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CHE-MAIN DE VIE

Che-main de vie est une rubrique qui vise à découv rir, au travers d’un chef d’entreprise, les personnes qui ont infl uencé ou marqué sa vie professionnelle.

Chef du Pérolles à Fribourg, Pierrot Ayer n’est pas seulement le premier cuisinier du canton à avoir obtenu la note de 18 points sur 20 au Gault & Millau en 2013, c’est également un ambassadeur de nos produits du terroir AOP comme le Gruyère, le Vacherin fribourgeois ou la Poire à Botzi. A 60 ans, l’ancien président des Grandes Tables de Suisse, récompensé du Mérite culinaire 2021, revient sur son parcours et ses sources d’inspiration: de son papa Jean à Guy Savoy.

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« L’esprit d’équipe, le sens de l’organisation et de l’animation »

«C’est mon père qui m’a le plus infl uencé lorsque j’étais enfant et a fait de moi ce que je suis», confi e Pierre-André Ayer. De ce footeux, qui a entraîné divers clubs dans le canton et cofondé l’école de football du Guintzet, l’ancien joueur du FC Richemond a d’abord retenu l’esprit d’équipe qui prévaut dans une cuisine comme sur un terrain. «Mon papa Jean était aussi un organisateur et un animateur. Aux CFF, où il travaillait, il était chargé de planifi er des voyages pour plusieurs centaines de personnes en Suisse et à l’étranger. Le week-end, il offi ciait en outre comme major de table. Même s’il n’était pas indépendant, il avait un côté très entrepreneur, voyageur. On se ressemble», reconnaît Pierrot Ayer qui a marché sur ses traces en mettant sur pied de grosses manifestations comme la Grande Bénichon de 2007 (plus de 3’000 convives sur deux jours) et six ans plus tôt, une fête ayant rassemblé 840 contemporains du canton à l’occasion de leurs 40 ans. «Même si mon père m’a beaucoup apporté, j’ai aussi envie de mentionner ma maman, une bonne cuisinière qui préparait de la saucisse au foie avec des choux rouges braisés comme je n’ai jamais réussi à les refaire, ainsi que mes grandspères : le premier, forestier-bûcheron et chasseur décédé à 102 ans, m’a inculqué les valeurs de la terre; le second, régent, l’amour du chant.»

Pierrot « Bernard Gothuey m’a donné l’envie » Si Pierrot Ayer a voulu devenir cuisinier, ce n’est pas par admiration pour un chef. Celui qui a gagné ses premiers sous en vendant des marrons se souvient surtout d’un stage de six semaines pendant l’école secondaire dans une pension aux Marécottes. «On devait préparer à manger pour 45 personnes et un jour je me suis retrouvé seul aux fourneaux parce que le chef était en congé et le patron parti à la pêche, se souvient-il. Cette ambiance m’a beaucoup plu et motivé.» Après son apprentissage, passé entre un petit restaurant de Rivaz et le Buffet de la Gare de Lausanne, le chef du Pérolles est allé parfaire sa formation au Baur au Lac à Zurich, pendant deux ans. «Là-bas, j’ai rencontré quelqu’un pour qui j’ai énormément de respect: Bernard Gothuey, un Fribourgeois d’origine, qui était à l’époque à la tête de la brigade de 50 personnes. C’est un des plus jeunes chefs de cuisine à avoir décroché la maîtrise fédérale et il m’a beaucoup appris. Il m’a toujours encouragé quand j’avais des baisses de moral, il m’a donné l’envie.» En 1986, Pierrot Ayer retournera d’ailleurs travailler neuf mois dans le «monument» zurichois, sous les ordres de Bernard Gothuey, dans l’idée de passer sa maîtrise.

