Mint #09

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Eat & Explore / #09

Automne 2017 - Gratuit

Au Passage 48 · L’or des Langhe 36 · Faiminisme 68 Amitiés bourratives 60 · Rotterdam 74


DĂŠcouverte



Édito

édito par Déborah Pham

Les bottes s’enfoncent dans la boue qui borde le petit chemin de forêt. Ma mère se dirige vers ce qui me paraît être un tas de feuilles mortes. Je la vois chercher et en sortir deux cèpes avec un sourire triomphant. Cela fait près de trois heures que nous marchons dans les bois et je n’ai rien trouvé d’autre que des champignons probablement vénéneux. Elle me dit de persévérer, qu’il lui arrive de marcher jusqu’à la tombée de la nuit sans trouver la moindre girolle. Elle me raconte que l’autre fois, elle s’est même perdue en forêt. Il faisait froid et l’odeur de la nuit tapissait les bois avec cette odeur de terre et de feuilles humides. C’était l’automne, sa saison préférée, pendant laquelle les arbres arborent leurs couleurs orangées. C’était une après-midi d’octobre où l’on décidait de prendre notre temps avant de rentrer se réchauffer sous une pile de couvertures douillettes.

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heures

Touchez les pierres de Jérusalem, témoins de 3000 ans d'Histoire… Accélérez dans le temps 24 h durant à Tel-Aviv ! Deux villes séparées par des millénaires, si loin si proche : 45 mn de route ! À seulement 4 h de vol…

000ans


Découverte Ours

Journalistes / SR

Margaux Gayet est photographe

Rédactrice en chef

de mode et aime capturer le vêtement

Déborah Pham

Hélène Rocco est journaliste

en mouvement : ses modèles courent,

indépendante. Amoureuse

sautent, virevoltent. Elle adore aussi

Direction artistique

des voyages, elle est aussi accro

l'intimité des portraits. Et pour

Noémie Cédille

à la bonne cuisine et donnerait

se ressourcer, elle s'échappe de Paris,

www.noemiecedille.fr

sa mère pour du fromage de brebis.

juste équipée d'un petit appareil

Marine Normand écrit pour Retard,

argentique dans la poche.

Design graphique

www.margauxgayet.com

Agathe Boudin

les inRocKs, Noisey, Kiblind et plein

www.agatheboudin.com

d'autres publications sympas. Quand

Stéphanie Davilma est photographe

elle a le temps, elle aime aussi

et aime inscrire son travail dans

Mint

promener son chien, lire, parler fort

la lenteur. Celle de l'errance,

www.magazine-mint.fr

et reporter tous les trucs urgents

de l'observation et du choix d'un

contact@magazine-mint.fr

ou utiles au lendemain.

sujet, aussi bien dans l'image

32, rue Le Peletier, 75009 Paris

que dans l'écriture. Julie Thiébault a plusieurs casquettes,

www.stephaniedavilma.com

et celle qu’elle préfère porter lui

Impression Imprimé en Belgique par SNEL

permet de découvrir, de réfléchir et d’écrire. Son joyau magique

Illustrateurs

Distribution

est son intuition.

Dans une ville où les publications Zoé Lab est designer graphique

gratuites fusent à tout-va sans jamais

Raphaële Marchal est plus connue

et illustratrice freelance à Paris.

vraiment savoir où elles atterriront,

sous le pseudo d’En rang d’oignons.

Signe particulier : le noir de son trait

Le Crieur se propose aujourd’hui de

Quand elle ne passe pas son temps

qui négocie, à plein, les vides

jouer les aiguilleurs.

à boire et à manger, elle contribue

du blanc. Elle cultive un vif intérêt

pour différents magazines et écrit

pour la narration courte sous toutes

des livres de cuisine.

ses formes, et la mise en récit

www.raphaelemarchal.fr

de son quotidien ou de celui

Agathe Morelli est passionnée de

des autres l’inspire.

Publicité

www.zoelab.fr

Kamate Régie, 01.47.68.59.43

mots et de presse écrite. Elle traque

dolivier@kamateregie.com

la virgule mal placée et accompagne

Carole Barraud est illustratrice

les auteurs à la recherche de la phrase

et graphiste à Lyon. Elle travaille

Remerciements

parfaite. Tout un programme.

pour la presse, la communication

Maman, Mathilde Froment,

culturelle et les particuliers.

Alissa Genevois, Thaïs Paulian

Photographes Marie Amélie Tondu est photographe et aime passer d’un domaine

Elle aime retranscrire les idées en images simples et franches, dans

Mentions légales

la joie et la bonne humeur.

ISSN : en cours. Dépôt légal à parution.

www.carolebarraud.com

Le magazine décline toute responsabilité quant

portrait, food ou encore reportage.

aux sujets et photos qui lui sont envoyés. Les articles publiés n’engagent que la respon-

à l’autre : mode, nature-morte,

sabilité de leurs auteurs. Tous droits de

Designers

reproduction réservés pour tous pays. Aucun

Elle réalise des images pour

élément de cette revue ne peut être reproduit

différents magazines et marques.

Paris se quema est un studio

www.marieamelietondu.com

créatif fondé par Anaïs et Nicolas

moyen que ce soient, sans l’autorisation écrite

en 2014. Tour à tour set designers,

des auteurs.

Tiphaine Caro est architecte.

photographes, graphistes et

Elle collectionne les vieux appareils-

scénographes, leur mot d’ordre

photos et aime saisir les moments

est d’être des couteaux-suisses.

du quotidien à l’argentique.

www.paris-se-quema.com

www.tiphainec.com

6

ni transmis d’aucune manière ni d’aucun


Sommaire

Sommaire 8

Carnet de tendances

64

L'automne dans l'assiette Recettes

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Ondes Le bon goût

26

L'atelier de Mathilde Rencontre

34

Le champignon de longue vie Art de vivre

36

68

Les chercheurs d'or des Langhe

Rencontre 74

Leman Locke Hotel Get a room

48

Au Passage À table

60

Amitiés bourratives Humeur

Brouillard matinal Rotterdam — Portfolio

82

Explore : Rotterdam Rotterdam — Explore

86

Découverte 44

Faiminisme : le sexisme a la dent dure

Ossidiana : design expérimental Rotterdam — Rencontre

94

Autumn Leaves Mode

102

Bonnes adresses

112

English texts


8

DĂŠcouverte


Découverte

Mint Magazine

CARNET DE TENDANCES

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Livre

Du café au brunch copieux, les petitsdéjeuners de Simone Hawlisch se suivent et ne se ressemblent pas. Son livre propose des recettes saines, régressives et délicieuses pour toutes les occasions (même les lendemains de cuite). À deux, entre amis, en plein air ou en famille, plus d'excuse : on aura toujours un bon granola à se mettre sous la dent. Idéal pour se lever du bon pied du lundi au dimanche. Stay for breakfast! —­­ par Simone Hawlisch, éditions Gestalten, 208 pages, 34 euros

Livre

Simone Hawlisch, copyright Gestalten 2017

Tendances

Stay for breakfast

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Tendances

Pathport

Guide

Ils sont designers, photographes ou baroudeurs et racontent sur Instagram leurs périples lointains. Pathport regroupe leurs adresses secrètes, par destination, sous forme de guide digital d'une cinquantaine de pages, histoire de ne pas s'encombrer. Une trentaine de destinations sont déjà disponibles et se dévoilent, en anglais, sous la forme d'itinéraires illustrés de photos léchées. Pathport ­ —­­ Une trentaine de destinations

à 4,99$ le guide, en vente sur www.pathport.store

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© Maroesjka Lavigne, courtesy Robert Mann Gallery

Tendances

Paris Photo

Événement

Sous la nef du Grand Palais, les collectionneurs et les passionnés pourront découvrir les images de 160 galeries et 30 éditeurs. Sont exposés, pêle-mêle, Malick Sidibé, Seydou Keïta, Andres Serrano et bien d'autres mais notre coup de cœur va à la jeune photographe belge Maroesjka Lavigne pour ses compositions minimales et captivantes. Paris Photo ­­ —­­ Du 9 au 12 novembre 2017 au Grand Palais

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© Charles Fréger


© Fabien Bonillo

Tendances

Les Puces du Design

Événement

Elle est là, la crème du design des années 1950 à aujourd'hui. Depuis un an, la direction artistique du salon est signée par le studio 5.5 qui ouvre la sélection très pointue au design contemporain. Sur les étals des exposants, il arrive même qu'on trouve des pièces iconiques à moins de 100 euros. Incontournable. Les Puces du Design —­­ Du 9 au 12 novembre au Parc des expositions de la Porte de Versailles

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Fondée par Caroline Gomez, designer et directrice artistique, The art of E est une ligne d'objets du quotidien qui valorise l'essentiel et le durable. Les créations minimalistes et intemporelles mêlent bols en céramique, verres aux tons pastels, plateaux en chêne massif. The Art of E ­­ —­­ www.theartofe-shop.fr

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Tendances

The Art of E

Design


Tendances

Aurélie Lécuyer

Mode

La styliste Aurélie Lécuyer a imaginé un vestiaire féminin et fonctionnel qui s'affranchit des saisons. Tous les trois mois, une nouvelle collection verra le jour avec, à chaque fois, huit modèles en vente. Des basiques indispensables, allant de la chemise à la jupe culotte, dont on ne risque pas de se lasser d'une année à l'autre. Aurélie Lécuyer —­­ www.aurelie-lecuyer.com

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Tendances

Simple comme bon(jour) Livre

Dans son dernier livre, Raphaële Marchal met au défi 80 chefs, de Paris à Béziers : « Tiens gribouille-moi une recette pas trop compliquée que je puisse refaire à la maison. » Le résultat est alléchant et on n'aurait pas cru que ça arriverait un jour mais on bave, entre autres, devant une langue d'agneau et son velouté de cervelle imaginés par Dave Harrisson (Au Passage). Simple comme bon(jour) ­­ —­­ par Raphaële Marchal, éditions Tana, 224 pages, 14,95 euros.

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Tendances

Interludes

Événement

Le temps d'une soirée, les touristes et les Parisiens peuvent s'inviter chez un chef. L'idée vient d'Eurostar qui organise, sous le nom d'Interludes, un week-end gastronomique à Paris le 18 et 19 novembre prochain. Dix dîners exclusifs ont lieu simultanément aux 4 coins de la capitale et en petit comité, chez Taku Sekine (Dersou) et Sven Chartier (Saturne) notamment. L'édition suivante aura lieu à Londres en janvier 2018. Interludes —­­ travelstateofmind.eurostar.com/interludes

Mulko

Ouverture

Au cœur du 10e arrondissement, Mulko propose une cuisine brute et colorée, fortement inspirée par le bassin méditerranéen. Pierre Boulko Levy (ex-Miznon) nous régale de calamaris saisis à la plancha, d'abats de volaille étonnamment rafraîchissants et de shawarma d'agneau, en assiette ou en sandwich dans un pain maison à se damner. Mulko —­­ 29 Rue d'Enghien, 75010 Paris

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Tendances Paul Cézane, Le Baigneur, The Museum of Modern Art,

Le MoMa à Paris

Exposition

Nul besoin d'aller à New-York pour découvrir la collection du MoMa : la Fondation Louis Vuitton accueille jusqu'au printemps une sélection de 200 œuvres du musée d'art contemporain américain. Sur quatre étages, les peintures, sculptures, films et photographies illustrent la richesse de l'histoire de cette institution. Parmi les œuvres phares, on trouve notamment House by the Railroad d'Edward Hopper. Le MoMa à Paris­­ —­­ Jusqu'au 5 mars 2018 à la Fondation Louis Vuitton

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Le bon goût

Ondes Une série de Paris se quema

Sac et porte-monnaie BUILDING BLOCKS / Vase Coquillage LOS OBJETOS DECORATIVOS / Escarpin MIISTA / Bracelet MIANSAÏ chez Centre Commercial / Brume Visage BAINS CELTIQUES / Coupelle JARS chez Merci / Algues WAKAME

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Sac THE STOWE chez Centre Commercial / Montre LIP chez Centre Commercial / Poudre exfoliante OH MY CREAM SKINCARE / Assiettes ALFRESCO BY KINTO chez Merci / Cidre rosé SASSY

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Chapeau LAROSE PARIS chez Centre Commercial / Chaussettes ESCUYER / Socle LOS OBJETOS DECORATIVOS / Barbe bleue aux Éditions H2L2 / Lunettes de soleil VUARNET chez Centre Commercial / Prunes

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Parfum BON PARFUMEUR / Baume BAINS CELTIQUES / Huile repulpante OH MY CREAM SKINCARE / Calendrier Visionnaire PAPIER TIGRE / Mule MIISTA / Huitres Fines de Claire

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Assiettes BORNN Chez Merci / Fourchette CUTIPOL chez Merci / Chaussettes ESCUYER / Les Fables AUX ÉDITIONS H2L2 / Parfum BON PARFUMEUR / Basket VEJA V10 chez Centre Commercial / Bracelet MIANSAÏ chez Centre Commercial / Pâtes à l’encre de sèche FABRE

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Le bon goût Sac ATELIER DE L’ARMÉE / Bière BROUWERIJ’T IJ / Assiette PIERRE CASENOVE POUR JARS CÉRAMISTES chez Merci

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Mint Magazine

EAT & EXPLORE

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Rencontre


Rencontre

L'atelier de Mathilde Texte : Hélène Rocco Photos : Noémie Cédille

À 24 ans, Mathilde Martin a déjà eu plusieurs vies. Étudiante en histoire puis sommelière chez Jones et Martin - boire et manger notamment, elle a tout plaqué il y a un an pour se consacrer entièrement à son amour de la céramique dans un studio des Lilas. Ses créations brutes, sauvages et toujours empreintes de poésie investissent peu à peu les belles adresses parisiennes. 29


Rencontre

Caché dans une ruelle calme, un bâtiment aux briques rouges observe sans rien dire les allées et venues d'une poignée d'artisans. Nous sommes à quelques encablures de la Mairie des Lilas, à l'heure où le soleil est au zénith. À travers la verrière se dessinent trois petits soliflores noirs : il est là, l'atelier de Mathilde, toutes portes ouvertes, prêt à nous accueillir.

La passion de la céramique l'habite depuis qu'elle a six ans. À l'époque, elle commence la poterie et ne rate jamais les cours. Ils ont lieu dans une cave où flotte une odeur de terre mouillée. Chaque élève a sa propre étagère où trônent fièrement tortues, portetéléphones et petits vases faits main. Pour Mathilde, c'est un vrai plaisir de créer un objet de toutes pièces. Les leçons durent cinq ans et après ça, aucun autre art n'aura la même saveur. Le dessin et la peinture la laissent insensible tandis que l'argile, modulable à l'infini, ne cesse de l'inspirer.

Cela fait quatre mois qu'elle s'y est installée ; avant, la jeune femme de 24 ans était sommelière chez Jones (11e arr), l'un de nos restaurants préférés de Paris. Quand la céramique revient dans sa vie en 2016, c'est d'abord comme un passe-temps puis comme une évidence. Avec le vin, elle ne peut pas toucher la matière - ça, c'est le rôle du vigneron - et ça lui manque. Après quatre ans en cuisine en France, chez Martin - boire et manger, Au Passage et à Londres chez Koya et Naughty Piglets, elle prend la place d'une amie dans l'atelier, jongle un temps entre ses deux activités puis rend son tablier chez Jones pour se consacrer pleinement à l'artisanat.

Accompagner la terre Chaque après-midi, la céramiste rejoint trois autres artistes dans le vaste espace de création lumineux, où les plantes sont omniprésentes et où les étagères débordent de vaisselle. Le coin de Mathilde est situé à côté de l'entrée. Sur une grande table, des fleurs sauvages coiffent le bois brut. Bientôt, elles orneront vases et soliflores pour la séance photo. 30


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Rencontre

Ces beaux objets sont blancs mats « comme des nuages » ou simplement couleur terre. Lorsqu'elle était sommelière, la jeune femme était spécialisée dans les vins nature et elle a toujours travaillé dans des restaurants qui mettent les produits sains, bruts et naturels à l'honneur. Alors, de la même manière, dans son travail du grès, elle préfère conserver la couleur originelle.

s'est cassé six fois de suite, la céramiste a arrêté d'essayer. Il y a bien une technique qui consiste à couvrir la pièce de plastique à la cuisson pour éviter les fissures mais le processus est beaucoup plus long. Et si c'est l'émail qui n'est pas bon, il n'est plus possible de rattraper le coup. Alors les ratés finissent à la poubelle et les succès sont d'autant plus gratifiants. Son regard sur ses créations change sans cesse. Un jour elle est satisfaite de ce qu'elle fait, le lendemain elle trouve que tout est mauvais : « Travailler seule est très difficile parce que je n'ai de compte à rendre qu'à moi-même donc je dois être très exigeante. Si je ne fais pas preuve d'assez de patience, ça casse et je me mets à douter. Et si en plus à ce moment-là, je vais voir ce que font les autres sur Instagram, je risque de complexer. » Il a fallu qu'elle apprenne se sentir légitime, balayer les doutes, s'enrichir des techniques utilisées par les autres céramistes de l'atelier et accepter la critique. Comme lorsqu'une de ses amies lui dit que ses finitions ne sont pas bonnes et que les pièces ne sont pas vendables en l'état. Si le coup est dur, la remarque est constructive et Mathilde est même remotivée. En un an, elle a beaucoup progressé, elle produit moins mais mieux. Elle estime qu'il faut être humble et patient car pour elle « La terre a le dernier mot : il faut l'accompagner. »

À 14 heures, elle plonge tête la première dans la création et ne s'arrête plus avant le début de la soirée. Parfois, elle arrive avec une envie particulière en tête, souvent elle puise l'inspiration sur Instagram. Chez Tara Burke par exemple, elle a aimé l'idée de donner des oreilles à ses vases et chez Sarah Jerath, elle aime la paille qui laisse des traces sur l'argile en brûlant. Pas question de copier bêtement, Mathilde suit plutôt le mouvement de la terre, la fait jouer et voit où ça la mène. Ce sont ses mains qui conduisent et il est rare qu'elle réussisse à créer le même modèle deux fois. Modeler, sécher, lisser, sécher à nouveau, faire cuire une première fois au four puis une seconde pendant douze heures et enfin, tremper la pièce dans un bain d'émail. En tout, il faut trois semaines pour créer un objet en céramique et il arrive qu'en ouvrant le four après la dernière cuisson, la terre n'a pas résisté à la température très haute. Un de ses vases 33


Rencontre

En un an, Mathilde a beaucoup progressé, elle produit moins mais mieux. Il faut être humble et patient car la terre a le dernier mot : il faut l'accompagner.

avec des aplats de couleurs primaires, dans ce style brut auquel elle tient tant. Et puis elle aimerait aussi modeler des luminaires, fabriquer un chemin de table en mouvement à la manière du vase TséTsé (un ensemble de tubes à essais reliés entre eux, ndlr) … Des rêves, Mathilde n'en manque pas. Pourtant, rien ne dit qu'elle ne changera pas une nouvelle fois de voie, elle qui a décidé qu'elle partirait toujours avant de se lasser d'une profession. À 24 ans, elle a déjà suivi des études d'histoire, passé un CAP de cuisine et été sommelière. Quand elle s'est lancée dans cette nouvelle aventure, sa famille a eu peur mais son exigence paie toujours, peu importe la discipline. Ne pas savoir où elle sera dans dix ans ne l'effraie pas. Peut-être qu'elle donnera des cours à des enfants, elle qui a tant aimé en suivre en grandissant. Ou peut-être qu'elle retournera en Angleterre avec Harry, dans une maison en bord de mer, perdue dans la campagne. Là-bas, elle ira chercher le grès sur le littoral puis le cuira dans un four au feu de bois, histoire d'être toujours plus proche de la nature.

