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La 6e édition du Festival du cinéma d’Arte

›dans les obligations, au même titre que les droits France. Cette possibilité est aujourd’hui ouverte pour deux des trois taux d’obligation prévus (22,5 % et 25%). Une telle possibilité remettrait en cause l’esprit même de notre régulation et constituerait un écran de fumée derrière lequel les plateformes pourraient allègrement se cacher. Nous y sommes farouchement opposés.

P. J. : L’équité est une notion essentielle. Actuellement, un groupe comme

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Canal+ investit beaucoup dans le cinéma, mais pour des droits français. Cela relève de leurs obligations. Mais obliger les plateformes à investir dans des droits monde leur serait très bénéfique, puisque ni Canal+ ni Orange ne peuvent le faire.

La première obligation des plateformes doit donc concerner l’exploitation des films en France. Investir dans des droits monde ne doit pas entrer dans leur champ d’obligations. C’est là qu’il nous faut trouver dans ce décret le juste équilibre par rapport à Canal+ et Orange. Il est vital que les films français continuent de sortir en salle, et nous nous battons pour que, ici comme ailleurs, cette rencontre magique avec le public reste l’acte de naissance d’un film de cinéma.

M. D. : C’est évidemment la liberté contractuelle d’un producteur que de céder l’exploitation des droits monde d’une œuvre à une plateforme, s’il le souhaite.

Mais cela ne doit pas avoir d’impact sur les financements consacrés aux autres films, dans le cadre même de l’obligation.

Un autre débat aura pour thème “la stratégie des partenaires historiques face à l’arrivée des plateformes”…

P. J. : En effet : comment élaborer un décret qui soit suffisamment pertinent pour qu’il ne contraigne pas nos partenaires historiques à renégocier des accords différents? Sachant qu’il y a une grande inconnue : quelles sont les intentions de Maxime Saada et de Vincent Bolloré? Veulent-ils rester les partenaires privilégiés du cinéma français et rester dans la grande chaîne française du cinéma ? Après tout, les autres plateformes sont des adjuvants à de la vente en ligne, ou de groupes audiovisuels spécialisés dans les séries.

M.D: Il nous faut comprendre quel est le projet industriel et éditorial de groupes comme France Télévisions, Canal+ ou M6, et quel rôle y joue le cinéma. Restera-t-il au cœur du modèle éditorial de Canal+ ? Comment France TV souhaitet-il poursuivre sa relation avec le cinéma, qu’il diffuse de plus en plus, y compris en délinéaire pour les œuvres préachetées ? Nous souhaitons avoir un débat positif qui permette à chacune et chacun d’exprimer sa vision, et d’évoquer de manière concrète la contribution du cinéma à ces modèles industriels, éditoriaux et d’usages en plein bouleversement.

Vous évoquerez aussi l’avenir du cinéma français et du parc de salles.

P.J. : Les salles de cinéma ont résisté à la télévision, à Canal+, au DVD, au piratage, et ont reçu 213 millions d’entrées en 2019, soit la troisième meilleure année jamais enregistrée. Aujourd’hui, elles sont en danger et il faut les aider. Au moment du couvre-feu, elles étaient pleines aux séances de 18 heures. Je gage que ce bonheur du cinéma demeurera intact et que le public conservera ce plaisir à nul autre pareil.

M.D. : Voilà six mois que nous sommes focalisés sur nos priorités à court terme – la survie des auteurs, des producteurs, des distributeurs et des exploitants –, mais nous n’avons pas vraiment questionné notre avenir à moyen terme.

Nous avons à cœur, à travers les Rencontres, de remettre à plat les difficultés qu’éprouve actuellement un créateur qui souhaite mettre son film en financement. De nombreux tournages ont eu lieu depuis le déconfinement ; mais beaucoup avaient été financés préalablement. Que se passe-t-il désormais pour les films en fin de développement qu’un producteur souhaite mettre en financement ? Les échos que nous avons sont dramatiques car les distributeurs, également mis à mal par la crise, ne peuvent investir de minimum garanti suffisant. Ce qui incite les chaînes de télévision à ne pas s’engager non plus. Un problème d’envergure…

Enfin, vous questionnerez la notion de souveraineté culturelle pour l’Europe à l’ère numérique ?

