Extraits de Presse 2011-2013

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ALGERIE NEWS - 26 JAN 2011

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Lecture théâtrale au CCF d’Alger

Harraga, ou la tragique Odyssée de Personne Le Centre culturel français d’Alger a accueilli lundi dernier la lecture du texte théâtral «De mon hublot utérin je te salue humanité et je te dis blablabla…», de l’écrivain-journaliste Mustapha Benfodil. Un texte à multiples résonances où l’auteur remue avec loquacité la question des harraga.

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evisité par la compagnie «l’Orpheline», le texte de Benfodil révèle une composition très complexe, transcendant la métaphore avec le fait réel. Il relate le phénomène de la «harga» (brûler dans le sens littéral), immigration clandestine, comme un acte de courage et une expérience unique à laquelle s’adonnent des milliers d’Algériens, des anonymes de l’Histoire actuelle qu’on réduit à de vulgaires chiffres, bravant les dangers de la mer, comme le légendaire Ulysse. Ce dernier avait, lui aussi, choisi de se considérer comme «Personne» en défiant la puissance de Poséidon. Posant ainsi une imposante équation : «Je ‘‘harreg’’, donc je suis… Personne», la lecture propose des liens de repère croisés entre mer et mère, mer et harrag, harrag et mère, mère et enfant, ou mère et enfant face au monde. A travers ce texte, on s’introduit dans un univers «Benfodil». Ce dernier excelle dans la description et nous confronte à la dimension tragique que prend l’odyssée des harraga au large d’une mer «ogresse» et dévorante, et à l’insoutenable souffrance d’une mère qui, telle Pénélope, espère le retour de son Ulysse ou, du moins, sa survie. Benfodil excelle également dans la provocation pour interpeller une société «difficile et autiste», avec un langage cru et violent, qui traduit de manière assez agressive les conditions d’un cruel destin, entre rêve d’évasion de cette prison de toutes les frustrations nommée Algérie, et le passage-suicide dans la Méditerranée. L’auteur met en lumière, dans ce même but, la relation mère-enfant dans une allégorie percutante où il décomplexe Œdipe de sa liaison «ombilicale» avec sa mère, abordant ainsi sur l’éternel conflit intérieur, centré autour de la mère ; un exercice katébien dont l’écrivain ne nie pas l’influence. La figure de la mère génitrice, protectrice et possessive, «piégée» par son instinct qui tente maladroitement de contrecarrer l’absurde destin d’un fils emporté par son propre choix, est transposée à celle d’une mer

Benfodil excelle dans la provocation pour interpeller

une société «difficile et autiste», avec un langage cru et violent, qui traduit de manière assez agressive les conditions d’un cruel destin. cruelle et redoutable capable d’annihiler ses enfants. S’expose alors un conflit à proportions diverses entre mère d’appartenance et mère d’accueil, un conflit identitaire et d’intégration. Des dialogues entre la

mère et son enfant perdu au large, ou qui attend sa naissance à partir de son «hublot»… Tout se conjugue et se rallie dans le parfait crime de l’immolation dans une mer(e).

Interprétée par Nadjib Oudghiri, Samir El Hakim, Elisabeth Moreau et Thomas Gonzalez et mise en scène par Julie Kretzschmar, la lecture de «De mon hublot utérin je te salue Humanité et je te dis blablabla…» s’est faite dans une tension dense, chargée par des moments de souffles et marquée par la générosité du texte marqué par l’esprit ironique qui revient souvent dans les écrits de Benfodil. Fatma Baroudi

La communication et l’information dans le domaine culturel

En déconnexion avec le large public

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endant les années 70, la troupe théâtrale ACT (Action culturelle des travailleurs) de Kateb Yacine sillonnait le pays, les moindres recoins, les villes et les villages, pour semer les grains de la culture. Le bon vieux temps que nous regrettons aujourd’hui est révolu. L’Algérien moyen d’aujourd’hui n’accède pas aisément à la culture. L’information qui lui parvient sur

qui habite aux fins fonds des villages les plus lointains et ce, en informant le plus grand nombre de la tenue de telle ou telle activité culturelle. La question de la communication dans le domaine culturel se pose sérieusement en Algérie. L’accès du public aux événements organisés à Alger demeure restreint. Hanane habite Alger, elle est en classe terminale, elle affirme :

notamment après les années 1990. Le rôle que doit jouer la communication dans le domaine culturel est donc fortement nécessaire et ne doit pas se limiter uniquement à l’information mais aussi à la sensibilisation au fait culturel. Des institutions comme l’Office national de la culture et de l’information, l’établissement Arts et Culture, le Théâtre

ques d’El Okadia. Mais, là encore, les différents organismes n’affichent pas dans les cités ni dans les universités pour inciter les étudiants à se rendre aux différents événements. Abdi, étudiant en sciences de l’information, hébergé à la cité U de l’ITFC concède : «A vrai dire, même si l’information nous parvient, notre petite bourse ne nous permet pas de sortir. 3 000 DA tous les


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LIBERTE - 26 JAN 2011

Edition du Mercredi 26 Janvier 2011

Culture Héros homériques à la poursuite d’un idéal chimérique LECTURE DE LA PIÈCE “DE MON HUBLOT UTERIN JE TE SALUE HUMANITÉ ET TE DIS BLABLABLA…” Par : Sara Kharfi

La compagnie l’Orpheline a proposé, avant-hier soir, au Centre culturel français d’Alger, une mise en lecture du texte, “De mon hublot utérin je te salue humanité et te dis blablabla…”, de l’auteur Mustapha Benfodil dont on connaissait, en Algérie, l’œuvre romanesque davantage que l’œuvre théâtrale. Cette pièce qui verra le jour en forme de spectacle théâtral, le 8 mars prochain, en France, s’intéresse à l’épineuse et très actuelle question de l’émigration clandestine. “De mon hublot utérin je te salue humanité et te dis blablabla…”, c’est l’histoire de Tariq Ibn Harrag ; c’est l’histoire du fœtus qui entrevoit déjà le monde à partir de son hublot utérin, du ventre de sa maman ; c’est l’histoire d’une mère qui supplie la mer de lui rendre son enfant avalé par les flots. L’auteur par la voix des quatre comédiens : Elisabeth Moreau, Samir El Hakim et les excellents Thomas Gonzalez et Nadjib Oudghiri, nous plonge dans les entrailles d’une mer, la Méditerranée, qui avale des milliers de jeunes ; mais aussi dans les entrailles d’une mère qui aime son enfant bien avant sa naissance et qui l’aimera toute sa vie parce que les génitrices sont programmées pour aimer leurs enfants… même s’ils renoncent à tout ce qu’ils ont pour courir derrière une utopie. Après que la mer eut arraché à la mère la chair de sa chair qui est sorti de ses entrailles, celle-ci va la supplier puis l’insulter, puis la dénigrer, puis sombrer… tout comme son enfant. L’auteur qui considère les harragas comme des Ulysse des temps modernes, propose un parallèle avec la mythologie grecque et notamment l’Odyssée. Sous sa plume, les harragas deviennent des héros homériques partis à la conquête d’un idéal chimérique. L’agréable surprise de ce texte est le côté Katébien. Une filiation qui n’est pas toujours décelable dans l’œuvre romanesque de Mustapha Benfodil, mais qui est largement affichée dans ce texte, notamment avec la phrase : “Tu pleures et il pleut…”, qui se répète tel refrain et qui nous fait penser à Nedjma de Kateb Yacine et précisément à “Mère, le mur est haut”. Ce texte est une agréable surprise qui fait découvrir une autre facette de l’œuvre de l’auteur.