Créer à plusieurs Petit à petit, ses créations s'invitent dans les restaurants et les cafés parisiens. Chez Jones, on peut dîner dans quelques-unes de ses assiettes. Au Bal, on trouve ses soliflores noirs et ses vases, qu'on peut acheter lorsque la collection change, tous les trois mois. Castor, un fleuriste de la rue de Belem, lui a demandé d'imaginer deux gros vases qu'elle a recréés à partir de pièces plus petites. C'est sur Instagram, sa meilleure vitrine, que son travail avait été remarqué. Et comme Mathilde s'entoure d'autres créatifs, les collaborations sont nombreuses. Avec son compagnon Harry Vidler, chef de Jones, ils ont organisé en octobre un dîner sur le thème de la marée basse pour Belafonte (un lieu de recherche gastronomique, ndlr). La céramiste a produit une vaisselle très fine à partir de terre-papier (un mélange d'argile et fibres de cellulose, ndlr), lui s'est occupé des bons plats, allant du merlu confit, céleri et poutargue, au sorbet poire, gin et poivre de timut. Sa meilleure amie, Jeanne Hochberg, est illustratrice : un jour, elles aimeraient lancer une collection de céramiques

Mathilde Martin ­­ —­­ sur Instagram : @mathildemartinceramic

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Texte : Julie Thiébault Illustration : Carole Barraud

Un intéressant goût d'alcool sans la gueule de bois du lendemain, des bulles qui dansent la java dans l'estomac, et un nom rigolo : le kombucha est dans toutes les bouches. Enracinée près de Brighton, The Old Tree est une brasserie - car le brassage n'est pas un privilège du houblon - produisant en petite quantité le kombucha. Ce breuvage venu d'Extrême-Orient est un thé vert ou noir fermenté dont les propriétés magiques plus ou moins reconnues s'étendent de l'immortalité à une bonne digestion, en passant par un câlin aux intestins. C’est grâce notamment aux molécules et autres probiotiques bénéfiques à l'organisme qu'il contient, et qui en font une véritable culture de bactéries à boire. Mon nez se fronce de dégoût tandis que des images de champignons ricochent dans ma tête comme la pluie anglaise, pourtant les bactéries n'ont jamais été aussi désirables et indispensables. Ensemble elles portent le nom de microbiote, et veillent sur mon corps autant qu’elles l'habitent. Après une gorgée de kombucha et une légère grimace, me voilà réconciliée avec mon corps et décidée à entamer une relation viscérale avec lui.

verre, transformés en motels à champignons faits maison. Si les ressources brutes se troquent, les connaissances en botanique sortent des grimoires, se racontent entre générations, entre collègues, et entre voisins comme les recettes de mystérieuses potions ancestrales. Brasser les plantes afin de les métamorphoser en boissons goûtues, vivantes et guérisseuses permet de voir en la nature son potentiel de garde-manger à ciel ouvert. Ainsi, les paysages deviennent comestibles. Loin du fantasme sucré de la maison en pain d'épices au décor entièrement grignotable, je me rêve buvant à la paille la verdure du bois de Quat'sous, ou du moins celui de Bethnal Green. The Old Tree, quant à elle, part du postulat qu'en avançant main dans la main avec la nature, nous pourrions nourrir une population de plus en plus nombreuse. A contràrio de l'agriculture industrielle qui détruit l'écosystème et épuise les ressources, ces cultures sont un système de production totalement viable et surtout durable. Le vieil arbre anglais me le confie : « Les branches d'un chêne sont dans un gland, il est donc tout à fait possible de créer une culture qui maintient la vie. » Alors à la vôtre, trinquons aux champignons !

Certains brasseurs confirmés cultivent des souches de levures et de bactéries ; ingrédients nécessaires à la fermentation du kombucha ; et les échangent avec d'autres alchimistes en herbe. Ces souches sont élevées dans des bocaux en 37

Art de vivre

Le champignon de longue vie


Découverte

Les chercheurs d’or des Langhe Texte & photos : Stéphanie Davilma

C’est en sillonnant les routes des Langhe en automne que nous avons découvert où se cache l’or du Piémont. Un petit champignon mystérieux et convoité, la truffe blanche d’Alba, le tuber magnatum pico. En fin de journée, dans les vignobles vallonnés de cette région, nous passons de l’ombre glaciale légèrement embrumée à la lumière dorée du versant opposé. C'est là qu’on croise de temps à autre des chercheurs d’or d’un genre particulier accompagnés de leur chien, partenaire indispensable à leur quête. 38


39 DĂŠcouverte


40

Rencontre


Découverte

Cet or du Piémont n’est pas un métal précieux, mais il éveille lui aussi les passions. La truffe blanche d’Alba, le tuber magnatum pico est un champignon mystérieux et convoité.

Aussitôt sorti de la voiture, Achille se met en chasse fier et affairé, museau au sol, car il sait qu’il aura une récompense s’il trouve la précieuse pépite. Par moment, il s’arrête, renifle, commence à creuser. Francesco prend le relai, creuse un peu mais rien. Une fois, deux fois… En vain… Et puis, Achille, malin, va plus vite que Francesco et gobe la première truffe trouvée. « Il est jeune, fougueux et son éducation n’est pas encore totalement au point », nous explique Francesco. La nuit tombe, le froid se fait de plus en plus piquant, mais pas question de renoncer si vite. Achille recommence à renifler avec insistance et cette fois-ci c’est la bonne, une truffe est là. Celle-là, il ne la croquera pas et il aura une friandise en récompense. Francesco est heureux, nous aussi et on comprend pourquoi cette quête devient vite addictive.

Alors c’est vrai, même si elle est toujours considérée comme un champignon à part, la truffe semble perdre son caractère exceptionnel. On la râpe copieusement sur les pâtes ou la pizza dans les restaurants italiens, on l’utilise pour parfumer de l’huile, du sel ou encore de la moutarde, mais voilà, il n’existe pas qu’une seule truffe. Il y en a de multiples variétés plus ou moins goûteuses, plus ou moins chères, comme les truffes musquées, les truffes blanches d’été ou celles qui sont considérées par les puristes comme des ersatz de truffes : les truffes de Chine. Or, celle dont nous parlons ici - la truffe blanche d’Alba - est une truffe d’exception à l’instar du très connu tuber melanosporum du Périgord de couleur noire. Plus rare que ce dernier et exclusivement sauvage, elle coûte deux à trois fois plus cher, entre 3 000 et 4000 euros le kilo. Cette truffe est récoltée de septembre à décembre en Italie et notamment dans le Piémont, au cœur des Langhe. C’est là où vit Francesco, un viticulteur passionné dont l’activité principale est la production d’une véritable gourmandise : le Moscato d’Asti.

Je les observe et je pense à une scène de film. Ou plutôt à la portée cinématographique de la scène - sa simplicité, celle d’un décor réduit à l’essentiel.  En rentrant vers la maison, il nous explique qu’il a acheté Achille avec un ami deux ans auparavant, une année riche en truffes blanches qui a suscité les rêves de fortune ou tout simplement d’un complément de revenu. Malheureusement, la ruée vers l’or est souvent source de déception et en raison du manque d’humidité l’été ou encore de la pollution, la truffe se fait rare depuis l’acquisition onéreuse du chien (celle-ci peut aller jusqu’à 3000 euros selon son degré de dressage). Francesco ne perd pas son sourire pour autant et espère que les années à venir seront plus fructueuses.

Nous avions rendez-vous en fin d’après-midi dans sa maison posée au milieu des vignes baignées par la lumière de cette belle journée. À peine présenté, il nous fait monter dans son 4x4 avec Achille son chien truffier, un lagotto romagnolo blanc, surexcité par l’idée de sortir en balade. Nous arrivons rapidement à destination puisque nous sommes juste en bas de chez Francesco au bord d’un ruisseau bordé de chênes et de noisetiers. 41


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Découverte

Arrivés chez lui, l’odeur du feu de bois est mêlée à une odeur plus âpre, celle de la truffe blanche d’Alba. Une dizaine de petits champignons dans son frigo suffit à parfumer toute la maison.

où chaque truffe est mise en valeur comme un diamant, le stand rustique avec la nappe vichy et le chasseur de truffes en tenue salie par la terre ou encore le côté théâtral avec le port d’un chapeau orné de petites truffes et de grandes exclamations pour attirer le regard. Les badauds passent de stand en stand, certains avec un grand sérieux pour repartir avec un met d’exception choisi avec soin, d’autres pour montrer leurs billets et se montrer par la même occasion aux côtés des petits champignons à coup de selfies truffiers à peine l’argent dépensé, ou d’autres encore, uniquement là pour assister à ce théâtre un peu fou.

Nous rencontrons Massimo le compère de Francesco, professeur de piano, avec qui il a acheté Achille, ainsi que la maman de notre hôte dont on ne connaîtra jamais le prénom, car elle nous accueille comme des membres de la famille, « chiamatemi mamma ! » Elle est là pour s’occuper de sa petite-fille pendant la foire de la truffe blanche d’Alba à laquelle participent Francesco et Massimo pour tenter de vendre leurs trésors trouvés au pied des noisetiers.

Bien loin de la simplicité de l’accueil de Francesco, ce spectacle est d’ailleurs vite oppressant et nous décidons de filer.

Nous irons là-bas demain nous aussi, mais d’abord nous sommes généreusement invités à dîner. Au menu, des pâtes al ragù de la mamma, du fromage d’une ferme voisine, le murazzano et du vin, celui de Francesco, mais aussi celui produit par son père, pas très loin d’ici, avant de terminer par une indécente part de panettone préparé par son frère pâtissier à Milan… Oui, il y a des familles comme ça.

Le Piémont est la terre de la slow food alors les occasions de déguster la truffe blanche d’Alba dans un cadre plus agréable ne manquent pas. Au coin d’un chemin dans un agriturismo ou en ville dans un restaurant, son odeur embaume de nombreux établissements en cette saison. Elle est traditionnellement servie tranchée en fines lamelles sur les tagliolini au beurre ou tout simplement sur un œuf au plat qu’elle sublime avec son arôme puissant. On l’accompagne d’un vin des Langhe, comme le Barolo, dont la réputation n’est plus à faire.

Après une nuit à la fraîche dans cette maison de campagne, il est temps de prendre la route vers Alba. Un premier pied posé dans cette ville et on est tout de suite saisi par l’odeur de pâte à tartiner qui l’envahit. Des usines de la plus connue des marques productrices sont, en effet, situées ici. Ce n’est pourtant pas cela qui attire la foule qui s’empresse dès le début de la matinée pour rejoindre la foire, temple du petit tubercule blanc.

Après un déjeuner délicieux et un passage chez le glacier pour goûter un merveilleux semifreddo aux noisettes, les autres pépites de la région, nous nous plaisons à sillonner de nouveau les paysages viticoles piémontais avec les Alpes au loin. Nous croisons encore quelques chercheurs d’or avec leur fidèle compagnon et très vite, la douce lumière du lever de lune vient sublimer la vue. Les journées sont courtes en cette saison.

Sous de grandes tentes, des milliers de personnes naviguent entre les stands des chercheurs d’or pour regarder, comparer, acheter des truffes. Chaque exposant a sa méthode pour aguicher le chalan à la façon d’un joaillier 44


45 DĂŠcouverte


Get a room

Leman Locke Hotel,

Londres

Texte : Déborah Pham Photos : Marie-Amélie Tondu

Cet après-midi, peu de gens se promènent dans le quartier de Whitechapel. Des touristes se dirigent vers Treves, où les clients se pressent encore pour siroter une tasse de café préparée avec soin par James Wise, l’un des baristas les plus cotés à Londres. L’hôtel s’ouvre justement sur ce coffee shop. Fauteuils moelleux, couleurs pastel, pâtisseries, buttermilk pancakes et full english breakfast pour le brunch. Merci pour le réconfort. À l’étage se trouve Hyde, un bar à cocktails où l’on se restaure aussi d’une cuisine légère, gourmande et bien ficelée. Plus haut encore, la chambre avec vue sur d’immenses buildings gris. Conçu comme un business hotel, le Leman Locke est l’endroit parfait où l’on aimerait s’attarder quelques semaines. Ne serait-ce que pour feuilleter ce livre de design laissé sur la table basse. Ne serait-ce que pour boire du thé dans le grand canapé. Ne serait-ce que pour profiter de la vue sur les buildings déserts le week-end. 46


Eat Il y a le coffee shop au rez-dechaussée où l’on peut prendre son café à emporter avant d’aller visiter l’une des galeries voisines. On peut aussi le boire au bar en papotant avec James. Côté cuisine, la maison a choisi de travailler avec George Tannock, un ancien du fameux restaurant The Fat Duck.

Drink Au choix parmi une sélection de cocktails classiques et quelques créations maison à siroter dans un resto-bar considéré comme l’un des plus photogéniques de la ville. Drôle de distinction mais promis, au-delà de leur

fort potentiel instagrammable, les cocktails sont hyper réussis. On opte pour Naked & famous (Chartreuse jaune, Apérol, mezcal et citron vert), Over oceans (gin, café kenyan, cardamome, citron et orgeat), par exemple !

Exercize La direction le dit très bien : la plupart des salles de gym dans les hôtels s’apparentent plus à des « boîtes à chaussures » dans lesquelles on retrouve deux ou trois machines. Ainsi, l’hôtel aime organiser des sessions sportives avec un coach, que ce soit pour un cours de yoga ou de fitness. Après l’effort, 47

le spa (en chambre) pour des massages ou des soins.

Look Situé à quelques minutes de Spitalfields et Brick Lane, le Leman Locke a tout bon. On trouve une multitude d’excellents restos dans le coin. L’un de nos favoris : St John Bread & Wine. Depuis ses quelques 168 chambres, une vue vertigineuse sur les immeubles voisins. Chambres à partir de 135 € Aldgate, East London 15 Leman Street, London E1 8EN lockeliving.com/leman-locke


Exposition : Thomas Ruff: Photographs 1979 – 2017

Londres, autour du Leman Locke Hotel See Whitechapel Gallery La Whitechapel Gallery est une galerie d’art contemporain située dans un quartier connu pour être un véritable hub créatif londonien. On file y voir les photos de Thomas Ruff jusqu’au 21 janvier 2018 ou encore les installations de Leonor Antunes jusqu’en avril 2018. 77-82 Whitechapel High St

Electric Cinema

Tayyabs Un restaurant indien ouvert depuis 1972 et qui ne désemplit pas. Tout un programme. Déjà, on prépare sa venue en prenant bien soin de réserver une table pour se régaler de ses fameuses côtelettes d’agneau grillées. L’atmosphère est assez bruyante mais qu’importe, on est bien chez Tayyabs et la cuisine y est délicieuse. 83-89 Fieldgate St, Whitechapel

Ottolenghi Spitalfields

Aller voir un film dans de confortables fauteuils en buvant une bière (et, si on le veut, en mangeant un burger) c’est possible ! Compter environ £19 pour les sièges avec la meilleure vue et £10 pour le dîner. La programmation est assez éclectique, allant du film d’auteur aux films du box office, en passant par quelques classiques légèrement coupables (Le Roi Lion).

On peut y petit-déjeuner, y déjeuner ou même y dîner. Tout est toujours très bon (et relativement sain) chez Yotam Ottolenghi. Connu pour ses nombreux ouvrages culinaires ( Jérusalem, Plenty et Plenty more, notamment), Yotam Ottolenghi s’inspire essentiellement de la cuisine du Moyen-Orient. On se régale de baba ganoush, de koftas et de shakshuka !

64-66 Redchurch St, Shoreditch

50 Artillery Ln

Raven Row

Spitalfields Market

Raven Row est un centre artistique à but non-lucratif où l’on découvre essentiellement le travail d’artistes étrangers. Jusqu’au 3 décembre 2017, la galerie exposera le travail de l’Italien Gianfranco Baruchello à travers ses sculptures, ses peintures et ses films.

L’endroit parfait où flâner le week-end en attendant d’aller déjeuner dans les restos alentours. On y trouve de nombreuses boutiques d’art, de mode et d’antiquités. Plus encore, on aime ses nombreuses échoppes de street food qui proposent des cuisines du monde entier.

56 Artillery Ln

Eat

Brushfield St

The Shed Ce resto, c’est la ferme à la ville. C’est un pied-de-nez à l’avocado toast. C’est la cuisine hyper travaillée d’un mec un peu obsédé par son métier au point de faire ses charcuteries maison (oh la la, le chorizo). C’est bon, doux, réconfortant. Exactement ce qu’il nous faut en automne. 122 Palace Gardens Terrace, Kensington

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Get a room

Lyles James est un gentleman. C’est ce qu’on dit en ville. Peut-être que sa cuisine est comme ça aussi. C’est même sûr : cuisine de saison, associations détonantes et très belles assiettes. On termine avec les excellents fromages de Neal’s Yard Cheese ! Tea Building, 56 Shoreditch High St

Drink The Ten Bells When in Rome… Bienvenue, vous êtes chez Ten Belles, l’un des pubs les plus connus de la ville et pour cause, on y trouve une excellente sélection de bières et de cocktails. Concerts, soirées quizz et une étrange histoire mêlée à celle de Jack l’Eventreur. C’est génial et c’est plutôt authentique. Keep it real, comme ils disent. 84 Commercial St, Spitalfields

Ace Hotel Petit temple de la coolness à la fois agaçant et délicieux… Bye bye les jus de fruits pressés à froid du matin, hello les cocktails dans le Gallery bar avec des concerts et autres performances artistiques au Miranda (dans la cave de l’hôtel). 100 Shoreditch High St

Experimental Cocktail Club Coincé entre deux restos de Chinatown, l’Experimental Cocktail Club représente la crème de la crème des cocktails

pour bon nombre de londoniens. Atmosphère détendue, cocktails hyper originaux. Bonne soirée en perspective. 13a Gerrard St

→ Y aller ­­—­­ Avec un peu de chance, on s’en tire pour 78 euros en train avec Eurostar. La compagnie propose régulièrement des offres intéressantes, on vous recommande de vous inscrire à la newsletter pour en être informé ! Notre conseil : Prenez une Oyster card une fois sur place, c’est bien plus pratique pour vous déplacer.

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À table


Au passage Texte : Déborah Pham Photos : Tiphaine Caro

La musique résonne dans le restaurant et, de temps à autre, le son d’un couperet claque contre une planche. Nous sommes au restaurant Au Passage tenu par Audrey Jarry et Jean-Charles Buffet.

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David Harrison, entre deux dĂŠcoupes de volailles.

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À table

En rentrant à Paris, Audrey et Jean-Charles décident de se consacrer à leur projet commun : ouvrir leur premier restaurant.

Tout commence par hasard, une rencontre dans un bar de quartier du 18è arrondissement de Paris. « On s’est rencontré il y a douze ans, il devait être 4 heures du matin… On n’était pas très sérieux à l’époque. Remarque, je ne sais pas si on l’est devenu », s’amuse Jean-Charles.