P. J. : Il n’y aura pas de France sans Europe et il n’y aura pas d’Europe sans la France. Nous sommes un des premiers pays à transposer la directive SMA. Ce qui va se passer en France va être regardé de très près dans toute l’Europe. Malheureusement, l’ordre mondial est actuellement bouleversé avec le Covid et la place colossale que prennent les Chinois, ou le repliement de l’Amérique sur elle-même avec la présidence de Trump. Cela redistribue les cartes. L’Europe ne peut trouver sa force et son autonomie qu’en régulant les Gafan et en se montrant courageuse en matière de coercition.

M. D. : Nous sommes à un des moments-clés de la politique culturelle du quinquennat d’Emmanuel Macron avec l’intégration des plateformes dans le cercle vertueux du cinéma français. C’est un acte décisif, tant notre souveraineté culturelle est menacée alors que le cinéma français est durement touché et que les plateformes ont fortement bénéficié du premier confinement et profiteront autant, si ce n’est davantage, du deuxième. Sur ce sujet, tout comme sur le sujet de la préservation de nos actifs stratégiques, la France doit travailler en bonne intelligence avec ses homologues européens, mais sans jamais oublier le rôle fondateur de notre pays pour préserver la diversité culturelle. Par son ambition, la France peut ouvrir la voie à une véritable régulation européenne des plateformes. Soyons à la hauteur.

Propos recueillis par Nicolas Colle

Et si James Bond faisait faux bond à la salle ?

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H Pour ajouter du piment à cette affaire, de nombreuses sources hollywoodiennes ont déclaré que Barbara Broccoli n’était pas au courant des discussions menées par Kevin Ulrich pour vendre le film. Or, MGM n’est pas l’unique propriétaire de la franchise James Bond. La moitié est contrôlée par EON Productions, cogérée par Barbara Broccoli, fille du producteur original de James Bond, Albert Broccoli. Et chez les Broccoli, on reste farouchement attaché à l’expérience en salle. Aucune vente à une plateforme ne peut donc se faire sans l’accord express d’EON Productions. Pris dans les filets de sa démarche infructueuse, Kevin Ulrich ne pouvait que constater sa défaite à la lecture du communiqué publié par EON Productions : “MGM, Universal et les producteurs de Bond, Michael G. Wilson et Barbara Broccoli, ont annoncé aujourd’hui que la sortie de No Time To Die, le 25e film de la série James Bond, sera reportée au 2 avril afin qu’il soit vu par un public mondial. Nous comprenons que ce retard sera décevant pour nos fans, mais nous sommes maintenant impatients de partager No Time To Die l’année prochaine ».

Un dernier espoir pour la SVoD ?

Cette décision soulève désormais deux questions : MGM aura-t-il les reins assez solides pour passer l’hiver et le printemps sans sorties salles majeures et sans rentrées d’argent significatives et y-a-t-il encore une plateforme assez folle pour dépenser plus de 400 millions de dollars pour un seul film ? La situation dégradée de MGM était connue avant la pandémie, le décalage de la sortie du 25e James Bond ne fait qu’ajouter un problème de plus, mais si la date du 2 avril est effectivement maintenue, MGM saura sans doute faire patienter ses créanciers.

