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La fiction en langue bretonne se délie
HPremière fiction produite et réalisée en Bretagne, “Fin ar Bed” est de retour avec une seconde saison déjà plébiscitée à l’international.
Première fiction tournée et diffusée en langue bretonne, Fin ar bed – “Le Bout du monde” en langue locale –avait marqué les esprits lors de sa diffusion en 2017. La série (7x10’) avait capté environ 150000 téléspectateurs sur France 3 Bretagne et cumulé 400 000 visionnages sur la plateforme du service public France.tv. Sélectionnée au Festival des créations télévisuelles de Luchon en 2018, elle avait également séduit plusieurs acheteurs internationaux à la grande surprise de ses producteurs, Tita Productions et Lyo Productions.
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Quatre ans plus tard, la seconde saison (11 x 10’), à nouveau réalisée par Nicolas Leborgne, se veut encore plus ambitieuse : diffusée en linéaire sur les chaînes bretonnes, elle est disponible depuis le 17 mai sur France.tv et vient d’être acquise pour plusieurs territoires d’influence celtique comme le pays de Galles, mais aussi deux plateformes outre-Atlantique, une canadienne et une états-unienne, qui ont acheté les droits de diffusion auprès du distributeur Videoplugger, basé à Londres. Par rapport à la première saison, Fin ar bed a quasiment doublé son budget, qui atteint le million d’euros. Pour cela, la série a obtenu le financement de la Région Bretagne et l’appui en coproduction de France 3 Bretagne et des chaînes régionales (TVR, Tébéo, TébéSud, Brezhoweb). Des soutiens nationaux importants (CNC, Adami, Procirep, Angoa) lui ont également permis d’exister. “Nous avons redoublé d’ambition pour cette seconde saison, notamment sur le plan de la qualité technique”, explique le producteur Fred Prémel, dont la société de production Tita Films est installée à Douarnenez (Finistère). Vingt-deux jours de tournage avec une équipe entièrement bretonne, des techniciens aux comédiens, ont été nécessaires.
Nolwenn Korbell et Blaithin Allain, héroïnes de “Fin ar Bed”.
La saison 1 racontait la rencontre fortuite entre trois personnages en fuite pour des raisons différentes, trois jours passés à tenter ensemble d’échapper à leurs démons respectifs et se reconstruire. La seconde, elle, est centrée sur deux personnages de la première saison, le premier partant à la recherche du second, disparu après avoir volé un million d’euros. Après le road-movie, Fin ar bed s’est orientée vers le thriller : “L’inverse de la Bretagne carte postale qu’on a l’habitude de voir, très loin du littoral, au cœur d’une Bretagne fantasmée qui ne connaîtrait d’autre langue que le breton”, confie Fred Prémel.
L'atmosphère d’un lieu précis
Ce dernier a créé Tita Productions en 2006 avec un autre producteur de fiction, Christophe Bouffil, rejoints par la suite par Laurence Ansquer, spécialisée dans le documentaire. Grâce à l’assise régionale de ses deux fondateurs, Tita Productions s’appuie sur un double ancrage régional, entre Douarnenez et Marseille, pour produire des longs métrages de fiction pour le cinéma et nouer des coproductions avec l’Amérique latine, où a également vécu Christophe Bouffil. Quinze ans après sa création, Tita Productions, qui emploie aujourd’hui sept personnes, s’est ouvert à la fiction TV et au documentaire. Avec comme signature des productions “très ancrées dans les territoires, détaille Fred Prémel. Un sujet évoquant un robinet qui fuit dans une chambre de bonne, ce n’est pas notre truc! Il faut que le sujet soit profondément ancré dans un lieu précis pour que cela nous plaise.”
Cette proximité avec les territoires a naturellement poussé la société à réfléchir à une utilisation des langues régionales, en dépit de débouchés commerciaux forcément limités de prime abord. C’est beaucoup moins le cas ces derniers temps grâce à l’avènement des plateformes de streaming : “La question se pose évidemment quand on va voir les diffuseurs, poursuit le producteur. Mais l’emploi d’une langue locale peut aussi être un avantage grâce à l’atmosphère exotique qu’elle peut transmettre, à l’image du ‘scandinoir‘ venu du nord de l’Europe et devenu une véritable marque de fabrique.’”
Parmi ses autres projets, Tita Productions mise sur le nouveau film du franco-argentin Pablo Agüero (Eva ne dort pas), intitulé Les Sorcières d’Akelarre. L’histoire d’un groupe de jeunes filles injustement accusées de sorcellerie dans le Pays basque du xviie siècle, tourné en grande partie en langue basque. Le film, qui a remporté cinq Goyas en Espagne, sort chez Dulac Distribution sur 150 copies le 25 août. Il a été acquis par Netflix Monde, où il a même intégré le top 10 mondial lors de sa mise en ligne début mars. La société signe également deux coproductions minoritaires : le film allemand Human Flowers of Flesh, d’Helena Wittmann, actuellement en postproduction avec une sortie programmée à l’automne, et le nouveau film du Mexicain Carlos Armella, Le Chemin de Juan. Ainsi qu’une série fantastique, La Cascadeure (8 x 45’), qui sera présentée aux acheteurs au FIDLab de Marseille (14-18 juin). Raphaël Porier
Vidéo : une année 2020 dominée par la SVoD
HA l’occasion de la publication de son bilan 2020, le CNC publie une série de chiffres qui permettent de mieux comprendre le poids pris par la SVoD durant la pandémie.