( Jones, Le Bien Venu, Les Pères Populaires, ndlr). Ils tombent sur ce petit troquet planqué dans un passage du 11è arrondissement. Jean-Charles se rappelle : « C’était un petit bar de quartier qui avait ouvert il y a 80 ans. On a changé pas mal de choses et en même temps on a voulu le laisser dans son jus avec ses portes de frigos des années 20, son bar en bois… Un jour, une dame est entrée et nous a confié qu’elle venait manger ici tous les jours en 1947, elle travaillait juste au-dessus ! »

À l’époque, Audrey travaille pour une banque privée et exerce aussi en tant que secrétaire. Elle se souvient : « Je me cherchais un peu, je changeais de métier tous les six mois. Un beau jour, j’ai arrêté tout ça et j’ai commencé à bosser dans des petits bars après avoir rencontré Jean-Charles. Je servais des petits blancs aux papys. J’étais plutôt fêtarde, je me disais qu’au moins j’étais dans mon élément et ça me plaisait bien ! » Jean-Charles travaille alors dans le cinéma : « J’étais sur un gros film à l’époque, un truc assez ambitieux qu’on faisait avec Eric Cantona et sa femme Rachida Brakni. C’était un super casting et ça s’est cassé la gueule. Au fur et à mesure, j’en ai eu un peu marre de ce milieu ; mais quand t’es jeune c’est super ! »

Audrey travaille dans différents resto’ avant l’ouverture d’Au Passage, pourtant elle a failli abandonner le milieu, découragée par des expériences malheureuses dans de grandes maisons. Elle se souvient : « J’avais un chouette CV, je trouvais de bonnes places dans des restaurants prestigieux. À chaque fois, j’ai détesté l’ambiance un peu militaire, le manque de lien entre la salle et la cuisine… Je me suis retrouvée chez Spring, le restaurant de Daniel Rose qui avait ouvert dans le 9è arrondissement. Le chef m’a fait aimer ce boulot à nouveau, je l’ai suivi dans le second Spring où j’ai rencontré James Henry. Il devait repartir en Australie, mais je lui ai proposé de nous donner un coup de main pour l’élaboration de la carte de notre futur resto’. »

Audrey et Jean-Charles décident de vivre à Londres et partent avec deux sacs à dos. Pendant un an et demi, Audrey travaille dans un restaurant français où elle devient assistante manager puis passe un diplôme dans le vin tandis que Jean-Charles fait des extras dans des resto’ tout en travaillant sur un scénario. En rentrant à Paris, ils décident de se consacrer à leur projet commun : ouvrir leur premier restaurant. Ils s’associent avec plusieurs amis dont le chef-restaurateur Florent Ciccoli

Fille de vigneron en Champagne, Audrey se concentre particulièrement sur le vin. Elle passe un diplôme de sommelière et travaille quelques temps à La Contre-Étiquette, une cave à vin où on trouvait de nombreuses références 53


À table

de vins natures. Aujourd’hui La ContreÉtiquette n’existe plus, elle a été remplacée par le joyeux bistrot La Cave à Michel. Au Passage servira donc des vins natures, très peu de références puisque nous ne sommes qu’aux prémices de ce mouvement de vignerons souhaitant travailler dans le respect de la terre. Audrey et Jean-Charles n’auraient pas envisagé travailler autrement : « À l’époque notre restaurant préféré c’était Le Chateaubriand. Pour nous, ils ont été des mentors : on s’est rendu compte qu’il était possible de travailler autrement. On n’a rien inventé, ce sont les rencontres et les sensibilités de chacun qui ont créé ce qu’est Au Passage », raconte Audrey. Au départ, Florent et Jean-Charles n’ont qu’une ambition : « On se disait juste qu’on allait filer des trucs bons à manger avec des trucs bons à boire, sans chercher plus loin ! » Très vite, Au Passage commence à travailler avec Terroirs d’Avenir : « Alexandre Drouard faisait les livraisons dans sa bagnole, on a grandi côte-à-côte finalement. Je viens du Berry et Audrey de la Champagne, on connait bien la campagne, on aime aller cueillir des champignons, ou partir voir des producteurs… Les bons produits on les connait, mais c’est un boulot monstre de les sourcer. Ce qu’a fait Terroirs d’Avenir, c’est magnifique… Et titanesque en termes de charge de travail » explique Jean-Charles.

et y restera près d’un an. Le succès est au rendez-vous, le restaurant ne désemplit pas et la presse est unanime : « On a eu un prix au Fooding quelques semaines après l’ouverture. Ça représentait beaucoup pour nous, ça voulait dire qu’on faisait partie de cette frange de resto’ qui fait de la bonne bouffe pas chère avec des bons vins tout en étant habillés à la cool,  » raconte Audrey. Jean-Charles poursuit : « La réputation de James grandissait. Je me souviens que parfois les gens passaient une tête par la fenêtre de la cuisine en lui demandant combien il gagnait pour le débaucher et lui proposer le double ! » La bistronomie avec ses petits plats bien gaulés et ses chefs tatoués finit par gagner du terrain au détriment de restaurants plus classiques. James finira par quitter Au Passage afin de créer le restaurant Bones aux côtés de Florent Ciccoli. « Après le départ de James, nous avons eu Shaun Kelly, un Australien qui est resté quelques mois. Malheureusement il a eu un problème de visa qui a précipité son départ pour l’Australie. Edward Delling, qui était alors son second, a pris sa place en attendant son possible retour. Tous deux avaient travaillé au restaurant St John à Londres. Les démarches pour l’obtention d’un visa duraient des semaines et nous avons donc gardé Edward. C’était un peu un punk mais si tu regardes bien, on n’a eu que des chefs étrangers plutôt rock’n’roll ici. » Edward quitte Au Passage pour créer son restaurant Le Grand Bain et c’est David Kjellstenius, ancien second avec Dave Harrison, qui a décidé de prendre les rênes de la cuisine pendant dix mois. Depuis près d’un an, Dave Harrison est le chef du restaurant, accompagné de Måns Engberg, son second. Le restaurant est connu pour avoir eu de nombreux chefs depuis son ouverture et pourtant, Au Passage tient bon : « Bien-sûr que ça serait plus simple d’avoir des chefs qui restent un peu plus longtemps, mais tous les cuisiniers qui ont travaillé chez nous ont fait des trucs cool après. Le fait de changer de chef assez régulièrement est peut-être un avantage aussi après tout, ça donne sûrement un nouveau souffle à l’équipe, » explique Jean-Charles.

L’ouverture approche, Audrey attend un enfant. Jean-Charles se rappelle : « Je te revois encore, enceinte de huit mois, debout sur une chaise en train de repeindre le mur ! » Audrey sourit et ajoute : « Pendant les travaux, j’étais enceinte jusqu’aux dents et je m’activais partout pour essayer de rendre cet endroit joli. J’étais tellement contente d’avoir deux bébés en même temps. Le restaurant et notre fille. Elle est née trois mois après l’ouverture. » Au départ, Audrey, Jean-Charles et Florent projettent de faire la cuisine eux-mêmes en suivant la carte imaginée par James Henry. Ce dernier finit par travailler en cuisine 54


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À table

à la retraite, ses grands-parents décident d’investir dans un restaurant sans trop d’expérience dans le domaine. Nous sommes chez Chicken Scratching à Fort Worth, Dallas. Dave entre en cuisine pour la première fois à l’âge de 14 ans, il se souvient : « C’était en pleine campagne juste à côté de ma ville de naissance qui est une vraie ville de cow-boys. Chaque village dispose d’une place carrée en plein centre où tu trouves un hôtel de ville, des boutiques, des maisons pittoresques… Et le drapeau du Texas qui flotte dans les airs. C’est là que ma famille a décidé de s’installer. » L’intérêt du chef pour la cuisine se révèle très tôt puisqu’il mange quelques bizarreries sous le regard étonné de ses parents. Très vite, il envisage de faire de la cuisine son métier : « Quand j’étais jeune, il n’y avait pas de chef star pour te faire rêver, hormis Anthony Bourdain. Je rêvais d’être une rock star et pour moi, le mode de vie qui s’en approchait le plus était

Dave Harrison, c’est l’attitude. La force tranquille et le talent discret. Il a pris la place de David il y a presque un an et dans l’assiette, ça a été le coup de foudre. Le chef tend son menu à Audrey qui le lit en concluant dans un sourire : « Oh la la, ça va être très bon ce soir. » Elle le dit d’ailleurs : « Dave va être un très grand chef. On a atteint un très haut niveau en cuisine avec lui, les chefs ont tous été supers, bien-sûr, mais on sent quelque chose de différent avec Dave et on aime beaucoup ce qu’il fait. » Dave est né au Texas mais il a grandi en Alaska. Au moment d’entrer au lycée, ses parents sont rentrés au Texas : « Je ne connaissais personne. Les gens avaient tous grandi ensemble dans ce petit village et je ne leur ressemblais pas. Je les trouvais hyper croyants, hyper sages, et moi tout ce qui m’intéressait, c’était la musique. J’étais un peu le bad boy rebelle qui vendait de l’herbe à l’équipe de football américain. » Une fois 56


Dave Harrison, c’est l’attitude. La force tranquille et le talent discret. les sorties sont limitées. « Un jour, j’ai rencontré quatre Danoises qui étaient là pour un festival. Elles faisaient du couchsurfing chez un mec chelou, je les ai donc hébergées. L’une d’elle m’a proposé de venir à Copenhague pour découvrir la scène culinaire danoise. » Dave débarque au Danemark quelques mois plus tard et se retrouve à bosser chez Noma alors qu’il n’a que peu d’expérience en cuisine : « J’ai fait comme d’habitude, j’ai observé les autres et j’ai fait semblant de savoir ce que je faisais ! Les stagiaires avaient tous un excellent niveau. C’était au moment de l’explosion du resto’, il commençait à être renommé même pour les gens qui n’étaient pas du milieu. Le contrecoup de tout ça, c’est que René Redzepi était hyper nerveux, il avait trop de pression. L’ambiance était toxique, des cuisiniers jetaient des préparations pour que le cuistot suivant se fasse démonter par le chef… Ça a été ma première expérience dans un restaurant gastronomique. » Retour à Austin et donc à Vespaio. Curieusement, son stage lui attire quelques moqueries de la part de ses collègues qui imaginent que chez Noma, on ne fait que déposer de jolies fleurs dans les assiettes. Un jour, il rencontre Paul Qui, un des premiers gagnants de l’émission Top Chef aux ÉtatsUnis, qui ouvre son premier restaurant au Texas. À ses côtés, Dave apprend énormément mais manque encore de discipline et n’apprécie pas vraiment l’autorité qui règne en cuisine : « Répondre « oui, chef », c’est pas mon truc. »

En même temps, il entre à l’université : « Ce n’est pas simple d’entrer à la fac aux États-Unis, c’est super cher, il faut un très bon dossier… Mon père ayant travaillé en tant que pilote pour l’armée, le gouvernement nous a octroyé une bourse. Je me suis alors retrouvé dans une université privée et catholique. Je détestais les gros bourgeois de mon école. » Dave tient bon un an et demi avant d’annoncer à ses parents qu’il souhaite arrêter ses études. Pour sa mère, la cuisine n’était pas une carrière. Elle voyait les cuisiniers comme des bad boys qui buvaient trop d’alcool, prenaient trop de drogues. « Il faut dire que mes parents m’avaient déjà surpris en train de faire pousser des champignons hallucinogènes dans ma chambre quand j’étais ado’. Ils m’avaient à l’œil », s’amuse Dave. Il prend un poste à Vespaio à la station froide. Il est alors le plus jeune en cuisine et manque encore d’expérience. Les autres cuisiniers ne le prennent pas trop au sérieux mais de son côté, Dave s’accroche : « J’ai souvent fait semblant de savoir, très franchement je ne savais pas encore cuisiner. » À ce moment-là, il vit en colocation dans une grande maison. Il n’a pas encore 21 ans donc 57

Découverte

le métier de cuisinier. J’ai continué à bosser pendant mes années au lycée. Je n’apprenais pas grand chose en cuisine mais j’en comprenais le fonctionnement, la vitesse, l’équipement… » Après quatre années passées au restaurant familial, Dave n’est plus certain de vouloir en faire son métier et suit les conseils de sa mère qui l’encourage à poursuivre ses études. Dave arrive à l’université d’Austin, où il étudie le français et l’histoire de l’art. « Austin est la seule grande ville cool au Texas, elle est culturellement hyper intéressante. J’ai adoré y déménager, je voulais me barrer de la campagne à tout prix. C’est une ville géniale pour la musique, les concerts… » À la recherche d’un job à mi-temps, il tombe sur un restaurant italien nommé Vespaio : « C’est une institution, un resto très classique et traditionnel. On y faisait les découpes des viandes, nos pâtes, nos charcuteries, notre mozzarella… J’y ai appris à devenir plus rapide, plus efficace. »


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À table

Très vite, Dave comprend qu’Au Passage n’est pas un restaurant comme les autres et sent tout de suite que cet endroit est parfait pour lui.

Finalement après quelques années passées à Austin, Dave ressent le besoin de changer d’air et Paul Qui lui propose de le suivre à New-York au Eleven Madison Park où il vient d’être embauché en tant que second de cuisine. « Pendant toutes ces années, on m’avait souvent considéré comme un branleur, une tête brûlée qui n’avait pas grand chose à faire en cuisine. Paul a vu quelque chose en moi et ne m’a pas lâché. Le challenge m’a plu, je suis rentré chez mes parents pour me faire un peu d’argent en bossant dans des petits resto’ afin d’économiser pour partir à New-York. » Et là, gros chamboulement. Son ami Dan Bora, rencontré lors d’un road trip en Islande, lui parle de ce restaurant parisien qu’il adore, il s’agit d’Au Passage : « Dan voyage énormément pour son travail, son resto’ préféré c’est le St John à Londres, il y allait tout le temps et y avait rencontré Edward Delling. Par hasard, Dan est retombé sur Edward en allant dîner Au Passage. Ils ont continué à boire des bières ensemble régulièrement et Ed a confié à Dan qu’il était dans la merde et cherchait désespérément un cuisinier. Dan nous a présenté, et le lendemain on s’appelait sur Skype. Ed m’a tout simplement demandé de débarquer à Paris cinq jours plus tard. » À ce moment là, Dave a déjà son billet pour New-York mais décide de tout plaquer. Cinq jours plus tard, il habite à Paris.

travailler en tant que second tout comme David Kjellstenius. Au départ d’Edward, Jean-Charles et Audrey proposent le poste de chef aux deux seconds mais Dave ne se sent pas encore prêt : « Si tu es chef à 21 ans, ce n’est pas bon. D’une certaine manière, tu arrêtes ton apprentissage. On apprend beaucoup de choses au sein d’une équipe et il ne faut pas se couper de ça trop tôt. » David quitte le restaurant quelques mois plus tard et Dave reprend le poste en choisissant de travailler différemment : « Très vite, j’ai décidé que je ne voulais pas de cuistots. Pour moi, on est tous chefs. Même à 19 ans, je veux que les gens pensent par eux-mêmes, je ne veux pas d’un simple exécutant à qui je dis quoi faire, cette relation ne m’intéresse pas. On est tous sur un pied d’égalité. J’apprends tous les jours, je me trompe parfois, mais j’écoute toujours les remarques de mon équipe. Mieux vaut avoir quatre cerveaux qui avancent à l’unisson plutôt qu’un mec qui donne la direction aux autres. » James Henry, Shaun Kelly, Quina Lon (ex-chef pâtissière qui a ouvert Muscovado, ndlr), Edward Delling, David Kjellstenius… Tous ont eu un beau parcours après avoir travaillé Au Passage qui est devenu une véritable plaque tournante pour les chefs, faisant du restaurant un lieu unique à Paris. Dave explique : « Je crois que c’est un lieu particulier pour les jeunes cuisiniers, ce n’est pas une situation classique avec un chef qui nous apprend tout. C’est un endroit où on apprend beaucoup les uns des autres. C’est ce qui donne de la confiance en soi et c’est primordial. C’est quelque chose qu’on n’a plus trop dans les restaurants classiques parce

Très vite, Dave comprend qu’Au Passage n’est pas un restaurant comme les autres et sent tout de suite que cet endroit est parfait pour lui. Pour la première fois, on lui permet d’être lui-même, d’exprimer ses idées. Il commence à 60


qu’il y a une marche à suivre, et souvent très peu de place pour l’improvisation. Ici, on a la liberté. Tu peux te révéler puisqu’il n’y a pas de contexte ni de concept bien défini. »

passion pour la cuisine traditionnelle française. C’est lui qui nous faisait les babas au rhum, les terrines, … Il aime cuisiner la blanquette de veau, les vol-au-vent, la tourte de cervelle… », explique Jean-Charles. Cela fait plus de sept ans qu’Au Passage est ouvert, une prouesse pour un bistrot dans une petite rue planquée. Qu’est-ce qui fait que ça dure ? « Ce qui fait durer notre histoire, c’est qu’on est amoureux du lieu et que malgré les difficultés que connaissent les restaurateurs, on ne baisse jamais les bras. Quand les gens n’ont pas envie de bosser ici passionnément, ils ne s’attardent pas », raconte Jean-Charles. Et eux deux, dans tout ça ? Audrey conclue : « L’équilibre entre nous s’est créé au fil du temps, on est devenu assez complémentaires… Je ne sais pas vraiment ce qui fait que ça marche depuis tant d’années, mais j’imagine qu’il faut s’aimer très fort. »

La liberté et une atmosphère détendue, c’est tout ce qu’a toujours souhaité Audrey : « On travaille dur mais c’est un petit resto’, c’est très important qu’on s’entende bien. Il n’y a pas vraiment de chef, c’est plus cool comme ça. On n’est pas dans un restaurant hyper strict où les gens se font parfois maltraiter et se retrouvent à récurer la cuisine avec une brosse à dents. Dave essaie d’être avec son équipe comme il aimerait qu’on soit avec lui. » Dans quelques semaines ouvrira leur nouveau restaurant Buffet qui proposera une cuisine française plus traditionnelle : « On va avoir un chef australien qui est l’ancien second de Dave. Il ressemble un peu à Alain Souchon. Il s’appelle Chris Edwards et il a une vraie

Au Passage­­— 1bis Passage Saint-Sébastien, 75011 Paris

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Humeur

Amitiés bourratives Texte : Marine Normand Illustration : Zoé Lab

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Que répondre ? Franchement. « Ah. Moi, pas vraiment. » J’avais autant envie de voir Amélie que de passer mon samedi après-midi avec mon père chez Norauto pour changer ses plaquettes de frein. Mais ce « Ça me ferait plaisir », c’est la formule imparable, ça déverrouille forcément un « Oui, moi aussi » de politesse. C’est par ce genre de tournures culpabilisatrices qu’on se retrouve à Fontainebleau un dimanche à huit heures pour déménager un collègue de travail, à garder un gosse infernal un samedi soir alors qu’il y a une crémaillère chez un mec digne d’une pub pour le yaourt, ou à promener une télé dans tout Paris à pied. « Ça lui ferait plaisir. » Alors j’y suis allée, à ce foutu déjeuner. Amélie a toujours du retard, pas assez pour qu’on puisse lui hurler dessus mais assez pour que la bouffonne, comme moi, qui arrive tôt, ait envie de partir précipitamment. Bien sûr, elle arrive toujours à ce moment-là, et ne s’excuse jamais. Tout de suite c’est une effusion, un câlin, alors que nous ne sommes même pas si proches. Je m’aperçois qu’elle est en train de réaliser et jouer dans le long-métrage de sa vie, et qu’avec ce contact physique, elle accepte, toujours dans sa grandeur d’âme, de m’offrir un rôle parlant. Merci, vraiment. Juste après son accolade, je constate qu’elle me gonfle déjà. Je m’en veux d’avoir accepté, je m’en veux de lui en vouloir parce que son seul défaut dans la vie c’est qu’elle sait ce qu’elle fait, contrairement à moi. Je m’aperçois que je ne tiendrai pas tout un repas. Elle m’a donné rendez-vous dans un restaurant à la décoration type « hutte danoise », tenu par un mec avec un physique à ne jamais me rappeler si on se roulait des pelles à une soirée. Encore plus radieuse que la dernière fois où l’on s’était croisées, il y a maintenant quelques mois, elle suinte autant le bien-être qu’un magasin Nature et Découvertes. - Ça fait combien de temps qu’on ne s’est pas vues ? Avant l’été, c’est ça ? - Oui, sûrement, le temps passe tellement vite. Bim, une phrase toute faite. Ça lui apprendra à faire la meuf émue par notre amitié bouleversante. Je fais genre que je ne me souviens pas de la date alors que si, c’est la fois où elle m’a annoncé qu’elle suivait son mec trop cool dans une ville trop bien et que, coup de bol monstrueux venu d’on ne sait où, elle avait trouvé grâce à des potes trop sympas un boulot trop passionnant. Après deux heures à me réjouir pour elle, j’étais rentrée dans ma colocation, j'avais enfilé un legging troué pour finir les restes de pâtes oubliés par celle qui partageait avec moi l’appartement - ma petite sœur étudiante - en fixant les jointures moisies de ma cuisine. Trop belle fin de soirée. Je ne sais pas ce qu’Amélie me préparait cette fois-ci. Je m’étais entraînée comme un vieux bot sur MSN à répéter des « whoah, super » et des « hanlala, magique ». Je savais aussi que je ne prendrais ni café ni dessert, histoire de raccourcir au maximum cette corvée qui était censée me rapporter des points de karma, comme on me l’avait précédemment appris au caté’. 63

Humeur

« Ça me ferait vraiment plaisir de te voir, tu sais. »


