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Bernard de La Villardière : “le
HA la fois présentateur d’Enquête Exclusive sur M6 depuis 2005 et producteur de documentaires à travers sa société Ligne de Front, Bernard de La Villardière dirige également le média web Neo, lancé en novembre 2020 avec quatre associés (Stéphane Simon, Sami Biasoni, Anne-Henri de Gestas et Louis Perrin). A travers différents formats vidéos proposés sur les réseaux sociaux, allant de l’interview en studio face caméra au reportage, Neo se veut être le relai des histoires positives et initiatives inspirantes. En plus des 25 personnes - dont 15 journalistes - qui travaillent à Paris, la marque fait appel à des prestataires dans les régions pour proposer des contenus ancrés dans les territoires et proches des Français. En parallèle, Bernard de La Villardière poursuit le développement de Ligne de Front, à travers une filiale fiction, pilotée par sa fille Caroline de Jenlis, qui compte trois projets de séries.
Neo a récemment fêté son premier anniversaire, quel bilan faitesvous de cette année ?
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Il est excellent puisqu’on est au-dessus de nos prévisions. On a enregistré un chiffre d’affaires qui dépasse les objectifs, grâce aux contenus sponsorisés par des marques et aux revenus publicitaires via Facebook.On a entre 40 et 45 millions de vues par mois sur Facebook, Twitter, TikTok et Instagram, et on cumule 450 millions de vues depuis le lancement. La courbe du nombre d’abonnés est exponentielle car notre marque commence à être identifiée comme le média du savoir-faire français, de l’enracinement, du patrimoine et de l’histoire. On vient de dépasser les 10 millions de vues sur une vidéo, le portrait de Martin, un jeune ébéniste de 15 ans.
Quel est le public type de vos vidéos ?
Il est conforme à la répartition géographique de la population française. On a plus de vues en Ile-de-France car c'est la région la plus peuplée, mais il n’y a pas de surreprésentation d’une région sur l’autre. Comme nous sommes le média des territoires et du patrimonial, on pouvait s’attendre à avoir un public un peu âgé, mais en fait on a un public très jeune, qui est conforme à l’audience habituelle sur la toile. On a un public entre 15 et 35 ans, qui va jusqu’à 45-50 ans sur Facebook. Et d’ailleurs, à rebours du jeunisme de certains médias, on a réalisé une série de vidéos sur les centenaires et ça a très bien marché, notamment chez les jeunes. Preuve que les jeunes regardent volontiers des histoires qui concernent des séniors. 80% de notre audience provient de Facebook, et la deuxième source est Instagram. Au début, on mettait toutes nos vidéos sur tous les supports mais aujourd’hui on choisit en fonction de la nature de la vidéo. Les sujets magazine ou reportage vont sur Facebook mais les vidéos art de vivre, ou des témoignages touchant à l’intime, marchent plutôt sur Instagram.
Bernard de La Villardière
« Le documentaire à la française n’a pas d’équivalent »
Comment parvenez-vous à vous différencier des autres médias vidéos présents sur les réseaux sociaux comme Brut, Konbini ou Loopsider ?
Nous sommes sur une offre éditoriale originale. Nous évitons tous les sujets politiques ou inspirés de l’actualité immédiate. Pour la présidentielle, nous allons sans doute interviewer les candidats, mais ce sera plutôt sur leur rapport à la France, ce qu’ils aiment dans le pays, leur destination ou plat préféré. Nous avons une approche positive de l’information, et nous sommes l’un des médias en ligne qui a le plus d’interactions positives sur les réseaux sociaux. C’est très précieux dans notre relation avec les marques. Nos concurrents existent depuis quelques années et nous dépassons déjà leurs performances sur certains critères.
Est-ce que Neo gagne de l’argent ?
Nous ne sommes pas encore rentables mais on devrait le devenir dans les mois qui viennent. Les marques viennent nous voir car notre univers les intéresse. Notre service data permet d’avoir un retour sur la manière dont les vidéos sont consommées, le temps de visionnage, et le profil des gens qui les regarde. Nous avons affiné des outils qui permettent de recueillir des informations très précises.
