


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In 1900, the Lumière brothers made one of the first advertising films in cinematoraphic history for him. “If Eugène was still around he would have been among the first to use the internet, I'm sure of it. He was always far ahead of his time”, exclaims Emmanuel.

Si Eugène contrôle parfaitement sa communication, il tient également à avoir la mainmise sur sa production. Emmanuel nous raconte que la situation de la cave par rapport aux rails n’est pas un hasard : « Il fallut plus de six ans pour creuser nos caves qui furent les premières caves de plain-pied, reliées à la gare de Paris-Strasbourg ». En effet, la proximité avec les trains permettaient de faciliter le chargement des bouteilles : « À l’époque, Eugène entendait le train arriver et lançait au conducteur : « Ne bougez pas, j’arrive ! » ; le train était alors obligé de l’attendre du côté des caves ! », s’amuse Emmanuel. Inspirées des rues new-yorkaises, les caves Mercier sont construites sur 47 galeries recoupées par trois avenues plus étroites. Ces caves, Emmanuel les connaît bien : « Avec mes cousins on adorait s’y balader avec le petit train, c’est un endroit froid et sombre où l’on aimait se faire peur. Avec ses 18km, on peut facilement s’y perdre ! On connaissait tout le monde : du guide au chef de cave et on savait par coeur les récits des exploits d’Eugène ».

Controlling his communications perfectly, Eugène was also keen to manage his production. Emmanuel tells us that the cellar's spot by the railway was not down to chance: “It took over six years to dig out our cellars, which were the first to be constructed on a single level, linked to the Paris-Strasbourg railway-line”. Indeed, being so close to the trains made loading the bottles easier, 'At the time, Eugene would hear the train come in and shout to the conductor: 'Hold still, I'm coming!'. The train would then have to wait for him next to the cellars!', Emmanuel chuckles. Inspired by the streets of New York, the Mercier cellars were constructed with 47 galleries intersected by three straighter avenues. Emmanuel knows these cellars well: 'My cousins and I loved to wander around with the little train; it's a cold and dark place where we enjoyed scaring ourselves. With 18km of passages it's easy to get lost! We knew everyone, from the guide to the cellar manager, and we knew Eugène's adventure stories by heart.'

Les générations Mercier ont su perpétuer la mémoire d’Eugène, tout particulièrement en offrant un champagne de qualité abordable : « En comparaison à d’autres, on peut dire que nos vins sont droits et faciles à comprendre. On laisse le fruit s’exprimer », précise Emmanuel. En se positionnant ainsi, Mercier est certain d’avoir encore de beaux jours devant lui et de séduire ces jeunes qui n’ont plus vraiment envie de cérémonial ni de tralala : « J’ai envie de dire que notre champagne ne se déguste pas qu’au moment des fêtes ou des anniversaires ; l’important c’est de se faire plaisir », explique Emmanuel. Et en effet, son prix permet aux gens d’en boire à table ou lors d’un pique-nique, dans une flûte de champagne ou un gobelet en plastique. Réflexion faite, gardons nos flûtes en verre, rien que pour le plaisir d’entendre le bruit de nos verres s’entrechoquer. Santé !

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En 1900, ce sont les frères Lumière qui réalisent pour lui l’un des premiers films publicitaires de l’histoire de la cinématographie. « Si Eugène était encore là, il aurait été l’un des premiers à utiliser internet, j’en suis convaincu : il avait toujours une longueur d’avance sur son temps », s’exclame Emmanuel.

The Mercier generations have carried on Eugène's memory, in particular by offering an inexpensive, quality champagne: 'Compared to others we can say that our wines are simple and easy to understand. We let the fruit express itself.', Emmanuel specifies. Taking this stance, Mercier is sure to have good times ahead, and to seduce the younger generation who are not really after anything ceremonial or ostentatious: 'I'd like to say that our champagne is not just for enjoying at parties or on birthdays; it's all about taking pleasure.', Emmanuel explains. And in fact, the reasonable price allows people to drink it at home or on a picnic, in a champagne glass or a plastic cup. On second thoughts, let's keep our champagne flutes, if only for the pleasure of hearing them clink together. Cheers!

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L e so us bois il l u s t r at i o n : fa u ne s q u e t e x t e s / w o r d s : a g at he b o ud in


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ag aric de s jachère s / ag aric Bole t / bole te L'agaric des Jachères croît dans les prés et les pâturages. Son chapeau globuleux et son pied robuste nous permettent de le reconnaître facilement. S'il pousse parfois au printemps, ce champignon se développe surtout dès l'automne. Outre son apparence, ce champignon se distingue aussi par son odeur anisée. Attention à ne pas le confondre avec l'agaric jaunissant qui est légèrement toxique. L'agaric des Jachères, dit « boule de neige », est un cousin du célèbre champignon de Paris, très recherché pour sa chair qui se marie à toutes les sauces.

The Horse mushroom grows in meadows and pastureland. Its globular cap and sturdy stalk means we can recognise it easily. Though sometimes growing in springtime, this mushroom generally appears from autumn. Besides appearance, Coming from Russia, chervil is anits aromatic herb, this mushroom can also be distinguished belonging to Umbelliferae family. by itswas aniseed aroma. Take care not confuse If it already appetizing back toto Middle it withAges, the slightly toxic Yellow-Stainer. The chervil is, nowadays, really used Horse mushroom is related to the famous white mushroom to season salads, soups or fish meals. (champignon de Paris), sought after for However, chervil loses its taste its flesh that goessowell in any to sauce. when it's cooked, it's better it eat fresh!

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t r o m p e t t e s d e l a m o r t / T ru m p e t o f t h e D e a d

Malgré son apparence et son nom peu engageant, la trompette des morts est en réalité délicieuse et réputée pour son parfum délicat. Sa forme caractéristique et sa couleur foncée, permettent de la reconnaître aisément dans les bois de feuillus ou dans les bois d'épicéas où elle pousse. Ce champignon, qui aime particulièrement l'humidité, apparaît dès la fin de l'été et pousse jusqu'à l'automne. La Trompette des morts est un excellent allié de la cuisine à la crème mais elle est aussi parfaite en poêlée pour accompagner les viandes et les poissons.

Despite its appearance and uninviting name, the Trumpet of the Dead is actually quite delicious and renowned for its delicate flavour. Its characteristic form and dark colour means it is easily recognisable in the deciduous or spruce woodland in which it grows. This mushroom, which particularly likes humidity, appears from the end of summer and grows until autumn. The Trumpet of the Dead is an excellent partner to creamy dishes but is also wonderful pan-fried, as an accompaniment to meat and fish.


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cèp e de b orde au x / p orcini

Si le cèpe de Bordeaux est sans conteste l'un des champignons les plus communs, il est surtout connu pour être un des meilleurs. Majestueux, parfois même gigantesque, ce champignon reconnaissable à sa forme de « bouchon de champagne » pousse principalement dans les bois de feuillus et de préférence près des chênes et des châtaigniers. On en trouve beaucoup juste après les pluies d'orages de fin d'été et d'automne. Le Cèpe de Bordeaux fait toujours l'unanimité et se prête à toutes les cuissons.

Though the Porcini is doubtless one of the most common mushrooms, above all it is known for being one of the best. Majestic, sometimes even gigantic, this mushroom can be recognised by its ‘champagne cork’ form. It mainly grows in deciduous woodland, preferably near oaks and sweet chestnuts. Many can be found after the rainstorms of late summer and autumn. The Porcini is always enjoyed by all and lends itself to all types of preparation.

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cèp e d'é t é / s ummer cep

Aussi appelé « Cèpe réticulé », le cèpe d'été est parfois difficile à différencier de son cousin le Cèpe de Bordeaux. Il préfère les espaces dégagés comme les clairières, les prairies ou encore les bordures de bois de feuillus. Ce champignon fait son apparition entre les mois de mai et de septembre. Sa chair légèrement sucrée en fait un bon élément de cuisine, à consommer rapidement car cette espèce a tendance à s'amollir.

The Summer cep is sometimes difficult to distinguish from its cousin, the Porcini. It favours open spaces like forest clearings, meadows and even the outskirts of deciduous woodland. This mushroom makes an appearance between the months of May and September. Its slightly sweet flesh makes it a good cooking component, to be consumed quickly as this species tends to soften.


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chan t erel l e c o mmune / girol l e

La chanterelle commune, mieux connue sous le nom de Girolle, présente une forme et une couleur jaune caractéristiques. Très recherchée, elle se plaît à croître sous les mousses, les litières de feuilles. On la trouve dès le mois de juillet, après les pluies d'orage. C'est un champignon à la chair délicatement parfumée au goût très fin. Si la girolle exige une cuisson plus longue que d'autres champignons, elle se cuisine parfaitement en persillade ou en omelette et peut faire un très bon pickle une fois macérée dans du vinaigre.

The common chanterelle, better known by the name Girolle, has a characteristic form and yellow colour. Highly sought after, it likes to grow under moss and fallen leaves. It is found from the month of July onwards, after rainstorms. It is a mushroom with a delicately perfumed flesh and highly subtle taste. Despite requiring a lengthier cooking time than other mushrooms, the Girolle can be cooked perfectly with chopped parsley and garlic, or in an omelette, and can make a very good pickle when steeped in vinegar.

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p ied bl e u / wo od bl e wi t

Comme son nom l'indique, le pied bleu a une robe aux tons bleutés et violets, surtout quand il est jeune. C'est un champignon commun que l'on trouve dans les litières de feuilles et d'aiguilles des forêts de feuillus et de conifères. Le pied bleu est doté d'une chair très tendre, parfumée et épicée. Il est préférable de consommer les plus jeunes spécimens pour leur chair très charnue, en enlevant le pied qui devient vite très fibreux. Ce champignon se cuisine très bien avec ses cousins le tricholome sordide et le tricholome sinistre (pied violet).

As its name suggests, the Wood Blewit has a skirt of blue and violet shades, especially when young. It is a common mushroom that is found among fallen leaves and pine needles in deciduous and coniferous forests. The Wood Blewit has very tender flesh; aromatic and spicy. It is best to consume the youngest specimens for their plump flesh, removing the stalk, which quickly becomes very fibrous. This mushroom is great to cook with its cousins the Lepista sordida and the Field Blewit (purple stalk).


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chan t erel l e en t ube / f unnel chan t erel l e

La chanterelle en tube pousse en groupe entre septembre et décembre. Elle aime les endroits très humides et se cache souvent sous les litières de feuilles. Sa petite taille et sa couleur jaune/orangée la rendent parfois difficile à repérer. La chanterelle en tube a une chair assez élastique, c'est pourquoi on vous propose de la déguster en omelette avec des fines herbes.

The funnel chanterelle grows in groups between September and December. It likes very humid environments and often hides under fallen leaves. Its small size and orange-yellow colour means it is sometimes hard to spot. The Funnel chanterelle has quite an elastic flesh, which is why you are encouraged to eat it in an omelette with chives.

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p ied de mou t on / s wee t t o ot h

Très populaire, le Pied de Mouton se distingue par son chapeau convexe et souvent difforme, sous lequel se cachent des aiguillons qui permettent de le reconnaître facilement. Ce champignon abonde sous les feuillus ; adepte des lieux humides, il se récolte entre juillet et fin octobre. Il est préférable de le cueillir jeune et en bon état. Légèrement fruité, ce champignon devient un très bon condiment une fois séché et plongé dans le vinaigre.

Very popular, the Pied-de-mouton can be distinguished by its convex and often misshapen cap, under which hide little spines that make it easily recognisable. This mushroom is abundant under deciduous trees. Keen on humid environments, it can be harvested between July and late October. It is best to cut it young and in good condition. Slightly fruity, this mushroom becomes a very good condiment once dried and immersed in vinegar.


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b o l e t j a u n e / s l i pp e ry j a c k

Le bolet jaune, aussi connu sous le nom de « nonnette voilée », est un champignon massif au chapeau épais, très caractéristique de l'espèce. Il aime la montagne et pousse en groupe, dans l'herbe ou sous les conifères. S'il apparaît parfois dès le printemps, ce champignon se trouve généralement à l'automne. Avant de le cuisiner, mieux vaut retirer la pellicule un peu visqueuse de son chapeau et préférer les jeunes spécimens afin d'avoir une chair charnue et non amollie. Considéré comme l'un des meilleurs bolets, il se cuisine de mille façons.

The Brown cap, also known as the ‘Slippery Jack’, is a huge mushroom with a highly characteristic thick cap. It likes mountains and grows in clusters, in grass or under conifers. Though sometimes appearing from springtime, this mushroom is generally found in autumn. Before cooking it is best to remove the slightly viscous outer-layer from the cap and to favour young specimens so as to enjoy a firm, fleshy texture.