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L’EXPRESSION - 26 JAN 2011

«DE MON HUBLOT UTÉRIN, JE TE SALUE HUMANITÉ ET TE DIS BLA-BLA-BLA...» Et si harraga m’était conté O. HIND

- Mercredi 26 Janvier 2011 - Page : 19

Entre présent et passé antique, de la mythologie grecque aux Temps modernes, la pièce met la pendule à l’envers et erre.

Cris et châtiment. Un titre qui siérait sans doute à cette pièce. Car, qu’a-t-elle fait une mère au Bon Dieu pour voir son enfant arraché à la vie dans des conditions aussi cruelles? Et si el harrag m’était conté? Dans De mon hublot utérin, je te salue humanité et te dis bla-bla-bla...le sort tragique des harraga est raconté avec force et véhémence. Ecrit par le journaliste et auteur Mustapaha Benfodil, à l’automne 2009, le projet prend racine dans l’écriture d’une fiction que l’auteur invente lors d’une résidence à bord d’un voilier naviguant en Méditerranée. Sur une proposition du metteur en scène, Julie Kretzschmar, s’engage une collaboration entre Mustapha Benfodil, le chorégraphe Thierry Thieû Niang et le comédien algérien Samir El Hakim (qui a déjà joué dans le film Harragas de Merzak Allouache, Ndlr). Ce travail à trois temps prend forme dans le cadre du Festival du théâtre arabe en région, organisé par La Friche Belle de Mai, sous la houlette du metteur en scène Ziani Chérif Ayad. En attendant la mise en espace, une mise en lecture a été donnée lundi dernier au Centre culturel français par Elisabeth Moreau, Samir El Hakim, Thomas Gonzalez et Najib Oudghiri. De mon hublot utérin, je te salue humanité et te dis bla-bla-bla...est une plongée dans les entrailles de la mer Méditerranée, arrimée à la douleur de ces mères éplorées de chagrin et de culpabilité. Le silence dans la salle du CCF contraste avec les balbutiements qui ouvrent le «spectacle». «Euh, euh, euh, qu’est-ce que j’ai fait? Qu’est-ce que je n’ai pas fait?», est scandé sur un ton lent, répété comme une obsession. Un foetus dans le ventre de sa mère nous parle. Cette pièce met en juxtaposition le destin de ces anonymes, surnommés «personnes» qui finissent deux pieds sous la mer et celui de ce foetus qui écoute sa mère lui raconter les belles aventures d’Ulysse, d’Ithaque, de Télémaque...le sort pathétique des harraga, leurs rêves d’Italie et de jolies filles s’arrêtent au port de leur infâme destin qui s’acharne à les dériver contre leur gré. Bienvenue dans l’escalade de l’errance d’une mère et celle de toute une jeunesse qui se cherche. Entre humour assassine et description grotesque, cynisme, dérision, pointe de tendresse et cruauté, mais aussi éclatement du sens, poésie et multilinguisme, on reconnaît là, la métalinguistique de Mustapha Benfodil dont son écriture en est affublée. Une écriture fleurie, lyrique, nerveuse, incandescendante, plurielle, franche, remuante jusqu’à la nausée. Entre présent et passé antique, de la mythologie aux Temps modernes, et son corollaire, MSN et Facebook de Omar Timsah, De mon hublot utérin, je te salue humanité et te dis bla-blabla...remet la pendule à l’envers pour reconstituer le puzzle d’une sombre destinée. De l’état embryon-noire à celui d’un fantôme englouti par la mer glauque qui vous prend sans pitié. «C’est pas l’homme qui prend la mer, C’est la mer qui prend l’homme» chantait Renaud. Le foetus grandit. Il s’appellera Tarik. Comme l’un des principaux acteurs de la conquête islamique de la péninsule ibérique. Ou encore comme le nom de ce fameux bateau qui porte aujourd’hui son nom. A la différence que lui, sa conquête tournera court. Un pied de nez funeste à l’existence. Pris dans les vagues périlleuses de la mer. Du liquide amniotique, Tarik redevient liquide, absorbé par les abysses. Désillusion de la mère, rêve cajolé, fardeau affectif et projet avorté. Vague à l’âme. Du bleu de la mer qui divague. Invocation des dieux du ciel et de la mer. La pirogue se métamorphose en linceul. La mère tempête, invoque Calypso, la nymphe de la mer pour lui rendre son fils bien-aimé. Sera-t-elle entendue? «Nous mangent les poissons et pas les vers» est une expression courante chez les harraga, qui dit leur désespoir, leur désenchantement quand tout est perdu. D’une durée de quarante minutes, cette lecture nous a donné un aperçu de ce que sera la pièce une fois montée et jouée les 8 et 9 mars prochain à Martigues, près de Marseille. Puissante et vive, marquée de quelques blancs (coupures), la mise en lecture donnée lundi dernier au CCF nous laissa comme un petit goût d’inachevé. Toutefois, le talent des comédiens à faire passer les émotions est à saluer. La force du texte aussi, bien entendu. Droits de reproduction et de diffusion réservés (c) L'Expression