Quels sont les objectifs de développement ?
La vidéo “Le portrait de Martin, un jeune ébéniste de 15 ans”, a dépassé les 10 millions de vues.
Neo est une plateforme de contenus vidéo mais veut devenir une marque à part entière : la marque des territoires. L’ère Macron a été marquée par une forte tendance au jacobinisme, on a snobé les régions. Aujourd’hui c’est l’inverse, la crise des gilets jaunes étant passée par là. On a compris que si on veut transformer ce pays, ce serait par et à travers les territoires, en écoutant davantage les gens en régions. Neo a un rôle à jouer en matière de communication, de conseil, de valorisation de ces territoires. En organisant peut-être des événements, des salons, en faisant du conseil auprès des municipalités, ou en s'associant avec la presse régionale comme on l’a déjà fait avec le quotidien Sud Ouest.
Votre société de production Ligne de Front existe depuis 17 ans, quel regard portez-vous sur l'évolution du documentaire audiovisuel sur cette période ?
Je voulais faire du documentaire de création, et en même temps j’avais vraiment le sentiment que la forme d’écriture un peu classique, avec un minimum de commentaire, avec la mise en avant de la sensibilité de l’auteur, de son parcours, allait peu à peu décliner au profit de l’écriture magazine, plus journalistique, un peu plus distante. Et cela s’est confirmé dans les faits. Quand on regarde les documentaires sur les chaînes comme France 5 ou Arte, on se rend compte que la manière de raconter est de plus en plus pédagogique et chronologique. Je trouve qu'Arte a fait un gros chemin par rapport à il y a 15 ans. C’est une chaîne qui s’applique à devenir accessible à tous et à rendre la culture attrayante même pour des gens qui n'ont pas "bac+5". Et je trouve cela réconfortant. Le documentaire à la française reste quand même un exercice, un style, un regard sur le monde qui n’a pas d’équivalent. Je le vois avec Enquête Exclusive. On vient de diffuser un numéro sur le Bengladesh, je connais peu de chaînes comme M6, qui consacrent une deuxième partie de soirée au Bangladesh un dimanche soir, avec un résultat d'audience considérable, notamment auprès des jeunes.
Caroline de Jenlis, productrice chez Palermo Production.
Les documentaires télé trouvent désormais une deuxième vie sur les réseaux sociaux, notamment sur YouTube. Ligne de Front pourrait-t-elle y lancer sa chaîne ?
On travaille déjà avec un opérateur qui s’appelle W4tch TV, spécialisé dans le retraitement de documentaires qu’ils découpent et diffusent sur les réseaux sociaux. Mais on songe aussi à des développements sur le net en tant que producteur. On réfléchit en effet à créer des chaînes pour mettre notre catalogue sur les réseaux sociaux.
Votre société a une relation privilégiée avec M6...
J’ai fondé Ligne de Front à l’époque où je présentais encore Zone Interdite sur M6, afin de préparer l’avenir. Je venais de dépasser la quarantaine et me disais que ma carrière de présentateur allait peut-être se terminer en raison de mon grand âge ! Ensuite on a créé Enquête exclusive avec M6 et avec Ligne de Front, je suis devenu producteur de 10 à 12 numéros de l’émission parmi la quarantaine diffusée chaque année. On produit aussi Dossier Tabou en prime time, avec récemment une émission sur la face noire des énergies vertes.
M6 est aujourd’hui notre premier client mais on travaille aussi pour Canal+, pour RMC Découverte, et pour Arte de temps en temps. On a par exemple produit le documentaire Eric Zemmour, le dynamiteur pour CNews et C8, et on proposera prochainement, sur Planète+, une série documentaire sur les marins-pompiers de Marseille. Et on a développé un département corporate qui fait des films d’entreprise, pour le groupe EDF notamment.
Que pensez-vous du projet de fusion de M6 et TF1 ?