Humeur

Alors qu’il avait fait semblant de ne pas me voir dans son restaurant de six couverts, le serveur célèbre l’arrivée d’Amélie avec du pain, une carafe d’eau et des serviettes en tissu. Et là, sur cette table en bois tropical venue d’une brocante de gens chiants prêts à payer 300 balles pour un tabouret en formica, je prends inconsciemment une décision. Cette corbeille de pain, là, elle me servira de doudou. Elle me permettra à grands coups de gluten de couper les relents de ma mauvaise foi, elle bloquera mes sanglots de pauvre meuf jalouse, elle m’empêchera de me moquer de ses tournures de phrases pédantes dignes des pires bouquins de chez Gallimard. Le pain. Aujourd’hui, tu me le promets, tu enfiles ton plus beau préfixe. Tu seras mon co-Pain. Aide moi dans les tumultes de cette conversation. Première tranche. Elle a tellement de choses à me dire, ohlala, et j’ai pas changé hein, c’est dingue, ça lui fait grave plaisir de me revoir, je bosse toujours pour ce truc dont elle a oublié le nom ? Ça doit être fatiguant non ? Deuxième tranche Elle c’est la f-o-l-i-e. Elle est là cette semaine mais repart vite chez ses parents en Normandie. Son mec va bien, gros contrat et tout, elle est fière, et puis voilà, j’ai bien regardé autour de son cou ? Oui, il lui a offert un petit pendentif en diamant, quand ils sont partis en vacances. La chiale, elle se sentait pas prête, mais bon, faut bien avancer non ? Elle a mon âge, il était quand même temps de s’engager, de penser bébés, et avec lui c’est le bon, elle le sait. Troisième tranche Faut que j’y aille mollo sur le pain, non ? Je n’aurais plus faim après. Quatrième tranche, la plus grosse parce qu’elle m’a soulée avec sa remarque de daronne (je commande déjà une nouvelle corbeille et la carte, c’est bon je m’installe pas plus de 45 minutes dans son restaurant Instagram, j’ai un Twister à animer à la fin de la semaine.) Ça me va bien ce piercing, c’est nouveau ? À trente ans c’est courageux, faut réaliser ses rêves, et puis tant que ça me fait plaisir... Elle, elle est bien allée voir les aurores boréales en Islande. Le genre de voyage qui change une vie. NOUVELLE CORBEILLE : cinquième tranche Elle prend une salade et un citron pressé et insiste auprès du serveur pour savoir s’il y a du curry dans la sauce, elle est allergique. Je commande une pizza. Et j’hésite même à en prendre une à la saucisse. Je suis végétarienne. Voilà à quel point j’ai envie de me noyer dans le gras. Je me ravise. Les cochons ne m’ont rien fait. Je prendrai un mi-cuit au chocolat. À emporter. Sixième tranche Le serveur me regarde bizarrement. Dans son restaurant de bonasses, il est peut-être pas habitué aux gens qui apprécient le gluten. Il s’en remettra, mais en même temps je ne peux pas lui en vouloir. J’ai dû m’enfiler l’équivalent 64


Septième tranche Mon estomac essaie de gérer les entrées de tranches de pain comme un vigile du VIP Room les blaireaux de fils à papa en polo Ralph Lauren. Il y en a trop. Il essaie de leur dire de repasser plus tard. Je me mets à prier mentalement. Pitié. Ne ramenez pas la pizza. Je n’ai pas besoin d’elle. J’ai besoin de pain. Filez moi des baguettes. Qui les fait, d’ailleurs ? Je veux connaître le boulanger. Je veux l’épouser. Je veux mourir le nez dans du pain complet. Ils ont du beurre ? Peut-être que si je mets du sel sur du beurre ça fait comme du beurre salé. Je demande ou pas ? J’ose pas. Je peux échanger contre une assiette de fromage ? Je suis perdue. Je veux manger des trucs au pain. Ils ont du tarama ? Ou du tzatziki, je m’en fous. Non, du caviar d’aubergines. Ça, ça serait vraiment cool. Je regarde sur la carte. Il n’y a rien, juste deux plats aux graines germées. Je hais cet endroit. Huitième tranche. Amélie me demande si ça va. Le serveur évite notre table. Je le déteste. Je décide de changer d’avis : je lui aurais trop pas roulé des pelles en soirée avec ses tatouages triangle de crâneur. Je suis sûre qu’il vit dans la page 78 du catalogue Habitat. Et qu’il a des pots pourris dans ses toilettes. Il me dégoute. Évidemment que ça va. Je suis comblée. Le pain a bouché tous les petits trous de mon cœur, de mon amour propre, il a tout colmaté à la mie. Je me sens bien. Rien ne m’atteint. NOUVELLE CORBEILLE : Neuvième tranche Mon estomac décide d’être l’adulte dans le trouple qu’on forme ensemble avec les miches et ferme Glutenoland. J’ai un peu envie de vomir. C’est bien. Ça me donne une bonne raison pour y aller. Je prétexte une urgence au travail et elle comprend, même si « elle a toujours pas mis le doigt sur ce que je faisais concrètement. » Mais tu sais quoi, mets le doigt nulle part Amélie. Ce n’est pas pour les filles comme toi. Je prends quand même la moitié de l’addition en insistant, je ne suis pas en galère financière, OKAY, ÇA VA LÀ LA PITIÉ, JE GÈRE MOI AUSSI et lui répète avec mon regard de Mickey que « si si ça me fait plaisir. » De quoi ? De payer 30 balles pour trois pauvres corbeilles de pain et une pizza que je ne peux même pas regarder dans les yeux ? ÉVIDEMMENT QUE ÇA ME RÉJOUIT. En m’infligeant une dernière embrassade, je lui répète que c’était court mais intense, tellement dommage, et que j’espère qu’on se verra tout vite. N’hésite pas à me rappeler quand tu repasses à Paris, Amélie. Ça me ferait plaisir, vraiment.

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Humeur

d’une baguette, et je continue. Juste pour être encore plus lourde et bien tassée sur sa chaise de pseudo designer, j’ai envie de boire. Ça gonflera peut-être la mie déjà ingérée et ça me bouchera les oreilles. De cette manière, je n’aurais pas à me taper cette discussion qu’elle anime toute seule. Je crois qu’elle parle de son parquet là. Venez m’achever.


Recettes

L'automne dans l'assiette Ah l’automne et ses recettes réconfortantes… Champignons des bois, courges, légumes racines… Les idées de recettes ne manquent pas, surtout dans la cuisine d’Adriana Seghetta. Ses recettes sont simples à réaliser, régressives et délicieuses. Elles se déclinent facilement avec d’autres ingrédients de saison, régalez-vous ! Recettes : Adriana Seghetta Photos : Noémie Cédille

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Recettes

Sel Un brin de thym Huile d’olive Une dose de sucre Deux doses de vinaigre blanc Trois doses d’eau Un morceau de courge butternut Quelques pousses de shiso Quelques châtaignes grillées découpées en morceaux

Préparation Pour les pickles, couper des tranches de butternut à la mandoline. Dans une casserole, faire chauffer le sucre, le vinaigre et l’eau jusqu’à ce que le sucre soit dissout. Une fois le mélange tiède, plonger les tranches de courge et réserver pendant au moins 2 heures.

Velouté de carottes, pickles de courge, shiso et châtaignes

Ingrédients pour 4 personnes 500 g de carottes 50 cl de lait cru 50 g de beurre Une pincée de piment d’espelette

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Mettre tous les ingrédients dans une casserole hormis le sel et l’huile d’olive. Porter à ébullition puis baisser le feu. Poursuivre la cuisson à feu doux jusqu’à ce que les carottes soient cuites. Retirer le thym de la préparation puis mixer tout en ajoutant un filet d’olive et terminer par une pincée de sel. Réserver. Dans un bol ou une assiette creuse, verser un peu de soupe et recouvrir de courge, de châtaignes et de shiso. Déguster.


Recettes

œuf cuit basse température, cèpes et pesto de cresson Ingrédients pour 4 personnes

Préparation

4 œufs de poules heureuses Une botte de cresson (garder quelques pousses pour le dressage) Une poignée de roquette 80 g de parmesan 50 g de noisettes 100 ml d’huile d’olive 400 g de cèpes 20 g de beurre Une branche de thym 2 gousses d’ail Sel et poivre

Placer un thermomètre dans une casserole d’eau à feu doux. Attendre que la température atteigne les 63°C. Mettre les œufs dans la casserole et laisser cuire pendant 1 heure tout en maintenant la température. Réserver.

Écraser les gousses d’ail en chemise avec la paume de la main afin que le parfum se dégage mieux pendant la cuisson. Couper les cèpes en morceaux. Dans une poêle, faire revenir les ingrédients dans du beurre, saler et poivrer.

Pour le pesto, placer tous les ingrédients sauf l’huile d’olive dans un robot mixeur. Mixer tout en ajoutant l’huile d’olive. Réserver.

Dans une assiette, déposer une cuillère de pesto, ajouter les cèpes et casser un œuf au centre de l’assiette.

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Recettes

Gâteau à l’orange de mon enfance

Pour la crème à l’orange, mettre tous les ingrédients dans une casserole sauf le beurre. Chauffer à feu doux tout en mélangeant. Lorsque le mélange commence à figer, ajouter le beurre hors du feu tout en mélangeant. Réserver.

Ingrédients 250 g de beurre à température ambiante 420 g de sucre 420 g de farine 5 œufs 2 sachets de levure chimique 200 ml de jus d’orange 25 g de maïzena 150 g de sucre 150 ml de jus d’orange 215 ml d’eau froide 1 jaune d’œuf 30 g de beurre 1 blanc d’œuf 100 g de sucre glace à monter au fouet

Préparation Préchauffer le four à 180°C. Fouetter le beurre pommade avec le sucre. Ajouter les œufs un à un. Tamiser la farine et la levure et continuer à fouetter. Ajouter le jus d’orange et mélanger jusqu’à ce que le mélange soit bien homogène. Verser la pâte dans un moule à manqué. Mettre au four pendant 1 heure à 180°C. Vérifier la cuisson à l’aide de la pointe d’un couteau qui doit ressortir sèche. 69

Une fois le gâteau refroidi, découper le haut délicatement. Tartiner la surface de crème à l’orange avant de le recouvrir du haut du gâteau. Battre le blanc d'œuf avec le sucre glace et recouvrir le gâteau.


Rencontre

Faiminisme : La cuisine féminine, sensible et délicate n'existe pas et Nora Bouazzouni bouillonne quand on lui affirme le contraire. Exaspérée par le sexisme en cuisine qui voudrait que les femmes préfèrent les carottes râpées à l'entrecôte béarnaise, la journaliste pour Slate et Libération a écrit un premier livre mordant et passionnant sur la domination masculine qui s'exerce jusque dans l'assiette.

le sexisme a la dent dure Texte : Hélène Rocco Photos : Agathe Boudin et Thaïs Paulian

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Rencontre

Après ça se déroule tout le long de ma vie. Au resto, un serveur qui me demande si je suis sûre que je veux un dessert. Ou dans la rue, si je mange une banane je sais d'avance que je me prendrais des remarques ou un «gourmande !» En fait, en tant que femme, on est candidate au désir de l'homme et on est surveillée.

Mint : À quel moment est-ce que tu t'es dit qu'il fallait écrire Faiminisme ? Nora Bouazzouni : Je ne pensais pas que

je pouvais écrire un livre, j'avais un peu le syndrome de l'imposteur … mais on est venu me chercher. Anne et Antonin (de la maison d'édition Nouriturfu, ndlr) avaient une idée de bouquin sur le sexisme en cuisine. Ils aimaient mon ton acide et, quand on s'est rencontré, l'idée m'a plue. Je n'ai eu que trois mois et demi pour l'écrire, ce qui est vraiment très court, et ils m'ont donné carte blanche. Le constat est assez sombre mais je voulais que ce soit une porte d'entrée vers le féminisme pour les lecteurs. Qu'ils puissent picorer sans être plombés, recontextualiser les combats pour avoir envie d'agir. Parce que sinon autant aller vivre dans une grotte en faisant des doigts à tout le monde.

Ça remonte à quand cette domination ?

Au Paléolithique, la division sexuée du travail a commencé. Les femmes étant très souvent enceintes, il était compliqué pour elles d'aller chasser le mamouth. Certains disent aussi que les hommes leur auraient confisqué les outils tranchants car puisqu'elles donnaient la vie, elles ne pouvaient pas donner la mort. Le patriarcat est parti de là. Au Néolithique, quand l'homme s'est sédentarisé grâce à la mise en place de l'élevage et de l'agriculture par les femmes, on a commencé à s'échanger les femmes.

C'était quand, la première fois qu'on t'a fait une remarque sexiste sur la bouffe ?

À 8 ans, j'allais acheter des croissants quand la boulangère m'a dit : « Deux minutes dans la bouche, dix ans dans les hanches. » J'étais une enfant et pourtant j'ai compris tout de suite. J'avais peur d'être grosse. Quelques années plus tard, ça recommence pendant les vacances : un vendeur de beignets m'a balancé, alors que j'étais une gamine « Attention ! Ça reste dans les hanches.»

Et cette division se retrouve aussi dans l'assiette : les hommes doivent manger de la viande.

Ça correspond aux stéréotypes féminins / masculins. Les femmes sont compréhensives, les hommes violents, donc la viande c'est viril et masculin. À un homme qui est végétarien, on dira qu'il a un régime « de bonne femme ». 72


Rencontre

La presse féminine nous martèle que l'on doit se faire plaisir mais qu'on doit faire attention. Il faut sans cesse réfléchir à ce qu'on mange.

Pareil s'il aime le rosé ou les mets raffinés. Pourtant les chefs et les pâtissiers les plus connus sont des hommes. Et quand l'OMS a conseillé de manger moins de viande pour faire diminuer les risques de cancer colorectal, les producteurs français ont crié à l'intox comme si ça faisait partie intégrante de leur identité.

être une femme, il ne faut pas prendre de place, pas parler trop fort, sinon t'es un bonhomme. Est-ce que tu te surprends à subir cette pression sur ce que tu manges ?

Bien sûr ! J'ai beau bien vivre mon corps, dès que je sors du cadre, j'ai l'impression que tout le monde me juge. Pareil avec les poils : si je suis mal épilée, je n'ose pas sortir. C'est comme si on me répétait toujours qu'il ne fallait pas que je me repose sur mes lauriers, que mon corps était un ennemi à combattre.

Et les femmes, elles, doivent s'en tenir à de la salade.

La presse féminine nous martèle que l'on doit se faire plaisir mais qu'on doit faire attention. Alors on doit sans cesse réfléchir à ce qu'on mange. En rendez-vous amoureux, c'est flagrant : si on boit trop, « On a une bonne descente », si on prend de la salade, ça veut dire qu'on n'est pas bonne au pieu…

En quoi est-ce qu'on peut relier le féminisme au végétarisme ?

Dans la société, il y a une hiérarchie des êtres pour légitimer les violences. Les hommes sont au sommet, et puis il y a les femmes, jugées moins compétentes, et les animaux qui ne seraient pas dotés de pensée. Les animaux sont massacrés et les femmes exploitées. On les objectifie, tout comme les animaux. Une fois, je me faisais draguer lourdement par un mec devant un bureau de tabac. J'ai répondu que je n'étais pas intéressée et que j'avais un copain, ça n'a rien changé. Mais quand mon mec est sorti du magasin, le gars s'est tout de suite excusé auprès de lui, comme s'il était mon propriétaire.

On ne laisse jamais les femmes manger librement. Tu écris d'ailleurs que leur corps est à construire et non à vivre.

Tu seras jamais parfaite, jamais assez bien. Tu es trop mince ou trop grosse, tu as trop de seins, ou pas assez. Et si une femme autour de toi est à un stade plus avancé de la perfection, c'est l'horreur. Des femmes grosses ou très grosses ont lancé le mouvement body positive pour dire qu'il ne faudrait pas avoir de problème avec leur corps. Sauf que la société te rappelle toujours que pour 73


Rencontre

Et quand des cheffes réussissent à percer, elles sont très peu mises en lumière...

Tu es végétarienne ?

En fait, pour toutes ces raisons là, je me sens coupable quand je mange de la viande. Je ne mange plus de viande rouge depuis des années parce que je me sens trop proche d'une vache, qui ressent de la souffrance et a son propre langage. Et j'ai de moins en moins envie de volaille. Je n'en mange qu'au resto ou pour un barbeuc'. Donc je tend au végétarisme même si j'aurais du mal à arrêter le poisson et les fruits de mer, simplement parce que je ne suis pas en empathie avec eux, alors qu'ils souffrent tout autant. Un jour on m'a dit « On ne peut pas être féministe et carnivore » mais pour moi ces deux combats sont le fruit d'un cheminement intellectuel. Chacun fait à sa manière.

Les hommes se valident entre eux. Il y a de très vieux réseaux et la plupart des critiques culinaires sont des hommes. Évidemment qu'ils vont parler de leurs potes plutôt que de jeunes cheffes s'ils sont dans le métier depuis des années. Ce sont les mêmes qui te parlent d'une cuisine féminine, mais jamais, j'ai vérifié, d'une cuisine masculine. Ça commence à changer avec l'arrivée des auteures, des blogueuses, des instagrammeuses qui vont remplacer ces critiques petit à petit. Et puis ça viendra aussi d'Amérique du Sud où il y a beaucoup de cheffes car le poids de la tradition en cuisine est moins ancien donc plus facile à contourner. Alors on fait quoi pour tordre le cou au sexisme en cuisine ?

En cuisine, les femmes s'occupent des repas familiaux, les hommes sont des chefs, valorisés dans la sphère publique. Pourquoi ?

En tant que journaliste, il faut qu'on mette davantage en valeur les initiatives féminines. Dans le monde de la bouffe, il y a plein de femmes qui bossent dans des assos ou des ONG pour aider les réfugiées à s'insérer à travers des cantines éphémères par exemple. Il y a aussi des coopératives de femmes qui se lancent dans le bio, le locavorisme ou dans le vin nature : dans toutes les niches qui intéressent moins les hommes finalement. Et puis dans la vie, quand on va dans un resto et que la cheffe est géniale, on en parle autour de nous. Il faut être bienveillantes les unes avec les autres et se faire aider par les hommes aussi. Qu'ils n'hésitent pas, de leur côté, à demander à leur mère, leur sœur ou leur compagne s'ils peuvent faire quelque chose pour les soulager. C'est comme ça qu'on avancera.

Les femmes préparent à manger pour les hommes, elles ont toujours été en cuisine. D'ailleurs, les chefs citent toujours des femmes pour expliquer leur vocation. Le prestige du chef vient justement du fait qu'il cuisine à l'extérieur. On se dit que ce n'est pas son rôle « naturel » donc que c'est valorisant. Et puis le monde de la restauration est très violent et sexiste : même s'il y a autant de femmes que d'hommes qui entrent à l'école Ferrandi, difficile pour elles de supporter la pression masculine et le machisme. Heureusement, de plus en plus d'hommes trentenaires réalisent que ce n'est pas normal et que les choses doivent bouger. René Redzepi (Noma) a récemment pris conscience qu'il avait été odieux avec les femmes en cuisine et qu'il fallait que ça cesse.

Faiminisme —­­ Éditions Nouriturfu, 14€

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75 Rencontre


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DĂŠcouverte


Texte : Hélène Rocco Photos : Agathe Boudin

La pluie frappe sur les carreaux tandis que je me blottis dans la banquette du café. Dehors, le canal Boerengat, l'un des derniers rescapés de la ville, ondule tranquillement. Je craque un bout de stroopwaffel, une fine gaufre fourrée au sirop et à la cannelle, que je plonge dans mon chocolat chaud. Quand l'averse est finie, j'enfourche mon vélo. Ici comme dans tout le pays, les cyclistes sont rois : mieux vaut prendre le pli. Sous le pont suspendu, des bateaux s'affrontent dans une course de vitesse et attirent l'attention des badauds. Le souffle qui monte des eaux me rappelle que l'automne s'est installé, je reprends ma balade. Parsemée de parcs et de jardins, la cité moderne m'incite à prendre mon temps. Dans quelques années, des maisons flottantes apparaîtront au fil de la Nouvelle Meuse. Nichée dans les terres hollandaises, pas très loin de l'océan, Rotterdam est le premier port européen. Avant, on le quittait pour refaire sa vie à New-York ; aujourd'hui, les amoureux des grandes cités viennent y passer de longs week-ends au pied des structures audacieuses. Cosmopolite et bouillonnante, la ville sort peu à peu de l'ombre de sa grande sœur, Amsterdam, pour notre plus grand plaisir. 77

Rotterdam — Portfolio

Brouillard matinal


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DĂŠcouverte


Rotterdam — Portfolio


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Rotterdam — Portfolio



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Rotterdam — Portfolio


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Rotterdam — Explore

Explore : Rotterdam, Pays-Bas

Textes : Hélène Rocco Photos : Sophia van den Hoek / Iris van den Broek Carte : Noémie Cédille

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Mainport hotel 5* Une immense baie vitrée donne sur le pont suspendu et on admire la vue depuis une chambre du 11e étage. En plus du bain à remous, elle abrite aussi un sauna privatif, comble du confort après une journée de balade.