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l ' abs e n t e t e x t e s / word s : d. p p h o t o s : m. A t ond u

D’aussi loin qu’on s’en souvienne, les plats les plus goûteux ont toujours été les plats en sauce. Une fois que l’on avait mangé toute son assiette, il ne restait plus qu’à « saucer » le plat avec un morceau de pain pour se délecter de ce jus qui avait mijoté des heures durant dans une vieille cocotte en fonte. Pourtant, la sauce est aujourd’hui la grande absente des assiettes à la mode. S’inspirant d’une vague scandinave minimaliste, les chefs ne se cassent plus trop la tête à faire mijoter leurs plats pendant des heures, tout simplement parce que ce n’est plus en vogue. Ces plats à l’image un tantinet rustique n’ont plus leur place à la carte des restaurants ... Pour le moment, car si la tendance est aux trois produits par assiette avec son petit jus d’herbes bien ficelé ou infusé aux fleurs de sureau, force est de constater que la sauce ne manque pas qu’au client, mais aussi au cuisinier.

As far as we can remember, of all dishes, the most tasty are always ones with sauce. Once the dish is finished, the last thing to do is use some bread to soak up and enjoy the juice that has been stewed for hours in an old cast iron pot. Sauces however are now largely absent from fashionable dishes. Inspired by a minimalist Scandinavian movement, chefs tend not to simmer their creations anymore, simply because it is no longer on trend. For now those slightly rustic dishes just do not fit the menu. For the time being the three-product-per-plate model, served with a little herb juice or infused with elderberry flowers, is the thing. But it is clear that sauce is missed not only by the client, but by the cook too.

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Ce n’est pas un hasard si la place du saucier était la plus prisée au sein d’une brigade de cuisine.

Julien Monbabut est le chef de L’Hôtel, un hôtelrestaurant suffisamment secret pour que des centaines de parisiens passent devant chaque jour sans se douter du trésor qui se cache derrière la façade, et suffisamment renommé pour accueillir des pointures d’hier et d’aujourd’hui. Salvador Dali, Jean Cocteau, Jim Morrisson ou plus récemment l’ancien couple Vanessa Paradis et Johnny Depp appréciaient autant le calme que le service aux petits oignons. Connu pour avoir été la dernière demeure d’Oscar Wilde, qui mourut « au dessus de ses moyens » en y laissant de nombreuses lettres de créance, L’Hôtel - auparavant appelé L’Hôtel d’Alsace - est un lieu chargé d’histoire. Autrefois sous-chef, Monbabut étonne par sa cuisine juste et précise en accord avec les attentes des propriétaires anglais. Il est rappelé lors du départ de son ancien chef Philippe Belissent et reprend les rênes du restaurant. En dépit de son faste et de sa réputation, c’est un endroit où l’on se sent terriblement bien. On y diffuse en sourdine une musique très jazzy dans une salle qui s’ouvre sur un petit jardin arboré. Rares sont ceux qui connaissent vraiment le travail que représente l’élaboration d’une sauce. Le chef le dit : il lui faut trois jours. Un premier jour de cuisson avec des os et de la viande afin d’obtenir un jus qui sera retravaillé le lendemain avec une autre viande. Le troisième jour, on la laissera la sauce réduire une dernière fois. Pour réaliser un litre et demi de sauce, il faut quinze kilos de viande et huit kilos d’os ; autant dire que ce n’est pas le genre de recette qui s’improvise un dimanche soir à la maison.

Julien Monbabut is chef at The Hotel. An address secret enough to remain unnoticed by the hundreds of Parisians who walk past every day without even realising that a treasure is hidden behind the walls. An address famous enough, however, to welcome the great names of our times. Salvador Dali, Jean Cocteau, Jim Morrisson and more recently the former couple Vanessa Paradis and Johnny Depp, to name a few, have enjoyed its calm and first class service. Renowned as the final resting place of Oscar Wild, who died there « above his means », leaving behind his debts, The Hotel (previously the Hotel d’Alsace) is a place steeped in history. Former sous-chef Monbabut surprises with his spot-on cuisine, living up to the expectations of its English owners. He was called in on the departure of former chef Philippe Belissent, and so took charge of the restaurant. Despite its splendour and reputation, it is a place where one feels extremely good. Low jazzy music plays in a room that opens onto a small garden. Only a few people truly understand the work involved in creating a sauce. The chef himself affirms that it takes three days. On the first day he cooks bones and meat to obtain a preliminary jus, which will be reworked the following day with another meat. The third day is used to reduce the sauce one last time. To make one and a half litres you need fifteen kilograms of meat along with eight kilograms of bones. It goes without saying that this is not the kind of recipe you can improvise at home on a Sunday evening.


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de gauche à droi t e : Jul ien monbabu t, son sec ond Benoî t grondin e t l a chef pât issière Joana T höny


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e at RENCONTRE

This might be the reason why the Saucier position was the most popular one within a kitchen brigade.

Ce n’est pas un hasard si la place du saucier était la plus prisée au sein d’une brigade de cuisine. Ce poste clé nécessite de connaître parfaitement les produits afin de créer le lien entre une viande et ses légumes. Tout est question de cohérence. Outre les jus, on demande au saucier de maîtriser les fonds bruns, roux ou blancs, les coulis, les marinades ou encore les courts-bouillons. Comme de nombreux métiers de bouche, le saucier tend à disparaître puisque les cuisiniers sont plus encouragés à être de vrais couteaux-suisses plutôt qu’à avoir chacun sa spécialité. Julien Monbabut fonctionne de cette manière : faire participer chaque membre de sa brigade à chaque poste permet de consolider l’équipe et de faire participer tout le monde à la création d’un plat. Les cuisiniers en ressortent avec de vraies connaissances, au-delà de l’aspect pratique de pouvoir remplacer un collègue qui se fait porter pâle. Le chef explique : « Lorsque je mets une sauce au point, je demande l’avis des autres. La cuisine c’est comme un dictionnaire avec mille techniques, mais ce qui donne sa dimension au plat, c’est d’être enrichi par les autres ». Si on lui demande de décrire sa cuisine, le chef trébuche un peu : « Je fais une cuisine qui met le produit en avant ... Sans dire que je fais une cuisine de produit ! C’est nul ça, mais il est évident que je ne vais pas faire du bar ou du homard toute l’année. Philippe Mille dit : « Je fais une cuisine de cuisinier », ça c’est fun. En ce qui me concerne, je fais une cuisine de gourmand car tout ce que je fais, j’aimerais le manger. À côté de cela, ma cuisine est très attachée au terroir français ».

This might be why the saucier position was the most popular in a kitchen team. This key post requires a full understanding of the products so as to create a perfect match between meat and vegetables. Everything hangs on consistency. As well as sauce, the saucier must also master brown, red or white reductions, coulis, marinades and shortstocks. Like many food related positions, the saucier is tending to disappear. Chefs are expected to do a bit of everything rather than each having their own speciality. Julien Monbabut is one of them. Involving each team member in the steps involved in the creation of a dish helps to strengthen the team. Not only when dealing with a colleague who is off sick, but also in improving everyone’s skills. The chef explained: “When I make a sauce I always ask for other input. The kitchen is like a dictionary, with thousands of techniques, but what gives a dish depth is being improved by others”. On being asked to describe his cooking, the chef stumbled slightly: “My cooking places the product in the foreground… I’m not saying it is a ‘product’ cuisine, that’s not good, but it’s clear that I’m not going to cook bass or lobster all year round”. Philippe Mille said: “I’m a cook’s cook, which sounds rather funny. I make great dishes because I like eating everything I cook. That aside, my style is very linked to the land; the French land.” The challenge is to produce fresh, local cuisine while staying on the wave of current trends. Fashion does not spare the kitchen, and it is the chef’s responsibility to give the right direction.

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66|67 rec e t t e

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La prouesse, c’est de faire une cuisine de terroir tout en restant dans l’air du temps. Les modes n’épargnent pas la cuisine et c’est au chef de faire le tri pour lui donner la bonne direction : « Le ris de veau et salsifi que tu as mangé ce midi, c’est has been ! Par contre un ris de veau avec ce jus et des salsifis travaillés à la carbonara, c’est autre chose. On apporte plus de personnalité au produit ». Has been ou pas, le chef aurait pu tranquillement nous servir un bol de ces salsifis qui étaient à tomber par terre. Bien sûr, la tendance est à l’épure scandinave et le chef joue le jeu : « J’y pioche des idées de dressage mais les jus ne sont pas vraiment une spécialité des pays nordiques et là je tiens à garder mon identité. En cuisine, j’attends beaucoup de feeling et de sensibilité de la part de mon équipe. Le truc des points dans l’assiette n’a rien d’aléatoire ! Pour moi c’est du bordel organisé ». Julien Monbabut a démarré en cuisine à une époque où le métier de cuistot était réservé aux mauvais élèves : « Quand j’étais en troisième et que je disais que je voulais faire ce métier, ce n’était pas bien vu : mon père n’était pas enjoué. J’étais un bon élève et n’avais aucune raison de suivre une filière professionnelle. Avant ça se passait comme ça. Et tout a commencé bêtement : je viens d’une famille de cinq enfants et les aînés aidaient ma mère en cuisine pour la soulager ». Aujourd’hui les chefs font des émissions, posent en couverture de magazines et tout le monde (nous les premiers) tient à connaître leur avis sur tout : « Evidemment, je ne fais pas ce métier pour avoir ma photo dans les magazines et me trimballer en boîte avec. C’est une mode et tant mieux pour nous, on le doit à Paul Bocuse : c’est grâce à lui si nous sommes sorti de la cuisine. J’exerce un métier de passion, j’aime transmettre ce que je sais et j’ai la chance de pouvoir le faire. La mode, ça me passe au dessus ». Pourvu que Monbabut tienne le cap car sa cuisine frôle la perfection. Puisque notre chef a les pieds sur terre et qu’il n’aime pas ce genre de fioritures, nous ne parlerons pas « d’expérience », quoiqu’il en soit ce fut un repas inoubliable, une adresse encore discrète qu’on serait tenté de garder pour nous.

"The sweetbreads and salsify you ate at lunch is old hat! But sweetbreads with salsify and sauce worked into a carbonara is something totally different. It gives the product a lot more character”. Old hat or not, the chef might only have served us a bowl of salsify, but they were to die for. The current trend is of course all about Scandinavian refinement, and the chef takes note of its rules: “I pick out ideas here and there for dressing the dishes, but sauces are not one of the specialities of the Nordic countries and on this point I want to retain my own identity. In terms of cuisine, I expect a lot from my team’s feelings and sensitivity. The dots on plates thing isn’t random, for me, it’s organised mess!”. Julien Monbabut started cooking when the job was one of the options open for those with school problems: “Before high-school, when I was saying I wanted to go into this sort of profession, it was not well perceived. My father wasn’t very happy about it. As a good student I had no reason to embrace such a career. Back then it all worked like that. And so everything began quite simply: I come from a family of five children, and the older ones would help my mother, to give her a break”. Nowadays, chefs have TV-shows and their names appear on the covers of famous magazines. Everyone (including us) wants to have their thoughts on everything : “Of course, I’m not doing this job to see my face in magazines and walk around with them, showing off. It’s a trend, and that’s a nice thing for us. We owe Paul Bocuse for all that: thanks to him we came out of the kitchen. I’m passionate about my job; I love to share my knowledge and I’m lucky enough to be able to do so. I don’t bother much with trends”. May Monbabut stay on this path; his cooking is so close to perfection. As the chef has his feet firmly on the ground, and as does not like such fancies, we will not say that this was an experience. It has nevertheless been an unforgettable meal in a still unadvertised address, which we might be tempted to keep just for us.


60|61 RENCONTRE

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e at sh op p in g

R . a . n . g . e . m . e . n . t m . u . r . a . L d . e

c . u . i . s . i . n . e te xtes/ words & photo: heju

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Inspiré des panneaux perforés utilisés dans les ateliers, ce rangement mural permet d'organiser tous ses ustensiles et d’apporter une touche graphique à sa cuisine. Et, comme il est modulable, on peut y accrocher des étagères, des patères ou des pots à couverts et les déplacer à volonté ! Inspired by pierced panels used in workshops, and allows you to put away all your kitchen tools as well. It also brings a touch of design to your kitchen. It is modular so that you can hang up as many shelves, hooks, or cutlery pot holders as you want, and move them at will!

M at é r i e l

1 plaque d’isorel perforée de 60 cm x 60 cm 1 tasseau de 5,7 cm de largeur et 0,9 cm d’épaisseur 1 bombe de peinture 6 poignées de porte de placards 1 scie 1 vrille 1 tournevis de la colle néoprène des vis longues 3 mm x 30 mm des vis courtes 4 mm x 16 mm

Ins t ru c t i ons

Bombez la plaque perforée avec la couleur de votre choix. Sciez le tasseau en plusieurs morceaux de différentes longueurs : deux morceaux de 42 cm et 24 cm pour les étagères puis six morceaux de 11 cm et deux de 4 cm que vous collerez ensemble pour former les deux pots à couverts. Vissez les différents éléments à l’arrière de la plaque perforée en utilisant les vis longues pour les étagères et les pots à couverts et les plus courtes pour les patères.