Je peux difficilement exprimer un avis car j’ai une double casquette, à la fois de producteur indépendant et de présentateur, rédacteur en chef d’une émission sur M6. Mais j’aime bien la nouveauté et les changements, donc si ça devait se faire, je m'en féliciterai car cela renforcerait le paysage audiovisuel français face aux acteurs internationaux.
Avec le mouvement de concentration généralisé qui traverse la production audiovisuelle, avez-vous déjà songé à vendre Ligne de Front ?
J’ai eu des approches, mais ce n'est pas dans ma philosophie aujourd’hui. J’aime bien ma liberté. Ligne de Front est actionnaire aujourd’hui de Neo, et je suis plutôt dans une perspective de transmission et de développement. Et après mes enfants décideront. C’est une aventure personnelle, familiale et pas une aventure capitalistique. On ne fait pas fortune dans la production audiovisuelle de documentaire !
Et donc la fiction s’inscrit dans cette perspective de développement ?
Comme elle s’inspire de plus en plus de la réalité, c’est assez naturel. On a créé une filiale qui s’appelle Palermo Production, et on a trois projets de séries dans les cartons, dont un qui s’appelle War Hotel (6x52’), auquel on croit beaucoup et pour lequel on a trouvé un partenaire de développement important. C’est un thriller, tourné en anglais, qui se passe dans les hôtels de guerre à travers le monde, ces lieux où se retrouvent tous les diplomates, médecins humanitaires etc. La série est écrite par un scénariste britannique, d’après une idée de Laurent Herbiet et Jean-Paul Mari, qui a longtemps été grand reporter au Nouvel Obs. C’est une série qui s’adapte très bien à une coproduction internationale.
Egalement en développement Resurrections (6x52’), qui est actuellement en lecture chez Disney+. C’est l’adaptation du roman Le Silence des Vivants de Jacques Baudouin (Robert Laffont), l'histoire d'un ancien soldat de la DGSE qui s’est retiré dans un monastère après une mission éprouvante en République démocratique du Congo. Il va reprendre du service pour sauver la femme qu’il a aimé.
Et puis nous développons La Maison des oiseaux, qui est l’adaptation d’un roman italien écrite et réalisée par Giacomo Battiato. Il a notamlment réalisé la série Le Nom de la Rose, diffusée sur OCS. Il s’agit d’un huis clos qui se déroule dans un palais transformé en prison secrète durant la Terreur à Paris. Des hommes et des femmes de toutes les conditions sont contraints à une cohabitation forcée alors que tout autour rôde la mort. On a obtenu, sur ce projet comme sur War Hotel, une aide du CNC. Notre actualité immédiate concerne un film pour le cinéma, Almamula, avec Tu Vas Voir Productions, écrit et réalisé par Juan Sebastian Torales, dont le tournage démarre en Argentine le 7 mars.
Les patrons de l'audiovisuel français plaident pour des acteurs forts face aux Américains
HDans le cadre de la commission d’enquête sur la concentration des médias, les sénateurs reçoivent depuis début janvier les dirigeants et actionnaires des principaux groupes de l’audiovisuel français. Avec en toile de fond le projet de fusion TF1/M6, les diffuseurs et les producteurs ont rappelé l’importance d’avoir des acteurs tricolores forts pour faire rayonner la culture française face à la concurrence des géants américains de la tech et des médias. Mais pas selon les mêmes termes, chacun défendant ses intérêts. Morceaux choisis des deux dernières semaines d’auditions.