D’ici là, est-il possible qu’une plateforme revienne à la charge pour obtenir les droits de distribution monde du film en SVoD ou en TVoD, comme Disney l’a récemment fait pour Mulan ? Alors qu’Amazon a dépensé plusieurs centaines de millions de dollars pour acheter les droits de Without Remorse et Coming 2 America au studio Paramount, qu’Apple a acheté Greyhound à Sony et que Netflix est aussi coutumier du fait en achetant des films en one shot comme Trial of the Chicago 7 à la Paramount, ou 6 Underground à Skydance/Paramount, il semble peu probable qu’une plateforme s’engage sur un montant aussi élevé, pour une période aussi courte, malgré la notoriété de 007. Quand on ajoute la somme des obstacles liés à une exploitation en SVoD (indemnisation du distributeur salles à l’international, implication des partenaires historiques de la sortie salles, durée des droits SVoD, droits TV), on peut légitimement penser que Mourir peut attendre va rester dans les cartons jusqu’au printemps prochain. Cela n’empêche pas certains observateurs de rêver et de penser qu’une exploitation de Mourir peut attendre en SVoD, adossé à tous les autres films de l’espion britannique procurerait à la plateforme qui en prendrait le risque un réel avantage concurrentiel.

Pascal Lechevallier

Arte fête le cinéma d’auteur

HLa 6e édition du Festival du cinéma d’Arte, opération se déroulant tous les deux ans, se tiendra du 4 au 16 novembre à l’antenne et sur Arte.tv.

Le Festival du cinéma d’Arte propose cette année 13 films français et européens aux spectateurs et internautes, la plupart ayant été sélectionnés ou distingués dans les plus grands festivals, Cannes et Berlin en tête. Des films qui ont la particularité d’être tous coproduits par Arte France Cinéma, Arte Deutschland ou dans le cadre du grand accord franco-allemand.

Parmi eux, on compte des titres prestigieux comme Cold War, de Pawel Pawlikowski, Heureux comme Lazzaro, d’Alice Rohrwacher, La Prière de Cédric Kahn, High Life, de Claire Denis, Le Poirier sauvage, de Nuri Bilge Ceylan, ou encore The House that Jack Built, de Lars von Trier. “Autant de films emblématiques de notre soutien au cinéma d’auteur mondial, salués par la critique et dont certains ont été des succès publics, pointe Olivier Père, directeur général d’Arte France Cinéma et directeur de l’unité cinéma d’Arte. Cela permet aussi de distinguer l’émergence de nouveaux auteurs, en mettant en avant de nouvelles œuvres à côté de réalisateurs très confirmés.”

A l’antenne, du 4 au 16 novembre, tous les prime time habituellement dévolus au cinéma seront occupés par le Festival du cinéma d’Arte, en particulier le lundi et le mercredi, en plus d’autres créneaux comme le jeudi soir. Des films seront aussi proposés en deuxième partie de soirées – souvent ceux au contenu plus exigeant ou dérangeant –, l’enjeu étant de “construire des soirées cohérentes”, avec deux films qui se suivent. D’un point de vue éditorial, Olivier Père assurera comme à son habitude une brève présentation des œuvres. Sur Arte.tv, un replay sera assuré sept jours après la diffusion sur la chaîne. “On a remarqué que le public de nos plateformes n’était pas le même que celui du linéaire”, explique Rémi Burah, directeur général délégué. Les réseaux sociaux de la chaîne permettront aussi de signaler efficacement la disponibilité en ligne de ces films auprès des internautes.

Si ce festival coïncide avec la nouvelle période de confinement qui vient de démarrer, et qui pourrait inciter d’autant plus les spectateurs à profiter de cette offre de cinéma d’auteur, Olivier Père rappelle qu’Arte n’a pas pour autant modifié ses programmes pour s’adapter à la situation. “Ce que nous faisons en matière de cinéma, nous le faisons toute l’année, et depuis longtemps. Mais peut-être que ce contexte très particulier nous permet de toucher une audience encore plus grande. Cela s’est vérifié au printemps quand nous avons maintenu notre programmation spéciale pour le Festival de Cannes.”

Un soutien sans faille à la création

En ces temps difficiles pour le cinéma, Arte réaffirme plus que jamais son soutien à la création à travers sa filiale de coproduction. “Nous avons maintenu le rythme des comités de sélection, pour tenir le même nombre d’engagements, dans les mêmes conditions, assure Olivier Père. On constate malheureusement que des films ont été livrés mais n’ont pas pu sortir comme prévu cette année.” Et Rémi Burah de préciser: “En termes de trésorerie, nous avons accéléré nos soutiens pour pallier aux faiblesses de fonds propres des productions. Tous ces décalages de tournage ou de sortie génèrent forcément des frais supplémentaires et c’est pour cela que notre politique, plus que volontariste, est d’avancer le paiement de certaines échéances, ce que nous avons fait auprès de quasiment tous les producteurs auprès desquels nous sommes engagés aujourd’hui.” Rodolphe Casso

L’affiche américaine pour une sortie prévue… le 2 avril 2020.