M at e r i a l

1 60cm x60 cm sheet of pierced hardboard 1 5.7 cm large and 0.9 cm wide batten 1 spray-paint can 6 cupboard door handles 1 saw 1 gimlet Flexible contact adhesive 1 screwdriver Several 3 mm x 30 mm long screws Several 4 mm x 16 mm short screws

Direc t ions

Spray the pierced hardboard with the color of your choice. Saw the batten into different pieces of different lengths: two pieces of 42 cm and 24 cm each for the shelves, then six pieces of 11 cm and 2 pieces of 4 cm that you stick together to form two cutlery pot holders. Screw each piece at the back of the pierced hardboard, using long screws for shelves and cutlery pot holders, and short screws for hooks.


02|03 SHOPPING hu me ur

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s u n day mor n i ng p h o t o s : t i p h a i n e CARO D. A : n o é mie c é d il l e / a g at he b o ud in modèles: julie jup / thomas brengou


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brioch e à la ca n n e ll e e t au x noi x rec e t t e   : D. P


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rece t t e

Pour l a pât e

Pour l a pât e

250g de farine 20g de sucre 1/2 cuillère à café de sel 100ml de lait 50g de beurre 1 cuillère à café et demie de levure boulangère 1 œuf

Préchauffer votre four à 200°C. Mélanger la farine, le sucre et le sel dans un grand bol. Faire chauffer la moitié du lait et y faire fondre le beurre. Faire tiédir doucement l’autre moitié du lait pour y dissoudre la levure. Battre l’œuf en omelette. Ajouter au bol le mélange de lait et de beurre et le mélange de lait et de levure. Ajouter l’œuf en dernier. Pétrir la pâte pendant quelques minutes sur un plan de travail fariné, jusqu’à ce que le mélange forme une boule. Déposer la pâte dans un bol assez haut car la pâte va monter, recouvrir d’un torchon humide et laisser reposer pendant une heure au moins.

Pour l a crème pât issière

Pour l a crème pât issière

2 jaunes d’œufs 30g de sucre 10g de fécule de maïs 200ml de lait 2 cuillères à café cannelle 80g de noix coupées grossièrement

Mélanger les jaunes d’œufs et le sucre dans un bol. Ajouter la fécule de maïs. Porter le lait à ébullition puis le verser doucement sur la préparation tout en mélangeant. Verser le mélange dans la casserole sur feu doux et remuer jusqu’à ce que la crème épaississe. Réserver dans un bol et recouvrir d’un film.

Un peu de beurre pour le moule

Préchauffer votre four à 200°C. Dégazer la pâte et l’étaler sur un plan de travail légèrement fariné en formant un rectangle à l’aide d’un rouleau à pâtisserie. Napper de crème pâtissière et saupoudrer de cannelle. Ajouter les noix. Rouler le rectangle en boudin assez serré et découper des tranches. Les déposer dans un moule à manqué beurré. Enfourner à 180°C et laisser cuire une vingtaine de minutes jusqu’à ce que la brioche soit bien dorée.

Pour ré al iser l a brio che

ingredien ts

recip e

for t he mix

for t he mix

250g flour

Preheat your oven to 200°C Mix the flour, sugar and salt in a large bowl. Heat half the milk and melt in the butter. Warm the other half of the milk and add the baking powder. Beat the egg. Add both the milk and butter and milk and baking powder mixes to the bowl. Add the egg last. Knead the dough for several minutes on a floured work-surface, until the mix forms a ball. Place the dough in a deep bowl (it will rise), cover with a damp tea-towel and leave to rest for at least one hour.

20g sugar 1/2 teaspoon of salt 100ml milk 50g butter 1 1/2 teaspoons baking powder 1 egg

Pa st ry cre am for t he pa st ry cre am

Yolks of 2 eggs 30g sugar 10g cornflour

Mix the egg yolk and sugar in a bowl. Add the cornflour. Bring the milk to the boil and then slowly pour over the mixture, stirring continuously. Over a low heat, pour the mix into a pan and stir until the cream thickens. Place it in a bowl and cover with film.

200ml milk 2 teaspoons cinnamon 80g chopped walnuts A little butter to line the baking tin

to make t he brio che

Preheat your oven to 200°C. Punch down the dough and on a lightly floured work-surface roll it out to form a rectangle. Coat with pastry cream and dust with cinnamon. Add the walnuts. Roll the rectangle into quite a tight tube and cut into slices. Place them into a buttered spring-form baking tin. Put into the oven heated to 180°C and leave to cook for about twenty minutes, or until the brioche is nicely golden. 78|79

rec e t t e

ingrédien ts


gra nola au x fr u i t s s e cs e t à la ca n n e b e rg e rec e t t e /rec ip e : D. P

ingrédien ts

rece t t e

Pour 8 pancakes

P Répar at ion

200g de flocons d’avoine 40 g d’amandes coupées grossièrement 100g de mélange de graines (de lin, de courge, de tournesol...) 60g de canneberges séchées 3 cuillères à soupe de miel 100ml de jus de pomme

Préchauffer votre four à 180°C. Dans un bol, mélanger les graines. Dans une casserole, délayer le miel dans le jus de pomme à feu doux. Laisser tiédir puis ajouter ce liquide sur les graines. Étaler la préparation sur une plaque de cuisson et enfourner pendant une vingtaine de minutes. Retourner la préparation à l’aide d’une cuillère en bois dès que le granola commence à dorer. Déguster dans un bol de lait ou avec du fromage blanc.

ingredien ts

recip e

for 4 p ers ons

P Repar at ion

200g oatmeal

Preheat your oven to 180°C. Mix the seeds in a bowl. In a pan over a low heat, dilute the honey into the apple juice. Leave to cool, and then pour the liquid over the seeds. Spread the mix out onto a baking tray and put in the oven for about twenty minutes. Turn the mix over with a wooden spoon when the granola starts to become golden. Eat in a bowl with milk or fromage frais.

40 g chopped almond 100g mixed seeds (linseed, pumpkin, sunflower…) 60g dried cranberry 3 tablespoons honey 100ml apple juice


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rec e t t e

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Poêlée de prunes rec e t t e /rec ip e   : d. P

ingrédien ts

rece t t e

Pour 4 p ers onnes

P Répar at ion

200g de mirabelles 200g de quetsches 1 cuillère à soupe de cassonade 1 noisette de beurre

Couper les fruits en deux et retirer les noyaux. Faire fondre le beurre dans la poêle et ajouter les fruits puis le sucre à feu moyen. Remuer fréquemment et arrêter la cuisson tant que les fruits se tiennent. Déguster tiède.

ingredien ts

recip e

for 4 p ers ons

P Repar at ion

200g mirabelle plums

Cut the fruit in half and remove the stone. Over a medium heat, melt the butter in a pan. Add the fruit followed by the sugar. Stir frequently and remove from the heat before the fruit loses shape. Serve warm.

200g quetsche plum 1 table spoon brown sugar 1 knob of butter

ricotta pancakes rec e t t e /rec ip e   : d. P

ingrédien ts

rece t t e

Pour 8 pancakes

P Répar at ion

250g de ricotta 125ml de lait 2 œufs 100g de farine 1 cuillère à café de levure chimique 1 pincée de sel

Séparer les blancs des jaunes. Ajouter une pincée de sel dans les blancs et les monter en neige. Mélanger la ricotta, les jaunes d’œufs et le lait. Ajouter la farine et la levure et mélanger. Faire chauffer un peu d’huile dans une poêle et verser une petite louche de pâte. Lorsque des bulles se forment à la surface, c’est qu’il est temps de retourner le pancake. Ajouter un peu de sirop d’érable.

ingredien ts

recip e

for 8 pancakes

P Repar at ion

250g ricotta

Separate the egg whites from the yolk. Add a pinch of salt to the whites and whip. Mix the ricotta, yolks and milk. Add the flour and baking powder and mix. Heat a little oil in a frying pan and pour in a small ladle of batter. When bubbles form on the surface it is time to flip the pancake. Finish with a little maple syrup.

125ml milk 2 eggs 100g flour 1 teaspoon baking powder 1 pinch of salt

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croissa n t au jambo n e t à l ' ossau irat y rec e t t e /rec ip e : D. P

ingrédien ts

rece t t e

Pour 2 p ers onnes

P Répar at ion

2 croissants natures 3 œufs bios 2 fines tranches de jambon aux herbes 1 morceau d'ossau iraty 3 champignons frais 1 noix de beurre sel et poivre du moulin

Couper les croissants en deux. Découper les champignons en morceaux et faire revenir à la poêle dans un peu de beurre. Fouetter les œufs avec une pincée de sel. Faire chauffer un peu de beurre dans une poêle. Verser les œufs et remuer délicatement à l'aide d'une cuillère en bois dès que les œufs commencent à prendre. Déposer les œufs brouillés sur les bases des deux croissants. Ajouter les champignons sur les œufs. Déposer le jambon en chiffonnade. Faire des copeaux d'ossau-iraty à l'aide d'un économe et déposer le fromage sur le jambon. Refermer les croissants.

ingredien ts

recip e

for 4 p ers ons

P Repar at ion

2 plain croissants

Cut the croissants in half. Cut the mushrooms into pieces and brown in a pan with a little butter. Whip the eggs with a pinch of salt. Heat a little butter in a pan. Pour in the eggs and stir gently with a wooden spoon once they begin to cook. Place the scrambled egg on the underside of the two croissants. Add the mushrooms on top of the egg, followed by the ham, shredded. Use a peeler to make curls of ossau iraty and place the cheese on the ham. Close the croissants.

3 organic eggs 2 thin slices of herb crusted ham 1 piece ossau iraty 3 fresh mushrooms 1 knob of butter salt and ground pepper


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e at de si g n

sugAr l ab t e x t e s / w o r d s : a g at he b o ud in photos: 3Dsystems

Avec les nombreuses innovations qu'elle permet, l'impression 3D étonne, passionne mais peut aussi faire douter certains. Dans le milieu culinaire notamment, de nombreux professionnels ne sont pas convaincus de son utilité ni de sa place dans les cuisines. Pourtant, derrière cette technologie, se cachent de petites merveilles au design improbable qui tendent plus à faire évoluer certains corps de métiers qu'à nous effrayer. Liz et Kyle von Hasseln, créateurs du Sugar Lab ont imaginé de nouveaux outils nés grâce à cette technologie pour accompagner restaurateurs et pâtissiers. Incursion au cœur d'un univers géométrique, poétique et sucré. With the numerous innovations it gives rise to, 3D printing surprises and enthrals, but for some it can also cause suspicion. Notably in the culinary domain, numerous professionals are unconvinced of its use and its place in the kitchen. However, little marvels of unexpected design are hiding behind this technology, which tend to help some professions evolve rather than scare us. Thanks to this technology Liz and Kyle von Hasseln, creators of the Sugar Lab, have come up with new tools born to assist restaurateurs and pastry chefs. Here is a foray into a geometric, poetic and sugary universe. 86|87


Min t maga zine: Pouvez-vous nous raconter votre parcours et les débuts de Sugar Lab ?

Min t: Can you tell us about your journey and the Sugar Lab’s beginnings?

L iz von Ha ssel n : Kyle et moi sommes passionnés d’architecture et c’est pendant nos études supérieures que nous avons découvert l’impression 3D. On a été fasciné par l’infinie possibilité d’impression mais aussi par les configurations et matériaux peu conventionnels que requièrent cette technologie. Notre thèse, même si elle avait encore rien à avoir avec le sucre, était déjà centrée sur le développement d’un système de fabrication novateur.

L iz von Ha ssel n: Kyle and I are passionate about architecture and we discovered 3D printing during our studies. We were fascinated by the infinite potentials of printing but also by the unconventional configurations and materials that this technology calls for. Our idea, even though it did not yet have anything to do with sugar, was already focused on developing a groundbreaking manufacturing process.

Min t: Pourquoi avoir développé cette technologie pour le milieu culinaire ?

Min t: Why develop this technology for the culinary domain?

L iz : Notre curiosité sur tous les aspects de l’impression 3D nous a menés à appliquer cette technologie à la nourriture. C’est quelque chose de très intime. La nourriture se combine tellement bien avec le style de vie, la famille, les fêtes... Elle joue surtout un rôle central et universel dans la culture, les rites et les festivités.

L iz: Our curiosity about all aspects of 3D printing lead us to apply this technology to food. It is something very intimate. Food is so thoroughly mixed up with lifestyle, family, parties… Above all it plays a central and universal role in culture, traditions and celebrations.

Min t : Quelles sont les machines développées par le Sugar Lab ?