( “La question de la concentration pose selon moi deux problèmes : celui du pluralisme et celui de la diversité culturelle, dans un contexte de dérèglement médiatique où la privatisation du service public revient sur la table. Il s'agit pour moi d'un débat d'un autre siècle, qui voudrait qu'on passe d'un monopole public dans les années 1980 à une forme de monopole privé dans les années 2020 et au-delà. Les médias nationaux restent et vont rester longtemps les principaux financeurs de la création française. Le top 10 des géants de la tech représente trente fois la valeur des 66 médias publics européens, c'est vous dire le poids de ces médias globaux. On peut disserter sur le fait qu'il faudrait plus ou moins d'acteurs en France, mais le vrai sujet, c'est que nous avons besoin de nous armer face à ces oligopoles. Ils sont une force politique très importante, on le voit aujourd'hui à Bruxelles, et bien sûr technologique puisque tous les terminaux comme les algorithmes sont non européens. Cette situation nous fragilise à un moment où nous subissons des baisses budgétaires et une forme de tension sur le marché de la publicité, qui représente environ 15% de notre budget. Les acteurs européens, privés comme publics, doivent se renforcer pour faire face à cela. Si TF1 et M6 pensent devoir fusionner pour rester en bonne santé, c'est important qu'ils le fassent. Nous avons besoin d'avoir des concurrents privés en bonne santé, car si demain ils se délitaient, c'est tout le média TV qui tomberait et nous avec.”
Delphine Ernotte Cunci,
présidente de France Télévisions.
( “Le cadre qui entoure la concentration des médias, la loi de 1986, date d'une époque où il existait une certaine rareté des médias. A l'inverse, nous nous trouvons aujourd'hui dans un monde de profusion où il n'y a jamais eu autant de chaînes de télévisions, de plateformes vidéo, etc. Les lieux de tension, y compris en termes de pluralisme et de diversité, se sont déplacés aux deux extrêmes de la chaîne de valeur. Évoquer la concentration en 2022, c'est aussi s'assurer de la diversité des modèles économiques pour chaque média. Avoir d'un côté un service public fort et de l'autre des acteurs privés qui se financent par la publicité ou par l'abonnement. Le danger viendrait qu'il n'y ait plus qu'un seul acteur publicitaire ou par abonnement. Ce gigantisme peut avoir des conséquences graves comme la mondialisation des marchés, qui peut provoquer un effet d'éviction par rapport aux créateurs aujourd'hui, et peut-être par rapport à l'information demain. L'autre danger, c'est la standardisation des offres, que l'on voit arriver alors même que la création naît de la prise de risque, des premières œuvres...”
Bruno Patino,
président du directoire d'Arte France.
( “Aujourd’hui les plateformes américaines dominent et leur taille permet d’investir massivement. Leur argent est utilisé pour verrouiller l’accès aux talents et aux propriétés intellectuelles. Six acteurs américains se partagent aujourd’hui le marché de la vidéo dans le monde. Notre groupe est le seul et unique fleuron européen indépendant. Ce contexte nous a motivé. Nous avons l’ambition de proposer une offre complémentaire autour de la culture française et européenne. Mais nous ne jouons pas avec les mêmes règles. C’est un sujet sur lequel je reviens inlassablement : notre incapacité à détenir des droits audiovisuels. Nous finançons entre 80 et 90% de fictions et n’en détenons pas les droits. On se retrouve dans une situation où Versailles est un Netflix Original aux Etats-Unis alors que nous ne pouvons pas exploiter la série. Il ne s’agit pas pour nous battre Netflix ou Amazon mais de coexister, de trouver un modèle alternatif qui pérennise Canal+ et ses investissements. Cela passe par la nécessité d’atteindre une taille critique et de se développer à l’international. On est à peine à l’équilibre en France. On ne peut pas dire que le marché domestique soit attractif.”
Maxime Saada,
président du directoire de Canal+.
( “Salto a de très bonnes équipes, et c’est une association qui a très bien marché avec France Télévisions et TF1, mais il est très difficile de faire société commune quand nous sommes concurrents. L’Autorité de la concurrence nous a imposé des règles très difficiles de fonctionnement et aucune plateforme concurrente n’a ces contraintes. Le streaming est une des raisons du projet de fusion avec TF1. Nous serons alors plus libres pour avoir une stratégie plus forte et développer Salto. Le marché de la publicité télé n’augmente pas depuis 10 ans. Pendant ce temps, le digital est devenu le premier média français. Aujourd’hui, nous avons les mêmes annonceurs et souvent les mêmes publicités que sur Facebook, Instagram, ou TikTok. Nous devons aller plus loin pour nous adapter, et nous regrouper pour être plus forts. Nous agissons pour que les recettes du streaming compensent les pertes du linéaires. La concentration de nos moyens en France, qui est un petit marché à l’international, nous permettra de rivaliser avec les plateformes à l’échelle locale.”
