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eat & explore
société
Hiver 2O2O - Gratuit
Les céramiques de Judith Lasry 58 Le vin naturel 46 Rencontrer Mory Sacko 68 Destination Strasbourg 108
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DISPONIBLE SUR CHANEL.COM
La Ligne de CHANEL - Tél. 0 800 255 005 (appel gratuit depuis un poste fixe).
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Ours Mint Directrice des publications DÉBORAH PHAM
deborah@magazine-mint.fr
Opérations spéciales ADLANE DJIED
a.djied@magazine-mint.fr
Directrice artistique
INES MARIONNEAU
NOÉMIE CÉDILLE
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noemie.cedille@gmail.com
Graphiste AGATHE BOUDIN
agathe.boudin@gmail.com
Impression française
OLIVIER LEGA
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Conception et Distribution
MIGUEL COLMENERO
miguel.colmenero@magazine-mint.fr
Couverture
Dans un monde où les publications
Léa Boeglin
media fusent à tout-va,
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Bon Esprit se propose aujourd’hui
Développement ÉTIENNE CHOTEAU
etienne.choteau@magazine-mint.fr QUENTIN GUÉRIOT
quentin@magazine-mint.fr EMMANUEL BROCHEC
Communication et Promotion GUILLAUME LE GUIRIEC
ANTHONY SOLLINGER
RAPHAËL FERREIRA
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laetitia.muong@magazine-mint.com JULIETTE DEMOULIN
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de jouer les aiguilleurs.
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Un média Bon Esprit
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Mentions légales ISSN : 2742-1481. Dépôt légal à parution. Le magazine décline toute responsabilité quant aux sujets et photos qui lui sont envoyés. Les articles publiés n’engagent que la responsabilité de leurs auteurs. Tous droits de reproduction réservés pour tous pays. Aucun élément de cette revue ne peut être reproduit ni transmis d’aucune manière ni d’aucun moyen que ce soient, sans l’autorisation écrite des auteurs.
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édito
Édito Par Déborah Pham
Faire un numéro à Strasbourg nous trottait dans la tête depuis le commencement. Il faut dire que cette ville chérie est le berceau de la rencontre dont découlera le magazine que vous tenez entre vos mains. Strasbourg nous a offert une jeunesse heureuse faite de soirées arrosées au bord de l’Ill, de piques-niques bucoliques à l’Orangerie et d’interminables balades à vélo de la Cathédrale au Jardin botanique en passant par la Petite France. Il y avait alors un éditeur, Bruno Chibane, qui publiait notamment Zut et Novo, deux magazines gratuits qui s’intéressaient à la musique, à la ville et à la culture. Plus tard, j’ai rencontré l’ancien rédacteur en chef Emmanuel Abela, un journaliste à la culture musicale foisonnante avec qui j’ai eu la chance de travailler. Il y avait déjà Cécile Becker, une jeune journaliste qui après un passage à Paris, aux Inrocks, avait décidé de retrouver sa ville de cœur. J’ai toujours autant de passion pour sa plume. Privés de voyages cette année, nous avons profité de cette pause forcée pour imaginer ce city-guide avec Zut, c’est donc le meilleur connaisseur de la capitale européenne qui vous livre ses conseils. Profitez bien de ce voyage immobile et composez dès maintenant des jours meilleurs !
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Journalistes HÉLÈNE ROCCO est journaliste
lifestyle. Amoureuse des voyages, elle est aussi accro à la bonne cuisine et donnerait sa mère pour du fromage de brebis.
JULIE GERBET est slasheuse indépendante dans l’univers du manger, tantôt journaliste (Grazia), chroniqueuse (Le Fooding), auteure, cuisinière des fois et surtout podcasteuse (À Poêle).
ANOUCHKA CROCQFER est journaliste chez Mint Magazine. SIMON HOAREAU est Passée dans les colonnes de journaliste indépendant. Féru de L’Express Styles, du Parisien et de bonne cuisine, il écrit sur le cinéma Néon, elle arpente les rues de la et la photographie. capitale à la recherche des nouvelles Entre deux séances, il aime tendances lifestyle. déambuler dans les rues.
STÉPHANE MÉJANÈS est
une plume d'or en freelance. Omnivorien de la première heure, il est tombé dans la casserole après un festin sylvestre en Laponie. CÉCILE BECKER travaille pour
les magazines Zut et Novo, fait aussi de la radio et boit sans doute un peu trop.
STÉPHANIE THIRIET est journaliste de presse magazine. Elle aime flâner de projets en projets ou sur les routes de France et d’Europe.
Photographes LÉA BOEGLIN a grandi en Provence. Elle aime la simplicité la spontanéité et l’authenticité. Son univers est teinté d’intime, de poésie et de douceur.
TIPHAINE CARO est architecte.
Elle collectionne les vieux appareils-photos et aime saisir les moments du quotidien à l’argentique.
→ www.lea.boeglin.net
→ www.tiphainec.com
EDOUARD DE PELLEPORT,
PARIS SE QUEMA est un studio
photographe franco-britannique, travaille à l’argentique et se concentre sur les détails et les couleurs, tout en capturant la mélancolie de scènes du quotidien. → www.edphotographer.com
BASTIEN LATTANZIO est photographe de mode. Si ses souvenirs d’Italie s’imprimeront bientôt sur papier glacé dans un livre, ses clichés se retrouvent également dans M Le Monde et AD magazine. → www.bastienlattanzio.com
créatif fondé par Anaïs et Nicolas en 2014. Tour à tour set designers, photographes, graphistes et scénographes, leur mot d’ordre est d’être des couteaux-suisses. → www.paris-se-quema.com
PIERRE LUCET-PENATO est photographe. Les backstages des défilés et les cuisines des têtes toquées sont ses terrains de jeu favoris. Il travaille avec M Le Magazine ou encore Le Fooding. → www.pierrelucetpenato.com
Illustrateur•trice•s YUKIKO NORITAKE
ROCIO EGIO est illustratrice. Basée à Lausanne, elle utilise ses crayons pour apporter joie et légèreté au quotidien. La dyslexie est son super-pouvoir, la food sa passion.
est une illustratrice et artiste japonaise basée à Paris. Elle travaille principalement à la peinture acrylique sur divers types de papiers.
est illustratrice et vit à Paris. Elle travaille régulièrement avec la presse pour qui elle se plait à dessiner des gens, de la nourriture ou des scènes de vie.
LUCILE FARRONI
→ www.rocioegio.com
→ www.yukikonoritake.com
→ www.lucilefarroni.com
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Sommaire Le bon goût 10 American way of faith ? 30 société
Belvedere, au plus proche de la terre 38 la story
Un tacos du tac-au-tac 42 se taper…
In vino (naturali) veritas 46 rencontre
Les céramiques de Judith Lasry 58 artisanat
Mory Sacko, bouillon de cultures 68 rencontre
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sommaire
J'ai survécu au milieu des crocodiles 78 le jour où…
Péchés mignons 82 portfolio
Léa et Louis-Marie Fleuriot 88 family food
À table avec Andrea Petrini 94 à table
Early June 102 mode
Strasbourg et alentours 108 destination
Délices d’initiés 124 bonnes adresses
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le bon goรปt
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Textes Stéphanie Thiriet
Tendances
Sulo, puzzles graphiques
des ig n
Jamais le puzzle n’a été aussi cool que depuis qu’il est devenu un produit responsable 100 % français et qu’assembler ses pièces consiste à révéler une illustration contemporaine acidulée. Derrière cette remise au (bon) goût du jour, officie Jean-Baptiste Viot, initiateur de la marque Sulo, pour slow en japonais. Pour sa première collection en édition limitée, les dessins des illustrateurs Camille Deschiens, Simon Landrein, Louis Otis, Ana Popescu et Albert Tercero se divisent en 1000 pièces. → SULO - Se décline en cinq modèles, 35 € l’unité — sulo-puzzle.com
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le bon goût
tendances
L’Inspecteur Gadget dans les Prairies de Paris mode
Fondée en 1996 par Louis Ivanez, les Prairies de Paris étaient en suspens depuis 2015. Qu’à cela ne tienne ! Après avoir officié plusieurs saisons pour les Galeries Lafayettes, sa fille Laetitia ressuscite la maison familiale de prêt-à-porter. Avec en ligne de mire impers et vestes, toujours dans l’idée de déjouer les lignes géométriques des vêtements, l'enseigne compte distribuer ses collections limitées au fil de l’eau. Et là qui voilà ? Inspecteur Gadget ! C’est en revisitant son iconique imperméable, ici taillé au cordeau et accompagné d’accessoires, que les Prairies de Paris reverdissent. → Imper Gadget homme ou femme, à partir de 380 € — lesprairiesdeparis.com
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Les chroniques sensorielles d’Aesop
be auté
Filer en douce, et en douceur. Aesop invite à un voyage de l'esprit et des sens. Ses coffrets-cadeaux version hiver 2020, Légende d’Ailleurs, Voyage métaphysique, Rencontre à bord, Errance Enflammée et Périple au loin proposent une évasion par le pouvoir de l’imagination. Chacun d’eux, présenté dans une boîte biodégradable, comporte 2 à 4 soins pour la peau avec des actifs élaborés à partir de graines de persil ou de géranium. S’y ajoute une œuvre littéraire confidentielle, par un grand auteur, à télécharger sous forme de livre électronique ou de livre audio—histoire de parfaire l’escapade en découvrant de nouveaux horizons. → Coffret à partir de 50 € — aesop.com
Louise Bourgeois, un portrait intime
livre
Papesse de l’art contemporain, connue pour ses sculptures monumentales d’araignées, Louise Bourgeois a créé dans une démarche cathartique, expurgeant les douleurs de son enfance. Le photographe Jean-François Jaussaud la rencontre pour la première fois en 1994. Progressivement, il gagne sa confiance, et revient régulièrement la photographier à l'œuvre. Ses clichés réalisés dans l’atelier et la maison new-yorkaise de la plasticienne racontent son art et sa vie confondus. Dans une monographie, ils figurent aux côtés d’extraits de son journal quotidien et de ses notes. Un récit intime avec des documents visuels et textuels inédits. → Louise Bourgeois, femme maison - Jean-François Jaussaud, aux Éditions Albin Michel — 34,90 €
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le bon goût
Margaux Keller, entre design et artisanat
des ig n
La créatrice française propose un univers empreint de sensibilité. Dans la série 03, imaginée lors du premier confinement, elle esquisse des objets à partir du pin parasol à l’ombre duquel elle rêve de se reposer. Une table d’appoint, des bougies et une collection de verres colorés aux allures vintage sont inspirés de la forme de l’arbre et fabriqués de façon artisanale par des ateliers français et portugais. Pour Noël, la designer produit et architecte d’intérieur imagine des miroirs, tels des « bijoux » muraux, s’assemblant par paire, réalisés par une miroiterie de Marseille, où elle a posé des crayons et ses valises il y a 8 ans maintenant. → Série 03 à partir de 92 € — Série de miroirs Bijoux Bisoux, à partir de 160 € l’unité — www.margauxkellercollections.com
tendances
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Noyoco, basiques éthiques
mode
Minimaliste dans les lignes de ses vêtements comme pour ses procédés de fabrication, Noyoco propose un vestiaire mixte et souvent monochrome. Contraction de « no youth control » son nom en traduit l’aspiration : « La jeunesse n’a pas d’âge, la jeunesse a un esprit ». Ses intemporels élégants et confortables sont conçus pour traverser les époques et donner une allure moderne à tout âge. Une fabrication 100% européenne, l’usage de matières à faible impact environnemental et l’upcycling (notamment via la récupération de chutes de grandes maisons de couture) illustrent un souci du produire green quasi obsessionnel. → 9 Rue Commines, 75003 Paris — noyoco.com
Les fêtes de fin d’année tout en nature avec www.culinaries.fr
Produits frais en direct producteur - Épicerie fine d’exception Vins 100% naturels L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération
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Un drugstore dans la cuisine
Décryptag e
Dealers de concepts chargés en créativité, de nombreux acteurs de la foodosphère s’imprègnent désormais de la naturopathie et de médecines traditionnelles en invitant dans nos assiettes, plantes, baies et champignons aux vertus positives pour le corps et l’esprit. Texte Anouchka Crocqfer Photo Louise Skadhauge La vie sous champi peut aussi être synonyme de mode de vie healthy. Cordyceps, shiitaké, reishi, chaga… Leurs noms ne vous sont peut-être pas familiers, mais ces derniers se retrouvent dans d’innombrables remèdes de médecines traditionnelles chinoises et indiennes. Aux côtés de plantes, de racines, et de baies, ils appartiennent à la grande famille des adaptogènes. Un terme arrivé tardivement en France alors que la gelée royale ou encore le ginseng aux propriétés stimulantes reconnues en sont également. « Un adaptogène répond à trois critères. Il est non toxique et n’agit pas sur un organe en particulier, mais sur l’organisme dans sa globalité. Il l’aide à gérer le stress auquel il est confronté », explique Louise Skadhauge, créatrice de Maison Loüno qui nous introduit au concept d’homéostasie — l’équilibre intérieur. Sur sa boutique en ligne, elle propose une kyrielle de préparations saines ne concédant rien à la gourmandise. Les kits de préparation pour morgenbrød, pain noir danois aux graines, côtoient une ribambelle
de petits pots en verre aux noms évocateurs à l’instar du Magic Cocoa et du petit dernier, le Magic Matcha Latte. Loin de contenir de la poudre de perlimpinpin, ces derniers renferment de quoi s’envoyer un latte de compet’ pour partir du bon pied. Le premier associe l’amertume du cacao aux saveurs boisées du cordyceps ainsi qu’à celles légèrement maltées et caramélisées de la maca. « Proposer ces mélanges permet aux personnes n’ayant pas le temps de jouer aux alchimistes de bon matin d’avoir l’essentiel en une cuillerée à café. Certains appréhendent le goût des adaptogènes. Les associer de façon à ce qu’ils soient agréables permet d’intégrer la notion de plaisir qui est importante à la création d’un rituel », continue-t-elle. Si le cordyceps améliore l’oxygénation du sang, permettant ainsi une récupération physique plus rapide, le lion’s mane que l’on retrouve dans la préparation du matcha, est connu pour booster les fonctions cognitives et cérébrales, tout en favorisant la régénération des neurones. Idéal pour démarrer la journée.
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Surnommé crinière de lion pour son apparence touffue, ce champignon s’invite aussi dans la composition d’un dessert à la carte de Mesa, la table végétalienne de l’hôtel HOY à Paris. Ganache de chocolat au lion’s mane et mousse de fève tonka sur un lit de noix de pécan torréfiées avec émulsion au café… Une association des plus alléchantes imaginée par la toque britannique Lauren Lovatt, travaillant essentiellement autour du végétal. « Tous nos plats sont pensés en fonction de l’équilibre gustatif dans l’assiette et des apports bénéfiques de chaque ingrédient au corps et à l’esprit. On souhaite prouver qu’il est possible de se faire plaisir tout en se faisant du bien » avance-t-elle. La cheffe a mis à profit toutes ses connaissances des superaliments et des adaptogènes dans une approche holistique chère à cette antre du bien-être, passant autant par la méditation que par l’alimentation. « J’apprécie le pollen de pin riche en antioxydant ajouté à une à crème fraîche ou à une vinaigrette comme celle accompagnant nos golden potatoes », continue-t-elle. Récemment, c’est l’huile de CBD qu’elle a intégré à l’un des bowls. « Elle est peu concentrée donc assez neutre en goût, contrairement à d’autres plus herbacées, mais possède des vertus apaisantes ». Si l’on pourrait croire que ses propriétés anti-stress feraient du cannabidiol un adaptogène il n’en est rien. C’est un cannabinoïde, extrait du chanvre, agissant sur les récepteurs du système nerveux central, sans les effets psychotropes attribués à la Marie-Jeanne. À ingérer en quelques gouttes directement sur la langue — comme
le suggère la jeune marque Équilibre, proposant divers taux de concentration de CBD dans ses petites fioles, sa fleur se consomme également infusée. Dernières créations gourmandes en date, celles de la boulangerie parisienne Sain l’ayant introduite à ses préparations pâtissières. Cool-choux crème chantilly au CBD orange bud entourant un cœur à la crème de marron ; ainsi que la barre choco-relax avec ganache aux deux chocolats rehaussée des notes fruitées d’agrumes de la même plante. Un petit bout de paradis loin d’être artificiel, arrivant à point nommé pendant le second confinement. • → Préparations adaptogènes en vente chez Maison Loüno — maisonlouno.com → Huile de cannabidiol en vente chez Équilibre — equilibre-cbd.com → HOY, 68, rue des Martyrs, Paris 9e — hoyparis.com → Sain, 13, rue Marie et Louise, Paris 10e — sain-boulangerie.com
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ciel
À
ouvert Sélection, set design et photos
Paris se quema
Page de gauche : Lunettes WAITING FOR THE SUN, Pied en porcelaine SELETTI chez Fleux, Bougeoir escalier HK LIVING chez Fleux Page de droite : Oreille en porcelaine SELETTI chez Fleux, Complément à base de plantes adaptogènes HYGÉE, Horloge BRAUN
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le bon goût
shopping
Page de gauche : Boîte coquillage LOS OBJETOS DECORATIVOS, Broyeur à épices DESIGN HOUSE STOCKHOLM chez Fleux, Foulard en soie DÉJÀ-VU Page de droite : Pomme Tatin CÉDRIC GROLET / LE MEURICE, Corbeille en grès SOLENNE BELLOIR
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Page de gauche : Bougie LEX POTT, Tagliatelles PÂTES FABRE Page de droite : Chaussure CAMPER LAB, Oeil en porcelaine SELETTI chez Fleux, Cône porte-photo HK LIVING chez Fleux
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eat & explore
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« Voyage au cœur des excentricités de la foi aux États-Unis ». Le sous-titre de l’ouvrage In God We Trust, paru le 8 octobre aux éditions Pyramyd et Revelatœr, a le mérite d’afficher la couleur. Durant presque quatre années (dont une d'investigation), son auteur Cyril Abad, photographe indépendant installé à Paris, a sillonné l'Amérique, de la Floride à la Virginie, pour immortaliser les nouvelles offres religieuses qui dominent le marché de la foi. Du Cross Bike de John, fervent croyant sillonnant le Maryland, à Ark Encounter, parc d'attractions créationniste dans le Kentucky, le résultat réunit sept reportages. Sept portraits aussi cocasses que révélateurs d'une Amérique en proie à ses paradoxes.