Min t : What machines have been developed by Sugar Lab?

L iz : La ChefJet et la ChefJet Pro sont les premières imprimantes 3D conçues et désignées pour la cuisine ; elles ont été créées pour accompagner les boulanger, les pâtissiers ou encore les restaurateurs. Le plus excitant pour nous, c’est que les deux imprimantes sont en train d’ouvrir un territoire nouveau pour l’impression 3D.

L iz: The ChefJet and the ChefJet Pro are the first 3D printers conceived and designed for the kitchen; they were created to assist bakers, pastry chefs and even restaurateurs. The most exciting thing for us it that these two printers are opening up new territories for 3D printing.

Min t : Quels obstacles avez vous rencontrés en produisant de tels outils ?

Min t: What obstacles did you meet when producing tools like this?

L iz : La création des premières imprimantes 3D pour la cuisine était un événement majeur. Le plus difficile était de faire en sorte qu’elles trouvent leur place dans l’environnement de la cuisine. Les imprimantes ChefJet appartiennent intrinsèquement à l’espace alimentaire, car elles ont ét é créées de A à Z avec ce principe en tête ; nos choix de matériaux autant que nos options de finitions définissent ces imprimantes comme des appareils de cuisine à part entière.

L iz: Creating the first 3D printers for the kitchen was a major event. The hardest thing was ensuring that they found their place in the kitchen environment. The ChefJet printers intrinsically belong to the food environment, because they were created from A to Z with this principle in mind; our choice of materials as much as our choice of finishes define these printers as kitchen appliances in their own right.


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L iz : Comme n’importe quel processus d’impression 3D, on commence par créer la structure digitalement. La ChefJet est livrée avec le logiciel d’impression qui découpe le bonbon virtuellement, comme un jeu de cartes. C’est comme ça que l’imprimante comprend comment construire la friandise en 3D, couche par couche. En ce qui concerne le procédé d’impression, la ChefJet fonctionne en utilisant un procédé qui ressemble beaucoup au glaçage que l’ont peut faire chez soi, sauf que sa précision est redoutable : la ChefJet construit une friandise en ajoutant les ingrédients humides aux ingrédients secs. Dans la ChefJet Pro, la coloration alimentaire est ajoutée à chaque calque pendant le procédé d’impression, de telle sorte que la friandise imprimée apparaît avec une qualité de couleur photographique.

L iz: Like all 3D printing process, they start by creating a digital version of the structure. The ChefJet is delivered with the printing program that cuts the sweet vitally, like a card game. That is how the printer understands how to construct the sweet in 3D, layer by layer. As far as the printing process is concerned, the ChefJet works by using a process that is very much like the icing that you do at home, except that its precision is impressive: the ChefJet creates a sweet by adding wet and dry ingredients. In the ChefJet Pro, food colouring agents are added to each layer during the printing process, so the printed confection emerges in full, photographic quality color.

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Min t: What is the printing process of these constructions? How do they differ from other 3D printers?

de si g n

Min t : Quel est le processus d’impression de ces structures ? En quoi celui-ci diffère-t-il d’une autre impression 3D ?

Min t: Why did you choose sugar as the material? Min t : Pourquoi avoir choisi le sucre comme matériau ? L iz : L’impression de friandises est un croisement

entre la technologie, la nourriture et l’art. Tout le monde reconnaît que le dessert est la partie la plus amusante d’un repas ou d’un évènement. Quand tu vois une sculpture 3D en sucre imprimé qui ne ressemble en rien à toute autre nourriture, c’est un monde plein de nouvelles possibilités qui s’ouvre à toi et cela nous guide chaque jour. Min t : Qu’apporte l’impression 3D au métier de boulanger ou de pâtissier ? L iz : L’impression 3D est une technologie incroyablement puissante : elle permet aux gens de créer de la géométrie complexe et surtout de produire des prototypes qui étaient impossibles auparavant ou qui auraient coûté bien trop cher. Elle permet aux professionnels de créer ce dont ils ont besoin avec moins de gâchis et en faisant des économies d’énergie. Min t : Quels changements peut-on envisager face

à l’expansion d’une telle technologie ? L iz : Les changements les plus impactants sont ceux

qui donnent une forme à cette expérience, à ce rituel de manger. L’impression 3D représente un changement capital. Pour les artisans, elle ajoute un nouvel outil très puissant au répertoire de la boulangerie/ pâtisserie en leur donnant le pouvoir de faire apparaître des structures qui étaient impossible avant. En faisant cela, ces artistes commencent à explorer de nouvelles techniques de création qui tendent vers un artisanat plus digital. L’impression 3D va ainsi modeler notre façon d’imaginer notre nourriture.

L iz: Printing sweets is such a rich intersection between technology, food, and art. Everyone recognizes that dessert is for fun. When you see a 3D printed sugar sculpture that's unlike any food you've seen before, its immediately clear that a whole new set of possibilities has opened up, and that guides us everyday. Min t: What does 3D printing add to the baker and pastry chef’s professions? L iz: 3D printing is an incredibly powerful technology: it allows people to create complex geometry and above all to create prototypes that were formerly impossible or far too expensive to create in any other way. It allows professionals to create what they need, when and where they need it, locally, with less wastage and saving on energy. Min t: What changes can be envisioned with the expansion of a technology like this? L iz: The most high impact changes are those that give form to the experience, the ritual that is eating. Those that enrich the celebration of preparing and sharing food with people you love. 3D printing represents a major change. For artisans, it adds a new very powerful tool to the kit of a bakery or cake shop, giving them the means to create structures that were formerly impossible. In doing so, these artists start to explore new methods of creation, moving towards a more digital craft. In this way 3D printing will reshape the way we imagine food.

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L ' hiv e r v u par ‌ mic k a Í l c u n ha


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explore

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l e t ' s ge t lo s t word s : d. p p h o t o s : C ĂŠ l i n e C l a n e t P OUR L e s C h a p i e u x , gĂŠographie d'un secre t


La montagne c’est une éthique de vie et il n’y a pas de place pour les faux-semblants.

La plupart des gens connaissent le chef Guy Martin pour son travail au Grand Vefour, d’autres le connaissent pour ses émissions de télévision ou ses nombreux ouvrages. Finalement, peu connaissent son amour pour la montagne ; fier de ses racines savoyardes, Guy Martin a souhaité partager avec nous ses expériences et ses nombreuses histoires.

Most people know chef Guy Martin for his work in the restaurant Grand Véfour, while others know him from his television program or the many books he has written. However, very few know him for his love of mountains. Being proud of his roots in Savoy, Guy Martin wanted to share with us his experiences and many stories.

«  Je connais Megève depuis longtemps, tu y trouves des fromages faits sur place et un superbe boulanger sur les hauteurs. Il y a plusieurs villes ou villages intéressants dans ce coin. À Chamonix j’aime la grandeur du Mont Blanc, l’immensité de la montagne. Bien-sûr il y a le ski l’hiver, on peut monter l’aiguille du midi et redescendre du côté italien mais il y a une vie à l’année, ce n’est pas une station pour moi. J’avais une dizaine d’années quand j’ai découvert la montagne, c’est une chose qui se faisait souvent en famille. Depuis, que je sois à Paris ou ailleurs, il ne se passe pas un jour sans que j’y pense.

“I have known Megève for a long time. There you can find cheeses made on-site and a wonderful baker amongst the high hills. There are several interesting towns and villages in this area. In Chamonix I enjoy the grandeur of Mont Blanc and the immensity of the mountain. Of course there is skiing in the winter, and you can hike up the French “Aiguille du Midi” and back down on the Italian side. But here there is life that remains all year ‘round–it is not a vacation resort for me. It was about a decade ago when I discovered the mountain, c’est une chose qui se faisait souvent en famille. Since I’m currently in Paris or elsewhere, not a day goes by when I don’t think about it.

Sur les hauteurs de Chamonix, les français et les italiens ont créé des jardins alpins et je trouve que le paysage y est presque lunaire. Tu peux y voir des cascades et une vue sublime sur les montagnes environnantes. C’est la vraie nature, celle qui est très forte et te happe par sa grandeur. Combloux et Cordon sont plutôt des montagnettes, plus douces que la grande montagne, et bien moins imposantes. Ce sont des villes superbes à l’intersaison, tout comme Megève où à l’automne, on observe un soleil couchant à couper le souffle. Pour voir du pays, tu peux faire le Tour du Mont Blanc (TMB) et faire un voyage qui dure entre 5 et 10 jours. Tu peux bivouaquer ou coucher dans des refuges et profiter d’une lumière rasante qu’on n’observe qu’ici. Je me souviens d’une fois où nous étions dans un sousbois et la brume recouvrait les herbes et la mousse ; soudain la brume s’est mise à remonter tout doucement le long des arbres. Ces images presque surréalistes tu ne peux pas les oublier.

On the heights of Chamonix, the French and Italians have created alpine gardens; the landscape is almost lunar and you can see waterfalls and magnificent views of the surrounding mountains. This is the kind of true nature that grabs you so strongly with its magnificence. Combloux and Cordon are rather small mountains in comparison, although calmer than the great mountain and far less imposing. These are beautiful places during the off-season, just like Megève where in the fall, a breathtaking sunset can be observed. In order to see the majority of the country, you can do the “Tour du Mont Blanc” (TMB) and take a trip that lasts between five to ten days. You can bivouac or sleep in shelters while observing a raking light. I remember one time when we were in a forest and mist covered the grass and moss. Suddenly, the fog began to slowly rise along the trees. These surreal images are unforgettable.


e x p lore hu me ur

The mountain represents the ethics of life and there is no room for masking that fact

Du côté de la Tarentaise, il y a les Chapieux à faire en septembre. Sans rire, tu vas là-bas et ta vie change. C’est un endroit pour se recueillir, pour se retrouver. Tout commence par un chemin escarpé, puis une forêt de sapins et un petit ruisseau ... On peut y aller avec quelqu’un, mais il faut que ce soit un ami qu’on aime. Il faut vibrer ensemble, tu comprends ? Car si ton ami n’est pas sensible à la beauté de la nature, tu ne ressentiras pas le même plaisir. Et je ne parle pas de spiritualité, je parle de montagne. Du mouvement d’un ruisseau, du bruit du vent ... Tu risquerais de manquer quelque chose. C’est un endroit qui te donne de la force. Quand tu as d’importantes décisions à faire et que tu as besoin de te dépasser. Si tu es novice, je te conseille d’y aller en automne et je laisserais l’hiver aux montagnards car ce n’est pas un endroit qui se laisse apprivoiser facilement. Un jour, j’y suis allé à la fin de l’hiver avec un copain breton que j’ai initié à la montagne. C’était un hiver rigoureux alors nous avons décidé de partir tôt le matin en skis de randonnée. Il y avait un grand soleil et les bouquetins venaient chercher les premières herbes, les premiers pissenlits. En montagne il y a le silence, rythmé par le bruit des éboulis. Le bruit des avalanches c’est quelque chose qui te prend au ventre, la neige avale tout sur son passage. Moi-même je sais comment elles se forment, cela peut être dû à un réchauffement sur un amas de neige ou encore à cause de cristaux qui ne s’imbriquent pas entre deux tombées de neige et j’observe les signes avant de me retrouver dans une situation difficile. Entendre cette force, la puissance de la montagne et le bruit sourd d’une avalanche, c’est indescriptible tant c’est grand. Ça dépasse l’Homme. En une journée, tu as vraiment le sentiment d’avoir vécu des choses. t Pour voir de belles choses on se fait trois ou quatre heures de marche avec les skis sur l’épaule et ça te donne le goût de l’effort. C’est même au delà de l’effort, c’est le dépassement de soi, ne pas abandonner, ne pas baisser les bras. »

On the Tarentaise side, there are the Chapieux mountains to venture in September. Seriously, when you are out there, your life changes. It’s a place to gather and to meet. Everything starts with a steep climb, followed by a pine forest and tranquil stream... You can go with someone, but it has to be a friend or someone you love. You must jive together, you know? Because if your friend is not sensitive to the beauty of nature, you will not experience it in the same manner. And I’m not talking about a sense of spirituality, I mean the mountains. The movement of a stream, the noise of the wind... It is a place that gives you strength should you ever need to overcome something. If you are a novice climber, I advise you to go there in the fall. In the winter I would leave the mountain because it is not an area to be taken lightly. One day I went there at the end of winter with a friend from Breton whom I had initiated in these mountain adventures. It was a particularly rigorous winter so we decided to leave early in the morning with touring skis. The sun was shining brightly and ibex were the first herbs shown, along with the first dandelions. In the mountains there is silence, accentuated by the sound of boulders. Let it be known that the sound of avalanches is something you know in your gut, with snow swallowing everything in its path. I know how they are formed, this is due to the warmth on a pile of snow or again because of the crystals that doesn’t interlock between two snow falls and I observe the signs before I find myself in this difficult situation. The power of the mountain and hearing the thud of an avalanche is indescribable just as it is to describe is enormity. It exceeds man. In one day you truly have the feeling of having experienced something. The mountain represents the ethics of life and there is no room for masking that fact. To see the beautiful things we saw in three to four hours by walking with skis on the mountain’s shoulder gives you a taste of the effort. In the end, is even beyond the effort–it is surpassing oneself. Do not abandon, do not give up.” 98|99