Nicolas de Tavernost,
président-directeur général de M6:
( “L'exportation de la production française passe plus par les producteurs que les diffuseurs. Si on veut faire rayonner la France du contenu dans le monde, il faut le faire avec les producteurs. La concentration des diffuseurs pourrait affaiblir les producteurs. Aucun de nous [avec Pascal Breton de Federation et Pierre-Antoine Capton de Mediawan, ndlr] n’est contre la fusion TF1-M6 mais il faut qu’elle soit mesurée. Quand on a une opération de concentration, il faut qu’il y ait une situation exceptionnelle, moi je ne l’ai pas vu cette situation exceptionnelle, TF1 et M6 sont deux groupes qui vont bien. Si nos clients vont très bien, on est très heureux, mais ça ne peut pas être à nos dépens. Si la fusion se fait, il y aura un vrai duopole, sur la télévision gratuite, avec un seul groupe dans le privé qui représenterait 90% des achats de programmes.”
Stéphane Courbit,
président de Banijay Group.
Filmo TV devient Filmo et dépoussière son image
HPrésente sur le marché français de la SVOD depuis 2009, la plateforme de Wild Bunch change de nom pour élargir son public et propose désormais des films exclusifs.
Du changement chez l’un des pionniers de la SVOD en France. Lancée en 2009, Filmo TV est devenue en décembre dernier Filmo, et entend élargir son public, pour toucher les cinéphiles plus jeunes. “La connotation TV n’était plus très actuelle. On est pas du tout un service de télé et on veut s’ouvrir sur d'autres écrans”, justifie Estelle Bringer, directrice déléguée de Filmo, à la tête de la filiale de Wild Bunch depuis le printemps 2021. En plus de son site web et de son application mobile, Filmo est accessible sur PlayStation, sur les box des opérateurs internet, et en option sur les plateformes Molotov et Prime Video.
Le service reste discret sur son nombre d’abonnés, mais indique que son public est plutôt mature, au dessus de 40-45 ans, et regarde majoritairement les contenus à travers le décodeur de leur box internet. “Notre objectif est d’aller chercher les 25 ans et plus”, explique Estelle Bringer. Pour cela, la plateforme a rénové son interface il y a trois mois, et modifié sa ligne éditoriale. “C’est un repositionnement du service, pas radical, plutôt un élargissement éditorial. Avant, nous étions plutôt connus pour notre cinéma de catalogue. Maintenant, on s’élargit vers une cinéphilie contemporaine, plus de films récents.”
Ainsi, Filmo - qui est par ailleurs aussi active dans la VOD à l’acte - a enrichi ces derniers mois son catalogue avec des sorties récentes, dans le cadre de l’ancienne chronologie des médias. “On espère pouvoir bénéficier des nouvelles fenêtres dans la limite des droits disponibles”, précise Estelle Bringer. La plateforme pourra diffuser des films 17 mois après leur sortie en salles contre 36 mois jusqu’à présent. “Se pose cependant la question du coût d’acquisition et de la gymnastique des fenêtres.” Les plateformes devant désormais retirer les films de leur catalogue au moment de leur première diffusion télé en clair. “Cela va avoir un impact sur la disponibilité des titres, il y a un travail à faire avec les ayants droits”, prévient la dirigeante.