American Way
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eat & explore
société
Jésus est l'une des stars du parc à thème Holy Land Expérience, situé à Orlando (Floride)
of Faith ?
Texte Simon Hoareau Photos Cyril Abad
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Fervent chrétien, John ajuste son vélo « Cross Bike » et s'apprête à arpenter la promenade de Ocean City. Son objectif ? Rencontrer des jeunes pour les mettre en garde contre les dérives de la fête (alcool, drogues...).
L'arrivée des paroissiens naturistes pour le premier service du dimanche, ayant lieu dans la chapelle de l'église White Tail.
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« Les photos de Cyril nous montrent que l'absurde est souvent un vernis sous lequel se cache un profond désespoir », confie l'écrivain Douglas Kennedy dans la préface d'In God We Trust, après avoir dressé une brève histoire de la religion aux États-Unis. Une introduction qui, en quelque sorte, boucle la boucle, puisque c'est son ouvrage Au pays de Dieu (Éd. Belfond, 1989) – un récit de voyage dans lequel il narre son périple effectué dans la Bible Belt (« Ceinture de la Bible »), au cœur des États du Sud des USA – qui est à l'origine de l'enquête (et de la quête) de Cyril Abad. « Lorsque j'ai relu le récit de Douglas Kennedy, en 2016, je me suis dit que le sujet serait une bonne idée de reportage », explique ce dernier. Près de six mois après l'élection de Trump (l'homme qui murmure à l'oreille des chrétiens conservateurs), le photographe, armé de son appareil numérique, part alors marcher sur les pas de l'auteur américain. Mais une fois sur place, un premier constat s'impose : la Bible Belt explorée par Kennedy a bien changé. Sur les sentiers bénis de la « Ceinture de la Bible » « Certaines rencontres ne correspondaient pas forcément à ce que je recherchais visuellement. Mais surtout, l'offre religieuse avait été profondément bouleversée », explique le reporter. Depuis leur apparition, au cours des années 1960, les télévangélistes – contraction de « télévision » et « évangéliste » – ont conquis une audience toujours plus fidèle, au fil de leurs émissions télévisées religieuses. À ces prêcheurs d'un nouveau genre sont venues s'ajouter, dans les années 1980, des églises protestantes
eat & explore
société
– les megachurches – pouvant accueillir plus de 2000 croyants. Depuis plus de quinze ans, ces deux modèles du conservatisme chrétien ont connu des destins divers. « Certaines églises n'étaient plus en activité, d'autres en procès, d'autres encore réfugiées dans des paradis fiscaux ». Quant aux autres, elles ont progressivement cédé la chaire à l'émergence de nouvelles spécificités, plus originales et singulières. La raison ? Une convergence de facteurs sociaux et sociétaux qui ont conforté la division de la société américaine : la montée du pluralisme culturel, le discrédit des autorités, le désenclavement du Sud… En miroir à ces mutations, un sondage Gallup de 2017 a mis en évidence le nombre croissant de chrétiens-protestants non-dénominationnels (autrement dit, sans étiquette) aux États-Unis. « Contrairement aux télévangélistes, les nouvelles formes protestantes de la religion ont cerné cette opportunité que représentent ces nouvelles niches de marché ». Parmi ces nouveaux prospects de la religion, les athées. Aux États-(Dés)unis, l'appartenance à un groupe particulier est « un gage de moralité », révèle le photographe. « Il faut savoir qu'en révélant leur non-appartenance, les athées peuvent risquer de perdre leur emploi, dans certains états du Sud, par exemple. Rejoindre une église est donc un moyen d'éviter les commérages ». Mais à quoi peut donc ressembler une église pour athées, tant l'expression peut paraître antinomique ? « C'est un lieu de célébration de la vie. Ici, les sermons sont des conseils ou des phrases de coaching », décrit Abad qui distingue deux courants :
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d'un côté, les institutions animées par des intentions prosélytes, d'un autre, l'émergence d'une vraie mouvance célébrationnelle destinée à des groupes plus spécifiques. Depuis les années 1950, la religiosité aux États-Unis n'a eu de cesse de s’imbriquer dans la sphère civile, de l'adoption de la devise officielle ('In God We Trust') – jusqu'à figurer sur tous les billets de banque –, au Serment d'allégeance au drapeau américain ('One Nation Under God'). Le jaillissement de ces nouvelles communautés ne fait alors que moderniser la relation bien étroite qui unit la religion et l’American Way of Life. God's Business : in Capitalism We Trust ? Pour attirer de nouveaux fidèles, ces églises vont ainsi déployer des stratégies marketing. À l'image de la Seacoast Church, une megachurch non-confessionnelle en Caroline du Sud. À ce sujet, Abad détaille : « Il s'agit d'un centre commercial évangélique où les offices sont retranscrits sur écran. Il y a des applications pour payer la quête, et on y trouve tout un dispositif de merchandising ». D'autres institutions vont directement s'implanter dans des zones d'activités avec des pôles communication et marketing. Au fil de ses recherches, l’auteur échantillonne ses autres sujets pour leurs spécificités. Trônant sur la pelouse d'un ancien cinéma de plein air, la « drive-in church » du pasteur Bob, à Daytona Beach (en Floride), accueille les paroissiens en extérieur, dont la plupart se présentent à bord de leur voiture. Abad résume : « C'est une manière de trancher avec les règles vestimentaires qu'imposent les églises traditionnelles.
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société
La reconstitution de la crucifixion de Jésus Christ est l'un des spectacles joués au sein de Holy Land Experience, parc d'attractions situé à Orlando (Floride)
« Pour attirer de nouveaux fidèles, ces églises déploient des stratégies marketing. Sur la pelouse d'un ancien cinéma en plein air, la 'drive-in church' du pasteur Bob accueille les paroissiens en extérieur. »
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Les surfeurs peuvent venir en combinaison, d'autres paroissiens avec leurs animaux… C'est comme au McDonald's : les gens viennent comme ils sont ! » Si certaines églises misent sur la notion d'accessibilité, d'autres font parler d'elles pour leur dimension financière. C'est le cas de Holy Land Experience (« L'Expérience de la Terre Sainte »), parc d'attractions basé à Orlando (Floride) et conçu par Trinity Broadcasting Network, la plus grande chaîne de télévision religieuse du pays. Sur plus de six hectares, la structure propose aux visiteurs une expérience unique de la foi, entre spectacles et reconstitution de la vieille Jérusalem. En dépit de ses décors de carton-pâte, le parc est reconnu comme une institution religieuse. Un statut qui lui permet de bénéficier d'une exonération fiscale, comme tout autre lieu de culte aux États-Unis. Le cas d'Ark Encounter, parc à thème situé à Williamstown dans le Kentucky, est plus délicat. Au sein d'une immense reconstitution de l'arche de Noé, Answers in Genesis, une organisation chrétienne évangélique fondamentaliste, met à la disposition des visiteurs, infographies, fresques et autres animatroniques (ici, des maquettes robotisées d’animaux et de dinosaures qui, selon les affirmations des créationnistes, auraient partagé l’arche de Noé) illustrant allègrement les thèses du créationnisme Jeune-Terre. « En plus d'un public familial, qui vient essentiellement des États de la Bible Belt, le parc invite aussi de nombreux universitaires et écoles religieuses. C'est une véritable entreprise de brainwashing », raconte Abad. Trouver la bonne distance Face à la complexité d'un tel sujet, l'enjeu pour Cyril Abad était d'arriver à saisir
les singularités et les disparités. Celui-ci raconte alors que la photographie de rue lui a permis de porter un regard toujours décalé sur les situations. « Il a fallu trouver la bonne distance, entre empathie et inventaire des lieux. Mon seul parti-pris était de réaliser des photos cocasses ». Le résultat ? Des images insolites qui ne trahissent pourtant aucun jugement de valeur. Car même si le Français reconnaît avoir eu une certaine défiance lors de quelques reportages, rien n’aurait été possible sans avoir pris le temps d’instaurer une vraie relation de confiance. En témoigne son incursion au sein de l'église White Tail (reconnue par le gouvernement), où pasteurs et paroissiens viennent se recueillir en tenue d'Adam et Ève. « Au départ, les deux pasteurs étaient d'accord pour que je réalise mon reportage photo, à l'intérieur de la chapelle. Mais le jour de mon arrivée, un paroissien a refusé ma présence. Pour me faire accepter, j'ai dû aussi me mettre nu », relate le photographe, amusé, qui a aussi dû faire face à des refus catégoriques et définitifs. Mais la plupart du temps, il a su rassurer ses interlocuteurs, notamment grâce à son CV. « Quand ils ont vu que j'avais collaboré, par le passé, avec la presse chrétienne française, comme La Vie, La Croix ou Le Pèlerin, ils ont compris que je n'étais pas dans une démarche de critique ou de dérision ». Des expériences qui l'ont sûrement aidé à montrer patte blanche pour l'un de ses projets ultérieurs : un reportage immersif au sein des pentecôtistes extrémistes américains – dont la plupart se revendiquent pro-Trump – dans la région des Appalaches. • → In God We Trust de Cyril ABAD, coédition Pyramyd éditions et Revelatoer, octobre 2020, 176 pages — www.cyrilabad.com — @cyrilabad
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société
Au balcon de sa « drive-in-church », le pasteur Bob lève le calice face à des paroissiens venus en voiture pour assister à son service.
La « Tiny Mobile Church » est une église itinérante et non-confessionnelle, initiée par Bill Malbon. Elle parcourt la Virginie pour notamment y proposer des mariages et des célébrations à bas prix.
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Belvedere, au plus proche de la terre En collaboration avec Belvedere Vodka
Fermons les yeux un instant. Imaginons le craquement d’un glaçon au contact du liquide cristallin s’écoulant dans notre verre. Servie « on the rocks », ou frappée, c’est ainsi que s’apprécie historiquement la vodka — 'petite eau' en russe. Un surnom bien croquignolet marqueur d’affection pour ce spiritueux de caractère, érigé au rang de boisson nationale en Pologne. On s’envole chez nos voisins d’Europe de l’Est, à 45 kilomètres de Varsovie, à la découverte d’une distillerie pas comme les autres. À base de seigle de Pologne & eau purifiée, distillés au feu, cette vodka tient une formule bien à elle. Ajoutez à cela, l’expertise du savoir-faire artisanal de l’Homme, et vous voilà en possession du secret bien gardé de la vodka polonaise Belvedere, qui dévoile sa plateforme « Made With Nature* ». C’est entre les vieilles pierres d’une bâtisse ayant résisté à deux guerres mondiales que l’on retrouve son cœur battant, la distillerie Polmos Zyrardów. Érigée en 1910, cette dernière a vu passer plusieurs générations de maîtres distillateurs puiser leur maestria dans plus de 600 ans d’histoire d’élaboration
de petite eau à partir d’un simple grain de céréale. L’or des champs travaillé ici par les experts de Belvedere n’est autre que le seigle de Pologne. Provenant de huit sources agricoles polonaises locales, la céréale confère aux créations de la maison des arômes nuancés et ce caractère, loin de la neutralité que l’on associe généralement à la vodka. Il faut dire que Dame Nature a été généreuse avec ce pays, jouissant de sols propices aux abondantes moissons de cette dernière malgré des températures hivernales extrêmes.
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Photo Paris se quema
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Une ode aux éléments
À l’aune des défis environnementaux
C’est une nouvelle fois l’alliance des fruits de la terre, de l’eau — tirée des puits situés sur le domaine avant d’être purifiée — ainsi que du feu, qui donneront naissance au dernier flacon né de la distillerie. Baptisée Belvedere Heritage 176, cette création s’inspire directement d’une ancienne méthode de maltage traditionnelle du seigle.
Si dans le domaine de l’œnologie la viticulture biologique, et biodynamique, continue de gagner du terrain, dans celui des spiritueux, la volonté d’un retour à une terre exempte de tout pesticide, et travaillée dans le respect de la nature, devient primordiale. Tel que l’explique Rodney Williams à la tête de Belvedere, « aucun additif autre que l’eau ne peut être ajouté à notre vodka ». Un critère essentiel à l’obtention de l’appellation Polish Vodka détenue depuis sa création. C’est ainsi que la maison Belvedere, poursuivant sa transition vers une culture de seigle vertueuse, confirme ses engagements en matière de développement durable : des innovations bio à partir de 2021 jusqu’à la biomasse capturée à partir des déchets de production et de la chaleur récupérée qui permettront à terme de générer suffisamment d’énergie verte pour autoalimenter l’usine de production et en fournir aux entreprises voisines. Tenant à entretenir un lien fort avec ses traditions autant qu’avec la communauté polonaise, elle a également co-créé la Fondation pour la Protection de l’Environnement Local. Une action faisant la part belle au collectif à laquelle nous pouvons trinquer. Na zdrowie !
Une fois récolté et trié, ce dernier est humidifié afin de lancer sa germination. Cette étape va permettre aux grains de produire l’amidon nécessaire à la production d’alcool. Le processus est ensuite arrêté par la chaleur avec un passage au four à 80°C — soit 176° Fahrenheit, chiffre clé ayant donné son nom à ce spiritueux à la typicité particulière. Reprenons notre verre et fermons les yeux de nouveau. Bercé par le tintement du glaçon contre les parois en cristal, on se laisse cueillir par la subtilité des notes de miel et de noix. Juste derrière arrivent celles plus complexes du piment de la Jamaïque, cette baie douce et parfumée aux arômes de cannelle, de muscade et de clou de girofle. Étonnant, n’est-ce pas ?
*Créée avec la nature : Seigle de Pologne et eau purifiée, distillés au feu. L’abus d’alcool est dangereux pour la santé à consommer avec modération.
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se taper…
SE TAPER UN TACOS DU TAC AU-TAC Texte Stéphane Méjanès Illustration Rocio Egio
La faim est-elle un prétexte suffisant pour se précipiter dans un fast-food mexicanisant ? Se taper un tacos dans une chaîne de restaurants franco-belge, est-ce bien raisonnable ? La question, elle est vite répondue.