156|157 dĂŠc o u vert e

e x p lore


losing track in megève se t design/p hotos: paris se quema st ylisme /st ylism: caroline nedelec

de hau t en ba s e t de gauche à droi t e : sl ippers Amél ie Pichard / ma sque de ski Christ ine Phung / c ol l ier Hyes / cein t ure L a C on t rie / s ac L a C on t rie / bo ots Robert Cl ergerie


de hau t en ba s e t de gauche à droi t e : pan talon April May /appareil photo vin tage / s ac Amél ie Pichard / bo ots Robert Cl ergerie / vest e Christ ine Phung /polo Bér angère Cl aire / c ol l ier Hyes / chausse t t es Pol der / l ivre Alt i t ude, C on t empor ary Swiss Gr aphic Design par Robert Kl at en, Nic ol a s Bourquin, Cl audia Mareis / lune t t es de sol eil kenzo

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ci-dessus : chaussures de ski Rossignol / ski Dyna star / port efeuil l e L a C on t rie / ma sque de ski Christ ine Phung / swe at Bér angère Cl aire / mon t re L ip / carne ts L'Imprimerie de mar ais ci-c on t re : l ivre Cu t t ing ed ges par Robert Kl an t en / bonne t C ommune de Paris / pul l C ommune de Paris / pan talon Marchand Dr apier / films pol aroid T he Impossibl e Projec t / crème de marrons Cl émen t Faugier / bo ots Robert Cl ergerie / s ac L a C on t rie


02|03 SHOPPING

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textes/ words: déborah pham il l u s t r at i o n s : n o é mie c é d il l e

hotels

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à la tombée du jour, après une bonne séance de ski.

flocon de sel 1775, Route du Leutaz

Emmanuel Renaut le dit  : s’il avait construit son hôtel en fonction des modes, le Flocon serait bien différent. Sa femme Christine et lui même ont préféré créer un hôtel dont ils ne se lasseraient pas tout en étant ancré dans son territoire. Vous l’aurez compris, c’est notre coup de coeur. As Emmanuel Renaut says: if he had followed trends when building his hotel, the Flocon would be very different. He and his wife Christine preferred to create a hotel they will never get bored of, while remaining anchored to the region. You got it, we're rather taken with this one.

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L e M de Megè ve 15, route de Rochebrune

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L e Lod ge Pa rk 100, rue d’Arly

L’hôtel se trouve dans un parc tout près des remontées mécaniques à deux pas du centre-ville. Côté déco, on est toujours dans le bois, les animaux empaillés façon cabane de trappeur, la cheminée fumante et les peaux de bêtes. L’atmosphère y est chaleureuse et confidentielle. The hotel is in a park right next to the ski-lifts near the town center. In terms of decoration, there is endless wood, hunting-cabin style stuffed animals, smoking chimneys and animal skins. The atmosphere is welcoming and discrete.

Situé dans le centre-ville, le M a été refait à neuf dans un style chaud et contemporain. À l’entrée trône une cheminée entourée de fauteuils moelleux sur lesquels reposent des plaids en laine. Les chambres sont spacieuses et donnent tantôt sur la rue illuminée en hiver, ou sur la cour intérieure. Located in the town centre, the M has been entirely refurbished in a warm and contemporary style. In the hall a fireplace sits surrounded by soft armchairs lined with woolen plaids. The rooms are spacious and look out onto the road, lit up in winter, or onto the inner courtyard.

As in many new hotels, the bathtub is never far from the bed. Which means that for a romantic weekend the experience is worthy of a Hollywood love scene. We like to take a dip in the indoor swimming pool at dusk, after a good ski session.

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L e F e r à c h e va l

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L es Fermes de Marie Chemin de Riante Colline

Plus qu’un hôtel, Les Fermes de Marie sont une institution. Si vous avez besoin de repos, le lieu est pensé de telle façon que vous n’aurez (presque) plus l’envie de mettre le nez dehors. Notamment grâce au spa Pure Altitude qui propose des soins aux plantes de montagne. More than just a hotel, Les Fermes de Marie is an institution. If you need rest, the place has been designed in such a way that you’ll (almost) no longer want to step outside. Notably thanks to the Pure Altitude spa, offering mountain plant treatments.

36, route du Crêt d’Arbois

Comme dans de nombreux nouveaux hôtels, la baignoire n’est jamais loin du lit. Autant dire que pour un week-end en amoureux, l’expérience est digne d’une scène d’amour de cinéma américain. On aime se baigner dans la piscine intérieure 106|107

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megève ci t y g u ide


RESTAURANTS

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You're at 1895 meters altitude with a gorgeous view of the mountains and your stomach starts to rumble. Take a break to try a free-range chicken casserole, like your grandmother made, or plump conchiglie with cheese, ham and summer truffle. Perfectly regressive.

Rochat. Sa cuisine s’inscrit dans une gastronomie française traditionnelle qu’il chérit particulièrement. 28 years old and a Michelin star on the clock. Julien Gatillon presides over this joyous Rothschild empire after having worked alongside Yannick Alleno and Phillipe Rochat. His cuisine is inscribed in the french gastronomical tradition that he particularly cherishes.

Flocon de sel 1775, Route du Leutaz

Une partition jouée sans fausse note, une carte qui séduit en été comme en hiver... Non, vraiment, on ne tarit pas d’éloges concernant ce restaurant que l’on suit depuis sa troisième étoile. Réservez votre table à temps et laissez-vous guider, cette cuisine ne ressemble à aucune autre. A perfectly played score, a menu as seductive in summer as in winter... No, really, this restaurant, which we've been following since its third Michelin star, has had rave reviews. Reserve your table early and sit back, the food is like nothing else.

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L a Ferme de Josep h Route du Coin

Ne quittez pas la ville avant d’être passé par ici. Vous pourrez y acheter des produits préparés sur place (du fromage, des terrines, de la charcuterie ou encore des confitures...) et surtout y déguster une excellente fondue savoyarde traditionnelle. Don't leave town before stopping by. Here you can buy products made onsite (cheese, terrines, cooked meats and jams...) and, best of all, taste an excellent, traditional Savoyard fondue.

L’Alpe t te Massif de Rochebrune (Hors pl an)

Vous êtes à 1895 mètres d’altitude avec une vue sublime sur les montagnes et le ventre qui commence à grogner. Arrêtez vous pour déguster un poulet fermier en cocotte façon Grand-mère ou de grosses coquillettes au Beaufort, au jambon et à la truffe d’été. Régressif à souhait.

L a Ta bl e de l ’ A l pag a 66, allée des Marmousets

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L e 1920 447 Chemin de l a Rocaille (hors pl an)

28 ans et une étoile au compteur. Julien Gatillon officie dans ce joyaux de l’empire Rotschild après avoir travaillé auprès de Yannick Alleno ou encore Philippe

On aime la cuisine de Christophe Schuffenecker qui est proche de son terroir. Après avoir travaillé auprès de Michael Mina à San Francisco, il arrive à l’Alpaga et retrouve les paysages de montagne qu’il affectionne particulièrement. La cuisine y est belle et élégante, on reviendra. Christophe Schuffenecker's cuisine, rooted in the region, is well appreciated. After having worked alongside Michael Mina in San Francisco, he came to the Alpaga and rediscovered the mountain landscapes for which he has a special fondness. The cuisine here is beautiful and elegant; we'll be back.


Cocktails take pride of place in this welcoming spot that also offers a wide selection of single malts. For fireside nibbles, we go for a charcuterie and cheese plate or rosemary duck rillettes on slices of toasted bread.

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L a S a u va g e o n n e

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Angel de s mon tagne s 51, rue Charles Feige

Si vous aimez l’atmosphère cocooning, le bois et la laine, alors cette boutique est faite pour vous. Hormis les objets de décoration vous trouverez également de la vaisselle, du linge de maison, du petit mobilier ou encore des vêtements pour bébé adorables.

Hameau du Leutaz (hORS PL AN)

Un endroit bien connu des megevans et ce critère devrait probablement vous convaincre illico. On y sirote sa coupe de champagne dans un décor cosy et traditionnel. La bâtisse était en fait la grange d’une ancienne ferme qui fut retapée pour y installer un resto et un bar. That this place is well known among the locals should probably convince you right away. Here we sip from a champagne flute in a cosy and traditional setting. The structure was actually the barn of an old farm, which was renovated to set up a bar and restaurant.

If you like the cocooning atmosphere, wood and wool, then this store is made for you. Besides decorative objects you'll also find tableware, linen, small furnishings, and even adorable baby clothes.

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L e T igrr 18, rue Ambroise Martin

Après Saint-Tropez, le Tigrr s’installe dans un nouveau paysage enneigé. Au programme, un restaurant et un bar aux parfums d’Asie dans un décor douillet. On aime les cocktails au wasabi ou au poivron qui ne manquent pas d’audace ainsi que les dim sum ronds et moelleux. After Saint-Tropez, the Tigrr is moving in to a new snow-covered landscape. On the menu is an Oriental-infused restaurant and bar with a snug interior. We like the bold wasabi or pepper cocktails as well as the soft, round dim sum.

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s h o pp i n g

fromages ou des rillettes de canard au romarin sur des tranches de pain grillé.

L e B ar du Chal e t Z annier 367 route du Crêt

Les cocktails sont à l’honneur dans cet endroit chaleureux qui propose également une large sélection de single malts. Pour grignoter au coin du feu, on opte pour une assiette de charcuteries et de

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Au Soli 33, Rue de l a Poste

On est loin des décors léchés de maisons contemporaines, c’est certain. Toutefois, si vous aimez les antiquités et les objets faits main, vous aimerez cet endroit qui regorge de trésors. De la loupe au nécessaire du fumeur en passant par une multitude d’objets en bois We are far from the polished interiors of contemporary homes, that's for sure. All the same, if you like antiques and handmade objects, you'll love this treasure-laden place. From magnifying glasses to smoking sets, with a multitude of wooden objects in between.

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Sortir


e x p l o r at i o n s

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Aéro cime 3368 Route de l a Côte 2000 (HoRS PL AN)

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A al l ard 148, pl ace Eglise

Votre mère le portait et il faut bien admettre que quinze ans plus tard, le vêtement n’a pas bougé. Connu pour avoir inventé le fuseau de ski dans les années 30, Armand Allard a choisi de travailler un produit de qualité qui a su inspirer bon nombre de stylistes de notre époque. Your mother wore them and it must be said that fifteen years on, they haven't gone anywhere. Renowned for having invented the ski pant in the thirties, Armand Allard chose to work on a high quality product that has inspired a large number of today's stylists.

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Survoler le Mont Blanc dans un avion qui a des airs de vieux coucou piloté par un jeune homme. Jusqu’ici on ne vous rassure pas mais il va sans dire que l’expérience ne serait pas la même dans un airbus. Les pilotes sont pros et connaissent le nom de chaque pic et de chaque montagne. Flying over Mont Blanc in an old airplane flown by a young pilot. Until now we're not putting you at ease, but it goes without saying that the experience wouldn't be the same in an airbus. The pilots are pros and know the name of each peak and every mountain.

Scarl e t t

A hybrid store, somewhere between a book and a decoration shop in the broadest sense of the term (artworks and antiques), we like the selection of specialized books. There are numerous limited edition arts publications, but also novels, cookery and lifestyle books and other tourist guides.

Chiens de t r aine au au Mon t du Vil l ard 1072 rte du Mont du Vill ard (HoRS PL AN)

Une balade en chiens de traineaux, c’est une expérience qu’on n’oublie pas. Les chiens débordent d’amour et sont plus que ravis de se rouler dans la neige. Bruno propose des baptêmes ou des initiations à la conduite pour les petits et les grands. Habillez vous chaudement et n’oubliez pas votre appareil photo. A husky tour: that's an experience to remember. The dogs are brimming with love and more than happy to roll about in the snow. Bruno offers introductions and initiations to driving for the young and old. Dress warmly and don't forget your camera.

27, rue Charles Feige

Boutique hybride entre librairie et décoration au sens large du terme -pièces d’art et antiquités-, on aime sa sélection de livres pointue. On y trouve de nombreux ouvrages sur l’art en édition limitée mais aussi des romans, des livres de cuisine et de lifestyle et autres guides touristiques.