Comment se différencier des autres plateformes cinéphiles, comme Mubi ou La Cinetek ? “Notre positionnement se veut un peu plus ouvert, avec une cinéphilie pour tous, moins fermée et niche que Mubi par exemple”, répond Estelle Bringer. “On propose aussi bien des films de patrimoine que des titres populaires et des succès primés, avec aussi du blockbuster.” Ainsi Filmo propose par exemple Un couteau dans le cœur de Yann Gonzalez, Nikita de Luc Besson et des films de Jacques Demy. Les films sont sélectionnés et mis en avant par les équipes éditoriales de Filmo, et la plateforme travaille avec une cinquantaine de journalistes et experts pour contextualiser le catalogue.
Enfin, Filmo mise aussi, comme les autres plateformes et comme Canal+, sur les films exclusifs, qui n’ont pas eu d’exploitation en salles. Elle prévoit d’en sortir un par mois. Le premier, High Ground, un film australien avec l’acteur Simon Baker (star de la série Mentalist), est déjà disponible. Viendra prochainement Verdict, du philippin Raymund Ribay Gutierrez, qui sera accompagné d’un cycle sur le cinéma des Philippines.
Damien Choppin
“High Ground”, de Stephen Maxwell Johnson, est sorti en exclusivité sur Filmo
HLe 8 février, la Procirep, la Société des producteurs de cinéma et de télévision, organisera au Trianon (Paris XVIIIème) la 27ème édition de son Prix du producteur français de télévision, qui sera retransmise sur les réseaux sociaux. Quinze structures sont en lice : quatre dans la catégorie animation, six dans la catégorie documentaire et cinq dans la catégorie fiction. Bien qu’elle se déroule en cette année 2022, les lauréats seront considérés comme les gagnants de l’année 2021. Avant la cérémonie, auront lieu, aussi au Trianon, les Rencontres de la production, pilotées par la Coordination inter-syndicale de l’audiovisuel (Cisa), qui seront visibles sur les réseaux sociaux et sur le replay de Public Sénat. Et, durant la cérémonie, seront également remis les 18èmes Prix UniFrance de l’export audiovisuel. Cyrille Perez, producteur (13 Prods) et président de la Commission télévision de la Procirep, détaille le programme de ce 8 février et fait le point sur plusieurs sujets.
Comment sera orchestrée cette 27ème édition ?
Elle débutera à 19 h 30 avec la remise des Prix Export d’UniFrance, puis la Procirep décernera les Prix du producteur français de télévision. Cette 27e édition sera précédée des Rencontres de la production, conduites par la Cisa, qui auront lieu le jour même, à 16 h 30. Elles auront pour thème : “La production indépendante au cœur de la révolution audiovisuelle”. Lors de ces rencontres, des producteurs et des personnalités prendront la parole autour de deux aspects cruciaux : d’une part, la situation de la production française dans un marché mondialisé, et, d’autre part, les moyens alloués au service public. Que ce soient les rencontres ou la cérémonie, tout se déroulera au Trianon, tout en étant diffusé en direct sur nos réseaux sociaux, et les rencontres seront donc aussi accessibles via le replay de Public Sénat. Au Trianon, nous serons en mesure d’accueillir un public large de professionnels, mais, bien évidemment, dans des conditions sanitaires strictes. A ce titre, il n’y aura pas de cocktail. Malgré cette configuration, nous avions à cœur de maintenir l’événement en présentiel, car nous avons tous besoin de nous retrouver !
On ne le dit pas assez, mais ce Prix est l’un des rares à récompenser le travail de sociétés de production…
En effet. Et c’est important de reconnaître le parcours de ces structures car, produire, c’est prendre des risques en permanence et c’est accompagner un auteur, l’aider à développer et à aboutir son projet dans les meilleures conditions. Le Prix du producteur français de télévision de la Procirep a une vraie résonnance : il permet à des sociétés de mieux se faire connaître des diffuseurs et des créateurs et, à l’étranger, de susciter la curiosité de partenaires potentiels.
Cyrille Perez
Pouvez-vous rappeler comment s’opère la sélection ?
