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Manuel Alduy, directeur du cinéma et du développement international de FTV

HPassé par Canal+, Fox et Disney, Manuel Alduy a été nommé directeur du cinéma et du développement international au début de l’année 2021. Chargé de mettre en place une meilleure éditorialisation de l’offre cinéma du service public et d’améliorer la coordination des acquisitions entre les deux filiales France 2 Cinéma et France 3 Cinéma, le dirigeant revient pour Ecran total sur ses six premiers mois en poste, et détaille les transformations qu’il compte impulser au sein de France Télévisions.

Vous vivez votre premier Festival de Cannes au poste de directeur du cinéma et du développement international de France Télévisions, que vous occupez depuis le 1er février…

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Ce festival représente surtout pour les professionnels le moment très attendu des retrouvailles ! Nous allons enfin pourvoir nous voir, échanger, retrouver cette convivialité perdue à cause du Covid. Des retrouvailles qui coïncident cette année avec la fin d’un semestre assez difficile. Pour autant, notre rythme de production n’a pas faibli pendant toute la saison. France TV arrive à Cannes avec un budget 2021 très engagé, ce qui est normal puisque nous avons toujours quelques mois d’avance. Il n’y a eu aucune pause dans la production de longs métrages ou dans la validation de nos investissements, même si jusqu’à début mai, nous n’avions pas de perspective de reprise en salles. Le pipeline n’a pas été coupé ! A l’inverse, la réouverture des salles est difficile pour les films, cela se vérifie chaque semaine. Il y a eu un petit effet d’emballement autour du 19 mai, mais depuis, les entrées en salle par film sont parfois redoutables. Ce qui crée une petite inquiétude, sans doute temporaire. Nous arrivons aussi à Cannes avec cette préoccupation.

Comment voyez-vous le second semestre qui débute?

Nous espérons pouvoir revenir à un rythme plus apaisé, avec des distributeurs encore surchargés en films, mais qui aperçoivent enfin le bout du tunnel. J’espère qu’il vont pouvoir se reposer et repenser leur stratégie pour accompagner nos films de façon plus simple. Heureusement que les salles ont rouvert parce que la plupart des producteurs, petits ou gros, sont surchargés après huit ou neuf mois de fermeture. Ils commencent un peu à lever le pied sur la validation de la prise en distribution de films français, ce qui aurait pu être problématique maintenant que les salles sont rouvertes. Les sorties sont un peu embouteillées, cela fait des dégâts, mais espérons qu’après l’été, nous pourrons retrouver une activité normale, avec des sorties bien planifiées, des producteurs qui continuent leur travail de production, des

Manuel Alduy

« Des films sociétaux, inclusifs et positifs »

distributeurs qui s’engagent et des chaînes qui suivent.

L’incertitude autour de la chronologie des médias a-t-elle affecté votre travail?

Nous espérons que ces débats sur la chronologie, qui sont quand même structurants pour les diffuseurs, puisqu’ils déterminent notre place dans le cycle d’exploitation de films, arriveront au plus vite à leur terme. Qu’il existera pour ce second semestre une chronologie établie fermement pour tous les intervenants, ce qui nous permettra de prendre nos décisions d’investissement en toute connaissance de cause. Cette phase d’incertitude ne nous a pas pour autant empêchés de continuer d’investir, nous n’avons pas suspendu nos comités qui ont lieu chaque mois. Mais je sais par exemple que les plateformes sont particulièrement en attente de savoir à quelle sauce elles vont être mangées côté obligations, et quels type de droits elles auront dans la chronologie avant d’investir.

Quelles tendances marquent les films France TV cette année?

Artistiquement, l’année 2021 se place dans le prolongement de l’année précédente, avec un nombre croissant de projets sociétaux, positifs ou bien plus sombres. Nous avons beaucoup plus de projets inclusifs dans le casting, les auteurs ou les producteurs. Les propositions sont très affûtées sur le monde qui nous entoure, sauf sur un sujet particulier, et cela ne nous a pas manqué: le Covid! On aurait pu se dire qu’après un an et demi, on allait crouler sous les scénarios liés à la pandémie, mais pas du tout! C’est comme si le virus n’avait jamais existé... Mais attention, ce n’est pas un appel à projets ! [rire] Ce qui nous manque, ce sont plutôt les projets optimistes, positifs – je n’emploie pas le terme “comédie” à dessein parce qu’il est trop réducteur. Des histoires d’épanouissement, d’affranchissement, de réussite… Je n’ai pas le sentiment d’en voir beaucoup dans les centaines de projets analysés depuis six mois que je suis en poste à France TV.