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VENTILO - 3 MARS 2011

Pénélope cherche Télémaque Dans le cadre du festival dédié à la Méditerranée Mare Nostrum, De mon hublot utérin, je te salue humanité et te dis blabla bla nous emmène dans un périple dans le temps, à travers les dialogues imaginés entre une mère et son fils séparés par l’exil. Une dramaturgie qui n’a pas peur de mettre à la surface les nœuds plus ou moins coulants. « Mieux vaut mourir mangé par les poissons que rongé par les vers » : telle est la nouvelle devise de la jeunesse algérienne, celle des harragas, qui choisissent l’exil parfois au prix de leur vie1. C’est autour de cette nouvelle figure de la société algérienne que se tisse le drame écrit par Mustafa Benfodil et mis en scène par Julie Kretzschmar. Après deux étapes de travail présentées à la Friche, la création, magnifiquement rythmée par la danse de Lucas Manganelli, atteint aujourd’hui un équilibre serein. Portée par trois comédiens, la parole de Tariq — le fils exilé, héros de la pièce — trouve son rythme, oscillant entre la clairvoyance cynique de Thomas Gonzalez et la violence rentrée de Samir El Hakim, en passant par la présence toute poétique de Najib Oudghiri. Interprétée par Elisabeth Moreau, la mère, seule, face à la mer, face à nous et à son désespoir, s’octroie enfin une place de premier choix. Par son élocution admirable et sa présence flamboyante, l’actrice nous fait ainsi entendre les subtilités de ce texte si exigeant, tant par sa forme que par son propos. Si le récit tragique est ponctué de références mythologiques, celles-ci évitent l’écueil du vernis parfois trop classieux des écritures contemporaines. Les lumières, la scénographie et la création sonore de Nicolas Gerber font de l’étroitesse de la petite salle des Salins un atout. Les allusions aux techniques de communication modernes qui ponctuent le texte, ainsi que la métaphore du voyage et du parcours font de ce récit à la construction étrange une œuvre admirablement mise en jeu sur le plateau.

Une œuvre où le temps n’existe plus, nous engloutissant sans faire naufrage dans les méandres de l’inconscient maternel. Une œuvre de chair et d’âme, moins cérébrale que ce à quoi la compagnie rattachée aux Bancs Publics nous avait accoutumés. Une œuvre sur l’intemporelle et universelle douleur de la mère, sur son amour imprescriptible. Joanna Selvidès De mon hublot utérin, je te salue humanité et te dis blablabla par la Cie L’Orpheline est une épine dans le pied : le 9 au Théâtre des Salins (19 quai Paul Doumer, Martigues). Rens. 04 42 49 02 00 / http://theatre-des-salins.fr 1. Harraga : mot originaire de l’arabe nord-africain « qui brûlent » (les papiers). Migrant clandestin qui prend la mer depuis l’Afrique du nord, la Mauritanie, le Sénégal avec des pateras (embarcations de fortune) pour rejoindre les côtes andalouses, Gibraltar, la Sicile, les îles Canaries, les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla, l’île de Lampedusa ou encore Malte.


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ZIBELINE N°39, DU16/03 AU 13/04/2011


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De mon Hublot utérin, je te salue humanité et te dis blablabla. DE MUSTAPHA BENFODIL MISE EN SCÈNE JULIE KRETZSCHMAR Avec Samir El Hakim, Thomas Gonzalez, Lucas Manganelli (danseur), Elisabeth Moreau, Najib Oudghir

Seul(e) dans mon corps Faire entendre le texte de théâtre d’un auteur issu d’une culture dévastée par la France est un acte politique en soi, et rare. C’est celui de Julie Kretzschmar pour Mustafa Benfoldil, journaliste algérien et auteur dramatique. C’est déjà ça, même si, à première vue, De mon Hublot utérin, je te salue humanité et te dis blablabla est un texte qui garde quelque chose de cadré, culturellement parlant, avec une référence dorsale à L’Odyssée d’Homère. Il y a une situation fictionnelle dramatique - celle d’un homme qui traverse la méditerranée pour l’Europe -, et deux personnages théâtraux - une mère et un fils qui échangent des monologues – qui rassure l’amateur du théâtre de texte. De mon Hublot utérin, je te salue humanité et te dis blablabla se présente à première vue bien comme une rhétorique de la dénonciation de cette tragédie des « harragas » (« ceux qui brûlent » et par extension, « ceux qui brûlent leurs papiers »). Un texte à message. Mais à l’intérieur de ça, Mustafa Benfodil injecte une écriture qui bouscule la langue, qui déborde – le texte en lecture fait quatre heures – et qui va ailleurs – et le titre plein d’ironie est annonciateur... Mustafa Benfodil donne d’abord une image de notre temps mondialisé. Il y a une façon de parler du fils, où ses rêves d’évasion, rêves justes, sont aussi des fantasmes d’aliénation - de voiture et de filles – qui traduit bien ce grouillement contradictoire, ambivalent, du monde postmoderne. Internet par exemple, qui lui permet de donner forme à son désir de créer du lien, n’est qu’une drogue virtuelle. Ensuite, Mustafa Benfodil regarde le monde depuis le point de vue qui ne peut pas être le nôtre - de gens dans un théâtre. C’est le point de vue de ceux pour qui le monde est à l’extérieur, hors représentation. Le point de vue de ceux qui en sont dépossédés jusqu’à perdre leur nom : Mustafa Benfoldil ne prénomme pas ses personnages. C’est une bonne distance pour nous faire voir les choses, celle de ceux qui n’ont plus rien à perdre ni à gagner, hors de tout théâtre. Le fils s’exprimant

en dernier lieu depuis sa noyade. C’est de là que nous sommes regardés, de ce point d’effacement paroxystique d’un regard. C’est de cette question de distance que Julie Kretzschmar part. Au théâtre du Gypsis à Marseille qui est un ancien cinéma à balcon, elle installe les spectateurs à grande distance de la scène, et en hauteur. Elle ne cherche pas à nous affecter - comment de toute manière ne pas compatir ? Non, elle nous sépare de la scène. Cette séparation provient de toute façon de l’aspect esthétisant, très plastique, de sa scénographie qui déréalise symboliquement l’espace. Il y a quelque chose de tranchant dans cet univers esthétique, par rapport au pathos corporel de larmes, de sang et de souillures, convoqué par le texte. Quelques accessoires, comme de grosses chambres à air noires, des couvertures et un fauteuil, redouble cette coupure entre scène et réalité textuelle, entre espace symbolique et pathos, mais en la déplaçant délicatement des corps vers les objets (objets de l’échouage, de l’errance). Comme la teneur plutôt brute des acteurs contraste avec l’extrême stylisation de la scénographie. D’un noir luisant souligné de lueurs bleutés et de néons très blancs, l’espace est en deux parties : un fond de scène comme une boîte noire et un devant de scène comme un carré de jeu. Un premier espace plutôt attribué au fils, et l’autre à la mère – aussi à la mer, véritable troisième personnage ou figure. L’idée du personnage est en effet cassée pour celle de figure, par Julie Kretzschmar, le fils étant associé à quatre acteurs dont l’un muet, ombre passante et qui danse - celui-ci incarne l’impossibilité de trouver une parole eu égard au paroxysme de la situation – c’est le corps du disparu. Les trois « parlants », c’est le corps de l’auteur qui témoigne depuis sa révolte - se partagent différents aspects de la parole du fils (un rêvant au départ ; un se noyant ; et un reconstituant psychanalytiquement son histoire de vie), aspect sériés selon l’analyse dramaturgique de