L’affiche française pour une sortie prévue le 11 novembre prochain.

“Cold War”, de Pawel Pawlikowski, Prix de la mise en scène à Cannes 2018, avait attiré 340000 spectateurs en salles.

Mediawan finalise les acquisitions de Troisième Œil et de Lagardère Studios

HMediawan Alliance a indiqué, lundi 2 novembre, avoir finalisé l’acquisition des activités audiovisuelles du groupe Troisième Œil et de Lagardère Studios. Mediawan Alliance avait remis une offre ferme le 22 juin dernier pour l’acquisition deTroisième Œil et était en négociations exclusives pour acquérir Lagardère Studios. Ces acquisitions ont fait l’objet d’une autorisation de l’Autorité de la concurrence le 21 septembre 2020.

Le groupe Troisième Œil a été fondé à l’été 2021 par Pierre-Antoine Capton, l’un des trois fondateurs de Mediawan avec Xavier Niel et Mathieu Pigasse. La société se revendique comme un acteur majeur de la production indépendante en France avec plus de 500 heures de programmes par an, et comme créateur de marques fortes de contenus premium. Troisième Œil Productions est également l’un des producteurs leaders dans le flux avec notamment des émissions de référence comme la quotidienne C à vous (France 5), Vintage Mecanic (RMC Découverte) ou Zemmour et Naulleau (Paris Première), et avec du documentaire et de la fiction – prochainement, 100 % bio (France 3), En quête de vérité (10 x 52’, France 2). La société de production vient également de lancer 6 à la maison pour France2, quotidienne de deuxième partie de soirée qui propose un rendez-vous culturel pendant le confinement.

“Aujourd’hui, le groupe Troisième Œil, que j’ai créé il y a près de vingt ans, change de dimension, en s’associant avec le groupe Mediawan. Mediawan Alliance représente de formidables opportunités de synergies et de développements pour Troisième Œil, qui va désormais avoir les moyens de ses ambitions dans de nouveaux marchés en Europe et dans de nouveaux formats. Je suis persuadé que les équipes de groupe Troisième Œil s’épanouiront dans ce groupe encore plus ambitieux”, a déclaré Pierre-Antoine Capton, président de Mediawan Alliance et du groupe Troisième Œil, et président du directoire de Mediawan.

Mediawan met la main sur les 25 labels de production de Lagardère Studios

Lagardère Studios est l’un des principaux acteurs indépendants

Parmi les quotidiennes de Troisième Œil, “C à vous”, sur le plateau duquel est enregistré le talk-show culturel spécial confinement “6 à la maison”, également présenté par Anne-Elisabeth Lemoine.

dans la production et la distribu- Lagardère Studios dispose d’un catation de contenus en Europe, avec logue de plus de 10 000 heures de une présence en France, en Espagne programmes. (groupe Boomerang), en Finlande “Nous sommes particulièrement (Aito Media), aux Pays-Bas (Skyhigh fiers aujourd’hui de pouvoir compTV), ainsi qu’en Afrique (Keewu au ter sur les nombreux talents qui comSénégal). posent Lagardère Avec ses 25 labels de production, Lagardère Grâce à ces opérations, Mediawan ambitionne Studios, et d’explorer avec eux des multiples Studios possède de devenir un poids lourd opportunités de des marques fortes dans la fiction – la coprodu paysage audiovisuel français développement qui s’offrent à nous partout en duction interna- Europe, dans tous tionale d’Atlantique Productions The les genres : fictions, documentaires et Eddy (Netflix), Tandem, de DEMD émissions de flux”, s’est félicité PierreProductions (France 3) et Joséphine Antoine Capton. ange gardien (TF1) – mais également des documentaires, comme la mini- Le consortium Mediawan série Grégory (5 x 52’), d’Imagissime, Alliance a racheté tous les titres disponible sur Netflix. Mediawan en Bourse