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« Je vis dans une bulle où les restaurants sont tous locavores, anti-gaspi et zéro déchet (...) : autant dire que la chaine O'Tacos, c'est Lucifer, Donald Trump et Marco Materazzi réunis. »
« Un critique gastronomique doit-il être prêt à toutes les expériences » ? C’est la question que j’ai posée un samedi de novembre sur Facebook (oui, je suis un vieux journaliste, je fréquente les réseaux sociaux de la Préhistoire). Le tout assorti d’une photo de mon repas du jour, en direct de chez O’Tacos : chicken cheesy curry XL, cheese nuggets jalapeno x 4, frites cheddar lardons. En commentaires, j’ai reçu autant de moqueries que de « oui bien sûr », mais aussi quelques messages d’encouragement, comme si j’étais un gladiateur déclamant un tonitruant « morituri te salutant ». Rien de surprenant, je vis dans une bulle où les restaurants sont tous locavores, antigaspi et zéro déchet, tenus par des chef.fe.s engagé.e.s qui cuisinent avec des tomates de semences paysannes, des poulets élevés en plein air, des légumes racines bio, et vous servent du vin biodynamique aux notes de bouse de vache. Autant dire que la chaîne O’Tacos, c’est Lucifer, Donald Trump et Marco Materazzi réunis. Mais moi, je suis plutôt du côté de François Simon qui, à la question de savoir si l’on peut fréquenter et le Ritz et Quick, répond ceci : « y a intérêt, sinon on ne comprend rien à ce qui se passe, et Dieu sait s’il se passe beaucoup de choses aujourd’hui, parce que tout l’alphabet a été déconstruit » (La Grande Table idées, France Culture 2018). Et puis, surtout, c’était une suggestion appuyée de notre chère rédactrice en chef, et je suis un bon soldat. Un fantassin qui vit à la campagne, cependant, hors de portée des plateformes gloutonnes en commissions et dévoreuses de livreurs esclavagisés. Il y a bien une appli qui opère dans un rayon de 30 km autour de chez moi, mais ça doublait le prix de la commande. Un peu Harpagon, j’ai
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donc pris ma petite auto, ma petite volonté de sortir, ma petite attestation de déplacement professionnel, direction la franchise la plus proche, à Rambouillet. Empreinte carbone moyenne mais facilité déconcertante pour se garer dans une artère quasi déserte, merci le coronavirus. O’Tacos, comme ni son nom ni sa spécialité ne l’indiquent, est une entreprise co-fondée en France en 2007 par Patrick Pelonero et Silman Traoré, un plaquiste et un ingénieur (no offence), absorbée en 2018 par un fonds d’investissement belge, Kharis Capital, et présente dans quatre pays avec près de 250 restaurants. Tout est normé, chaque point de vente ressemble à un autre mais, ce jour-là, gestes barrières obligent, le code a changé. L’endroit est désert et, pour accéder au comptoir, il faut suivre un chemin labyrinthique délimité par des rubans façon « murder crime scene », comme dans un épisode de « NCIS : enquêtes spéciales ». J’aurais dû me méfier. Accueil charmant, mon sac est déjà prêt, j’ai payé en ligne, tout ça m’a pris 45 secondes. Je commence à culpabiliser pour cet aller-retour chignoleur d’ozone. Première opération, l’unboxing, comme disent les YouTubeurs high-tech. Emballages en papier et en carton. Recyclables ? On ne sait pas trop. Quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup. Je sors l’objet du désir, aïe ! un morceau reste attaché au contenant. La « farce » – je ne sais pas trop comment appeler ce conglomérat de tenders (bâtonnets) de poulet, sauce curry et gouda – menace de se faire la malle. Un trou dans le tacos, je proposerai le titre aux héritiers de San Antonio. Mais le plus déstabilisant, c’est d’avoir devant soi une sorte
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se taper…
de coussinet replet et pas, comme sur les belles photos de vos amis en vacances à Guadalajara, une galette dorée à peine repliée sur une appétissante préparation de viande et de légumes colorés, agrémentée de ravissantes petites herbes. On est plutôt sur un colis DHL mal dégrossi, sur lequel on aurait oublié deux boules de mozzarella aplaties dans le transport. 16 x 12 x 4 cm, je l’ai mesuré, c’est la taille de mon XL. Quant aux frites, elles ne sont clairement pas cuites, blanchâtres et récemment évacuées du congélateur, presque sans passer par la case bac à huile. Du cheddar fondu et quelques lardons sommairement grillés cachent la misère. Il n’y a guère que les nuggets pour vous faire de l'œil. Confirmation en bouche, après réchauffe au four, ce cromesqui aztèque est croustillant et moelleux à la fois, j’aime son cœur coulant de cheddar et le piquant fruité du jalapeno. J’aurais dû en prendre 12. Épicétou. Le tacos mastoc n’a aucun intérêt, un emplâtre où le curry ne parvient jamais à atténuer la fadeur du poulet pourtant cuit correctement, le cheddar n’apportant que la touche de gras à l’ensemble. Le gras, c’est la vie, certes, mais pas n’importe quel gras. Les frites ? Quelles frites ? Ah, là-bas, dans la poubelle. Je déconseille aussi de manger le tacos en deux fois, le lendemain, c’est bien pire. Mon estomac a tenu, c’est la seule consolation. Le plus triste, c’est que François Simon n’a pas toujours raison. Mais bon, au royaume du tacos standardisé, il restera mon sombre héros. •
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o n i In v ali) r u t (na s a t i ver Texte Déborah Pham Photos Tiphaine Caro
Est-il encore possible d’ouvrir une cave, un restaurant ou une épicerie sans y vendre des vins naturels ? Depuis cinq ans, ce qui était un plaisir de niche destiné à une poignée de fins connaisseurs s’est démultiplié. Le vin naturel ne se limite plus aux caves et aux restaurants, on le trouve sur les réseaux sociaux, les T-shirts, les applications mobiles et surtout au cœur de conversations, chez les amateurs comme chez les néophytes. Du vin nature, nous avons souhaité faire un état des lieux, nous souvenir des prémices avec les vignerons à l’origine du mouvement puis de la diffusion initiée par des figures de proue de la restauration. Pour en parler nous avons décidé de lever le coude avec Philippe Pinoteau dit Pinuche et Ewen Le Moigne. Restaurateur et sommelier prennent ensemble de la hauteur pour nous raconter comment ils ont rencontré ces vins et surtout comment c’était, avant.
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DÊgustation de vins et de saucisson durant l’interview.
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« Mais qu’est-ce qu’ils avaient dans le crâne pour avoir l’idée de domestiquer cette plante et de penser à en faire une boisson petit à petit… Pour moi c’est absolument magique, je suis aussi idiot avec ça que quand de la musique sort d’un haut-parleur, je suis comme un gosse, estomaqué », s’exclame Philippe Pinoteau. Restaurateur et surtout fanatique de vin. Nous sommes à la Cave des Papilles récemment reprise par Ewen Le Moigne, cofondateur et sommelier de feu Saturne et du Clown bar, connu pour avoir créé la plus belle cave à vins naturels de Paris, voire de France. Ewen sort quelques bouteilles et en débouche une première, puis une seconde… « Ah c’est pas aimable… Y’a rien qui goûte aujourd’hui. » Dommage, nous sommes le 19 novembre et l’on fête aujourd’hui le beaujolais nouveau. Fêter est un bien grand mot. Tandis que certains qualifient pudiquement cette période de « particulière », d’autres mettront carrément les pieds dans le plat. Toutefois l’heure n’est pas à la morosité, mais à la dégustation. La bouteille se déverse dans le verre de Philippe qui le porte à son nez. « Il y a un peu de volatile… Ça me dérange un petit peu mais ça sent bon, ça ne sent pas le réduit… La volatile excite un peu le côté floral. » Nous dégustons un Riesling de Christophe Lindenlaub installé en Alsace, un vin naturel, il va sans dire.
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Le terme de « vin naturel » se réfère au retour à la terre entamé par un groupe de vignerons indépendants qui ensemble décidèrent de faire feu de tout bois pour revenir à des méthodes plus vertueuses. Une dénomination qui peut sembler ambigüe puisque le vin est le fruit d’une des plus anciennes domestication de la vitis vinifera (la vigne à vin, ndlr), d’échanges de plantes et surtout de savoir-faire. Il y a donc là-dedans pas grand chose de naturel, sans compter qu’à l’état sauvage et sans intervention humaine, la vigne ne produit pas de vin. Le vin intéresse Philippe depuis longtemps, pour lui c’est même une métaphore paternelle puisque son père travaillait dans la restauration : « J’étais très intrigué par le cérémonial autour du vin quand j’étais gosse. Ça me paraissait mystérieux, tout le monde en parlait et y prêtait attention. Ainsi vers 12 ou 13 ans, je goûtais parfois les fonds de bouteille pour essayer de comprendre et je n’y comprenais rien. Mon père faisait office de maître d’hôtel et de sommelier dans un établissement. En fait il n’avait aucun goût pour le vin, ce qu’il aimait c’était plutôt cette espèce de cérémonie sociale : parler du vin, de sa couleur, dire que le meilleur c’est celui-là... D’ailleurs au début, je répétais bêtement que les meilleurs vins du monde étaient les vins de Bordeaux ! Ce que je ne crois plus du tout aujourd’hui », s’amuse-t-il.
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dans des restaurants où le choix des vins reste purement formel. Philippe rencontre Raquel en 91 au Bistrot-Cave des Envierges : « Il était 16h, je faisais une course pour Nadine et je me suis installé au comptoir pour boire un verre. Une femme entre, on discute et je m’aperçois qu’elle connait Nadine. Elle me demande « Vous buvez un verre ? », je réponds « Oui, je bois un verre ». Avant de partir, je demande combien je dois et la femme me lance « Non, c’est moi qui vous ai invité. » J’étais un peu étonné car ce n'est pas tout le temps qu’un garçon soit au comptoir et qu’une fille arrive et lui paye un coup à boire. Voilà que cette femme s’en va et que Nadine me demande étonnée « Mais tu ne connais pas Raquel ? Tu ne connais pas le Baratin ? » C’est comme ça que je suis allé au Baratin et je n’en suis Cette curiosité l’amène très tôt à fréquenter jamais reparti. les cavistes et les bistrots dits « à vin » à Paris, Si l’on s’attarde sur la genèse, c’est que le Baratin a eu son rôle à jouer puisqu’il a dès le début des années 70. Philippe visite de nombreux bistrots dont celui de François été un des principaux relais de diffusion. Le restaurant a ouvert en 1987 avec Raquel Morel, autre figure du vin en France. « J’ai découvert le Bistrot Cave des Envierges Carena et Olivier Camus. Philippe les rejoint dans le 20ème arrondissement de Paris. et devient rapidement Pinuche. À cette En cuisine il y avait Nadine Manzoni époque, l'adresse est déjà un haut lieu et François officiait en salle. C’est ici que du vin nature et un point de ralliement pour bon nombre de vignerons. j’ai découvert les vins qu’on allait appeler C’est comme ça qu’il fait la connaissance « natures ». Tout cela démarrait à peine mais de la figure de proue Marcel Lapierre, François, qui est une sorte d’encyclopédie du vin et du vignoble, avait un intérêt « Il disait souvent ‘Je suis venu avec trop pour les vignerons indépendants, les petites de vin pour être sûr d’en avoir assez’ » exploitations et plus généralement ceux s’amuse-t-il. Ainsi, défendre ces vins devient qui se posaient la question de faire les choses une affaire engagée, sinon militante. Dans les années 90, les bistrots forment différemment. J’ai trouvé là un foyer, une animation qui m’a beaucoup plu et un groupe très discuté dans une atmosphère m’a même constitué, il faut dire que j’étais festive et généreuse. Philippe se souvient : un des clients les plus assidus. Peu de temps « Tout était partagé, il n’y avait jamais de après, j’ai connu le Baratin, j’ai connu question d’argent. Aujourd’hui, on parlerait Raquel Carena et nous voilà aujourd’hui d’ambiance conviviale mais c’était plus avec des cheveux blancs » se souvient Philippe. que ça. C’était une vraie fraternité À l’époque, il est coursier et travaille parfois et ce n’est plus du tout le cas aujourd’hui. »
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« Chacun y va de sa définition et il y a des polémiques autour des vins natures pour la simple et bonne raison que le terme n’existe pas officiellement et qu’il n’est pas réglementé. »
Philippe Pinoteau, sourire aux lèvres à La Cave des Papilles.
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Les prémices d'une aventure Comme toute grande entreprise collective, il est difficile de dater avec exactitude le début du mouvement mais selon Philippe, les prémices se situent en 1980. L’année marquerait le commencement d’une aventure qui, des années plus tard, s’appellerait « le vin nature », pour l’heure il n’y a pas de nom mais un rassemblement de vignerons autour de Marcel Lapierre, très influencé par Jules Chauvet, installé dans le Beaujolais. Chauvet est le premier vigneron moderne à s’intéresser à la problématique des levures indigènes qui servent à démarrer la fermentation du moût et à changer le sucre en alcool. Il s’intéressera aussi à d’autres techniques de vinification telle que la macération carbonique qui permet d’éviter l’utilisation de soufre (utilisé notamment en œnologie pour ses qualités antiseptiques et antioxydantes, ndlr). Autour de Marcel Lapierre gravitent Jacques Néauport et Pierre Overnoy en grande fraternité comme le raconte Philippe : « Ces gens-là commencent à faire des essais de vins un peu différents et souhaitent surtout se débarrasser d’une dérive moderne, productiviste et très chimique liée à l’élaboration du vin. Ils font de premiers essais avec quelques bonheurs et quelques gros ratés. À l’époque, Marcel Lapierre est une grande figure du Beaujolais à Morgon et les gens s’intéressent peu à peu à son travail.» De ce dernier, l’écrivain Guy Debord dira : « Je ne connais aucune déception qui résiste à un Morgon de Marcel Lapierre.» Les premiers vins sont commercialisés dès le début des années 80, mais il faudra attendre encore cinq ans avant de goûter des choses très intéressantes qui pousseront d’autres vignerons à s’interroger. Le groupe grandit peu à peu :
« Marcel Lapierre est rejoint par Jean Foillard avec un garçon qu’on surnomme Paul-Po, qui s’appelle Jean-Paul Thévenet puis Yvon Métra un peu plus tard et enfin Guy Breton surnommé P’tit Max. Le groupe s’étoffe avec le Marquis Dutheil à Bandol, un personnage extraordinaire et magnifique, suivi par le domaine Gramenon. » On utilise le terme « vin nature » dès la fin des années 90, on dit d’eux qu’ils sont faits avec le moins de soufre possible, voire pas du tout. Chacun y va de sa définition et il y a des polémiques autour de ces vins pour la simple et bonne raison que le terme n’existe pas officiellement et qu’il n’est pas réglementé. En effet, bien que le vin fasse partie des produits de bouche, il reste le seul à n’avoir aucune obligation d’étiquetage. Philippe simplifie : « La branche la plus catégorique dira que le vin nature est fait sans aucun intrant ni sulfites ajoutés, cela donne les vin S.A.I.N.S. (Sans Aucun Intrant Ni Sulfite, ndlr). Mais au départ, l’idée est de se débarrasser d’une culture de la vigne chimisée. Pour faire un vin nature il faut avoir des populations levuriennes très vivantes avec des levures indigènes. Dans la quasi-totalité des caves, les vins sont faits avec des levures exogènes fabriquées et sélectionnées. Il y a une nomenclature de pas loin de 300 produits différents pour élaborer les vins avec des enzymes, des activateurs, des colorants et des décolorants et personne n’en parle jamais. » Ewen déplore à son tour : « À ce stade on peut parler de boisson édulcorée tant la trousse à pharmacie est conséquente. » Il y a eu autrefois une association de vignerons natures menés notamment par Thierry Puzelat qui pensait qu’il serait judicieux de se mettre d’accord sur une dose maximale de soufre ajoutée. Ce dernier en a fait une quête, celle de
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« (…) retrouver le vrai goût du terroir, abîmé par quelques décennies de pesticides et de levures en sachet. » On est en droit de penser que le consommateur devrait avoir accès à plus de transparence lorsqu’il décide de s’enivrer. Alors le soufre, faut-il en mettre ? Combien ? Et jusqu’à combien cela resterait acceptable ? Là encore, pas de réponse, à chacun son expertise et son avis plus ou moins catégorique. Vins naturels versus conventionnels ? Ewen et Philippe se rencontrent chez Racines où où le premier travaille en salle aux côtés du chef Sven Chartier et de Pierre Jancou, le patron. Chacun se souvient de ce qu’il a bu ce jour-là, Ewen raconte : « On m’a averti de sa venue, je connaissais le personnage dont j’avais beaucoup entendu parler. Jancou lui a servi un Savagnin de chez Jean-Marc Brignot. Quelque temps plus tard, je suis allé dîner au Baratin, les canons défilaient et je n’ai pas été trop mauvais à la dégustation à l’aveugle. J’avais réussi à trouver un Pineau d’Aunis de Pascal Simonutti. » Philippe ajoute : « Il y a un élément majeur pour moi dans ce milieu, ce sont les affinités. Quand on se rencontre avec Ewen, on est à une époque où tout le monde n’est pas encore copain avec tout le monde de Sydney au Pôle Nord. Je vois qu’Ewen a un goût pour ce qui est très nature, c’est un Jeune-Turc. Mais en même temps il a quelque chose de l’époque que j’ai beaucoup aimé, une sorte d’enthousiasme et de générosité qui n’est plus si courante désormais. » Ewen se souvient qu’il était alors très défini dans ses choix : « Je n’avais ni la lecture ni l’expérience, j’étais moins gêné par des choses un peu déviantes. Tout ça c’est de la bouteille, le palais se
forme et il y a des choses que tu finis par comprendre plus tard. » Dans le schisme qui oppose vin nature et vin conventionnel, les deux puristes admettent qu’il est nécessaire de connaître les deux segments. Philippe avance : « Aimer ce que l’on aime c’est formidable, ça construit une histoire et une manière de voir les choses mais il faut avoir l’ouverture et l’intelligence de connaître des vins qui sont très bien mais totalement différents, voire plus classiques. Dans les vins classiques il y a des choses à apprendre, à la fois des terroirs et des façons de faire. C’est une étape obligatoire pour avoir l’expertise du vin, comment veux-tu en parler sinon ? » À Ewen d’acquiescer : « Comment peux-tu parler de la Bourgogne si tu parles exclusivement de vin nature ? Et pourtant c’est certainement le climat le plus exceptionnel de France pour faire des grands vins. » Jusqu’à récemment, la région était mal représentée sur la carte des vins naturels :
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« Parler de la Bourgogne sous l’angle exclusif du vin nature c’était compliqué, ça représente très peu de vignerons… Concernant les classiques, j’ai hélas appris à discerner ce qu’il y a dans les dix grands vins de Bourgogne en trouvant dommage qu’ils soient élaborés de cette façon, car je crois qu’ils pourraient être extraordinaires s’ils étaient faits différemment », appuie Philippe. Relevons aussi une citation de Claude et Lydia Bourguignon, deux microbiologistes bien connus dans le métier, tirée d’une conférence donnée en Bourgogne en 1992 : « Il y a moins de vie microbienne dans les sols viticoles de Bourgogne que dans le désert du Sahara. » Voilà qui plante le décor. Le vin nature, victime de son succès ? À cela s’ajoute un phénomène proche du fossé générationnel entre les néo-buveurs et les vieux de la vieille. Ewen regrette : « Il y a beaucoup plus de choses aujourd’hui mais je constate qu’il y a des problèmes tant à la production qu’à la diffusion. Le terme « nature » est complètement galvaudé. Au commencement un petit groupe a tenté de bien faire les choses, de bien diffuser à tel point qu’il a convaincu beaucoup de monde. On peut se réjouir d’un succès mais pas des dérives qu’il entraîne.» Le début des années 2000 marque un autre basculement avec l’arrivée de la Dive Bouteille, un salon des vins naturels orchestré par les vignerons Pierre et Catherine Breton. Arrivent ensuite des médias tels que le Fooding ou Omnivore qui, de concert, vont diffuser ces vins à travers leur média et leurs événements.
