#05 / SPRING - SUMMER 2016
La forme a trouvé son style Bougez. Sortez. Brillez. Que vous l’utilisiez pour vos activités quotidiennes ou quand vous sortez, Fitbit Alta™ propose des bracelets interchangeables conçus pour s’adapter à votre style. Grâce à la reconnaissance d’exercice automatique, au suivi de l’activité quotidienne, aux rappels de mouvement, aux appels et aux messages d’alerte, trouver son partenaire de fitness n’aura jamais été aussi facile.
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SUIVI AUTOMATIQUE DU SOMMEIL & ALARMES
ALERTES APPEL, SMS & CALENDRIER
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RECONNAISSANCE AUTOMATIQUE D’ACTIVITÉ
©2016 Fitbit, Inc. Tous droits réservés. Fitbit et Alta sont des marques commerciales de Fitbit, Inc. aux États-Unis et dans d’autres pays.
3
Découverte
édito par Déborah Pham
Mint avait besoin de voir les choses en grand. Après avoir passé trois ans à tâtonner et à apprendre sur le tas, nous avons imaginé un nouvel objet pour porter nos aventures. De belles rencontres, il y en aura toujours mais il faudra voir plus loin. Il y a eu comme un déclic, un désir d’imaginer un magazine qui nous ressemblerait encore davantage, capable de porter des messages qui nous touchent, comme celui du destin de notre planète dépeint par Paul Watson, le fondateur de Sea Shepherd. Nous avons grandi et il était temps que Mint grandisse à son tour. Aussi, nous vous invitons à découvrir Séville, où le soleil a pénétré nos cœurs dans cette ville qui ne dort jamais. La chaleur et le son des guitares accompagnaient nos apéros qui duraient des heures, alanguis sur une terrasse de la place Alameda de Hércules. On vous souhaite de vous y perdre, d’y faire des rencontres et de prendre votre temps en parcourant les jardins luxuriants de l’Alcazar. Bienvenue en Andalousie !
Eat
Mint
4
Ours
Rédactrice en chef
Impression
Déborah Pham
Imprimé en Belgique par SNEL
Direction artistique Noémie Cédille
Distribution
www.noemiecedille.fr
Dans une ville où les publications gratuites
Design graphique
où elles atterriront, Le Crieur se propose
Agathe Boudin
fusent à tout-va sans jamais vraiment savoir aujourd’hui de jouer les aiguilleurs.
www.agatheboudin.com
Mint www.magazine-mint.fr
contact@magazine-mint.fr 32, rue Le Pelletier 75009 Paris
Publicité Kamate Régie
01.47.68.59.43
dolivier@kamateregie.com
Collaborateurs Rédacteurs
Valentine Benoist, Lauriane Gepner, Hélène Rocco, Julie Thiébault et Ezechiel Zérah Illustrateurs
Sabrina Arnault, Sophie Della Corte, Coline Girard, Laura Kientzler, Zoé Labatut, Lisa Laubreaux, studio ma et Noémie Cédille
Mentions légales ISSN : en cours Dépôt légal à parution. Le magazine décline toute responsabilité quant aux sujets et photos qui lui sont envoyés. Les articles publiés n'engagent que la responsabilité de leurs auteurs. Tous
Photographes
droits de reproduction réservés pour tous pays. Aucun
Chloé Gassian, Kris Kirkham, Agathe Boudin
d'aucune manière ni d'aucun moyen que ce soient, sans
Tiphaine Caro, Lucile Cubin, Youssef Eldin,
élément de cette revue ne peut être reproduit ni transmis
et Noémie Cédille
l'autorisation écrite des auteurs.
Designers / Stylistes
Heju, Caroline Nedelec et Paris se quema Secrétaire de rédaction / Traduction Agathe Morelli / Molly Ashby
Remerciements Stéphane Méjanes, Ewen Lemoigne,
Arnaud Houitte, Guilhem Blanc-Brude, Roxanne Sévigny, Céline Boulvert,
Maria Sverka, Laura Daniel-Sainteff, Janik Baré, Annouchka De Andrade, David Cocciante, Hugo Cabrit,
Pierre Martin et Marie Morelli.
5
Découverte
edito by Déborah Pham
en.
Mint needed to think big. After three years spent experimenting and learning along the way, we dreamed up a new way of sharing our adventures. There will always be wonderful discoveries, but we have to go further. With the desire to dream up a magazine that is even more like us, it all suddenly fell into place. A magazine that shares the messages we think matter, like the founder of Sea Shepherd, Paul Watson, and his description of the fate of our planet. We have grown up and it was time for Mint to grow up too. We are also inviting you to discover Seville, the city that never sleeps, where the sun shone right into our hearts. The heat and the sound of guitars accompanied our evenings that would last for hours, languid on a terrace of the Alameda de Hércules. We hope you lose yourselves there, meeting people and taking the time to wander through the luxuriant gardens of the Alcazar. Welcome to Andalusia!
Eat
Mint
6
Collaborateurs
Sabrina Arnault
Lauriane Gepner
Agathe Morelli
Sabrina est une illustratrice française qui
Lauriane a co-fondé l’appli Dojo Paris,
Passionnée des mots et de presse écrite,
pour traverser la ville de table en table. Ce
accompagne les auteurs à la recherche de
vit et travaille à Barcelone. Elle a adopté une
ligne claire et graphique pour créer un univers élégant, que l’on retrouve notamment dans la presse.
www.sabrinaarnault.com
Valentine Benoist Valentine habite à Londres et passe plus ou moins sa vie à table. Elle a monté un guide
de restaurants qui recense la crème des spots Brit, My Hungry Valentine.
www.myhungryvalentine.com
histoire de trouver toujours plus d’excuses
Agathe traque la virgule mal placée et
qu’elle aime, elle en parle avec une bonne
la phrase parfaite. Tout un programme.
dose d’amour...
Coline Girard Coline est illustratrice et graphiste. Elle
s’inspire des espaces, des perspectives et
des motifs qu’elle dessine à l’encre noire lors
de balades ou de voyages. Elle se passionne aussi pour les illustrations culinaires.
www.coline-girard.com
Caroline Nedelec Fondatrice du studio Hyes, Caroline est directrice artistique et a travaillé en tant que styliste et rédactrice. Elle est aussi
la créatrice d’une ligne de bijoux qu’elle
imagine et réalise en collaboration avec des artisans français.
www.hyes-studio.com
Tiphaine Caro
Heju
Paris Se Quema
Tiphaine est architecte. Elle collectionne les
Hélène et Julien sont deux jeunes architectes
Paris se quema est un studio créatif fondé
vieux appareils-photos et aime saisir les moments du quotidien à l’argentique.
www.tiphainec.com
Lucile Cubin Moitié française moitié vietnamienne,
Lucile a grandi entre raclette et banh cuon. Elle aime faire des portraits de gens croisés au hasard et découvrir leur monde à travers la photographie.
www.lucilecubinpliestik.com
Sophie Della Corte Sophie est graphiste et illustratrice indépendante. Elle aime explorer dans son travail
des paysages ambivalents, évoquer des récits dont les contours laissent libre cours à l’interprétation.
www.sophiedellacorte.com
Chloé Gassian
parisiens de 24 ans. Sur leur blog, ils
partagent leur univers né d’un mélange d’influences japonaises et scandinaves.
www.heju.fr
Laura Kientzler Laura aimerait par dessus tout passer sa vie
à écrire des histoires, dessiner des animaux
et papoter avec les 4-8 ans. Depuis 2013, elle fabrique sous le nom de La Petite Jungle des tissus sérigraphiés et autres objets.
www.cargocollective.com/laurakientzler
Zoé Lab Designer graphique et illustratrice freelance
à Paris. Signe particulier : le noir de son trait qui négocie, à plein, les vides du blanc. Elle cultive un vif intérêt pour la narration courte
Gobelins en photographie afin de compléter sa formation dans l’image. Elle aime créer
des narrations dans ses séries où elle explore la beauté dans l’étrange.
www.chloegassian.com
set designers, photographes, graphistes et
scénographes, leur mot d’ordre est d’être des couteaux-suisses.
www.paris-se-quema.com
Hélène Rocco Hélène est journaliste à Fisheye magazine.
Amoureuse des voyages, elle est aussi accro
à la bonne cuisine et donnerait sa mère pour du fromage de brebis.
Julie Thiébault Julie a plusieurs casquettes, et celle qu’elle préfère porter lui permet de découvrir, de
réfléchir et d’écrire. Son joyau magique est son intuition.
sous toutes ses formes, et la mise en récit de
Ezéchiel Zérah
www.zoelab.fr
Journaliste gastronomique, Ezéchiel aime
Lisa Laubreaux
meilleur bien sûr !) et rêve de créer un guide
son quotidien ou de celui des autres l’inspire.
Chloé est photographe à Paris. Après des études de graphisme, elle entre aux
par Anaïs et Nicolas en 2014. Tour à tour
Lisa est illustratrice et travaille depuis
l’atelier Fonta Fonta à Paris. Elle réalise des illustrations, des installations et des ateliers participatifs. Le plus souvent elle réalise ses illustrations à la ligne claire, sans repentir.
www.lisalaubreaux.com
le couscous-boulettes de sa grand-mère (le dédié aux vieux bistrots parigots.
7
Collaborateurs
Mint
Sabrina Arnault
Lauriane Gepner
Agathe Morelli
Sabrina is a French illustrator who lives and
Lauriane co-founded the Dojo Paris appli-
Passionate about words and print media,
city from table to table. She talks about what
and helps writers looking for the perfect
works in Barcelona. She uses clear, graphic lines to create a stylish universe that can be seen in the press.
www.sabrinaarnault.com
Valentine Benoist Valentine lives in London and spends most of her life around food. She started a restaurant
guide that lists the best spots in the UK, My Hungry Valentine.
www.myhungryvalentine.com
Tiphaine Caro Tiphaine is an architect. She collects old cameras and likes to capture moments of daily life on film.
www.tiphainec.com
Lucile Cubin Half French and half Vietnamese, Lucile
grew up between raclette and banh cuon. She likes doing portraits of people she meets by chance and discovering their world
cation, just to find more excuses to cross the
Agathe hunts down misplaced commas
she likes with a good dose of love.
sentence. Quite a task.
Coline Girard
Caroline Nedelec
Coline is an illustrator and graphic designer.
Founder of Hyes studio, Caroline is an
and patterns that she draws in black ink
and writer. She has also created a line of
passionate about drawings of food and
collaboration with French craftspeople.
She is inspired by the spaces, perspectives
artistic director and has worked as a designer
when out walking or traveling. She is also
jewellery that she designs and makes in
foreign specialities.
www.hyes-studio.com
www.coline-girard.com
Heju
Paris Se Quema Paris se quema is a creative studio founded
Hélène and Julien are two young 24-year-old
by Anais and Nicolas in 2014. By turn set
share their universe that draws on a mixture
and scenographers, being a one-stop shop
www.heju.fr
www.paris-se-quema.com
Laura Kientzler
Hélène Rocco
More than anything Laura would like to
Hélène is a journalist at Fisheye magazine.
animals and chatting with 4-8 years olds.
food and would trade in her mother for some
architects from Paris. On their blog they
designers, photographers, graphic designers
of Japanese and Scandinavian influences.
is their motto.
spend her life writing stories, drawing
A travel lover, she is also addicted to good
Since 2013, under the name of La Petite Jungle,
sheep’s milk cheese.
and other objects.
Julie Thiébault
Sophie is a freelance graphic designer and
www.cargocollective.com/laurakientzler
Julie has several roles and what she likes
landscapes in her work, conjuring up
Zoé Lab
through photography.
www.lucilecubinpliestik.com
Sophie Della Corte illustrator. She likes exploring ambivalent
stories whose outlines leave free rein to the imagination.
www.sophiedellacorte.com
Chloé Gassian
she has been making screen printed fabrics
A freelance graphic designer and illustrator in Paris. Distinguishing feature: the black of her line that fully negotiates the emptiness
of the white. She nurtures a lively interest for all forms of short narratives and is
Chloé is a photographer in Paris. After
inspired by recounting her own or other
photography at Gobelins to complete her
www.zoelab.fr
narratives in her series, in which she
Lisa Laubreaux
www.chloegassian.com
Lisa is an illustrator and works from
studying graphic design she went to do
people’s daily lives.
training in the visual arts. She likes creating explores the beauty of the strange.
the Fonta Fonta studio in Paris. She does illustrations, installations and workshops for the public. Most of the time her illustrations are ruthlessly clear line.
www.lisalaubreaux.com
most is exploring, reflecting and writing. Her magic jewel is her intuition.
Ezechiel Zérah A food journalist, Ezéchiel loves his grand-
mother’s couscous with meatballs (the best
of course) and dreams of doing a guide to old Parisian bistros.
Mint
Sommaire
eat 13
Cosmic food Découverte
18
Wild Wild East Rencontre
26
Fromage caillé Recette
28
La vraie nature(s) de Sven Chartier Rencontre
44
Un big mac (ou presque) Rencontre
52
Le berger des mers Rencontre
60
La grande bouffe Rencontre
72
Mange-moi si tu peux ! Portfolio
78
Les fleurs dans l’eau Rencontre
86
Le capitaine et les mamas grecques Découverte
92
Bonnes adresses City guide
8
9
explore 100
Merci l’Andalousie Humeur
104
Sunbathing ! Shopping
112
Buenos días Sevilla ! City guide
122
Epona Rencontre
128
Douceurs conventuelles Découverte
132
Tripod plant stands Do it yourself
134
Les murs de Séville Portfolio
146
Love Delimbo Rencontre
156
Azulejos Découverte
160
Les danses andalouses Rencontre
166
De Grenade aux Villages blancs Portfolio
174
A week in... Seville Humeur
Eat
DĂŠcouverte
10
11
Découverte
eat Sur les murs blancs sont suspendus
de longs bouquets de sauge qui parfumeraient la salle à manger si Loula n’était pas en train de préparer son poulet à la tomate.
Eat
Eat
DĂŠcouverte
12
13
Découverte
Cosmic food texte
illustration
Hélène Rocco
Lisa Laubreaux
De la viande en tube aux plats gastronomiques
d’Alain Ducasse, la nourriture de l’espace a fait du chemin. Pour le plus grand plaisir des astronautes.
Eat
Eat
14
Découverte
1962, dans la minuscule capsule spatiale Mercury, quelque
nutritionnels que pourraient rencontrer les spationautes.
l’américain John Glenn déguste le tout premier repas
la NASA, disposait d’un réfrigérateur et d’ustensiles de
part au-dessus du Nigéria. C’est l’heure du déjeuner et
extra-terrestre. Pas besoin de couverts ou d’assiette, le festin (de la purée de bœuf à la sauce aux pommes) tient
dans un tube. En 2016, on est à des années lumière de ce plat : les astronautes peuvent désormais être de fins gourmets. Flashback.
Bien manger à des centaines de kilomètres au-dessus de
la terre est loin d’être facile. D’abord parce que la cuisine cosmique est soumise à des impératifs : la nourriture ne doit pas prendre beaucoup de place et, en raison de
l’apesanteur, la nourriture friable est aussi à proscrire.
En 1965, l’astronaute Gus Grissom, un peu rebelle, avait ramené un sandwich au corned-beef en secret à bord de Gemini 3. Les miettes qui se sont mises à flotter autour
de lui dès la première bouchée l’ont rapidement trahi. « Dommage, ça aurait été bon si ça ne s’émiettait pas autant ! », s’était alors attristé Gus.
Avant cette première mission spatiale, une interrogation
restait sans réponse : notre système digestif fonctionnet-il dans l’espace ? Heureusement, oui. La gravité n’est pour rien dans la digestion : en apesanteur, les muscles de
la gorge font tout le travail et les astronautes n’ont donc
pas de soucis à se faire. Dans les années 1970, les séjours dans le cosmos se sont multipliés avec le programme Skylab et les scientifiques se sont inquiétés des problèmes
À l’inverse des autres stations spatiales, Skylab, lancée par préparation. Comme à la maison, chaque repas était servi
à table dans une salle centrale, avec vue sur la terre. De quoi créer l’impression d’un foyer chaleureux.
Manque de chance pour les astronautes, dans les années 1980 les plats contenus dans des pochettes en plastique
ont signé la fin du réfrigérateur et de la salle à manger spatiale. Trente ans plus tard, en 2011, le programme des navettes spatiales a pris fin. Pour manger dans l’espace désormais, une seule adresse : la Station Spatiale Internationale (ISS).
Tous les trois mois, un vaisseau livre des fruits frais, de l’eau et des plats cuisinés à la Station Spatiale Internatio-
nale. Cette nourriture, stockée à température ambiante, peut prendre plusieurs formes. On trouve pêle-mêle les
aliments déshydratés à passer sous l’eau chaude, les aliments thermostabilisés en boîtes comme le thon et les rillettes, les aliments séchés, les produits immédia-
tement consommables comme les céréales et les M&Ms, les viandes cuites et stérilisées, et les condiments comme le ketchup. Un four est à la disposition des membres
d’équipage. Le sel et le poivre sont sous forme liquide pour éviter qu’il n’y en ait partout. Les fruits frais, eux,
ont une durée de vie de seulement deux jours ; au-delà, ils pourrissent.
15
Découverte
Eat
À noter que les assaisonnements sont modifiés car la langue ressent les goûts différemment dans l’espace. Marsha Ivins, astronaute américaine, a voulu savourer du chocolat noir à bord de l’ISS et le plaisir a été moindre puisqu’elle a eu l’impression de manger de la cire. À l’inverse, beaucoup de cosmonautes se découvrent une passion pour la sauce piquante et les piments quand ils sont en apesanteur.
Eat
16
Découverte
À bord de l’ISS, les repas sont fournis à moitié par les
salade. Ces aliments frais apporteraient non seulement
le poisson en gelée ! Pour améliorer sensiblement la qualité
aussi le moral des membres d’équipage, loin de la Terre,
Russes et à moitié par les Américains. Bonjour le bortsch et des repas des spationautes, la NASA travaille dur. Chaque
jour, les astronautes mangent trois repas : macaronis au fromage, spaghettis, œufs brouillés, brownies ou
pourquoi pas sushis pour le japonais Soichi Noguchi. Christer Fuglesang, premier suédois à aller dans l’espace, a tenu à amener de l’élan séché pour le repas de Noël, après
qu’on lui ait interdit d’emporter du renne séché. Quant au commandant de la Station Spatiale Internationale
Chris Hadfield, il s’est récemment préparé des tacos au miel et des crevettes pour l’apéro.
un supplément nutritif conséquent mais remonteraient et soumis à un stress important.
Comme Mark Whitney, joué par Matt Damon dans le film Seul sur Mars, qui a planté des pommes de terre pour
se nourrir, les astronautes qui se rendront un jour sur la planète rouge devront diversifier les récoltes et cultiver des
haricots et des patates douces. La NASA prévoit d’ouvrir une serre sur Mars en 2021. Mais avant la première mission
de l’homme par l’agence spatiale dans les années 2030, une colonie humaine du nom de Mars One occupera la planète
rouge dès 2026. Compter sur des fusées de ravitaillement serait bien trop coûteux : les nouveaux martiens devront
Les jours de fête, Alain Ducasse livre de bons petits plats
donc produire eux-mêmes leur nourriture. Ils devront
française. Au menu pour l’anniversaire d’un astronaute,
nourrir d’algues. Nous, on préfère attendre qu’Alain
depuis dix ans, en collaboration avec l’Agence spatiale
notamment élever des insectes pour les manger et se
des suprêmes de volaille et des légumes sautés façon thaï.
Ducasse livre aussi sur Mars pour nous y aventurer !
la sauge et aux tomates, homard breton au citron, noix
en.
Pour une autre occasion, ce sera épaule d’agneau confit à de Saint-Jacques, bœuf bourguignon, filet de maigre et purée, gâteau au chocolat et cheesecake. En tout, une
trentaine de recettes ont été développées par le chef étoilé. En 2006, il racontait qu’un spationaute qui avait goûté ses
plats lui avait dit que « les astronautes trouvaient là un
Much to the delight of astronauts, space food has come a long
way. From tubed meat to gourmet dishes by Alain Ducasse.
moyen de garder le contact avec la Terre. » L’idée ? Proposer
1962, lunchtime, in the tiny Mercury space capsule
coupées du monde. À noter que les assaisonnements sont
the very first extra-terrestrial meal. No need for cutlery
l’espace. Marsha Ivins, astronaute américaine, a voulu
in a tube. In 2016 we are light years away from this dish.
des plats familiaux qui remonteront le moral des troupes
somewhere above Nigeria: the American John Glenn ate
modifiés car la langue ressent les goûts différemment dans
or a plate, this feast (pureed beef with apple sauce) came
savourer du chocolat noir à bord de l’ISS et le plaisir a été
Astronauts can now be real gourmets. Flashback.
moindre puisqu’elle a eu l’impression de manger de la cire. À l’inverse, beaucoup de cosmonautes se découvrent
une passion pour la sauce piquante et les piments quand ils sont en apesanteur.
Eating well at hundreds of kilometres above Earth is far from simple. Cosmic food has to meet several criteria: the
food cannot take up a lot of room and, because of weightlessness, crumbly food is off the menu too. In 1965 the
La NASA ne compte pas s’arrêter là. Dans les années qui
rebellious astronaut Gus Grissom smuggled a corned-beef
en 3D. Elle a aussi lancé le projet « Veggie », consacré
him after his very first bite soon gave him away. “Pretty
choisies doivent être super-productives : exit le maïs !
Before the first space mission one question had been
bientôt pousser à 400 kilomètres du sol. En août 2015,
space? Thankfully, it does. Gravity has nothing to do
première laitue romaine extra-terrestre. Cultivée en
weightlessness, which means astronauts have nothing
elle a fait naître avec elle l’espoir d’une culture vivrière
with the Skylab program and scientists worried about the
mais un grand saut pour la NASA et notre voyage vers
the other space stations, NASA’s Skylab had a fridge and
viennent, elle souhaite pouvoir imprimer des pizzas
sandwich on board Gemini 3. The crumbs floating around
au développement de potagers de l’espace. Les plantes
good though, if it would just hold together.”, Gus said.
Poivrons nains, tomates et prunes naines pourraient
left unanswered: would our digestive system work in
trois cosmonautes chanceux ont d’ailleurs goûté à la
with digestion. The throat muscles do all the work in
microgravité pendant trente-trois jours dans une boîte,
to worry about. In the 1970s trips into space multiplied
loin de la Terre. « Une petite bouchée pour l’homme
nutritional problems the spacemen might face. Unlike
Mars » a écrit Scott Kelly, l’un des trois goûteurs de la
cooking utensils. Like back home each meal was served at
17
the table in a central room with a view of Earth. Enough to give that warm feeling of home.
Unluckily for the astronauts, in the 1980s meals in plastic
pouches spelled the end of the fridge and the extra-ter-
restrial dining room. Thirty years later, in 2011, the Space Shuttle program ended. There is now only one place to eat in space: the International Space Station (ISS).
Every three months a capsule delivers fresh fruit, water
and cooked meals to the International Space Station.
The food, stored at room temperature, comes in several forms. There are dehydrated foods to be run under warm
water, thermostabilized canned foods like tuna and potted meat, dried food, foods that can be eaten right
away like cereals and M&Ms, meat that is cooked and
sterilised and condiments like ketchup. There is an oven for crewmembers to use. Salt and pepper are in liquid form to stop them from getting everywhere. Fresh fruit lasts only two days before spoiling.
On board the ISS the Russians and the Americans share
the job of providing food. Hello borscht and jellied fish! NASA works hard to improve the quality of the spacemen’s
meals. The astronauts eat three meals a day: macaroni
cheese, spaghetti, boiled eggs, brownies and even sushi for Soichi Noguchi. Christer Fuglesang, the first Swedish citizen in space, was keen to take dried moose for his
Christmas dinner after he was not allowed to take dried
reindeer. The commander of the International Space
Station, Chris Hadfield, has recently made himself snacks of tacos with honey and shrimps.
For ten years Alain Ducasse has been sending up tasty meals for special occasions in collaboration with the French space agency. On the menu for an astronaut’s
birthday is poultry breast and Thai fried vegetables. For
other special events it’s confit shoulder of lamb with
sage and tomatoes, Breton lobster with lemon, scallops,
bœuf bourguignon, meager fillet with mashed potatoes, chocolate cake and cheesecake. All in all the Michelin star
chef has developed around thirty recipes. In 2006 Ducasse
said a spaceman who had tried his food told him it: “was a way for astronauts to keep touch with Earth”. The idea is to provide family-style dishes that rally the isolated
troops. Note that the seasonings are modified because
Découverte
the tongue tastes flavours differently in space. Marsha Ivins, an American astronaut, wanted to enjoy black
chocolate on board the ISS but was disappointed to find it was like eating wax. On the contrary, many spacemen find they love hot sauce and spices in weightlessness.
NASA is not about to stop there. In the coming years they hope to print pizzas in 3D. It has also launched
the “Veggie” project, dedicated to growing vegetables in space. The plants have to be super-productive: say goodbye to corn! Dwarf peppers, tomatoes and dwarf
plums could soon be growing 400 kilometres above the ground. In August 2015 three lucky spacemen tasted the
first extra-terrestrial romaine lettuce. Grown in a box in
microgravity for 33 days, with it grew hope for producing food far from Earth. “One small bite for man, one giant leap for Veggie and our journey to Mars”, wrote Scott
Kelly, one of the three to eat the salad. Fresh food will not only provide an important nutritive supplement but
also boost the moral of crewmembers, far from Earth and under considerable stress.
Like Mark Whitney, played by Matt Damon in the film The Martian, who grew potatoes to eat, the astronauts who land on the Red Planet one day will have to grow harvests of beans and sweet potatoes. NASA plans to put a
greenhouse on Mars in 2021. But before the Space Agency’s first manned mission in the 2030s, a human colony
called Mars One will live on the Red Planet from 2026. Relying on rockets for supplies will be far too expensive.
The new Martians will have to produce food themselves, farming insects to eat as well as algae. We would rather wait until Alain Ducasse delivers to Mars before making the trip ourselves.
Eat
Eat
Rencontre
18
Wild Wild East texte
photos
Valentine Benoist
Youssef Eldin
Chef, styliste et auteur ukrainienne, Olia Hercules est l’étoile
montante de la scène food londonienne, qui met en lumière la cuisine d’Europe de l’Est à travers ses histoires de table.
Mint a rencontré cette jeune femme passionnée et spontanée
sur un coin de table entre deux betteraves, avant son pop-up
Wild & Fermented au Studio Apiary. On a parlé transmission, poulpe et philosophie de la vie.
19
DĂŠcouverte
Eat
Eat
20
Rencontre
Transmettre ces traditions en les modernisant, me pencher sur des recettes qui ont une âme et une histoire, c’est ça qui m’intéresse.
Mint : Quand es-tu tombée dans la marmite ?
Le meilleur conseil qu’on t’ait jamais donné ?
Olia : J’ai toujours aimé manger. Mais quand j’habitais
Quoiqu’on fasse, toujours rester soi-même et suivre son
de pâtes aux oursins. Le fait qu’un résultat aussi dingue
j’ai failli accepter un job juste pour son salaire. Mon
en Italie, j’ai vraiment eu le coup de foudre pour un plat
puisse simplement être l’alliance de deux ingrédients tous
simples et d’un peu d’huile d’olive m’a fait comprendre
que la cuisine pouvait être excitante et créative. C’est à cet instant que je suis devenue une « foodie ». Et de là à en faire ton métier ? J’ai commencé à travailler comme journaliste spécialiste
du cinéma d’Europe de l’Est. Mais en 2008, j’ai préféré
prendre les devants de la crise et démissionner. Je cuisinais sans cesse chez moi et j’ai décidé de suivre une véritable formation de chef. Puis j’ai travaillé chez Ottolenghi,
publié mes premières recettes dans le Guardian et les choses se sont enchaînées. Je me pince encore parfois pour y croire !
instinct. Lorsque je me suis retrouvée mère célibataire, corps m’a vite rappelée à l’ordre, je me suis sentie mal
en sortant du premier rendez-vous. Ce n’était juste pas fait pour moi.