Lagardère Studios produit égale- Basée à Paris, Mediawan Alliance a ment de nombreux programmes de été créée en juin 2020 par un consorflux, comme C dans l’air, de Maximal tium, formé par les fondateurs de Productions, diffusé sur France 5, Mediawan, MACSF (Mutuelle d’asÇa commence aujourd’hui (France 2) surances du corps de santé français) et Recherche appartement ou mai- et le fonds d’investissement KKR, son (M6), deux programmes de rejoints par Bpifrance en septembre Réservoir Prod, ou The Night Patrol 2020. Il est présidé par Pierred’Aito Media (Channel Four Finland). Antoine Capton et Fred Kogel, CEO de Leonine (Allemagne), qui en assure la direction générale.

Mediawan Alliance a lancé avec succès une offre publique d’achat sur tous les titres Mediawan non détenus par les fondateurs de Mediawan et MACSF, qui a été clôturée le 22 octobre. Mediawan Alliance a l’intention de demander la mise en œuvre du retrait obligatoire de Mediawan de la Bourse. Après le succès de cette offre publique, Mediawan Alliance intégrera désormais le groupe Mediawan (renforcé des équipes de Lagardère Studios), les activités audiovisuelles du groupe Troisième Œil, ainsi qu’une participation minoritaire dans Leonine, l’un des principaux groupes indépendants allemands de production de films et de contenus, apportée par KKR.

Depuis sa création en décembre 2015, Mediawan a déjà procédé à plusieurs acquisitions majeures pour se développer tant en France qu’en Europe. Le groupe a fait l’acquisition parmi d’autres d’AB Group en 2017, de plusieurs activités d’EuropaCorp en 2018 et de la société italienne Palomar (Montalbano, Le Nom de la rose) en 2019. Emmanuel Bataille

HAncien directeur du développement commercial de France Télévisions, où il a notamment participé à la création de Salto, Julien Verley a quitté le groupe audiovisuel public en juin 2019 pour se lancer dans un projet ambitieux: créer une plateforme SVoD capable de réunir le meilleur de la création française, tous genres confondus, à destination d’utilisateurs étrangers intéressés par la culture tricolore. Inspiré par la plateforme Britbox, qui amalgame les programmes de la BBC et d’ITV, ce projet intitulé France Channel (anciennement France+ Channel, mais rebaptisé à la demande de Canal+) a ciblé un premier territoire où s’implanter, et pas des moindres: les Etats-Unis, où le service sera lancé au même prix que son modèle britannique, 6,99 dollars mensuels. Près d’un an et demi après avoir formulé son ambition dans nos colonnes, Julien Verley revient sur les avancées de son projet, qui vient de passer deux étapes cruciales : la constitution d’un catalogue de départ (lire encadré) et la signature d’un partenariat avec le français Netgem pour l’élaboration technique du service, qui sera lancé entre fin mars et début avril outre-Atlantique.

Où en est aujourd’hui le projet France Channel?

Il n’est évidemment pas facile de monter un tel projet dans un contexte de pandémie mondiale, mais, malgré l’année compliquée que nous traversons, l’ambition est toujours aussi forte: faire rayonner la création française à l’international ! Etre la vitrine de la France sous toutes les facettes qui font la richesse de notre pays : art de vivre, culture, histoire, patrimoine, tourisme, gastronomie… Tout cela dans une offre qualitative qui soit représentative du catalogue audiovisuel français dans sa diversité avec du cinéma, de l’animation, des séries, du documentaire, du magazine, du spectacle vivant…