Avez-vous une politique particulière en matière de premiers films?

Nous apportons effectivement une attention particulière aux premiers et deuxièmes films. Notre objectif est d’en avoir entre un quart et un tiers de l’ensemble des films coproduits par nos deux filiales. C’est un enjeu de renouvellement des talents, mais aussi des thèmes abordés : si l’on veut être certain que certaines problématiques arrivent à faire surface avec des moyens suffisants, il faut que ces films puissent compter sur des chaînes en clair comme les nôtres. Nous poursuivons donc la politique engagée par le groupe dans ce domaine. L’inflexion un peu nouvelle, engagée l’année dernière dans le cadre du second mandat de notre présidente Delphine Ernotte, est de vraiment pousser l’inclusion sous toutes ses formes. D’aller un cran plus loin avec davantage de réalisatrices et de diversité dans les castings, dans les histoires ou la réalisation.

Lors du dernier festival d’Annecy, AnimFrance a appelé France Télévisions à investir davantage dans le cinéma d’animation. Que leur répondez-vous?

Les équipes de France TV sont pour le moment en train de travailler sur le futur canal 14 de la TNT [ex-France 4, Ndlr], avec Okoo en journée et Culturebox en soirée. Il y aura bien sûr une place pour la programmation de films d’animation à travers Okoo concernant l’animation jeunesse lorsque nous aurons des projets qui s’y prêtent. C’est un effort qui est porté par France 3 Cinéma, même si les films pourront être exposés sur une autre antenne. Pour l’animation adulte, nous continuerons d’accompagner des projets singuliers qui s’adressent plutôt à un public jeunes adultes, à l’image de Josep l’an passé.

Est-ce que l’on peut faire plus ? Je pense que nous sommes à un bon niveau. Cela dépend du nombre de projets que nous recevons. Et aussi de l’ambition qu’a France TV, en matière de coproduction, d’être présent dans tous les types de cinémas: nous voulons à la fois être capables de faire des pas de côté dans le cinéma de genre, comme cette année avec L’Année du requin, des frères Boukherma, de continuer de soutenir la jeune création, d’être attentifs à la diversité sans délaisser les grands auteurs, d’accompagner un ou deux documentaires… Si l’on doit plus investir dans une catégorie particulière, cela se fera au détriment du reste et donc de l’équilibre de notre politique cinéma. Pour l’instant, nous n’allons donc pas faire plus d’animation.

L’exposition du cinéma sur les antennes du groupe va-t-elle évoluer?

Tout à fait. Notre réflexion globale s’appuie sur trois niveaux. Outre un travail sur les grilles, qui sera dévoilé fin août, celui sur le non-linéaire est désormais essentiel pour nous afin de remplir nos objectifs en matière de diversité des genres proposés. Nous avons par exemple mis en ligne à la mi-juin une collection “Cinéma de minuit” ; nous avons aussi lancé une collection liée à Cannes, sur le modèle de celle que nous avons improvisée l’an passé dans l’urgence du Covid, qui avait suspendu le Festival de Cannes et la Quinzaine des réalisateurs dont nous sommes partenaires. Cette année, nous rééditons le principe, parce que le test avait très bien fonctionné sur France.tv. Enfin, le troisième stade de notre réflexion se porte sur le replay de certains films.

Quel rôle va jouer le non-linéaire dans cette exposition croissante?

Il est capital parce que nous n’avons que trois antennes pour diffuser le cinéma à des horaires de grande écoute: France 2, France 3 et France 5. Si nous voulons être à la hauteur de notre exigence de diversité et promouvoir toutes les cinématographies, pas seulement du cinéma de prime time puissant, la seule façon de les exposer correctement repose sur notre plateforme à la demande.