Dertien

De Jong

À elle-seule, l'adresse fait vibrer la gastronomie à Rotterdam. Le chef Pepijn met les produits du terroir à l'honneur et on déguste, pêle-mêle, du chou-fleur rôti aux amandes, des frites maison de haute volée et des croquettes au crabe bien croustillantes.

Ici, on dit simplement si on est végétarien ou non, puis on se laisse guider. Sous les voûtes de l'ancien viaduc, on ne trouve pas de menu et le jeune chef de 26 ans nous surprend avec des plats souvent bio et locaux comme du haddock à la moutarde, parsemé d'herbes et de fleurs du jardin. Pensez à réserver !

Schiedamse Vest, 30

Raampoortstraat, 38

Leuvehaven, 77

Citizen M À deux pas de la gare, cet hôtel à l'ambiance bohème ne s'embarasse pas de services superflus mais propose des grands lits et des films gratuits. On passe de longs moments dans le lobby chaleureux face à la cheminée. Geldersestraat, 50

Stroom Sur la jetée du port s'élevait jadis une ancienne centrale électrique aujourd'hui transformée en hôtel moderne. Lumineux et agréable, l'espace invite à la détente. Quand le temps est clément, le toitterrasse dispose d'une superbe vue sur la tour de l'Euromast. Lloyd Street, 1

la table Lof der Zoetheid Dans ce royaume de la comfort food, on s'attable à toute heure pour voir valser fromages, charcuteries, soupes et autres spécialités russes. Les propriétaires, Anastasia et Elena, n'ont pas choisi ce nom au hasard : en néerlandais, zoetheid signifie douceur. Noordplein, 1

Op Het Dak Pour parvenir jusqu'à sa table, il faut zigzaguer entre les salades et les fleurs qui poussent sur ce toit-terrasse. Là, on profite d'un petit-déjeuner de saison en croquant dans un muffin au potiron et un porridge aux fruits frais. Dès le milieu de l'aprèsmidi, des tapenades et des rillettes viennent copiner avec les bières artisanales et du vin nature.

Aloha

Fenix food factory

Maasboulevard, 100

Schiekade, 189

Ce food market se planque dans un entrepôt réhabilité, sur les docks de l'ancien quartier rouge. Au milieu de la faune branchée, on pioche dans les étals du fromage chez Booij Kaasmakers, du pain de seigle chez Jordy's Bakery ou un plat japonais et on grignote au soleil, sur des meubles de récup'. Veerlaan, 19

Old scuola Marco et Daniel sont des puristes de la pizza napolitaine et après avoir bourlingué de festivals en festivals avec un foodtruck, ils ont désormais pignon sur rue. Sur le comptoir en terrazzo, on s'envoie une délicieuse Margherita à la pâte fine et aux bords épais. Une bouchée et on se croirait en Italie. Achterklooster, 1

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Il y a quelques années au bord de la rivière, une piscine en plein air a laissé place à ce barrestaurant inventif et locavore. Les toboggans aquatiques sont toujours là et on boulotte une cuisine végétarienne et gourmande, du genre quinoa et burrata, dans une ambiance tropicale. Un conseil : demandez du miel avec votre thé, il est récolté sur le toit.

le café Man Met Bril Dans la rue flotte une odeur de café follement attirante. On se précipite à l'intérieur de ce coffee-shop minimaliste et détendu où les grains sont torréfiés et brassés à la perfection sous nos yeux. En plus, l'accueil est très chaleureux. Vijverhofstraat, 70

Parqiet Au beau milieu du parc de l'Euromast se dresse une maison blanche où l'on se sent immédiatement chez soi. Le petit déj' bien frais se compose au choix

Rotterdam — Explore

le lit


Rotterdam — Explore

d'un moelleux banana bread, d'un espresso de chez Man Met Bril ou de quiches maison, et se déguste idéalement sur un transat en terrasse. Baden Powelllaan, 20

De Bakkerswinkel

Supermercado Avant de pénétrer dans la boîte de nuit Superdisco, escale obligatoire à l'étage de ce resto latino où s'enchaînent tacos au porc mariné, ceviche de loup de mer et cocktails déments à base de jalapeño.

Les murs en béton brut et le décor industriel n'y changent rien : il nous enveloppe de douceur, ce café, lorsqu'on s'asseoit confortablement dans une banquette face au canal. Yaourt aux fruits du marché, granola, cheesecake, ils ont le choix, les becs sucrés. Et parce qu'on est bien renseigné, sachez qu'une porte un peu secrète s'ouvre sur un immense restaurant.

Schiedamsevest, 91

Hopper

shop

Amehoela Des bambous, des plantes tropicales, des cocktails renversants et des quesadillas : ici, il faut se pincer pour se rappeler qu'on est toujours à Rotterdam. Ce nouveau bar rend hommage à la culture tiki et propose une programmation musicale rafraîchissante.

Mauritsweg, 33

Oostplein 223A

Ici, on va droit au but : une déco minimale et dans la tasse, un très bon café. À toute heure, on goûte au broodje, le pain maison, avec une tranche de gouda et on se laisse tenter par une part de cheesecake. Ne ratez pas leur sélection pointue de vins ! Schiedamse Vest, 146

sortir

Witte de Withstraat, 40B

Schiekade 189-303

Le Musée Boijmans-Van Beuningen L'établissement abrite l'une des plus belles collections de maîtres d'Europe. On y admire des œuvres de Rembrandt, Bosch, Van Gogh, Monet, Mondrian, Magritte, Dali et beaucoup d'art datant de la Renaissance. Museumpark, 18-20

Fotomuseeum Au sous-sol de ce musée dédié à la photo, l'image et le design se trouve la Chambre Noire, un espace interactif où se mêlent clichés et vidéos marquants pour l'histoire du pays et de la photographie. Las Palmas, Wilhelminakade 332

Groos Cette fois, pas question de ramener un mug kitsch ou un porte-clés ringard ; on sort de ce concept store avec des souvenirs design de qualité imaginés et produits à Rotterdam. Chaussettes, carnet, vase ou baskets, le plus dur est encore de faire tout rentrer dans sa valise. Achterklooster 13

Bierboutique Chaises en velours, carreaux de ciment : l'ambiance est feutrée dans ce bar qui affiche 90 bières à la carte. Que l'on se la joue classique avec une boisson artisanale ou que l'on s'aventure à goûter un cocktail houblonné, on passe de longues soirées dans cette brasserie raffinée.

une campagne de financement participatif qui a permis de voir naître le projet.

découvrir Luchtsingel Conçu par le cabinet d'architecture ZUS, ce pont en bois jaune, réservé aux piétons, relie sur 390 mètres le centre au nord de la ville. Pour l'anecdote, c'est 86

→ Y aller ­­—­­ A/R en train à partir de 70€, au départ de Paris avec Thalys. Pour prolonger le séjour ailleurs aux Pays-Bas, pensez au pass Interrail à partir de 100€ les trois jours sur une période d'un mois. www.thalys.com www.interrail.eu → Page de droite : Op Het Dak / Dertien / Lof der Zoetid / Parqiet


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Texte : Hélène Rocco Photos : EH (Kyoungtae Kim)

Partagés entre Milan et Rotterdam, Alessandra Covini et Tomas Dirrix forment un studio de création depuis 2015, à la croisée des chemins entre l'architecture et le design. Ils ont fait de l'expérimentation leur signature et tiennent à ce que les objets aient une histoire, comme lorsqu'ils réinterprètent les tapis persans à leur manière. Le tissage se transforme alors en béton et les motifs colorés renaissent dans le sable. 89

Rotterdam - Rencontre

Ossidiana : design expérimental


Rotterdam - Rencontre

Ce projet est une métamorphose : on a gardé l'esprit d'un tapis mais on l'a revisité avec une autre matière, le béton.

Mint : Comment est né votre studio ?

Que signifie ce nom ?

Alessandra : Tomas Dirrix et moi avons étudié l'architecture ensemble à l'Université de Technologie de Delft aux Pays-Bas. Après notre diplôme, en 2015, on a commencé à réfléchir à un studio. En tant qu'architectes, on avait l'impression que les bâtiments avaient arrêté de porter des messages et qu'il y avait trop peu d'expérimentations dans la pratique de l'architecture et son enseignement. On a voulu lancer une plateforme qui explorerait davantage, en théorie comme en pratique.

Il est inspiré de la pierre obsidienne (ossidiana, en italien), qui est le résultat d'une solidification rapide de la lave qui se transforme en roche volcanique. À la Préhistoire, elle était utilisée pour créer des outils tranchants : les premiers de l'Humanité. Ce nom symbolise donc la naissance de projets qui mêlent recherche de matériaux et narration. De quelle manière racontez-vous une histoire à partir de la matière ?

J'ai toujours été captivée par la transformation de la matière et le fait que cette même matière soit souvent le résultat d'une autre transformation. Ces métamorphoses sont devenues un thème récurrent à la fois dans les lieux où j'habitais et dans mon travail. En emménageant au Portugal, j'ai commencé à faire attention à la beauté des immeubles, faits de la même terre que le sol sur lequel ils étaient posés. Le projet Petrified Carpets est lui aussi une métamorphose : on a gardé l'esprit d'un tapis mais on l'a revisité avec une autre matière, le béton.

D'où venez-vous, tous les deux ?

Tomas est né à Eindhoven, aux Pays-Bas et a étudié l'architecture en Suisse et en Inde avant de venir travailler à Rotterdam pour l'agence d'architecture OMA, dirigée par Rem Koolhaas. Quant à moi, je suis née à Milan et j'ai déménagé ici après avoir étudié en Italie et à Lisbonne, puis travaillé en Espagne et à Londres. Aujourd'hui je dirige notre studio et il nous arrive aussi de travailler chacun de notre côté. 90


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C'est une ville internationale, assez petite, qui est malgré tout un épicentre pour l'architecture et le design, grâce à la présence d'institutions internationales comme Het Nieuwe Instituut, le Berlage Instituut, TuDelft ainsi que des cabinets d'architectes à la renommée mondiale comme OMA et Mvrdv. En plus, on peut rapidement se rendre à Amsterdam, Eindhoven, Paris, Bruxelles et Londres en train.

J'ai découvert le tapis islamique quand j'étudiais les jardins et l'artisanat d'Istanbul. J'étais fascinée par le fait que le tapis soit à la fois un espace et un objet, tout comme l'architecture. D'ailleurs, on sait que le tapis oriental représente le jardin d'Eden. Ses éléments (le contour, le médaillon central, le carré et le couloir) représentent le mur, la fontaine, et les ouvertures sur le jardin. On les retrouve systématiquement. Notre projet était donc de traduire ces éléments bidimensionnels en objets 3D. En tant qu'architecte, j'étais très excitée de devoir recréer les motifs colorés des tapis avec du béton.

Vous vous sentez libre de créer ici ?

Je trouve que dans ce pays, on croit aux jeunes talents, dans les institutions comme de partout ailleurs. Le gouvernement soutient les architectes et les designers grâce à des bourses, ce qui nous permet de développer notre propre vision, nos idées et projets sans se soucier des finances, même si on est étranger. Par exemple, Petrified Carpets a reçu l'aide d'une fondation et on a exposé à la Design Week de Milan cette année grâce à l'Ambassade des Pays-Bas en Italie.

Comment y êtes-vous parvenus ?

On a essayé différentes techniques de moulage, coloration et texturation du béton. On a utilisé à la fois des pigments, des pierres, du sable et du ciment de manière plus ou moins importante selon les objets pour retrouver les contours, les tons et les nuances des jardins.

Quels sont vos projets à venir ?

On est en train de créer de nouvelles pièces en collaboration avec des galeries internationales et des artisans et on prévoit d'exposer nos tapis de béton dans l'espace urbain, dans les jardins et les terrains de jeu. On prépare aussi un livre sur notre projet qui sera un objet à toucher. Je collabore aussi avec l'académie Jan Van Eyck de Maastricht sur un projet, entre architecture et design, autour de la maison et sa construction.

Vous êtes italienne mais vivez aux Pays-Bas, est-ce que ça influencé votre création ?

Je suis inspirée par l'architecture hollandaise ainsi que la scénographie. La culture architecturale hollandaise consiste à raconter une histoire et trouver un concept, or c'est récurrent dans mon travail. Je suis aussi influencée par l'expérimentation permanente des designers hollandais. Je trouve ça très intéressant de rassembler ces deux approches dans mes projets.

Ossidiana —­­ www.studio-ossidiana.com

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Rotterdam - Rencontre

Pourquoi avoir choisi Rotterdam ?

Justement, d'où vient l'idée de cette réinterprétation des tapis persans ?


Rotterdam - Rencontre

Les spots d'Alessandra à Rotterdam Het Nieuwe Instituut Cet institut propose des expos très intéressantes sur l'architecture et le design. Réservez une visite guidée des archives, ça vaut vraiment le coup ! Museumpark, 25

Boijmans museum On y trouve le Porte-Manteau de Wieki Somers et les vêtements des visiteurs sont réellement accrochés sur l'œuvre d'art. Ça permet au public de prendre possession du lieu. En plus du musée, on peut se balader dans le jardin romantique et le jardin à la française. Un pont suspendu permet d'avoir une belle vue sur le parc.

La Zia Maria Mon resto italien préféré, qui propose des pâtes délicieuses préparées par un chef sicilien. Il faut absolument goûter leur cannolo et les tortelli à la courge et à la truffe. Nieuwe Binnenweg, 222A

Provenierstraat J'aime beaucoup traîner dans cette rue qui abrite des bars et des restos dans tous les coins. Je peux y passer la journée, en changeant d'adresse selon la position du soleil. Je prends mon petit déj au Boon (n°31) et je dîne au resto mésopotamien Dunya (n°40A) ou je mange thaï au Blue Mekong (n°29A) avant de finir la nuit à Le Nord (n°33A), un pub typique.

Museumpark, 18

House Sonneveld C'est l'une des maisons modernistes les mieux préservées de la ville, ne la ratez pas. Jongkindstraat, 12

Vermeyden Un resto gastronomique avec une jolie sélection de vins et des spécialités françaises et italiennes, et un gâteau à l'orange à tomber par terre.

Op Het Dak Un bistro sur un toit-terrasse que Tomas et moi avons imaginé.

Nieuwe Binnenweg, 335

Schiekade, 189

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95 Rotterdam - Rencontre


Mode

Autumn leaves Photographe : Margaux Gayet Styliste : Rebecca Muzzioli Make-up : Gilly Tosello Modèles : Alicia Linden & Nathan Wybier

Bomber MAISON PERE / Chemise VICTORIA TOMAS / Jupe VICTORIA TOMAS / Chaussettes de la styliste / Chaussures platformes ESSENTIEL ANTWERP

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ELLE : Poncho ANNE SOFIE MADSEN / Robe FORTE_FORTE / Chaussettes de la styliste / Chaussures plateformes ESSENTIEL ANTWERP LUI : Blazer TIGER OF SWEDEN / Col roulé ZARA / Pantalon TIGER OF SWEDEN

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Mode CI-DESSUS : Coat TIGER OF SWEDEN / Top HED MAYNER À GAUCHE : ELLE : Cape MAISON PERE / Crop Top ANNE SOFIE MADSEN / Jumpsuit SESSUN / Bague et bracelet LAURA ESSAYIE LUI : Manteau SCHOTT / Chemise TIGER OF SWEDEN / T-shirt ANDREA CREWS / Jeans SEAN SUEN

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Mode

CI-DESSUS : Robe ESSENTIEL ANTWERP / Kimono VICOLO / Boucles d'oreilles LAURA ESSAYIE À DROITE : ELLE  : Manteau FORTE_FORTE / Robe SWILDENS / Collier LAURA ESSAYIE LUI : Manteau GOLDEN GOOSE DELUXE BRAND / Chemise ZARA

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Mode CI-DESSUS : ELLE : Manteau ANNE SOFIE MADSEN, Chemise ZARA / Collier et bagues LAURA ESSAYIE / Pantalon HUYN MI NIELSEN / Chaussures MELLOW YELLOW LUI : Manteau HED MAYNER / Chemise SEAN SUEN / Pantalon ICOSAE / Chaussures COTELAC À GAUCHE : ELLE : Kimono et jupe FORTE_FORTE / Gilet DONDUP ARCHIVE / Collier et bagues LAURA ESSAYIE LUI : Bomber TIGER OF SWEDEN / Chemise ICOSAE / Pantalon ICOSAE

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Mint Magazine

BONNES ADRESSES Textes : Raphaële Marchal

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© Sophia van den Hoek

Bonnes adresses

Carbón

Paris

C’est un ivoirien, une argentine et un suédois, et à eux trois, ils ont créé Carbón, le restaurant premier de la classe qui n’agace même pas puisqu’en plus d’avoir tout bon, il ne la ramène pas. Qu’il passe directement sur le feu ou au four à 500°C, tout le monde chez Carbón est invité à prendre un coup de chaud. Même les huîtres. Et au sous-sol, c’est tout aussi qué calor : Mina s’y cache, un speakeasy de cocktails, avec ananas braisé et lumières tamisées. Retour au gosier, Carbón carbure aux épaules d’agneau braisées, aux burratas fumées maison, aux maquereaux endiablés… Cette fois-ci, Carbón, c’est la bonne.

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Carbón 14, rue Charlot 75003 Paris


Bonnes adresses © Studio l'Étiquette

Balagan

Paris

Quand les excellents fondateurs de l’Experimental Group (ECC, Prescription, Ballroom) ont décidé de propager leurs talents à la restauration, ils ont fait les choses en grand. Balagan a la gagne, rue d’Alger, et signe une cuisine « cosmopolite et jubilatoire » proposée par le chef israélien Assaf Granit. En hébreu, balagan signifie « joyeux bordel », et là-dessus, à l’abri du jour au rez-de-chaussée de l’hôtel Renaissance, ils ne s’étaient pas trompés. Balagan est un restaurant vivant, où il fait bon partager des assiettes colorées, en parlant fort et en agitant son verre, sur un tempo de kebabs, labné, tahini, huîtres à la marocaine et tzatziki.

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Balagan 9 rue d'Alger 75001 Paris


© Francis Amiand

Bonnes adresses

Jacques Genin

Paris

De peu de gens, on peut dire qu’ils sont les meilleurs. Si tout le monde était le meilleur, il n’y aurait pas de meilleur. Jacques Genin, et sur tous les points, fait indéniablement, partie des meilleurs. En confiserie, notamment avec ses pâtes de fruits, pâtes de légumes et nougats. En chocolaterie, autant en bonbons de chocolat (ganaches et pralinés), qu’en barres, et créations spéciales (câpres de Gabrio Bini et praliné noisettes notamment). Et alors en gâteaux… C’est l’apothéose. Sur place ou sur commande à emporter uniquement, Jacques triomphe à coups de millefeuilles, tartes citron basilic, Paris-Brest… Jacques Genin président ?

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Jacques Genin 133 Rue de Turenne 75003 Paris


Bonnes adresses © Adrien Daste

Anahi

Paris

Il y a quelques années encore, Anahi, c’était le lieu où le monde entier se ruait… avant de faire un four en s’associant à La Jeune Rue. Mais Carmina et Riccardo sont revenus, plus forts que jamais, et pleins de bons muscles : Riccardo, importateur de viandes d’exception, s’est contenté du meilleur pour cette seconde vie. Jambon de bœuf de Kobe, hampe de bœuf nourri au grain, veau de lait… Et côté moins carnivore, du guacamole, des tortillas, des tacos, des empanadas… Le tout dans leur coffret d’origine, une superbe ancienne boucherie au plafond de faïence, sur fond d’exemplaires cocktails. Anahi reprend vie.

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Anahi 49 Rue Volta 75003 Paris


© Jérôme Galland

Bonnes adresses

Ristorante National Julien Cohen est le Woody Allen de la pizzeria : une ouverture par an, ou presque. Ristorante National, c’est le petit dernier, celui qu’on n’attendait pas, qui arrive sur le tard, qu’on est finalement ravis d’avoir, et qui va se faire injustement gâter, puisque c’est l’avantage d’être le dernier né. Et comme d’hab’, ça dépote, et en grandes pompes cette-fois, puisqu’il s’est payé comme coloc’ le tout nouvel hôtel des arts et métiers. Autant dire que pour se taper un bol de trofie al pesto, vaut mieux être sapé. À rencontrer sans tarder, le poulpe croustillant, les linguini aux langoustines, un gros bar au four… papa mio.