L’idée, c’est de créer le “best of France”, un lieu de destination unique, pas seulement pour les expatriés ou les francophones, mais aussi tous les gens qui s’intéressent à la France d’une façon ou d’une autre. Il y a des communautés évidentes à cibler, comme les étrangers qui apprennent le français, ce qui représente à peu près 1,5 million de personnes aux Etats-Unis et quelque 50 millions dans le monde. Autre cible évidente : celle des fans de films français, qui correspondent généralement à un profil CSP++, plutôt intellectuel et démocrate. Seule une cinquantaine de films français sort chaque année aux Etats-Unis, pour 4 à 5 millions d’entrées: cela fait sans doute quelques centaines de milliers, voire un million de fans qui pourraient s’intéresser à notre projet. Pour diverses raisons, je me suis dit qu’il serait intéressant de partir sur un grand territoire anglophone et j’ai choisi les Etats-Unis parce que le ter-

Julien Verley

« Devenir la vitrine du cinéma français hors de nos frontières »

ritoire est très vaste, même si c’est un marché hyperconcurrentiel. L’étape suivante a été de rassembler des contenus, ce qui a pris un certain temps!

Sur quels réseaux la plateforme France Channel sera-t-elle accessible?

Il y a trois questions majeures quand on crée un service SVoD: les contenus, qui constituent la matière première, absolument essentielle, et la distribution. Entre les deux, vous avez ce que j’appelle le produit : le choix de la plateforme et de son type d’environnement. Contrairement, par exemple, à Molotov, qui a fait le pari que son offre serait essentiellement consommée sur mobile, j’ai choisi d’être également disponible sur le web, et, surtout, j’ai fait le choix stratégique d’être embarqué sur Roku. Il s’agit d’un petit boîtier que vous branchez sur votre téléviseur pour le connecter à un univers de services. Le service est encore assez peu connu en France, mais il marche très bien aux Etats-Unis. Roku est un acteur majeur outre-Atlantique, c’est le leader de la TV connectée, devant Amazon ou Samsung, avec plus de 30 millions de boîtiers écoulés.

Avec quel catalogue allez-vous attaquer le marché américain?

La plupart des contenus que nous allons proposer ne seront pas connus des consommateurs américains. Nous miserons sur des marques ancrées dans l’environnement de la France et de ses valeurs. Il va falloir être très bon dans ce qu’on appelle la “découvrabilité”, c’est-à-dire donner envie à travers un marketing ciblé. Le profilage et la mise en avant intelligente, événementielle et éditorialisée de nos programmes seront les éléments-clés de la réussite du projet. Si vous avez des contenus géniaux mais que vous ne les mettez pas en avant auprès du public, il ne reste pas.

Aujourd’hui, je pense avoir constitué une offre qui a tous les atouts pour faire venir des clients : nous proposerons au lancement environ 1 000 heures de contenus. Mais le défi n’est pas seulement de les faire venir, il faut aussi les convaincre de rester. Et pour cela, dans un monde idéal, il faudrait un renouvellement mensuel de l’ordre de 10 % à 15 %, soit entre 50 et 100 heures de contenus frais chaque mois. Tenir ce rythme ne sera pas facile.

Comment les genres seront-ils répartis sur le service?

Je voudrais que nos deux piliers soient le cinéma et l’animation, avec 20 % à 25 % consacrés au cinéma, et 15 % à 20 % à l’animation. Il y aura également une bonne représentation du documentaire, avec une éditorialisation intelligente correspondant aux centres d’intérêt et au profil de nos abonnés, et des magazines sur le patrimoine français, la gastronomie ou le tourisme comme Des racines et des ailes, Les Carnets de Julie, Echappées belles, Le Village préféré des Français… France Channel proposera aussi un peu de spectacle vivant, notamment des concerts ou des opéras, et très probablement de l’information avec en pastille le flux en direct de France 24.

En gros, cela ressemblera à la Britbox, mais avec une différence de taille : le cinéma.

Pourquoi miser prioritairement sur le cinéma français?

Parce que le 7e art représente un pan considérable de notre culture, une tradition de 120 ans qui justifie ce choix. Et parce que ce format va sans doute revenir à la mode en raison du déferlement incroyable de séries proposées ›

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