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Julie Kretzschmar. La mère, elle, est jouée par une actrice avec une théâtralité soulignée, incarnation d’une « mère Courage » dramatique (l’allusion est faite dans le texte, au personnage de Brecht) dont le pathos, légèrement exagéré, permet de s’en distancier. Sous le bruissement tempétueux des mots, se profile un drame irritant, dépassant subtilement celui des harragas - ceux brûlant, donc. Ce serait quelque chose comme l’anéantissement de toute possibilité de quête de soi sinon en perdant toute communauté. Mustafa Benfodil croise deux fils conducteurs. L’un archaïque, c’est l’Odyssée d’Homère – le calvaire du fils en Méditerranée étant associé aux différentes étapes d’Ulysse ou les imprécations de la mère s’adressant à la mer comme à une divinité. L’autre, moderne, est psychanalytique – le fils faisant le récit de son existence depuis sa conception, évoquant un père déserteur. Mais ce second fil hérite du premier : Dans le monde moderne désenchanté, il y a l’utopie de la pensée et du logos nous guidant pour échapper à la fatalité, pour nous y retrouver - l’idée de quête de soi, celle de la rupture avec la répétition de schémas ataviques, est imprégnée du mythe odysséen. Mais Mustafa Benfodil fait entendre que le monde grec est mort – la grande bleue reste muette devant les imprécations de la mère (empoisonnée par les pollutions ?) et le fils s’égare. Grinçant, il suggère que ce poème fondateur de la culture occidentale est une comédie – d’où l’ironie du titre, de mon hublot utérin (.... ) et blablabla... Il ne s’est glissé dans le cadre dramatique conventionnel que pour le mettre à terre, et le supplanter par une autre vision. Où le monde psychanalytique se trouve dépassé. C’est ce qu’implicitement Julie Kretzschmar met en scène. Que veut dire en effet une quête de soi, dans le monde tel qu’il est pour les milliards d’individus qui s’y trouvent ? Quelle métamorphose attendre ? Sinon - et c’est ça le cri de Mustafa Benfodil - celle de ces « évadés » brûlant leur identité sociale, et qui retrouvent leur identité intime de façon tragique – croisant sans témoin Cyclope, Sirène et autres Circé. Si le fils disparaît aux yeux du monde, Mustafa Benfodil fait bien entendre que, jusqu’au bout, ce dernier ne disparaît pas à ses propres yeux. Pour ce fils, il n’y a plus ni regard, ni scène, sinon internes - et justement. C’est cela qu’écrit Mustafa Benfodil, le contact avec son propre corps, cette conscience des humeurs, secrétions, des états émotionnels, des mal au cœur, de la douleur, de la terreur, d’où, paradoxe, déployer une parole vraie sur ce monde - pour non pas le retrouver mais constater sa perte. C’est ça qui nous regarde. L’odyssée aujourd’hui ne chante aucune possibilité de refaire surface socialement. Seulement la reconquête de la vie primordiale, pleine d’ombre. C’est ça, la tragédie aujourd’hui. Un effacement pour soi. Une luisante noirceur, reflet de notre impuissance, de notre propre noyade symbolique. Mari-Mai Corbel.

Comme post-chrétienne, de quête d’un graal.

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cicatrices la préface du nègre Mari-mai Corbel / blog critique la préface du nègre / cicatrices – 10 et 11 novembre 2012 – Marseille / Bancs Publics

AU CREUX DU TOURBILLON SANGLANT, L’INQUIETANT DESOEUVREMENT Julie Kretzschmar Thomas Gonzalez / La cicatrice La préface du nègre / ALAIN KAMAL MARTIAL KAMEL DAOUD /mise en lecture avec Manuel Vallade et Gurshad Shaheman & Aurélien Arnoux Paroles contemporaines. Les textes mis en lecture et espace par Julie Ktretzschmar et Thomas Gonzalez procèdent pour le premier (La cicatrice d’Alain Kamal Martial) d’une descente bataillienne aux enfers de la psyché, et pour le second, d’un constat (La préface du nègre qui est une nouvelle tirée du Minotaure 104, de Kamel Daoud) d’impasse de l’Histoire qui mortifie toute possibilité d’histoires. Les deux textes ont en commun de nommer la sensation d’être voué à la répétition, à tourner en rond, à ressasser voire bégayer. Sous le coup d’un trauma qui n’en finit pas de hanter et comme sans dépassement possible. L’avenir est un blanc informe et terrorisant qui fait du passé une terre rassurante aussi atroce ait-il été. C’est Kamel Daoud qui nomme l’impossibilité d’écrire une histoire et le désoeuvrement des hommes après l’Histoire, tant l’Histoire est devenue un objet de culte qui bloque tout mouvement vers l’avenir. Un homme né après l’Independance algérienne est employé comme nègre d’un ancien combattant qui veut laisser à sa postérité le récit de ses faits d’héroïsme, qui avec l’âge ont pris des proportions mythologiques. Un faussé sépare le « nègre » de ce vieux guerrier, celui de savoir lire et écrire, et même, de savoir raconter, faussé culpabilisant pour le premier puisque sans le second et sa guerre de libération, il n’aurait pas pu être éduqué comme il l’a été. Réciproquement, le soldat se méfie de l’écrivain, car pendant la guerre, les Français avaient infiltré les réseaux du FLN où se trouvaient des combattants qui avaient été dans les écoles françaises. Il y a eu des purges internes où tout intellectuel était visé. Décervelée, la Révolution a abouti à un vide, celui d’une Algérie figée. C’est ce que Kamel Daoud fait entendre. L’écrivain ne peut plus raconter d’histoire, dit-il, parce que l’Histoire a pris toute la place et que les histoires intimes manquent de grandeur. Mais le récit, mené de main de maître, et emmené avec une jolie liberté par Gurshad Shaheman, est en clin d’oeil : à la fin, le faux livre écrit par le nègre à partir des récits délirants du vieux est brûlé, laissant la place à d’autres bribes de récits. Les autres nouvelles du Minotaure 504 sont les récits que le nègre avait écrit à la place de celui de l’ancien combattant. Il y a là une structure qui rappelle de façon lointaine les Mille et Une Nuits, c’est-àdire un emboîtement de récit, une manière de troubler les frontières entre le réel et la fiction, entre le narrateur et le lecteur. Mais il y a aussi une bifurcation, qui sort le livre du conte (tout