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Megè ve r aque t t es 184, Chemin des Marestots (HoRS PL AN)

La randonnée est probablement le meilleur moyen de découvrir le pays. Vous partirez en raquettes aux côtés d’Odile qui connaît parfaitement le coin. Une collation est prévue sous une belle yourte, accompagné d’un thé ou d’un peu de génépi pour les plus courageux. Hiking is probably the best was to discover the region. You'll set off in snowshoes next to Odile, who knows the area perfectly. A light meal is scheduled in a beautiful yurt, accompanied by tea or, for the bravest among you, a génépi.

lire l es chap ieux,

GÉ o g r a p h i e d ’ u n

s e c r e t de Bruno Berthier et Céline Cl anet éditions Actes Sud Beaux Arts 2014, 144 pages, 35€


e x p lore déc o u vert e

NOTRE COU P DE COEUR

Le Chalet Zannier s’inscrit dans une nouvelle famille d’hôtels. Il est de ceux où l’on se sent chez soi, en mieux. Les pièces sont épurées, parsemées d’objets anciens et de matières nobles, telles que le bois ou la pierre. Ici on chasse le superflu pour ne garder que l’essentiel, et ça fait beaucoup de bien.

Le Chalet Zannier is aligned with a new kind of hotels. It's among the ones where we feel home, even better. The rooms are refine, scattered with old stuff and high-quality materials such as wood or stones. Here, we get rid of the unnecessary to keep only the essentials and it feels really good.

le chalet zannier - 367 Route du Crêt - 74120 Megève

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e at

l ' e n fa n t d u pays t e x t e s / word s : d. p p h o t o s : m. a T ond u

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On roule à vive allure sur la route du Leutaz qui est faite de lacets entrelacés, toute entourée de montagnes. Emmanuel la descend les yeux fermés tandis que son accompagnateur s’agrippe à la poignée de la portière de toutes ses forces. A côté du levier de vitesses, dans le vide-poche, se trouve une collection d’Opinel, récents et anciens. Sur le chemin, le chef a dû s’arrêter trois ou quatre fois pour saluer des copains.

We were driving fast along the twists and turns of the Leutaz road, surrounded by mountains. Emmanuel could take it blind but his companion was gripping onto the door handle with all her might. Next to the gearstick in the glove compartment was a collection of new and old Opinel knives. On the way, the chef must have stopped three or four times to greet his friends.

Lorsque j’ai rencontré Emmanuel Renaut pour la première fois, ce géant de la cuisine m’intimidait. Mes confrères disaient de lui que c’était un homme entier, parfois bourru. Que s’il ne m’aimait pas, je le saurais aussitôt. J’ai découvert son restaurant Flocons de sel à l’été 2012, peu de temps après l’obtention de sa troisième étoile. À l’entrée du village, la mairie avait installé une banderole qui félicitait le chef ; c’est dire si Manu (car c’est comme ça qu’on l’appelle) est considéré comme un enfant du pays.

When I met Emmanuel Renaut for the first time I was a little intimidated by this giant of French cuisine. My colleagues had said he was a “real man”, verging on the gruff. That if he didn't like me, soon enough I would know. I discovered his restaurant, Flocons de sel, in the summer of 2012, a little after it obtained its third Michelin star. At the village entrance, the council had put up a banner to congratulate the chef. In other words, Manu (that is what they call him) is considered a home-grown lad.


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e x p lore



e x p lore ren c on t re

J’ai eu la chance de goûter à sa cuisine à trois reprises. Les avis sont unanimes, tous parlent de perfection, de maîtrise, de bouleversement et parfois même de magie ; c’est pourquoi pour ma première fois, j’y suis allée sur la pointe des pieds. Qu’est-ce qui fait la magie de ce lieu ? Sa situation pour commencer. On est à 1500 mètres d’altitude, perché sur le Massif du Mont-Blanc, à cinq-dix minutes en voiture du centre-ville. La terrasse du restaurant donne sur les montagnes enneigées dont le blanc vous éblouit dès le réveil. À quelques mètres, le potager, endormi l’hiver, est riche en légumes et surtout en herbes aromatiques. Quant à la salle à manger, elle mélange astucieusement l’héritage savoyard ainsi que les goûts plus contemporains des propriétaires. On y trouve un mur décoré de coucous jusqu’au plafond, des peintures de montagnes ou encore des peaux de vaches. Le chef explique que s’il avait suivi les modes, il se serait retrouvé avec un bâtiment industriel très froid dont il se serait rapidement lassé. « Kristine et moi avons choisi de décorer notre hôtel à notre goût », et c’est plutôt réussi car on se sent particulièrement bien dans cette atmosphère chaude, habillée de bois et de laine. Kristine est la femme d’Emmanuel qu’il a rencontré au Claridge à Londres. En 1997, ils quittent la ville pour s’installer à Megève. Si le chef a fait ses gammes au Crillon à l’époque de Christian Constant, c’est chez Marc Veyrat qu’il réussit à associer ses deux passions : la cuisine et la montagne. Comprenez bien : le chef est un terrien. Et à Megève, le chef a de quoi s’inspirer : les champignons de la forêt, la fera du lac, les fromages de Savoie ou encore le genepi rythment la carte du restaurant.

I have had the chance to taste his cuisine on three occasions. Opinions are united: all speak of perfection, mastery, emotion and sometimes even magic. That is why, the first time, I went with trepidation. What makes this place so magical? To start with, the location. It is at 1500 meters altitude, perched on the Mont Blanc massif, about a five minute drive from the town centre. The restaurant terrace looks out over the snow-covered mountains whose whiteness blows you away the moment you lay eyes on them. A few meters away the vegetable garden, fallow in winter, was rich in vegetables and especially aromatic herbs. As for the dining room, there is a clever mix of Savoyard heritage along with the more contempory tastes of the owners. There is a wall decorated with cuckoos up to the ceiling, paintings of mountains and even cowhides. The chef explained that if he had followed fashion, he would have ended up with a cold industrial building that would have soon become tiring: “Kristine and I chose to decorate our hotel to our own taste”. They did well. The warm atmosphere, decorated in wood and wool, creates a real sense of wellbeing. Emmanuel met Kristine, his wife, at Claridges in London. In 1997 they left the city to settle in Megève. While the chef had proven himself at the Crillon in Christian Constant's time, at Marc Veyrat's he has succeeded in combining his two passions: cooking and the mountains. You have to understand, this chef is a man of the earth. And in Megève, he has quite enough to inspire him. Forest mushrooms, lake fish, Savoyard cheese and even génépi shape the menu. 116|117


Il est 23 heures passées quand Manu (on s’est pris à l’appeler ainsi) fait irruption dans la salle en enlevant son tablier. Il nous lance « Rejoignez-moi à la Sauvageonne, je vais boire un coup avec des copains ! ». Il fait nuit noire et la neige accroche bien à la route. On monte vers le bar-restaurant qui prend des airs de club le soir venu. Manu est avec deux copains et nous commandons un verre. « Éric, tu reprends une coupe ? », à côté de lui se trouve Eric Frechon qui prend un week-end bien mérité loin du Bristol. Trois étoiles chacun et plus de trente années de cuisine au compteur forcément, ça crée des liens. On est donc installé au bar avec deux géants de la cuisine française et c’est l’occasion, forcément, de refaire le monde autour de l’évolution du milieu. On se questionne assez naturellement sur une question qui nous taraude depuis pas mal de temps déjà : comment perdurer en cuisine ? La question est loin d’être niaise et se pose notamment avec l’apparition d’une cuisine plus jeune, plus décomplexée. « Avec les années, on a chacun réussi à trouver notre identité, notre sensibilité », explique Eric Frechon. Pour Emmanuel, le coup de foudre avec la cuisine est venu sur le tard. Au départ c’était surtout une nécessité. Plus jeune, le chef s’intéressait plus à la moto qu’à la gastronomie mais il fallut un jour se mettre au travail. Il commence à se faire tard. « Ça vous dit de reporter les photos de demain matin ? On peut en faire sur les pistes, venez avec nous au ski en fin de semaine, on déjeunera avec toute l’équipe ! », propose Emmanuel.

At gone 11pm, Manu (as we took to calling him) exploded into the restaurant removing his apron. He threw us a “join me at the Sauvageonne, I'm going to have a drink with some friends!”. It was pitch dark and the snow was sticking fast to the road. We went up towards the bar-restaurant, with a club feel once evening comes. Manu was with two friends and we ordered a drink; “Eric, are you getting another one?”. Beside him was Eric Frechon, on a well deserved weekend break far from Bristol. Three stars each and over thirty years in the kitchen, that forms a bond. So two giants of French cuisine were settled at the bar and, of course, it was a chance to put the world to rights around the evolution of the industry. Quite naturally, a question came up that had already been nagging us for quite a while: how to last in the kitchen? The question is far from simple and notably arises with the appearance of a younger, less complicated cuisine. “Over the years, each of us has found our identity, our sensibility”, explains Eric Frechon. For Emmanuel, the passion for cooking came late. At the beginning it was first and foremost a necessity. In his younger days the chef was more interested in motorbiking than gastronomy, but one day he had to get down to work. It started getting late. “How about rescheduling the photos tomorrow morning? We can do them on the slopes. Come skiing with us at he end of the week, we're having lunch with the whole team!” suggested Emmanuel.

Ski et tartiflette sont le combo de cette journée. On retrouve toute la brigade à un restaurant d’altitude sur Rochebrune en empruntant les fameux « oeufs » de Megève. Les visages sont familiers, et pour cause, nombreux sont les gens présents depuis notre dernière visite, fait assez rare pour être souligné. Les gens qui travaillent aux Flocons semblent s’y plaire. Le matin, l’équipe ainsi que les trois enfants du chef s’étaient donné rendez-vous pour une course de ski. Une fois de retour au restaurant, Emmanuel distribue les prix et félicite une de ses filles qui figure parmi les finalistes. Autour de la table, les curieux se demandent ce qu’on fait là et tous ont un mot à dire sur le chef. On note chaque parole dans un carnet, juste à côté de ces plats qui nous ont ébloui. La douceur de la lotte du lac et brochet en biscuit, la finesse de sa polenta de 2mm, cèpe et jus de volaille parfumé au genièvre ou encore la gourmandise de son dessert sabayon aux noisettes présenté comme une toile délicatement poudrée. On vous promet d’être bouleversé, peut-être même d’y voir un brin de magie ; de goûter à une cuisine qui elle aussi a son caractère et de repartir à reculons tant la sensibilité d’Emmanuel Renaut aura su vous toucher.

Ski and tartiflette was the combo of the day. The whole gang was at a high-altitude restaurant on Rochebrune eating the famous Megève “œufs”. The faces were familiar, for a reason; unusually, many of the people had been there since our last visit. The people who work at Flocons seem to like it. The team and the chef's three children had arranged to meet in the morning for a ski race. Once back at the restaurant, Emmanuel handed out the prizes and congratulated one of his daughters who was among the finalists. Around the table, the curious wondered what we were doing there and everyone had something to say about the chef. Every word was written in a notebook, right beside these impressive dishes. The tenderness of the lake monkfish and pike en biscuit, the delicacy of the 2mm polenta, a cep and poultry sauce perfumed with juniper, and the indulgence of his hazelnut sabayon pudding, presented like a delicately powdered work of art. We promise you'll be bowled over, and you might even see a little magic. After tasting a cuisine as full of character as the chef, you'll be sure to leave reluctantly. Emmanuel Renaut's sensibility certainly makes an impact.


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Bison bison t e x t e s / w o r d s : HÉLÈNE ROCCO il l u s t r at i o n : l a ur a k ie n t z l e r

Pas besoin d’aller dans les prairies de l’Ouest américain pour se retrouver nez à nez avec un bison … Dans le massif du Beaufortain, au pied du Mont-Joly, Dominique Méridol élève ces bêtes à cornes depuis 1994. There is no need to go to the Prairie in the western United States to find yourself face to face with a buffalo. In the Beaufortain Mountains, in the foothills of Mount Joly, Dominique Méridol has been breeding these horned animals since 1994.