Ton expérience la plus formatrice ? Travailler dans un restaurant. Mon expérience chez Ottolenghi était à la fois incroyable, intense, et très
dure : on travaillait 18h par jour, et deux semaines avant d’accoucher j’étais encore en cuisine !
Ce qui te plaît le plus dans ton métier ? Tout ! Dans cette niche créative de l’industrie, je suis
entourée de gens incroyables, passionnés, qui ont tous
21
Rencontre
choisi d’être là : les photographes sur les séances de
compromis. Je fais de mon mieux pour respecter cette
un coup de main lorsque j’organise des événements… Ils
luxe pour mes grands-parents. Je ne suis pas végétarienne,
stylisme culinaire, les chefs qui viennent me donner dégagent tous une énergie communicative.
Quelles sont tes sources d’inspiration ? Tout ce qui se passe dans ma vie influence ma cuisine.
approche au quotidien. Par exemple, la viande était un
j’adore ça ! Mais nous n’en mangeons pas tous les jours pour mieux l’apprécier. Sacha grandit heureux ainsi. Tu voudrais qu’il devienne chef plus tard ?
Je suis partie en Géorgie et y ai rencontré des personnes
Ses deux parents sont chefs, il baigne dans cet univers
donné naissance à un banquet géorgien, en accord avec
faisait semblant d’avoir son restaurant et je devais être
semaine chez Carousel (ndlr, résidence de chefs à Londres)
citron, venez le chercher ! », en plein service imaginaire.
fantastiques. Leurs histoires comme leurs cuisines ont
et est super curieux. L’autre jour au jardin d’enfants, il
des vins nature et bières artisanales locales pendant une
son sous-chef ! Il criait « le poulpe, rajoutez un peu de
en février dernier.
Je lui dis juste qu’il pourra faire absolument tout ce qu’il
Comment définirais-tu ton approche de la cuisine ?
Pour moi, les recettes sont indissociables de leurs histoires. Transmettre ces traditions en les modernisant, me pencher sur des recettes qui ont une âme et une
histoire, c’est ça qui m’intéresse. Aborder la cuisine sous
un angle culturel et anthropologique, en quelque sorte. Quand as-tu pris conscience de ton héritage
voudra quand il sera grand, tant qu’il le fait avec passion. Ce fameux banquet géorgien, c’était
la première fois que ta mère assistait à un de tes événements ?
Oui, j’étais tellement fière de lui montrer ce que j’avais
réussi à accomplir. Quand on cuisine ensemble, il faut
toujours qu’elle mette son grain de sel. Après le dîner, elle
a même appelé mon père pour lui dire : « Oh mon Dieu, notre fille est un vrai chef ! » Il était temps.
culinaire ?
Quand les conflits ont commencé en Ukraine, le futur
semblait incertain. C’est là que nous avons commencé avec ma mère à noter toutes les recettes, pour préserver
cet héritage familial dont elle est la gardienne et qui pouvait disparaître à tout instant. Quand j’ai écrit mon premier livre, je suis naturellement rentrée au bercail pour concevoir les recettes avec ma mère et ma tante ! Ton fils a quatre ans, qu’aimerais-tu lui transmettre ?
Vivre et cuisiner en accord avec les saisons, sans gâchis. Redonner le temps au temps, loin de rythme effréné de
notre société. Un peu plus comme nos ancêtres, sans
Mamushka : Recipes from Ukraine & beyond Hachette UK
Eat
Eat
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Rencontre
en.
What do you like most about your job?
Ukranian chef, food stylist and author, Olia Hercules is
the rising star of the London food scene whose culinary
adventures are shedding light on Eastern European food.
Mint met the passionate and straight-talking lady ahead of her Wild & Fermented pop-up at the Studio Apiary.
Finding space between two beetroots, we sat down to
All of it! It’s a small, creative niche in the food industry
and I’m surrounded by amazing, passionate people who
are all here because they want to be: photographers when
I’m food styling, chefs helping me when I’m doing events. They all send out really good vibes!
talk about tradition, squid and life philosophy.
Where do you find inspiration? Mint: When did you fall for food? Olia: I’ve always liked eating. When I lived in Italy a sea
urchin pasta literally blew my mind. How two simple ingredients and a little bit of olive oil could taste so
mind blowing made me realise food can be exciting and creative. That is when I became a “foodie”. And from that to making it your job? I started as a reporter for Eastern European cinema. When the 2008 crisis happened I decided to quit. I had been cooking at home like crazy and decided to enrol in cookery school. Then I worked at Ottolenghi, published
my first recipes in the Guardian, and things went from
there. I still have to pinch myself sometimes to believe it. The best advice you’ve ever been given? Whatever you do in life, just be yourself and follow your
gut. When I became a single mum I nearly took a job just for the money. My body quickly put things right:
I felt sick after coming out of the first meeting. It just wasn’t right for me.
What experience taught you the most? Working in a restaurant. My experience at Ottolenghi was amazing, intense and very hard. We worked 18
hours a day, and two weeks before I gave birth I was still in the kitchen.
Whatever happens in my life influences my cooking. I
went to Georgia and met lots of fantastic people there. Their stories and their food inspired a Georgian banquet
paired with Georgian natural wines and wild beers at
Carousel (editor’s note: an open kitchen in London) for a week last February.
How would you describe your approach to food? For me recipes and stories are intertwined. Old recipes
with a modern twist, recipes with a bit of soul and history are so interesting. Approaching food from a cultural and anthropological standpoint, in a way.
When did you become aware of your food heritage?
When the conflicts began in Ukraine the future was so
uncertain. That’s when my mum and I started writing
down all our recipes, to preserve the family heritage that she holds and that could disappear at any time. When
I wrote my first book I went back home to Ukraine for a month to develop the recipes with her and my aunt.
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Rencontre
Living and cooking with the seasons, trying not to waste. Taking things slow, away from the fast pace of our society.
Your son is four years old, what would you like to
That Georgian banquet, was it the first time your
Living and cooking with the seasons, trying not to waste.
Yes. I was so proud to show her what I’ve accomplished.
A bit more like our ancestors, without compromise.
“Are you sure you’re doing this right?” After the banquet
for my grandparents eating meat was a treat. I’m not
is a chef!” It was time.
pass on to him?
mum came to one of your events?
Taking things slow, away from the fast pace of our society.
Every time we’re in the kitchen together, she always asks:
I try my best to live like this day to day. For instance,
she phoned my dad and said: “Oh my god, our daughter
a vegetarian. I love meat. But we don’t eat it everyday to appreciate it more. Sacha grows up happily like this. Would you like him to be a chef one day? Both his parents are chefs. He is surrounded by food and very curious about it. The other day at the playground he
was pretending he had a restaurant and I had to be his sous-chef. He was shouting: “Squid! Add some lemon,
come and get it!” in an imaginary service. I just tell him that he can do whatever he wants when he grows up as long as he is passionate about it.
Mamushka : Recipes from Ukraine & beyond Hachette UK
Eat
Eat
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Recette
Fromage Caillé / Syr
photo Kris Kirkham
« C’est un produit laitier dont je ne peux
“Eaten with some smetana soured
Smetana et des framboises fraîches au
breakfast, or used in numerous sweet
me passer, servi avec de la crème aigre petit déjeuner, ou dans de nombreux plats sucrés et salés. »
cream and fresh raspberries for
and savoury dishes, it’s a dairy product that I cannot live without.”
Pour 300g de Syr
Makes about 300g (100oz) Syr
1,3 litres de petit lait
1.3 litres (2¼ pints) whey
Une étamine
A piece of muslin
1,7 litres de lait non pasteurisé
1.7 litres (2 ¾ pints) raw (unpasteurized) milk
Une boîte d’œufs vide
An empty egg box
Recette
Recipe
Dans un bocal de 2 litres, verser le lait cru et le laisser
Leave the raw milk in a 2-litre (3½ -pint) jar to go sour in a
cuisine pendant 24h à 48h. Il doit s’être densifié comme
milk should become thick like Greek yogurt but it should
petit lait ne doit pas être séparé de la crème.
the cream. It may take up to 2 days.
d’œufs vide au fond d’une grande casserole profonde et
empty egg box at the bottom of a large, deep saucepan
d’eau jusqu’aux rebords du bocal.
Then fill the pan with water to go as far up the outer
pendant 1h ou jusqu’à ce que le petit lait se sépare de
Bring to the boil, then lower the heat and simmer for an
Sortir avec précaution le bocal de la casserole et laisser
can see thick cracks forming along the sides.
Encore tiède, filtrer le fromage caillé à travers une étamine
While still warm, drain the curds through a muslin cloth
nuit. Nouer les coins de l’étamine comme un sac et le
refrigerator. You can tie the corners of the muslin cloth
Ne pas jeter le petit lait – il peut servir pour d’autres
get rid of the moisture more quickly. Don’t throw away
tourner aigre à l’air libre dans un endroit chaud de la
warm place in your kitchen. Check it after 24 hours. The
du yaourt à la grecque, tout en restant homogène – le
still be homogenous – the whey shouldn’t separate from
Une fois le lait aigre et densifié, mettre une demi boîte
When the milk has soured and thickened, place half an
placer le bocal dessus, sans couvercle. Remplir la casserole
and pop the jar of soured milk, uncovered, on top of it.
Faire bouillir, puis baisser la température et laisser mijoter
sides of the jar as possible.
la crème. Des fissures doivent apparaître sur les côtés.
hour or until the whey separates from the cream and you
un peu reposer.
Take the jar out carefully and leave to cool down a little.
posée sur un saladier. Laisser reposer au réfrigérateur une
set in a sieve over a large bowl, then leave overnight in the
soupeser pour accélérer le départ des éléments humides.
together into a bag and weight it down a bit – this will help
recettes.
the whey – you can use it to make flatbreads, so simply
Manger le fromage dans la semaine.
Use both within 1 week.
N.B. : Pour une version sèche et salée de ce fromage (façon feta), ajouter 5g de sel fin aux caillés égouttés – le résultat doit paraître presque trop salé. Placez le caillé dans une étamine propre, nouer les coins et le poser sur un plateau.
Note: To make a drier, salted version of this cheese (to use as you would feta), add 5g (¼ oz) fine sea salt to the drained curds – it should taste quite salty, almost slightly oversalted, so add more salt if necessary. Place the curds in a clean muslin cloth, tie it at the top and weight it down on a tray.
pour it into a clean jar and keep it in the refrigerator.
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Rencontre
Eat
Eat
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Découverte Rencontre
La vraie nature(s) de Sven Chartier texte
photos
Déborah Pham
Tiphaine Caro
Sven Chartier est une curiosité dans le monde de la cuisine, un homme
qui nourrit depuis plusieurs années les fantasmes de la presse gastronomique. On dit de lui qu’il est taciturne mais doué, sauvage mais
talentueux, austère mais souvent génial. On dit aussi qu’il n’est pas
loquace, qu’il refuse souvent les interviews et que de toutes façons, il
n’a jamais le temps. Là dessus, et seulement là, « on » n’a pas tout à fait
tort : Sven est un homme pressé. Pressé parce qu’il est le père de deux enfants et préfère consacrer son temps en famille, à les regarder faire de la trottinette, plutôt que de voir sa gueule d’amour en couverture
des magazines. Pressé parce qu’à 24 ans, Sven et son ami Ewen Le Moigne ouvraient déjà leur premier restaurant, l’un aux commandes
des cuisines, le second aux commandes d’une splendide cave à vin. Leur restaurant Saturne s’est construit comme ça, presque par hasard, à une époque où la cuisine parisienne se complaisait tranquillement
dans sa torpeur, juste avant de se faire bousculer franchement par une jeunesse pleine de fougue.
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Découverte Découverte
Eat Eat
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Rencontre
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C’est comme ça qu’on travaille ici, parce que la routine et les cuisines où tout est mis sous vide à température précise et où tout est contrôlé avec un minuteur, ça ne m’excite pas du tout.
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Mint : Qui t’a donné envie de faire de la cuisine ? Sven : Mon père. Chez moi, il y a toujours eu cette tradition
Rencontre
Tu avais besoin d’une pause après avoir emmagasiné beaucoup de savoir chez Alain Passard ?
de la cuisine. On a toujours fait de vrais repas, construits
J’avais des convictions très fortes par rapport à ce que
un fromage et un dessert. La cuisine a toujours été son
je tenais quelque chose au sortir de l’Arpège, que je
tous les soirs. Il faisait des choses différentes tous les
ce soit la rôtisserie ou tout le travail qu’on a pu faire
la cuisine classique que le terroir ou même la cuisine
écoles et deux savoirs. J’avais peur d’abîmer ou d’entrer
avec une ou plusieurs entrées, un plat avec une garniture,
j’avais appris auprès d’Alain Passard. Je sentais que
plaisir, je me souviens qu’il y passait deux ou trois heures
maîtrisais des techniques qui étaient très fortes, que
jours car c’est quelqu’un de très curieux qui aime autant
autour des légumes. Je ne voulais pas confronter deux
asiatique.
en contradiction avec l’enseignement que j’avais reçu.
Aujourd’hui les cuisiniers commencent
leur métier sur le tard mais tu fais partie de l’ancienne école, tu as commencé
la cuisine directement après le collège. C’était pas ton truc l’école ?
Disons que j’étais un peu « je m’en foutiste ». J’étais suffisamment bon pour ne rien faire mais je me suis toujours
Et finalement, j’avais surtout besoin de me sentir libre. Aujourd’hui, je pense que ça aurait été une richesse, mais
je n’éprouve pas de regrets. Je me suis enrichi autrement, par le voyage et la découverte.
En rentrant de voyage, tu as commencé à
travailler à Racines où tu as rencontré Ewen. Qu’est-ce-qui t’a décidé à prendre ce job ?
ennuyé à l’école, j’ai su très tôt ce que je voulais faire.
C’était le parallèle avec ce que j’avais appris à l’Arpège :
je me suis inscrit dans un lycée hôtelier.
va plus loin dans sa manière d’appréhender demain. Tout
Plutôt que d’aller me perdre à suivre un cursus classique,
On peut dire qu’entre le primaire, le secondaire et tes études de cuisine, tu n’as pas chômé
car, après le bac, tu t’es directement retrouvé à l’Arpège auprès de l’un des chefs les plus en vue.
toute la démarche autour de cette agriculture saine qui ça est significatif dans la qualité du produit ; c’est ce qui m’a fait me rapprocher des vins natures qui sont faits de la même manière, avec des vignerons qui ont la même démarche. La qualité de l’assiette et du verre ne dépend
pas que du talent du cuisinier ou du vigneron, il dépend surtout de la matière première. C’est à partir de cette
réflexion et avec sensibilité qu’on se remet en question. Il y a un travail avec les producteurs qui sont confrontés
J’ai commencé la cuisine au lycée hôtelier de Biarritz,
j’ai eu mon bac en juin et je suis parti à l’Arpège en
à nos exigences et à leurs contraintes, qu’elles soient liées aux caprices de la météo ou au calendrier lunaire.
septembre. J’ai travaillé là-bas un peu plus de deux ans, puis j’ai décidé de voyager. Il était question à un moment
que j’aille travailler chez Michel Bras et finalement, je n’y
suis pas allé. J’ai préféré voyager pour prendre la liberté
que je n’avais eu ni pendant mes études, ni pendant mon passage à l’Arpège car j’ai bossé comme un fou entre mes 19 et mes 22 ans.
C’est pourtant le rêve de tout chef de travailler auprès de Michel Bras, non ?
Bien-sûr, dans ma lettre de motivation je disais que son
bouquin était sur ma table de chevet depuis 2002. J’ai postulé,
je suis allé à l’entretien, ils me prenaient et finalement j’ai renoncé.
C’est aussi à cette époque que naissent
de nouveaux restos, avec en tête de file le Chateaubriand d’Iñaki Aizpitarte…
J’ai rencontré Iñaki avant le Chateaubriand, puis j’y suis
allé dès l’ouverture. Le deuxième repas que j’ai fait chez lui, c’était en 2006 avec Bertrand Grébaut de Septime. On
était sur le cul. Tous les deux on était encore commis à l’Arpège et on découvrait cette cuisine opposée à ce qu’on
nous enseignait. On nous apprenait à servir des plats fumants, parfaitement assaisonnés. Chez Iñaki c’était
Eat
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Rencontre
une garniture froide, des cuissons mal maîtrisées, mais c’était frais, contrasté, ingénieux et inattendu. On goûtait
Quelques détracteurs aussi, non ? Que disaient les gens de vous ?
des plats qu’on n’avait jamais vu avant et qui étaient plutôt bien balancés. C’était vivant quoi.
Au départ, certains partaient en croisade contre nous
parce qu’on n’avait pas de Bordeaux à la carte. On disait Tu fais désormais partie des fondateurs
aussi que c’était trop brut ou trop sauvage. On a tenu
à quoi tient votre succès ?
le vin, je te parle aussi de la cuisine. Aujourd’hui, il y
de cette nouvelle famille de restaurants,
Disons que l’offre est différente, on propose des vins
qu’on aime, la cuisine est devenue intéressante, elle s’est enrichie. On ne bouffe plus que de la cuisine classique et
bon. On s’est pris des critiques comme ça et pas que sur a une myriade de restaurants qui optent pour le bio, les produits locaux et le vin naturel, du coup les gens sont beaucoup plus ouverts qu’il y a 5-6 ans.
académique. On défend des produits, on essaie de faire une
Comment définirais-tu ta cuisine à Saturne ?
et appliquée. On fait ce qu’on aime et sans contraintes
Je dirais qu’elle est très libre, instantanée, naïve…
cuisine un peu marrante. Une cuisine saine, étonnante hiérarchiques puisque nous sommes nos propres patrons.
Peut-être un peu trop. Je fais vraiment passer les produits
avant mes envies et mes idées. Je compose avec ce que l’on Comment est né votre restaurant Saturne ? Quand on a ouvert on était trois. Quelque part, c’était
très dur à assumer : pas d’être trois, mais d’ouvrir un restaurant aussi grand. C’était ambitieux. On avait un
client à Racines qui venait régulièrement et qui nous a dit un jour à Ewen et à moi : « Les gars, si un jour vous voulez
faire autre chose, vous m’en parlez ? » Deux semaines
plus tard, on lui a parlé. On a cherché un lieu et on est
tombé sur ce local qui était brut de béton. C’était vide pendant six ans, à l’époque il y avait juste la partie avant
qui était la Librairie Syndicale de la Coiffure Parisienne. On a bouclé le chantier en 6 mois. Ewen a dessiné la cave
à vin, j’ai fait le logo, on s’est occupé de l’agencement et de la décoration de A à Z. On a pratiquement tout fait tout seuls.
Et vous avez eu du succès dès l’ouverture avec une presse hyper-enthousiaste.
Il faut dire qu’à l’époque, la presse n’avait pas grand
chose à se mettre sous la dent. C’est-à-dire qu’à part le
Chateaubriand, le Verre Volé et Racines, honnêtement, des restaurants jeunes un peu dans la mouvance, il n’y en avait pas. On avait plutôt bonne presse à Racines
donc quand on a ouvert, paf, ça a explosé et la demande a été tellement forte qu’on est passé de 40 à 70 couverts en exploitant notre espace à l’avant du restaurant, qui initialement était une cave à vin.
reçoit et je n’ai aucune idée préconçue sur un plat. Les
menus changent en fonction de ce qui nous passe entre les
mains et ça peut changer entre le midi et le soir. Puisqu’on
a un restaurant plutôt grand, les produits filent. On écoule une quantité incroyable de nourriture, le restaurant est comme un gros monstre et la chambre froide se vide à
une vitesse phénoménale. Comme on ne peut pas faire
un arrivage quotidien de certains producteurs, il arrive
souvent que nous ne puissions pas proposer le même plat plusieurs jours d’affilée. Tu dois composer avec le rapport
que tu as au produit à l’instant T. Parce que finalement,
d’un jour à l’autre, le produit bouge, il est différent. Il a un parfum différent, une texture différente et toi tu as
une approche différente, une humeur différente, donc tu agiras un peu en fonction de tous ces facteurs, tu vois ? On peut dire que ta cuisine est plutôt intuitive… C’est comme ça qu’on travaille ici, parce que la routine
et les cuisines où tout est mis sous vide à température précise et où tout est contrôlé avec un minuteur, ça ne
m’excite pas du tout. J’aime voir un gros carré de veau cuire lentement sur la grillade ou contrôler toutes les
pièces d’un agneau de lait qui transitent entiers de la
grillade à la plancha. J’aime passer du turbot au merlan ou du petits pois à la rhubarbe d’un jour à l’autre… Il y a une intensité dans cette « cuisine du jour ». Il faut être constamment sur le fil et chercher ses limites car c’est dans la difficulté que l’on se surpasse.
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Que faut-il pour être un bon cuisinier ? Il faut de la sensibilité et de la détermination. Il faut savoir prendre du recul et se remettre en question tout
Rencontre
Cette année, tu as reçu ta première étoile
au Guide Michelin. Qu’est-ce qui a changé depuis ?
le temps. Il faut aussi savoir faire des erreurs, beaucoup
Une étoile permet de donner confiance à une équipe et
trop en faire et de toujours faire le geste de moins. De ne
avoir une deuxième, ça on s’en fiche. Je parle d’essayer de
rendre l’assiette bancale. Je suis plus dans la retenue que
mieux qu’hier ». Aussi, ça a changé qu’on cherchait du
d’erreurs. Avoir de la retenue aussi, j’essaie de ne jamais jamais faire le truc de plus qui va dénaturer le produit ou le « lâchage » total même si j’aime prendre des risques.
Je préfère servir quelque chose de maîtrisé plutôt que quelque chose que j’improvise totalement. Est-ce qu’il y a beaucoup de dialogue en cuisine entre toi et ton équipe
autour de la création des menus ? Souvent, les choses vont naître presque par accident
de se donner de nouveaux objectifs. Je ne parle pas d’en
faire mieux que la veille, se lever et se dire : « Je vais faire monde pour la cuisine depuis quelques temps et qu’on ne
trouvait pas. Depuis qu’on a une étoile, je reçois cinq can-
didatures par semaine. La clientèle est plus nombreuse et s’est ouverte à un nouveau profil avec les lecteurs du guide qui ne sont finalement pas plus exigeants que les autres. Pourtant, les lecteurs du guide Michelin ont pour réputation d’être plus classiques, non ?
avec des produits qu’on va réunir et qui marcheront bien
Je crois qu’il y a un vrai travail qui se fait depuis quelques
Pour moi, le processus de création c’est d’être toujours
curieux. Le vin nature est quand même quelque chose qui
ensemble. Je manque de temps pour avoir de l’inspiration.
dans la merde et de courir après le temps. De devoir faire
autrement, d’étonner dans la technique et le savoir-faire. De pousser un produit au bout de ce qu’il peut donner,
que ce soit dans la cuisson, dans un assaisonnement, dans un moment parfait où les trucs vont parfaitement s’imbriquer.
Comment est-ce-que vous travaillez avec Ewen ? Est-ce que tu as un regard sur son travail et lui sur le tien ?
Bien-sûr, si un vin est trop barré, je lui dis. Si un plat
années déjà à Paris. Les gens sont plus ouverts, plus rebute tous les gros buveurs de Bordeaux et de Bourgogne
que sont les lecteurs du guide Michelin. Au resto, on s’est
doté d’une cave intéressante, hyper variée. Alors parfois
oui, il y a un ou deux râleurs qui vont nous dire : « Vous
n’avez pas un Bordeaux dans votre cave ? », mais pour
ça y a 12 000 restaurants à Paris, tu vois ce que je veux dire ? Si tu n’aimes pas les nems, tu ne vas pas dans un restaurant vietnamien !
Ewen a des goûts très pointus et sélectionne des
vins parfois rebelles, ça fait partie de votre ADN ?
est un peu « ripou », il me le dit. On va surtout chercher
Il est un peu rebelle oui, mais s’il n’était pas comme ça
beaucoup les oxydatifs. Il faut qu’un vin rende le plat plus
fait, les vins servis sont… Je ne dirais pas parfaits, car
la fraîcheur et l’acidité dans le vin mais on aime aussi vivant, qu’il communique avec lui et qu’il lui donne du
relief. Ce qui nous rapproche avec Ewen, c’est d’avoir cette belle énergie. D’être des passeurs. C’est très rare, mais quand toutes les planètes sont alignées, quand l’ambiance
est bonne, que les produits sont là, quand t’as pas un cuisinier qui est malade et quand t’as pas la plancha en
panne, tu peux entrer dans une espèce de transe, parce que t’es en pleine maîtrise de ton kif.
on n’aurait pas cette cave là. Quand le travail est bien on a tous des goûts différents, mais on cherche des vins avec le moins de défauts possible. On en a plein
et pourtant il faut se souvenir que ce sont des vins qui
ne sont pas stabilisés, qui sont juste libres. C’est ça qui
est beau et c’est pour ça qu’on a très peu de rejet de la part de nos clients.
Eat
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Rencontre
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DĂŠcouverte
Eat
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Rencontre
Le nom du restaurant, c’est une idée forte pour vous, ça représente votre identité…
tight-lipped; that he often turns down interviews and
in any case he never has time. On this and this alone “they” are not entirely mistaken: Sven is a busy man.
Oui, on en a parlé un peu au début mais je me rends
Busy because he is the father of two children and prefers
du nom Saturne. Ce n’est pas seulement l’anagramme de
scooters rather than seeing his own lovely mug on the
de la cuisine. C’est aussi le dieu romain des vignerons et
and his friend Ewen Le Moigne were already opening
fort qui prend tout son sens dans notre travail.
the other in charge of a great wine cellar. Their restaurant
compte qu’on n’a pas assez communiqué sur la puissance
to spend time with his family, watching them on their
« natures », de celle d’Ewen ou de la mienne, des vins ou
covers of magazines. Busy because at 24 years old Sven
le protecteur des semailles. C’est vraiment un truc très
their first restaurant, one in charge of the kitchen and
On remarque que tu te fais assez rare dans les
médias, la communication ce n’est pas ton truc ? C’est pas que je ne communique pas, c’est que je n’ai ni le
Saturne happened like that, almost by chance, at a time
when Parisian food was wallowing in torpor just before being shaken up by a spirited young generation. Who made you want to cook?
temps de le faire, ni le temps de me vendre et finalement
je m’en fiche. On s’est intéressé à nous à l’ouverture puis la suite s’est faite grâce au bouche-à-oreille, parce qu’il ne
fallait pas compter sur les quelques articles qu’on avait qui étaient aussi bons que mauvais. Je ne suis pas souvent dans
les médias et je ne cherche pas à y être. L’important pour moi, c’est de bien faire mon travail, que mon équipe soit
heureuse de travailler avec moi, que toutes les personnes qui entrent et s’installent à table repartent avec un bon
souvenir. Je préfère qu’ils se souviennent de ce qu’ils ont dans l’assiette plutôt que de moi.
Tu ne cultiverais pas le mystère, par hasard ?
My father. At home there was always this tradition of
cooking. We always had proper meals with one or more
starters, a main with a side, cheese and pudding. He has always loved cooking. I remember him spending two
or three hours on it every evening. He made different things every day because he’s a very curious person who
likes classic cuisine as much as more rustic food or even Asian cooking.