en étant ressourcé dans la structure du conte), et qui l’amène vers une parole contemporaine individualisée où l’intime liée à la voix se singularise. Le moteur dramatique de ce texte étant pour beaucoup le conflit entre l’individuel et le collectif (et le mythologique). Avec Alain Kamal Martial, nous plongeons dans le magma intérieur infernal où la guerre prend forme. La cicatrice n’est pas un récit mais plus un poème symbolique. Et Bataillien, au sens où l’érotisme et la guerre sont montrées comme liés dans un fantasme de réaction à la vie. Le viol devient à la fois un vol de la vie (du feu sacré des mères) et un acte d’éradication des sources de vie. C’est une rythmique, pour un anti-mythe, un rituel d’exorcisme du mythe, du mythe comme machine à fabriquer du collectif, du mythe qui arme les bras. La voix ou le sujet qui parle est pris dans un tourbillon sanglant, d’appel au sang, au meurtre, à la vengeance des mères éventrées par l’éventration de d’autres mères (et à travers ce geste, au meurtre de la source de vie) et en même temps cherche à s’extraire cette force centripète. La mise en espace accompagne ce mouvement de fond de l’écriture, cette obstination à s’échapper malgré les puissances collectives. Une vidéo montre un homme qui marche dans une lande, de dos, tandis que les murs de la salle sont couverts de mots du texte, d’écriture. Comme une logomachie qui encercle le sujet et dont il cherche à s’extraire. Ce n’est pas un récit donc. c’est un poème complexe qui évoque un père boucher (nourrir les groupes humains carnivores supposent déjà ce premier massacre, cette première rupture d’avoir le cosmos et le monde, et le texte insiste sur la machette qui sectionne les articulations des os), des machettes, le monde occidental qui se repaît de spectacles de massacres (c’est une phrase mais c’est nommé et cela résonne) ; enfin le monde des mères violées par les miliciens, qui sont asséchées par les miliciens qui leur boivent le lait. Texte magnifique, travaillé par la structure de la boucle, de la répétition, du ressassement et par une force de dépassement, par un désir de prendre la tangente. Le travail musical d’Aurélien Renoux qui improvise à la guitare électrique est travaillé de même, sans qu’il y ait résolution entre la boucle et la progression. Cela crisse, cela frotte, cela se cherche, et c’est déjà un mouvement d’échappée. Manuel Vallade, quant à lui, soutient avec la puissance d’acteur qui est la sienne cette langue pleine de chair, indécente même, en ce qu’elle éclaire comme le fantasme sexuel noir (de viol collectif, de jaillissement interrompu de sperme) s’articule à l’attirance


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cicatrices la préface du nègre Mari-mai Corbel / blog critique

la plus terrifiante pour l’acte de meurtre collectif. L’arme symbolique cependant du meurtre est ici cependant la même pour les moutons ou les boeufs du boucher que pour les hommes : une machette, instrument de castration littérale. Au plus profond de la psyché, se jouxte l’énergie sexuelle et l’angoisse de castration qui pour devenir supportable peut aussi se retourner en désir de castrer : mieux vaut castrer le premier que de l’être : tuer que de l’être, et c’est toute l’ivresse démentielle de la guerre qui vient de là. L’impossible héritage. La question contemporaine, Derrida l’a beaucoup dit, a à voir avec l’héritage. Que l’on soit algérien ou français, pâle ou sombre, hériter de l’histoire, le faut-il et comment faire dans tous les cas ? Si l’on le rejette pour ouvrir différemment une voie dans l’avenir, il y a cette complication que l’on devient des gens sans histoires, sans récits – c’est la question qui traverse La préface du nègre. Le travail de Julie Kretzschmar et de Thomas Gonzalez (fondé sur une installation plastique et non l’idée d’une scénographie) est axé sur l’écriture, sur sa mise en perspective – la création d’une chambre d’échos. Un réseau de câbles / tuyaux couvre le plafond ramenant des images de chantier, des métaphores sur la circulation du sens, comme de façon ambivalente la sensation d’un horizon bouché. (d’un ciel même d’où tombe un goutte à goutte pour la première lecture, celle de La Cicatrice. Aucune résolution, aucune tournure didactique. C’est un travail qui nous passe des questions pour nous toucher là où c’est le plus souvent flou en chacun. Ce point où l’horreur de la guerre se dispute à l’envie de cette interruption de la vie normale que René Char a nommé dans Les Feuillets d’Hypnos et Bataille commenté (L’érotisme). Interruption de la vie normale euphorisante qui entraîne la suspension des histoires de vie singulières et leur affectation à la mythologie collective. La mise en perspective de ces deux textes fait d’un côté apparaître le tourbillon sanglant qui fait le fond de nos rêves inconscients et de l’autre, la névrose ou l’empêchement à agir pour le monde ou pour soi – dans la mise en espace, la salle a été désorientée par un déplacement des gradins et un enfumage blanchâtre. Les deux vont de pair. Les deux viennent d’un héritage impossible à assumer. Sans testament, comment continuer l’histoire ? Question qui n’est pas nouvelle depuis le XIXème siècle où les horreurs, s’enchaînant, ont peu à peu fait taire… L’expérience ne se transmet plus (la mémoire pourrit ou hante)… Mari-Mai Corbel

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Entre histoire, oralité et anda na mila Publié le 30/01/2013 à 10:15 par mouvementorange

Le 4 janvier dernier, l’historien et anthropologue Damir Ben Ali a donné une conférence en région parisienne devant une trentaine de personnes qui ont bravé le froid et accepté un changement de lieu à la dernière minute. Les organisateurs de cette conférence lui avaient demandé d’aborder un de ses thèmes de prédilection : le grandmariage de Ngazidja qui est toujours un sujet de grands débats dans la diaspora.

Damir Ben Ali historien chercheur

Le doyen des historiens comoriens a fait une synthèse sur cette tradition indéboulonnable de la Grande-Comore, en allant au-delà du mariage lui-même, puisqu’il a finalement parlé aussi des traditions, du anda na mila de la société de la GrandeComore. Chiffres à l’appui, à la fin de sa conférence, il a montré que le coût de ce mariage

est encore trop élevé. Mais, devant les membres de la diaspora comorienne, dont la majorité approuve cette idée, il n’a pas hésité à pointer du doigt les Comoriens de l’extérieur qui, selon lui, contribuent largement aux surenchères, qui sortent trop souvent du cadre stricte de la tradition. La plupart des participants ont reconnu cette affirmation dans leurs interventions. Il a également appris à l’assistance qu’il avait toujours refusé d’accomplir le anda, mais qu’il avait fini par le faire avec sa femme, après 20 ans de mariage, comme beaucoup de gens de sa génération. La conférence s’est poursuivie par un débat animé par Ibrahim Barwane et Nakidine Mattoire. Les Comoriens présents se sont montrés très prolixes en questions et anecdotes sur le grand-mariage. La majorité est restée opposée au grand-mariage, présenté dans une sorte de caricature comme étant la cause des inégalités sociales, des faiblesses de l’économie et même de la corruption dans tout le pays. Ils ont dénoncé le fait que le titre de mdrumdzima octroie une sorte d’immunité aux notables. Comme à chaque fois qu’on parle du anda dans la diaspora, le débat s’est poursuivi sur internet où s’affrontent depuis des années les partisans du grand-mariage