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Philippe analyse : « Tout cela a internationalisé la scène culinaire, la transformant en concept et donc en marché. Un marché très concurrentiel, qui plus est. » Les modes n’épargnent pas le secteur, libérés des contraintes dogmatiques de leurs aînés, les vignerons natures se plaisent à imaginer des noms de cuvées originaux ou des étiquettes stylisées dont les bouteilles font souvent un tabac sur les réseaux sociaux. On a pu observer l’émergence d’influenceurs vins un peu partout dans le monde faisant augmenter la cote de certains canons au gré des likes : « Il y a des bouteilles de la première cuvée d’Eric Pfifferling du Domaine de l’Anglore, Terre d’Ombre, que l’on trouve ensuite sur le marché à 100 euros alors que ça en coûtait 8 à l’achat ! On trouve aussi des Overnoy à 2000 ou 3000 euros, c’est scandaleux. Et certains cavistes malhonnêtes jouent sur cette cote car tout le monde va parler d’un vin au même moment en prétendant que l’avoir dans sa cave est extraordinaire, » s’agace Philippe. « Ce qui m’attriste c’est que beaucoup de vignerons font l’effort de faire des vins abordables. Certains ne pourraient même pas acheter leur propre bouteille, Pierre Overnoy ne pourrait pas s’offrir une de ses bouteilles à 800 euros. » Autre manquement fait au vin, l’impatience des buveurs. Aujourd’hui, de nombreux vignerons mettent sur le marché des vins trop jeunes. Avec une demande croissante, ces derniers ont été contraints de modifier leur modèle économique, parfois en vendant des vins qui ne sont pas prêts à rejoindre les rayons des cavistes.
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Le vin naturel se serait donc éloigné de ce qu’il était par essence, une boisson patiente produite une fois par an, exposée aux aléas des différentes saisons. L’ère de la vitesse est-elle compatible avec le rythme du vin, ou même celui du goût ? « Être passionné par le vin et en faire un métier et une détermination, c'est très bien. Je crois que le goût se forme petit à petit, on a le droit d’être enthousiasmé et d’aimer tout de suite quelque chose, mais je ne crois pas qu’on puisse avoir un avis très constitué sur le vin en seulement deux ou trois ans » soutient Philippe. Comment un procédé qui demande autant de temps peut-il s’inscrire dans une époque à laquelle tout se diffuse à la vitesse de l’éclair ? Ewen n’en pense pas moins : « Il y a désormais à la production des apprentis sorciers qui s’auto-proclament vignerons naturels sans aucune légitimité. Il faut dix ans pour apprendre son métier quand on est artisan, pourquoi ce serait différent pour le vin ? J’ai fréquemment des clients qui demandent des vins qui gazent ou qui sentent la ferme. Ce qui était un défaut dans le vin jadis est en train de devenir une qualité pour les néophytes. Pourquoi ? Parce que des vins mal fichus se retrouvent sur le marché, vendus par des vendeurs ou des serveurs mal formés qui vont prétendre que le vin nature, c’est ça. On a de la chance d’avoir une passion pour notre métier, de travailler avec une matière qui crée des vibrations, des émotions. Un vin peut donner la chair de poule, créer une lumière, une énergie, quelque chose qui te donne soif. Mais avant d’en arriver là, il faut que les vins soient évidents, digestes et sapides. Et que l’on ressente derrière le verre toute l’intelligence des vignerons qui l’ont produit. » • → La Cave des papilles, 35 Rue Daguerre, 75014 Paris
Ewen Le Moigne nous parle de vin, de géographie et d’émotions.
« Au commencement un petit groupe a tenté de bien faire les choses, de bien diffuser à tel point qu’il a convaincu beaucoup de monde. On peut se réjouir d’un succès mais pas des dérives qu’il entraîne. »
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Les céramiques de Judith Lasry Texte Déborah Pham Photos Léa Boeglin
Des champs et des bois à perte de vue, nus sous un soleil d’automne. Bien que l’on soit aux abords d’une route peu fréquentée, on a le sentiment d’être seules au monde. Justement, le calme et la solitude, c’est ce qu’est venue chercher Judith Lasry, jeune céramiste installée en Bourgogne depuis près de deux ans. Après quelques années passées à Paris, elle décide de quitter son atelier pour s’installer à la campagne dans sa maison de famille.
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À l’entrée de la maison, il y a un potager entouré de pierres qui forment un cœur rassemblant des plants de tomates, de plantes aromatiques et médicinales. Plus loin, des pommiers dont les petits fruits d’un vermeil éclatant, sont accrochés à des branches à l’écorce grise et rugueuse. Dans la cuisine, le sifflement de la bouilloire se fait entendre, Judith nous sert un thé chaï épicé qu’on déguste avec du pain d’épices déposé dans un pot ovale assez épais : « J’essaye parfois de faire des pièces plus utilitaires, ici je voulais faire un beurrier mais le couvercle s’est cassé. » C’est au cours d’une formation en design d’espace puis d’objet à l’Ecole Boulle à Paris que Judith s’initie à la poterie. Entre deux formations, elle s’envole pour la Chine durant sept mois où elle apprend la calligraphie et la céramique. Elle se souvient : « On avait un professeur qui ne parlait que le chinois, il avait toujours une clope au bec. Pendant les cours, on apprenait surtout à se positionner sur le tour et à monter des pièces. On utilisait des terres d’études recyclées très brutes qui comportaient presque des cailloux, je faisais des pièces très épaisses. » En Chine, la manière d’enseigner diffère également, on peut passer un an ou deux à préparer la terre ou à apprendre la méthode du bélier qui consiste à malaxer la terre des deux mains sur un plan de travail pour en chasser l’air : « Il y a un aspect rigoriste dans leur apprentissage, on ne te laisse pas monter de pièce tant que ta méthode n’est pas parfaite, » explique Judith. Au terme de sa formation, elle présente un projet nommé Manger l’Immonde pour son diplôme de fin d’études.
Ce dernier s’intéresse à l’entomophagie (le fait de manger des insectes, ndlr) et à la notion de peur et de dégoût. Ainsi, elle crée une série d’objets conçus pour recevoir des insectes, les cuisiner ou les consommer. C’est en travaillant sur ce projet qu’elle débute seule la céramique. « J’ai demandé à des céramistes si je pouvais venir cuire des pièces chez eux ou s’ils pouvaient me donner un cours d’initiation. À l’école Boulle il n’y avait rien pour la poterie » se souvient-elle. Une fois le diplôme en poche, Judith sait qu’elle n’a aucune envie d’entamer une carrière en agence de design ou de passer du temps derrière un écran à concevoir des objets. Ne sachant pas quoi faire, elle décide de travailler dans la restauration, elle imagine même devenir sommelière. « J’ai réalisé que j’aimais le contact, que j’avais envie d’embellir les moments passés à table, sans être en cuisine. De plus, le vin me passionnait. Après mes études, j’ai voulu faire des objets plus petits, pensant que j’allais ainsi me rapprocher de l’humain. Ce que je n’avais pas compris, c’est que je devais faire quelque chose de plus poussé dans l’artisanat. » Judith se met réellement à la céramique avec Marie Lautrou qui lui enseigne brièvement la technique de modelage du « pincé » tandis qu’Ulrike Weiss, chez qui elle cuit ses premières pièces, lui apprend à fabriquer les émaux. Elle commence alors à les vendre, sa première commande est réalisée pour Agrology, une cave-à-manger parisienne : « Les propriétaires Nathalie et Olivier m’ont demandé de faire un service pour le fromage, la charcuterie ou les olives. J’ai fait plein de trucs et c’est là que j’ai pensé que ça pouvait être chouette de le faire sérieusement, » se rappelle Judith.
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Sur la table du jardin, les céramiques prêtes à quitter leur nid.
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« En revoyant mon père dans son espèce de cabane à faire ses trucs, je me dis que c’était ce que j’avais toujours souhaité aussi. Et souvent, faire des trucs tranquille c’est écrire, faire de l’artisanat, de la peinture ou du dessin. Toutes mes envies sont liées au besoin d’être indépendante, de travailler pour moi et non pour les autres. »
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« Ce qui me plaît c’est de faire des objets utilitaires qui t’accompagnent dans ta vie, c’est pour ça que je fais moins de sculptures car souvent elles ne reçoivent rien. »
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Quelques mois plus tard, elle déménage à Bruxelles où elle trouve rapidement un atelier. « Je me suis dit que j’allais oser être céramiste là-bas. À Paris je n’osais même pas dire que j’en faisais parce que ça me paraissait impossible… Il y a 5 ans il n’y avait pas de jeunes céramistes. J’ai pensé que les céramistes bien installées allaient me rire au nez, elles sont super fortes, c’est un métier qui demande beaucoup d’années de pratique pour s’y connaître vraiment. Je n’avais pas fait d’école, je n’imaginais pas aller les voir et dire 'Coucou, je veux un atelier', » nous confie-t-elle. Une fois installée dans la capitale belge, elle rencontre Eloïse Bonehill, une céramiste qui lui propose de donner des cours à sa place à un groupe de dix enfants le mercredi et lui montre comment fonctionne le four. « Je n’avais pas d’expérience, j’étais payée et on me faisait confiance. C’est comme ça que j’ai pu réaliser ma première commande pour des restaurants parisiens, il y a eu Dersou, Saturne puis Sauvage. » En rentrant à Paris, elle monte un collectif avec des amies céramistes nommé Gangster. Son travail est reconnu au sein de la profession et les commandes affluent, cependant Judith songe sérieusement à quitter Paris pour s’installer dans la maison de campagne de son enfance. Lorsqu’elle en parle, c’est l’agitation, le bruit et le rythme des villes qui ont motivé son besoin de quiétude : « Je ne sais pas exactement d’où me vient ce besoin, j’ai grandi dans une famille de cinq enfants et j’ai toujours cherché le calme. J’ai toujours eu envie de faire mes trucs dans mon coin et qu’on me laisse en paix. Toute ma vie, j’ai observé mon père musicien et compositeur utiliser un tiers de la maison pour son studio de musique. En le revoyant dans son espèce de cabane à faire ses trucs, je me dis que
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c’était ce que j’avais toujours souhaité aussi. Et souvent, faire des trucs tranquille c’est écrire, faire de l’artisanat, de la peinture ou du dessin. Toutes mes envies sont liées au besoin d’être indépendante, de travailler pour moi et non pour les autres. Dans mon métier, il y a aussi le souhait d’utiliser des matières simples, un peu enfantines, proches de la pâte à modeler. Et que tout ça ait un lien avec la bouffe. La céramique regroupe tout ça. » Dans cette discipline à priori dogmatique car elle repose sur un savoir-faire ancestral, Judith trouve son propre tempo. « Je modèle mes pièces puis je les laisse sécher selon leur taille et le taux d’humidité puis je les cuis à 980 degrés. En sortant, la pièce a une texture poreuse comme un pot de fleur en terre cuite. Je fais mes émaux moi-même que je fabrique à partir de poudres de roches mélangées à de l’eau, la texture finale ressemble à de la crème fleurette. J’utilise de la cendre, du kaolin, de la silice, du talc, de la chaux ou encore du feldspath. » L’émail est une couche de verre que l’on colore ou non avec des oxydes et qui fusionne avec le grès à très haute température. Jusque là, rien de nouveau mais en la questionnant sur la possibilité de créer certaines formes en émail, elle explique : « Je trempe mes pièces ou alors j’utilise une louche. On peut aussi utiliser de la cire pour que l’émail ne prenne pas à certains endroits. Elle finit par brûler à 1300 degrés, mais je ne le fais pas parce que ça sent mauvais et que c’est toxique. J’essaye d’exclure dans mon travail tout ce qui demande une manipulation supplémentaire qui n’a pour vocation que d’être esthétique. Ce n'est pas de la paresse, c’est que je suis sensible à tout ce qui me complique la vie.
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Dès qu’il faut ajouter des étapes ça m’ennuie, c’est pourquoi je me résous à concevoir des pièces imparfaites, tant pis. » Là où certains pourraient voir de la paresse, on perçoit de la poésie, la marque d’un instant, d’un geste qui n’a rien de calculé. Le résultat ne pourra être répliqué à l’identique une seconde fois. Judith développe : « Au final, ma méthode fait que ce n’est pas vraiment moi qui décide à quel endroit l’émail va s’arrêter.
C’est toujours aléatoire et ça m’arrange que les choses se fassent avec une intervention en moins de ma part. Si tu devais apprendre la céramique dans les règles de l’art, je ne serais pas la bonne professeure puisqu’il y a plein d’étapes que je ne fais pas. On les considère souvent essentielles pour l’esthétique mais je me rends compte que si ma pièce tient et qu’elle me plait, ça suffit. Je trouve ça beau quand ce n’est pas droit. J’ai découvert ce que j’aimais
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dans la céramique au fil du temps, je n’ai pas pu expérimenter, j’ai juste vu que parfois je faisais des trucs considérés comme incorrects qui m'amusaient. C’est comme les sarments de vignes, quand j’utilise leurs cendres dans mes émaux pour la première fois, je ne sais pas que je dois les laver trois fois puis les filtrer et les tamiser. Je m’en fiche d’avoir un résultat précis et finalement, ce que je cherche dans les émaux à la cendre c’est ce résultat inattendu. » Le tournage qui consiste à former une pièce sur un tour en mouvement demande de la précision. Il faut en faire longtemps avant de pouvoir poser des anses ou un bec. En clair, créer des objets avec une fonction demande davantage de connaissances. Retour à l’atelier face à une boule de grès clair de Saint-Amand. Debout devant la planche de bois qui sert de plan de travail, c’est le syndrome de la feuille blanche. Judith lance « N’essaye pas de faire un objet qui va servir à quelque chose ». Selon elle, n’importe quel objet aurait du sens qu’il soit carré ou rond, lisse ou rugueux, lourd ou léger. Un peu partout, de la cave au grenier en passant par le jardin, on découvre de nombreuses pièces ébréchées, des morceaux de bol brisés, elle explique : « Ils ont leur vie ces pauvres petits trucs pétés, ce n’est pas parce que c’est cassé que ce n’est plus beau. J’en garde plein parce que je les adore ! Même un bol cassé reste utile pour poser une bague ou écraser une cigarette. » Ensemble, nous parlons beaucoup de l’objet, de sa fonction qui n’est plus d’être mais de servir : « Ce qui me plaît c’est de faire des objets utilitaires qui t’accompagnent dans ta vie, c’est pour ça que je fais moins de sculptures car souvent elles ne reçoivent rien. Ça m’intéresse de faire des vases, des coupes, des bancs,
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des tables basses… Quand tu fais de la céramique modelée, tu restes dans le domaine du fonctionnel mais il y aura toujours une fragilité. » Le sol en bois est moucheté par endroits de taches de peinture. On trouve des céramiques dans tous les coins de la pièce, des bouts de ficelle, de bois, ou des insectes que Judith collectionne. Sur l’étagère, on observe les piles d’assiettes prêtes à être adoptées, les tailles et les formes diffèrent : « Il n’y a rien de très régulier, quand tu fais du modelage, tu es libre de faire des carrés ovales ou des ronds biscornus. Il n’y a pas de règle. On nous a donné des formes classiques pour manger mais on peut sortir de ce carcan, il n’y a qu’à regarder les supports utilisés dans d’autres pays. Je tiens à ce que mes objets soient toujours uniques et irréguliers. De cette manière j’ai l’impression de produire des petites sculptures de table. Sur la mienne je n’ai pas d’objets décoratifs. Il y a des feuilles, des branches, des fruits et mes céramiques. J’ai l’impression qu’elles se suffisent. Finalement ce que j’aime c’est qu’elles sont assez naïves, biscornues et surtout bavardes. » • → @judith.lasry
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Dans la vie, il y a des noms qui vous portent plus que d’autres. Pour son premier restaurant à tout juste 28 ans, Mory Sacko a fait le choix audacieux de fusionner son propre prénom avec celui d’une figure forte, celle d’un samouraï. Le premier guerrier noir d’origine africaine de l’histoire du Japon, surnommé Yasuke. Peint en lettres d’or sur la devanture de cette nouvelle table du 14ème arrondissement de Paris, voici l’avènement de MoSuke qui affiche complet depuis son ouverture. Dans les cuisines de la jeune toque, de la France à l’Afrique de l’Ouest jusqu’aux confins de l’Asie de l'Est, il n’y a qu’un plat.