Exposer le cinéma de façon cohérente, sans déstabiliser la filière, mais de façon récurrente et systématique, tel est notre axe stratégique majeur. Par cela, je désigne deux choses : le replay sur les films, qui maintenant se généralise, et l’acquisition de films uniquement destinés à France.tv à travers des collections thématiques. Nous allons en faire beaucoup dans les semaines et les mois qui viennent pour tester et voir ce qui marche. Nous sommes collectivement, en France, en train de nous mettre à jour par rapport à ce qui se passe dans d’autres pays où les diffuseurs qui veulent continuer à être investis dans le cinéma – cryptés comme en clair – proposent aussi des films à la demande. C’est indispensable pour éviter la ghettoïsation du cinéma sur des cases linéaires sans aucun rattrapage possible, alors que tous les autres genres de programmes, même les JT, y sont disponibles depuis des années.

La mise en œuvre du replay cinéma est essentielle. Cela a mis du temps pour des raisons réglementaires, qui ont été levées l’année dernière. La modification du cahier des charges de France TV nous permet désormais de négocier le rattrapage sur tous les films, même s’il reste quelques blocages liés aux ayants droit. C’est quelque chose qui prend un peu de temps, mais nous sommes en train de nous remettre à niveau. Au RoyaumeUni, la BBC et Channel 4 proposent à l’instant T à peu près une centaine de films… Nous n’irons probablement pas jusque-là, nous qui diffusons environ 500 films sur l’ensemble de nos antennes chaque année. L’idée n’est pas de créer une offre de films gratuites volumique, ce serait trop coûteux et ce n’est pas notre promesse. Nous souhaitons en revanche être identifiés comme une destination de cinéma. Nous voulons être sûrs que le public sache qu’il y a des films sur France.tv comme il y a des documentaires, des formats courts, des programmes de flux ou des séries en intégralité… L’objectif est d’arriver à proposer environ 30 longs métrages de façon récurrente : un mélange des films que vous avez raté pendant la semaine, et des collections thématiques éditorialisées avec une rotation suffisante pour toucher toutes sortes de publics différents. Parvenir à toucher toutes les communautés de fans de cinéma, et tous les publics dans notre offre de streaming gratuite, c’est pour nous l’enjeu majeur de 2021.

Vous avez lancé avec succès une nouvelle case pour le cinéma de patrimoine pendant le confinement…

Nous avons l’ambition de poursuivre dans cette voie, mais pas au niveau du volume de l’an dernier, qui était lié aux déprogrammations exceptionnelles provoquées par les confinements. Ce n’était d’ailleurs déjà plus le cas lors du troisième confinement. En revanche, nous continuerons à exposer le cinéma de patrimoine sur France 3 le week-end, le dimanche à 13heures, et sur France 5 le lundi soir. Avec le Cinéma de minuit bien évidemment, et les collections thématiques pour France.tv déjà évoquées. C’est le cinéma de patrimoine qui va nous permettre d’augmenter notre volume. Nous ne voulons pas rester uniquement dans une logique “linéaire sinon rien” : ce n’est tout simplement plus possible, parce que nous devons toucher les publics là où il se trouvent. Celui de la télévision traditionnelle, mais aussi ceux, très variés, de notre plateforme. Nous travaillons sur l’ensemble du spectre.

En matière de coproduction internationale, et notamment européennes, pourquoi n’existet-il pas l’équivalent en cinéma de l’Alliance FTV-RAI-ZDF dans les séries?

Nous n’avons pas éprouvé pour le moment le besoin de fonder une alliance avec d’autres diffuseurs européens parce que nous ne sommes pas à l’origine des films. Ce sont les producteurs qui portent le développement, nous sommes donc moins investis dans la création que dans les séries, où nous sommes la première fenêtre d’une série que nous avons codéveloppée sur le territoire français. Au cinéma, l’intermédiaire clé est le producteur : c’est lui qui finance le développement, présente le film à ses partenaires – dont nous – et a ensuite la garantie de bonne fin. Nous avons rituellement deux à trois films européens dans les coproductions de chacune de nos deux filiales, sans avoir nécessairement eu le besoin de nous allier avec d’autres diffuseurs étrangers. Tre Piani, de Nanni Moretti, présent à Cannes, est notamment une coproduction portée par France 3 Cinéma.

Nous ne voulons pas rester uniquement dans une logique “linéaire sinon rien”

Propos recueillis par Raphaël Porier

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