et les anti-anda. Certains pensent même organiser bientôt un autre débat sur le même sujet. Damir Ben Ali était en France depuis le mois de novembre pour une résidence d’artiste avec l’écrivain Salim Hatubou qui avoue « son profond respect et son admiration » pour l’historien. Installés à Marseille pendant 15 jours, les deux personnalités ont collaboré sur « une épopée comorienne», une création théâtrale qui a pour sujet principal le conflit entre les sultans Msafumu et Said Ali et qui met en avant un personnage central Kari wa Djae ou Karadjae, oublié de l’histoire. Ils ont dégagé les matériaux historiques et l’écrivain devrait s’occuper de l’écriture scénique. Il s’agit d’un projet proposé à « Marseille capitale européenne de la culture 2013 » par l’écrivain comorien. Le texte sera mis en scène par Julie Kretzschmar et joué en juin 2013 en plein air à Marseille avant une tournée, selon Salim Hatubou. Pendant la résidence, Damir Ben Ali et Salim Hatubou avaient d’ailleurs donné une conférence sur le thème « Histoire et oralité aux Comores » au théâtre Bancs Publics à Marseille. Mahmoud Ibrahime


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L’ECRIVAIN SALIM HATUBOU REPOND AUX QUESTIONS DE COMORESplus

Salim Hatubou est écrivain et conteur franco-comorien né à Hahaya (Grande-Comores) et grandi à Marseille, ville où il réside toujours. Auteur engagé et prolifique, il a publié une quarantaine d’œuvres dont des Romans et Contes, Romans jeunesse, Albums pour enfants, Poésies et essais. Son œuvre est récompensée par plusieurs prix et distinctions dont le Prix Diamant en Belgique pour «Comores-Zanzibar », le Prix Insulaire Découverte à Ouessant pour Ali de Zanzibar, le Prix Kalam de bronze décerné par le Ministère de la Culture aux Comores et le Prix des lecteurs à Mayotte pour Hamouro. COMORESplus : Vous êtes l’un des écrivains les plus en vue aux Comores. Comment devient-on écrivain quand on a grandi dans les quartiers Nord de Marseille ? Salim Hatubou : Mon histoire personnelle a beaucoup contribué à ce que je suis devenu : ma mère a grandi à Zanzibar. Quand il y a eu la Révolution Okello dans les années 60 avec la stigmatisation et la persécution des Comoriens, elle a fait partie de ces hommes et femmes qui ont préféré rentrer aux Comores, refusant de renier son identité comorienne. Elle a ramené des centaines de livres. J’ai donc vécu au milieu des livres et cette maman nous allaitait avec les mots. Elle disait que le livre est une fenêtre ouverte sur le monde. Riama, ma mère, qui était anglophone aimait la magie des mots et elle m’a transmis cet amour. Seulement plus je lisais, plus je me rendais compte qu’on ne parlait pas des Comores. Alors, j’ai voulu donner à lire et à entendre mon archipel et ma Culture. Quand, enfant, j’ai débarqué dans les quartiers Nord de Marseille, j’avais déjà cette passion pour la lecture et l’écriture. C’était ma bouée ! CP : Vous êtes un écrivain prolifique et êtes l’auteur de plusieurs romans, essais, pièces de théâtre, mais l’on remarque que vous avez une prédilection pour les contes, pourquoi ? S.H : Je viens de parler du rôle fondamental qu’a joué ma mère pour la lecture et l’écriture. Sa mère était une conteuse talentueuse. Pendant les vacances, j’allais

rendre visite à cette grand-mère maternelle à Milépvani, son petit village. J’assistais à ses veillées. Elle était formidable, elle avait ce don de conter des heures durant et à emporter les uns et les autres dans son monde. Je m’endormais contre elle en écoutant sa voix me bercer à travers Chifchif, Mna Madi, les Dimku… D’ailleurs, mon premier livre sorti il y a vingt ans s’intitule tout naturellement « Contes de ma grand-mère ». Vous voyez, ces deux femmes m’ont forgé : ma mère m’a transmis l’amour pour l’écrit et ma grand-mère celui de l’oralité.

phrase « Un peuple qui lit est un peuple qui avance » et un peuple qui n’avance pas, qui n’est pas ouvert au monde, comment peut-il se développer ? Au-delà de l’enrichissement de l’esprit, la Culture –et j’intègre la littérature dedans bien entendu- génère de la richesse financière et contribue incontestablement au développement économique d’un pays. Oui, la Culture est un facteur apte à créer des milliers d’emplois et peut aussi être une réelle industrie, mais il faut que les autorités comprennent bien cela et qu’elles impulsent une dynamique qui va dans ce sens.

CP : On sait que la littérature comorienne d’expression française est assez récente. A quel niveau votre œuvre a-t-elle contribué à la vulgarisation de celle-ci ?

CP : Comment jugez-vous l’action des autorités publiques pour la culture aux Comores et quel rapport l’écrivain que vous êtes, entretient avec celles-ci ?

S.H : Une des meilleures façons de faire perdurer une littérature, de lui donner une consistance, est d’avoir une littérature jeunesse, car on dit souvent qu’un enfant qui lit est un adulte qui lira. Je suis aussi auteur jeunesse et c’est une autre manière de «vulgariser» notre littérature. Il faut que nos enfants découvrent notre Culture, notre Histoire, nos richesses... à travers la littérature.

S.H : On nous parle d’unité nationale, mais nom de dieu, la base qui cimente nos quatre îles est la Culture. Elle me parait, à mes yeux, l’arme efficace pour lutter contre les séparatismes de tous bords et nous permettra de faire de notre archipel une Nation dans chaque esprit et non une espèce de patchwork insulaire. Toutes les Constitutions et tous les sommets du monde ne suffiront pas pour asseoir véritablement notre unité nationale. Tant que nous ne mettrons pas notre Culture, cet héritage commun, au cœur de l’éducation de nos enfants, nous continuerons à bricoler. Voilà pourquoi je regrette aujourd’hui qu’il n’y ait pas une véritable politique culturelle avec des réelles ambitions nationales, voire internationales. Nous avons une Culture très riche, nous avons des artistes formidables, nous avons une population, plus particulièrement la jeunesse, prédisposée à porter encore loin cette Culture… il nous faut impulser une dynamique, disais-je tout à l’heure, et cela doit être porté sur le plan politique. Ces derniers temps, des choses formidables naissent comme le festival du Cinéma, le festival de l’Art contemporain, un terrain a donné aux artistes pour construire un Centre Culturel, en septembre prochain des escales littéraires avec des écrivains de tous horizons… Tout cela initié par des Comoriens de la société civile mais soutenu par notre Ministère de l’Education Nationale et de la Culture, ainsi que d’autres institutions comme le SCAC. La numérisation de nos archives au CNDRS, notre Mémoire donc, est amorcée et cela grâce à Yakina Djailani à qui je rends un très grand hommage et lui témoigne mon soutien. Donc, les choses commencent à bouger dans le bon sens. Quant à mon rapport avec les autorités en tant qu’écrivain, je m’exprime, je pointe les choses… Nous y arriverons, j’en suis sûr.