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Ristorante National 243 Rue Saint-Martin 75003 Paris

Paris


Bonnes adresses © Diana Yen - Jewels of New York

Stone Clove Bakery

Paris

Beth est pâtissière, Philip est réalisateur, et ils ont commencé à faire des gâteaux « pour le fun », de manière ultra simple et ultra gourmande. Ils vendent quelques gros cookies aux pépites de chocolat à Colette et La Maison Plisson, et forts de leur succès, décident d’ouvrir une boutique. Chez Stoney, des gâteaux bruts et réconfortants : des cookies moelleux à l’intérieur, croustillant à l’extérieur, 100% naturels, à la farine d’avoine et raisins, au romarin, à la semoule de maïs, aux noix de pécan… Probants également, les pies aux fruits de saisons, les brownies, le pudding à la banane… Une sorte de belle ambassade des desserts américains à Paris !

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Stone Clove Bakery 71 Rue Greneta 75002 Paris


© Agathe Boudin

Bonnes adresses

Benichat

Paris

Il s’appelle David Benichou, il a ouvert rue Bichat, alors il a appelé son bar Benichat. C’est aussi simple que ça. Un endroit d’une grande finesse, sans inutile ornement, juste ce qu’il faut pour bon vivre : la crème de la crème des quilles natures, l’irrésistible terrine de Simon Horwitz, de fabuleux fromages sous cloche, et Iago, le chien leonberg de David, toujours au poste. Après - entre autres - Vivant, AT et le Clown Bar, David est chez lui, pour la première fois de sa vie. Ce lieu représente tout ce qu’il est : droit-au-but, intime et généreux, qu’on soit avant ou après le dîner. À deux ou à quatorze, du lundi au dimanche, pour une ou six heures… Donnez votre langue à Benichat.

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Benichat 6 rue Bichat 75010 Paris


Bonnes adresses © Nicolas Villion

Substrat

Lyon

Quand on respecte le terroir, il faut savoir être patient. Savoir attendre, ne rien brusquer, ne pas espérer des fruits tout de suite, et persévérer. Substrat, le restaurant d’Hubert Vergoin, c’est un beau fruit, bien mûr, qui s’est fait désirer, longtemps, et a vu le jour pour finalement combler au-delà des espérances de son créateur. Substrat est un restaurant intime, fort de convictions, à la cuisine infiniment jolie, personnelle et poignante. Hubert est un cuisinier qui a la niaque, à l’histoire inspirante et aux assiettes inspirées. Substrats, lacto- fermentations, pickles… Hubert ne se prépare pas pour la fin du monde, il offre juste à sa cuisine la plus belle des intentions : la sienne.

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Substrat 7 Rue Pailleron 69004 Lyon


English texts

edito Traduction: David Nichols

Boots sink deep in the mud that outlines the little path through the forest. My mother angles towards what looks to me like dead leaves on the dirty ground. I see her rummage and, with a triumphant smile, pull out two mushrooms, two porcinis. We’ve been at it for three hours, traipsing through the woods, and the handful of fungus that I have found is probably poisonous. She tells me to persevere, that she sometimes walks till nightfall before finding a single girolle. She tells me how, one time, she even got lost in a forest. It was cold and the smell of night was like a blanket, covering the woods with that smell of earth and wet leaves. But today it is autumn, her favourite of seasons, when trees wear their orangey mantle. An October afternoon when we can choose to take our time before returning home to warm up under a pile of cosy blankets.

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Trend Report Stay For Breakfast

Book

From a simple coffee to a copious brunch, breakfast by Simone Hawlisch is a constant source of surprise. Her book features a selection of recipes for all times of day, and each one more healthy, comfy, and delicious (even on a hangover) than the next. For two or for more, barbecues or family events, no more excuses: you will now always have a granola bar to munch on. Ideal recipes to start every day on the right foot.

Les Puces du Design

Event

Here it is, design’s cream of the crop, from 1950 to today. For the last year, the salon’s artistic direction has been handled by the Studio 5.5, who have opened their cutting edge selection to contemporary works. Browsing through the various stalls, you can even find iconic pieces for under 100€. Don’t miss it.

The Art of E Design

Versailles in Paris.

Founded by Caroline Gomez, a designer and artistic director, The Art of E is a series of household objects that focuses on the essential and the sustainable. This line of timeless and minimalistic creations features ceramic bowls, pastel coloured glasses, oak wood trays, and hand-dyed tea towels.

34 Euros.

Simple comme bon(jour) Book

chal, published by Tana, 224 pages, 14,95€

Paris Photo

Event

Under the roof of Paris’ Grand Palais, collectors and fans alike can discover images from 160 galleries and 30 publishers. On display, among others, you will find Malick Sidibé, Seydou Keïta, Andres Serrano, but our current favourite is the young Belgian photographer Maroesjka Lavigne and her minimalist and fascinating compositions. From the 9th to the 12th of November at the Grand Palais in Paris.

Vuitton Foundation in Paris.

the Parc des Expositions de la Porte de

published by Gestalten, 208 pages,

Simple comme bon(jour), by Raphaële Mar-

Until the 5th of March 2018, at the Louis

From the 9th to the 12th of November at

Stay For Breakfast, By Simone Hawlisch,

In her latest book, Raphaële Marchal puts 80 chefs, from all over France, to the test: “Hey, can you scribble down an easy recipe that I can do at home?” And the results are delicious. Who could have thought we would one day crave for, among other things, lamb’s tongue with a brain cream soup, a creation of Au Passage’s chef Dave Harisson.

of 200 works from America’s Museum of Modern Art. This institution’s rich history is showcased across four floors, and features paintings, sculptures, films, and photos. Among the more famous works of art, you can feast your eyes upon Edward Hopper’s House by the Railroad.

www.theartofe-shop.fr

Aurélie Lécuyer

Pathport Guide Designers, photographers, or all-round adventurers, the tales of their meanderings through distant lands are on Instagram. Pathport is a 50-page digital guide that gathers their secret addresses, organized by destination, a neat little package. It already covers close to thirty destinations, described through illustrated itineraries and polished photos. With close to thirty destinations, 4.99$ per guide at www.pathport.store

The MoMa in Paris

Exhibit

If you want to see the MoMa’s collection, no need to go all the way to New York anymore. Until next Spring, the Louis Vuitton Foundation in Paris will exhibit a selection

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Fashion

Aurélie Lécuyer is a designer who has come up with a line of women’s clothing both feminine and functional, and fit for any season. Every three months, a new collection will be created, each featuring eight items. All the essential basics, shirts to pant-skirts, that you are sure to never get tired of, year after year. www.aurelie-lecuyer.com

Mulko

Opening

In the heart of Paris’ 10th arrondissement, Mulko offers a strong and colourful cuisine, largely inspired by Mediterranean cuisine. The chef, Pierre Boulko Levy (ex-Miznon), cooks calamari à la plancha, stunningly fresh chicken livers, and lamb shawarmas, on a plate or in a sandwich whose homemade bread is to die for. 29, rue d’Enghien, 75010 Paris.

English texts

p.8


English texts

Interludes

Event

For one evening, tourists and Parisians alike can invite themselves to dinner with a gourmet chef. This idea was thought up by Eurostar, under the banner Interludes, and will take place on the weekend of the 18th and 19th of November, in Paris. Ten small and simultaneous dinner parties, all over the city, prepared by Taku Sekine (Dersou) or Sven Chartier (Saturne), among others. The next edition will be in London in January 2018. travelstateofmind.eurostar.com/interludes

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Mathilde, Life in ceramics At 24 years old, Mathilde Martin has already lived several lives. History student, sommelière at Jones, then at Martin... But eating and drinking, she gave it all up a year ago to dedicate her body and soul to her passion, ceramics. From her workshop in the Paris area of Les Lilas, her wild, raw, and ever poetic creations are slowly colonising the French capital’s most charming addresses. Hidden down a quiet little street, a redbrick building silently watches the comings and goings of a handful of artisans. The sun is at its zenith, and we are a round the corner from the Mairie des Lilas in Paris. Three little vases silhouetted behind a glass window: Mathilde’s workshop, the open arms of its doors welcoming us in. Four months ago, she set up shop here. Before that, the

24-year-old was the sommelière at our favourite restaurant in Paris, Jones (11th arrondissement). On rediscovering ceramics in 2016, this hobby quickly turned into a passion. Working with wine was not hands-on enough – that is for the privilege of the wine-maker. And, that, she missed dearly. After four years spent in the kitchens, in France at Martin and Au Passage, and in London at Koya and Naughty Piglets, she took over a friend’s spot in a studio, juggled for a bit between her two activities, until she finally hung up her apron at Jones and dedicated herself entirely to her new craft. This passion for ceramics has burned in her for six years now. She started off with pottery, never missing a single class. These took place in a basement filled with the smell of wet clay. Each student had his own shelf, a display space proudly featuring handmade turtles, telephone holders, and little vases. For Mathilde, the pleasure of creating an object with her own hands was immeasurable. These lessons went on for five years and after that, no other form of art held quite the same appeal. Drawing and painting left her cold, whereas the cold clay, infinitely mouldable, was a constant source of inspiration.

Let the clay guide you Every afternoon, the ceramist joins three other artists in their vast and luminous creation space, where greenery is omnipresent, and the shelves overflow with crockery. Mathilde’s corner is by the entrance. A few wild flowers stand on the raw wood of a large table. These will soon be set in vases and flowerpots for the photo shoot.

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These beautiful objects are white, “like clouds,” or simply earthen. When she was a sommelière, the young woman was a specialist of natural wines and had always worked in restaurants that had a strong respect for healthy, untouched, and natural products. And thus, when working with the stoneware, she prefers to keep its original colour. From 2 pm till the early evening, she dives headlong into creation. Sometimes, she has a particular idea running through her head, sometimes she plucks a bit of inspiration off Instagram. From Tara Burke, for example, she liked the idea of fitting her vases with ears, and from Sarah Jerath, straw that leaves traces on the hot clay. But simply copying holds no interest for Mathilde. She follows the movements of the clay, playing with it and letting herself be lead by it. Her hands are her guides, and it is rare for her to make the same model twice. Modelling, drying, smoothing, drying again, cooking a first time in the oven, then a second time for twelve hours, and finally, into the dipping glaze. All in all, it takes three weeks to create a ceramic object, and sometimes, on opening the oven after the last bake, the earth has not resisted the high temperatures. One of her vases broke six times in a row, and the artist stopped trying. There is also a technique where you cover the piece in plastic before cooking it to avoid cracks, but that process takes an even longer time. And if the glaze is not successful, then there is nothing you can do to save it. So failures get thrown out, making every success even more gratifying.


Creating in a group Little by little, her creations made their way into Parisian restaurants and cafés. At Jones, you can eat in one of her plates. Au Bal has her black single-stem vases and regular vases, and when the collection changes, every three months, you can purchase them. Castor, a florist on rue Belem, has asked her to imagine two large vases, a job for which she redesigned two smaller pieces. And its on Instagram, her best showcasing space, that her work gets noticed the most. And since Mathilde surrounds herself with other creative people, there have been a string of col-

laborations. With Harry Vidler, her companion and the chef at Jones, they organised in October a diner for Belafonte (a gastronomy research centre, Ed.), the theme of which was ‘low tide’. For this, the ceramist created a very thin set of crockery using paper clay (a mixture of clay and cellulose fibres, Ed.), while the chef took care of the food, from hake preserves, celery, and poutargue, to a pear, gin, and Timur pepper sorbet. Her best friend, Jeanne Hochberg, is an illustrator, and together, they would like to create a series of objects with flat tints of primary colours, a simple and raw style that so attracts her. She would also enjoy creating light fixtures, making an articulated table runner inspired by the Tsé-Tsé vases (an ensemble of tubular glass vases connected together, Ed.)… Dreams are not something Mathilde is lacking in. Nevertheless, for she who has decided to always leave a job when it bored her, nothing will stop her from changing direction again. At 24, she has already studied history, obtained a cooking diploma, and worked as a sommelière. On launching this latest career, her family was a little worried, but her high standards have always paid off, no matter the subject. Not knowing where she will be in ten years is not something that scares her. Maybe she will teach children, inspired by her experiences as a child. Or maybe she will return to England with Harry, live by the sea, lost in the countryside. There, she would gather stone by the shore, cook it in her oven, over a wood fire, ever closer to nature. Her Instagram: @mathildemartinceramic

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Life and the Mushroom An interesting taste of hangover-free alcohol, bubbles jiving around your stomach, and a funny name: the kombucha is on everybody’s lips and tongues.

Near Brighton, the Old Tree stands proud. It is a brewery, an occupation not exclusively reserved to beer, and it produces small batches of kombucha. Born in the Far East, this drink is a green or a black fermented tea whose more or less alleged magical properties range from immortality to good digestion, to a feeling best described as happy in your tummy. This is mainly due to the various beneficial molecules and probiotics, which make of this beverage a bacterial civilisation in a glass. My nose wrinkles in disgust as images of mushrooms flood my mind like English rain. Yet, bacteria have never been so desirable and vital. All together, they carry the name microbiota, or flora, and they look after the body that they inhabit, my own in this instance. After a sip of kamboucha with a side of wince, I find myself reconciled with my body, and ready to start a new and visceral relationship with it. The more experienced brewers culture their own strains of yeast and bacteria, the necessary ingredients for the fermentation of kombucha, trading their secrets with other budding alchemists. Cultured in glass bottles, these strains become homemade mushroom motels. The raw material is passed around, but the botanical knowledge is passed down through generations,

English texts

Her opinion of her own work varies constantly. One day, she will be satisfied, on the next she finds everything awful: “Working alone is very difficult because I have no one else to answer to but myself, so I have to be very strict. If I don’t show enough patience, something breaks, and I start to doubt myself. And if on top of that, I go and look at other people’s work on Instagram, I become very selfconscious.” She has had to learn to feel legitimate, to cast away all doubt, to take in the techniques used by other ceramists, and to accept criticism. Like the time one of her friends told her that the finishing touches were not good enough, that the piece was not fit for sale. It was hard to hear, but this criticism was constructive, and Mathilde found herself re-motivated. Over the course of a year, she has made a lot of progress, she produces fewer pieces, but they are better. In her opinion, one must be humble and patient, because “the clay has the final word: you only help it along.”


English texts

colleague to colleague to neighbour, or found in old spell books, like the recipes of mysterious potions of old. Brewing plants, turning them into living, healing, and tasty beverages, shows just how much nature has to offer, its potential as an outdoor larder. The landscape is now edible. And far from the sweet fantasies of gingerbread houses and edible décors, I dream of sipping the green of the Farthing Woods, or at the very least, Bethnal Green. As for the Old Tree, it postulates that, by walking hand-in-hand with nature, we could feed an evergrowing population. In opposition to the industrial agriculture that destroys ecosystems and drains our resources, these cultures are an entirely viable and sustainable system. That old English tree said it to me: “The branches of the oak tree are found in the acorn, so it is possible to create a life-maintaining culture.”

Though this Piedmont gold is no precious metal, the lust it still stirs is quite real. The white truffle of Alba, the tuber magnatum pico, is a mysterious and coveted mushroom. A truffle is a special kind of mushroom, but nevertheless, its novelty has started to wane. It is copiously grated onto pasta and pizzas in Italian restaurants, it perfumes oils, salt, or even mustard, but there is not only one variety of truffles. There are many, some more or less tasty, and more or less expensive. Among many others are the winter truffle, the summer truffle, and, the one dismissed by truffle purists as an ersatz truffle, the Chinese truffle.

So, long live the mushroom! p.36

After The Langhe Gold Rush Travelling the roads of Langhe in autumn, we struck gold in the Piedmont hills. A whiter shade of gold, a mysterious little mushroom: the highly coveted white truffle of Alba, the tuber magnatum pico. As dusk falls on the region’s vineyard valleys, we move out of one freezing and lightly misty side to the opposite sunny slope, occasionally crossing the paths of a few peculiar gold-diggers and their dogs, their quest’s most vital companions.

But the one we are dealing with here is the white truffle of Alba, an exceptional variety, in the manner of the dark tuber melanosporum of the Périgord region. Rarer than the latter, and only found in the wild, it is also two to three times more expensive, ranging from three to four thousand Euros a kilo. It is picked between September and December, in the Piedmont region of Italy, in the heart of the Langhe. Here lives Francesco, a passionate winegrower whose primary activity is the production of the delicious

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nectar called Moscato d’Asti. Our date with him was set for the late afternoon, at his house set in the middle of the sun-soaked vineyard. After a quick greeting, he throws us into his 4x4 with Achille his truffle-hunting dog, a white Lagotto Romagnolo overjoyed at the idea of a walk. We reached our destination in no time, downhill from his house, by a stream bordered with oaks and hazel trees. Achille jumps out of the car and immediately sets off on the hunt, snout to the ground, fully aware that he will receive a treat for finding the famous fungus. At times he pauses, sniffs, starts to dig. Francesco takes the lead, digs a little but nothing is there. Once, twice… in vain… Then, quicker than his master, Achille gobbles up the first find. “He is young and lively, his training is not quite done yet,” explains Francesco. Night falls, a chill comes in, but no way are we giving up. Achille starts to sniff around in earnest and this time, he has really found a truffle. He won’t be eating this one, he knows he will get a reward. Francesco is happy, so are we, and it is easy to see why this quest can quickly get addictive. As we head home, he tells us how he bought Achille from a friend two years ago, a year rich in white truffle, one that gave birth to dreams of fortune or simply a little extra cash. Unfortunately, gold rushes are often a source of deception and, due to dry summers or possibly pollution, the mushroom has made itself scarce since the dog’s costly purchase (depending on its level of training, its price can reach 3000 Euros). But Francesco smiles through it all and hopes for more fruitful years to come. Once home, the smell of wood


rustic table set up with gingham cloth, the truffle hunter still wearing his soil-stained clothes or wearing little truffles hanging from his hat as he catches your attention with loud theatrical exclamations. The clients go from stall to stall, some with the serious intent of finding a fine gourmet dish, others to flash their cash, spend it, then take selfies with these tiny mushrooms. Others are here only to witness this slightly crazy spectacle. And it is such a far cry from Francesco’s down-to-earth welcome that, feeling quickly oppressed by it all, we discreetly take our leave. Piedmont is the land of slow food, so there is no shortage of nice places to savour some of the town’s famous white truffles. In this season, its aroma fills every building, from agriturismo by the side of the road, to any of the town’s restaurants. It is traditionally served in thin slices sprinkled over taglioni pasta with butter, or even more simply over a fried egg, heightened by the mushroom’s strong flavour. With it is served wine from the Langhe region, such as the Barolo, which needs no presentation. After a delicious lunch and a stop at a gelateria for a taste of their wonderful hazelnut semifreddo, another of the region’s delicacies, we enjoy another pleasant roam through Piedmont’s vineyard valleys, watched over by of the Alps. We encounter a few other gold-diggers and their loyal companions, and it is not long before a soft moonlight exalts the view. Days are short in this season.

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Leman Locke Hotel, London Few people walking around Whitechapel this afternoon. A few tourists head to Treves, where they will sip coffee carefully prepared by James Wise, one of London’s most esteemed baristas. The hotel itself opens onto this coffee shop. Comfy armchairs, pastel colours, pastries, buttermilk pancakes, and full English brunch. Moreish. On the first floor is the Hyde, a cocktail bar that serves scrumptious and well-made light meals. Above that are the rooms, with a view of large grey buildings. The Leman Locke was created as a business hotel, but is a place one would gladly linger in for a few weeks. Be it only to leaf through that design book on the coffee table. Be it only to enjoy the weekend view of empty buildings. Rooms start at 135€ Aldgate, East London 15 Leman Street, London E1 8EN lockeliving.com/leman-locke

Eat There’s the coffee shop on the ground floor, where you get coffee to go before visiting neighbouring galleries. Or you can sip it at the bar while you chat with James. In the kitchen, the house has hired George Tannock, alumni of the famous restaurant The Fat Duck. Drink In this restaurant and bar, largely considered to be one of the city’s most photogenic places, one will find a selection of classic cocktails and a few original creations. “Instagram-

mable cocktail” might not sound like an endorsement, but they are well

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burning in the chimney is mixed with the harsher smell of the white truffle of Alba. The scent of only ten of them in his fridge is enough to fill the whole house. We meet Massimo, Francesco’s partner in business, a piano teacher, with whom he bought Achille. We also meet our host’s mother, whose name we will never know as she welcomes us like members of the family, with a hearty “Chiamatemi mamma!” She is here to look after her granddaughter during the white truffle fair at which Francesco and Massimo will try to sell the bounty buried at the foot of the hazel trees. We will also be heading down there on the morrow, but tonight we have been invited to a generous dinner. The menu: pasta al ragù de la mamma, murazzano cheese from a neighbouring farm, and wine, Francesco’s as well as his father’s, made nearby. For dessert, an indecent slice of panettone made by his brother, a pâtissier in Milan. Yes, these families exist. After a cool night in this country dwelling, it is time for us to head for Alba. As soon as we set foot in the town, the scent of chocolate paste floods our senses. Indeed, the most famous brand of chocolate and hazelnut spread has its factories right here. But these are not why the crowds have gathered. They have come here this early morning to join the fair, the temple of the little white eukaryote. Under large tents, thousands navigate through the stalls of the treasure hunters to look, compare, and buy truffles. Each seller has his own methods of attracting customers, like jewellers handling the truffles as though they were diamonds, a


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worth it. We went for the Naked & Famous (yellow Chartreuse, Aperol, Mezcal, and lime) and the Over Oceans (gin, Kenyan coffee, cardamom, lemon, and barley water), among others! Exercise The hotel’s management does not hide the fact that most hotel gyms are nothing more than a “shoebox with a few machines.” And so the Leman Locke has set up a wellness program, with a coach to take you through a choice of yoga or fitness sessions. And after all that effort, the (in-room) spa will handle massages and body care. Look Situated a few minutes away from Spitalfields and Brick Lane, the Leman Locke has it all just right. The neighbourhood harbours many excellent restaurants. Our favourite: St John Bread & Wine. Its 168 rooms offer a dizzying view of the next-door buildings.