Cooks are now starting their careers late but
you’re a bit old-fashioned: you started cooking right after secondary school. Was it just not your thing?
Je ne cherche pas à cultiver un mystère, ni a dévoiler quoi
que ce soit. Notre travail n’est pas de remplir les pages des journaux, notre travail est de satisfaire le client
toutes les huit heures. C’est un rythme tellement haut, tellement intense qui ne tolère aucune relâche, sinon tu
te perds et tu merdes. Tu ne peux pas répondre à toutes
les demandes d’interviews que tu reçois. J’ai plus de temps qu’avant mais il est pris par la cuisine et quand je
n’y suis pas, c’est que je suis dehors avec ma femme et mes enfants. C’est ça qui compte, ce n’est pas que mon
image rayonne dans le monde entier. Je me nourris de mon travail et de ma famille.
en. Sven Chartier is a curiosity in the world of food, a man
who for several years has been fuelling the fantasies of the food press. They say he is taciturn but talented, solitary but gifted, stern but often brilliant. They also say he is
Let’s say I was pretty laid-back. I was good enough to not do anything but I was always bored at school. I knew very
early on what I wanted to do. Rather than going to waste doing a normal course I enrolled in catering college.
Between school and catering college you weren’t lazy. After college you went straight
to the Arpège to work with one of the most prominent chefs.
I started cooking at the catering college in Biarritz. I passed my baccalaureate in the June and went to the Arpège in the September. I worked there for just over two years and then decided to travel. At one point there was a question
of me going to work for Michel Bras and in the end I didn’t go. I chose to travel to get the freedom I hadn’t had when
I was studying or when I was at the Arpège. I was working like mad between the ages of 19 and 22.
Eat
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Rencontre
But working with Michel Bras is any chef’s dream, isn’t it?
we discovered this food that was contradictory to what
we were being taught. We were being told how to serve perfectly seasoned, steaming dishes. At Iñaki’s the sides
Of course. In my application letter I said that his book
were cold and the cooking wasn’t perfect but it was fresh,
to the interview, they offered me the job and in the end
had never seen before and that were pretty well balanced.
had been on my bedside table since 2002. I applied, I went
different, inventive and unexpected. We tasted dishes we
I turned it down.
It was alive, you know.
Did you need a break after taking in a lot of knowledge with Alain Passard?
Now you are one of the founders of this new
family of restaurants, what made it a success?
I had very strong convictions in terms of what I had
Let’s say it’s a different offer. We serve wines that we
on leaving the Arpège, that I had mastered techniques
We don’t eat just classic and academic food anymore. We
we were able to do around vegetables. I didn’t want to
Food that is sound, surprising and assiduous. We do
scared of spoiling or coming into conflict with what I had
we work for ourselves
learned with Alain Passard. I felt like I had something
love; the food has got interesting, it has become richer.
that were very strong, be it rotisserie or all the work
protect the products; we try to do food that’s a bit fun.
confront two schools and two sets of knowledge. I was
what we love, without hierarchical constraints because
been taught. And in the end I really needed to feel free. Today I think it would have been enriching but I don’t have any regrets. I gained things in other ways, through travelling and discovery.
When you got back from travelling you
started working at Racines, where you met Ewen. What made you take that job?
How did your restaurant Saturne come about? When we opened there were three of us. In a way it was really hard to take on. Not being three, but opening such a big restaurant. It was ambitious. We had a client at
Racines who came regularly and one day said to Ewen and me: “Guys, if you want to do something else one day, talk
to me, will you?” Two weeks later we talked to him. We It was the parallel with what I had learned at the Arpège:
looked for somewhere and stumbled on this place, which
further in terms of looking to the future. All this has a
there was just the front part that was the bookshop for
me move towards natural wines, which are made in the
work in six months. Ewen designed the wine cellar, I did
The quality of food and wine doesn’t depend on the talent
We basically did everything ourselves.
the whole approach around sound farming that goes
was bare concrete. It was empty for six years. Back then
bearing on the quality of the product. This is what made
the hairdressing union in Paris. We finished the building
same way, with winemakers who have the same approach.
the logo. We did the layout and decoration from A to Z.
of the cook or the winemaker alone; above all it depends
on the raw materials. Starting from this way of thinking, and with sensitivity, we challenge ourselves. We work with the producers, who are faced with our demands
and their constraints; be they tied to the vagaries of the weather or the lunar calendar.
And you were a success from the beginning, with really enthusiastic press.
It has to be said that back then the press didn’t have a
lot to get its teeth into. I mean honestly apart from the Chateaubriand, the Verre Volé and Racines there were no
This was a time when there were new
young restaurants in the movement. We had pretty good
Aizpitarte’s Chateaubriand leading the way…
Demand was so great that we went from 40 to 70 covers
restaurants popping up too, with Iñaki
I met Iñaki before the Chateaubriand and then I went
as soon as it opened. The second meal I had of his was
in 2006 with Bertrand Grébaut from Septime. It blew us
away. We were both still commis chefs at the Arpège and
press at Racines so when we opened, bam, it exploded. by opening up the space at the front of the restaurant, which was a wine cellar to start with.
It’s very rare but when the planets are all aligned and the ambiance is right, when the ingredients are there, when you don’t have a chef off sick and when the plancha isn’t broken, you can go into a sort of trance, because you are in complete control of what you love.
Eat
Rencontre
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Eat
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Rencontre
There were some detractors too, weren’t there? What did people say about you?
At first some people went on a crusade against us because we didn’t have any Bordeaux on the menu. They also said
it was a bit radical or not refined enough. We held on in there. We had criticism like that and not just about
the wine, I’m talking about the food as well. There are now myriad restaurants going for organic, local
products and natural wine, so people are much more open than they were five or six years ago.
How would you define your food at Saturne? I would say that it is very free, spontaneous and naïve. Maybe a bit too much. I really put the ingredients
ahead of my moods and my ideas. I use what we get in and I don’t have any preconceived idea of a dish. The
What do you need to be a good cook? You need sensitivity and determination. You need to know how to step back and question yourself all the
time. You need to know how to make mistakes, a lot of mistakes. And to be restrained. I try to never go too far and always do one thing less. Never do that one
extra step that will spoil the ingredient or unsettle
the dish. I hold myself back more than letting myself
go completely, even if I do like taking risks. I prefer serving something I’m in control of than something I’m improvising completely.
Is there a lot of communication in the kitchen between you and your team around creating the menus?
Often things will happen almost by accident with the
menu changes according to what we have at hand and
ingredients that come in and work well together. I don’t
we have quite a big restaurant the ingredients run out
process means always being in the shit and running
that can change between lunch and dinner. Because fast. We get through an unbelievable amount of food.
The restaurant is like a huge monster; the cold room empties at a phenomenal speed. Because we can’t get
daily deliveries from certain producers it often happens that we can’t offer the same dish several days in a row. You have to go with the relationship you have with the
ingredient in the moment. Because in the end, the ingredient changes, it is different from one day to the next. It has a different smell, a different texture and you
have a different approach, a different mood, so what you do will depend a bit on all these factors, you see? You could say that your cuisine is quite intuitive…
That is how we work here, because routine and kitchens
where everything is vacuum packed at a precise
temperature and where everything is checked with
a timer don’t excite me at all. I like to see a big loin of veal cooking slowly on the grill, or to check all the
pieces of a suckling lamb that go from the grill to the
plancha. I like to change from turbot to whiting or peas to rhubarb from one day to the next. This “food of the day” is intense. You always have to be on the edge and
testing your limits because we outdo ourselves when things are hard.
have enough time for inspiration. For me the creation after time. Having to do things in other ways, wowing
with technique and expertise. Pushing an ingredient as far as it can go, be it in the cooking, the seasoning. A
perfect moment where things come together perfectly. How do you work with Ewen, do you have a say on what he does and vice versa?
Of course. If a wine is too crazy I tell him. If a dish
isn’t great he tells me. We are especially going to look for freshness and acidity in the wine but we really like
oxidative wines too. A wine has to make the dish more alive, it has to communicate with it and give it some
depth. What brings Ewen and me together is having this great energy. Being smugglers. It’s very rare but when
the planets are all aligned and the ambiance is right, when the ingredients are there, when you don’t have
a chef off sick and when the plancha isn’t broken, you can go into a sort of trance, because you are in complete control of what you love.
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This year you got your first star in the Michelin Guide, what has changed since then?
One star gives the team confidence and lets us set new
Rencontre
The name of the restaurant, Saturne,
is a strong idea for you. It represents your identity…
goals for ourselves. I’m not talking about getting a
Yes, we talked about it a bit at the beginning but I
trying to do better than the day before. Getting up in
force of the name Saturne. It isn’t just an anagram of
second one; we don’t care about that. I’m talking about
the morning and saying to yourself: “I’m going to do better than yesterday”. What has also changed is that
we were looking for staff in the kitchen for a while and hadn’t found anyone. Since we were given a star I get five applications a week. The clientele has grown and
opened up to include a new profile with the readers of the guide, who are no more demanding than the others in the end.
But the readers of the Michelin guide have a reputation for being more traditional, don’t they?
I think a real evolution has been going on in Paris for
a few years now. People are more open, more curious.
Natural wine is still something disliked by all the
Bordeaux and Burgundy drinkers, who are the readers
of the Michelin guide. At the restaurant we have an interesting cellar, really varied. So yes, sometimes
there are one or two moaners who will say: “You don’t
have any Bordeaux in your cellar?” But for that there are 12,000 restaurants in Paris, you know what I mean? If you like Chinese spring rolls you don’t go to a Vietnamese restaurant.
Ewen’s tastes are very refined and he
sometimes chooses rebellious wines, is that part of your DNA?
realise that we didn’t communicate enough on the
‘natures’: mine or Ewen’s, the wine or the food. It is also the Roman god of vineyards who was the protector
of the sowing season. It really is something very strong that takes on its full meaning in our work.
You are not in the press very much, is communication not your thing?
It isn’t that I don’t communicate, it’s that I don’t have
time to do it, or to sell myself, and in the end I don’t
care. People were interested in us when we opened and then what came next happened by word of mouth. We couldn’t rely on the few articles that we had, which
were equally good and bad. I’m not often in the press
and I don’t try to be. For me the important thing is to do my job well; for my team to be happy to work with
me, for all the people who come in and eat to go away
with a good memory. I would rather they remember what they have in their plates than they remember me. You don’t cultivate mystery by any chance? I don’t try to cultivate mystery, or to reveal anything. Our job is not to fill newspaper pages; our job is to satisfy the client every eight hours. It is such a fast
pace; so intense, with no space for slack otherwise you get lost and cock up. You can’t respond to all the requests for interviews that you get. I have more time
now than before but it is taken up by food and when
He is a bit rebellious, yes, but if he weren’t like that we
I’m not at work I’m out with my wife and kids. That
the wines served are… I wouldn’t say perfect because we
the whole world. I thrive on my work and my family.
wouldn’t have this selection. When the job is done well
all have different tastes, but we look for wines with the fewest possible faults. We have lots and yet you have to remember that they are wines that aren’t stabilised,
they are just natural. That’s what is great, and that’s why we get so little rejection from our clients.
is what matters, not for my image to beam out across
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Rencontre
Un big-mac (ou presque) texte
illustration
Ezéchiel Zérah
Noémie Cédille
Voix grave et semi-nasillarde. « Bonjour, on est mardi, il est onze heures passées de bientôt quinze minutes et je vous attends toujours
devant le Mcdonald’s du boulevard Saint-Michel mais comme il fait froid et que j’ai tellement de choses à faire aujourd’hui, je risque
de m’évaporer dans quelques instants sauf si vous me donnez de vos nouvelles. Bye bye .» Ma rencontre avec le journaliste gastronomique le plus craint de l’époque commençait mal : j’étais en retard, lui s’impatientait. Poliment, certes, mais l’agacement
n’était qu’à une marche. À sa décharge, qui aimerait patienter le
poil en frisson devant le temple du fast-food, surtout quand votre sujet du jour évoquera plus tard sa méticulosité à préparer des
sandwichs « super équilibrés », pensés tels de « petits paysages bien séquencés » ?
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DĂŠcouverte
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Rencontre
Il paraît que les grandes tables de la capitale affichent en cuisine le portrait du vilain critique masqué qu’est François Simon, histoire de repérer le malfrat, puis le neutraliser, comprenez « doubler les courbettes ». Moi, sa pomme m’était inconnue. J’ai eu beau chercher jusqu’aux détours des routes
nationales du web, rien n’y fit, je tombais à chaque fois sur son homonyme médecin, un temps candidat à la mairie de Toulouse. Autant dire qu’entre le politicien de gauche et l’ex-plume acerbe
du Figaro (5 000 articles signés), la ressemblance n’est cousine qu’au 215è degré. Au second, on a
enlevé la moustache fleurie et la mine joviale façon paysan du 13h de Pernaut pour lui trousser un visage lambda de quinqua’ pressé, fines lèvres et rasage complet. Un type banal, si ce n’est
son œil vert-grisé pétri de méfiance et son enveloppe vestimentaire étoffée : pantalon velours
aux plis permanents, nœud de cravate bleu nuit tacheté de violet et noué comme une écharpe. « Je parle peu, je suis sauvage » lance d’emblée celui qui reconnaît une dévorante addiction pour
le McFlurry, diabolique gobelet nourri de crème glacée et de nappages pro-caloriques. Débit
monocorde et maîtrisé suivi d’un regard sec qui vous fait comprendre qu’il est temps de passer à
un autre débat… ou de conclure la conversation. Armé d’une centaine de questions, j’ai opté pour la première solution sans quoi ces lignes n’auraient pu noircir ces pages. Sauvage ? François Simon
l’est assurément. Sa démarche est féline. À l’image d’un chat, ne s’est-il pas amusé à gober des
croquettes à quatre pattes, curieux de connaître cette sensation singulière ? Dégustation de pots bébé, déjeuner à la cantine IKEA, oubli volontaire de son portefeuille dans les adresses les plus chics que
compte Paris. Intéressé par tout et réfractaire à rien, notre animal se dévoile autour d’un Big Mac
qu’il aurait pu commander. Malin, le bougre prétexta un déjeuner cent vingt minutes plus tard. Le bout de laitue coincé entre deux molaires attendra donc.
Lecteurs ou l’espèce en voie de disparition « Il y a de moins en moins de retours des lecteurs. En même temps, ce n’est pas plus mal, ça évite de
regarder sur soi et comme je n’ai aucune vie sociale, je suis assez protégé. De toutes façons, je préfère
les idées et les goûts des autres, ça m’enchante. Ça m’est arrivé d’avoir des gens qui m’ont parlé de mes papiers négativement et d’autres favorablement, ce qui m’embarrasse encore plus. J’ai toujours peur de m’être trompé, de n’avoir pas utilisé le mot exact. Mon vocabulaire, j’y suis attaché. »
« La nature humaine me fascine mais je n’ai pas le temps de rencontrer les lecteurs, ce qui ne
veut pas dire que je ne m’attache pas à eux. Disons que le peu de temps qu’il me reste, je le consacre à ma vie privée. »
Adroit passeur d’adresses « Je m’aperçois que les gens s’attendent à ce que je paie de ma personne, que je ramène ma fraise.
Je vois comment il est possible de faire quelque chose de très marketing, avec les adresses préférées de Dominique Strauss-Kahn par exemple, en reconstituant son univers gourmand. À l’exception d’un
restaurant que j’avais gardé parce qu’on m’avait demandé de ne pas en parler, pacte que j’ai respecté :
Je donne tout. J’ai appris à ne pas faire de rétention d’informations et ce principe journalistique, je l’ai gardé pour la bouffe. Je trouve ça plaisant d’être généreux, d’être dans l’amour le plus vite possible. » « Une année, le site My Little Paris faisait gagner des lots et le premier d’entre eux consistait
à passer du temps avec moi. La lauréate était une jeune fille aux cheveux courts que je revoie encore, Camille. Elle partait en Allemagne, je lui ai donné certains titres de littérature berlinoise
ainsi que mes adresses préférées là-bas. Une maison de vente aux enchères a également trouvé
preneur pour un repas en tête-à-tête avec moi. C’était au Laurent avec un homme intéressant. J’adore écouter les autres. On s’aperçoit que l’univers des gens est fascinant, si tenté que l’on puisse en écarter les branchages. »
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Rencontre
Profession critique « Que pensent mes deux ados de ce que je fais ? Faut leur demander. Ils connaissent vaguement
mon métier, parfois des gens leur renvoient une image différente de ce qu’ils connaissent et ça les amuse. J’imagine qu’ils pensent que c’est un métier spectaculaire donc artificiel. Ce
n’est pas un métier normal que de voyager, d’aller d’hôtel en hôtel, de manger au restaurant. »
« À Rio, j’arrive fracassé par le décalage horaire : j’attaque souvent deux heures après mon arrivée. J’ai rarement le temps de plonger dans la piscine. Faut taffer d’arrache-pied sinon ça ne sert à rien.
Il ne faut jamais arrêter d’ouvrir ses capteurs : vérifier, chercher, se méfier des apparences. Mon
cahier doit être rempli, j’aime avoir trois mètres de mots et d’images au-dessus de moi et quand j’ouvre les vannes, j’ai un déluge de consommes et voyelles. Ça se voit dans les papiers quand il
n’y a pas de consistance. Personne ne me croit mais je peux écrire à la vitesse à laquelle je parle.
Il me faut cinq minutes pour écrire deux feuillets (3 000 caractères, ndlr). Quand j’étais localier, la nuit on revenait à deux heures du mat’, il fallait mitrailler pour raconter les faits divers. »
Le chef, en cuisine et à distance « Ça va faire 30 ans que je fais ça : des chefs, j’en connais quelques uns. Pierre Gagnaire, j’ai
écrit un livre avec lui donc je ne peux pas feindre la distance. C’est d’ailleurs utile parfois parce que ça fait gagner quelques degrés de connivence. 99% du temps, j’évite cependant
de voir les chefs au restaurant, mais ça m’arrive régulièrement et c’est en général le début du malentendu… J’ai cessé la moindre critique ad hominem, je regarde ce qui sort, je me
balade sur Internet, je vais jusqu’à regarder TripAdvisor pour voir si je suis bien dans le ton. »
« Les journaux n’ont plus tellement les moyens et les journalistes ne se battent plus vraiment pour leur franc-parler. » Sous influence « Les journaux n’ont plus tellement les moyens et les journalistes ne se battent plus vraiment pour leur franc-parler… Tout le monde est content de cette situation : le directeur du journal
qui ne froisse personne, le comptable ravi que le rédacteur soit invité… Les attachés de presse
ont compris comment je fonctionnais, ils me laissent tranquille… Le chef qui s’investit dans l’image, ça m’inspire de la défiance et de la considération à la fois. Le problème c’est qu’il ne fait les choses qu’à moitié, ce qui entraîne des adresses perdues ou des équations erronées. Je
préfère attendre le premier rideau très positif, puis la vérité apparaît. Quand les faux papiers sont passés, on voit qui reste sur le rivage. »
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Saint Nazaire « J’aime cette ville, j’y ai des attaches. C’est une ville ingrate mais je suis très fier d’être né là : elle est formidable, très prolétaire avec un passé ouvrier. C’est là où 68 a commencé. C’est une ville
magnifique dans sa dimension populaire. C’était aussi une base américaine avec des GI. Quand la France était au twist, nous étions au rock‘n’roll. Quand le pays vibrait pour Richard Anthony,
nous étions à Elvis Presley. Il y avait un fossé colossal. Saint Nazaire possède un caractère unique, c’est une ville repoussoir et captivante. Depardieu y est né, ce n’est pas un hasard. »
Japon « J’essaie de vivre à Tokyo et en même temps, je suis ravi d’être à Paris. Avant de rejoindre le Japon, j’ai un rituel qui débute avant le départ, en mangeant des sushis dans le 6è arrondisse-
ment. Je mets ma montre à l’heure japonaise deux jours avant. Je prépare des cadeaux, des boîtes de sel, des crayons, quelques bouteilles aussi quand j’avais ‘mon vin’, une cuvée pour adultes
pour laquelle je rédigeais l’étiquette à la main en collaboration avec le bar à vins Juvéniles. Je ne
gagnais aucun sou, il n’y avait aucune idée mercantile. J’ai pratiqué la calligraphie occidentale
pendant 15 ans. Mon objectif, c’est de parler couramment japonais. Aujourd’hui, dire que je me débrouille serait un grand mot. Qu’est-ce qu’il y a en dessous de se débrouiller ? Balbutier. Pour
parfaire mon niveau, il faudrait que je m’immerge. Commander au resto, c’est simple. Mais c’est quand on a faim et soif qu’on fait des pas de géant. Mon souci, c’est que j’ai un problème
de mémoire : j’ai un stockage imprévisible. J’enregistre des choses comme les minutes où les footballeurs ont marqué quand Nantes était en D2. Le foot, j’adore ça. Le stade, pas la foule. J’y allais quand même mais j’ai souffert le martyr. »
Brasseries « J’aime les endroits populaires et pas trop chers. Les brasseries, ce sont désormais des groupes qui fonctionnent à la marge, avec des échelles de rendement. C’est catastrophique… La brasserie
est un restaurant de proximité : je n’ai pas envie de traverser Paris le dimanche soir. C’est un
endroit ouvert toute la journée avec un répertoire très prévisible. Pour moi, c’est l’archétype du mélange total : des filles qui ne mangent rien, des amis, des vieux, une variété de générations, de classes, de souches. À l’époque, à La Coupole par exemple, on se retrouvait à côté de Mick Jagger et on pouvait étaler son journal. Jamais je n’y remettrai les pieds et je tiens cette promesse depuis 30 ans. »
Finances « J’évite de faire de grandes tables car c’est faramineux, je prends même une partie de la note
pour moi (le magazine hebdomadaire du Monde rembourse les frais de François Simon sur facture, ndlr). Avant de réserver dans un grand restaurant, je réfléchis à deux fois. Depuis que je ne suis plus salarié au Figaro, mon économie est plus stricte. Quand j’ai déclaré gagner 7 000 euros par mois dans un entretien à l’occasion d’un portrait, les gens étaient effrayés au journal.
C’est normal : je travaille 3-4 fois plus que les autres. C’est de la rapidité d’exécution. Et puis, je ne me perds pas dans les invitations aux nombreux évènements organisés dans les milieux gastronomiques : j’évite tout rassemblement, j’ai la chance d’être en dehors des circuits. »
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Rencontre
en. A low and semi-nasal voice: “Hello. It’s Tuesday. It’s nearly quarter past eleven and I’m still
waiting for you outside the McDonald’s on boulevard Saint-Michel. But it’s cold and I have so
much to do today, so I might just make a move shortly unless I hear from you. Bye bye.” My meeting with the most feared food journalist of our time was getting off to a bad start. I was
late; he was impatient. Politely, of course, but irritation was only a step away. In his defence, who would want to wait in the cold outside the temple of fast food, especially someone who would later evoke his great care in preparing “super balanced” sandwiches, designed like “well-
sequenced little landscapes”? It seems that in the kitchens of the capital’s best restaurants hang
a photo of the vilainous masked critic François Simon, so they can spot the rascal and neutralise him (read: be really nice). I didn’t know his face. Searching the internet was all well and good, it came to no avail. Each time I just got the doctor with the same name, one-time mayoral
candidate for Toulouse. Let’s just say that any ressemblance between this leftwing politician
and the acerbic former writer for the Figaro (5000 articles) is very, very slight. The flourishing
moustache and jolly, country bumpkin look of the former is gone to leave the face of a normal
busy 50-something, thin lips and clean-shaven. An ordinary bloke, if not for his distrustful green-grey eyes and padded envelope of clothes: permanently creased velvet trousers and a
purple-spotted night blue tie knot worn like a scarf. “I don’t talk much, I’m a barbarian,” he declared at the outset, he who admitted to an overpowering addiction to the McFlurry, diabolical
cup of icecream with calorific toppings. Monotone and controlled speech followed by a dry look that tells you it’s time to move on to another subject, or end the conversation. Armed with a
hundred or so questions, I went for the first option. Without which these lines could not have been written. Barbarian? François Simon certainly is. He has a wily approach. Did he not try eating cat biscuits on all fours like a cat, curious to find out how it felt? Trying baby food, having
lunch at the IKEA cantine, forgetting his wallet on purpose at the chicest restaurants in Paris.
Interested in everything and resistant to nothing, this beast showed what he’s made of with the Big Mac he might have ordered. Crafty, he claimed to have a lunch date two hours later. So the bit of lettuce stuck between his teeth would have to wait.
Readers, or an endangered species “I get less and less feedback from readers. At the same time, it is no bad thing. It stops
you questioning yourself, and because I don’t have a social life I’m fairly sheltered. I prefer other people’s ideas and tastes anyhow, they fascinate me. I’ve had people talking to me about my articles negatively and others favourably, which is even more embarrassing. I’m
always scared of being wrong, of not having used the right word. I hold my vocabulary dear.”
“Human nature fascinates me but I don’t have time to meet my readers, which is not to say I don’t value them. Just that I dedicate the little time I have leftover to my private life.”
Skilled restaurant recommender “I realise that people expect me to give up my time, to put in my two cents. I know how you
could do something very sellable, with the favourite addresses of Dominique Strauss-Kahn for example: rebuilding his gastronomic universe. Except one restaurant that I held back because
I was asked not to talk about it, an agreement I respected. I give everything. I learned not to
withhold information and I kept this journalistic principle for food. It’s nice for me to be generous,
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Rencontre
to love what I do as quickly as possible.”“One year the website My Little Paris put prizes up for
grabs and the top one was to spend some time with me. The winner was a young girl with short hair who I still see, Camille. She was going to Germany and I reccommended a few novels on Berlin as well as my favourite addresses there. An auction house also once found a buyer for a one-to-one dinner with me. It was at the Laurent with an interesting man. I love listening to other people. You realise that people’s worlds are fascinating, if you can clear away the surface.”
Being a critic “What do my two teenagers think of what I do? You’d have to ask them. They have a vague understanding. Sometimes people paint them another picture of me. They find it funny. I imagine they think it’s an amazing job and so not really real. Travelling, going from hotel to
hotel, eating out: it is not a normal job.” “I get to Rio and I’m shattered because of the time difference. Often I get going two hours after landing. I rarely have time to go for a swim. You
have to work so hard otherwise it’s pointless. You can never shut off your sensors. Checking, searching, being wary of appearances. My notebook has to be filled, I like to have three metres of words and images behind me and when I open the gates I’ve got a flood of constonants and
vowels. You can tell when articles don’t have substance. No one believes me but I can write at the speed I talk. It takes me five minutes to write two pages (editors’ note: 3000 characters). When I was a local reporter, we would get in at two in the morning. You had to keep on and on to get the stories.”
“These days the newspapers don’t really have the resources and journalists don’t really fight to be frank anymore.”
Chefs, in and out of the kitchen I’ve been doing this for going on 30 years. I’ve known a few chefs. I wrote a book with Pierre
Gagnaire so we’re close. Besides it’s useful sometimes because it makes things more collaboratory. 99% of the time I avoid seeing chefs in restaurants, but it happens frequently and in general it’s
the start of a misunderstanding. I’ve stopped any ad hominem criticism. I see what comes out, I look on the internet, I go so far as to look on Trip Advisor to see if I’ve got the right tone.”
Under influence “These days the newspapers don’t really have the resources and journalists don’t really fight to be frank anymore. Everyone is happy with this state of affairs. The newspaper editor doesn’t
offend anyone, the accountant is more than happy for the journalist to get free meals. Press
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Rencontre
agents understand how I work, they leave me be. Chefs investing in their image fills me with distrust and respect at the same time. The problem is that they only do things by halves, which
leads to failures or miscalculations. I would rather sit back through the enthusiastic first wave, then the truth appears. When the bogus articles have come and gone, we see what is left.”