La drôle d’année 2020 a remis en cause les équilibres d’antan du marché de l’audiovisuel, à commencer par les dépenses des ménages en programmes audiovisuels, mais elle a aussi mis à mal la structure du fonds de soutien du CNC et bien évidemment la composition du marché vidéo. 2020 a posé les bases d’une nouvelle hiérarchie du marché, avec la SVoD qui fait figure de locomotive.
392 euros dépensés par foyer
Les dépenses audiovisuelles sont un poste important des dépenses des ménages : en 2020 elles ont représenté 11,3 Md€, en repli de 4,1 % par rapport à 2019. Chacun des 28,8 millions de foyers a dépensé en moyenne 392 € en programmes audiovisuels, soit un repli de 5,2% par rapport à 2019. Le CNC répertorie quatre grandes catégories de dépenses : les dépenses liées à la télévision se sont repliées de 3,8% à 185 € ; le jeu vidéo atteint 128 € (+ 8, 8%) tandis que la vidéo augmente de 21,5% à 64 € ; le cinéma s’écrase quant à lui à 15 € (– 70,5%), durement impacté par la COVID-19. Bien que ce ne soit pas le premier poste de dépenses, la vidéo représente 16 % du budget des ménages français et c’est elle qui affiche la croissance la plus solide en 2020, largement soutenue par la SVoD.
Télévision payante : linéaire contre streaming
Largement moins impactées par le phénomène de cord-cutting, très répandu aux Etats-Unis, les dépenses des ménages en matière de télévision payante linéaire se sont néanmoins repliées de 2% en 2020 à 3 Md€ (hors accès via les FAI). En en 2020, soit un repli de 81%. La TST (taxe sur les services de télévision) s’élève à 461,1 M€ en 2020, en baisse de 6,4 % par rapport à 2019. Cette taxe se décompose en deux parties : la TST-Editeurs (236,7 M€) recule de 62,0 millions (– 20,7 %) par rapport à 2019, en raison de la forte baisse du chiffre d’affaires publicitaire des chaînes commerciales ; la TSTDistributeurs affiche une progression de 30,7 M€ à 224,4 M€ (+15,8%). La TSV (taxe sur la vidéo) a connu une année 2020 exceptionnelle. Elle a augmenté de 155 % en 2020, passant de 34,2 M€ en 2019 à 87,3 M€ en 2020, soit un bond de 53 M€.
Cette augmentation s’explique par la conjugaison de deux phénomènes : d’abord la hausse de la TSV qui est passée de 2 % à 5,15 % en 2020, mais ensuite et surtout la très forte hausse des abonnements SVoD, qui a eu un effet immédiat et imortant sur le produit de la TSV. L’augmentation du nombre de services de SVoD et du nombre d’abonnés va continuer de renforcer le poids de la TSV dans le fonds de soutien, même si elle reste encore très inférieure à la contribution des chaînes de télévision (TSTEditeurs). Les nouvelles obligations prévues par la transposition du décret SMA (Services de médias audiovisuels) et la mise en place d’une nouvelle chronologie des médias va inévitablement renforcer le poids des acteurs de la SVoD dans le financement de l’audiovisuel, et donc augmenter leur part de voix, ce qui n’est pas forcément du goût de tous les acteurs du marché.
ajoutant la SVoD aux dépenses de télévision payante, le CNC obtient des dépenses pour les contenus audiovisuels payants par abonnement de 4,3 Md€, en hausse de 9,6%.
L’analyse du CNC montre que les Français consacrent de plus en plus d’argent aux services audiovisuels par abonnement, même si la part de la télévision linéaire payante voit sa part de marché diminuer d’année en année sous la pression de la SVoD : en 2017, le poids de la télévision payante était de 92% des dépenses totales ; en 2020, il n’est plus que de 70%. A ce rythme, il y a de fortes chances que les dépenses des ménages passent sous la barre des 3 Md€ pour la télévision payante, quand les dépenses de SVoD passeront le cap de 1,5 Md€, entraînant de fait une modification de la structure des recettes du fonds de soutien du CNC.
Redistribution des cartes au sein du fonds de soutien
En 2020, le produit brut des taxes affectées au fonds de soutien du CNC s’est élevé à 576,9 M€ en forte baisse par rapport à 2019 (681,1 M€), soit 104 M€ (– 15%) partis en fumée en raison de la pandémie. Les différents postes de collecte des taxes ont vu leur contribution connaître des fluctuations très importantes : la TSA (taxe spéciale additionnelle), perçue sur les entrées salles, a connu une année dramatique due à la fermeture des salles et aux mesures d’exonération mises en place par le gouvernement : elle passe de 154,4 M€ en 2019 à 28,5 M€