Take a look around See Whitechapel Set in an area considered to be London’s creative hub, the Whitechapel Gallery specializes in contemporary art. Get there before the 21st of January to see photos by Thomas Ruff, or, until April 2018, installations by Leonor Antunes. 77-82 Whitechapel High St

Raven Row Raven Row is a non-profit art centre that mostly showcases the works of foreign artists. Until the 3rd of December, the gallery exhibits the works of Italian artist Gianfranco

Baruchello, with a selection of his sculptures, paintings, and films. 56 Artillery Ln

Electric Cinema Watching a movie in a comfortable seat, with a beer (and even, if you so desire, a burger!) is now a possibility! Count around 19£ for a seat with the best view and 10£ for the dinner. The choice of movies is rather eclectic, from auteur films to box-office hits, and even a few guilty-pleasure classics (The Lion King). 64-66 Redchurch St, Shoreditch

Spitalfields Market The perfect place for a weekend stroll as you wait for a table in the nearby restaurants. It features many art, fashion, or antiques boutiques. And above all else, we love their many street-food stalls, featuring food from all around the world. Brushfield St

Eat Tayyabs Since its opening in 1972, there has never been an empty seat at this restaurant. An institution. To enjoy their famous grilled lamb chops, get a reservation. It’s a noisy place, but that’s Tayyabs, where the food is delicious. Brushfield St

Ottolenghi Spitalfields They serve breakfast, lunch, or dinner. Everything is always delicious (and relatively healthy) chez Yotam Ottolenghi. Renowned for his many culinary books ( Jerusalem, Plenty, and Plenty More, among others), his main inspiration is the Middle-East. Savour his baba ganoush, koftas, and shakshuka! 50 Artillery Ln

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Lyles The word in town is that James is also a gentleman. Maybe his cooking is the same. Actually, it is: seasonal cuisine, surprising associations, beauty in a plate. A meal polished off with an excellent choice of cheeses from Neal’s Yard Cheese! Tea Building, 56 Shoreditch High St

The Shed This restaurant is a farm in the city. A thumb of the nose to the avocado-toast. It is highly skilled cuisine by a guy obsessed with his trade, to the point of making his own charcuterie (Oh! But for another taste of their chorizo!). Tasty, cosy, snug. Exactly what one needs to get through the fall. 122 Palace Gardens Terrace, Kensington

Drink Ten Bells When in Rome… Welcome to the Ten Bells, one of the city’s most famous pubs, thanks to its excellent selection of beers and cocktails. Concerts, quiz nights, and a strange history that features Jack the Ripper. It’s great, and it’s pretty authentic. As the kids say: “Keep it real!” 84 Commercial St, Spitalfields

Ace Hotel Both delicious and a bit annoying, a temple of coolness… Goodbye coldpressed fruit juice in the morning, hello cocktails at the Gallery bar, with concerts and other perfor-

mances at the Miranda (in the hotel’s basement). 100 Shoreditch High St

Experimental Cocktail Club Squeezed in between two Chinese restaurants, the Experimental Cock-

tail Club is the crème de la crème


13a Gerrard St

→ How to get there: With a bit of luck, 78€ for a seat on the Eurostar. The company has regular special offers, and we recommend signing up for their newsletter to get the latest deals. → Our advice: once there, get an Oyster card, much more practical for getting around.

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Au passage The room rings with the sound of music and the occasional thud of a knife on a cutting board. We are at Au Passage, the restaurant run by Audrey Jarry and Jean-Charles Buffet. It all started with a chance encounter in a small bar of Paris’ 18th arrondissement. “We met twelve years ago, it must have been around four in the morning… We weren’t too serious at the time. Although, I don’t know if things have changed much,” explains Jean-Charles with a grin. At the time, Audrey was working for a private bank, as well as doing

secretarial work. She remembers: “I was searching for myself, changing jobs every six months. One day, I gave it all up and started working in little bars after meeting Jean-Charles. I was serving glasses of white wine to old timers. I was a bit of party animal, I felt that, at least, I was in my element, and I was enjoying it!” Jean-Charles was working in the movie industry: “I was, at the time, working on a big

film, a pretty ambitious project we were doing with Eric Cantona and his wife Rachida Brakni. The cast was amazing but it all fell apart. Little by little, I got fed up with that milieu. But when you’re young, it’s great!” Audrey and Jean-Charles decided to go live in London and set off with nothing but two backpacks. For a year and half, Audrey worked in a French restaurant as assistant manager, before obtaining a diploma in the wine industry, and Jean-Charles did extra work in restaurants while he worked on a screenplay. They returned to Paris and decided to focus on their shared project: opening their first restaurant. They partnered up with a bunch of friends, one of whom was Florent Ciccoli ( Jones, Le Bien Venu, Les Pères Populaires, Ed.). They found this tiny watering hole hiding in a little street of the 11th arrondissement. Jean-Charles reminisces: “It was a little local bar that had opened 80 years ago. We changed quite a few things, but at the same time, we wanted it to keep a bit of its past, with its 1920s fridge doors, wooden bar… One day, a woman came in and told us how she used come here everyday to eat, back in 1947. She was working just above it!” Before opening Au Passage, Audrey worked in various restaurants, but she nearly gave up on the whole industry, discouraged as she was by unpleasant

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experiences working in famous places. “I had a nice résumé, I was getting great jobs in prestigious restaurants. But every time, I hated the military-style atmosphere, the lack of connection between the kitchen and the dinning room… I found myself working at Spring, the restaurant opened by Daniel Rose in the 9th arrondissement. The chef made me love the job again, and I followed him to the second Spring, where I met James Henry. He was supposed to return to Australia, but I asked him to help us elaborate the menu of our future restaurant.”

As the daughter of a winemaker in the Champagne region, Audrey focused mainly on the wine. She obtained her sommelier diploma and worked for a time at the Contre-Étiquette, a wine cellar with a large selection of natural wines. It does not exist anymore, and was replaced by the lovely bistrot called La Cave à Michel. And so, Au Passage serves natural wines, only a few of them however, since this movement of winemakers trying to create wine while respecting the land is a recent trend. Audrey and Jean-Charles would have it no other way, and as she tells it, “our favourite restaurant was Le Chateaubriand. They were mentors for us: we realised that a different way of functioning was possible. We didn’t invent anything, Au Passage is what it is thanks to everyone’s various encounters and sensitivities.” At first, Florent and Jean-Charles’ ambition was simple: “We just wanted to serve good food with good drinks, nothing too fancy!” Very soon, the restaurant started to work with Terroirs d’Avenir: “Alexandre Drouard made deliveries in his own car, and when it comes down to it,

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for most Londoners. Laid back atmosphere, hyper-original cocktails. A nice evening in the making.


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we were neighbours growing up. I’m from the Berry region, Audrey is from Champagne, we are used to the countryside, we like to pick mushrooms and to meet with local producers… We know how to recognise good produce, but sourcing them is a huge amount of work. What Terroirs d’Avenir has done is amazing… and a titanic load of work,” explains Jean-Charles. Opening day was a few months away, and Audrey was expecting a child. Jean-Charles remembers: “I still see you there, eight months pregnant, standing on a chair to paint the walls!” Smiling, Audrey adds: “During the construction, I was heavily pregnant and at the same time, I was very actively trying to make the place look good. I was so happy to be having two babies at the same time. The restaurant and our daughter. She was born three months after the opening.” At first, Audrey, Jean-Charles, and Florent had planned on doing the cooking themselves, following the menu thought up by James Henry. But the latter ended up sticking around, working in the kitchen for close to a year. Success followed, the restaurant was full, and the press praised them unanimously: “A few weeks after opening, we got an award from Le Fooding. It meant a lot to us, it was a sign that we were part of that fringe of restaurants that make good but affordable food, with good wines, and who dress casual and cool,” says Audrey. And Jean-Charles, following up: “James’ reputation was on the rise. As I recall, people would stick their head in the kitchen and ask him how much his salary was so they could offer him double and poach him from us!” Bistronomy, with its pretty little dishes and its

tattooed chefs, was also on the up and up, to the dismay of the more classic restaurants. James did finally leave Au Passage to open Bones with Florent Ciccoli. “After James left, we had Shaun Kelly, an Australian, for a few months. Unfortunately, visa issues meant he had to leave in a bit of a hurry. Edward Delling, his sous-chef, replaced him temporarily, in the hopes he could return. They had both worked at St John in London. But the administrative procedures for the visa were taking weeks, so we kept Edward. He was a bit of a punk, but when you look at it, we have only had chefs who were foreign and pretty rock’n’roll.” Edward left the restaurant to open his own, Le Grand Bain, and was replaced by David Kjellstenius, the previous sous-chef with Dave Harrison, for the next ten months. And for the last year, Dave Harrison has been in charge of the kitchen, with Måns Engberg assisting. The restaurant now has a reputation for having welcomed many chefs, yet Au Passage is still hanging on: “Sure, it would be simpler to have chefs that stick around for longer, but all those who have worked for us have gone on to do really cool things. Changing chefs so often is also, maybe, an advantage after all, it gives the team a regular breath of fresh air,” explains Jean-Charles. Dave Harrison is the one with the attitude. The quiet strength and the discreet talent. He took over from David Kjellstenius close to a year ago, and it was love in the plate at first sight. The chef hands the menu over to Audrey who reads it and, with a smile, announces: “Oh la la, tonight’s going to be very good.” And she doesn’t hide her admiration: “Dave is an amazing chef. We have reached a very high level of cuisine

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with him, all the chefs have been great, of course, but there is definitely something different with Dave and we really love what he makes.” Dave Harrison was born in Texas but grew up in Alaska. Come high school, his parents returned the family to Texas: “I didn’t know anybody. These kids had all grown up together in this little town, and I was very different. I found them super religious, super square, and all I was interested in was music. I was kind of the rebel bad boy who sold weed to the football team.” His grandparents, on retiring, decided to invest in a restaurant, without having too much experience in the business. It was called Chicken Scratching in Fort Worth, Dallas. Dave found himself working in the kitchen for the first time, age fourteen, and he remembers: “It was out in the countryside, right next to the town where I was born, which was a real cowboy town. These small towns all have a centre square with the town hall, a few stores, picturesque houses… and the Texas flag floating high. That’s where my parents decided to settle down.” The chef ’s interest in cuisine became apparent very early on when his parents watched with amazement as their child tasted all sorts of strange things. He very quickly contemplated a life in the kitchen: “When I was young, there were none of those star chefs to look up to, except Anthony Bourdain. I wanted to be a rock star, and in my eyes, Chef was the closest thing. I continued to work throughout my high school years. I wasn’t learning much in the kitchen, but I understood how it worked, the speed, the equipment…” After four years in the family restaurant, Dave was not so sure about working in a kitchen anymore and, following his mother’s advice, continued his studies.


During that time, he also started college: “Getting into college in the States is not easy, it’s very expensive, you need a really good dossier… My father had been a pilot in the army, so we got a government grant. And so I found myself in a private catholic college. I hated all those rich kids.” Dave held on there for a year and a half before announcing to his parents that he was going to stop his studies. For his mother, cooking was no career. Chefs to her were the bad boys who took too many drugs and drank too much alcohol. “Admittedly, my parents had already caught me growing shrooms in my room when I was a teen. So they already had an eye on me,” says Dave with a grin. He took a post at Vespaio, and was in

charge of cold foods. He was at the time the youngest in the kitchen and was still lacking in experience. The other cooks did not take him very seriously, but Dave did not give up: “I often pretended I knew what I was doing, honestly I didn’t know how to cook yet.” At this point in time, he was sharing a large house. But, not being 21 yet, he could not go out very much. “One day, I met four Danish girls who were here for a festival. They were couch surfing at some creepy guy’s place, so I offered them a roof. One of them suggested I come to Copenhagen to discover the Danish culinary scene.” A few months later, Dave arrived in Denmark and found himself working at Noma, despite his lack of experience in the kitchen: “I just did as I always do, I watched the others work and I pretended to know what I was doing! The interns were all really good. This was just as the restaurant was starting to become famous, even to people who were not in that scene. The fallout from that, René Redzepi was super nervous, there was too much pressure. The atmosphere was pretty toxic, cooks would throw away preparations so that the other cooks would get yelled at by the chef… it was my first experience in a gourmet restaurant.” So, back to Austin and back to the Vespaio. Curiously enough, his Danish interlude was a source of mockery for his colleagues who imagined that working at Noma had been nothing but laying little flowers on plates. One day, he met Paul Qui, one of Top Chef USA’s first winners, who was opening his first restaurant in Texas. Working with him, Dave learned a lot but still lacked discipline and did not enjoy the authoritarian aspect of the kitchen: “Saying “Sir, yes Sir” was never my thing.”

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Finally, after a few years in Austin, Dave felt ready for a change of scene, and Paul Qui suggested he followed him to New York, where Paul had just landed a job as a sous-chef at the Eleven Madison Park: “All those years, I had kind of been tagged as a waster, a hothead who had nothing to do in a kitchen. Paul saw something in me and wouldn’t let me go. I liked the idea of a challenge, and I went back to my parents in order to make a little bit of money working in small restaurants to earn my passage to New York.” But then, in a twist of fate, his friend Dan Bora, met during an Icelandic road trip, told him about this Parisian restaurant that he loved, called Au Passage: “Dan travelled a lot for his work, his favourite restaurant was St John in London, he was always going there and had met Edward Delling. They met again by chance one evening Dan was dining at Au Passage. They became regular drinking buddies, and Ed confessed that he was in trouble and was desperately looking for a chef. Dan connected us, and the next day we were calling each other on Skype. Ed quite simply asked me to come to Paris five days later.” Dave already had a ticket for New York, but decided to drop it all. And five days later, he was living in Paris. It did not take him very long time to figure out that Au Passage was not your typical restaurant and that it was the perfect place for him. For the first time, he found himself free to express himself, to develop his own ideas. Just like David Kjellstenius before him, Harrison started out as a sous-chef. When Edward left, Jean-Charles and Audrey offered his job to both of the assistants, but Dave did not feel quite ready yet: “Becoming a chef at 21 is not the best thing. In a way, you stop learning. You learn a lot when you are

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He left for college to study French and art history in Austin. “Austin is the only cool big city in Texas, culturally very interesting. I loved moving there, I really wanted to get out of the countryside. It’s a great city in terms of music, concerts…” He was looking for a part-time job, and found an Italian restaurant called Vespaio: “It was an institution, a very classical, traditional restaurant. We would do our own meat cuts, our pasta, our cold cuts, our mozzarella… I learned to work faster, to be more efficient.”


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part of a team, and it is something you mustn’t cut yourself away from too early.” But Kjellstenius left the restaurant a few months later, and Harrison took the job, deciding to do things differently: “I decided very early on that I didn’t want any cooks. For me, we were all chefs. Even at the age of 19 I felt that people needed to think for themselves, I don’t want just grunts who are going to do what I tell them, I am not interested in that dynamic. We are all equal. Every day, I learn, I sometimes make mistakes but I always listen to my team. Better to have four brains working in unison rather than one guy bossing everyone around.” James Henry, Shaun Kelly, Quina Lon (the ex-chef patissière who created the Muscovado, Ed.), Edward Delling, David Kjellstenius… Every single one of them have had an amazing career after their time at Au Passage, which has become a focal point for chefs, giving it a unique status in Paris. As Dave Harrison explains: “I think it is a special place for young cooks, it is not a classical setup with a chef that teaches you everything. It’s a place where we all learn a lot from each other. It creates a lot of self-confidence, and that is vital. You don’t find that anymore in classical restaurants because there are procedures to be followed, which leaves little space for improvisation. Here, we have freedom. Thanks to this lack of a definite context or concept, you can really be yourself.” Freedom and a laidback attitude, everything Audrey had always wanted: “We work hard, but it’s a small place, it’s so important that we all get along. No one is really the boss, it’s more chill like that. This is not a strict restaurant where

people get pushed around and find themselves cleaning the kitchen with a toothbrush. Dave tries to treat his team the way he would like to be treated.” In a few weeks time, their new restaurant, the Buffet, will open, offering a more traditional French cuisine: “We will have a new Australian chef who used to be Dave’s sous-chef. He looks a little like Alain Souchon. His name is Chris Edwards and he has a real passion from traditional French cuisine. He used to make babas au rhum and terrines for us… he likes to make classics like blanquette de veau, vol-au-vent, tourte de cervelle…” explains Jean-Charles. Au Passage has been open for seven years now, a real achievement for a bistrot hidden down a tiny street. How has it lasted so long? “What has kept us going for so long is our love for the place, and that, despite all the difficulties one faces in this business, we never gave up. When someone is not particularly passionate about working here, they usually don’t stick around,” according to Jean-Charles. And what about the both of them? To conclude, Audrey: “Over time, we found a balance between us, we have become very complementary… I really don’t know what has kept things going all these years, but I guess that it is because we really love each other.”

Au Passage­­, 1bis Passage Saint-Sébastien, 75011 Paris

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A Plateful of Autumn Ah! Autumn and its warm, comforting recipes… Mushroom stew, butternut squash, root

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vegetables… There’s no shortage of ideas, especially when you’re cooking with Adriana Seghetta. Her recipes are simple, nostalgic, and delicious. And you can vary them using any other seasonal ingredients, so enjoy!

Carrot cream soup, pickled butternut, shiso, and chestnuts Ingredients for 4 people 500g of carrots 50cl of milk (unpasteurised) 50g of butter A pinch of Espellette pepper Salt A sprig of thyme Olive oil 1 measure of sugar 2 measures of white vinegar 3 measures of water A piece of butternut squash A few sprouts of shiso A few chestnuts, roasted and cut into pieces Method

To pickle the butternut, cut it into slices. In a saucepan, heat up the sugar, vinegar, and water until the sugar dissolves. When it is warm, dip the butternut slices in it and set aside for at least 2 hours. Put all the ingredients, except for the salt and the olive oil, in a saucepan. Bring to a boil then reduce to simmer. Continue cooking at low temperature until the carrots are done. Remove the thyme, then mix the preparation while adding a trickle of olive oil, and finish it off with a pinch of salt. Set aside. Pour some soup into a bowl or a deep plate, lay out the squash, chestnuts, and shiso on top. Enjoy.