Saint Nazaire “I love this town, I have strong ties to it. It’s an ugly place but I’m proud to have been born
there. It’s great, very working class with a real working history. This is where 68 kicked off. It’s a wonderful town in its popular culture. It was an American base with GIs. When France was
doing the twist, we were on rock ‘n’ roll. When the country was going mad for Richard Anthony, we were on Elvis Presley. There was this huge gap. Saint Nazaire has a unique character, it’s an off-putting and yet gripping town. It’s no coincidence that Depardieu was born there.”
Japan “I’m trying to live in Tokyo and at the same time I’m so happy to be in Paris. Before going back to Japan I have a ritual that starts before leaving. Eating sushi in the sixth arrondissement. I
change my watch two days in advance. I get presents ready: salt, pencils. Some wine too, when I had ‘my wine’, a cuvée for grown ups with the wine bar Juvéniles. I did the labels by hand. I
didn’t make a penny, it was not at all commercial. I’ve been doing western calligraphy for 15
years. My aim is to speak Japanese fluently. Right now saying that I get by would be pushing
it. What comes after getting by? Stammering. To get better I would have to immerse myself it it. Ordering at a restaurant is easy. We make great strides when we’re hungry or thirsty. My
problem is with memory: what I store is erratic. I remember things like the minutes when
footballers scored when Nantes was in the second division. I love football. The stadium, not the crowds. I used to go anyway but I would suffer for it.”
Brasseries “I like places that are down to earth and not too expensive. Nowadays brasseries are groups
operating on margins with performance scales. It’s catastrophic. The brasserie is a local restaurant: I don’t want to cross Paris on a Sunday evening. It’s somewhere open all day with
a predictable menu. For me, it’s the archetype of a complete melting pot: girls who don’t eat, friends, old people; a range of generations, classes and origins. Back in the day at the Coupole,
for instance, you would be sitting next to Mick Jagger and you could spread out your newspaper. I will never set foot in there again and I have kept this promise for 30 years.”
Finances “I avoid going to top restaurants because it’s steep. I pay for part of the bill myself (editor’s note: the weekly magazine for the Monde covers Francois Simon’s expenses). I think twice before
booking at a fancy restaurant. Since I stopped working at the Figaro I’m tighter with money.
When I claimed to earn 7000 euros a month in an interview, people at the paper were scared. It’s normal, I work 3-4 times more than other people. Get things done quickly. And I don’t get bogged down by all the invites to events put on in gastronomic circles. I avoid gatherings. I’m lucky enough to be outside all that.”
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Découverte Rencontre
Le berger des mers texte Julie Thiébault illustration Sophie Della Corte
Barbe blanche pour sang bleu, le capitaine
Watson a été biberonné à l’eau de mer. L’été de ses 10 ans, Paul l’apprenti pirate nage avec les castors. L’été suivant il nage seul, les trappeurs
les ont tous attrapés. Il entreprend alors de
traquer les pièges et de les détruire afin de sauver les animaux. Aujourd’hui, bourru mais dévoué, c’est un corsaire dont le butin n’est pas fait de pièces d’or. Au contraire, ce qui anime la flotte de
Paul Watson et ses moussaillons, c’est le désir de sauver les espèces marines de leurs prédateurs, les braconniers.
Eat
Eat
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Découverte
Fondée en 1977, Sea Shepherd est une organisa-
tion non gouvernementale, internationale et
interventionniste, qui protège la faune et la flore spécifiquement marine. Poumon de la planète,
l'océan, grâce au phytoplancton, génère 80% de l'oxygène, c'est peu dire que si l'océan meurt, nous
mourrons. Par nos filets affamés nous le vidons
de plus en plus rapidement de ses habitants. Alors, la prochaine fois que nous avons envie d'une boîte de thon, prenons conscience que
notre décision peut avoir un impact, qu'il soit néfaste ou bénéfique, sur les générations futures.
Pour les singes vaniteux que nous sommes, il s'agit de troquer notre casquette de maître du
monde, de ranger notre ego dans notre poche,
et d'accepter que nous ne sommes qu'une espèce
parmi les espèces. Ainsi, afin de rétablir notre lien avec elles, faisons la brasse avec les castors, regardons dans les yeux les baleines et dansons
avec les requins, nous finirons par nous envoler à dos d'abeille.
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Mint : Quelle est l'importance de l'océan
sur la planète et pourquoi avoir choisi de dédier votre vie à sa survie ?
Capitaine Paul Watson : C'est la planète océan. C'est une
planète d'eau en circulation continue - de la mer à l'atmosphère et aux glaciers, jusqu'aux nappes phréatiques et
dans les cellules de chaque organisme vivant de la planète.
Rencontre
Comment vivre en société et en harmonie avec la Terre ?
Dans mon livre Si l'Océan meurt, nous mourrons ! je présente des solutions concrètes mais ce sont des solutions
que beaucoup préfèrent ignorer. Nous devons obtenir un moratoire contre toutes les pêches commerciales, en
finir avec les subventions gouvernementales encoura-
Chacun d'entre nous est l'océan, et nous sommes insépa-
geant ce type de pêche et renforcer les lois de conserva-
vie, c'est la source de l'air que l'on respire, de la nourriture
contre l'environnement. Nous devons mettre fin au
rables de la planète. L'océan est le système qui permet la que l'on mange et il maintient la stabilité climatique.
Quand avez-vous compris que votre relation avec l'environnement serait particulière ?
J'ai été élevé par la mer, j'ai été un marin toute ma vie
et un capitaine de navire durant 37 ans. Mon expérience
de la mer m'a appris que nous sommes tous sujets aux lois de l'écologie, c'est-à-dire la loi de la diversité, la loi
de l'interdépendance et la loi des ressources limitées. Nous avons besoin de la diversité des espèces car toutes les espèces dépendent les unes des autres. Nous ne pouvons
pas continuer à voler les ressources des autres espèces sans détruire à la fois la diversité et l'interdépendance, et ainsi risquer de voir disparaître ces espèces et de ce fait l'humanité toute entière.
Pouvez-vous définir le biocentrisme et nous
expliquer en quoi cela peut sauver l'humanité ? Il y a deux paradigmes opposés. L'un où l'humanité fait partie intégrante du monde naturel, et l'autre dans lequel
l'humanité cherche à dominer la nature et place notre
espèce comme supérieure à toutes les autres espèces. Le
tion, grâce à des pénalités visant à dissuader les crimes massacre de 65 milliards d'animaux chaque année, et passer à une alimentation végétale.
Pensez-vous que les grands médias
et les gouvernements se détournent de la problématique écologique,
ou nient la possibilité de changement ? Les médias de masse et les gouvernements sont principa-
lement contrôlés par les intérêts des sociétés, elles-mêmes
guidées par leur cupidité. Les médias fabriquent la vérité et manipulent l'opinion publique. Les gouverne-
ments évitent d'entraver les sociétés avec des lois et les
soutiennent par des subventions. Les sociétés ne veulent pas de solutions qui pourraient impacter leurs projets,
les gouvernements font ce qu'on leur dit, et les médias suivent les instructions de ceux qui les possèdent.
Arrêter complètement de manger de la viande et du poisson ne remet-il pas en question
tous les fondements de la société telle qu'elle est construite ? S'agit-il de reconstruire une autre société ?
biocentriste comprend les relations entre les espèces,
C'est une excellente question. Cela saperait les fondements
à l'expansion. Le biocentriste sait d'où il vient, où il est,
Nous avons besoin d'une révolution dans nos valeurs et
nous faisons maintenant détermine la destinée de toutes
la société, de passer d'une société anthropocentriste ; où
comprend la diversité, et comprend qu'il y a des limites
économiques de notre société et on reviendrait au statu quo.
et où il va. C'est ce que l'on appelle le continuum, ce que
nos priorités et je pense que cela nécessite de reconstruire
les générations futures.
une seule des espèces domine et reposant sur une vue à
court terme ; à une société biocentriste au service de tous les êtres vivants et de leur futur.
Eat
Eat
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Rencontre
Il y a de plus en plus d'étapes entre la pêche et la consommation du produit. Cela nous éloigne t-il de la réalité de ces pratiques ?
Environ 40% des poissons consommés par la population
ont été pêché illégalement. Environ 45% des poissons attrapés ne sont pas dédié la consommation humaine,
mais transformés en farine de poisson afin de nourrir les saumons, poulets et porcs d'élevage. Les chats domestiques
consomment chaque année environ 2,8 millions de tonnes de poisson, ce qui est bien plus que l'ensemble des phoques
en Atlantique du Nord. La pêche industrielle pille les eaux
des nations étrangères, particulièrement de l'Afrique et de l'Océanie. Il n'y a pas de réserves marines ou de sanctuaires hors de danger, et il n'existe pas de pêche durable.
Comment voyez-vous le futur ? Je vois les choses aller mal avant d'aller mieux, car l'humanité ne s'aperçoit pas facilement des menaces. Il y aura plus de guerres de ressources. Je prévois une guerre
de grande ampleur envers les ressources de l'Antarctique. Il y aura des guerres à propos du poisson, et plus de conflits en conséquence du changement climatique
et des réfugiés écologiques. Je vois qu'il peut y avoir un
effondrement écologique majeur en raison de la loi des ressources limitées et de la diminution de la diversité
et de l'interdépendance des espèces. Si l'humanité s'en sort, je vois 2116 ressemblant à 1815 avec un retour à une
révolution pré-industrielle. Ce dont je suis sûr, c'est que
même si l'humanité ne survit pas à la sixième extinction, la planète survivra car son histoire a montré que cela
Il y a peu de réserves naturelles marines dans
lui prend environ 20 millions d'années pour se remettre
*de la France ou les Iles Cocos au large du Costa
naturelle très douce une fois encore pour plusieurs millions
de toute pêche) est-il une solution ?
là pour en profiter.
le monde (telles que le Cap Roux dans le sud
d'une extinction de masse et cela peut être une utopie
Rica). Le retour aux zones taboues (vierges
d'années, mais je doute que les humains soient encore
Oui nous avons besoin de sanctuaires protégés par l'appli-
Actuellement certaines icônes se saisissent
à la mer de se régénérer. La moindre réserve marine dans
une consommation durable et respectueuse
cation de sévères sanctions. Nous devons donner le temps
du sujet de l'écologie et encouragent
le monde est infestée par les braconniers.
de l'environnement. Prenons l'exemple
Aujourd'hui la population est
principalement citadine. Comment rétablir notre lien avec la nature ?
J'ai une réponse radicale à cela. Nous ne devrions pas avoir de communautés dépassant les 30 000 personnes, et celles-ci devraient être séparées par de vastes régions
sauvages et de terrains pour y cultiver des plantes. Nous devons faire pousser la nourriture dans les villes, dans
nos jardins et sur les toits des immeubles. Nous devrions
produire ce dont nous avons besoin. La nourriture devrait être produite localement, durablement, et être issue de la culture biologique.
Avez-vous constaté des changements positifs
depuis le début de vos actions avec Sea Shepherd vis-à-vis du braconnage ou plus généralement de la population ?
Oui, je suis témoin d'une transition. Plus de conscience,
plus d'actions, de changements de comportements. Plus de végétariens, de vegans et d'alternatives écologiques.
Je crois que les gens comprennent qu'il y a un problème et plus les gens prennent conscience de cette menace
envers la survie de l'humanité, plus cela motivera de changements positifs.
de Pharrel Williams qui, avec la marque Bionic Yarm, recycle le plastique des océans afin
d'en faire du denim pour G-Star Raw, ou encore Amelie Pichard, avec l'icône engagée Pamela Anderson, qui lance une ligne de chaussures
vegan. Quel est l'impact de ces engagements et de ces alternatives sur la société ?
Pour la culture des médias dans laquelle nous vivons, la valeur des célébrités est importante. Les célébrités sont
les médias. C'est pourquoi Sea Shepherd encourage et
accueille le soutien des célébrités. Pamela Anderson est une des administratrices de Sea Shepherd, et le Comité
Consultatif International inclut Sean Connery, Pierce
Brosnan, Christian Bale, William Shatner, Richard Dean Anderson et Christophe Lambert. Comment pouvons-nous perdre avec deux James Bond, Batman, Capitaine Kirk,
Mc Gyver, et Highlander ? Sea Shepherd a aussi tissé des liens avec l'industrie de la mode, avec les communautés du surf et de la plongée, avec des artistes et des universitaires. Kelly Slater parle en notre nom, et nous collaborons
avec des scientifiques estimés tels que Dr. Roger Payne et Dr. Sidney Holt.
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Découverte
Pamela Anderson est une des administratrices de Sea Shepherd, et le Comité Consultatif International inclut Sean Connery, Pierce Brosnan, Christian Bale, William Shatner, Richard Dean Anderson et Christophe Lambert. Comment pouvons-nous perdre avec deux James Bond, Batman, Capitaine Kirk, Mc Gyver, et Highlander ?
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Rencontre
Can you define biocentrism for us and explain
en. With a white beard for blue blood, Captain Watson was
brought up on sea water. The summer he turned ten Paul
the pirate-in-training was swimming with the beavers. The following summer he swam alone. The trappers
had caught them all. So he set about hunting down and
destroying the traps to save the animals. These days this privateer is gruff but dedicated, and his plunder is not
made up of pieces of eight. Paul Watson and his crew are
motivated by the desire to save marine species from their predators, the poachers. Founded in 1977 Sea Shepherd is a non-governmental, international and interventionalist organisation that protects marine plants and animals.
The lungs of the planet, the ocean generates 80% of its oxygen (thanks to phytoplankton). Saying if the ocean
dies, we die is putting it mildly. Faster and faster our
how it could save humanity?
There are two opposing paradigms. One where humanity is part of the natural world and the other where humanity
seeks to dominate nature, seeing our species as superior to all other species. The biocentric understands the rela-
tionships between species, understands diversity and
understands that there are limits to growth. The biocentric knows where they came from, where they are and where they are going. It is called the continuum. What we do now determines the fate of all future generations. How to live in society and in harmony with Earth?
greedy nets are emptying the ocean of its inhabitants. So
In my book If the Ocean Dies, we Die! I present real
our decision can have an impact on future generations,
to consider. We need a moratorium on all commercial
we are, it is a matter of trading in our king-of-the-world
this type of fishing and we need to enforce conserva-
one species among the rest. To restore our link with them
environment. We need to put an end to the slaughter of 65
and dance with the sharks, we’ll end up flying away on
plant-based diet.
next time we fancy a tin of tuna let’s bear in mind that
solutions, but these are solutions many do not wish
be it harmful or beneficial. For the arrogant primates that
fishing, we need to end all government subsidies on
badge, pocketing our ego and accepting that we are just
tion laws with penalties to deter crimes against the
let’s go swimming with the beavers, wink at the whales
billion animals each year and switch to a predominantly
the back of a honeybee.
Do you think the mass media and governments
How is the ocean important to the planet and
turn away from ecological issues, or deny the
Capitaine Paul Watson: This is Planet Ocean. It is a planet
The mass media and governments are primarily controlled
atmosphere to the ice to the ground water, and inside
The media manufactures the truth and manipulates the
every one of us is ocean and we are inseparable from the
with laws and support them with subsidies. Corporations
source of the air we breathe and the food we eat, and it
governments do what they are told and the media takes
why do you dedicate your life to saving it?
possibility of change?
of water in continuous circulation: from the sea to the
by self-interested corporations that are guided by greed.
the cells of every living thing on the planet. Each and
views of society. The governments shield the corporations
planet. The ocean is the life support system: it is the
do not want solutions that could impact their profits,
maintains climatic stability.
direction from the corporations that own them.
When did you realise that your relationship with the environment would be special?
The sea raised me. I have been a sailor all my life and a
Does no longer eating meat and fish call into
question the foundations of our society as it is? Do we have to rebuild another society?
sea-captain for 37 years. My experience of the sea has
That is an excellent question. It would undermine the
That is, the law of diversity, the law of interdependence
to the status quo. We need a revolution in values and
because all species are interdependent on each other. We
from a one-dominant-species anthropocentric society
without eroding both diversity and interdependence,
serves the needs of all living things and their future.
taught me that we are all subject to the laws of ecology.
economic foundations of our society and we would return
and the law of finite resources. We need species diversity
priorities. I think that does require rebuilding society,
cannot continue to steal resources from other species
based on short-term interests to a biocentric society that
and risk seeing these species disappear. And humanity as a result.
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There are more and more stages between fishing and
eating the end product. Does this take us away from
Rencontre
How do you see the future?
the reality of these practices?
I see things getting bad before they get better because
Some 40% of the fish people consume has been caught
more wars over resources. I predict a major war over the
illegally. Some 45% of the fish caught is not even eaten by people but instead converted to fishmeal to feed farmed
salmon, chickens and pigs. Domestic house cats consume
some 2.8 million tons of fish each year, which is more than all the seals in the North Atlantic. Industrial fishing is
looting the waters of foreign nations, especially off Africa and in Oceania. There are no safe marine reserves, no safe sanctuaries, and there is no such thing as a sustainable fishing industry.
humanity will not see the threats easily. There will be
resources of Antarctica. There will be fish wars and more conflicts as a result of Climate Change and ecological refugees. I see that there may well be a major ecological
collapse due to the law of finite resources and a dimi-
nishment of diversity and interdependence of species.
If humanity pulls through I see 2116 looking like 1815 with a return to pre-industrial revolution society. What
I know for certain is that even if humanity does not survive the sixth extinction, the planet will. History
has shown it takes about 20 million years to recover There are few natural marine reserves in the
from a major extinction event. It could be a very nice
the Cocos Islands off Costa Rica). Is a return to
but I doubt humans will be around to enjoy it.
world (like Cap Roux in the south of France or off-limit zones (free of all fishing) a solution?
natural utopia once again in a score of a million years,
At the moment certain celebrities are seizing
Yes, we need sanctuaries that are protected by enforcing
the subject of ecology and encouraging
itself. Every single marine reserve in the world is plagued
consumerism. Take the example of Pharrel
severe penalties. We need to give the sea time to repair
sustainable and environmentally-friendly
by poachers.
Williams who, with the Bionic Yarm brand,
Today most people live in cities. How can we restore our link with nature?
I have a radical answer for this. We should not have communities with more than 30,000 people and these
communities should be separated by large wilderness areas
and land for growing crops. We need to grow food in the
cities, in our gardens and on the roofs of buidings. We should produce what we need. Food should be produced locally, sustainably and organically.
Have you noticed positive change since the
beginning of your action with Sea Shepherd in
terms of poaching or the public more generally? Yes, I am seeing a transition. More awareness, more
action, changes in behavior. More vegetarians, more vegans, more alternative energy. I believe people
understand there is a problem, and the more people become aware of this threat to the survival of humanity, the more it will motivate positive changes.
is recycling plastic from the ocean to make denim for G-Star Raw, or Amelie Pichard, with the dedicated Pamela Anderson,
who is launching a line of vegan shoes.
What is the impact of commitments and alternatives like this on society?
In the media culture we live in the value of celebrities
is important. Celebrities are media. That is why Sea Shepherd encourages and welcomes celebrity support.
Pamela Anderson is a Sea Shepherd director and our In-
ternational Advisory Board includes Sean Connery, Pierce Brosnan, Christian Bale, William Shatner, Richard
Dean Anderson and Christophe Lambert. How can we
lose with two James Bonds, Batman, Captain Kirk,
MacGyver and the Highlander? Sea Shepherd has also
created links with the fashion industry, the surfing and diving communities, artists and academics. Kelly Slater speaks for us and we work with esteemed scientists like Dr. Roger Payne and Dr. Sidney Holt.
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Rencontre
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La grande bouffe Rendez-vous à 11h30 devant le restaurant Dilia où nous attendons celui qui sera notre guide parisien le temps d’une journée. Alexandros
Rallis est grec et vit entre Paris et Kalamata depuis plusieurs années. Peut-être que son nom ne vous dit rien mais il est fort possible que
vous ayez déjà goûté à ses produits dans les restaurants les plus cools de la capitale. Rencontre avec le créateur de Profil Grec. texte Déborah Pham photos Lucile Cubin
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Rencontre
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Rencontre
La petite place de l’Eglise Notre Dame de la Croix se réveille
fêta et celle de Profil Grec vous donnera le sentiment de
nous propose d’aller boire un pastis chez son copain Karim
plusieurs chefs m’ont demandé de leur trouver des produits
lentement dans un bain de soleil printanier. Alexandros
qui tient un bar avec une petite terrasse bien exposée. Un endroit complètement planqué où notre ami a déjà ses
petites habitudes. Karim nous apporte des cacahuètes et revient avec des olives, Alexandre objecte « Ah non, pas ça ! On va te trouver des bons produits mais ces olives on
ne les veut pas », Karim opine du chef et repart avec ses olives vertes.
On commence à parler de son parcours depuis ses études
à l’Université de Nanterre. Une spécialité ? « J’étudiais
l’histoire et la sociologie mais je dirais que ma spécialité c’était plutôt les grèves et les manifs en tout genre. », en
tout cas, c’est bien à la fac que l’aventure commence. « Mes potes ont commencé à me demander de leur rapporter des produits de Kalamata où je passais tous
les étés, ça m’amusait car pour moi ce sont des produits du quotidien. Ce que t’as toujours eu, tu n’en connais
pas la valeur.» Tout démarre en 2009, Alex a 25 ans et profite des vacances pour passer du temps auprès de sa grand-mère qui possède un champ d’oliviers avec une
quarantaine d’arbres. « À Kalamata, chaque famille
possède son champ, même les familles qui ont peu de moyens. Avoir une petite production d’huile d’olive,
c’est la base.» Effectivement, ça a du sens puisqu’un
grec consomme en moyenne 20 litres d’huile d’olive par
an. Le soir venu, il tombe par hasard sur une émission
autour de la production d’huile d’olive en France. La suite, c’est juste l’histoire d’un mec qui se dit qu’il tient là une
pépite et se donnera pour mission de la faire connaître au plus grand nombre.
Alex rentre à Paris avec le guide Michelin et choisit de rencontrer Inaki Aizpitarte dans son restaurant Le Chateaubriand. Ça a été décisif dans le développement de
Profil Grec puisque, très vite, le chef lui en commande deux bidons qu’Alex livrait en scooter. Le bouche-à-
oreille fera le reste. « Au départ, on produisait 200 litres d’huile d’olive avec ce qu’on récoltait dans le champ de ma
grand-mère. Inaki m’a poussé à aller plus loin. » En effet, c’est là qu’il commence à rechercher de nouveaux produits
et de nouvelles pistes pour ses clients. Qui dit Grèce dit
n’avoir jamais goûté ce fromage auparavant. « En 2010,
comme de la fêta, du miel ou de l’origan. Deux ans plus
tard, je faisais goûter notre fêta à Inaki qui l’a trouvée exceptionnelle. »
En 2016, Profil Grec a importé pas moins de 12000 litres d’huile d’olive ; la petite entreprise a bien grandi en
pariant sur d’excellents produits : « C’était évident.
D’ailleurs les mecs avec qui on travaille en Grèce ont tous misé sur la qualité. En période de crise, on a tendance à
faire ce choix plutôt que de produire beaucoup et moins bien. » Mais au fond, c’est quoi une bonne huile d’olive ?
« Une bonne huile d’olive est un produit curieusement rare en France où 99% des gens consomment des huiles
mélangées », explique-t-il. De l’huile d’olive mélangée à d’autres huiles végétales chez des marques qui se dotent
d’un marketing fort et d’un packaging sympa, de quoi
agacer notre ami grec : « On remarque bien qu’il n’y a pas de millésime sur les bouteilles, il faut que les gens comprennent que l’huile d’olive industrielle est coupée
dans tous les sens, c’est le produit le plus coupé au monde avec la cocaïne ! » Message reçu.
Faire de l’huile d’olive n’est pas un travail de tout repos, cela demande beaucoup de temps et d’attention : « En gros, la récolte dure 3 ou 4 mois, de novembre à février.
C’est un boulot que les jeunes grecs détestent car souvent ils font ça depuis qu’ils sont gamins. Ils arrivent à 8h du matin et finissent à 23h. Il faut bien suivre l’huile jusqu’au
moulin pour s’assurer qu’elle ne soit pas mélangée avec celle du voisin, ça peut arriver… Tout est possible en Grèce tu sais, et souvent le pire ! ». À Kalamata, Panagiotis
Gouzos est le bras droit d’Alex et l’aide à sourcer les
champs d’oliviers. Profil Grec travaille avec quatre familles différentes. Ce qui les intéresse particulièrement, c’est la
notion de terroir : « Tu peux avoir des goûts très différents
avec une huile de début de récolte qui sera ardente, un peu piquante et une huile de fin de récolte. Ce qui est
génial c’est qu’il n’y a pas de règles. Parfois on ramasse
encore fin février en s’attendant à quelque chose de doux alors qu’on obtient une huile très verte. Comme
pour le vin, c’est le sol qui donne toute son expression
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Rencontre
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« Mes potes ont commencé à me demander de leur rapporter des produits de Kalamata où je passais tous les étés, ça m’amusait car pour moi ce sont des produits du quotidien. Ce que t’as toujours eu, tu n’en connais pas la valeur. »
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au produit. » La grande fierté d’Alex, c’est quand il fait
Ce dernier travaille principalement avec Le Comptoir du
rappelle celle que j’ai à la maison », un compliment qui
Saturne, le Baratin, Frenchie, Dilia, Semilla ou encore
goûter ses produits à Kalamata et qu’on lui dit « Ça me
le touche particulièrement mais peut-être pas autant
que d’avoir plusieurs chefs italiens fidèles à son huile d’olive ! D’ailleurs, ce produit est le seul à profiter d’un packaging pensé par la marque : « On a choisi de laisser les autres produits dans leur emballage d’origine. Bien sûr ils sont parfois cheap mais on n’a pas à mettre notre nom
et notre logo sur leur travail. On n’est que des passeurs. »
Relais d’Yves Camdeborde, Aux Deux Amis, Septime, Racines 2. Quelques adresses dans le carnet bien rempli
d’Alexandros, qui semble avoir un petit faible pour la cuisine bistronomique, disons. « J’aime leur façon de travailler, il n’y a pas de chichis, pas de mise en scène,
c’est une cuisine directe », un style de cuisine qui s’associe parfaitement à ses produits grecs. Lorsqu’on lui demande
quels sont les plats qui l’ont marqué (car le sourceur ne manque jamais de goûter ce que l’on fait de ses produits),
Dans la rue, nous nous dirigeons vers le restaurant Que
il réfléchit un temps et peine à choisir : « J’aime la mousse
Alex connaît le quartier par coeur et, pourtant, trouve
chez Septime que Bertrand Grébaut avait préparé avec
des façades, des cours arborées ou des petits passages.
le sublimer. C’est beau, non ? J’aime aussi le Baratin,
du Bon, un bistrot parisien vers les Buttes Chaumont.
au miel d’Inaki. J’ai été marqué par un tartare de veau
le moyen de s’émerveiller à chaque coin de rue devant
la saumure de la fêta. Il a pris le truc que tu jettes pour
c’est la cuisine de la mamma avec des produits frais, je
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Rencontre
m’y sens comme en Grèce. Je pense aussi à la ganache
de l’humour. La vérité, c’est qu’on pourrait l’écouter parler
te fera goûter cet après-midi. » Il me tarde, mais pour
ses spectateurs : « Alors vous voulez quoi ? Goûtez ça, c’est
au chocolat et à l’huile d’olive de Romain Tischenko, on l’heure nous entrons chez Que du Bon, le restaurant de Gilles Bénard.