CP : Ces derniers temps, de nombreux jeunes comoriens affichent un amour pour l’écriture, quel conseil pourriezvous leur donner en tant qu’écrivain chevronné ? S.H : Les mêmes conseils que je donne dans les ateliers d’écriture que j’anime : travaillez, travaillez et travaillez. Une phrase, un paragraphe se travaille encore et encore. On n’écrit pas un livre d’un premier, d’un deuxième ou d’un troisième jet. Il ne faut pas hésiter à mettre à la poubelle un texte qu’on juge mauvais et le recommencer. Privilégiez la beauté et la profondeur du texte. Tenez compte des conseils qu’on vous donne et soyez exigeants avec vous mêmes. Et surtout, après avoir publié un livre, ne vous prenez pas pour le centre du monde ! Soyez humble ! CP : Vous avez animé des ateliers d’écriture et participez à plusieurs activités culturelles aux Comores, comment jugez-vous le rapport de la communauté comorienne et la culture en général ? S.H : Que cela soit aux Comores ou en France ou dans d’autres pays, ceux qui participent à mes ateliers ou les activités que je mène, manifestent un grand intérêt à l’écriture, à l’oralité… à la Culture de façon générale. Et si Dieu me prête vie, je continuerai à aller vers les autres pour ces partages. Ma grand-mère disait «Si tu as un conte et moi un conte, nous avons chacun un conte. Si moi je te raconte mon conte et que toi tu me racontes ton conte, nous avons trois histoires ». La troisième histoire est celle de la rencontre. Voilà pourquoi c’est important de partager. Toujours donner sans rien attendre en retour, sinon on risque d’être déçu. Et je suis toujours heureux de voir que les Comoriens, en tout cas ceux que je rencontre, ont un profond désir de partager notre Culture. CP : Dites nous comment la littérature peut-elle contribuer au développement d’un pays comme les Comores ? S.H : A cette question, je répondrai surtout par une seule

CP : Que dites-vous du fait qu’il y a peu ou presque pas d’auteurs nationaux dans le programme scolaire des Comores. S.H : Là encore c’est un réel problème. Et cela doit découler, justement, de cette politique culturelle et éducative qui doit être pensée et mise en place. Nous devons nous approprier notre propre Histoire. Comment voulez-vous que nos enfants sachent où ils vont s’ils ne savent pas d’où ils viennent ? Ce n’est pas seulement les auteurs nationaux qu’on doit mettre dans les programmes scolaires, mais toute l’Histoire de notre pays. Nous devons repartir à la reconquête de notre Histoire, que quand on demande par exemple à un enfant «Bwantamu c’est qui ? Cela veut dire quoi ntibe ? », qu’il ne te réponde pas «


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Bwantam est un gâteau et ntibe de la viande bouillie !» mais qu’il sache que c’est aussi un guerrier comorien et que ntibe est un titre au temps des sultans, l’équivalent de gouverneur aujourd’hui. Il faut absolument qu’on développe la littérature jeunesse dans notre littérature comorienne d’expression française pour que les écoles primaires et les collèges aient accès à notre littérature. CP : Selon vous, qu’est ce qu’il faut faire pour promouvoir la littérature aux Comores ? S.H : Nous devons installer la lecture au cœur des écoles primaires, familiariser nos enfants avec le livre et ce dès qu’ils sont tout petits. D’abord donner goût à la lecture de façon générale. Nous devons mettre en place des projets autour de la lecture, de l’écriture, de l’oralité… Oui l’oralité parce qu’on a tendance à oublier la littérature orale qui est le fondement même de toute littérature parce que les hommes parlent et racontent avant d’écrire et de lire. Je regrette profondément que notre pays soit démuni de véritables infrastructures culturelles notamment de vraies bibliothèques puisque nous parlons de littérature. CP : Dans le cadre de Marseille capitale européenne de la Culture 2013, vous allez présenter la voix du guerrier comorien Kara’, une pièce de théâtre coécrit avec M. Damir Ben Ali. Racontez-nous de quoi il s’agit, comment ça s’est passé la collaboration avec M. Damir et comment vous appréhendez cette présentation ? S.H : Il s’agit d’un projet que je porte depuis 2007 et qui a abouti à un texte que j’ai co-signé avec Damir Ben Ali, un homme formidable à qui les Comores doivent beaucoup et que je considère comme mon père spirituel. Ce texte raconte comment un guerrier appelé Kari Wa Djae ou Kara, suite à l’assassinat de sa sœur, va quitter Msafumu qui refuse de rendre justice pour aider Said Ali à devenir sultan ntibe de Ngazidja et comment il va s’opposer à ce même Said Ali quand celui-ci signe le Traité de Protectorat avec la France. Mais attention, attention mille fois, il s’agit d’une histoire et non de l’Histoire. A partir d’un fait historique, nous avons écrit une fiction. Ce texte est mis en scène par Julie Kretzschmar avec comme acteurs François Moïse Bamba (dans le rôle de Kara), Soumette Ahmed (dans le rôle de Msafumu et de Said Ali) et Marion Bottolier qui incarne la princesse Anziza, avec des chants de deba par des jeunes filles à grande majorité mahoraise. Bien que l’histoire ne parle que de l’épisode Msafumu-Said Ali, elle évoque aussi le destin de notre archipel. Ce texte sera joué les 13 et 14 juin dans le cadre de Marseille capitale de la culture 2013 et il est porté par une équipe internationale, par exemple François Moïse Bamba est un acteur-conteur qui nous vient de Burkina Faso. Cela me réjouit parce que les Comores représentent un carrefour de cultures et nous avons souvent tendance à oublier de ramener notre Boutre Komoro vers nos origines africaines, là où tout a commencé. CP : Vous êtes un auteur engagé et vous avez, par exemple, abordé l’épineuse question de Mayotte dans l’un de vos livres, Hamouro. Ne craignez-vous pas une sorte d’ostracisme dans certains milieux culturels, no-