My Childhood Orange Cake

Low temperature cooked eggs, porcinis, and watercress pesto Ingredients for 4 people 4 eggs (from happy hens) A bunch of watercress (keep a few sprigs for the dressing) A handful of arugula 80g parmesan 50g of hazelnuts 100ml of olive oil 400g of porcini mushrooms 20g butter A sprig of thyme 2 cloves of garlic Salt and pepper Method

Place a thermometer in a saucepan full of water, and heat gently. Wait for the temperature to reach 63°C. Put the eggs in the water and let them cook for about an hour, keeping the temperature constant. Set aside. For the pesto, place all the ingredients in a mixer, except for the olive oil. Mix it all while adding a trickle of olive oil. Set aside. Crush the garlic whole in your hand so that its flavour is better released during the cooking. Cut the mushrooms up. In a frying pan, cook the vegetables until they are

Ingredients for 4 people 250g of butter, softened 420g of sugar 420g of flour 5 eggs 2 packets of baking powder 200ml of orange juice 25g cornstarch 150g of sugar 150ml of orange juice 215ml cold water 1 egg yolk 30g of butter 1 egg white 100g of whisked powdered sugar Method

Preheat the oven at 180°C. Cream the butter and sugar. Add the eggs one by one. Sift the flour and baking powder into the mix then continue to beat it. Add the orange juice and mix until it is smooth. Pour the mix into a spring form cake tin. Put it in the oven for 1 hour at 180°C. Check it by plunging the end of knife into it; it should come out dry. For the orange cream, put all the ingredients except the butter in a saucepan. Gently heat while you stir. When it start to set, take off the fire, add the butter, and mix. Set aside. Once the cake has cooled down, gently slice off the top. Spread the orange cream over it and put the top back on. Beat the egg white with the sugar and cover the cake with it.

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Faiminisme and hardboiled sexism Women’s cuisine, sensitive and delicate, does not exist, and those who disagree will find themselves at odds with Nora Bouazzouni. Exasperated by the rampaging sexism in the kitchens, this idea that women prefer a grated carrot salad to an entrecote Béarnaise or T-bone steak, the Slate and Libération journalist has published a book, a scathing and fascinating look at the male domination that is felt all the way down to your plate. Mint: What sparked the idea of writing this book, Faiminisme? Nora Bouazzouni: I didn’t actually think I could write a book, I felt like an impostor… Someone came to me with the idea. Anne and Antonin (from the publishing house Nouriturfu, Ed.) had this idea for a book about sexism in the kitchen. They liked my acerbic tone, and when we met, the idea appealed to me. They gave me carte blanche. The results of my observations are pretty dark, but I wanted this to be a basic introduction to feminism for the reader. Let them get a taste of it all without feeling too depressed, re-contextualise the struggles we face to motivate them into action. Otherwise, you may as well flip everyone the bird and go live in a cave. When was the first time you heard a sexist comment about food?

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brown, add salt and pepper. In a plate, put a spoon of pesto, add the porcini mushrooms, and break an egg in the middle of the plate.


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I was 8, I was buying some croissants, and the woman at the counter in the bakery said to me: “That’s two minutes in your mouth and ten years on your hips.” I was a kid but I understood immediately. I was scared of being fat. A few years later, it happened again during a holiday: at a donut stand, the seller said to little child me: “Watch out! That all goes to your hips.” Then, throughout my life, the same thing. At a restaurant, a waiter asking me if I was sure I wanted a dessert. In the street, if I eat a banana, I know I will get the snide remarks, someone saying “Greedy!” The fact is, as a woman, you are the recipient of men’s desire, and you are being watched all the time. How far back does this domination go?

The division of labour by gender goes back to the Palaeolithic. Women were often pregnant, making mammoth hunting a little complicated. Some have expressed the idea that men confiscated sharp tools: since women gave life, they could not also give death. That was the starting point for the patriarchy. During the Neolithic, as Mankind started to settle down, thanks to women setting up animal farming and agriculture, the men started exchanging their women. And this is a division you also find in cuisine: men must eat meat.

It corresponds to the male/female stereotypes. Women are sensitive, men are violent, and so meat is virile, masculine. A man who is a vegetarian will be said to be on a “girly diet”. The same goes for rosé wine or delicate meals. Yet the most famous chefs and pâtissiers are men. And when the WHO advises people

to eat less meat to reduce the risks of colorectal cancer, French producers cry fake news, as if meat were an unalienable part of their identity. And women, on the other hand, must stick to salad.

Women’s magazines are obsessed with the idea that you must eat what you like but watch your weight at the same time. So you have to stop thinking about what you eat. In the dating sphere, it is flagrant: if you drink too much, you are said to “hold your liquor,” but if you order a salad, you’re no good in bed… Women are not free to eat what they want. You wrote that the body is not for living but for building.

You will never be perfect, never be good enough. You are either too thin or too fat, your breasts are too big or too small. And if a woman around you is closer to perfection than you are, it’s horrible. Some large and very large women have started the body positive movement that stipulates that you shouldn’t be ashamed of your body. Except that society keeps reminding us that, in order to be a woman, you must not take up too much space, not speak too loud, because that is a guy’s job. Do you find yourself feeling that pressure when you eat?

Of course! Even if I am quite satisfied with my body, as soon as I step out of the norm, I feel like everyone is judging me. Same goes for shaving: if I have not shaved, I don’t dare go out. It’s as though I was constantly being told not to lay back, that my body is an enemy I must fight all the time.

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How are vegetarianism and feminism related?

Society has developed a hierarchy for the legitimization of violence. Men are at the top; women, seen as less competent, are next; and then animals, which are not seen as capable of thought. Animals are massacred and women are exploited. They are objectified, the same as animals. One time, I was been heavily hit on by some guy in front of a tobacco store. I told him I was not interested, that I had a boyfriend, but that did not stop him. And when my boyfriend actually came out of the store, the guy immediately apologised to him, as if I was his property. Are you a vegetarian?

Actually, for all the above reasons, I feel guilty when I eat meat. I haven’t eaten red meat in years because I feel too close to the cow, which has its own suffering and its own language. I like poultry less and less. I only eat meat in restaurants or at barbecues. So I lean towards vegetarianism, although I would be hard pressed to stop eating fish and seafood, quite simply because I feel no empathy towards them, even though they suffer just as much. I heard someone once say that “you can’t be feminist and a carnivore,” but I believe that these two struggles are subject to intellectual reasoning. Everyone has their own way of dealing with them. In the kitchen, women are in charge of the family meals, but in public, men are the chefs. Why?

Women prepare the meals for the men, they have always been in the kitchen. As a matter of fact, chefs


When female chefs start to make a name for themselves, they are rarely put in the spotlight…

Men favour other men. There are old networks at play, and most food critics are men. If they’ve been around for years, they will obviously talk about their buddies before they talk about a young up-and-coming woman. These are the same people who tell you about “feminine cuisine” but never, strangely, mention a masculine one. Things are starting to change with the arrival on the scene of female writers, bloggers, and Instagrammers who are slowly replacing food critics. A lot of change will come from South America, where there are lots of women chefs because the weight of tradition in cooking is not as ancient and is thus easier to bypass. So what can be done to eliminate sexism in the kitchen?

As journalists, we must shed more light on women’s initiatives. In the world of food, there are many women who work for associations or NGOs to help with the integration of refugees through popup cantinas, for example. There are also some women cooperatives that are working with organic products, local products, or natural wines: all these domains that, when it comes down to it, don’t interest men so much. And in everyday life, if you go to a restaurant and the woman chef is great, you must spread the word around you. Women must stick together, help each other out, but men must also help. They must not hesitate to ask their mothers, sisters, or girlfriends if there is anything they can do to help. This is how things will move forward. Faiminisme, quand le sexisme passe à table, Nora Bouazzouni, Éditions Nouriturfu, 117 pages, 14 euros.

my hot chocolate. The rain stops, I mount my bike. In this town, as in the rest of the country, cyclists are king: better get used to it. Onlookers watch boats race under the suspended bridge. The chill coming off the water reminds me that autumn has definitely settled, and then I return to my perambulations. This modern city, spattered with parks and gardens, invites me to go slow, to take my time. In a few years, floating houses will appear on the Nieuwe Maas. Nestled in the Dutch country, but still close to the ocean, Rotterdam is Europe’s largest port. In the old days, it was where people left for New York to start a new life. Today, big city lovers come and spend long weekends in the shade of its bold modern architecture. Cosmopolitan and frenetic, the city is slowly coming out of the shadow of its big sister, Amsterdam. To our great pleasure.

Beds Mainport Hotel, 5* From a room on the 11th floor, through an immense bay window, you admire the view of the suspended bridge. Jacuzzi and a private sauna, the keys to comfort after a day on the town. p.75

Rotterdam Rain hits the windowpanes as I huddle on the café’s bench. Outside, the Boerengat canal quietly twists and turns, one of the city’s last survivors. I break off a piece of stroopwaffel, a thin waffle filled with syrup and cinnamon, and dunk it in

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Leuvehaven, 77

Citizen M Just a step away from the station, this hotel and its bohemian ambience offers nothing superfluous. Only big beds and free movies. Enjoy a lengthy laze by the fireside in its welcoming lobby. Gelderstraat, 50

English texts

always cite women to explain their vocation. The chef ’s prestige comes from the fact that his cooking happens outside of the family sphere. We value his work because we tell ourselves that it is not his “natural” role. And the cooking world is very violent and sexist: even though there are as many women as men who enter the Ferrandi school (a cooking school in Paris, Tr.), it is harder for women because they suffer from the pressure of men and their machismo. Thankfully, there are an increasing number of thirty-year-olds who are realising that this is not normal and that things need to change. One example is the chef René Redzepi (Noma) who has recently realised that he was awful to women in the kitchen and that this behaviour had to stop.


English texts

Stroom Down on the port’s pier, there used to be a power plant. It is now a modern hotel. Bright and cosy, it is an invitation to relaxation. When the weather is right, the rooftop terrace offers a stunning view of the Euromast tower. Lloyd Street, 1

Food Lof der Zoetheid At all times of the day, sit at this temple of comfort food and watch the ballet of cheeses, cold cuts, soups, and other Russian specialties. Its name, picked by owners Anastasia and Elena, speaks volumes: in Dutch, “zoetheid” means “sweetness”. Noordplein, 1

Dertien The entire Rotterdam world of food dances to the tune of Dertien. Its chef, Pepijn, focuses on local products, the surrounding terroir. Thus, savour here roasted cauliflower with almonds, the finest homemade fries, and crunchy crab croquettes.

Booij Kaasmaker, rye bread from Jordy’s Bakery, or a Japanese dish, and sit in the sun on some second hand furniture to savour it all.

shop where you witness the beans being roasted and blended to perfection. And their welcome is as warm as their coffee.

Old Scuola Marco and Daniel are purists in the art of the Neapolitan pizza, and after time spent driving their food-truck from festival to festival, they finally have their own place. Sitting at the counter, right on the terrazzo, feast on a delicious Margherita, the bread thin and the crust thick. One bite, and you find yourself transported to Italy.

Parquiet In the heart of the Euromast park, there stands a welcoming house all in white. A fresh breakfast here is a choice of moist banana bread, an espresso from Man Mit Bril or home made quiche, and is savoured, ideally, on the terrace, lounging in a deckchair.

Veerlaan, 19

Schiekade, 189

Fenix Food Factory This food market is hidden in an old warehouse, on the docks of the old red light district. Amidst the hip fauna, pick out some cheeses off the stalls of

Baden Powelllaan, 20

Achterklooster, 1

De Jong On arrival, you let them know if you are a vegetarian, and then you put yourself in their capable hands. No menus under the arches of the old viaduct, and the 26-year-old chef surprised us with dishes that were often organic and local, such as the haddock with mustard sprinkled with herbs and flowers from the garden. Remember to call ahead! Raampoortstraat, 38

Schiedamse Vest, 30

Op Het Dak To reach the table, one must navigate through the maze of salads and flowers growing on this rooftop terrace. Order here a seasonal breakfast, munch on a pumpkin muffin and porridge with fresh fruit. Come mid-afternoon, out come the tapenades and other rillettes washed down with craft beers and natural wines.

Vijverhofstraat, 70

De Bakkerswinkel A place completely unaffected by its concrete walls and industrial décor. This café wraps you in warmth and sweetness the moment you sit on one of its benches facing the canal. And on sweetness, they own the monopoly: yoghurt with market fresh fruit, granola, cheesecake… And since we get the lowdown on everything, know that there is a slightly secret door that opens into a huge restaurant. Oostplein, 223A

Aloha A few years ago, an open-air swimming pool by the river turned into this inventive bar and restaurant, with its hankering for local products. The water slides are still there, and in this tropical setting you gorge on tasty vegetarian cuisine, full of quinoa and burrata. A tip: when you order tea, ask for honey… it comes from their rooftop. Maasboulevard, 100

Hopper A café that goes straight to the point: minimalistic décor and good coffee. All day long, you can nibble on some broodje, their homemade bread, with a slice of Gouda, followed by a piece of cheesecake. And don’t miss their selection of fine wines. Schiedamse Vest, 146

Coffee

Going Out

Man Met Bril An alluring smell of coffee floats down the street. You rush into this minimalistic yet laid-back coffee

Bierboutique

128

Velvet draped chairs, cement tiles, and a soft atmosphere for a bar with

a selection of 90 beers. Whether you


Witte de Withstraat, 40B

greatest collections of masterpieces. Gaze upon the works of Rembrandt, Bosch, Van Gogh, Monet, Mondrian, Magritte, Dali, and many more from the Renaissance.

Museumpark, 18-20

Supermercado Before entering the Superdisco nightclub, you simply must head to the first floor of this Latino restaurant that serves marinated pork tacos, sea bass ceviche and muy loco jalapeño-based cocktails. Schiedamsevest, 91

Amehoela Bamboo, tropical plants, quesadillas, and cocktails that are to die for: is this still Rotterdam, or are you dreaming? This new bar is an homage to Tiki culture and features fresh musical acts. Mauritsweg, 33

Shop Groos A “concept store”, sure. But none of that kitsch mug or corny key ring. The designer souvenirs at Groos are imagined and made in Rotterdam. Socks, notebooks, vases, sneakers… all that’s missing is a large suitcase to take them all home.

Het Nieuwe Instituut Surrounded by water, this remarkable institute is famous for its exhibits on design, architecture, and fashion. Its beautiful library and its collection of ancient books is also a must-see.

Luchtsingel Created by architecture studio ZUS, the 390 metres of yellow, wooden, and pedestrian bridge connect Rotterdam North to the city centre. Fun fact: the project was financed by a city initiative. Schiekade, 189-303

Museum Boijmans Van Beuningen This museum holds one of Europe’s

6 rue Bichat, 75010 Paris

Museumpark, 25

Fotomuseum In the basement of this museum of photography, images, and design, is the Dark Room, a permanent collection featuring important stills and videos that detail the history of both the country and photography over more than 185 years. Wilhelminakade, 332

How to get there: From Paris, a return ticket on the Thalys train will cost you 70€. To extend your visit to the rest of the Netherlands, grab an Interrail pass, starting at 100€ for three days over a period of one month. www.thalys.com / www.interrail.eu

Achterklooster, 13

Coffee

and Iago, David’s dog, an ever present Leonberger. After working at Vivant, AT, and the Clown Bar (among others!), David is finally at home, for the first time in his life. And this place represents everything he is: to the point, cosy and generous, comfortable both before and after dinner. For a party of two or fourteen, from Monday to Sunday, for one hour or six… you will always be welcome at Benichat.

p.102

Food guide Benichat Paris It’s simple: his name is David Benichou, the street’s name is rue Bichat, so he named his bar Benichat. It is a delicate place, no flourishes, just the good food essentials: the crème de la crème of natural wines, Simon Horwitz’ irresistible terrines pâté, a bell holding a fabulous selection of cheeses,

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Stone Clove Bakery Paris

Beth is a baker, Philip is a director, and they started making extra-simple and extra-delicious cakes “for fun.” They sold a few fat chocolate chip cookies, like the ones found at Colette’s or the Maison Plisson, and the success of these creations prompted them to open their own shop. At Stoney, cakes are straightforward and comforting: chewy cookies, soft on the inside and crunchy on the outside, 100% natural, with oatmeal and raisins, rosemary, cornmeal, pecan nuts… And also, seasonal fruit pies, brownies, banana puddings… An embassy for the true blue American dessert in Paris! 71, rue de Greneta, 75002 Paris

English texts

want the classic craft beer or you adventure into the hoppy cocktail territory, long evenings will be spent in this fine brewery.


English texts

Substrat

Lyon

Patience is the name of the game when you have respect for your products and the land, for the terroir. Learn to wait, to not force things, to not expect the fruit to give you everything right away, and to persevere. Hubert Vergoin’ Substrat is that beautiful fruit, well ripe, that has had you waiting, a long time, to finally see the light of day and live to every one of its creator’s expectations. Substrat is a cosy restaurant, it stands by its convictions, its cuisine is infinitely pretty, personal, and poignant. Hubert has spunk, his story is inspiring, his cooking is inspired. Substrates, lacto-fermentations, pickled goods… Hubert is not getting ready for after the apocalypse, he just infuses his food with his best ingredient: a bit of himself. 7 rue Pailleron, 69004 Lyon

Jacques Gehin Paris There are few people who qualify as “the best.” If everyone were the best, there would be no best. However, Jacques Genin, in every way, qualifies. And especially on the subject of confectionery making, with his fruit jellies, vegetable jellies, and his nougats. Chocolates, with his delicacies (ganaches and pralines), chocolate bars, and special creations (such as the hazelnut praline and Gabrio Bini capers). And as for cakes… glorious. To take away, you must call ahead, or you can eat there, and Jacques will win you over with his millefeuilles, lemon and basil tarts, Paris-Brests… Jacques Genin for president?

Anahi

Paris

Balagan Paris

A few years back, Anahi was the place to be, everyone flocked there. That is, until it fell prey to the doomed “Jeune Rue” project. But the owners, Carmina and Riccardo are back, stronger than ever, reborn in the flesh: Riccardo, a fine meat importer, has selected nothing but the best for this second round. Thin slices of Kobe beef, grain fed beef skirt steaks, veal… And as for the non-carnivorous side of things, there’s guacamole, tortillas, tacos, empanadas… all of it served in the original setting, a lovely ancient butcher’s shop with tiled ceiling, and accompanied with amazing cocktails. A new lease on life for Anahi.

When the excellent founders of the Experimental Group (ECC, Prescription, Ballroom) decided to apply their talent to a restaurant, they went big. Open on the rue d’Alger, Balagan is a ball, with a “cosmopolitan and exhilarating” cuisine, thought up/prepared by Israeli chef Assaf Granit. In Hebrew, Balagan means “a happy chaos”, and in its hideyhole, safe from the light of day on the ground floor of the Rennaissance hotel, they certainly got that right. Balagan is a lively place, one where you gladly share colourful plates, speak loud and wave your glass around, punctuated with kebabs, labneh, tahini, Moroccan style oysters, and tzatziki.

Carbón Paris

Ristorante National

49, rue Volta, 75003 Paris

Carbón is the love-child of an Ivorian, an Argentinean, and a Swede, and it is a top-of-the-class restaurant that doesn’t even annoy you, because it is both perfect and humble. The heat is on at Carbón, whether it is on the cooker or in the 500°C oven, and that heat is applied to everyone. Even the oysters. And in the basement, qué calor!, you will find Mina hiding there in a cocktail speak-easy, with braised pineapples and soft lighting. And as for food, Carbón is a diamond trove of braised lamb, homemade smoked burrata, devilish mackerel… this time, Carbón will last. 14, rue Charlot, 75003 Paris

9, rue d’Alger, 75001 Paris

Paris

Julien Cohen is the Woody Allen of pizzerias: almost one a year. Ristorante National is the latest one, the one you were not expecting, the late-comer, but that you are so happy to discover that it will get spoiled silly, the advantage of being the youngest child. And as always, it’s amazing, and the setting is even better, set up as it is inside the new Hotel des Arts et Métiers. It’s like a friendly cousin, but if you want to savour a bowl of trofie al pesto, best come well dressed. Come quick and meet the crunchy octopus, the langoustine linguine, the oven baked sea bass… papa mia! 243, rue Saint Martin, 75003 Paris

133, rue de Turenne, 75003 Paris

130


Retrouvez-nous en ligne ! Chaque numéro de Mint est téléchargeable en version numérique sur notre site Internet.

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Découverte

Do bigger things = Faites les choses en grand

www.samsung.com/fr/galaxynote8

DAS Galaxy Note8 : 0,173 W/kg. Le DAS (débit d’absorption spécifique) des appareils mobiles quantifie le niveau d’exposition maximal de

l’utilisateur aux ondes électromagnétiques, pour une utilisation à l’oreille. La réglementation française impose que le DAS ne dépasse pas 2 W/kg. L’utilisation d’un kit mains libres est recommandée. Visuel non contractuel. Écran simulé.

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Samsung Electronics France - CS2003 - 1 rue Fructidor - 93484 Saint-Ouen Cedex. RCS Bobigny 334 367 497. SAS au capital de 27 000 000 €.

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