« Ca va les mômes, vous êtes heureux ? » s’exclame Gilles. Il s’avance vers Alex et lui attrape l’épaule : « Salut mon
poulet, comment ça va ? » Une fois installés dans ce qui
pourrait bien être le bistrot le plus chaleureux du monde, Alex nous explique que Gilles l’a beaucoup soutenu à ses débuts en l’aidant à rencontrer des gens de son entourage,
de grandes figures de la restauration parisienne : « C’est un grand monsieur, un vrai bistrotier » et on irait même
jusqu’à penser que c’est une espèce en voie de disparition tant on n’a jamais vu telle gouaille, telle énergie, tel sens
pendant des heures et ça tombe bien, Gilles sait chérir
excellent comme saucisse. Le mec qui la prépare était là y a
pas longtemps. Oh putain quel bouseux ce mec, mais il est sympa comme tout », on le questionne sur l’huître d’Utah
Beach, petite reine des tables les plus prisées, il explique :
« Alors l’huître d’Utah Beach c’est une espèce de salope coincée dans des filets qui fait rien d’autre qu’ouvrir la
bouche pour bouffer du plancton », on prendra finalement la cervelle de veau en entrée, servie avec un petit beurre
citronné préparé avec brio par le fils du patron, Marius. Tandis que nous papotons avec Gilles pour en savoir
plus sur son travail avec Alexandros, ce dernier ne peut s’empêcher de tendre l’oreille, « L’histoire d’Alex, c’est
que c’est un branleur qui ne savait pas quoi faire de sa vie à part fumer des joints et quand il a enfin décidé
Eat
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Rencontre
d’en faire quelque chose, tout le monde était surpris ! »
Une journée bien riche s’achève et on n’en revient pas
ajoutera « J’étais content d’aider Alex à ses débuts mais
Alex nous explique : « Il y a une pénurie de mise en valeur
Les deux se prennent dans les bras en se marrant. Il tu sais, aider un grec c’est pas facile tous les jours »,
l’intéressé rit toujours en vérifiant si nous notons les punchlines de Gilles. Nous n’en ratons pas une miette.
Alex explique que c’est ici qu’il a rencontré les deux fondateurs de l’épicerie Terroir d’Avenir. Deux personnes qui ont beaucoup compté pour lui, chez qui les produits
Profil Grec sont disponibles, que ce soient les agrumes, l’huile d’olive, l’origan sauvage, les olives noires ou la fêta. Vous êtes prévenus.
Direction Belleville en traversant le parc des Buttes Chaumont où les parisiens profitent du beau temps,
lunettes de soleil sur le nez. On demande à Alexandros de quitter les siennes le temps de faire quelques portraits, il rétorque « Pourquoi ? Ça fait trop mafieux ? Tu sais que
dans Le Parrain, le premier job de Corleone c’est importateur d’huile d’olive ? » Romain Tischenko nous attend, prêt à
préparer quelques recettes autour des produits grecs qu’il connaît par cœur : « Romain est peut-être le chef qui est
venu nous voir le plus souvent à Kalamata, d’abord pour rencontrer les producteurs, cuisiner chez nous et faire la
fête aussi », Romain pianote sur son téléphone et nous montre quelques photos souvenirs, il raconte : « On était venu l’été dernier, puis il nous a fait cuisiner pour 40
personnes à son anniversaire ! » On regarde quelques photos de plats, quelques photos de la mer et un peu plus loin Yves
Camdeborde et lui s’activant en cuisine, tablier bleu et torse nu. Romain travaille avec Alex depuis longtemps : « Grâce
à lui, je mets un visage sur un produit, c’est une approche différente mais c’est comme ça que j’aime travailler. Son
huile d’olive est abordable quand certains en font un produit de luxe alors que c’est un produit de base ». Alex nous parle de sa soirée d’anniversaire, ensemble ils se remémorent des
plats et des anecdotes : « Quand Yves et Romain étaient là, les Grecs étaient intrigués par leur cuisine, c’est quelque
chose de nouveau pour eux, une nouvelle façon de travailler des produits qu’ils connaissent depuis toujours. Et c’est
comme ça que des rencontres et des amitiés se créent. »
Il est temps de goûter aux plats de Romain, musique à
fond et cuillères à la main. Heureusement, nous garderons précieusement les recettes.
d’avoir ignoré si longtemps l’existence de tels produits,
en Grèce. C’est un pays qui a tendance à s’ignorer un peu,
il y a peu d’export sur des produits qui pourtant en valent la peine. » La semaine prochaine, Alexandros repartira
en Grèce mais on devrait le retrouver accoudé à La Cave à
Michel d’ici peu car comme il le dit lui-même : « Quand je
repars en Grèce je respire, quand j’y reste trop longtemps j’étouffe. »
en. 11.30 am outside the restaurant Dilia and we are waiting for the person who will be our Paris guide for the day.
Alexandros Rallis is Greek and has been living between
Paris and Kalamata for years. His name might not ring a bell but there is a good chance you have already tried his products in the capital’s coolest restaurants. A meeting with the creator of Profil Grec.
The small square outside the Church of Notre Dame de la Croix slowly comes to life in the spring sunshine.
Alexandros suggests going for a pastis at Karim’s, his friend who has a bar with a sunny little terrace. A
secluded place where our friend already gets into the swing of things. Karim gives us some peanuts and comes back with olives. Alexandros objects: “Oh no, not those! We’re going to get you some good stuff but
we don’t want those olives”. Karim nods in agreement and leaves with his green olives.
We start talking about his story, starting with his studies at the University of Nanterre. His specialism? “I
was studying history and sociology but I would say that my specialism was actually strikes and protests of all kinds”. Anyway, it was definitely at uni that the adven-
ture began. “My mates started asking me to bring them products back from Kalamata where I would go for the summers. I thought it was funny because for me it was
everyday stuff. You don’t know what things are worth when you’ve always had them”. It all started off in 2009. Alex was 25 and used the holidays to spend some
time with his grandmother, who has a field of olive
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Rencontre
trees with some forty trees. “In Kalamata every family
because they have often been doing it since they were
olive oil is the minimum”. It makes sense, because the
at eleven at night. You have to really follow the oil right
has a field, even the poorer ones. Making a little bit of average Greek consumes 20 litres of olive oil each year.
Then one evening he happened to watch a programme about making olive oil in France. What came next is just the story of a guy who realised he had something
special and made it his mission to bring it to as many people as possible.
Alex came back to Paris with the Michelin guide and decided to meet Iñaki Aizpitarte in his restaurant Le
Chateaubriand. This would prove decisive in the deve-
lopment of Profil Grec, because the chef soon ordered two tins of olive oil that Alex delivered by scooter. The rest happened by word of mouth. “At the beginning we
were making 200 litres of olive oil from what we harvested in my grandmother’s field. Iñaki pushed me to go
further”. That was when he started looking for new pro-
ducts and new opportunities for his clients. Whoever says Greece says feta, and the feta from Profil Grec will
give you the impression of eating it for the first time. “In 2010 a few chefs asked me to find products like feta,
honey and oregano for them. Two years later I got Iñaki to try our feta and he thought it was amazing”.
In 2016 Profil Grec imported no less that 12,000 litres of
kids. They get there at eight in the morning and finish
to the mill to make sure it doesn’t get mixed up with your neighbour’s. It can happen. Anything can happen
in Greece, you know, and often the worst happens!” Panagiotis Gouzos is Alex’s right hand man in Kala-
mata and helps him to find the olive fields. Profil Grec works with four different families. What they are most
interested in is the concept of terroir: “You can get very
different flavours between an oil from the start of the harvest, which will be intense and a bit spicy, and an
oil from the end of the harvest. What is fantastic is that there are no rules. Sometimes we are still harvesting at
the end of February expecting something gentle but we
get an oil that is very green. Like for wine, it’s the soil
that gives the product all its character”. Alex’s greatest pride is when he gets people in Kalamata to try his pro-
ducts and they say it reminds them of what they have at home. A compliment he really enjoys, but perhaps
not so much as having several Italian chefs hooked on his olive oil. This product is the only one to have their
branded packaging: “We chose to keep the other pro-
ducts in their original packaging. Yes, they’re tacky sometimes but we can’t put our name and logo on their work. We’re not fakers”.
olive oil. The small business has fared well by plumping
In the street we make our way towards the restaurant
we work with in Greece have all gone for quality. In a
mont. Alex knows the area by heart and still finds a
for quality products: “It was obvious. Anyway, the guys time of crisis you tend to make that choice rather than
making a lot less well”. But what makes a good olive oil?
“Good olive oil is strangely rare in France, where 99% of people eat blended oils”, he explains. Olive oil blended with other vegetable oils by brands that have strong marketing and nice packaging. Which is enough to
wind our Greek friend up: “There is no vintage marked
on the bottles. People have to understand that industrial olive oil is cut and cut again. It’s the most highly cut product in the world along with cocaine”. Got it.
Making olive oil is no easy job, it takes a lot of time and care: “The harvest lasts three or four months, from
November to February. It’s a job hated by young Greeks
Que du Bon, a Parisian bistro near the Buttes Chauway to marvel at the facades, garden courtyards and little passages all the way. Alexandros works with Yves
Camdeborde’s Le Comptoir du Relais, Aux Deux Amis, Septime, Saturne, the Baratin, Frenchie, Dilia, Semilla
and Racines 2. A few of the entries in his nicely filled address book. We could say has a bit of a weakness for bistronomy: “I love the way they work. There’s no frills, no flamboyance, it is direct food”. A style of food that goes
perfectly with his Greek products. When we ask him
what dishes he has been most impressed by (because
he never misses out on tasting what people do with his
products), he thinks for a while and struggles to decide.
“I love Iñaki’s honey mousse. I was impressed by a veal tartare at Septime that Bertrand Grébaut made using
Eat
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DĂŠcouverte
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Rencontre
Alexandros, son collègue Baptiste Lorre et Gilles BÊnard
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Rencontre
the brine from feta. He took the part you throw away
On to Belleville through the ButtesChaumont park where
love the Baratin too, it’s comfort food made with fresh
their sunglasses. We asked Alexandros to take his off for
to give it that special something. That’s great, isn’t it? I produce. I feel like I’m in Greece. Then there’s Romain Tischenko’s chocolate and olive oil ganache. You’ll try it
this afternoon”. I can’t wait, but for now we step inside Que du Bon, Gilles Bénard’s restaurant.
the Parisians were enjoying the good weather, wearing
a few pictures. “Why?” he retorted, “Is is too mafia? You know in The Godfather Corleone’s first job was importing
olive oil”. Romain Tischenko was waiting for us, ready
to make a few recipes with the Greek products he knows so well: “Romain is probably the chef who has come to
“Alright kids, you happy?”, Gilles shouts. He walks
see us the most in Kalamata. To meet the producers,
are you?” When we were sitting down in what might
and shows us a few photos. “We went last summer and
ned how Gilles helped him out a lot in the beginning,
looked at a few photos of food, a few photos of the sea
Parisian food. “He’s a real gentleman, a real bistrotier”.
the kitchen, blue apron over naked torso. Romain has
we’ve never seen a sense of humour like it. Such cheek,
I put a face to the product. It’s a different approach but
talking for hours, which is good because Gilles knows
some people make it a luxury product despite it really
that, it’s a great sausage. The guy who makes it was
together they remember the food and the stories: “When
pie”. We ask him about the Utah Beach oyster, the star
by their cooking, it’s something new for them, a new
oyster is a bitch that gets caught in the nets and does
That’s how connections and friendships happen”. Time
ned. We ended up going for the veal brain starter with
and spoons in hand. Luckily, we’ve kept the recipes safe
towards Alex and grabs his shoulder: “Hi mate, how
cook with us and party too”. Romain taps on his phone
be the most welcoming bistro in the world, Alex explai-
then he made us cook for 40 people for his birthday!” We
introducing him to people he knew, the big names in
and then him and Yves Camdeborde working away in
And you could go so far as to think that is very rare:
been working with Alex for a long time: “Thanks to him,
such energy. The truth is that you could listen to him
that’s how I like to work. His olive oil is affordable when
how to work his audience: “So what do you want? Taste
being a basic”. Alex talks about his birthday party and
here not long ago. He’s a fucking yokel but as lovely as
Yves and Romain were there the Greeks were intrigued
of the most popular restaurants. “So, the Utah Beach
way of working with products they have always known.
nothing but open its mouth to eat plankton”, he explai-
to taste Romain’s dishes, with music in the background
a butter lemon sauce made with brio by the boss’ son,
and sound.
Marius.
While we were chatting with Gilles to find out more about
his work with Alex, the latter couldn’t help but listen in.
“The thing with Alex is that he’s a wanker who didn’t know what to do with his life except smoke joints, and
when he finally decided to do something, he surprised everyone!” The two embrace, laughing. He adds: “I was
happy to help Alex at the beginning but you know, helping a Greek isn’t always easy”. The Greek in question was
still laughing, checking to see if we were noting Gilles’ punchlines. We didn’t miss a crumb.
Alex explains that this is where he met the two founders
of the Terroir d’Avenir shop. Two people who have been important for him. Profil Grec products are sold in the
shop: citrus fruits, olive oil, wild oregano, black olives and feta. Now you know.
A great day drew to a close and we couldn’t believe we hadn’t known about these products for so long. Alex
explains: “There is a lack of development in Greece. It’s
a country that tends not to realise what it has. Products
are not exported much when they are actually worth the effort”. Next week Alexandros is returning to Greece, but we will be seeing him at the Cave à Michel soon. “When I go back to Greece I can breath, when I stay there too long I feel stifled”.
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Recette
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Poulpe, pamplemousse et pâte d’olive Recette
Tout d’abord, il vous faudra du poulpe. Romain l’achète parfois cuit dans la boutique voisine,
Aitana, ou le fait cuire pendant 30-40 minutes dans un bouillon composé de quartiers d’orange et de citron, d’origan, d’ail et d’oignon. Faites griller votre poulpe puis déposez le sur une assiette avec quelques pousses de wasabina (ou de moutarde), des suprêmes de pamplemousse rose et une
cuillère à café de pâte d’olive. Arrosez d’un généreux filet d’huile d’olive et de jus de citron. Enfin, assaisonnez d’un peu de fleur de sel.
en.
Squid, grapefruit and olive paste. First, you need the squid. Romain sometimes buys it cooked
from the shop next door, Aitana, where it is cooked for 30-40 minutes in a stock made of quartered
lemons and oranges, oregano, garlic and onion. Grill your squid then place it on a plate with a few
bits of wasabina (or mustard), pink grapefruit and a teaspoonful of olive paste. Sprinkle with a generous trickle of olive oil and lemon juice. Lastly, season with a little salt.
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Portfolio
Mange-moi si tu peux ! « Carotte crue et nutella ! Une tuerie absolue. » Studio Cyanotype
set design Paris Se Quema photos Chloé Gassian
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« Une tranche de roquefort sur une tranche de gruyère. » Iris de la Vieuville
Découverte
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« Tartine anchois avec lait concentré, un classique espagnol ! » Ella Vázquez
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Découverte
« Des frites trempées dans du milkshake » Benjamin Daures
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Découverte
« L’accord fromage café... mon préféré ! » @josegnana
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« Sandwich aux spaghettis bolognaise » Fouad Bencheman
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Rencontre
Les fleurs dans l’eau texte
Déborah Pham photos
Noémie Cédille
La bouilloire se met à siffler doucement et s’éteint. On dépose une tige de lavande dans une tasse transparente avant de la recouvrir d’eau fumante.
Les fleurs grandissent dans l’eau, elles s’infiltrent. Des couleurs s’échappent peu à peu des pétales en laissant de fines traînées mauves. L’eau se colore et
devient bleue, d’un bleu profond. Il est loin le temps où l’on balançait dans
l’eau un sachet de thé insipide sans savoir ce qui le compose ni d’où il vient. Le Bénéfique bouleverse nos rituels en choisissant ses plantes sauvages avec
le plus grand soin sur les monts Ida et Taurus en Turquie. Rencontre avec ses deux créateurs Sylvie Courcol et Sermet Baysal.
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Rencontre
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Mint : Avant de créer Le Bénéfique, vous avez travaillé en tant que biologiste pour l’envi-
ronnement tandis que Sermet était chasseur de minéraux dans les montagnes d’Anatolie. Comment est né votre attachement à la Turquie ?
Sylvie : Sermet est turc et j’ai une maison dans une région très protégée, près de l’île de Lesbos, tristement
célèbre aujourd’hui. Cela fait près de trente ans que nous connaissons la région située près de la célèbre ville de Troie. On y trouve aussi la maison d’Aristote. C’est une
zone peu touristique où l’on trouve des plantes fantastiques. Avant de créer Le Bénéfique, nous avions aussi
une agence de voyage spécialisée dans l’éco-tourisme en Turquie. L’ennui c’est qu’en 2009, c’était encore
très marginal mais nous avons appris à connaître ces montagnes.
Rencontre
au monde. Le clou de girofle a été trouvé ici et tout semble montrer que la lavande sauvage vient d’ici aussi. La
première découverte de blé vient d’Anatolie. Il faut savoir qu’il y a près de 3000 espèces de plantes endémiques en
Europe et que 1700 d’entre elles proviennent de Turquie. Vous avez découvert ces plantes par hasard,
comment en êtes-vous venus à imaginer cette nouvelle façon de les déguster ?
Sylvie : En nous promenant dans la région, on s’est rendu
compte que les villageois faisaient des bouquets de plantes sauvages puis les suspendaient aux murs de leur maison.
S’ils avaient mal quelque part, ils en prélevaient quelques
brins et les laissaient infuser dans de l’eau chaude.
Nous étions dans une région particulière où l’on trouve encore la population Yörük, qui signifie en turc « homme
qui marche ». C’est un ancien peuple nomade qui s’est sédentarisé au fil des siècles ; ils ne sont plus nomades
Des montagnes sublimes où vous avez découvert
mais ils ont conservé la sagesse et le savoir des plantes.
une flore unique au monde, qu’est-ce qui rend ce lieu si riche et si exceptionnel ?
Comment s’est organisé votre travail sur place et comment se déroulent les cueillettes ?
Sermet : Le lieu bénéficie d’une biodiversité végétale incroyable avec un climat unique. On est en moyenne
montagne avec un taux d’oxygène élevé. La région se situe à cheval sur un détroit où il y a un vent particulier qui
autrefois aidait les bateaux à prendre de la vitesse pour
leur départ. Tous ces facteurs contribuent à la richesse des lieux. Dans les années 80, le tourisme botanique a fait
son apparition et a eu un impact dramatique sur sur la
région. Les gens y allaient pour piller différentes espèces, notamment l’orchidée qui a pratiquement disparu. Heureusement, les autorités ont réagi rapidement afin de préserver ces montagnes. On y trouve des espèces de
plantes endémiques, ce qui signifie qu’elles sont uniques
Sylvie : Nous avons rencontré un homme Yörük qui nous a aidé à rencontrer les villageois qui s’occupent aujourd’hui de nos cueillettes. Cueilleur est un travail très difficile
car en hiver les routes sont boueuses et impraticables en voiture. Il faut pratiquement réparer les routes au fur et à mesure pour passer, en mettant des pierres au sol.
Enfin, il faut savoir qu’on ne cueille pas tout, on prend
des plantes à maturité et tout le processus est surveillé par les autorités. C’est très réglementé : les zones de cueillette sont délimitées, cadrées et on nous dit en amont quel volume peut être prélevé.
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Rencontre
En nous promenant dans la région, on s’est rendu compte que les villageois faisaient des bouquets de plantes sauvages puis les suspendaient aux murs de leur maison. S’ils avaient mal quelque part, ils en prélevaient quelques brins et les laissaient infuser dans de l’eau chaude.
Pourquoi utilisez-vous des herbes sauvages pour vos tisanes ?
Sylvie : Il faut savoir qu’en France on a tendance à privilégier les monocultures, or les plantes vivent en
synergie entre elles et peuvent se nourrir et se protéger :
il y a une interaction. Elles ont une vie sociale si vous voulez. En monoculture il n’y a pas ce lien. L’humain a colonisé tous les milieux et beaucoup d’espaces protégés
en France sont pillés par des cueilleurs qui se servent et bouleversent leur équilibre. Ces plantes ont une vraie
richesse et offrent davantage de bienfaits. Une année, un cueilleur a essayé d’éliminer toutes les autres plantes autour de nos lavandes, il pensait que cela nous assurerait
une plus belle récolte. L’année suivante, il ne restait que
très peu de lavande. Il a rapidement changé de méthode. La tisane est un produit très bon marché et vous en avez fait un objet plus élégant avec un coût plus conséquent, comment l’expliquez-vous ?
Sermet : Beaucoup de marques ont des champs entiers de
camomille et autres plantes. Ce n’est pas notre démarche car nous souhaitons créer un produit de qualité à juste prix. Les personnes que nous employons réalisent un
métier difficile qui demande du savoir-faire, elles sont
rémunérées en conséquence. Quand vous achetez un paquet de tisane pour quelques euros, en réfléchissant
aux nombreux intermédiaires, comment pensez-vous que les gens en bout de chaîne ont été rémunérés pour leur travail ? Notre satisfaction est de savoir que les Yörüks avec
qui nous travaillons peuvent bien vivre de leur activité, tout en respectant la nature.
Avez-vous des projets pour le futur ? Sermet : Nous avons envie de travailler sur des prairies en Sologne. De nombreux terrains sont laissés à l’abandon
et parfois, si on laisse faire la nature sur une friche, il arrive qu’une espèce prenne le dessus sur les autres. Il y a un équilibre à maintenir car ces dernières pourraient
disparaître. Les propriétaires ne s’en occupent plus et nous aimerions y organiser des cueillettes de primevères ou de bruyères. Ainsi, notre activité pourra générer un revenu
pour les propriétaires qui sont souvent dépassés et n’ont
plus les moyens d’entretenir des terrains en déprise. Nous aimerions également introduire une notion de terroir dans notre travail avec différentes variétés de lavande ou de fleur de sureau.
Avons-nous toujours une grande richesse de plantes sauvages en France ?
Sylvie : Bien sûr, on a par exemple l’Achillée Millefeuille qu’on appelle aussi « herbe au militaire » car on s’en servait
largement pendant la guerre pour soulager les soldats.
Elle aide l’organisme à retrouver des forces et soulage les fièvres. Malheureusement, on les utilise beaucoup moins aujourd’hui, certaines ont presque disparues,
c’est pourquoi il nous tient à coeur de les préserver tout
comme les autres plantes que nous cueillons en France que ce soit la fleur de sureau, le trèfle rouge ou encore la fleur de coucou.
Eat
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Rencontre
en. The kettle starts to whistle softly before clicking off. A stick of lavender is dropped into a clear cup before being
covered with steaming water. The flowers expand in
the water, steeping. Little by little the petals release their colours to leave fine trails of pale lilac. The water
colours and turns blue, deep blue. Gone is the time when we would throw in a plain old teabag without knowing what’s in it or where it came from. Le Bénéfique shakes up our habits, selecting wild plants with great care from
the Ida and Taurus mountains in Turkey. We met with the two founders, Sylvie Courcol and Sermet Baysal. Mint: Before working on Le Bénéfique you worked as a biologist for the environment and Sermet was a mineral hunter
in the Anatolian mountains. Where did your fondness for Turkey come from?
protect the mountains. There are endemic plant species
here, which means they are completely unique. The clove was found here and everything seems to indicate that wild lavender comes from here too. Wheat was also first
discovered in Anatolia. It is worth noting that there are
nearly 3000 endemic plant species in Europe and 1700 come from Turkey.
You found these plants by accident,
how did you come to imagine this new way of using them?
Sylvie: As we walked around the region we saw that the
villagers would make bouquets of wild flowers and then hang them on the walls of their houses. If ever they were in pain they would take a few sprigs and steep them in hot water. This is a special region still inhabited by the
Yörüks, which means “people who walk” in Turkish. Sylvie: Sermet is Turkish and I have a house in a highly
They are an ancient nomadic people that have settled
We have known the region near to the famous city of Troy
have retained the wisdom and knowledge of the plants.
protected region near the now notorious island of Lesbos.
over the centuries. They are no longer nomadic but they
for nearly 30 years. The house of Aristotle is here too. The area is not very popular with tourists and there are
fantastic plants. Before creating Le Bénéfique we had a
travel agency specialised in eco-tourism in Turkey. The problem was that it was still very marginal in 2009, but we learned all about the mountains.
Magnificent mountains where you found
completely unique plant life. What is it that makes this area so rich and exceptional?
How is your work organised on site and how does the picking happen?
Sylvie: We met a Yörük man who helped us to meet the
villagers who do the picking now. Picking is a very difficult
job because in the winter the roads are muddy and hard to drive down. To get through you actually have to to
repair the roads as you go along, laying stones on the ground. It is worth noting that we don’t pick everything. We use mature plants and the authorities monitor the
Sermet: The area has unbelievable plant diversity with
whole process. It is highly regulated: the picking zones
with high oxygen levels. The region sits astride a strait
much you can take.
a unique climate. We are in a middle mountain region
are fixed, demarcated and they tell you in advance how
where there is a special wind that used to help the boats
to pick up speed when they were leaving. All these
Why do you use wild herbs for your herbal teas?
botanical tourism came along and had a huge impact
Sylvie: It is worth remembering that in France we tend
factors contribute to the region’s richness. In the 1980s on the region. People came here to plunder the different
species, especially the orchid that has been practically wiped out. Thankfully the authorities reacted promptly to
to have single crop systems but plants work in synergy and can nourish and protect each other. There is an
interaction. They have a social life if you like. This link
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Rencontre
As we walked around the region we saw that the villagers would make bouquets of wild flowers and then hang them on the walls of their houses. If ever they were in pain they would take a few sprigs and steep them in hot water.
is lost in single crop systems. Humans have colonised the natural world and a lot of protected areas in France are being plundered by pickers who help themselves and
disrupt the balance. These plants are valuable and have
more advantages. One year a picker tried to get rid of all the other plants around our lavenders, he thought it would
make for a better harvest. The following year there was very little lavender left. He quickly changed his method. Herbal tea is an inexpensive product and you have made something more stylish with a higher price point, how do you justify it?
Sermet: A lot of brands have whole fields of camomile
Do you have plans for the future? Sermet: We would like to work on the meadows in
the Sologne. Many plots have been abandoned and sometimes if we leave wild land to nature one species
can become dominant. There is a balance to maintain because the other species can get wiped out. The owners are not doing it anymore and we would like to set up pickings of primroses or heathers. Our activity could
generate an income for the owners who often have too much to do and no money left to look after the
abandoned plots. We would also like to bring a notion
of terroir into our work, with different varieties of lavender or elderflower.
and other plants. That is not the way we do things. We would like to produce a quality product at a fair price.
The people we employ do a difficult job that requires expertise. They are paid accordingly. When you buy a
packet of herbal tea for a few euros, taking into account all the middlemen, how do you think the people at the
end of the chain have been paid for their work? We like
to know that the YĂśrĂźks we work with can live well from what they do, while respecting nature.
Is France still rich in wild flowers? Sylvie: Of course. For example there is achillea millefolium, also known as yarrow. It was used a lot
in the war to nurse soldiers. It helps the body to get its strength back and calms a fever. Unfortunately it is
used much less now and some have almost disappeared.
That is why we think it is important to protect them along with the other plants that we pick in France like elderflower, red feather or ragged robin.
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Découverte Découverte
Le capitaine texte
illustration
Déborah Pham
Sabrina Arnault
et les mamas grecques
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Découverte Découverte
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Découverte
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Paris-Kalamata pour une virée de printemps quand les cerisiers sont encore en fleurs.