Mory Sacko, bouillon de cultures
Texte Anouchka Crocqfer Photos Edouard de Pelleport
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Le moshirashi de MoSugo ici dressĂŠ dans une assiette signĂŠe par la cĂŠramiste Amandine Richard.
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S’il n’a pas connu le baisser de rideau imposé à ses pairs lors du premier confinement puisqu'il a accueilli ses tous premiers gourmets début septembre, Mory Sacko avait déjà élaboré son plan d’attaque en cas de retour d’un second confinement. « On l’a senti arriver dès l’annonce du couvre-feu dans la capitale. La première semaine, afin de conserver l’offre gastronomique, nous avons décalé le service du soir à celui du midi » dit-il. Lunch is the new dinner, le déjeuner est le nouveau dîner, devient le cri de ralliement de tous les restaurateurs s’adaptant à ce drôle de rythme. À l’heure du déjeuner en octobre dernier, il était encore possible de s’offrir à sa table un « vol de nuit » en sept escales. On s’envolait pour le pays du Soleil-levant avec le homard breton grillé au charbon de bois japonais binchotan, dont la douceur du miso à la tomate venait éteindre le feu de sa bisque au piment doux fumé. Ou encore pour l’Afrique de l’Ouest avec sa sole aux épices shichimi togarashi cuite en feuille de bananier, posée sur son lit d'attiéké et de feuilles de livèche. À l’heure du dîner, c’est l’alter-ego de MoSuke qui prend le relais avec une carte street-food disponible en click and collect et en livraison à domicile, MoSugo. « J’imaginais difficilement un gastro à emporter. Les émulsions ne tiendraient pas le transport et les cuissons à finir à la maison ne seraient certainement pas aussi maîtrisées qu’au restaurant. Cet été, je réfléchissais à l’ouverture future d’une seconde adresse plus décontractée avec le même ADN, nous étions donc prêts à dégainer ».
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Sur Instagram, il annonce le lancement de son fast-good avec un menu composé de lèche-doigts de l’entrée au dessert. Poulet frit avec chapelure japonaise panko et sésame, sauce bulldog ; frites de patates douces épices cajun ; barre chocolatée avec ganache de chocolat de Tanzanie au piment doux fumé, cacahuètes et caramel au beurre salé… De quoi nourrir nos envies de réconfort. « Il est amené à changer tous les dix jours, nous sommes actuellement sur l’élaboration du prochain » ajoute-t-il. Bouillon dashi, algues Kombu, soja et julienne de daikon ; chirashi de riz vinaigré au furikake (un condiment japonais, ndlr), tranches de poisson frais selon l’arrivage et légumes marinés ; crémeux au thé vert genmaicha sur une compotée de poire. Les commandes se multiplient, la machine est lancée. À peine arrivé au mois de novembre, le reconfinement signe l’arrêt provisoire de MoSuke. L’équipe en salle passe au chômage technique. Les réservations sont repoussées à compter du mois de février. Sur le front du matin au soir, cinq jours sur sept, c’est la brigade en cuisine qui fait tourner MoSugo. « Avec la coupure entre les envois du midi et du soir, les journées sont plus denses mais moins longues. À 21h30 tout est plié. À 22h tout le monde est rentré. Cela me permet de récupérer et de penser de nouveaux plats », s’enthousiasme-t-il. Son obsession du moment : réaliser un dessert équilibré autour de la pomme et de la sauce teriyaki.
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L’Afrique toute asie-mutée Cet éternel optimiste à l’énergie créative débridée ne se décourage pas. Pas même face au retour mitigé de sa maman sur la variation de son poulet yassa lors du softopening de MoSuke dont il a revu la recette quatre fois depuis. « Elle trouvait qu’il y avait trop de citron et que la sauce n’avait pas mijoté assez longuement », confie-til en riant. Dans la famille de Mory, né à Champigny-sur-Marne d’un père malien et d’une mère sénégalo-malienne, la cuisine a une place importante. « On se retrouvait tous autour d’un plat unique que l’on mangeait ensemble avec les mains selon la tradition. Je n’ai pas appris à préparer ces plats typiques étant plus jeune car mon apprentissage culinaire a démarré à l’école hôtelière avec le terroir français. Il m’arrive donc très fréquemment de demander des précisions à ma mère sur la maîtrise de plats, et ce n’est pas chose aisée car rien n’est écrit, tout se fait à l’œil et à l’instinct ». Soupou Kandja, alloco, attieké, poisson frit, ou braisé, sont des mets aussi chers à son cœur que le mafé dont il propose également une interprétation à sa table. « Toutes les saveurs de cette sauce explosent une fois la dissolution complète de la pâte d’arachide. Lorsque je lui demande à quel moment de la cuisson précisément, elle me répond « quand l’huile sort ». Je la regarde interloqué en rigolant. J’observe la sauce de plus près, l’excès du gras se disperse effectivement sur les bords puis elle me dit « c’est à ce moment là que tu baisses le feu ». Une de mes grandes sœurs aussi adorait préparer des salades de mangues salées. Elle ajoutait du citron, un oignon émincé et des noix de pèbè. Ma mère adepte de cuisine plus traditionnelle était dépitée », s’amuse-t-il.
Son palais affûté aux saveurs de l’Afrique de l’Ouest et de l’Afrique centrale de par sa mère ayant beaucoup voyagé sur le continent, se familiarise progressivement à celles du Japon. « Petit, j’étais passionné par les mangas. Dans chaque épisode, les personnages passent leur temps à slurper des ramen ou à dévorer des tonkatsu entre deux combats ». Des premiers sushi et udon aux soba et karé raisu partagés entre potes, le voilà conquis. Plus tard, dans les rangs de la brigade du Mandarin Oriental, il rencontre des amis d’origine japonaise qui lui permettront de percer le secret de l’umami. « Jamais aucun ingrédient ne prend le dessus sur un autre, tout est subtilement équilibré », avancet-il. Passé par les cuisines de prestigieux palaces parisiens du Royal Monceau à l’hôtel du Collectionneur en passant par le Shangri-La, celui qui deviendra second de Thierry Marx à l’âge de 25 ans a trouvé son ikigai. Sa raison de vivre. Ouvrir son propre restaurant qui transcendera les frontières de l’Europe, de l’Afrique et de l’Asie. Un passage remarqué dans Top Chef lui permettra de concrétiser ses années de dur labeur. Alors que la capitale retrouve, l'été dernier, le plaisir de repas partagés en terrasses ensoleillées, Mory Sacko compose la carte d’Edo, résidence éphémère au Palais de Tokyo. Classiques de la street-food japonaise et d’Afrique de l’Ouest se rencontrent. Katsu sando de bœuf pané sauce arachide et tamarin ; agneau grillé façon dibi sogo, oignons et mayonnaise au miso… On entre dans son univers métissé par la petite porte avant qu’il ne réveille le sud de la rive-gauche avec MoSuke.
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La jeune toque de 28 ans réveille le sud de la Rive-Gauche avec sa table gastronomique à l’univers métissé.
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Mory grandit dans une famille sénégalo-malienne où la cuisine a une place importante mais il n'apprend pas à préparer ces plats typiques à l'école hôtelière. Il lui arrive donc fréquemment de demander des précisions à sa mère et ce n'est pas facile car tout se fait à l'œil et à l’instinct.
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Des terroirs en majesté C’est en lieu et place d’un ancien étoilé que la jeune toque façonnera l’ADN de sa première adresse à son image. Dans les élégantes assiettes travaillées par la céramiste Amandine Richard, les produits d’exceptions issus de la crème des producteurs français, japonais, et africains, sont travaillés avec précision. « Les volailles proviennent de la Ferme de Culoiseau dans le Perche ». Pour les agrumes, ayant une place importante dans sa cuisine, il travaille essentiellement avec Damien Blasco dont les vergers regorgent de variétés folles. « Les piments viennent des jardins de Pierre Gayet, son côté savant fou me fascine. Il crée ses propres croisements afin de maîtriser l’intensité de leur feu en bouche. J’apprécie particulièrement l’aji mango aux notes de mangues intéressantes, et l’aji dulce rouge, et jaune, qui vont développer une sucrosité étonnante une fois fermentés. Ses biquinhos blancs sont de véritables bonbons ». Pour ses paniers de légumes japonais, c’est auprès de la créatrice du Potager vertueux Yasai qu’il se fournit. « Je voue également une passion aux épices africaines. Comme la baie de Selim qu’on appelle aussi poivre de Guinée, la kororima, cousine de la cardamome qu’on retrouve sur la Corne de l’Afrique, et les graines de la passion aux arômes proches du fruit associé au piquant du poivre.
Cette recherche de l’excellence du terroir, il la pousse jusque dans sa sélection de vins naturels sud-africains et français, ainsi que dans sa sélection de sakés élégants au nez fleuri, et d’autres plus exubérants. Jouer sur les différentes textures et cuissons, pousser les limites de certains condiments à l’exemple du wasabi en dessert mêlé à l’amertume du cacao en siphon aérien, adouci par une ganache chocolatée à la fleur de sel fumé… Chacun y trouve son compte. « J’ai été touché par le retour de deux clients un soir. Une journaliste japonaise heureuse de retrouver les saveurs de son enfance et un restaurateur ivoirien me faisant part de son agréable surprise face à certains produits afro qu’il redécouvrait à travers mes plats. Ça me rassure de savoir que je suis dans le vrai », lâche-t-il. Consacré « jeune talent 2020 » par le Gault et Millau, Mory Sacko, toque déjà bien affûtée, se réjouit des retours positifs de ses pairs, et de la diversité d’âges et de milieux sociaux des gourmets venant s’attabler chez MoSuke. « J’ai la chance d’avoir une clientèle qui me ressemble, l’entretenir est un véritable jeu d’équilibriste ». Pour l’heure, on ne peut lui souhaiter que le meilleur. • → Mosuke, 11 Rue Raymond Losserand, 75014 Paris
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Pendant le second confinement, c’est MoSugo, l’alter-ego de MoSuke, qui prend le relais. Une offre fast-good réconfortante disponible à emporter et en livraison à domicile.
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le jour où…
Le jour où j'ai survécu au milieu des crocodiles Texte Hélène Rocco Illustration Yukiko Noritake
L'aventure coule dans les veines de Sarah Marquis depuis toujours : enfant déjà, elle partait découvrir la nature sans en informer ses parents. À l'âge adulte, le métier fantasmé d'exploratrice lui est apparu comme une évidence. Quand elle n'est pas confinée dans sa tiny house au sommet des Alpes, cette Suissesse parcourt la planète en solitaire pour le National Geographic. Son expérience et son instinct l'aident chaque jour à affronter le danger, en particulier lorsqu'il s'agit de survivre trois mois dans le bush australien, sur les terres des crocodiles mangeurs d'hommes.
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Face au danger, son ouïe et son odorat se développent, tout son corps se met à percevoir des signes invisibles. Son instinct, une sensation venue des tripes, ne se questionne pas.
Depuis la vitre de l'hélicoptère, Sarah Marquis devine les terres ocres et brunes du bush australien moucheté de buissons. Nous sommes en 2015 et l'appareil s'apprête à la déposer sur la côte nord-ouest de ce pays qu'elle connaît bien : voilà plus d'une décennie qu'elle le parcourt régulièrement à pied. Comme pour chacune de ses expéditions, l'exploratrice a suivi une préparation de douze mois afin de connaître sur le bout des doigts la faune, la flore et les dangers qui croiseront son chemin. Car si cette terre historique des Aborigènes est aujourd'hui désertée par l'homme, elle est le royaume d'un prédateur tout-puissant : le crocodile salty. « Dans cette région, il y a deux types de crocodiles : ceux d’eau douce, les freshwater, et ceux d'eau salée, les salty, qui peuvent mesurer jusqu’à sept mètres de long », explique Sarah. Ces derniers ont beau être des reptiles marins, ils peuvent s'enfoncer dans les estuaires qui se jettent dans la mer de Timor. Particulièrement friands de touristes imprudents, ils font preuve de patience et d'observation quand il s'agit de les dévorer. Or, l'aventurière de l'extrême doit, pour survivre, longer les cours d'eau qui en sont infestés. La cohabitation s'annonce éprouvante. Elle se souvient : « Une tension s'est installée très vite car ces dangereux reptiles peuvent déployer leurs pattes et s'aventurer sur la terre ferme. »
agilité vis-à-vis des crocodiles. « Quand on s'approche de l'eau, il faut toujours veiller à être surélevé, en montant sur des rochers ou un promontoire pour ne pas être à hauteur de crocodile. Deux jours seulement après le début de l'expédition, j'ai lancé mon seau dans l'eau à l'aide d'une corde pour attraper un poisson tout en me tenant à distance du danger. Un crocodile a surgi et capturé mon seau. À ce moment-là, je savais que si je voulais survivre je devais montrer qui était la patronne alors je me suis mise à tirer de toutes mes forces sur la corde. Et j'ai gagné ! » Ce premier affrontement - qui en aurait découragé plus d'un - amorce une longue série de rencontres avec les crocodiles.
Seule, elle marche douze heures par jour avec son matériel sur le dos dans un décor de canyon qui est l'un des endroits les plus escarpés d'Australie. Pour se nourrir, Sarah chasse et cueille des plantes, des racines et des fruits dont elle a appris les propriétés au fil des années. Elle pêche également des poissons, ce qui lui demande une grande
Parce qu'elle passe le plus clair de son temps dans les grands espaces, Sarah ressent un lien très fort avec la nature. Ainsi, elle partage chaque soir les restes de ses poissons … avec les petits crocodiles d'eau douce. « Ils le savaient et m'attendaient ! J'ai malheureusement dû arrêter après avoir retrouvé un crocodile affamé dans ma
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tente. » se rappelle-t-elle, amusée. Quelques temps plus tard, son périple l'amène dans des marécages. Elle n'a pas d'autre solution que de traverser ces eaux stagnantes à pied. « Pour savoir si un crocodile se cachait, prêt à jaillir sur moi, j'ai utilisé une technique aborigène. Elle consiste à faire s’entrechoquer deux pierres sous l’eau pour que les éventuels prédateurs silencieux se trahissent. » Par chance, aucun crocodile ne fait surface : la voie est libre. Les jours passent et la marcheuse aguerrie arrive face à une immense retenue d'eau sous une cascade asséchée. Un bassin cerné de roches rouges accueillera sa tente pour la nuit. « Ce soir-là, je me suis endormie comme une princesse sur mon promontoire. Au milieu de la nuit, j'ai été réveillée par un pressentiment. Avec les années, j'ai appris à toujours écouter mon instinct qui m'a sauvé la peau plus d'une fois. Je suis sortie et j’ai aperçu en contrebas une dizaine de bâtons phosphorescents, comme de gros Stabilo en train de flotter. Ils étaient positionnés en direction de ma tente. Avec ma lampe, je les ai éclairés et j’ai découvert qu'il s'agissait de dix énormes crocodiles salty. Leur dos était couvert de micro-algues bioluminescentes, ils attendaient tranquillement que je tombe du rocher ! » Alors que son expédition touche à sa fin, Sarah se retrouve face à une dernière rivière infestée de crocodiles qu'elle est obligée de traverser. Prudente, elle passe trois jours à arpenter les environs pour trouver le passage qui présente le moins de risque. Elle finit par tomber sur un estuaire plutôt étroit où flottent une dizaine de crocodiles salty. « Ils étaient là, à se dorer la pilule. Comme je savais que ces reptiles ont besoin du soleil
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le jour où…
pour recharger leur batterie, j'ai parié sur le fait qu'ils seraient trop paresseux pour m'attaquer. » Dans ces moments-là, son ouïe et son odorat se développent, tout son corps se met à percevoir des signes invisibles. Son instinct, une sensation venue des tripes, ne se questionne pas : il lui dicte de traverser la rivière. Elle prend son courage à deux mains et court le plus vite possible car un crocodile salty peut jaillir en une fraction de seconde et foncer sur elle à 40 kilomètres heure. L'exploratrice atteint enfin l'autre rive : sauvée ! L'aventure s'achève bientôt et avec elle le risque de tous les instants. Vivre entourée de dangers a pourtant permis à Sarah de réaliser que l'humain doit savoir rester à sa place. Pendant ses expéditions, elle fait corps avec la nature et espère, par ses récits de voyage, pousser les hommes à protéger la planète. Elle écrit actuellement un roman initiatique inspiré de ses explorations qui paraîtra cet hiver : pas rancunière, l'auteure pourrait bien y faire allusion aux fameux crocodiles salty. • → À Dos d'oiseaux par Sarah Marquis — à paraître en février 2021 aux éditions Michel Lafon.