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On pourrait le reconnaître uniquement à son ombre, si singulière. De larges épaules, un corps trapu, une bosse sur le dos, une tête noire et basse, des cornes recourbées vers le haut et un arrière-train très mince. Le bison d’Amérique. Avec ses grands yeux sombres et ses larges narines, l’animal impressionne. Il faut dire que son 1,80 m au garrot et son corps d’une tonne font du bison bison l’un des mammifères les plus imposants du continent. Son cousin d’Europe, le bison bonasus, est plus élancé. Il possède des cornes plus longues et évolue surtout dans les forêts. À l’état sauvage, bisons et bisonnes d’Amérique vivent en petits groupes. Les mâles se déplacent en petites bandes tandis que les mères et les bisonneaux restent souvent par groupe de vingt. Pacifiques, ces animaux ne perdent pas de temps à se battre, sauf s’il s’agit de gagner le cœur d’une bisonne. Ils préfèrent passer leur journée à se rouler dans la boue, avant de se frotter contre des branches pour se nettoyer. Herbivores, ils broutent paisiblement jusqu’à la tombée de la nuit. Pour autant, ils savent être agiles et vifs lorsqu’il faut fuir un danger. Il y a deux siècles, l’animal fétiche des Indiens a failli disparaître. Un massacre pour se divertir, une chasse qui devient un sport. Alors que les Indiens veillent à ne jamais tuer plus de bisons que nécessaire, les colons, eux, n’ont pas cette délicatesse et en abattent des centaines de milliers. À la fin du 19ème siècle, pendant les guerres contre les Indiens, les Américains exterminent les bovidés sauvages afin d’affamer leurs ennemis. Buffalo Bill, ou « Bill le bison », raconte à qui veut l’entendre qu’en un an et demi, il en aurait tué 6400… Une loi sauve finalement cet animal en l’introduisant dans des parcs naturels aux États-Unis et au Canada. Aujourd’hui, en Europe comme en Amérique, on veille à la pro tection de cette espèce. Dans la région de Megève, Dominique Méridol, a choisi d’en élever une trentaine au pied du Mont Joly … Une fois adulte, cet amoureux de la «  vraie  » montagne, reprend l’exploitation familiale  : un élevage de bovins au domaine de la Sasse. Au bout de quelques mois, à cause du régime des quotas laitiers mis en place par l’Union Européenne pour stabiliser la production laitière, il est contraint de renoncer à ses vaches. Mais ce passionné n’a pas dit son dernier mot…

A buffalo is easily recognizable by its unique shadow characteristics: broad shoulders, stocky body with a bump on its back, low black head, two horns bent upwards, and very thin hindquarters. The American bison. With its big dark eyes and broad nostrils, this animal is impressive. One thing has to be said, standing at 1.80m at shoulder height and weighing in at one-ton makes the “bison bison” one of the most dignified mammals on the continent. Its cousin from Europe, the “bison bonasus”, is slimmer. It has longer horns and lives mostly in the forest. In the wild, American buffalos and heifers live in small groups. Buffalos move about in small herds while heifers and baby buffalo often stay in groups of twenty. These peace-loving animals do not waste their time with battles–unless it is in the pursuit of winning a heifer’s heart. They would rather spend their day rolling in the mud and rubbing themselves against branches to get clean. As herbivores by nature, they peacefully graze until nightfall. All of this being said, they still know how to be alert and nimble if danger is upon them. Two centuries ago, the Native Americans’ mascot animal almost disappeared. While the Native Americans took great care not to kill them, settlers were not so thoughtful. Buffalo hunting became dangerous sport and hundreds of thousands were massacred in the name of “fun.” In the end of the 19th century, during the wars against the American Indians, Americans exterminate the buffalo in order to starve out their enemies. Buffalo Bill, a famous American buffalo hunter, told whoever was willing to listen that he had killed 6,400 buffalo. Eventually, a law was drawn up to save the buffalo by introducing it into nature reserves in the United States and in Canada. Today, there is equal care for this species in Europe. In the surroundings of Megève, Dominique Méridol chose to breed around thirty buffalos in the foothills of Mount Joly... Once he reached adulthood, this mountain lover took over the family cattle-rearing on the domain of La Sasse. After a few months, he was forced to give up his cows, because of the European Union milk quota system put into action to stabilize milk production. But this enthusiast was not ready to give up just yet...


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Il part en Normandie avec une idée folle : acheter dix bisons des plaines, tout droit venus du Canada, et les élever au Domaine de la Sasse pour en obtenir de la viande. À l’époque, Dominique est le seul à y croire. Maîtriser la production de viande de l’élevage à l’assiette  ? Pour beaucoup, son projet relève du délire. Alors, il apprend, seul, à les abattre, à transporter la viande, à la conserver et à la cuisiner. Riche en protéines, pauvre en graisse et en cholestérol, cette viande est excellente au goût et à la santé. Le Megèvan aménage la ferme familiale en « restaurant », tout en bois, avec vue sur les écuries où se trouvent les purs sangs arabes qu’il élève. À 2500 mètres d’altitude, une trentaine de bisons du domaine gambadent et l’éleveur veille à les approcher le moins possible : plus les bêtes sont tranquilles, meilleure est la viande. Pour accéder au domaine, les clients ne peuvent pas compter sur leur voiture. Si les paresseux optent pour l’hélicoptère (400 euros tout de même), il est plus économique de parcourir à pied, pendant 30 minutes, la piste plutôt raide qui mène au domaine. Après tout, un repas gastronomique, ça se mérite ! Au menu du Domaine de la Sasse, on trouve du bison bien sûr, sous toutes ses formes possibles : saucisson, carpaccio, viande séchée, terrine  … Ouvert toute l’année, le restaurant ne fonctionne, cependant, que sur réservation pour des groupes de 6 à 30 personnes. Parmi ses clients figurent de grands chefs comme Guy Savoy : l’adresse est réputée à Megève et on se précipite pour déguster le bison dans des formules à 100 ou 120 euros. Pendant des années, l’ancien moniteur de ski abat cinq bisons par an, toujours au milieu de son domaine, les carcasses et les viscères étant trop difficiles à descendre dans la vallée. Mais en 2007, l’histoire se corse. Il se retrouve au tribunal de Bonneville. Les conditions d’abattage et de découpe des carcasses sont, notamment, mises en cause. Par manque de preuves, sans doute, Dominique n’est pas poursuivi. Quoiqu’il arrive avec la justice, ce cowboy un peu rebelle ne baissera pas les bras. Il a changé une fois d’activité, renoncé à ses vaches, et il s’est promis que cela n’arriverait plus jamais. À ce jour, les bisons paissent tranquillement dans les prairies : espérons que ni un nouveau procès, ni Buffalo Bill ne viendront les déloger…

Dominique went to Normandy with a wild idea: what if he bought ten plain buffalo, newly arrived from Canada, and bred them for their meat on the domain of La Sasse? At that time, he was the sole believer in this project. Mastering of meat production, from breeding to cooking? It was sheer madness. Despite these seemingly impossible efforts, he learned to slaughter his buffalos by himself, as well as carrying, conserving, and cooking the meat. The meat itself is rich in proteins, low in fat and cholesterol, and it is really tasty. Dominique converted his family farm into a restaurant, made of wood, with a view of the stables where his thoroughbred horses reside. Around thirty buffalo gambol on the domain, 2,500 meters above the sea level. The cattle breeder tries not to approach them too much–the quieter they are the better. To get to the domain, the clients cannot rely on their cars. The lazier ones will opt for the helicopter (400 euros), but it is cheaper to walk the rather steep path leading to the restaurant. After all, you have to do something special to eat such a gourmet meal! On the menu, you will find bison in all its forms: dry sausage, carpaccio, dried meat, terrine... The restaurant is open all year long but only welcome groups from 6 to 30 people by reservation. Among its clientele are several famous chefs, such as Guy Savoy. Le Domaine de la Sasse is renowned in Megève and people run there to taste buffalo from the 100 to 120 euro menus. For years Dominique (once a former ski instructor) slaughtered five buffalo a year on his domain, as carcasses and viscera are too heavy to convey to the valley. But in 2007, the plot thickened... Dominique found himself presented before the Bonneville court. The slaughtering conditions in particular, were called into question. Eventually he was not charged, due to a lack of evidence. No matter what happens with the law, this tenacious cowboy will not give up. He had to abandon his cattle under pressure once in the past. However, he promised himself it would never happen again. Today, his buffalo are peacefully grazing in the meadow. Let’s hope for no lawsuit, otherwise Buffalo Bill will come and oust them.. 122|123



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radieuse aurore r adieuse aurore de jack london p h o t o s : m. A t ond u

Parfois un chien gémissait ou hurlait en montrant les dents, mais la meute restait calme ; on entendait seulement le bruit des patins d’acier et le craquement du traineau sur la surface durcie  (...). Aucune brise. Au cœur des sapins qui bordaient les deux rives du fleuve, la sève s’était arrêtée. Les arbres, aux branches alourdies par la neige, semblaient pétrifiés. Le plus léger souffle aurait fait tomber la neige, et cependant la neige restait immobile. Le traîneau était le seul point vivant et mouvant de cette immensité solennelle, et les battements réguliers des patins aggravaient encore le silence (...). Hommes et chiens couraient. Occasionally a dog whined or snarled, but in the main the team kept silent. Only could be heard the sharp, jarring grate of the steel runners over the hard surface and the creak of the straining sled (...). No breath of wind blew. Nor did the sap move in the hearts of the spruce trees that forested the river banks on either hand. The trees, burdened with the last infinitesimal pennyweight of snow their branches could hold, stood in absolute petrifaction. The slightest tremor would have dislodged the snow, and no snow was dislodged. The sled was the one point of life and motion in the midst of the solemn quietude, and the harsh churn of its runners but emphasized the silence through which it moved (...). The men and dogs raced on. merc i à b run o c orn a l i p o ur c e t t e b el l e aven t ure

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FOOTSTE P S IN THE SNOW t e x t e s / word s : d. p il l u s t r at i o n : f r é d é r i q ue v e r nil l e t

L’hiver est le moment idéal pour suivre et comprendre l’itinéraire des animaux. De l’écureuil bondissant au renard balayant la neige de sa longue queue, cette période peut offrir un spectacle bien singulier. Partez en balade tôt le matin car si l’épaisseur de la neige accentue la visibilité des traces, le vent les efface vite. Winter is the ideal time to follow and understand the lives of animals. From the bounding squirrel to the fox sweeping its long tail in the snow, this period can offer unique sights. Even though deep snow highlights the visibility of tracks, they are quickly covered by the wind; so leave early in the morning for a ramble.

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MARMOTTE

La marmotte vit en altitude entre 1000 et 2500 mètres. Elle aime les alpages ensoleillés et reste toujours aux aguets pour éviter ses prédateurs. Dès qu’un prédateur approche, elle prévient ses semblables grâce à son sifflement strident. Bien que curieuse, elle passe beaucoup de temps dans son terrier où elle hiberne pendant six mois. Elle se déplace par bonds un peu comme le lapin.

choucas

Le choucas est une espèce d’oiseau proche du corbeau au plumage noir et gris. C’est un animal communicatif (voire bruyant) et très sociable. Certaines personnes réussissent même à les apprivoiser ; on appelle cela le phénomène de l’empreinte. Le choucas est omnivore et se nourrit de céréales, de fruits de légumes et d’insectes. Il passe ses nuits dans des arbres « dortoirs » parmi d’autres oiseaux qu’il accompagne en hiver en quête de nourriture. jac k daw

The jackdaw is a species of bird close to the crow with black and grey feathers. It is a communicative animal (loud, even) and very sociable. Some people even succeed in taming them; which is known as the imprinting phenomenon. The jackdaw is omnivorous and eats grains, fruit, vegetables and insects. It passes the night in ‘dormitory’ trees with other birds who join in its search of food.

MARMOT écureuil

L’écureuil vit le jour et se sert de sa longue queue qui fonctionne comme un parachute lorsqu’il saute de branches en branches. Dès la fin de l’été, il amasse des provisions (noisettes, pignons de pin, glands...) qu’il cache non loin de son habitat. Il revient chercher sa nourriture pendant l’hiver et les graines oubliées servent à la régénération de la forêt. Il se déplace par petits bonds légers et rapides, c’est pourquoi on ne remarque ses traces que sur les terrains souples ou après une chute de neige. s quirrel

The squirrel is active during the day and uses its long tail to act like a parachute as it jumps from branch to branch. From the end of summer, it gathers provisions (hazelnuts, pine kernels, acorns…) to be hidden not far from its dwelling place. It returns to find the food during winter, and the forgotten seeds help regenerate the forest. It moves about with quick, light little jumps, which is why its tracks are only noticeable on soft ground or after snowfall.

The marmot lives at an altitude between 1000 and 2500 meters. It likes sunny mountain pastures and always stays on the lookout to avoid predators. As soon as a predator comes near, it warns its companions with a piercing whistle. Though curious, it spends a great deal of time in its burrow where it hibernates for six months of the year. It moves about with jumps a little like a rabbit.


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RENARD

BELETTE

Bien qu’on la confonde parfois avec la belette, l’hermine est pourtant plus grande et sa queue se termine par un pinceau en poils noirs. En hiver, elle trouve refuge dans le creux d’un arbre ou une galerie de taupe et reste active nuit et jour. Elle se nourrit de petits oiseaux et de leurs oeufs, d’insectes ainsi que de fruits. L’hermine se déplace en petits bonds gracieux grâce à son corps mince qui lui donne une allure élégante. s t o at

Despite sometimes being confused with the weasel, the stoat is bigger and its tail is tipped with a mop of black fur. In winter, it shelters in tree hollows or mole tunnels and remains active day and night. It eats small birds and their eggs, insects and fruit. The stoat moves about with graceful little jumps due to its slim body, which gives it an elegant look.