« Ch� Hans Stucki, j’ai pu m’éclater » Ayer

Après le Baur au Lac à Zurich, Pierrot Ayer poursuit son parcours au Schweizerhof à Berne, puis au Café de Paris à Biarritz et enfi n au restaurant Stucki à Bâle. « Le patron Hans Stucki est quelqu’un qui m’a aussi beaucoup marqué, relève-t-il. A 22 ans, j’ai été augmenté de 200 francs à chaque fi n de mois, les deux premiers mois de travail, sans n’avoir jamais rien demandé. Je repense souvent à cette preuve de reconnaissance aujourd’hui encore en tant que chef d’entreprise. Chez Stucki, je me suis éclaté pendant presque deux ans. C’était le renard de la gastronomie. A l’époque, il y avait Stucki et Girardet, deux styles différents, mais deux grands chefs. » Des chefs que Pierrot recroisera plus tard, tout comme Philippe Rochat, autant dans le milieu professionnel que dans un cadre plus amical. Après Bâle, l’envie de revenir en Suisse romande l’amène ensuite au Pont-de-Brent où il travaille sous les ordres d’un autre grand, le très exigeant Gérard Rabaey, avant de rejoindre le Buffet de la Gare de Fribourg et de devenir chef de cuisine diplômé en 1991. L’année suivante, il reprend avec son épouse Françoise la Fleurde-Lys, en Basse-Ville, qu’il tiendra pendant 10 ans, puis l’ancien Pérolles, entre 2002 et 2017, avant de s’installer dans ses locaux actuels. Pour la petite histoire, quand Pierrot Ayer est devenu le premier Fribourgeois à décrocher la note 18/20 au Gault & Millau en 2013, c’est au restaurant Stucki à Bâle que le fameux guide a organisé sa cérémonie offi cielle. « Un moment émouvant. »

« Un trio d’amis au service de la gastronomie fribourgeoise »

Quand il s’agit de citer un quatrième nom parmi les personnes qui l’ont inspiré, le chef du Pérolles est emprunté. « Que ce soit en restauration ou lors de l’organisation d’événements, j’ai tout un réseau d’amis fi dèles sur lequel je peux m’appuyer, précise-t-il. Avec Alain Bächler et Marcel Thürler, par exemple, on a fait beaucoup de chemin ensemble, on s’est souvent aidés ou conseillés, en s’échangeant des adresses de fournisseurs, en se prêtant des produits ou du personnel. » Les trois chefs fribourgeois se sont aussi côtoyés et appuyés au sein de la section suisse des Jeunes Restaurateurs d’Europe (JRE), puis des Grandes Tables de Suisse, deux groupements que Pierrot Ayer a présidés. Ce trio d’amis a grandement contribué au rayonnement de la gastronomie fribourgeoise et de ses produits du terroir. Sans oublier Pierrick Suter qui, bien qu’actif depuis des lustres au Restaurant de la Gare à Lucens, reste Fribourgeois de cœur. « J’ai eu la chance de pouvoir rencontrer aussi toute une série de personnalités, que ce soit lors de l’organisation de la Grande Bénichon, au sein du Club (gastronomique) Prosper Montagné ou encore de la Confrérie de la Poire à Botzi, mais je préfère éviter de les citer au risque d’en oublier », confi e Pierrot Ayer. « Un superbe feeling avec Guy Savoy » « Parmi les personnalités qui m’ont marqué, il y en a une dernière que j’ai eu la chance de connaître il y a dix ans, à l’occasion de mes 50 ans, par l’intermédiaire d’un ami. Il s’agit de Guy Savoy. » Depuis dix ans, Pierrot Ayer entretient un «superbe feeling» avec le chef étoilé français pour qui il a beaucoup d’admiration. « Nous avons assisté à des concours culinaires ensemble, explique-t-il. Il était en outre présent à mes 60 ans en août. J’apprécie la simplicité et la sensibilité de ce cuisinier mondialement connu. » Dernièrement, Pierrot Ayer a par ailleurs été très touché par un SMS du chef français. Guy Savoy lui écrivait qu’il n’était « pas seulement authentique (comme le titre son livre de recettes paru en 2007) mais carrément unique. »

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