Arrivée en ville par l’International Airport Captain Vassilis Constantakopoulos et départ
vers ce petit coin de paradis qu’est Costa
Navarino, à moins d’une heure de route. Un laps de temps qui nous permettra de nous interroger sur l’identité du fameux capitaine, connu dans
la région comme le loup blanc, et ce notamment
pour son amour du pays, de la nature et de la
bonne chère. C’est justement autour d’un repas typiquement Méssenien qu’on en apprendra
davantage sur cet homme. Dans une petite bicoque au charme désuet, en équilibre à flanc
de montagne, avec vue sur la mer. Cette histoire
nous est contée par des mamans grecques, gardiennes d’une cuisine simple et honnête.
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Découverte
Sur les murs blancs sont suspendus de longs bouquets de sauge qui parfumeraient la salle à
manger si Loula n’était pas en train de préparer son poulet à la tomate. Pendant la nuit, le poulet marinait lentement avec de l’ail, de l’oignon, une feuille de laurier et une pointe de couteau de cannelle. Loula le fait revenir dans une large cocotte. De ces cocottes vieillottes dans lesquelles on cuisine toujours les meilleures recettes qui mijoteront pendant de longues heures. Ça sent
l’huile d’olive et le basilic que découpe Anna. Cette dernière nous prépare une salade grecque,
agrémentée de quelques olives noires. Nous sommes ici chez nous et, comme à la maison, on nous laisse picorer pendant la confection du repas. Un touriste anglais met la table et n’a pas l’air d’être habitué à le faire. Il pose les couverts et les assiettes sur une nappe à carreaux rouges
et blancs avant de se servir un verre d’ouzo. Les fenêtres sont grandes ouvertes et laissent passer
une fine brise qui fait danser les rideaux. Peu à peu, le soleil décline, avalé par la mer et l’horizon. Il nous offre un spectacle éblouissant qui nous donnera l’impression de n’avoir jamais vu le soleil se coucher avant ce soir. Notre voyage dans la région de Kalamata est nourri de ces petites choses, de ces petits riens qui donnent tout le relief aux souvenirs.
À Kalamata, tout le monde s’accorde à dire que le capitaine Vassilis Constantakopoulos, parti de pas grand chose, a accompli un boulot monstre pour sa région : « Il ne l’a pas fait que pour lui
ou pour sa famille, mais pour nous aussi », nous dit-on. On nous dira aussi qu’il était du genre à mettre son grain de sel dans la popote du voisin : qu’il était un conseiller franc, visionnaire et bienveillant. Aujourd’hui, la région compte de plus de plus de touristes et ce notamment grâce au complexe hôtelier luxueux situé en bord de mer et créé par l’ancien marin. Un business
lucratif, certes, mais surtout une volonté de dévoiler cette face cachée de la Grèce au reste du monde. Comprenez bien que le capitaine avait déjà un job (un bon, comme il aimait le préciser) et qu’une telle entreprise est un parcours semé d’embûches. Au fil du temps, il a réussi à créer un
cercle vertueux entre son affaire et celles de ses voisins. Son hôtel envoyait ses clients découvrir les trésors cachés de la région, faisant ainsi travailler les centres culturels, les restaurateurs ou
encore les commerçants. Afin de soutenir les agriculteurs du coin, la cuisine proposée à Costa Navarino est exclusivement locale et met en avant un terroir méconnu qui a bien failli se perdre.
La Fondation du Capitaine Vassilis a ainsi entrepris de retrouver des graines de plantes indigènes qui n’étaient plus systématiquement cultivées. Un potager s’est installé tout autour de l’hôtel qui sert notamment au chef Dimitris Melemenis dans l’un des nombreux restaurants de l’hôtel. Il est temps de se mettre à table. Au menu ? Le poulet à la tomate qui nous fait saliver depuis
des heures et des hylopites, ces pâtes grecques assez fermes qu’on laisse sécher sur des linges
de lin blancs ; elles sont saupoudrées de mytzithra, un fromage sec râpé finement. Le dessert ?
Une galopita, un dessert régressif à souhait, un gâteau de semoule au lait parfumé à la vanille et
aux zestes de citron. Voilà un repas typique qui rassemble les beaux produits qu’affectionnait particulièrement le capitaine. Loula et Anna l’ont bien connu, il venait déjeuner chez elles
régulièrement, jusqu’au jour où il leur proposa d’enseigner la cuisine authentique de Méssénie
dans cette petite maison. Aujourd’hui, elles voient défiler de nombreux gourmands du monde entier venant découvrir leur cuisine, une cuisine ménagère de maman grecque.
Eat
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Découverte
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en. A springtime jaunt from Paris to Kalamata while the cherry trees were still in bloom. We arrived
in the city at the Captain Vassilis Constantakopoulos International Airport and left for Costa Navarino, a little corner of paradise less than an hours’ drive away. Which gave us a bit of time for to wonder who this famous captain was, known by everyone in the region, especially for his love of the land, nature and good food. Fittingly we were to learn more about him around
a typical Messenian meal. In a small house with old-fashioned charm, balanced on the moun-
tainside with a view of the sea, we were told the tale by Greek mammas, the keepers of simple and honest cuisine.
On the white walls hung long bunches of sage that would have perfumed the dining room if Loula were not making chicken with tomatoes. The chicken had marinated slowly overnight
with garlic, onion, a laurel leaf and a small pinch of cinnamon. Loula browned it off in a big
casserole dish, one of those old-fashioned dishes that are always used to cook the best recipes
that simmer for hours. There was a smell of olive oil and the basil Anna was chopping. She was
making us a Greek salad, jazzed up with a few black olives. We felt at home and just like at home we were allowed to pick while they made the meal. An English tourist set the table and didn’t look used to it. He put the cutlery and plates down on a red and white checked tablecloth before
pouring himself a glass of Ouzo. The windows were open wide and they let in a light breeze that made the curtains dance. Little by little the sun went down, swallowed up by the sea and the horizon. We were given a dazzling show that made us feel as if we had never seen the sun set
before that evening. Our trip to the Kalamata region was full of little things like these: small nothings that made our memories so unique.
Everybody in Kalamata agrees that from humble beginnings the captain Vassilis Constanta-
kopoulos did a great deal for his region: “He didn’t do it just for himself or his family, but for
us too,” they told us. We were also told that he was the type to stick his oar in: that he was a frank advisor, visionary and good-hearted. The region is now seeing more and more tourists,
and this is largely due to the luxury hotel complex on the seafront that was set up by the former sailor. It is a lucrative business, of course, but above all he wanted to show this hidden side
of Greece to the rest of the world. You have to understand that the captain already had a job (and a good one, as he liked to make clear) and that an undertaking like this was fraught with
pitfalls. Over time he managed to set up a virtuous cycle between his business and those of his neighbours. His hotel sent guests out to explore the region’s hidden treasures, giving business
to the cultural centres, restaurants and shops. To support the local farmers the food at Costa Navarino is purely local and shows off the little known local produce that was very nearly lost. The Captain Vassilis Foundation has set about tracking down the seeds of native plants that
were no longer commonly grown. A vegetable garden was planted around the hotel that is used by the chef Dimitris Melemenis (among others) for one of the hotel’s numerous restaurants.
It was time to sit down for dinner. On the menu was the chicken with tomatoes that had been
getting our juices flowing for hours and hylopites, rather firm Greek pasta that is left to dry out
on white linen towels and is sprinkled with mytzithra, a dry cheese that is finely grated. For pudding there was galopita, a lovely old-fashioned semolina cake with vanilla-flavoured milk and lemon zest. It was a typical meal that brought together the fine ingredients that the captain
was especially fond of. Loula and Anna knew him well; he would often have lunch with them
until one day he suggested that they could give classes on authentic Messenian food in this little house. Today many food lovers arrive from all over the world to come and discover their food: homely Greek mamma’s fare.
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The windows were open wide and they let in a light breeze that made the curtains dance. Little by little the sun went down, swallowed up by the sea and the horizon.
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City guide
Dilia 1, rue d’Eupatoria 75020 Paris +33 9 53 56 24 14
On ne compte plus le nombre de fois où
We’ve lost count of the number of times
de restaurant nichée sur les hauteurs de
beauty of a restaurant nestled in the heights
nous avons franchi la porte Dilia. Une pépite
Ménilmontant. Dilia est le mariage des deux
prénoms de Nonno et Nonna qui ont permis au chef Michele Farsesi de nous offrir l’un des restaurants les plus charmants de la
capitale. La cuisine de Michele fait dans la
séduction, elle vous caresse, vous réchauffe
et vous surprend aussi parfois. Le jour, le restaurant est une trattoria où l’on mange
des pasta fantastiques arrosées de petits vins italiens. Le soir, on nous propose un
menu gastronomique, quatre ou six étapes de bonheur à l’accent italien. Un vrai coup de cœur.
that we’ve stepped through Dilia’s door. A of Ménilmontant. Dilia combines the two
names of the Nonno and Nonna who made
it possible for chef Michele Farnesi to bring us one of the capital’s loveliest restaurants. Michele’s food is about seduction: it caresses
you, warms you up and sometimes surprises you too. During the day the restaurant is a trattoria where you can eat fantastic pasta and
drink good Italian plonk. In the evening they bring you a gastronomic menu in four or six
gorgeous courses with an Italian accent. A real favourite.
Eat
Eat
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City guide
Mokonuts
5, rue Saint-Bernard 75011 Paris +33 9 80 81 82 85
Un bol de chocolat chaud au malt (au
Take a bowl of malted hot chocolate (with
de gâteaux comme le cake halva aux noix
of cakes, like the halva pecan nut cake or
lait entier fermier !), une jolie sélection de pécan ou le cookie très chocolaté, vous
avez là votre recette pour un petit-déjeuner parfait. Au déjeuner, le couple de chefs Moko
Hiramaya (ex pâtissière chez Yam’tcha) et
Omar Koreitem (ex Sergent Recruteur) sont aux commandes, prêts à nous offrir des
assiettes inspirées et gourmandes, comme un grand écart entre le Japon et le Liban. Une adresse à découvrir.
fresh whole milk!) and a lovely selection the very chocolate cookie, and there you have the recipe for the perfect breakfast. At lunchtime chef couple Moko Hiramaya (ex
patissiere at Yam’tcha) and Omar Koreitem (ex Sergent Recruteur) are at the helm, ready to whip up inspired and gourmet dishes between Japan and Lebanon. One to try.
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City guide
Sanukiya 9, rue d’Argenteuil 75001 Paris +33 1 42 60 52 61
Notre cantine d’amour, notre phare dans
Our beloved cantine, our beacon of light in
en continu le week-end. On leur écrirait
all day at the weekend. We could write them
la nuit des restaurants qui ne servent pas
bien des poèmes pour leur Kakuni (poitrine de porc ultra fondante avec un bouillon et un œuf dur), leur Hiyashi tempura udon qui réussit à calmer nos fièvres estivales ou
même leur Buta shabu udon avec sa sauce au sésame onctueuse.
the night of restaurants that don’t serve food
so many poems for their Kakuni (super tender pork belly with broth and hard boiled egg),
their Hiyashi tempura udon that can temper our summer fevers, and their Buta shabu udon with a smooth sesame sauce.
Eat
Eat
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City guide
Dersou
21, rue Saint-Nicolas 75012 Paris +33 9 81 01 12 73
Oh Dersou, tu fais vibrer la scène culinaire
Oh Dersou, you’ve been the talk of the
constater que ta cuisine le mérite mille fois.
said that your food is worth it 1000 times
parisienne depuis de longs mois et force est de On aime tes petites entrées qu’on partage
autour d’une bière, ton brunch avec tes grands bols de nouilles (maison !) baignant dans un bouillon réconfortant et parfumé.
Ton sandwich tonkatsu complètement décadent et tes travers de porc caramélisés accompagnés de riz qui absorbe tout le jus de
viande. Merci pour la couleur que tu apportes à tes assiettes, merci pour ton pain perdu qui à lui seul mérite le déplacement et surtout,
bravo au chef Taku Sekine, à son partner in crime chef des cocktails Amaury Guyot et à toute l’équipe.
Paris food scene for months and it must be over. We love your starters that we share over a beer, your brunch with big bowls
of (homemade!) noodles that swim in a comforting, flavoursome broth. Your totally decadent tonkatsu sandwich and your
caramelised spare ribs with rice that soaks up all the juice from the meat. Thank you
for the colour that you add to your dishes,
thank you for your pain perdu that alone
makes it worth the trip, and above all bravo to chef Taku Sekine, his partner-in-crime
and master of cocktails Amaury Guyot and the whole team.
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City guide
Kei 5, rue du Coq-Héron 75001 Paris +33 1 42 33 14 74
Dans la cuisine de Kei Kobayashi on trouve
There is precision and poetry in Kei
maîtrisée, elle existe à travers de multiples
it stands at the crossroads between multiple
justesse et poésie. Elle est délicate et
influences au carrefour de ses origines japonaises, de ses humeurs et de son amour inconditionnel pour la cuisine française.
On aime ses gnocchis dodus et généreux
servis avec du jambon ibérique, émulsion
de parmesan et truffe noire qui, aujourd’hui encore, nous donnent l’eau à la bouche.
Kobayashi’s cuisine. Delicate and masterful,
influences: his Japanese origins, his changing moods and his unconditional
love for French cuisine. We love his plump
and generous gnocchi served with Iberian ham and a parmesan and black truffle sauce that still makes our mouths water.
Eat
Eat
DĂŠcouverte
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99
Découverte
explore À Séville, vous prendrez l’habitude
de marcher le nez en l’air en observant les morceaux de céramique colorés cachés sous les oriels.
Eat
Eat
DĂŠcouverte
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Humeur
Explore
Merci, l’andalousie Tapas. Existe-t-il une spécialité qui réveille autant
de sensations ? Je vois, je vois… Le souvenir d’un week-end, la promesse d’une escapade. Le sud de l’Espagne. Séville, tiens. Le soleil qui tape fort, trop fort.
La sieste, cette douce paresse dont on se réveille tout cotonneux mais heureux, au moment où la lumière
du jour consent à décliner. Cliché ? Peut-être. Tant mieux : les clichés touristiques-culinaires sont les seuls à avoir
le droit d’exister. Car enfin, que serait Paris sans un croquemonsieur ou une bavette-frites, tranquillement boulotés sur une table de café trop étroite ? Que serait l’Italie sans la pasta al dente et l’Espagne, sa voisine, sans les tapas ?
On n’ose même pas y penser. Heureusement, du côté de
Séville, capitale andalouse et berceau de la culture tapas, rien à craindre : elles ont toujours fière allure sur les comptoirs. Rebondies, réjouissantes, brillantes, colorées… Les tapas
texte Lauriane Gepner illustration Coline Girard
taquinent l’œil. À les voir, on en a déjà presque le goût
en bouche, les textures, le moelleux-baveux d’une tortilla,
la friture insolente d’une croquetta, le fondant d’un piquillo,
Explore
Humeur
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le mordant d’un poulpe grillé. Autour du comptoir, ça parle fort, ça boit, ça se sert, ça pique avec un cure dent :
c’est ça, tapear. Une sorte d’apéro dînatoire décoincé et, bonus - débarrassé du spectre sinistre des crudités-fromage blanc.
Normal, donc, que l’origine de ces amuse-gueules andalous
fasse l’objet d’un débat (dans lequel nous ne rentrerons pas !). Disons juste que certains prétendent que pour les protéger,
on couvrait les verres de vin de pain ; devenus avec le temps tapas ; d’autres, qu’elles ont été généralisées dans les bars par Alfonso X au 13e siècle pour leur capacité à absorber
l’alcool. On se contentera de remercier les Espagnols pour
cette belle contribution à l’art de la picore-picole. Parce qu’on
les aime, ces tapas ! Elles cumulent tous les charmes. Sauf un :
elles supportent mal l’avion. En France, dans les restaurants, tapas est même devenu un mot générique pour dire « demi-
portion »… en moins pingre. Une belle raison de le prendre, l’avion, histoire de s’endormir juste après le décollage et
se réveiller, un peu cotonneux, mais heureux – pile à l’heure pour tapear. Bon voyage. en.
Tapas. Is there another speciality out there that engages quite so many of the senses? I’m seeing, I’m seeing…
the memories of a weekend, a promise of escape. The south of Spain. And Seville. The sun blazing down, too strong.
The siesta: indulging in a gentle sleep to wake up feeling
pleasantly drowsy, right when daylight starts to fade. Cliché? Perhaps. So much the better: tourist food clichés are the only
103
Humeur
Explore
ones allowed. Because when it comes down to it, what would Paris be without sliding down a croque-monsieur
or bavette-frites on a table that is too small, what would Italy be without pasta al dente, or Spain, its neighbour, without tapas? It doesn’t even bear thinking about. Luckily where
Seville is concerned, the Andalusan capital and birthplace of tapas culture, there is nothing to fear: bars here always cut a fine figure. Copious, glistening, colourful… tapas teases the eye. When you see it you almost have the taste already in
your mouth. The textures. The soft-runniness of a tortilla,
the incredible crispiness of a croquetta, the melted piquillo, the bite of grilled squid. Around the bar people talk loudly,
drink, help themselves, dive in with a toothpick: this is how to tapas. A sort of laidback finger food dinner, and as
a bonus dreary raw vegetables and cream cheese are nowhere in sight. So it is normal that the origins of these Andalusan
nibbles is up for debate, and we won’t enter into it. Let’s just say some people claim that bread used to be used to cover
glasses of wine, and over time this became tapas. Others say that Alfonso X brought it to bars in the 13th century because
it could absorb alcohol. We will content ourselves with
thanking the Spanish for this wonderful contribution to the art of eating while drinking. Because we love tapas! It has
everything going for it. Except one thing: it doesn’t fly well. In restaurants in France, ‘tapas’ has become a generic way of saying ‘half-portion’ a bit less stingily. Which is a good
reason to get on a plane, have a nap when you get there and wake up feeling pleasantly drowsy, just in time for tapas. Bon voyage.
Explore
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Shopping
Sunbathing set design & photos
style
Paris Se Quema
Caroline Nedelec
Sac LOST PRPOERTY OF LONDON / Jupe longue J.KIM chez The Sprezzatura / Sweat MARGAUX LONNBERG chez Centre Commercial / Top ATELIER BARTAVELLE / Sandales ALVARO chez Colette / Baskets ROSEANNA x CENTRE COMMERCIAL chez Centre Commercial /Lunettes de soleil EMMANUELLE KHANH / Short ATELIER BARTAVELLE / Carreaux en céramique RONAN & ERWAN BOUROULLEC pour MUTINA
Foulard SUPRÊME BONTON / Chapeau ETUDES STUDIO / Sandales P.A .R.O.S .H. / Top en cuir PANTHEONE chez L’Habibliothèque / Jupe ROSEANNA chez Centre Commercial / Lunettes de soleil REIS/REI chez Colette / Pull ROSEANNA chez Centre Commercial / Short CÔME
Eat
Découverte
Coffret d’art WOMBAT N°20 /Casquette LAROSE / Tee-shirt HOWLIN BY MORRISON / Pantalon BLEU DE PANAME / Baskets ZESPA / Chaussettes M.P.CRAFTED GARMENTS / Pull AMI / Chez Centre Commercial
106
Sac TED BAKER / Chemise A KIND OF GUISE chez Centre Commercial / Chaussettes ROYALTIES / Pantalon ETUDES STUDIO / Baskets PIOLA / Lunettes EMMANUELLE KHANH / Boots ETUDES STUDIO / Short LE COQ SPORTIF
Chaussures MANSUR GAVRIEL chez Colette / Bague en marbre HYES STUDIO / Collier ANNE THOMAS / Porte-monnaie SMYTHSON / Lunettes de soleil en bois COMMUNE DE PARIS x WAITING FOR THE SUN / Lunettes de soleil PETER & MAY WALK / Pochette EMMANUELLE KHANH / Pochette FLORIAN DENICOURT / Montre LIP / Barette SYLVAIN LE HEN / Manchette HIRSCHELL / Carreaux en céramique RONAN & ERWAN BOUROULLEC pour MUTINA
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Chapeau ETUDES STUDIO / Pochette AMI chez Centre Commercial / Appareil photo LC-A+ LOMOGRAPHY / Lunettes de soleil MONOKEL / Nœud papillon en métal HYES STUDIO / Montre LIP / Slippers MEWS chez Centre Commercial / Carreaux en céramique RONAN & ERWAN BOUROULLEC pour MUTINA
Découverte
Eat
Eat
Découverte
Soin discipline After Beach RON DORFF /
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Savon de Montreuil LE BAIGNEUR / Lotion pour le corps L:A BRUKET chez Centre Commercial / Montre LIP / Huile barbe et visage Chanvre Raisin et Peigne en corne LE BAIGNEUR / Carreaux en céramique RONAN & ERWAN BOUROULLEC pour MUTINA
Lunettes de soleil PETER & MAY WALK / Parfum Eau Des Sens DIPTYQUE / Crayon Contour des yeux CHANEL Tonique visage équilibrant GROWN ALCHEMIST chez Colette / Vernis à ongles KURE BAZAAR chez Oh My Cream Huile de beauté RMS BEAUTY chez Colette / Ombre à paupières Illusion d’ombre CHANEL Huile visage Artemis SUNDAY RILEY chez Oh My Cream Carreaux en céramique RONAN & ERWAN BOUROULLEC pour MUTINA
Explore
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City guide
Buenos días Sevilla ! textes
illustrations
Déborah Pham
Noémie Cédille
voir Real Alcazar
1
Patio de Banderas À l’origine, l’Alcazar est un palais fortifié
2
Cathédrale de Séville Avenida de la Constitución www.catedraldesevilla.es
ayant connu de nombreux changements
La Giralda est tout ce qui reste de l’ancien
une architecture de style mudéjar, hispa-
Montez les nombreux étages de la
au 16è siècle. Ce palais a servi lors
sur la ville qui vaut largement l’effort.
récemment à la série Game of Thrones pour
de Christophe Colomb, en plus d’une
au cours de l’histoire. On y découvre
minaret de la grande mosquée Almohade.
no-mauresque très populaire du 12è
cathédrale et profitez d’une vue à 360°
de deux tournages de Ridley Scott et plus
C’est aussi ici que se trouve le tombeau
incarner la ville de Dorne.
impressionnante collection de peintures
Originally the Alcazar was a fortified
et de statues.
palace that has gone through numerous
The Giralda is all that remains of the
It has hispano-mauresque, mudéjar style
mosque. Climb up the cathedral’s many
to 16 century. The palace was used
that really is worth the effort. The tomb
more recently in the series Game
as well as an impressive collection of
changes over the course of history.
former minaret of the great Almohade
architecture, very popular from the 12th
floors and enjoy a 360° view of the city
th
during two shoots for Ridley Scott and
of Christopher Colombus is here too,
of Thrones for the city of Dorne.
paintings and statues.
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3
City guide
Centre Andalous d’Art Contemprain (CAAC)
We really enjoyed our visit to the ceramics
un cours de danse, visitez le musée
Avenida Américo Vespucio 2
we got to learn more about the art of pottery through the centre’s many archives and
flamenco en sirotant un verre de vin.
Le musée se trouve dans l’ancien monas-
tère Santa María de las Cuervas, fondé en 1400. Plus tard, ce bâtiment est devenu
museum in the Triana district, where
temporary exhibitions. You’ll know
all there is to know about azulejos, we highly reccommend it!
une usine de poterie jusque dans les
années 80. Aujourd’hui, il met en avant
5
l’art moderne d’artistes espagnols recondes expositions temporaires).
The museum is housed in the former
monastery Santa María de las Cuervas, founded in 1400. Later this building
became a pottery factory until the 1980s.
It now showcases modern art by renowned Spanish artists (and international artists with temporary exhibitions).
Metropol Parasol Plaza de la Encarnacíon
nus (et d’artistes internationaux à travers
à-dire les champignons. Il a été construit par l’architecte allemand Jürgen Mayer Hermann et fut inauguré en 2011.
Le Metropol Parasol a été construit au-dessus de ruines romaines et abrite un marché couvert.
On a beaucoup apprécié notre visite
de Triana où nous avons pu en apprendre davantage sur l’art de la poterie grâce
visit the museum and most importantly
book in to watch the flamenco show with a glass of wine.
7
La Casa de Pilatos Plaza de Pilatos +34 954225 298 www.fundacionmedinaceli.org
Ce bâtiment est un palais mudéjar du 16è
quelques rénovations, il ne manque pas
The Metropol Parasol was built on Roman ruins and houses an indoor market.
6
Museo del Baile Flamenco Calle Manuel Rojas Marcos 3
Ce musée est dirigé par Cristina Hoyos,
n’auront plus aucun secret pour vous, on
a choisi d’installer ce musée dans cette
vous recommande chaudement l’adresse !
century residence. Take a dance class,
by the German architect Jürgen Mayer
aux nombreuses archives du centre et
ses expositions temporaires. Les azulejos
to set up this museum in a former 13th
siècle dont les murs sont recouverts de
Calle Antillano Campos 14
dans le musée de la céramique du quartier
This museum is directed by Cristina Hoyos,
a world-renowned dancer who decided
This edifice is also known as Las Setas,
Hermann and was unveiled in 2011.
Centre de Céramique
et surtout réservez pour le spectacle de
On appelle aussi cet édifice Las Setas, c’est-
which means “mushrooms”. It was built
4
Explore
superbes azulejos. Bien que le lieu mériterait de charme avec son patio et ses jardins
luxuriants. Ne manquez pas ce lieu moins fréquenté par les touristes et n’hésitez pas à venir le visiter dès l’ouverture.
This building is a mudéjar palace from the 16th century with walls covered
in superb azulejos. Although it could
do with some renovation there is no
shortage of charm thanks to the patio
une danseuse de renommée mondiale qui
and lush gardens. Don’t miss this place,
ancienne demeure du XIIIè siècle. Prenez
free to get there as soon as it opens.
not so popular with the tourists, and feel
Eat
DĂŠcouverte
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City guide
Explore
dormir 1
Palacio de Villapanés Calle Santiago 31 +34 954 502 063 www.almasevilla.com
Installé dans un palace datant du 18è
siècle, ce boutique hôtel nous a
tout de suite plu avec ses grandes colonnes et son patio arboré. Les chambres sont
spacieuses et élégantes, c’est probablement notre coup de cœur sevillan !
Vous pourrez également dîner sur place dans le restaurant qui propose
une cuisine andalouse contemporaine. We liked this boutique hotel straight
tout à fait abordables. Vous trouverez des
This luxurious hotel is one of the city’s
couloirs, nous avons dégusté les nôtres
Alfonso XIII of Spain in 1928 the palace
paniers remplis d’oranges dans les
sur le rooftop. Ne manquez pas la piscine au dernier étage, où vous pourrez
commander un chouette club sandwich à grignoter au soleil sur votre transat !
This former monastery turned hotel is
very comfortable and offers totally affordable prices. You will find baskets full
of oranges in the halls, we ate ours on the rooftop. Don’t miss the swimming pool on the top floor, where you can order
a great club sandwich to eat in a deckchair
18 century with big columns and a patio with trees. The rooms are spacious
and stylish. It is probably our Sevillan favourite! You can eat here too, in
the restaurant offering contemporary Andalusian cuisine.
Las Casas del Rey de Baeza Plaza Jesús de la Redención, 2 +34 954 561 496
Cet ancien monastère transformé en hôtel est très confortable et propose des prix
artifacts on display recount its former importance. Today you can stay here,
come for a drink, or dine in an excellent tapas restaurant run by a famous Barcelonan chef.