Le renard est peu apprécié des fermiers puisque c’est un chapardeur qui n’hésite pas à voler les poules ou les lapins lorsqu’il doit subvenir aux besoins de ses cinq ou six renardeaux. En règle générale, il se nourrit surtout de mulots, de souris, ou même d’écrevisses. En hiver, le renard ne séjourne dans son terrier que pendant la période de reproduction et préfère rester dehors et dormir à la belle étoile. Contrairement à celle du chien, la marche du renard forme une piste régulière. fox

The fox is disliked by farmers for being a thief that does not refrain from stealing chickens or rabbits when she has to satisfy the needs of her five or six cubs. As a rule, the fox mostly eats field mice, mice and even crayfish. In winter, it only stays in its burrow during the reproduction period and prefers to stay outside, sleeping under the stars. Unlike that of the dog, the foxes’ pace leaves a regular track.

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h u n t e rs t e x t e s / word s : d. p p h o t o s : m. a T ond u

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Nous sommes assis dans la cuisine d’Arthur Forlin avec son ami Jacques Brunet. Arthur prépare du thé et pose un grand pot de miel sur la table en bois. On parle de Megève, de la nature et des couteaux qu’ils fabriquent dans leur atelier. La neige ne tombe plus depuis quelques jours et peine à accrocher aux arbres qui révèlent leurs couleurs.

We were sitting in Arthur Forlin’s kitchen along with his friend Jacques Brunet. Arthur prepared some tea and set down a big honeypot on the wooden table. We spoke of Megève, nature and the knives they make in their workshop. No snow had fallen for several days and it struggled to stay on the trees, now revealing their colours.

Arthur nous montre sa collection qui vient d’un peu partout dans le monde. « Ça, c’est un couteau du Mont Joly qui vient d’ici, on fait le manche avec de la corne de chamois », explique-t-il. Le rendu varie en fonction de la découpe du bois. Des manches en bois de renne, de cerf que les amis trouvent en forêt à la fin de l’hiver quand débute la mue. On peut aussi fabriquer des manches en bois d’écorce de bouleau, en ronce de bouleau ou de frêne ...

Arthur showed us his collection, which comes from all around the world. “That one’s a Mount Joly knife from right here. The handle is made from chamois horn”, he explained. The finish depends on the cut of the horn. There are handles in reindeer or stag antler, found by friends in the forest in late winter when the moult begins. Handles can also be made in birch bark, birch burl, or ash wood.


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Le métal est une partie primordiale avec la lame et la soie, qui est la partie cachée dans le manche, maintenue par des rivets. Pour ses couteaux, Arthur utilise de l’acier de récup’ comme des aciers chirurgicaux ou encore ceux provenants des anciennes remontées mécaniques. En tout cas, il n’utilise jamais d’inox et même si le métal a tendance à s’oxyder à force de couper des pommes par exemple, il suffit de le nettoyer de temps en temps pour qu’il soit comme neuf.

Metal, with the blade and tang (the part hidden inside the handle and held in place by rivets), forms an essential component. For his knives Arthur uses recuperated steel, such as surgical steel or even from old ski lifts. In any case he never uses stainless steel, and even though the metal tends to rust, by dint of cutting apples for example, a simple clean from time to time is enough to make it as good as new.

En plus de son atelier de menuiserie, Arthur s’est aussi construit une forge à côté de sa maison dans laquelle il chauffe au charbon pour permettre la soudure à chaud sur l’enclume. Il travaille l’acier moderne mais aussi le damas câble, une lame « feuilletée » qui demande beaucoup de temps. Cette technique nous vient directement des premiers forgerons de l’Âge de Fer, utilisée depuis plus de 3000 ans et confère au couteau un aspect unique. Arthur explique : « En Europe, tout nous vient d’Asie. Nous, au Moyen-Âge, on se battait contre les anglais avec des arcs en bois alors que les asiatiques avaient déjà des arcs en composite. C’est là que les Vikings ont piqué les meilleures techniques ».

Along with his woodwork studio Arthur has also built himself a blacksmiths next to his home, where he coal-fires in order to hot-weld on the anvil. He works with modern steel but also Damascus cable; a foliated blade that requires a great deal of time. This technique comes to us straight from the first Iron Age blacksmiths. It has been used for more that 3000 years and gives the knife a unique look. Arthur explained: “In Europe, everything comes from Asia. In the Middle Ages, we fought against the English with wooden arrows while the Asians already had composite arrows. That’s where the Vikings stole their best techniques from”.

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Anything goes: “One day my wife made an osso buco and I made this knife with the bone”. The material is smooth and pale. Arthur explained how bone can be engraved using the Scrimshaw method, which was originally used by whale hunters who would engrave drawings on the bones or teeth of the toothed whale and other narwhals who were unlucky enough to cross their path. The engraving is made with a needle, and then colour is added to the drawing with Chinese ink or lead pencil. It was Jacques who taught him to make knives; a true enthusiast: “I draw inspiration for my knives from the work of the Lapps, who have a great tradition in cutlery making. They often use reindeer antler for the handles of their knives. Incidentally, the Scandinavians also draw inspiration from this art. The Swedes are very talented". Scandinavian knives are trout-shaped, with a slightly rounded back. We studied the engraved illustrations, most often representing natural elements or animals, attentively. Each uses his own technique to make leather cases, the lot made by hand, “We always have a knife on our belts!”, Arthur said. We might have given him a bit of a funny look, given that a pair of tweezers is considered a weapon in certain airports, but we were a few meters from the forest and here knives are not weapons. “They are tools for us, so they do not represent a danger; there is nothing aggressive about it. There is no question of wandering about with a knife in town, but I use one here”, Arthur explained.

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Toutes les extravagances sont permises : « Un jour ma femme a fait un osso buco et j’ai fait ce couteau avec les os ». La matière est lisse et claire ; Arthur explique qu’on peut graver l’os en utilisant la technique du Scrimshaw. Cette dernière était à l’origine utilisée par les chasseurs de baleine qui gravaient des dessins sur les os ou les dents des cachalots et autres narvals qui avaient le malheur de tomber sur leur chemin. La gravure se fait à l’aiguille puis on donne de la couleur au dessin grâce à l’encre de Chine ou à la mine de plomb. C’est Jacques qui lui a appris à fabriquer des couteaux. Ce dernier est un vrai passionné : « Mes couteaux s’inspirent du travail des lapons qui ont une grande tradition coutelière. Ils utilisent souvent du bois de renne pour les manches de leurs couteaux. D’ailleurs les scandinaves s’inspirent eux aussi de cet art : les suédois sont très doués ». Les couteaux scandinaves doivent avoir la forme d’une truite avec le dos un peu bombé. On observe attentivement les illustrations gravées qui représentent le plus souvent des éléments de la nature ou encore des animaux. Chacun utilise sa propre technique pour confectionner des étuis en cuir, le tout fait à la main, « On a toujours un couteau à la ceinture ! », dit Arthur. On pourrait le regarder un peu de travers sachant qu’une pince à épilée peut être considérée comme une arme dans certains aéroports, mais nous sommes à quelques mètres de la forêt et ici, le couteau n’est pas une arme. « C’est un outil pour nous, donc ça ne représente pas un danger, il n’y a rien d’agressif là dedans. Il n’est pas question de se balader avec un couteau en ville, mais chez moi je m’en sers », explique Arthur.

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Les deux amis se sont rencontrÊs il y a une trentaine d'annÊes et ensemble, ils boivent de la sève de bouleau en fumant le cigare

The two friends met about thirty years ago and together, drinking birch sap while smoking a cigar, they talked of rain, sunshine

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Les deux amis se sont rencontrés il y a une trentaine d’années et ensemble, il boivent de la sève de bouleau en fumant le cigare tout en parlant de la pluie, du beau temps, et des problèmes que rencontrent les mégevans. En effet, Arthur Forlin est aussi connu comme un homme qui n’a pas sa langue dans sa poche. Ce dernier, en qualité de garde-chasse, n’hésite pas à taper du poing sur la table quand sa belle montagne est menacée. Avec la récente connexion faite entre deux domaines skiables, c’est toute une partie du Mont Joly qui s’est vu parsemée de remontées mécaniques et d’une nouvelle piste de ski. Le tourisme gagne encore du terrain au détriment de la nature puisque ces aménagements ont un impact considérable sur la faune et la flore. Compte tenu des milliers d’hectares déjà occupés par les pistes, la faune sauvage peine à se frayer un chemin entre les skieurs, les dameuses ou encore les câbles des remontées mécaniques. Comme il l’explique lui-même, les animaux ne savent plus où aller : on vous parle d’oiseaux de toutes sortes mais aussi de chamois et de chevreuils qui ne savent plus où trouver la paix pour hiverner. Dans un soupir, il ne manque pas de mentionner la part de responsabilité des touristes qui participent eux aussi au processus de pollution en jetant leurs mégots de cigarettes et autres emballages au pied des télésièges. Il y a des gens que l’on n’oublie pas, qui nous marquent par leur intelligence et leur générosité. Arthur et Jacques sont tous deux faits de ce bois-là et autour de cette table, en buvant ce thé fumant, ils nous ont promis de nous faire découvrir un jour ces montagnes qu’ils connaissent si bien.

The two friends met about thirty years ago and together, drinking birch sap while smoking a cigar, , and the problems faced by the people of Megève. Indeed, Arthur Forlin is also known as a man who is not afraid to speak his mind. As gamekeeper, he does not hold back from banging his fist on the table when his beautiful mountain is under threat. With the recently constructed connexion between two skiing areas, a whole swathe of Mount Joly is now strewn with ski lifts and a new ski piste. Tourism continues to gain ground to the detriment of nature, since these changes have a considerable impact on wildlife and plants. Considering the thousands of hectares already occupied by pistes, wildlife struggles to make its way between the skiers, snow groomers and ski lift cables. As he himself explained, the animals no longer know where to go. People talk of all sorts of birds, but there are also the chamois and deers who no longer know where to find the peace for hibernation. With a sigh, he did not forget to mention the share of responsibility lying with tourists, who, discarding their cigarette butts and other rubbish at the foot of ski lifts, also participate in the pollution process. There are people we do not forget, who touch us with their intelligence and generosity. Both Arthur and Jacques are made in this mould and around the table, drinking piping tea, they promised one day to show us the mountains they know so well.

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As well as being a cutlery maker, Arthur is also a gamekeeper. Hunting. There’s a controversial subject we took up the chance to broach. The pair hunt together, and despite standing firm in our position, Arthur and Jacques’ perspective merits thought. Both support honest, practical hunting. Selective hunting, in short, where old or even sick animals are targeted so as to maintain a healthy population. It has been a long time since wolves and large predators have been found in these forests, and the animals, being close to bovines (sometimes stuffed with antibiotics), are susceptible to contracting disease. Jacques hunts with a bow and arrow and tells himself that as such beast and tracker are equally armed. He also enjoys fishing, and has fished in Sweden, Finland and Norway for more than forty years.

RENCONTRE

En plus d’être coutelier, Arthur est aussi garde-chasse. La chasse. Voilà un sujet à controverse que nous n’avons pas manqué d’aborder. Les deux compagnons chassent ensemble et même si nous étions bien campés sur nos positions, les points de vue de Jacques et Arthur méritent réflexion. Tous deux défendent une chasse honnête et utile. Une chasse sélective en somme, c’est à dire celle qui vise les vieux animaux ou encore les animaux malades, afin de garder une population saine. Il y a longtemps qu’on ne trouve plus de loups ou de grands prédateurs dans ces forêts et en étant proches des bovidés (qui sont parfois gavés d’antibiotiques), ils sont susceptibles d’attraper des maladies. Jacques chasse à l’arc, il se dit que de cette manière, les bêtes et le traqueur sont à armes égales. Ce dernier aime également la pêche qu’il pratique en Suède, en Finlande ou encore en Norvège depuis plus de quarante ans.

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bo u l e à n e ig e p h o t o s  : m a r i e - a m é l i e t o n d u


02|03 SHOPPING

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a week IN MEGÈVE i l l u s t r a t i o n  : LAURÈNE BOGLIO


154|155 HUMEUR

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iPad

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L a G r a n d e Ep i c e r i e d e P a r i s

38 Rue de Sèvres, 75007 Paris 01 44 39 81 00

L ’H ô t e l

13 Rue des Beaux Arts, 75006 Paris 01 44 41 99 00

B o u t i q u e s HARRIS WILSON :

25 rue Beaurepaire 75010 Paris 01 75 44 05 95 112 rue Esquermoise 59800 Lille 03 20 74 18 60 96 avenue du Général de Gaulle 44500 La Baule 02 40 61 57 30 158|159


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