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mignons
Set design et photos
Nous vous avons demandé quels étaient vos péchés mignons inavouables. Morceaux choisis. Cornichon - yaourt fraise : Claire du compte instagram @clair.ette
Pechés
Babibel et compote : Sami Zaiter du compte Instagram @samizaiter
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Miel cannelloni du compte Insta @la__guigne
Chocolat - Doritos : Gaston Demoulin du compte Insta @gastdemou
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Frites de patate douce avec une sauce glace vanille - ChloĂŠ Rocques du compte Instagram @poupounella
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Saucisson - confiture d’abricot : Adeline Seguin (sur Facebook)
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Family food :
Léa et Louis-Marie Fleuriot
Texte Julie Gerbet Photos Pierre Lucet-Penato
La cuisine que leur préparait leur mère et leur grand-mère est une grande source d’inspiration pour Léa et Louis-Marie Fleuriot, mais pas tant à la maison que dans leur restaurant, Le Cadoret. Le jambonneau avec laitue braisée et jus de viande, recette de leur mère préparée ce jour-là par Léa, tout en sirotant une quille de Vincent et Marie Tricot, est le symbole du style de cuisine rétro à laquelle le frère et la sœur ont voulu rendre hommage.
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« Notre mère et notre grand-mère ont toujours cuisiné. À la maison, nous étions sans cesse en train de penser à la nourriture. Au petit-déjeuner déjà, on se demandait ce qu’on allait manger au déjeuner. Chez nous, ce sont les femmes qui cuisinaient. Notre grand-mère préparait tout le temps la même chose : c’était comme si elle avait un semainier sans le savoir ! On se souvient de son hâ – un poisson de la famille de la saumonette – sauce câpres et concentré de tomates qu’elle servait avec un mélange pommes de terre/carottes/ poireaux de son potager, de sa salade de banane citron vert (bouh le bilan carbone) et de son gâteau aux marrons… Quand on est en famille pour les fêtes ou si je pars en vacances avec des amis, c’est moi qui fais à manger. Sans m’en rendre compte, j’ai repris le rôle de la « cuisinière », tandis que Louis-Marie s’occupe immuablement des légumes ou de monter la mayonnaise. Chez moi cependant, j’ai toujours la flemme mais le fait d’avoir un enfant ça me remotive.
Récemment, je me suis remise à faire des semoules au lait… Sinon, j’aime préparer des choses en bouillon – pot au feu, poule au pot… – ou de la cuisine asiatique. Louis-Marie, lui, a une passion cacio e pepe en ce moment et il essaie avec toutes sortes de poivre ! Ce qu’on mangeait enfant est surtout une belle source d’inspiration pour le Cadoret. Le jambonneau avec salade cuite, par exemple, je le fais à la maison et au resto aussi, mais différemment : là-bas, on le pane, on le frit et on le sert en entrée, c’est super chaud et super réconfortant. C’est un souvenir de gamine, une recette de notre mère, j’adorais ça. On a toujours voulu faire ça, ce style de cuisine rétro qu’on mangeait chez nos parents. Une bonne partie de la carte vient de nos souvenirs gustatifs, on repart de ça et on mixe avec d’autres inspirations vu dans les livres ou ailleurs. » → Le Cadoret, 1, rue Pradier, 75019 Paris
« Léa : Louis, tu cuisines plus que moi à la maison ! Louis : C’est vrai que dès que je suis à la maison, c’est moi qui fais à manger. C’est un gros kif de partir faire les courses et de cuisiner… Léa : J’ai toujours la flemme mais je vais devoir m’y mettre avec mon fils qui commence à manger… »
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Jambonneau, sucrine braisée et jus de viande Préparation
Nettoyer la sucrine en la gardant entière et la couper en quatre. Tailler le jambonneau en quatre. Dans une poêle avec un filet d’huile et un morceau de beurre, faire colorer les morceaux de jambonneau sur les deux faces planes et la sucrine sur une seule face (pour garder la fraîcheur et un côté croquant). Dans une casserole, faire réduire le fond de viande avec un peu de beurre jusqu’à ce que ça devienne sirupeux. Verser dans la poêle et rouler les morceaux de jambonneau et la sucrine dedans. Pour 4 personnes - 1 jambonneau de 600-800 g - 1 sucrine - 10 cl de fond blanc ou brun - Beurre et huile
Répartir dans les assiettes en n’oubliant pas de récupérer toute la sauce. On peut aussi paner le jambonneau à l’anglaise (farine, œuf et panure) et le frire. •
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à table
À table avec Andrea Petrini Texte Déborah Pham Illustration Lucile Farroni
Nous sommes en ligne avec Andrea Petrini, journaliste de renom sur la grande scène de la gastronomie mondiale et créateur de l'événement culinaire hors-normes Gelinaz. Celui que le magazine Vogue surnomme « the god of food » n’a pourtant pas mis les pieds au restaurant depuis un bail. On aurait préféré s’attabler et trinquer ailleurs que dans une salle de réunion en ligne mais nous sommes en 2020. Un verre de puissant désinhibiteur (100% gamay) plus tard et l’on se croirait presque au bistrot.
Mint Tu as eu le temps d’aller au marché ce matin ? Andrea Petrini Oui, c’est bon, j’ai de
quoi survivre jusqu’au surlendemain de mon anniversaire ! Cela fait cinq ans que je me retrouve à fêter mon anniversaire à la maison. Je m’étais dit que cette année je serais au Mugaritz en Espagne ou chez Noma à Copenhague mais nous serons finalement en famille à Lyon.
C’est toi qui cuisine ?
Oui ! Puisque ce sera l’avant-veille de Gelinaz, je n’aurai pas beaucoup de temps donc je vais faire simple. De toute manière, il n’y a pas de gibier à plumes, pas de gibier à poils… C’est vraiment la dèche ! Je me suis rabattu sur une valeur sûre : une côte de veau que je terminerai au four avec des cardons. En entrée je vais faire des pâtes et les préparer très simplement façon aglio, olio
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e peperoncino (de l’ail, de l’huile et du piment, ndlr), puis je vais râper un cœur de thon mariné et séché que l’on m’a offert. Et pour le dessert, il faut que tu me parles de ce péché mignon !
On a lancé une pétition avec mon fils pour que ma femme Catherine nous fasse une tarte au café avec un glaçage au whisky… C’est la recette de Gilles Epié, un cuisinier émergent au milieu des années 80, il avait créé ce dessert addictif à un point que tu ne peux imaginer… C’est une recette complètement démodée car une seule tranche ça doit être 7443 calories. Tu sais, les Égyptiens se faisaient enterrer avec leurs biens personnels, moi j’aimerais me faire enterrer avec 4 ou 5 parts. Il faut toujours négocier pour que Catherine se prête à l’exercice, c’est un dessert long et technique donc elle le fait deux ou trois fois par an… Il y a des recettes comme ça pour lesquelles on se met à genoux, comme la tarte au citron de Marco Pierre White. Là encore c’est une recette avec je ne sais combien de grammes de beurre, de sucre et d’oeufs… Et s’il n’y avait pas eu tout ça, où aurais-tu aimé passer cette journée ?
J’aimerais disparaître quelques jours en Autriche chez Philippe Rachinger. Un jeune chef qui a travaillé deux ans chez Saturne à Paris puis est rentré en Autriche dans le nord du pays. Il a intégré l’affaire familiale et travaille avec son père Helmut, les deux sont copains comme cochons ! Dans le style, c’est une sorte de bistronomie très travaillée, avec du jus de cervelle comme on dit ! Il y a quelques chambrettes, une rivière qui coule à côté… À l’heure qu’il est, ça doit être
enneigé. C’est un endroit paradisiaque et sublime où nous avions organisé Gelinaz en 2017. Si je pouvais je partirais comme Bilbo Baggins dans le Seigneur des Anneaux. Je prendrais l’anneau pour disparaître au moins trois jours au vert, voir les marmottes qui construisent leur barrage et boire des vins autrichiens ! J’ai le sentiment que le monde de la gastronomie bouge beaucoup en Autriche, non ?
Il y a plein de choses intéressantes, notamment à Vienne mais partout en Autriche. Je pense aussi à Lucas Mratz, qui est un ami de Philippe. Lucas a décidé de partir vivre à Berlin il y a quelques années où il a ouvert un des premiers bistrots axés sur le vin nature. Il y a trois ans, il est rentré et a retrouvé son père, chef d’un restaurant doublement étoilé. Ce dernier a fait deux pas en arrière et le fils a repris les rênes de la maison. L’exemple de ces deux restaurants autrichiens est particulier, il n’y a pas toute la lourdeur d’une passation de pouvoir. C’est drôle ces papas encore jeunes qui font de la place au fils sans faire d’histoires. Je pense que ça ne se passerait pas de façon aussi naturelle en Espagne ou en Italie, et je ne parle même pas de la France ! Tu m’annonçais l’autre jour le lancement prochain du magazine de Lucas Mratz, Philippe Rachinger ainsi que Felix Schellhorn.
Oui, ils ont d’abord fondé le Healthy boy band, un groupe qui fait des performances et qui s’apprête à sortir le fameux Healthy Times.
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« Combien de temps j’ai pu passer à table en sachant exactement ce qui allait se passer au prochain plat. C’est comme aller voir un film avec Nicolas Cage, ça explose dans tous les sens, aucune surprise ! »
Tu as d’ailleurs écrit un article dans ce magazine dont je ne sais pas grand chose sinon le titre « The World’s 50 best Gay Chefs », qui fait référence au célèbre classement de restaurants « World’s 50 best restaurants ». Est-ce que tu peux m’en dire plus sur ce papier ?
On parle beaucoup du harcèlement en cuisine, du machisme et du bizutage permanent. On se demande depuis des années pourquoi il n’y a pas assez de femmes mais tout cela est en train de changer en Europe et aux Etats-Unis, il y a de plus en plus de cheffes qui prennent la parole et s’expriment créativement dans un restaurant. Il y a énormément de femmes qui ont fait leur coming out, c’est pourquoi on se demandait où étaient les hommes. Le milieu de la cuisine est encore sous l’égide le plus draconien et plombant du patriarcat. Historiquement, c’était un métier de mec, de brute et même de militaire. Il ne faut pas oublier qu’Auguste Escoffier disait que pour être un bon cuisinier, il fallait être un bon militaire qui sache exécuter les ordres. C’est très rare de voir des jeunes ou des moins jeunes sortir du placard et assumer leur homosexualité. Alors on s’est interrogé sur cette omerta, comment en parler quand
encore aujourd’hui les attributs du cuisinier sont la force, le caractère, le côté « oui chef ». Il suffirait de faire boire du vin à n’importe quel cuisinier pour qu’il admette que l’insulte ultime que prononcent certains grands chefs lorsqu’ils veulent être blessants, c’est de dire d’un plat que c’est de la « cuisine de pd ». J’ai dû l’entendre des centaines de fois. C’est vrai que c’est un sujet qui a été moins abordé dans le monde de la gastronomie, la parole se libère trop lentement notamment pour les raisons que tu cites… Comment en es-tu arrivé à écrire sur la cuisine ?
Il y a trente ans, j’écrivais pour des magazines sur la musique, le cinéma ou la littérature. Pour mes rédacteurs en chefs, écrire sur la cuisine alors que j’interviewais des pointures comme David Cronenberg ou Michael Fassbender, c’était une infamie ! Il faut savoir que la critique gastronomique est une spécialité typiquement française, ce qui explique sans doute le conservatisme de la presse en France dans son approche de la cuisine. Historiquement les pages « cuisine » des grands quotidiens étaient données aux journalistes qui ne pouvaient plus s’occuper
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de sujets majeurs dans les années 50 après la guerre, parce qu’ils avaient collaboré. Certains avaient été purgés, d’autres continuaient à écrire sous pseudonyme. Tout cela a perfectionné l’image du chroniqueur gastronomique. Souvent, c’était un homme à l’attitude plutôt conservationniste avec un goût prononcé pour une cuisine enracinée et identitaire, peu ouverte sur la création ou le métissage. Est-ce que tu te souviens de ton premier papier ?
Au bout de cinq ans, j’ai demandé à un de mes rédacteurs en chef de me faire confiance et j’ai pu ainsi écrire un papier sur le chef Marco Pierre White. C’était il y a trente ans. Marco Pierre White est le premier cuisinier à dire « fuck you » à des journalistes et à s’envoyer en l’air avec les plus belles filles du royaume d’Angleterre. C’est le premier à avoir cassé les codes. Ce qui m’a toujours intéressé, c’était de découvrir une personnalité, c’est pourquoi l’approche est la même que j’interviewe un chef, un designer ou un artiste… D’ailleurs je me disais que si les restaurants manquaient à quelqu’un, c’était bien toi !
Oui et non. J’ai vécu le premier confinement comme une libération car je n’étais plus obligé d’aller au restaurant. J’y vais parfois pour le plaisir mais surtout pour des obligations professionnelles. Il faut bien admettre qu’on se fait souvent chier au restaurant… Je n’aimerais pas calculer le nombre d’heures passées à table assis comme un cobaye à ingurgiter des menus imposés à rallonge ! Combien de temps j’ai pu passer à
table en sachant exactement ce qui allait se passer au prochain plat. C’est comme aller voir un film avec Nicolas Cage, ça explose dans tous les sens, aucune surprise ! Tu éprouves une forme de lassitude ?
Je suis las et fatigué d’être obligé de revivre ce jour sans fin comme Bill Murray. Il y a des années, j’ai découvert qu’il y avait deux choses que je ne mangeais pas : le foie gras et le pigeon. Un jour j’ai compris que j’étais physiquement incapable de regoûter le pigeon ! Imagine que tu travailles pour un guide gastronomique : tu dois faire quatrevingt dix ou cent-trente restaurants par an. Ces derniers sont tous à cette étape où ils se disent « j’ai une étoile et j’aimerais bien la seconde ». Tu peux être sûre qu’à un moment tu vas avoir du foie gras, des coquilles SaintJacques et immanquablement ça se termine avec l’incontournable pigeon ! C’est impressionnant, ton intolérance au pigeon est née d’une overdose ! Tu as été président des World’s 50 best restaurant en France pendant quelques années, comment ça s’est passé ?
On m’a contacté en 2004 car je voyageais beaucoup, à l’origine leur idée était totalement journalistique, il n’était pas question de compétition. Si tu achètes les Cahiers du Cinéma ou les Inrocks, tu as droit chaque année à une liste de films, livres ou disques préférés. L’idée de départ c’était ça, une playlist de restaurants où chacun votait en fonction de son expérience. Il y avait un esprit frondeur et drôle qui cassait les codes, dans la mesure où il n’y avait pas de critères définis. On pouvait voter pour une trattoria vénitienne ou un restaurant
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français à Singapour. Ce format a perduré pas mal d’années, j’ai même été surpris que les organisateurs n’aient pas réalisé l’énorme potentiel économique qu’ils détenaient plus tôt. Ce n’est qu’une fois qu’ils comprirent qu’ils pouvaient capitaliser sur cette marque avec un rôle à jouer dans les différents pays que c’est parti en couilles. C’est devenu moins drôle. Commercial et prévisible. Les restaurants qui sont mis à l’honneur sont certes plus progressistes que dans la plupart des autres guides, mais ce sont tous des restaurants gastronomiques de très haut niveau avec des allures de showrooms. Il y a quelques années tu as créé un festival unique, il s’agit de Gelinaz. Je dis festival sans trop savoir le qualifier car les événements peuvent avoir lieu dans un seul endroit, ou simultanément partout dans le monde…
Gelinaz c’est une longue histoire née il y a 15 ans. Je dis souvent que c’est un hobby à temps-plein, c’est absolument pas rentable ! Gelinaz est fait pour tisser des liens avec les cuisiniers, créer des synergies, pousser les chefs à aller plus loin, les provoquer. On fait un ou deux événements dans l’année, ce sont des moments de respiration intellectuelle. Les enjeux sont toujours différents, dans des conditions économiques ou même sanitaires différentes. En tout cas ça n’a jamais été un truc de compétition, on ne vient pas pour briller, faire du glam’ ou rouler des mécaniques ! On a des grosses pointures et des jeunes pousses, des filles et des garçons. Cuisiner c’est bien et aller le plus loin possible dans l’assiette c’est très bien, mais tout ça c’est presque basique ! Le plus drôle c’est quand la vie interfère avec ce que tu es en train de faire.