4
EME Catedral Hotel Calle Alemanes 27 +34 954 560 000 www.emecatedralhotel.com
L’hôtel fait face à la Giralda, vous pourrez
3
Hotel Alfonso XIII Calle San Fernando 2 T +34 954 917 000 www.hotel-alfonsoxiii-sevilla.com
donc profiter de l’une des plus belles vues de la ville pour admirer Séville la nuit
tombée en sirotant un cocktail ! À lui tout seul, le spa justifierait le détour mais
les chambres sont très belles, bien qu’elles
soient plutôt agencées pour des couples, Cet hôtel luxueux fait partie des lieux
avec des salles de bains ouvertes.
par le roi Alfonso XIII en 1928, ce palace
The hotel faces the Giralda so you can
et les souvenirs exposés témoignent
beautiful views to admire Seville at night
il est possible d’y séjourner, d’y boire
it worth a visit but the rooms are very
restaurant de tapas tenu par un célèbre
make them best suited for couples.
emblématiques de la ville. Commandé
2
is a hub of history where the photos and
in the sun.
away, housed in a palace dating from the th
iconic buildings. Commissioned by
est un lieu chargé d’histoire où les photos
take advantage of one of the city’s most
de son importance passée. Aujourd’hui,
with a cocktail! The spa alone makes
un verre ou de dîner dans un excellent
lovely, although their open bathrooms
chef barcelonais.
Eat
DĂŠcouverte
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City guide
Explore
manger 1
Sal Gorda
3
Ena
5
Calle San Fernando 2 +34 954 917 000
Calle Alcaicería de la Loza 17 +34 955 38 59 72
Bar Alfalfa Calle Candileja 1 +34 954 22 23 44
Une de nos adresses favorites où manger
Profitez d’un repas sur l’une des plus
Un incontournable à Séville, le personnel
(nature) ou une bière artisanale.
rant du chef Carles Abellán ! On opte
sont faits avec amour. On s’y installe
gochujang, leur ceviche rafraîchissant ou
de tapas (jambon ibérique avec du pan con
d’une purée de pomme de terre à la
fromage nommé payoyo). On poursuit
des tapas en dégustant un verre de vin
belles terrasses de la ville dans le restau-
On craque pour ses ailes de poulet au
pour une sangria avec un assortiment
encore leur joue de porc accompagnée
tomate, barceloneta bomb et le
truffe… Vous pouvez y aller les yeux fermés !
avec une sorte de paëlla (crevettes,
One of our favourite places to eat tapas
moules et saucisse sobrasada) à partager !
with a glass of (natural) wine or a craft
Enjoy a meal on one of the city’s most
wings, the refreshing ceviche and even
chef Carles Abellán. Go for a sangria with
to… The flavours speak for themselves!
pan con tomate, barceloneta bomb and
est souriant et sympathique et les tapas à la bonne franquette et on commande
quelques tapas à la carte, comme la tartine andalouse ou l’aubergine marinée.
Ne manquez pas les suggestions du jour,
on a pu goûter à une paella avec quelques chicharones (poitrine de porc grillée) complètement décadente.
beer. We love the gochujang chicken
beautiful terraces in the restaurant from
A go-to in Seville, the staff is cheerful
the pork jowl with truffled mashed pota-
a selection of tapas (Iberian ham with
with live. You take your place without
a cheese called payoyo), followed by a
type of paella (with prawns, mussels and sobrasada sausage) to share.
2
Le marché de Triana Plaza del Altozano
Un endroit qui nous ferait penser de loin au Marché des Enfants Rouges à Paris
mais en bien plus authentique ! Ici, vous pourrez faire vos courses et rapporter
and friendly and the tapas are made any fuss and you order some tapas
from the menu, like the Andalusian bread or the marinated egg plant.
Do not miss the special of the day, we tried an unbelievably good paella
with some chicharones (grilled pork belly).
4
Pan y più Calle Cabeza del Rey Don Pedro 15 +34 954 21 93 48
Vous pourrez y prendre votre petit-déjeu-
6
La Cacharreria Calle Regina 14 +34 954 21 21 66
d’excellents jambons ibériques ou des
ner sur le pouce, acheter un sandwich
Vous trouverez différents restaurants
bonnes spécialités de la maison comme
ment aux Sévillans qui aiment y prendre
nas ! Les prix sont parfois supérieurs à ce
petit, n’y allez pas trop tard si vous
une très bonne adresse !
aux gaufres ou aux gâteaux à plusieurs
fromages espagnols (mis sous vide).
dont un de poisson au fond du marché qui propose une excellente paella dès 14h !
A place that we might think of as a more authentic version of the Marché des
à déguster dans un parc ou goûter aux très
Une adresse qui plaît tout particulière-
les fameux Tocinos de acielo ou les magdale-
leur petit-déjeuner ! L’endroit est assez
qu’on trouve ailleurs à Séville mais c’est
souhaitez trouver une place et goûter étages.
Enfants Rouges in Paris. You can do your
You can head here for a quick breakfast,
Iberian ham or Spanish cheese to take
to try the really tasty house specialities
Sevillians who like to have breakfast
magdalenas. The prices are sometimes
too late if you want to get a seat and eat
food shopping and buy some excellent
home (vacuum packed). There are various restaurants including one fish restaurant at the back of the market that serves a great paella from 2pm!
to buy a sandwich to eat in the park, or
This place is especially appreciated by
like the famous “Tocinos de cielo” and
here. It is quite small, so don’t get there
higher than what you expect in Seville,
waffles or multilayered cakes.
but it really is good.
Explore
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City guide
sortir 1
Aire de Sevilla
3
El Garlochi
5
Calle Boteros 26
Calle Aire 15 www.airedesevilla.com
Sol y Sombra Calle Castilla 147-151
Comme Uma Thurman, allez boire vos
Vous êtes dans le quartier de Triana dans
pépite à Séville où vous pourrez vous faire
d’oeil et se remplit bien vite le week-end,
1961 dans un décor des plus traditionnels
cine de marbre, bains chauds et froids,
rissent ce lieu complètement insolite.
aucun prétexte, n’hésitez pas à réserver
Like Uma Thurman, go and have a cock-
Ces bains arabes sont une véritable
cocktails chez Pepe ! Le lieu vaut le coup
chouchouter dans différents espaces (pis-
n’y allez pas trop tard car les locaux ché-
massages). On ne manquerait ce lieu sous
cette taverne qui a ouvert ses portes en
avec d’anciennes affiches de corrida aux
murs. On y déguste des tapas en sirotant sa bière dans un brouhaha chantant.
en ligne.
tail at Pepe’s! It’s worth a visit and fills
You are in the Triana district in this
These baths are a real treasure in Seville.
too late because the locals cherish this
traditional decor of bull fighting posters
You can pamper yourself in various spaces
up quickly at weekends. Don’t get there completely unusual spot.
(marble swimming pool, hot and cold
baths, massages). We wouldn’t miss it
under any circumstances, go ahead and book online.
4
tavern that first opened in 1961, with the on the walls. Eat tapas and drink a beer in the melodious hubbub.
La Carbonería Calle Levíes 18
6
Alameda de Hércules Alameda de Hércules
2
Bolas Cuesta del Rosario 1
Probablement notre glacier favori, bien devant La Abuela. On aime ses glaces
menthe-chocolat, turrón ou encore tocino de cielo ! La consommation de glace est
Situé dans un ancien entrepôt à charbon, La Carbonería est une véritable institu-
Effectivement, c’est une adresse curieuse
flamenco. Installez-vous sur l’une des
end (dès jeudi), c’est peut-être l’endroit
tion pour les amateurs de spectacles de
tables de pique-nique et sirotez votre vin d’orange en observant les concerts
qui se jouent jusque tard dans la soirée.
recommandée, il fait chaud à Séville.
Set in a former coal warehouse,
Probably our favourite ice-cream maker,
for flamenco fans. Sit down at one
chocolate ice cream, turrón and even the
orange wine while watching the show
far above La Abuela. We love the mint
tocino de cielo! Eating ice cream is advisable: it is hot in Seville.
puisqu’il s’agit d’une place, mais le weekle plus animé de la ville. Prenez un verre en terrasse dans l’un des nombreux bars comme la fameuse Taberna de Corto Maltés.
La Carbonería is a real institution
This is a strange one, actually, because
of the picnic tables and sip your
weekends (from Thursdays) it might just
that goes on late into the evening.
it is a square rather than address. But at be the livliest place in the city. Have a
drink outside one of the many bars, like the famous Taberna de Corto Maltés.
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City guide
Explore
shopping 1
Delimbo
3
Calle Regina 15 +34 954 293 122 www.elclubdelgourmet.es
Calle Pérez Galdós 1 www.delimbo.com Dans la boutique, on trouve des acces-
Botellas y Latas
5
Mercadillo del Jueves Calle Feria
Ce marché aux puces se tient tous les
jeudis matin autour de la Plaza Maldonados,
soires, des vêtements pour hommes et
Voici l’adresse à ne pas manquer pour
de 7h à 15h. L’occasion de rapporter
des artistes exposés. Ne la manquez pas,
rapporter un souvenir de Séville, autant
vêtements, des antiquités, de vieilles
faire vos courses avant le retour ! Quitte à
quelques curiosités. Vous y trouverez des
qu’il se mange. On vous recommande la
poupées… La balade vaut le coup d’œil !
forcément vous conseiller.
This fleamarket happens every Thursday
clothes for men and women, art books
This is the place to go to do your shopping
from 7 am to 3 pm. A chance to take home
Don’t miss it. No trip to Seville is com-
a souvenir from Seville it might as well be
antiques, old dolls… It is worth a wander!
femmes, des livres d’art et des affiches il n’y a pas de voyage à Séville sans un passage chez Delimbo !
In the shop you will find accessories,
and posters of the artists being exhibited. plete without a stop at Delimbo!
2
sélection de vins du propriétaire qui saura
before going home! If you’re going to get
a few curiosities. You will find clothes,
edible. We reccommend the owner’s wine selection. He is sure to help you choose.
Ceramica Triana Calle Antillano Campos 14
morning around the Plaza Maldonados,
4
Agua de Sevilla
6
Papeleria Fernan Caballero Pasaje Vila 13
Calle Rodrigo Caro 16 Rapportez un petit bout de Séville
en achetant quelques azulejos pour
En sillonnant les rues de la ville, vous
de la vaisselle typique et autres objets
sont dispersés un peu partout. Rapportez
vous et vos proches. On y trouve
de tous les jours. La boutique se trouve à deux pas du musée de la céramique ! Take home a little bit of Seville
vous rendrez vite compte que les orangers un peu de cette atmosphère chez vous avec les parfums Agua de Sevilla aux notes de fleur d’oranger.
by buying some azulejos for you and
Sailing along the city streets you will
traditional tableware and other
all over the place. Take a bit of this atmos-
your loved ones. Here you’ll find
everyday objects. The shop is right by the ceramic museum.
quickly notice that there are orange trees phere home with the perfumes from
Agua de Sevilla, with notes of orange blossom.
Prenez des notes tout au long de votre
périple dans les jolis carnets de voyages réalisés avec des matières éco-respon-
sables. Le papier marbré est la spécialité de la maison, décliné en album photo, classeurs et petites boîtes.
Take notes throughout your trip with
the pretty travel journals made with eco-
friendly materials. Marbled paper is their speciality, available in photo albums, folders and small boxes.
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City guide
photos Agathe Boudin
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City guide
Mano de santo Alameda de Hércules 90 +34 954 90 63 02
Voilà un restaurant où l’on boit de délicieux
This is a restaurant for drinking delicious
fruits en terrasse accompagnés d’un guacamole
outside with some guacamole and nachos
cocktails, des bières artisanales et autres jus de et de nachos à partager entre copains. Nous
avons découvert ce restaurant grâce à nos amis
de Delimbo qui connaissent bien la maison. Cette dernière n’hésite pas d’ailleurs à afficher un goût certain pour le street-art en affichant
leurs artistes fétiches. On y déguste une cuisine
typiquement mexicaine avec des tacos, des ceviche et autres spécialités. Les prix sont
abordables et vous permettront de passer une
soirée très chouette en plein cœur de Séville. Le week-end, le lieu est particulièrement fré-
quenté, ce sera le moment de tester votre espagnol !
cocktails, craft beers and other fruit juices to share with friends. We found it thanks
to our friends at Delimbo who know the
place well, and incidentally the restaurant displays a certain liking for street art with their favourtie artists on the walls.
There is typical Mexican food to eat, with tacos, ceviche and other specialities.
The prices are reasonable so you can have
a great evening right in the heart of Seville.
At weekends it is especially busy, which will be the time to try out your phrasebook Spanish!
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Découverte Rencontre
Epona texte
illustration
Déborah Pham
Laura Kientzler
Qui n’a jamais rêvé de partir à l’aventure, les cheveux au vent et un brin d’herbe coincé entre les lèvres ? Si l’équitation avait le vent en poupe dans les années 90, force est
de constater que ce hobby se raréfie avec la fermeture de
nombreux centres équestres. Fort heureusement il reste des passionnés, dont Viviana Garcia qui monte à cheval depuis sa plus tendre enfance. Elle partage sa passion avec
sa soeur et ses parents dans leur ferme de Carmona, un petit village à quelques kilomètres de Séville. On peut se
rendre à Epona pour s’entraîner ou simplement y passer du bon temps en découvrant les plaines environnantes à cheval. À midi, Vivi, sa famille et leurs invités déjeunent
ensemble sous le soleil flamboyant du sud de l’Espagne et échangent ensemble autour de randonnées, de voyages et de chutes comiques.
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DĂŠcouverte
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Rencontre
Epona se trouve dans une hacienda splendide qui date du XVIè siècle. C’était comment
de grandir dans un environnement comme celui-là ?
On ne peut pas imaginer d’enfance plus heureuse : grandir dans une immense maison avec tant de caractère
et quelques fantômes aussi ! Quand j’étais petite, ma sœur Caty et moi grimpions jusqu’au toit de la maison
où l’on jouait à cache-cache. Dès qu’on mettait le pied dehors, on était entouré de chevaux et de chiens avec qui
on jouait. À l’époque, on montait nos poneys à cru dans la campagne tout autour de la ferme. On disparaissait parfois pendant des heures. Évidemment, on participait
activement à la vie à la ferme, nos parents nous ont donné des responsabilités très tôt et on devait nourrir les animaux, nettoyer les écuries et brosser les poneys. Pourrais-tu nous décrire une journée à la hacienda ?
On commence à travailler aux alentours de 7h. Avec
l’aide des palefreniers, on nourrit les chevaux, on les
panse et on nettoie les box. Je commence à monter dès 9h. On a un autre moniteur qui m’aide à entraîner les chevaux puisque nous en avons beaucoup. Les invités
arrivent vers 9h30 ; certains partent en randonnée,
Et tes parents partagent cette même passion… Ils sont tout aussi passionnés que moi. Mon père est
un homme très positif. Il a un grand sens de l’humour et passe son temps à faire des blagues même dans les moments difficiles. C’est aussi quelqu’un de généreux
qui travaille très dur et qui aime sa famille par dessus
tout. Ma mère a un caractère bien trempé et un très grand coeur. Elle a consacré énormément de temps et
d’efforts au sauvetage de chiens battus et autres animaux
maltraités. Elle va prendre sa retraite bientôt mais c’est elle qui restait éveillée toute la nuit quand un cheval ou un de nos chiens était malade.
Qu’est-ce qu’ils t’ont enseigné ? Mes parents m’ont appris à toujours privilégier le bien-être de nos chevaux et à garantir la sécurité des cavaliers. Il y a beaucoup d’humanité dans leur métier, tout autant que dans d’autres aspects de leur vie. Ne jamais prendre de raccourcis, faire les choses bien,
même si cela demande plus de temps ou plus d’efforts. Sur le long terme c’est ce qui fera la différence. Comment se sont-ils rencontrés ?
d’autres prennent des leçons de dressage avec moi ou ma
Il se sont rencontrés à Cali en Colombie. Ma mère vient
qui faisait la cuisine mais nous avons maintenant un
d’anglais. Mon père est né au Guatemala mais il est à
sœur. On déjeune vers 13h30. Autrefois, c’était ma mère cuisinier qui s’occupe de nous ! Enfin, nous poursuivons
la journée en faisant plus ou moins la même chose jusqu’au départ des invités. Nous finissons notre journée
aux alentours de 19h, une fois que les chevaux ont été nourris et pansés pour la nuit.
On sait que tu es cavalière et monitrice
d’équitation à Epona où tu travailles en famille, peux-tu nous en dire davantage sur toi ?
Pour commencer, je suis passionnée de cheval. C’est
aussi mon travail, je passe près de dix heures par jour à travailler avec les chevaux et quand je passe en voiture près d’un pré et que je croise un cheval, je m’enthou-
siasme comme si je n’en avais pas vu depuis des mois. Je suis quelqu’un de concentré et de patient dans le travail
avec les chevaux. Lorsque j’enseigne, j’aime voir mes
élèves progresser, c’est comme un défi donc j’y mets énormément d’énergie. Sur un aspect plus personnel, j’aime les choses simples comme aller au cinéma, les balades à Séville et voyager lorsque j’ai le temps. Ce qui n’arrive plus très souvent !
d’Écosse, elle est partie à Cali pour devenir professeur moitié Espagnol. À l’époque, mon père possédait un
magasin de glaces mais ce n’est pas là qu’ils se sont
rencontrés. Tous deux aimaient déjà l’équitation et se
sont rencontrés comme ça, à dos de cheval, au centre équestre de Cali.
Le cheval a toujours fait partie de leur vie ? Oui, on peut dire ça. Mon père a grandi dans un ranch
avec du bétail et des chevaux de cow-boy, donc on peut
dire qu’il a su monter à cheval avant même de savoir marcher. Lorsqu’il a déménagé en Colombie, il faisait
du saut d’obstacles. Ma mère a été nettement moins chanceuse, ses parents ne soutenaient pas vraiment
sa passion. Elle a du travailler en tant que palefrenière
quand elle était jeune, c’est-à-dire qu’elle nettoyait les étables chez un fermier de son village. En retour,
il la laissait monter ses poneys sauvages dans les
prés ! Lorsqu’elle a été capable de gagner sa vie, elle a
commencé à prendre des leçons et a réussi ses premiers examens à la British Horse Society.
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Rencontre
Être entourée d’animaux à la campagne plutôt qu’être assise derrière un bureau est un privilège et j’en suis consciente.
Comment se sont-ils retrouvés en Espagne ? Il sont venus pour la langue et l’héritage espagnol de
mon père. De toute façon, il faisait trop froid en Écosse !
Ils ont voyagé un peu partout et sont tombés amoureux
Travailler avec les chevaux à un tel niveau
semble très difficile, tu as déjà pensé à faire autre chose ?
Jamais. Nos parents nous ont mis sur des chevaux dès
de l’Andalousie. Du soleil, de la culture, des gens et des
notre plus jeune âge, c’est presque comme si nous
où installer notre centre équestre, tout près de Séville
c’est un travail qui demande une totale dévotion. Cela
chevaux. Mon père a fini par trouver une jolie ferme
n’avions pas le choix ! Bien-sûr, c’est parfois dur car
qui est, selon nous, une des plus jolies villes au monde.
signifie avoir très peu de temps pour soi et peu de temps
Les Espagnols semblent être particulièrement fiers de leurs chevaux…
C’est culturel, comme partout certains montent à cheval
pour le sport, le dressage, le saut d’obstacles ou pour le plaisir. Ici, il y a une vraie tradition dans le sens où de
nombreuses fêtes ou des célébrations religieuses mettent
pour prendre des vacances. Par contre, ce travail est très gratifiant. Dresser des chevaux est un travail difficile
mais quand on voit le bonheur de nos cavaliers, nous sommes très fiers.
Comment pourrait-on te convaincre de venir travailler dans un bureau en ville ?
en scène les chevaux, comme la Feria, Romerías et El
C’est impossible ! Être entourée d’animaux à la campagne
la vierge Rocío près du parc Doñana, l’un des espaces
et j’en suis consciente. C’est pourquoi j’essaie de m’en
Rocío. Ce dernier est un pèlerinage vers la chapelle de
plutôt qu’être assise derrière un bureau est un privilège
naturels les plus importants en Europe.
rappeler à chaque fois que j’ai envie de me plaindre !
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Rencontre
My father grew up in a ranch with cattle and cowboy horses, so you could say that he knew how to mount a horse before he even knew how to walk. en.
be gone for hours. We took an active part in the life of
the farm, of course; our parents gave us responsibilities Who hasn’t dreamed of galloping off on an adventure,
with your hair in the wind and a piece of straw between
your teeth? This happens every day (or almost) for
early on. We had to feed the animals, clean out the stables and brush the ponies.
Viviana Garcia, who has been riding horses since she
Can you describe a day at the hacienda for us?
their parents at their gorgeous farm in Carmona, a
We start work at around seven o’clock. The stable-hands
was small. She shares her passion with her sister and
small village not far from from Seville. Carmona: the tranquillity of quiet countryside a few kilometres from
the bustle of the city. The equestrian centre is called Epona, after the goddess and protector of horses in
Celtic mythology. You can come for a riding lesson or simply to have fun exploring the surrounding plains
on horseback. At lunchtime Vivi, her family and their
guests eat together in the blazing sun of southern Spain
and talk about riding, traveling and the occasional funny fall.
help us to feed the horses, groom them and clean out the
boxes. I start riding from nine o’clock. We have another
instructor who helps me to train the horses because we have a lot of them. The guests arrive at around half
past nine; some go out on hacks, others take dressage
classes with me or my sister. We have lunch at around half past one. My mother used to do the cooking but
now we have a cook to look after us! Then we carry on
the day doing more or less the same thing until the guests leave. We are done at around seven o’clock, once the horses have been fed and groomed for the night.
Epona is in a wonderful hacienda that dates
from the 16th century. What was it like to grow up in a place like this?
We know you’re a rider and instructor at Epona
where you work with your family, can you tell us more about yourself?
You couldn’t imagine a happier childhood, growing up in a huge house with so much character and the
occasional ghost! When I was small my sister Caty and I
would climb up to the roof of the house where we would play hide and seek. As soon as we stepped outside we
were surrounded by horses and dogs to play with. When we were small we would ride the ponies bareback in the
countryside all around the farm. Sometimes we would
To start with, I’m passionate about horses. It’s my job too. I spend nearly ten hours a day working with
horses and when I drive by a field and see a horse I get excited like I hadn’t seen one in months. I’m a focused
and patient person in my work with horses. When I’m teaching I like to see my students progress. It’s a
challenge so I put a great deal of energy into it. On a
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Rencontre
more personal level I like simple things like going to
her village. In return he let her ride his wild ponies in
when I have the time. Which doesn’t happen too often
started taking lessons and passed her first exams at the
the cinema, wandering around Seville and travelling anymore!
And your parents share the same passion…
the fields. When she could make her own money she British Horse Society.
How did they end up in Spain?
They are just as passionate as me. My father is a very
They came for the language and my father’s Spanish
spends his time making jokes even when times are
travelled all over the place and fell in love with
positive man. He has a great sense of humour and tough. He is a generous person too, who works very
hard and loves his family more than anything else. My
mother has a strong character and a very big heart. She
has dedicated a lot of time and energy to saving abused dogs and other animals. She will be retiring soon but she would be the one to stay up all night when a horse or one of our dogs was sick.
What did they teach you? My parents taught me to always give priority to the
horses’ wellbeing, just as much as ensuring our riders’
safety. There is a lot of kindness in their work, just
as much as in the other parts of their life. Never take shortcuts, do things well even if it takes more time or more effort. In the long term that is what will make the difference.
How did they meet?
heritage. It was too cold in Scotland anyhow! They Andalusia: the sunshine, the culture, the people and
the horses. In the end my father found a lovely farm where they could set up our riding centre, right near
Seville, which we think is one of the prettiest cities in the world.
The Spanish seem to be especially proud of their horses…
It’s cultural, like anywhere. Some people ride for sport, dressage, show jumping or for fun. There is a
real tradition here in the sense that many festivals and religious celebrations include horses, like Feria,
Romerías and El Rocío. El Rocío is a pilgrimage to the chapel of the Virgin of El Rocío near Doñana national park, one of the biggest natural reserves in Europe.
Working with horses at this level seems very hard, did you ever think of doing anything else?
They met in Cali in Colombia. My mother is from
Never. Our parents put us on horses from a very early
My father was born in Guatemala but he is half Spanish.
it’s hard sometimes because it’s a job that requires
Scotland. She went to Cali to become an English teacher. Back then my father had an ice cream shop but that isn’t where they met. They both already loved horse
riding and they met like that, on horseback, at the riding centre in Cali.
Have horses always been part of their lives? Yes, you could say that. My father grew up in a ranch
age. It’s almost like we didn’t have a choice! Of course complete devotion. Which means having very little time for yourself and not much time for going on holiday. But
the work is very gratifying. Training horses is a hard job but when we see our riders happy, we are very proud. How could we get you to come and work in an office in the city?
with cattle and cowboy horses, so you could say that he
It’s impossible! Being surrounded by animals in the
to walk. When he moved to Colombia he was show
privilege and I know it. That’s why I try to remind
knew how to mount a horse before he even knew how
jumping. My mother was a lot less lucky; her parents were not really supportive of her passion. She had to
work as a stable girl when she was young, meaning that she would clean out the stables for a farmer in
countryside rather than sitting behind a desk is a myself of it every time I feel like complaining!
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DĂŠcouverte
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Découverte
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Douceurs conventuelles texte
photos
Déborah Pham
Agathe Boudin
Le couvent Santa Paula est un peu caché, protégé derrière une lourde porte en bois que nous poussons timidement. Ici, des femmes vivent à côté
du monde et consacrent leur temps à la prière et à leur vie en communauté. La sœur Bernarda est reconnue pour ses confitures, et notamment celle aux oranges, qu’elle cueille directement dans le patio.
Les douceurs conventuelles sont une véritable institution à Séville
et chaque couvent revendique sa spécialité. Ainsi, vous pourrez découvrir les yemas (une confiserie à base de jaune d’œuf enrobé d’une coque
de sucre), les tocinos de cielo (une sorte de flan très sucré), les alfajores
(des biscuits friables au miel et aux noix) ou encore les tortas de aceite (des sablés frits à l’huile d’olive).
Lorsque vous vous retrouverez dans le patio du couvent, vous découvrirez un torno où sonner. Il s’agit d’une sorte de présentoir tournant en bois
qui permet à la sœur de ne pas être vue. Cette dernière vous dira « Ave María Purísima », vous répondrez « Sin pecado concebida ». Vous pourrez ensuite choisir les douceurs présentées sur le torno et succomber au pêché de gourmandise.
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Découverte
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en.
The Santa Paula convent is hidden away, shielded by a heavy wooden door that we timidly push open. Women live here away from the outside world and dedicate their time to prayer and communal life. Sister Bernarda
is well known for her jams, and especially the one she makes with the oranges she picks right from the patio.
Doces conventuais (convent sweets) are a real institution in Seville
and every convent has its own speciality. So you can try yemas (a sweet made of egg yolk in a sugar shell), tocinos de cielo (a very sugary flan), alfajores (crumbly biscuits made of honey and walnut) and tortas de aceite (shortbread biscuits fried in olive oil).
When you get to the convent patio you will see a torno where you knock.
This is a kind of turning wooden display unit that keeps the sister hidden from view. She says “Ave María Purísima” and you reply “Sin pecado concebida”.
Then you can choose from the sweets presented on the torno and succumb to the sin of greed.