Pour cette 27ème édition, étaient éligibles les sociétés de production qui avaient bénéficié d’une aide à la création de la Commission télévision de la Procirep en 2020 ou 2021, que ce soit en animation, en documentaire ou en fiction, soit environ 350 sociétés. Le 30 novembre 2021, un comité, réunissant différents acteurs de l’audiovisuel, a retenu les quinze structures qui seraient en lice. Quand on observe la sélection, il est frappant de voir à quel point elle est le reflet de la diversité de la production indépendante française. Quel que soit le genre dans lequel ces sociétés s’illustrent, on constate que toutes portent des œuvres fortes, qui trouvent leur place sur le marché international. Et elles collaborent aussi bien avec les diffuseurs traditionnels que ceux du numérique. C’est un jury présidé par l’acteur et metteur en scène Charles Berling qui sera en charge, le 8 février, juste avant la cérémonie, de choisir les lauréats. Dans ce jury, dont je fais partie, on trouve, tous les ans, aux côtés des gagnants de l’année précédente, des représentants de tous les métiers de l’audiovisuel.
La Procirep a réagi très vite pour soutenir le secteur quand la pandémie s’est déclenchée. Où en êtes-vous aujourd'hui ?
Dès mars 2020, nous avons décidé de verser nos aides à la création dans un délai beaucoup plus court, soit dix jours après un passage en commission. Cela est toujours le cas aujourd’hui. Il faut savoir que, depuis deux ans, nous recevons chaque année 10 % à 15 % de dossiers en plus. C’est un des effets de la crise : avec les différentes restrictions, il y a eu des reports ou des annulations de tournages,
Dates clés
2004 : fonde la société Treize au Sud, avec son frère, Gilles Perez 2007 : lauréat du Prix du Jeune producteur TV de la Procirep 2010 : reprend la société 13 Production, qui devient 13 Productions 2013 : Obtention du CAP pâtissier en candidat libre 2021-2022 : président de la Commission télévision de la Procirep
et les producteurs ont donc mis l’accent sur le développement de nouveaux projets. En parallèle, nos aides aux actions d’intérêts collectifs, que perçoivent notamment les festivals, ont été maintenues pour les manifestations qui ont été annulées ou qui ont basculé sur le numérique. Et nous réitérerons cette initiative pour les festivals qui pourraient de nouveau être confrontés à ces obligations d’annuler ou de se tenir en ligne. Plus globalement, il est à noter que, en 2021, dans le cadre des aides à la création, la Procirep et l’Angoa ont apporté 7,2 M€ à la production audiovisuelle. Le montant des aides aux actions d’intérêt collectif de la Procirep s’est élevé à 922 000 €.
Quels critères la Commission TV choisit-elle pou aider un projet ?
Nous en prenons en compte trois : le point de vue de l’auteur-réalisateur, la capacité du producteur à bien défendre le projet et une rémunération décente de l’auteur-réalisateur. En termes éditorial, nous sommes ouverts à toutes les écritures.
Comment se porte la production indépendante ?
Les producteurs composent avec la crise et ce n’est pas simple. En fiction, le temps de tournage d’un épisode d’une série a progressé de 10 % à 20 %. Cela s’explique par la logistique à mettre en place pour protéger l'équipe contre le virus. Toutefois, cela entraîne un surcoût que ni le CNC ni les diffuseurs ne prennent en compte. En documentaire, genre qui a le plus souffert de la crise, il y a encore des pays où on ne peut pas tourner, des projets qui sont à l’arrêt... Des sociétés sont contraintes de produire moins de films, d’autres n’ont pas vu leurs œuvres diffusées en 2021 et vont donc voir leur compte automatique au CNC s’amoindrir. Dans trois à quatre ans, certaines pourraient disparaître si rien n’est fait. Quant au domaine de l’animation, s’il est vrai que la production a pu se poursuivre sans difficultés majeures, il est quand même important de souligner que c’est un genre où les collaborations avec l’international sont capitales. Or, ne pas pouvoir se déplacer facilement pour rencontrer les partenaires étrangers, cela ralentit l’avancée des projets.