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Vous avez donc créé le Shuffle, peux-tu m’expliquer le principe ?
C’est une grande loterie avec quarante cuisiniers. Par exemple, je vais sortir ton nom et tu devras partir chez Virgilio Martinez au Pérou. Virgilio partira à Tokyo chez Yoshihiro Narisawa qui lui partira en Italie, et ainsi de suite. Ce n’est pas seulement un échange de restaurant, en partant tu laisses les clefs de ton appartement à quelqu’un qui va vivre cinq jours chez toi, travailler dans ton resto avec ton équipe avec le même modèle économique. C’est une sorte de « reality show » ! C’est une économie de la débrouille finalement !
En étant pauvres comme des damnés, bien-sûr ! Rien qu’acheter des billets d’avion en classe éco, c’est compliqué ! Si on avait dû payer l'hôtel, c’était la faillite totale ! Certains chefs laissaient une note en demandant à l’invité de bien penser à arroser les plantes ou à sortir le chien ! Le chef invité pouvait se retrouver à prendre le petitdéjeuner avec une famille qu’il ne connaissait pas et ça crée des choses formidables. Pour un cuisinier, c’est un moment de liberté inédit et à chaque fois, c’est un peu plus plus exigeant, casse-gueule ou abscons ! Beaucoup de cuisiniers demandent à participer, tu n’as pas idée ! Mais ceux qui n’y participent pas pour les bonnes raisons n’y trouveront jamais ce qui fait la magie de Gelinaz . •
ThaĂŻs Breton
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société
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Early June À deux pas du Canal Saint-Martin, Early June donne à l’hiver un éternel air d’été. Sous-titré cave à manger, le restaurant de Camille Machet et Victor Vautier est une adresse agréable où venir découvrir des vins naturels qu’ils chinent eux-mêmes en parcourant les vignobles. Derrière chaque quille se cache une histoire que le duo n’hésite pas à raconter. Côté cuisine, les chefs en résidence livrent des assiettes de gourmets, réconfortantes et fines où se marient des saveurs d’ici et d’ailleurs, toujours de saison. Sur des morceaux de musique indie, la cave à manger respire l’hospitalité sincère de ses tenanciers. → Early June, 19 Rue Jean Poulmarch, 75010 Paris
Texte Stéphanie Thiriet Photos Bastien Lattanzio Hair Yuta Umeda
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CAMILLE : Pantalon MINUIT, Blouse GANNI / VICTOR : Veste et Chemise DRAPEAU NOIR, Pantalon 45R, Boots JOHN LOBB / SAC : BY FAR
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CAMILLE : Pantalon MINUIT, Blouse GANNI / VICTOR : Veste BLEU DE PANAME, T-shirt 45R / BIJOUX : CHARLOTTE CHESNAIS / SAC : AMELIE PICHARD / MOCASSINS : BY FAR
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CAMILLE, À GAUCHE : Chemise et Manteau 45R, Mocassins BY FAR / CLOSE UP : Jean 45R, Chaussette BLEU DE PANAME, Birkenstock / CAMILLE, À DROITE : Pantalon et Manteau JW ANDERSON, Blouse GANNI, Mocassins BY FAR / VICTOR : Veste, T-shirt et Pantalon BLEU DE PANAME, Birkenstock
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Strasbourg & alentours
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En collaboration avec
Texte Cécile Becker Photos Thaïs Breton
On a cherché ce qui fait le sel de la capitale de Noël : son authenticité peut-être, son folklore et ses charmes tirés de son architecture sûrement, sa Grande Dame enserrée dans ses rues pavées, évidemment. On a voulu transcrire autre chose. Parce qu’autour de la choucroute, il n’y a pas que les bretzels qui se nouent, il y a aussi une culture de la convivialité et des courants alternatifs. Autour et dans Strasbourg, il y a d’autres histoires que celles qu’on se raconte déjà.
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Destination :
Strasbourg Textes Cécile
Becker / Photos Christophe Urbain
Les Funambules
La table Au Pont Corbeau → 21, quai Saint-Nicolas
N’en déplaisent aux guides touristiques, les bonnes winstub (bars-restaurants typiques d’Alsace) se font rares en centre-ville et celle-ci fait de la résistance. Un restaurant qui aborde les plats authentiques
Utopie
alsaciens avec le respect qu’on leur doit (les knacks roses fluo, ça n’existe pas…), le premier à avoir servi des vins libres qui tiennent une belle place sur une carte dont on peine encore à mesurer l’étendue. La sémillante Coralie Andt a pris la suite de son père à la tête de ce lieu qui rassemble touristes avisés et habitués avinés. Nos conseils : le hareng, la choucroute (quand même), le jambonneau grillé.
Alma → 18, rue Hannong
Au menu : cuisine nikkei, fusion entre Japon et Pérou. Tout tourne autour du poisson cru (à part quelques exceptions, comme leur superbe tataki de bœuf) : des ceviche agrémentés de produits de saison, des huîtres, des sashimi et autres sushi ou chirashi ultra-frais.
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Pauline Walther et Julien Sinay accordent un soin tout particulier à la qualité de leurs produits. Celles et ceux qui n’apprécient pas le poisson cru finissent toujours par être convaincus…
Les Funambules → 17, rue Geiler
Guillaume Besson est aussi bien un génie (ne mâchons pas nos mots) qu’un chef doté d’une grande sensibilité qui se retrouve indubitablement dans ses assiettes. Beaucoup de technique, certes, mais surtout, des incursions asiatiques qui se marient magnifiquement aux produits du terroir. En équilibre entre des goûts qui réveillent les souvenirs et ceux qui révèlent des associations vivifiantes. Attention : réservez.
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piocher tous les éléments pour saisir la complexité des plats – déclinés en menu unique et en 6 temps le soir – qui partent de l’aliment sourcé en circuit court, relevé d’assaisonnements, d’épices ou herbes aromatiques détonantes souvent apportées par leurs proches. Une belle table qui souffle un sacré coup de fraîcheur sur la Petite France, haut lieu touristique de la ville.
de concept léché et de déco tarabiscotée mais une sélection de bières artisanales et de vins natures au cordeau, des tenanciers et serveurs proches de leurs fournisseurs et des producteurs et surtout, qui savent de quoi ils parlent, une ambiance unique nourrie par les habitués. On gueule, on s’enthousiasme, on se marre, on se serre et on traîne souvent trop tard. Rare.
Le verre
Au fil du vin libre
Le Café des Sports
Comment c’est arrivé ? Impossible à dire… Au lieu d’utiliser le nom de la boutique, toutes et tous les fondus de vin nature disent désormais aller « chez Jean », comme Jean Walch, caviste dont la sélection
→ 16, rue Sainte-Hélène
Il aura fallu attendre longtemps pour qu’un bar comme celui-là ouvre enfin à Strasbourg. Pas
Le Cornichon masqué → 17, place du Marché Gayot
Dans la famille « In Vino Veritas Collection », on citera La Cantina voisine ou In Vino Veritas, deux adresses où l’on sait très très bien manger et boire italien. On a préféré parler du Cornichon masqué, dont le groupe a redoré le blason à l’aide de plats réconfortants, franchement teintés de culture alsacienne, surtout inspirés des produits du cru et ce qu’il faut de twists contemporains. La carte des vins est à tomber.
Utopie → 10, Petite Rue des Dentelles
Ici, la cuisine fait preuve d’une grande finesse et d’équilibres soignés. La fourchette doit
destination
Au fil du vin libre
→ 26, quai des Bateliers
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exigeante convainc autant que les récits qui l’accompagnent. Ici, on connaît les vignerons et producteurs qui viennent régulièrement en dégust’, et on repart toujours chargé de quilles (parfois de saucisses Chavassieux) – dont beaucoup deviendront vos prochaines favorites.
La Grosse Baloche → 7, rue des Orphelins
On connaissait déjà La Binchstub’ (meilleures tartes flambées de la ville), on a depuis peu la petite sœur. Un bar et des petites assiettes tirées du frichti alsacien : os à moelle, croquettes de munster, mini tartes flambées, grumbeerekiechle, etc. Des classiques
des fermes-auberges. On adore le petit-déj’ le « Balochard » : leverwurst (saucisse de foie à tartiner), café au lait, viennoiserie, jus d’oranges pressées et… schnaps. Une révérence au café-schnaps du matin des ouvriers du coin.
Le goûter Sébastien → 20, quai des Bateliers
Aussi loin qu’on s’en souvienne, la pâtisserie Gillmann a toujours fait partie du paysage quai des Bateliers ; Sébastien épaulait alors ses parents. Un jour, il a repris la boutique et a tout repensé. Résultat : un décor
minimaliste fait de terrazzo qui enrobe des pâtisseries et viennoiseries au goût de reviens-y. Sa brioche feuilletée, ses éclairs craquelin, sa tarte citron, sa feuille d’automne (photo), ses kouglofs et ses chocolats… tout vaut le détour. Sa gentillesse et son accessibilité (loin d’être les atours d’autres 'stars' du coin) font le reste.
Omnino → L’Escabeau, 17, rue des Drapiers → Le Kiosque, 1, place SaintPierre-le-Vieux
À Strasbourg, les coffee-shops ne manquent pas (beaucoup se sont mis à la torréfaction maison). Si le Café Bretelles (très bonne adresse) a ouvert la voie, Omnino lui a emboîté le pas, d’abord en version nomade. Depuis, ils ont élu domicile dans un ancien kiosque à fleurs à l’entrée de la rue du 22 Novembre, un café-boutique boutique (L’Escabeau) et ouvriront bientôt à la Krutenau. D’excellents cafés sur place ou à emporter, dont les suggestions changent régulièrement, en grain ou moulu pour chez soi, et des gourmandises au poil.
Le lit Boma → 7, rue du 22-Novembre
Sébastien
Des chambres au décor graphique, un emplacement idéal, mais surtout un restaurant qui ne se repose pas sur ses lauriers où l’on mange comme au bistrot (œuf mollet, pièce
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de viande, croque-monsieur, bouchées à la reine, gravlax, etc.) et des plats du jour bien ficelés. On aime la grande salle ouverte aux couleurs chaudes, les concerts régulièrement organisés, et la carte des vins remplie de quilles bien faites.
Graffalgar
S’échapper 48°Nord → 1048, route du Mont SainteOdile à Breitenbach
Coup de cœur. D’abord pour le cadre, forcément verdoyant et vallonné et ses chambres ouvertes sur le paysage, ensuite pour son décor ultra-boisé et ses propositions bien-être, surtout pour son restaurant, tenu par Frédéric Metzger, chef ultra engagé. Tous les produits sont locaux (100 km environ), les aliments travaillés maison
Graffalgar
Yvan Moreau
À quelques pas de la gare, un hôtel conçu comme un lieu de vie où les Strasbourgeois se donnent aussi rendez-vous : parce que les brunchs (mais pas que) sont bons et beaux, parce que la web radio ODC y est installée, parce que l’inimitable coiffeuse Esther Sanchez a ouvert son salon dans une des chambres (cela a d’ailleurs incité l’équipe à ouvrir son 2e étage aux indépendants en galère en plein covid – ce qui est franchement bien vu). Côté chambres, elles ont toutes été décorées par des artistes du cru et leurs tarifs sont tout doux.
Paola Guigou
→ 17, rue Déserte
48°Nord
(fermentations, vinaigres de plantes, etc.) et les assiettes organiques. Magnifique.
L’Alchémille* → 53, route de Lapoutroie à Kaysersberg
Jérôme Jaegle n’y va pas par quatre chemins, ou plutôt si : pourvu qu’ils les mènent dans la forêt ou dans son jardin où il cultive avec sa femme Marie-Laure tout ce qui fait
la richesse de ses propositions davantage tournées vers le végétal. Il y a là quelque chose d’absolument pur et de poétique, quelque chose de très ancré ici, là et maintenant. À noter : le confinement a été l’occasion de lancer sa collection de pâtés en croûte (à se damner). À commander sur son site et à collecter notamment à La Nouvelle Douane à Strasbourg. •
Strasbourg, rencontres
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Les Éditions 2024 Créées en 2010, elles publient des ouvrages passionnants, témoins d’un grand soin porté à l’impression et à la fabrication. Des livres qui creusent avec entrain le récit et le dessin dans une ville où la tradition de l’édition est omniprésente (Gutenberg, Tomi Ungerer, Blutch, etc.). Trois questions à leurs créateurs : Simon Liberman et Olivier Bron. Pourquoi Strasbourg ?
On est arrivés ici pour l’école des Arts décoratifs [aujourd’hui la HEAR, ndlr]. Après les études, on ne s’y est pas trouvés si mal. Vu qu’il n’était pas question de monter à Paris (trop cher !), on est restés, d’abord un an, puis deux, puis trois… La HEAR Strasbourg accueille un atelier d’illustration unique en France, duquel d’éminents auteurs sont sortis – ils constituent la majeure partie de notre catalogue. Cette raison suffit amplement. Qu’est-ce qu’on trouve à Strasbourg qu’on ne trouve pas ailleurs ?
Un milieu de l’image très riche et vivant autour du festival d’illustration Central Vapeur, de la HEAR, du musée Tomi Ungerer, plusieurs bonnes librairies et beaucoup de pistes cyclables ! L’endroit qui symbolise le mieux Strasbourg ?
La Virgule à La Coop. On ne sait pas si ça symbolise Strasbourg parce que c’est un lieu récent mais plusieurs collectifs d’artistes et des structures du monde de la création y sont installés. Le lieu promet d’être vivant, on est heureux d’en faire partie. → www.editions2024.com
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Le Kouglopf de Sonia Verguet Elle persiste et signe : « Le design culinaire, c’est du design, pas de la cuisine. » Son approche dépasse ainsi la notion de saveurs pour questionner les usages et la société. Sonia Verguet s’est notamment intéressée au moule à kouglof : « Je me suis demandée pourquoi on ne mettait pas autre chose que le kouglof dans ces moules, comme si le poids de la tradition et le folklore nous interdisaient de nous en saisir alors que la forme de cet objet est folle et géniale ! » Elle est donc partie à la rencontre des potiers du côté de Soufflenheim et a réalisé que l’usage contraint de ce moule, presque réduit à un « objet touristique », pesait sur l’économie de cet artisanat. Résultat : de nombreux potiers de la région ont mis la clé sous la porte. « J’aimerais que cet objet de tradition appartienne à monsieur et madame Tout-le-monde et qu’on puisse s’en servir comme bon nous semble. » Elle a alors détourné le moule à kouglof et l’a rempli de houmous, de maki ou de tartare et a décidé d’en faire un livre qui sortira au printemps 2021. On y croise l’histoire de ce gâteau alsacien, 100 images de kouglofs revisités qui nous donnent sérieusement envie de sortir nos moules du placard, et une recette originale proposée par Pierre Hermé – originaire de Colmar, on le rappelle. Sonia Verguet en a profité pour interviewer le pâtissier-chocolatier sur… le poids de la tradition. « L’artisanat, quel qu’il soit, est très souvent régi par des gestes, des outils, des recettes, des règles dont on peine à sortir. Il est difficile d’accepter d’autres esthétique et usages. »
Ce livre, Cooglof est donc plus largement un manifeste. En marge de son travail personnel, Sonia Verguet est impliquée dans l’association IDeE, qui, justement, s’emploie à rapprocher artisanat et design et à ouvrir de nouveaux horizons. Br’ideele, leur dernière opération, a invité des designers à dessiner des bredele – ces petits biscuits que l’on déguste durant toute la période des fêtes en Alsace et dont on a usé formes et couleurs – pour sept pâtisseries. Quatre modèles (Tetris, Cannelthédrale, Helleborus et Flokele) sont disponibles sur leur e-shop et directement dans les boutiques concernées. Rafraîchissant. → soniaverguet.com → designers.alsace/boutique
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Mittelbergheim, l’irréductible
Ils sont cinq. Cinq vignerons nature dans ce village en plein cœur du vignoble alsacien. 650 habitants et cinq vignerons qui font avec la terre, le sol, les saisons, la nature et ce qu’elle offre. Cinq vignerons nature qu’on aime boire goulument. Alors, on a voulu savoir : cette concentration ici, là, ce terroir, pourquoi ? Textes Cécile Becker Photos Christophe Urbain
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Ce matin-là, à Mittelbergheim, la brume gobe tout sur son passage : les silhouettes qui sortent du lointain, les cimes des arbres et jusqu’au toit des fastes maisons, vestiges bourgeois d’une époque révolue où le vin alsacien coulait à flots sur les tables couronnées. Un charmant village viticole avec ses portes cochères ouvertes à tous vents donnant sur de larges cours, ses rues étroites et ses dizaines d’enseignes de vignerons dressées sur les murs. Le décor est planté. C’est qu’ici, comme ailleurs en Alsace – c’est ce qui fait sa particularité –, depuis la séparation des Vosges et de la Forêt Noire, l’affaissement du fossé rhénan et la mise à nu de toutes les ères géologiques, on peut profiter d’une diversité de sols ahurissante. De Barr à Andlau en passant par Mittelbergheim, de paroles de vignerons, on retrouve « presque tout » : « Il suffit d’une petite poignée de kilomètres pour passer d’un sol argilo-calcaire à un autre gréseux, au schiste ou au granit », explique Catherine Riss. La redistribution des parcelles du clergé à de nouveaux et nombreux propriétaires terriens a fait le reste. Mais c’est aussi, qu’ici, on a décidé de ne pas faire comme tout le monde et surtout, du mieux qu’on peut.
