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Dans les coulisses de “Mixte”
HRetour sur la genèse mouvementée de la série créée par Marie Roussin, qui arrive le 14 juin sur Amazon Prime Video.
Imaginé de longue date par Marie Roussin (Les Bracelets rouges, Borgia, Un village français), le projet Mixte aura mis près d’une décennie à se concrétiser. C’est paradoxalement Amazon Prime Video, où les quatre premiers épisodes seront disponibles à partir du 14juin, qui a sauvé cette série on ne peut plus franco-française: Mixte raconte l’arrivée, en 1963, d’un premier contingent de filles dans un lycée de province jusque-là exclusivement masculin. La série, qui pourrait en cas de succès s’étirer jusqu’aux événements de mai 1968, raconte les prémices de l’émancipation féminine avec la volonté d’apporter un éclairage différent sur des thématiques très actuelles. Produite par En Voiture Simone (Caroline Solanillas et Laurent Ceccaldi) et Autopilot Entertainment (Edouard de Lachomette et Eleonore Dailly), Voltaire, mixte – titre simplifié depuis – a pourtant traversé de nombreuses soubresauts avant de débarquer sur la plateforme du géant du commerce en ligne, qui la proposera d’abord en France et dans les pays francophones avant d’en étendre la diffusion au reste du globe au cours de la deuxième moitié de 2021.
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Les diffuseurs français n’ont en effet pas été séduits d’emblée par cette idée née dans la tête de l’autrice lors de ses études dans un lycée anciennement réservé à la gent masculine. TF1, France Télévisions, Canal+, Arte : la créatrice et showrunneuse de la série a essuyé les refus pour diverses raisons, notamment liées au coût d’une fiction costumée. Impossible pour France Télévisions, déjà engagée à l’époque sur Speakerine, également une série historique se déroulant dans les années soixante et abordant le thème de la libération féminine. Même chose pour TF1, qui souhaitait raconter la libération de la femme à travers l’histoire d’un magazine féminin bien connu, et qui exploitera prochainement ce thème dans une autre époque, la première guerre mondiale, avec Les Combattantes (Quad Drama). Sans parler du Bazar de la Charité qui traitait déjà en partie de cette thématique.
Etait-il encore trop tôt à l’époque pour évoquer ce thème aujourd’hui très tendance ? En attendant que Mixte trouve son diffuseur, Marie Roussin a travaillé sur les deux premières saisons des Bracelets rouges, immense succès sur la Une, qui lui ouvrira plus de portes. Dont celles des plateformes, qui ont su deviner l’attrait du sujet. “Après Les Bracelets rouges, Netflix voulait me faire écrire une nouvelle série ado, ce dont je n’avais pasenvie, se souvient la directrice
“Mixte” (8x40’) raconte l’arrivée, en 1963, d’un premier contingent de filles dans un lycée jusque-là exclusivement masculin. Une arrivée, aux premières heures de la libération féminine, qui va faire des étincelles.
d’écriture. La seule chose qui me tentait, c’était Mixte, parce qu’elle mélangeait des personnages adolescents et des adultes, et surtout parce que ce n’était pas une série contemporaine.”
Netflix, pourtant peu tenté par la fiction costumée, se déclare intéressé ; mais Amazon se positionne plus rapidement : le géant américain lance une première étape de développement en commandant les principales arches scénaristiques du projet et le tournage des deux premiers épisodes. “C’est un peu atypique, parce qu’en général, ils demandent juste le pilote, précise la productrice Caroline Solanillas. Mais nous avons beaucoup insisté pour pouvoir écrire ces deux premiers épisodes, dont l’accueil favorable a déclenché la suite de l’écriture et la mise en production.”
Un pool d’écriture pour des personnages féminins forts
La créatrice de la série et les deux sociétés de production – associées à 50/50 sur le projet – profitent alors des moyens supérieurs alloués par Amazon, qui accorde “une fois et demie à deux fois le budget habituellement proposé par les diffuseurs français, estime Caroline Solanillas. Cela nous a permis de faire une série bien plus ambitieuse, avec des matériels auxquels nous n’avions jamais eu accès, alors que nous faisons ce métier depuis de nombreuses années. Quatre cents personnes, des grues, un steadicam disponible en permanence… L’équipe était beaucoup plus dense que sur un tournage classique, avec un nombre impressionnant de personnes employées à la décoration ou aux costumes. C’était très impressionnant, d’autant plus que nous étions en pleine pandémie et que la problématique Covid a multiplié les effectifs, notamment pour désinfecter le plateau chaque soir.” Un surcoût évolué à environ 15 % du budget global, qu’Amazon souhaite comme à son habitude conserver secret. Alors que le tournage devait débuter le 18 mars, il a été soudainement interrompu à l’annonce des mesures de confinement. Un décalage qui a entraîné le remplacement des réalisateurs, qui n’étaient plus libres au nouvelles dates. “Il a fallu reconstituer des éléments de l’équipe et repartir sur une nouvelle prépa, raconte encore Caroline Solanillas. La série a finalement été tournée entre les deux confinements, à partir du 4 août, pour se terminer à la mi-décembre.” Le tournage a également été interrompu par des cas de Covid parmi les jeunes comédiens, entraînant retards et modifications du plan de travail. Tout cela en communiquant avec Londres et Los Angeles, Amazon ne s’étant pas encore installé dans l’Hexagone. Une fois la firme implantée dans ses bureaux parisiens, il a fallu reprendre le dialogue, cette fois avec les nouveaux interlocuteurs français de la firme. La série a par ailleurs bénéficié des conseils précieux de Christina Wayne, ancienne dirigeante d’AMC, qui a partagé avec l’équipe son expérience acquise sur des séries cultes comme Mad Men et Breaking Bad. “C’était vraiment une intervention captivante parce que, en posant seulement quelques questions, elle a soulevé des points auxquels nous n’avions pas pensé et qui ont fait avancer l’histoire”, explique Marie Roussin.
Installé depuis dix ans à Los Angeles, le producteur Edouard de Lachomette a rencontré Marie Roussin à la même époque, au moment ou l’autrice quittait la cité des Anges, après sa formation à l’UCLA, pour faire le chemin inverse et retourner en France. “C’est à ce momentlà qu’elle m’a parlé de ce projet qu’elle portait en elle depuis très longtemps, se souvient le producteur de Je ne suis pas un homme facile, premier succès tricolore de Netflix. Nous qui aimons les personnages féminins forts étions faits pour nous entendre.” A l’en croire, la showrunneuse ne dépareillerait pas au milieu de tels personnages : “Marie a insisté pour créer un pool d’écriture à une époque où cela ne se faisait pas encore en France. Elle a aussi tenu à ce qu’un auteur soit systématiquement présent en plateau pour aider lorsqu’il fallait ajuster quelques textes qui ne fonctionnaient pas, ou en raison de contraintes de tournage.” Autant de détails habituels aux Etats-Unis mais qu’elle contribue à installer petit à petit dans l’Hexagone, accélérant peu à peu la montée du niveau des productions tricolores.