tamment français, comme l’écrivain Soeuf Elbadaoui ? S.H : Hamouro n’évoque pas uniquement la question de Mayotte mais celle de la balkanisation générale de notre archipel. Ce roman a eu le Prix des Lecteurs de Mayotte et cela me fait un grand plaisir. Je regrette seulement que quand ce livre est sorti, la presse comorienne et des journalistes de la diaspora de l’époque l’ont passé sous silence. Je ne sais pas pourquoi, tiens, alors que les Kwasa-Kwasa, dont j’en parle d’ailleurs, existaient toujours et que les gens continuaient à mourir. Qui avait fait écho de ce roman à l’époque ? Personne. Quant à la crainte de l’ostracisme, voilà vingt ans que je publie des livres et j’ai abordé plusieurs sujets de société, du mariage forcé au séparatisme, en passant par la discrimination à l’embauche en France, les filles-mères, les enfants des rues à Moroni… et ce sans aucune concession ni compromis ni autocensure. Cependant, je refuse d’avoir un sujet obsessionnel et j’ai toujours assumé mes livres, de la première ligne à la dernière. Je n’en fais pas, pour autant, ni un étendard du chevalier blanc contre les injustices comme si j’étais le seul à le faire, ni un linceul de victimisation personnelle. J’écris. J’écrie. Je crie. Je travaille beaucoup sur la question de la Mémoire parce qu’un pays qui n’entretient pas sa Mémoire est un pays perdu, cela est aussi valable pour les hommes. Pour ceux qui l’oublient souvent, comme dit Ali soilihi, notre Mongozi regretté, «l’Histoire est seule Juge ! ». Il ne sert donc à rien aujourd’hui d’indexer tel ou tel sur ce qu’il fait ou ne fait pas. CP : En tant qu’enfant de la diaspora, quel regard portezvous sur la communauté comorienne en France, notamment la nouvelle génération ? S.H : J’aimerais, en tant qu’acteur de cette communauté, être optimiste, vous dire que tout va pour le mieux mais je suis mitigé. Il y a une vingtaine d’années, avec des amis comme l’artiste Soly Mohamed Mbaé, Ibrahim M’ze ou Ben Amir Saadi, des hommes incontournables de la communauté comorienne à Marseille, nous tirions déjà la sonnette d’alarme. Nous disions que nos repères, notre identité, nos valeurs qui sont le ciment de notre être et ce même en exil, foutaient le camp. Nous appelions au recentrage de notre communauté, sans pour autant nous ghettoïser. On nous répondait alors « il n’y a pas de problème dans la communauté ! Tout va pour le mieux ! ». Et aujourd’hui terrible est la chute. Il faut qu’on s’assoit, qu’on se regarde dans les yeux et qu’on se dise « il y a un problème !» -quelle communauté n’en a pas d’ailleurs ?- et arrêter de penser que nous sommes imperméables des maux de la société dans laquelle grandissent nos enfants. Guéant nous a stigmatisés, nous avons manifesté, nous avons exigé des excuses. Et après, qu’avonsnous fait ? La révolte épidermique n’est pas la solution, il faut un travail en profondeur, sur le terrain. Toutefois, dans la communauté beaucoup de choses formidables se font : la nouvelle génération bouge dans tous les sens, dans le bon sens j’entends, que ça soit dans la culture, en politique, dans l’économie… On n’en parle pas assez et c’est dommage. Un jeune des cités abattu pour des histoires louches, qu’il soit comorien ou non, ça fait

plus sensation pour les médias qu’une centaine de ces jeunes qui réalisent des choses extraordinaires au même moment. Quitte à me contredire, je dirais que je suis optimiste pour notre communauté, pour notre diaspora. CP : Que recommanderiez-vous pour une meilleure insertion des enfants de la diaspora ? S.H : L’école, rien que l’école ! Les études sont un outil extraordinaire pour une meilleure insertion. Les parents ne doivent pas ni démissionner ni baisser les bras. Un message à certains pères qui abdiquent : soyez présents pour vos enfants qui ont besoin de vous pour réussir. Les mamans sont formidables mais elles ne peuvent pas tout faire. Nous devons tous prendre nos responsabilités. Mais surtout, surtout, pour mieux s’ancrer en France ou ailleurs, nos enfants doivent savoir d’où ils viennent, en être fiers car la honte des origines est l’origine de la Honte. Ils ne doivent pas attendre qu’on leur ouvre les portes, ils doivent les ouvrir, même à coup d’épaules. Ils doivent marcher sans baisser la tête et je cite un grand artiste comorien, mon ami Salim Ali Amir : «Mwana m’komori tsodo dji fahari ! Dji reme yifuba wambé yiho wa puha ! ». Etre profondément comorien n’empêche nullement d’être pleinement Français. CP : Le mot de la fin ? S.H : Je fais un rêve qu’un jour nos enfants de Mayotte, nos enfants de Mohéli, nos enfants d’Anjouan, nos enfants de la Grande-Comores, nos enfants de la diaspora se donneront la main, non pas pour faire une ronde et tourner en rond, mais pour avancer et faire briller notre archipel des îles de la lune. Pour cela, nos enfants doivent circuler d’une île à une autre, qu’il y ait des séjours et des échanges, qu’ils se connaissent. Et nous aurons étouffé ce séparatisme insulaire qui nous empêche de vivre sereinement. Je ne serai peut être pas vivant pour voir cela mais je sais que ça arrivera un jour et je pourrai dormir. Enfin. CP : Merci M. Hatubou S.M : Merci à COMORESplus pour ce que vous faites, vous restez à l’ombre pour nous permettre de regarder le monde sous la lumière. C’est très salutaire. Merci encore. Propos recueillis par : ABDOU ELWAHAB MSA BACAR et SAID YASSINE Said Ahmed COMORESplus


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Au Parc du Grand Séminaire, Julie Kretzschmar tire un trait d’union entre Comores d’ici et de là-bas

La Comore s’écrit Dans le cadre de la 1ère édition du festival Arts Comores accueilli essentiellement dans le Parc du Grand Séminaire, Julie Kretzschmar une fois encore fera office de trait d’union entre Comores d’ici et Comores de là-bas, entre passé et présent, en adaptant librement un texte à multiples facettes, fruit d’un travail littéraire dirigé de Marseille par Salim Hatubou associé à l’anthropologue et universitaire Damir Ben Ali. Oralité, souffle épique, histoire, mémoire et métaphore se croisent pour dire la geste sanglante de Kara’, guerrier qui fait chuter le dernier sultan de la Comore libre et ouvre ainsi la voie au protectorat français. Récits collectés et danse traditionnelle (le deba de Mayotte hérité du soufisme) se glisseront dans les interstices du poème comme se mêleront acteurs professionnels et amateurs pour faire vivre haut et en couleurs une épopée de l’avant et du maintenant. Entrée libre sur réservation, navettes RTM à partir du Centre Ville. MARIE-JO DHO

Les 13 juin et 14 juin Parc du Grand Séminaire 04 91 64 60 00 http://lesbancspublics.com

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