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DĂŠcouverte
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Do it yourself
Tripod plant stands texte et photos
Hélène Pinaud et Julien Schwartzmann
Avec le retour des beaux jours,
les plantes sont omniprésentes dans nos intérieurs ! On aime
les regrouper à un endroit pour
insuffler un air « jungle » à notre décoration. Pour leur donner
de la hauteur, nous avons eu l’idée de créer des présentoirs à plantes, à la manière des tables tripodes des années 50. Le bleu et le vert sont mêlés au laiton et au bois
et font écho aux couleurs croisées dans les rues de Séville.
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Découverte
Matériel (pour 1 présentoir) 1 tige en laiton de 0,5 mm de diamètre 1 coupe-tube
1 disque de polystyrène de 10 ou 15 cm de diamètre
1 bombe de peinture
1 dessous de plat en bois 1 tube de colle néoprène
Instructions
en. Sunny days are back again which means plants are omnipresent in our interiors! We like to gather them in one place to
Commencez par bomber le disque de
give our decoration a jungle feel. To give
choix.
plant display units like the tripod tables
Coupez la tige en laiton à l’aide du
mixed with brass and wood and echo the
polystyrène dans la couleur de votre
coupe-tube. L’idée est d’obtenir trois
them some height we thought of making from the fifties. Blue and green are
colours you see in the streets of Seville.
morceaux d’environ 30 cm.
À l’arrière du disque en polystyrène,
marquez trois points à égale distance
Equipment (for 1 plant display unit)
du centre (environ 3 cm et selon
1 brass rod, 0.5 mm in diameter
Si besoin, aidez-vous d’un rapporteur.
1 polystyrene disk, 10 or 15 cm in diameter
en biais dans le polystyrène.
1 wooden placemat
des angles de 120°).
1 pipe cutter
Puis, enfoncez les trois tiges en laiton
1 can of spray paint
1 tube of contact adhesive
Pour terminer, collez le dessous de plat en bois sur le disque de polystyrène.
Instructions Start by spray painting the polystyrene disk in the colour of your choice.
Cut the brass rod with the pipe cutter.
The idea is to get three pieces each about 30 cm long.
On the back of the polystyrene disk mark three points the same distance from
the centre (about 3 cm at 120° angles). Use a protractor if you need to.
Then push the three brass rods into the polystyrene at an angle.
Lastly glue the wooden placemat onto the polystyrene disk.
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Portfolio
Les murs de SĂŠville photos Agathe Boudin
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Rencontre
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Love Delimbo Il faut avoir de l’admiration pour les couples qui partagent leur vie professionnelle. Parfois, c’est le fruit d’un projet
commun et à deux ils décident d’ouvrir une boutique ou un resto. Rien de guindé, juste un endroit simple fait
de bric et de broc où l’on se sentirait bien. Ensemble,
ils ont pris des risques, vécu des échecs et des coups durs. Des chapitres de leur histoire qui donnent tout le grain et le relief à ce portrait presque parfait.
Laura et Seleka sont fait de ce bois-là, avec en plus,
l’image romantique et bohème d’être un couple d’artistes qui peignent ensemble le long du fleuve Guadalquivir. Ils forment un couple qui s’épaule et s’équilibre. Elle, solaire, d’un positivisme sans limites quand il tend
parfois à voir le verre à moitié vide. La galerie était
d’abord le projet de Seleka, elle est devenue Delimbo avec l’arrivée de Laura, mi-galerie, mi-concept store. texte Déborah Pham photos Agathe Boudin
Tous deux peuvent se targuer d’offrir un vent d’air frais
et un regard contemporain sur une ville artistiquement endormie.
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Rencontre
Mint magazine : Comment vous êtes-vous rencontrés ?
Seleka : En fait, Montana est né avec d’autres personnes
et ça n’a pas fonctionné. Nous avons monté Delimbo tous les deux. Tout a fini par décoller pour nous quand
Laura Calvarro : J’ai créé une association quand j’étais
encore en école d’art et on a invité Seleka qui était déjà
un artiste connu. Lui ne s’en souvient pas mais je me rappelle très bien de notre première conversation, il avait
fait la couverture d’un magazine et on avait longuement parlé de son travail.
Vous avez donc chacun une formation artistique plutôt classique ?
Seleka Muñoz : Non, je suis autodidacte, je viens vraiment du monde du graffiti. J’ai passé dix ans à
dessiner dans la rue. Dès l’âge de 13 ans je suis devenu une sorte d’agitateur culturel.
on s’est retrouvé dans un article paru dans le quotidien
El Pais qui parlait des 50 artistes les plus influents d’Andalousie. Au départ, on ne savait pas bien ce qu’on
voulait faire mais on savait très clairement ce qu’on ne voulait pas que ce soit.
Comment la galerie a-t-elle été perçue à Séville ?
L : Les jeunes l’ont très vite adoptée ! On a un rôle presque pédagogique envers nos clients à qui l’on explique ce qu’on fait, on parle de nos artistes que nous connaissons
très bien. Les gens sont interpellés par le lieu quand ils passent dans la rue.
Laura Calvarro : Aujourd’hui je fais du graffiti mais à
S : C’est vrai que les jeunes étaient très enthousiastes,
dans lequel je m’épanouie aujourd’hui. C’est une
puisse être à la fois un lieu d’art, de shopping et de
d’éphémère laissé là au coin d’une rue comme une
nements. Enfin, disons que les gens des institutions
l’école je ne connaissais vraiment rien de cet univers
mais certaines personnes n’ont pas compris que Delimbo
approche très différente de l’art, c’est quelque chose
rencontres puisque nous y organisons beaucoup d’évé-
sorte de cadeau.
n’ont pas bien réagi. On possède un lieu de culture
Seleka, est-ce que tu penses que Laura t’influence dans ton travail d’artiste ?
S : Je ne suis pas trop du genre à analyser mon travail, je suis quelqu’un de très impulsif. Par contre on se nourrit l’un l’autre, indéniablement.
Comment est né Delimbo ? L : La première galerie Montana est née en 2006. Tout
comme Delimbo aujourd’hui, Montana était un lieu
hybride. C’était à la fois une boutique et un lieu d’expres-
sion artistique mais c’était un peu petit donc on a décidé
de déménager. Delimbo est né comme ça, on a cherché un nouveau lieu pour y créer un nouveau concept, une nouvelle marque avec un nom qui sonne bien ! C’est à ce moment là qu’on a commencé à être reconnu pour notre travail dès l’arrivée de Delimbo.
mais nous n’avons jamais eu de soutien, le seul qu’on
ait eu provient de l’institut Français. Les Espagnols ont tendance à trop regarder vers le passé en capitalisant
sur notre riche héritage artistique, on laisse moins leur chance aux jeunes. Malheureusement, avec cette mentalité, on n’est pas prêt de dénicher le futur Picasso. Avec qui travaillez-vous ? S : Chez Delimbo, 90% des gens avec qui nous travaillons
sont des amis ou des amis d’amis qui baignent dans
le même univers que nous. On travaille souvent avec Escurro Gonzales, Pilar Albarasin ou encore Hervé di
Rosa. Au début, on ne voyait pas notre galerie comme
une résidence d’artistes, elle l’est devenue presque malgré nous et ça nous va bien.
L : Si humainement l’artiste ne nous plaît pas, on ne peut pas travailler avec lui. Les montages des expositions peuvent prendre plusieurs semaines, c’est comme si l’on
vivait avec eux. Une bonne entente est essentielle.On
aime aussi travailler avec Hello Monsters, Nano 4814, Boris Hopec ou encore Felipe Pantone.
Delimbo expose Aléas, réalisé par l’artiste français Eltono
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Rencontre
Quelles sont les plus grandes difficultés dans votre travail ?
S : Il y en a bien quelques unes, disons que pour moi
la partie administrative est vraiment la pire. Aussi, il faut savoir que les biens culturels sont taxés à 20% par le gouvernement espagnol, c’est pas terrible non plus.
L : Pendant huit ans, on n’était que deux à faire ça. Il fallait
se coller à l’aspect administratif, monter et démonter les
expositions, rechercher les artistes et prendre le temps de nous occuper de la communication. Ca n’a pas été facile.
C’est comment d’être jeune à Séville ? L : C’est génial ! J’ai la chance de ne pas voir les soucis,
j’essaie de toujours voir le côté positif des choses. Ici nous sommes entourés d’artistes et de gens créatifs, c’est une vraie chance !
S : A Séville, on n’a pas besoin d’autant d’argent qu’à Paris pour bien vivre. Artistiquement, c’est un désert : au niveau culturel les propositions ne sont pas à la hauteur
et c’est vraiment dommage car Séville devrait être un lieu de premier plan au niveau artistique et même gastronomique ! Pour bien manger à Séville ça coûte deux cafés à
Avez-vous encore le temps de créer ? S : On a sacrifié beaucoup de temps pour faire fonctionner ce projet commun mais Laura a toujours son studio et je continue à parcourir le monde pour les graffitis.
Paris ! Parmi tous les chefs qui pèsent dans la gastronomie mondiale, il y a au moins quatre chefs espagnols.
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Quel a été votre événement le plus marquant depuis l’ouverture de Delimbo ?
Rencontre
énormément de bars sympas et de lieux culturels.
J’irais déjeuner chez Sal Gorda, un restaurant monté par un de nos amis qui expose certains de nos tableaux.
L : Il y a cinq ans, nous avons participé à Eso no es graffiti, une
J’irais peindre ou me promener au bord du fleuve avant
de Séville. L’université nous a appelé pour que nous tra-
dîner dans le restaurant mexicain Mano de santo,
une salle puis finalement on a pris tout l’espace !
sortir, je ne saurais pas dire car j’aime vraiment passer
expo organisée au CICUS, le Centre d’Initiative Culturel
d’aller au Centre d’Art Contemporain. Enfin, j’irais
vaillions avec eux sur ce projet. Au départ on devait avoir
où l’on trouve aussi les œuvres de nos artistes. Pour
S : C’était notre première expérience en temps que
commissaires. Pour moi, il y a eu la vente de notre
la soirée chez moi avec mes amis.
première oeuvre. Pendant des années on ne vendait rien.
S : Normalement je suis avec Laura si c’est un jour
une reconnaissance de notre travail et de nos artistes.
où je prends généralement une tartine qui s’appelle
On vivotait et là pour la première fois il y a eu comme
Votre journée idéale à Séville ?
idéal ! Je prendrais mon petit-déjeuner chez Alfalfa
« l’Italienne ». J’irais faire un tour dans différentes
galeries comme la Galerie Rafael Ortiz, la Galerie Birimbao et à la Galerie Cavecanem. J’irais déjeuner chez No-lugar puis j’irais rejoindre Laura pour peindre
L : Je commencerais par un petit-déjeuner à la Cacha-
avec elle près du fleuve. Le soir venu, j’irais diner chez
quartier de l’Incarnation qui bouge beaucoup, il y a
où il y a aussi des concerts !
rerria puis je me baladerais dans la rue Regina jusqu’au
Ovejas negras puis plus tard j’irais faire la fête à la Sala X
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Rencontre
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Rencontre
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Si humainement l’artiste ne nous plaît pas, on ne peut pas travailler avec lui. Les montages des expositions peuvent prendre plusieurs semaines, c’est comme si l’on vivait avec eux. Une bonne entente est essentielle.
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Rencontre
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Seleka, do you think Laura influences you
en.
in your work as an artist? You have to admire couples who work together. Sometimes they have a joint project and decide to open
S: I’m not really one for analysing my work. I’m a
something simple put together with a good feel to it.
undeniably.
a shop or restaurant as a pair. Nothing stuffy, just
very impulsive person. But we feed off eachother,
Together they take risks and go through failures and
hard times, chapters of their story that give the texture and depth to the almost-perfect picture.
Laura and Seleka are one of these couples, with the romantic and bohemian bonus of being artists who
paint together along the Guadalquivir river. Theirs is
a relationship of mutual balance and support. She has boundless sunny optimism while he sometimes tends to see the glass half empty. The gallery started out as
Seleka’s project and became Delimbo when Laura came along: half gallery, half concept store. Both of them can be proud of giving a breath of contemporary fresh air to a city in artistic slumber.
How was Delimbo born ? L: The first gallery, Montana, was born in 2006. Just
like Delimbo, Montana was a hybrid space. It was both
a shop and a place for artistic expression, but it was a bit small so we decided to move. Delimbo came about
just like that: we looked for a new space to create a new concept, a new brand with a name that sounded good! That was when we started being known for our work, when Delimbo happened.
S: In fact Montana was set up with other people and
it didn’t work out. We created Delimbo together.
Everything started to take off for us when we appeared in Mint magazine : How did you meet?
an article in the newspaper El Pais talking about the 50
most influencial artists in Andalusia. At first we didn’t know exactly what we wanted to do, but we knew very
Laura Calvarro: I started an association when I was still
clearly what we didn’t want it to be.
in art school and we invited Seleka, who was already a known artist. He doesn’t remember but I remember our
first conversation very well. He had done a magazine cover and we talked at length about his work. So you both have quite classic arts backgrounds?
What did people in Seville think of the gallery? L: Young people embraced it very quickly! We have an
almost pedalogical role towards our clients. We explain what we do. We talk about our artists, who we know very well. People are drawn by the place when they pass in the street.
Seleka Muñoz: No, I’m self taught. I really come from
the world of graffiti. I spent ten years drawing in the street. From the age of thirteen I became a sort of cultural agitator.
S: It’s true that young people were very enthusiastic, but some people didn’t understand that Delimbo could be an art space, a shopping space and a meeting space all at
once because we organise a lot of events there. Let’s say Laura Calvarro: I do graffiti now but at school I didn’t
know anything about this world I’m so happy in today. It
is a very different approach to art. Something ephemeral left there on the street corner, like some sort of gift.
that the people from institutions didn’t react well. We
have a cultural space but we have never got support. The only support we had came from the Institut Français.
The Spanish tend to look backwards too much, capitalising on our rich artistic heritage. We give the young less of a chance. Unfortunately with this mentality we are not ready to uncover the next Picasso.
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Who do you work with? S: At Delimbo 90% of the people we work with are friends or friends of friends who are immerged in the same
universe as us. We often work with Escurro Gonzales,
Pilar Albarasin and Hervé di Rosa. At first we didn’t see our gallery as an artists’ residence. That happened almost by itself and it fits us well.
L: If we don’t like the artist as a person we can’t work with them. Putting the exhibitions together can take several
weeks, it is like living with them. A good relationship is essential. We like working with Hello Monsters, Nano 4814, Boris Hopec and Felipe Pantone too.
What are the hardest parts of your work? S: There definitely are a few. For me the administrative
side is really the worst. Also, cultural goods are taxed at 20% by the Spanish government. That’s not great either.
Rencontre
Eating well in Seville costs the same as two coffees in Paris! Of all the influential chefs in world gastronomy there are at least four from Spain.
What has been your most memorable event since Delimbo opened?
L: Five years ago we took part in Eso no es graffiti, an exhibition organised by the CICUS, the Centre for Cultural Initiative in Seville. The university called us up to work with them on the project. At first we were
supposed to have one room and in the end we took the whole space!
S: That was our first experience as commisionners.
For me, there was the sale of our first piece. For years we didn’t sell anything. We were just getting by, and
then for the first time there was some recognition for our work and our artists.
Your perfect day in Seville?
L: For eight years it was just the two of us doing this. We had to get stuck into the administrative side, put
up and take down exhibitions, look for artists and take time to look after communications. It wasn’t easy.
L: I would start with breakfast at the Cacharerria then I
would wander down Regina to the Incarnation district
which is really lively, there are lots of nice bars and cultural spaces. I would go to eat at Sal Gorda, a friend’s
Do you still have time to create? S: We sacrificed a lot of time to make this joint project work but Laura still has her studio and I continue to travel the world for graffiti.
restaurant where some of our paintings are on show. I would go to paint or walk along the river before going
to the Centre for Contemporary Arts. Lastly I would go for dinner in the Mexican restaurant Mano de santo,
where again there are some pieces by our artists. For
going out I wouldn’t know what to say because I really like spending evenings at home with friends.
What is it like to be young in Seville? S: Normally I’m with Laura if it is my perfect day! I would L: It’s great! I’m lucky in that I don’t see the bad. I try to
have breakfast at Alfalfa where I usually get a grilled
by artists and creative people, it is a real opportunity.
the galleries, like the Rafael Ortiz gallery, Birimbao
always see the positive side of things. We are surrounded
S: In Seville you don’t need as much money as you do
in Paris to live well. Artistically it’s a desert. On the cultural level what is on offer really isn’t up to scratch,
and that really is a shame because Seville could be a
top destination artistically and even gastronomically.
sandwich called the Italienne. I would look around
and Cavecanem. I would go for lunch at No-lugar then
I would go and meet Laura to paint with her by the
river. In the evening I would go for dinner at Ovejas negras then later on to party at Sala x, where there are concerts too.
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Découverte
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Azulejos texte
photos
Déborah Pham
Agathe Boudin / Noémie Cédille
À Séville, vous prendrez l’habitude de marcher le nez en l’air en
observant les morceaux de céramique colorés cachés sous les oriels (des petits balcons typiques qui s’avancent sur la façade des immeubles). Pourtant les carreaux de céramique appelés azulejos sont partout : dans les bars, les parcs et même au détour d’une rue qu’on croyait
sans charme. Les plus anciens se trouvent dans le quartier de Triana, berceau de la céramique tout près du fleuve Guadalquivir. C’est là
qu’on trouvait l’argile qui était alors chargée d’images symboliques, probablement parce qu’elle naît grâce aux quatre éléments, de même
que la céramique prend forme grâce à la terre, l’eau, l’air puis le feu. en.
In Seville you will get into the habit of gazing up as you walk around, looking at the pieces of colourful ceramic hidden under the oriels (the distinctive little balconies that jet out from the buildings’ facades).
Yet these ceramic tiles called azulejos are everywhere: in bars, parks
and even down charmless looking streets. The oldest are in the Triana district, the cradle of ceramics right by the Guadalquivir. This is
where the clay was found that was then loaded with symbolic images, probably because it came from the four elements, just as ceramic is made with earth, water, air then fire.
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DĂŠcouverte
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DĂŠcouverte
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Découverte Rencontre
Les danses andalouses L’air se rafraîchit, nous offrant un peu de répit dans la moiteur de l’été. Nous avançons dans un dédale
de ruelles étroites avant de trouver enfin le Musée du
flamenco, créé par la célèbre danseuse Cristina Hoyos. Deux hommes font leur entrée sur une petite scène recouverte d’un parquet en bois et s’installent face au public silencieux.
Les premières notes de guitare éclatent rapidement texte Déborah Pham illustration Zoé Labatut
et c’est au chanteur de poser sa voix sur ces notes expressives et brutales. Les sourcils froncés, il entame le récit
d’une histoire d’amour en frappant le sol des pieds, battant le rythme en harmonie avec la guitare espagnole.
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Découverte
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Rocio Alcaide entre en scène, gracile et fière, le menton haut et les mains qui se frottent doucement puis frappent
l’une contre l’autre dans un bruit presque étouffé. La traîne de sa robe s’enroule autour de ses jambes tandis que
ses mains fines ondulent au-dessus de sa tête. Le rythme s’intensifie à mesure que le chant semble se charger
de tristesse. Le visage de la danseuse se ferme, elle se met
à battre le sol de plus en plus vite. D’une main, elle soulève les volants de sa robe et laisse entrevoir le mouvement
frénétique de ses jambes. Elle s’échappe d’un bout à l’autre de la scène tel un animal sauvage. D’un geste de la jambe, elle balance la traîne de sa robe rouge d’un côté à l’autre,
puis frappe ses cuisses de ses mains, le visage imperturbable. Enfin, le danseur Oscar de Los Reyes la retrouve sur
les planches en bois de la petite scène du musée. Le couple forme un cercle et semble se faire la cour, soutenant leur
regard sans esquisser un sourire. Le chant change de couleur laissant place à des notes plus lumineuses et c’est comme si les artistes changeaient de masque pour emprunter
cet air passionné, fier et enflammé que l’on associe tant
au flamenco. Ensemble, ils dansent de plus en plus vite,
battent le sol de plus en plus fort si bien que la salle entière vibre au rythme de leur danse. Des cris d’encouragements sont jetés des quatre coins de la scène, le guitariste
et le chanteur posent leurs dernières notes avant de s’exclamer en cœur : « ¡Olé! ».
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Mint : Comment avez-vous commencé la danse ? Rocio Alcaide : J’ai commencé à l’âge de 5 ans. Je viens
Rencontre
Tout est improvisation dans le flamenco.
Comment collez-vous à l’histoire chantée ?
d’une famille plutôt artistique où l’on fait du théâtre,
En effet il n’y a pas de paroles écrites, vous n’en trouverez
apprendre le fandango, pour moi c’était naturel. Aussi
est complètement libre. Les danseurs se doivent de revêtir
pour moi : les autres enfants jouaient entre eux et moi je
plus expressifs possible. C’est un exercice compliqué, je
où on joue de la guitare. À 3 ans, je demandais déjà à
pas. La mélodie peut nous être familière mais le chanteur
loin que je me souvienne, danser a toujours été un jeu
un costume pour coller au mieux à la musique en étant les
voulais danser, je ne me l’explique toujours pas.
suis incapable de danser quand je traverse des moments
À quel moment est-ce devenu plus qu’un hobby ? Le flamenco a toujours eu une place prédominante dans
ma vie. À 16 ans j’ai participé à un casting pour un tablao,
difficiles.
Est-ce qu’il y a des morceaux plus difficile à « incarner » ?
c’est-à-dire un théâtre pour flamenco. Mes parents m’ont
Oui bien-sûr. Je me souviens d’un jour chez Los Gaillos à
Sevillano.
un vrai tremplin pour les artistes et au beau milieu du
donné leur accord et j’ai commencé à danser au Patio
Qu’est-ce qui vous plaît dans votre métier ? Le contact avec le public. Pour moi cet art est comme
un exutoire. J’ai ce trop plein d’énergie, des choses qui viennent de ma propre vie avec mes joies, mes peines,
mes craintes, ma colère et mes espérances. Je les partage lorsque je danse.
On a le sentiment que le flamenco est une danse passionnée, vous dites qu’on peut y exprimer plus de contraste ?
Oui bien-sûr, on peut faire une danse romantique, brûlante ou quelque chose entre les deux. Il existe
Séville, où je devais interpréter la Solea. Cet endroit est morceau je me suis retrouvée pétrifiée de peur. J’ai été
incapable de danser, je crois que je ne me sentais pas à la hauteur de cette danse et je suis sortie de scène. Après cet épisode, j’ai passé trois années sans danser.
Combien d’heures vous entraînez-vous par jour ? Je m’entraîne deux heures par jour et j’enseigne la danse à des plus jeunes, amateurs ou confirmés. J’apprends
encore beaucoup sur le flamenco, notamment au niveau du regard.
Quelle est la plus grande difficulté de vos élèves dans l’apprentissage du flamenco ?
peut-être 500 styles différents avec un panel d’émotions
Le compas, pour faire simple, c’est le rythme. C’est très
personne perçoit des teintes différentes.
organique, ça se ressent et il faut beaucoup d’écoute
très large. C’est une danse de sentiments, où chaque
Comment s’harmonise un couple de danseur ? C’est un miracle. Évidemment tout dépend du danseur
mais je dirais qu’il y a une connexion, on se comprend en
un regard. Une danseuse a besoin d’espace pour exprimer sa féminité, sa sensualité et sa douceur aussi. Il faut savoir laisser de l’espace à l’autre, créer des respirations pour
que l’homme puisse exprimer sa force dans le flamenco.
difficile à enseigner puisque c’est quelque chose de très pour que cela devienne naturel. Le flamenco demande
énormément de volonté, d’envie, de force et d’investissement.
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Rencontre
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I have this overbrimming energy; joys, pains, fears, anger and hopes that come from my own life. I share them when I dance.
en. The air is cooling, giving us a bit of respite from the summer humidity. We push further into the labyrinth
of narrow streets before finally getting to the Flamenco museum, set up by the famous dancer Cristina Hoyos. Two men walk out onto a small stage with a wooden floor and stand in front of the hushed audience. Soon the first notes erupt from the guitar and then it is the singer’s turn to lay his voice over the expressive and
powerful notes. His eyebrows creased, he starts telling a love story while stamping on the floor, beating out the rhythm in harmony with the Spanish guitar.
Rocio Alcaide appears on the stage, slender and proud, her chin high and her hands rubbing gently before clapping
with an almost muffled sound. The train of her dress winds around her legs while her delicate hands ondulate
above her head. The rhythm intensifies as the song seems to fill with sadness. The dancer’s face closes; she starts tapping the ground faster and faster. With one hand she lifts the frills of her dress to reveal her frenetically moving legs. She slips from one end of the stage to the other like a wild animal. Her leg moves to throw the train of her dress from one side to the other, then her hands strike her thighs, her face imperturbable.
Finally Oscar de Los Reyes comes out to join her on the wooden floor of the museum’s small stage. The couple makes a circle and seems to be courting, each dancer holding their gaze without a hint of a smile. The song
changes tone, making space for lighter notes, and it is as if the dancers were putting on a new mask to embody the passion, pride and fire that we so much associate with flamenco. Together they dance faster and faster,
hitting the ground harder and harder, until the whole room vibrates with the rhythm of their dance. Cries of
encouragement are hurled from all four courners of the stage. The guitarist and the singer sound thair final notes and together shout: “¡Olé!”
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Mint: How did you start dancing? Rocio Alcaide: I started when I was five years old. I come
Rencontre
Everything is improvised in flamenco,
how do you stick to the story of the song?
from quite an artistic family where we do theatre and
In fact there are no written lyrics, you won’t find any. The
learn the fandango; for me it was natural. As far back as
The dancers have to dress up to stay close to the music
other children played together and I wanted to dance. I
exercise. I am incapable of dancing when I am going
When did it become more than just a hobby?
Are there pieces that are harder to “embody”?
Flamenco has always been a big part of my life. At sixteen
Yes of course. I remember one day at Los Gaillos in Seville
theatre. My parents said yes and I started dancing at
launching pad for artists and right in the middle of the
play guitar. At three years old I was already asking to
melody may be familiar but the singer is completely free.
I can remember, dancing was always a game for me. The
while being as expressive as possible. It is a complicated
still can’t explain it.
through difficult moments.
I went to a casting for a tablao, which is a flamenco
when I had to interpret the Solea. This place is a real
the Patio Sevillano.
piece I was frozen with fear. I could not dance. I think
What do you like about your job? The contact with the audience. For me this artform is like
a release. I have this overbrimming energy; joys, pains,
fears, anger and hopes that come from my own life. I share them when I dance.
We have the impression that flamenco is a
passionate dance, are you saying it can express more contrast?
I didn’t feel good enough for the dance and I walked off stage. After that I spent three years without dancing. How many hours do you practise a day? I train for two hours a day and I teach dance to young
people, beginners and advanced. I’m still learning a lot about flamenco, especially about the eyes.
What do your students find most difficult about learning flamenco ?
Yes of course. You can do a romantic dance, a fiery dance,
To put it simply, it is the rhythm. It is very hard to teach
styles and a very large range of emotions. It is a dance of
need to listen a lot for it to become natural. Flamenco
or somewhere in between. There are perhaps 500 different
because it is something very organic, you feel it and you
feelings. Each person percieves different shades.
requires a great deal of passion, drive, dedication and
How does a dancing couple get in harmony? It’s a miracle. Obviously everything depends on the dancer
but I would say that there is a connexion. We understand eachother by a look. A dancer needs space to express her femininity, sensuality and softness. You need to know
how to leave space for the other, creating pauses so the man can express his strength in flamenco.
strength.
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Portfolio
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De Grenade aux Villages blancs photos NoĂŠmie CĂŠdille
DĂŠcouverte
Eat
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DĂŠcouverte
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Humeur
a week in... Seville illustrations studio ma
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Humeur
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