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Si aujourd’hui on y retrouve une partie de la fine fleur du vin nature made in Elsass, cinq pour être précis (Lucas Rieffel, Jean-Pierre Rietsch, Ludovic Rohrer, André Kleinknecht et Catherine Riss – cette dernière habite à Mittel’, plus pour très longtemps, et travaille ses vignes entre Bernardvillé et Reichsfeld), c’est donc loin d’être le fruit du hasard. Un sol riche certes, où on cultive un goût certain pour la dissidence et l’amitié – une histoire d’ « affinités électives » comme dirait Patrick Meyer, l’un des précurseurs du vin nature (on y reviendra…). André Kleinknecht raconte : « Nos parents, tous vignerons, allaient en montagne et faisaient du ski ensemble, ils étaient déjà potes. Ça explique aussi qu’on se retrouve tous dans le même bateau à faire de la bio. Le grand-père de Ludovic [Rohrer, ndlr] et mon père ont notamment été les premiers en Alsace à faire de l’enherbement. Dans le village, tout le monde a rapidement fini par les suivre… Aujourd’hui, trois quarts des vignerons de Mittel’ sont en bio. » (En Alsace, 8 % de vignerons sont en bio, à titre de comparaison…) Entre 2000 et 2012, les conversions se sont enchaînées et les certifications ont suivi : bio, biodynamie et patatras, les essais en nature.
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C’est Lucas Rieffel qui, à l’occasion de son mariage, sort ses premières bouteilles en 2003 inaugurant alors sa série de pinot noir 'Nature' qui fait encore et toujours date. Jean-Pierre Rietsch, lui, a mis le paquet : après une conversion en bio en 2008, il « passe tout en nature » en deux ans et diffuse la bonne parole à grande échelle. « Je me suis pas mal bougé pour aller vendre ailleurs. Je me souviens avoir loué une salle à Paris pour présenter mes vins, personne n’est venu… Puis, tout d’un coup, ça a explosé. J’ai profité des blogs qui fleurissaient à l’époque et commençaient à s’intéresser au nature. » Pour lui comme pour les autres, ce qui fait le bonheur des carnets de tendances gastronomiques du moment, n’a pas été une sinécure. « Il faut du courage pour ne pas mettre de soufre dans son vin et pour continuer à en faire aussi d’ailleurs… », commente Catherine Riss, la dernière arrivée qui a travaillé et vinifié chez Lucas Rieffel avant de monter son domaine à quelques kilomètres de là. Et le courage, ils l’ont trouvé dans le collectif. Patrick Meyer (le revoilà), Jean-Pierre Frick, Bruno Schueller et Christian Binner, les pionniers du coin, ont largement ouvert la voie, et, par leurs conseils et leur regard, probablement insufflé cet esprit qui fait qu’encore aujourd’hui, les vignerons nature alsaciens se retrouvent pour monter des événements passionnants, D’Summer Fascht, ou dernièrement, des dégustations rassemblant 270 références au domaine Achillée adressées aux professionnels pour pallier la catastrophe sanitaire. « Ce sont des encyclopédies, ils ont clairement sorti le vin de la tôle dans lequel il était enfermé depuis 30 ans. Il y avait quelque chose de rassurant à les écouter sur leur approche du vin, raconte
André Kleinknecht. Grâce à eux, on en a évité des conneries… » C’est d’ailleurs aux côtés de Patrick Meyer que Ludovic Rohrer, le benjamin de la bande, s’est formé avant de reprendre le domaine familial : « Il m’a appris à travailler comme je l’entendais, à instaurer un autre rapport au travail. Je n’en serais pas là sans les autres vignerons alsaciens. » Tous les cinq se voient, aussi souvent que possible et discutent des techniques de macération, des déconvenues avec l’administration – plus nombreuses ces dernières années avec la recrudescence des contrôles de la répression des fraudes, on se demande bien pourquoi… –, des hauts et des bas des agréments (appellations), aux bons importateurs et mauvais payeurs ; tout se dit et s’échange, le matériel aussi. « On se retrouve pour goûter et on partage, ça se fait de manière naturelle », poursuit Lucas Rieffel. À les regarder et à les écouter ce jour-là, se ruant sur le moindre jeu de mots, la moindre taquinerie, à revenir sur des souvenirs et autres dingueries, à parler embouteillage par temps froid entre deux gorgées, à se chamailler pour un bout de tarte poires-chocolat, on se dit que c’est ça « l’esprit Mittelbergheim ». Le partage qui transpire partout. Comme si, cette « énergie » souvent guettée à la dégustation, comme si ces moments trouvés autour d’un flacon et en bonne compagnie ne venaient pas de nulle part et très probablement de ces jus faits ici, comme ça, par ces gens-là. Il y a là une philosophie dégagée de tout artifice : le retour au terroir, le lien à la terre, la complicité, la simplicité. Et puis, parce que : « dans 'alcool', y’a 'cool' » lance Lucas Rieffel nous laissant, hilares, retrouver la brume sur les routes de la plaine alsacienne. •
inspirations
destination
Leurs bonnes adresses à la ronde Le Stampfel à Boersch
Cuisine du marché, bons vins
5 Terres à Barr
Hôtel et restaurant, terroir et élégance, finesse et équilibre
Bistro des Saveurs (Obernai) Assiettes aériennes, pieds dans la terre
Bellevue à Zellwiller Les meilleures moules- frites
Qui dit vin ? (Obernai)
Bar à vins bio et nature
Au Bien Boire (Obernai) Caviste éclairé
Ferme Haag (Saint-Pierre) Des fromages à se taper le cul par terre
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DÉLICES D’INITIÉS
Le bouche-à-oreille reste la manière la plus sûre de se régaler au restaurant, c’est pourquoi nous avons demandé à quelques gourmands bien renseignés de nous confier leurs restaurants favoris. Pas le meilleur mais celui où la magie opère entre atmosphère, service et cuisine.
Textes
Déborah Pham
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délices d’initiés
Ikeda par Fergus Henderson du restaurant St John à Londres
Ikeda, un restaurant japonais sans prétention situé sur Brook Street à Mayfair est un lieu magique. En passant les portes, on pénètre dans un restaurant où, comme au Japon, l’accueil est aussi important que la cuisine qui, bien évidemment, est extraordinaire. Les nouilles sont particulièrement excellentes, on y mange la vraie cuisine japonaise des montagnes ! Leur bar à sushi est une démonstration extravagante de ce qu’il y a de plus frais et de la meilleure qualité de poisson, le tout préparé avec soin et beauté. Les sushis sont préparés tels qu’ils devraient l’être et bien que le compteur tourne à toute allure et que l’addition augmente rapidement, ça vaut définitivement le coup. C’est un vrai régal. Ikeda est installé au même endroit depuis presque quarante ans. C’est un restaurant tenu par une famille, une mère et ses deux fils. L’un d’eux est le chef tandis que le second est le maître d’hôtel. Le décor ressemble peut-être au lobby d’un Holiday Inn dans
les années 70 mais regarder les chefs cuisiner est un pur moment de joie. Le rythme est lent et fantastique, c’est un peu comme une performance qui aurait court, comme une danse. C’est fascinant.
→ Ikeda, 30 Brook Street, London, W1K 5DJ, UK
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Chez Georges par Trevor Gulliver du restaurant St John à Londres
Je n’arrive pas à me souvenir de la première fois où j’ai déjeuné au restaurant Chez Georges… C’est un souvenir désormais perdu dans les brumes du temps (ou seraient-ce les brumes du déjeuner, plutôt ?) À cette époque, il était fréquent de faire un petit détour au coin de la rue chez Willy’s wine bar ou à la cave des Juvéniles un peu plus tard. Ce qui pourrait expliquer le flou ! Tous les mots habituels peuvent être utilisés pour décrire ce restaurant et au fil des années, différents critiques gastronomiques ont su trouver chacun leur prose. Ils ont tenté d’adopter ce restaurant comme une seconde maison mais en vérité, Chez Georges navigue au-dessus de ces choses-là. C’est un lieu simple et heureux qui se suffit à lui-même. Un vrai bistrot parisien où le déjeuner se doit d’être anticipé bien en avance. Le menu, l’atmosphère et les gens, tout y semble merveilleusement familier. J’aime y commander des assiettes dans un ordre bien précis, en commençant avec les hors d'œuvres. La Rillette, les harengs puis les radis-beurre… et le repas peut continuer. La cuisine et le service donnent le la, quoiqu’ils s’adaptent très bien au rythme
et au tempo du client. Les tables sont proches les unes des autres (remarque, ce n’est peut-être plus le cas aujourd’hui !), mais c’est ainsi. C’est un restaurant où il fait bon être. Les restaurants sont à mon sens comme de vieux amis (et à St John nous avons la chance d’en avoir beaucoup !), des endroits pour passer de bons déjeuners en bonne compagnie. Le restaurant Chez George semble toujours réussir cette prouesse. C’est un classique dans tous les sens du terme… Et voilà, c’est Paris (en français dans le texte, ndlr) ! → Chez Georges, 1 Rue du Mail, 75002 Paris
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Yakumo Saryō par Pierre Touitou, chef cuisnier
J’avais envie de parler de ce restaurant au Japon, Yakumo Saryo. Bien que j’ai eu la chance de manger dans de très bons restaurants dans ma vie, pleurer au restaurant ne m’est arrivé que trois fois. C’est un des plus beaux repas et une des plus belles expériences de ma vie. Dans la salle il y avait énormément de lumière, pour s’y rendre on passe par un portail puis sous un rideau traditionnel, enfin on descend les escaliers et on se retrouve dans un jardin qui encercle le restaurant. On peut y prendre le thé et manger des mochis mais aussi déjeuner. On y sert un repas omakase, c’est assez long. Je me souviens qu’il y avait un consommé de bœuf dans une grande marmite en étain et que le chef y avait trempé du wagyu comme on le fait pour un
shabu shabu. Tout était d’une justesse incroyable, même dans les saveurs les plus claires. Le riz est cuit juste pour toi, c’est le meilleur que j’ai mangé de ma vie. Il en va de même pour la soupe miso ou le sudachi (un agrume japonais, ndlr). À chaque fois que je mettais quelque chose dans ma bouche, ça devenait le meilleur de ma vie. Tout était désarmant de simplicité et contrairement à ce qu’on pourrait penser, leur vision n’était pas de montrer la qualité des produits, mais un état d’esprit pur. La délicatesse dans le peu de gestes et d’interventions de la part du chef. Quand tu arrives on te donne un petit carnet dans lequel tu peux retrouver des traductions dans plusieurs langues écrites à la main. Tu as deux pages uniquement sur les textures, pour le mot gluant il y avait cinq mots différents. Après ce repas, j’ai flotté tout l’après-midi. On prend ton manteau puis tu te laisses glisser jusqu’à la fin du repas. C’était déconcertant. Du début à la fin, c’était déconcertant de beauté. → Yakumo Saryō, 3 Chome-4-7 Yakumo, Meguro City, Tokyo 152-0023
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Le Châteaubriand par Alexandros Rallis, fondateur de Profil Grec
Marie-Amélie Tondu
J’ai beaucoup réfléchi puis j’ai eu envie de parler du dernier restaurant où j’ai pu aller, c’était le jeudi 28 octobre peu avant le second confinement. J’ai déjeuné au Chateaubriand avec mon ami Gilles Manzoni. Ça faisait très longtemps que je n’y avais pas mangé et on avait tous les deux décidé de nous lâcher, sachant que ce restaurant serait certainement notre dernière opportunité de l’année. On s’est offert de la grande cuisine accompagnée de grands vins ! Du Puligny Montrachet de Philippe Pacalet et d’autres vins magnifiques de chez Frédéric Cossard. Tout faisait qu’on allait se souvenir de ce moment, de cette grande
gastronomie mise à mal par cette période noire. La beauté de cet instant était aussi unique compte tenu des circonstances... J’ai été marqué par l’atmosphère, l’énergie en salle avec cette ambiance de partage et de bonheur ! Le restaurant était plein pour son unique ouverture au déjeuner. On a refait le monde, Gilles aka le prince de Belleville m’a offert un tour des bistrots parisiens, en histoires et anecdotes. Le chef Iñaki Aizpitarte fait d’ailleurs partie de cette histoire, c’est un précurseur tout comme Yves Camdeborde qui sont tous deux en rupture dans l’histoire de la restauration et ont toujours eu le nez sur les produits, les vins et le travail des artisans. Il y a douze ans, je lui ai vendu mon premier bidon d’huile d’olive et c’est le premier à m’avoir fait confiance. Ça a été une boussole pour moi. En ce moment avec la fermeture des restaurants, l’équipe fait des pizzas et je trouve ça extra. Ils ne se laissent pas abattre, c’est un restaurant étoilé mais on s’en fout, on a envie de s’amuser ! → Le Châteaubriand, 129 Avenue Parmentier, 75011 Paris
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délices d’initiés
L'Amarante par Fleur Godart, fondatrice de Vins et Volailles
J’étais dans une période où j’étais bouleversée, la vie était difficile. J’arrive dans ce restaurant, il fait un peu froid et là le chef Christophe Philippe sort de sa cuisine, content de nous voir. On commande comme d’habitude une langue en carpaccio, une cervelle, des escargots et un foie gras en entrée, parce que tout ça est beaucoup trop bon pour n’en choisir qu’une seule. Ensuite, un ris de veau et mon ami Jean-Claude prend des tripes. Quand les assiettes arrivent, j’ai le sentiment d’être comme dans un spa mais à l’intérieur de moi. Tout ce que je mets dans ma bouche est un soin pour mon âme. Je suis d’autant plus sensible à la qualité exceptionnelle de cette cuisine, c’est-à-dire au soin et à l’amour que le chef met dans ses gestes car à ce moment-là, je suis un peu écorchée. Le repas s’achève et je vais le remercier pour toute cette douceur et toute cette tendresse que j’ai perçue dans chacun de ses plats d’abats. Car les abats, c’est ce qu’il y a de meilleur au monde, surtout quand c’est cuisiné comme ça. Il me répond : « Tu sais c’est pour ça que je vis et que je fais ce métier, sur cent clients je vais en avoir deux qui vont me dire qu’ils ont eu la chair de poule. » Christophe c’est pas du tout quelqu’un qui va se lancer dans des expérimentations mais
plutôt quelqu’un qui va se poser la question pendant six mois d’enlever un gramme de sucre sur telle recette ou y ajouter un gramme de sel. Tout ça est extrêmement précis et mesuré. Ce jour-là, il m’a aussi parlé de sa mousse au chocolat, il a dit « Il faut y croire à cette mousse parce que ça fait dix ans que je travaille avec mon commis qui la met en place, fait fondre le chocolat et monte les blancs. Ce n’est pas lui qui l’assemble car comme il y croit pas ça tombe toujours. Avec moi, jamais. » Christophe Philippe c’est ça, la cuisine de l’amour. Et quand on va manger chez lui, on mange de l’amour et en ce moment on en a tous et toutes énormément besoin. → L’Amarante, 4 rue Biscornet, 75012 Paris
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eat & explore
société
L’emblème du goût Ruinart par la photographe Elsa Leydier
L’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ, À CONSOMMER AVEC MODÉRATION.