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Entretien avec Jérome Paillard directeur délégué du Marché du film

Hors-série n° 2 – Cannes 2021

Sommaire

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Marché du film

4 Entretien avec Jérome Paillard, directeur délégué du Marché du film 10 Le line-up des vendeurs français à Cannes 14 3 questions à France tv distribution

Financement

16 Henri de Roquemaurel (BNP Paribas) : “Les liens tissés avec nos clients pendant la crise ont pérennisé leur stabilité.”

18 Les engagements cinéma des chaînes gratuites

24 Manuel Alduy, directeur du cinéma et du développement international de FTV 28 The French-American Cultural Exception 38 French distributors MG’s

44 Plans de financement

46 “Benedetta” (SBS Productions) 48 “De son vivant”(Les Films du Kiosque) 50 “La Fracture” (CHAZ Productions) 52 “Petite Nature” (Avenue B Productions) 54 “Titane” (Kazak Productions) 56 “Tout s’est bien passé” (Mandarin Prod.)

Régions

58 Entretien avec Valérie Pécresse, présidente de la région Ile-de-France 60 Entretien avec Renaud Muselier, présidente de la Région Sud

62 Godefroy Vujicic, directeur général de Pictanovo, en Hauts-de-France

Coproduction

64 Entretien avec Guy Daleiden (Film Fund Luxembourg)

66 Lucia Recalde présente les principaux axes du programme Europe Créative MEDIA 68 Entretien avec Noël Magis (screen.brussels) 70 Le Canada, toujours présent à Cannes

Export

72 Entretien avec Daniela Elstner, directrice générale d’UniFrance

73 L’Europe occidentale, valeur refuge de l’exportation française 74 Les succès français au box-office international 76 Le détail des 239 films agréés en 2020

Retrouvez Écran total au Marché du film, stand n° 24.11

Cannes 2021

Le changement, c’est maintenant

Si le Covid a déstabilisé l’industrie, le Marché du film l’a bien compris, avec une édition adaptée à la situation. Mais d’autres changements, plus profonds et déjà en germe avant la pandémie, voient également le jour cette année.

H La pandémie n’a pas stoppé l’industrie du cinéma, mais elle a inévitablement provoqué de nombreux chamboulements et transformations. Un Festival de Cannes en juillet, au milieu de l’été, c’est déjà une première. Et après un Marché du film Online en 2020, celui de 2021 se réinvente encore, sous une forme hybride.

Avec un Palais des festivals réaménagé – moins de stands mais plus d’espaces équipés pour la visioconférence –, quelque 10000 participants pourront poursuivre leur activité, sur place ou à distance. Autre aménagement exceptionnel, les “Pre-Cannes Screenings” qui ont constitué, du 21 au 25 juin, un Marché avant l’heure permettant à 2500 acheteurs et programmateurs de festivals de sécuriser des deals le plus tôt possible. Les vendeurs internationaux profiteront cependant de la manifestation physique, du 6 au 15 juillet, pour présenter leurs œuvres phares, et particulièrement celles présentes dans les très fournies sections cannoises de cette année. Pour une fois, les Français formeront même le premier contingent, devant les Etats-Unis et le Royaume-Uni.

Mais l’ère du changement n’est pas dictée uniquement par le Covid-19. D’autres évolutions étaient en marché avant la pandémie, et le Marché du film prouve cette année encore qu’il sait épouser le “Zeitgeist”. L’esprit du temps trouve ainsi une icarnation dans le programme impACT, un dispositif qui va traverser tous les grands programmes de la manifestation pour aborder de front les questions de diversité, d’inclusion, de parité et d’environnement, tant dans le processus de fabrication des œuvres que dans leur contenu lui-même. Autre mesure symbolique : la garderie permettant aux professionnels, comme en 2019, de faire garder leurs enfants pendant le Festival.

Les institutions elles-mêmes se transforment, à l’image d’UniFrance, qui intègre désormais en son sein TV France international pour former cette grande “maison de l’export” que la ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, appelait de ses vœux depuis l’année dernière. Ainsi que le présente la directrice générale Daniela Elstner [lire page xx], la nouvelle entité veillera à préserver les savoir-faire liés au cinéma et à l’audiovisuel tout en développant leur synergie.

Dans ce numéro, nous reviendrons également sur le rôle prépondérant qu’ont joué les régions pendant la crise, avec les interventions de présidentes et présidents de trois territoires où le cinéma est massivement soutenu : l’Ilede-France, les Hauts-de-France et Paca.

Du soutien, le secteur en a trouvé aussi, et surtout, auprès des pouvoirs publics qui n’ont pas failli en déclenchant plusieurs vagues d’aides exceptionnelles, au gré de celles du Covid, à un niveau probablement unique dans le monde. Le CNC assure d’ailleurs une présence très soutenue au Festival, avec une vingtaine de rencontres, tables rondes et conférences. La journée du 8 juillet sera même entièrement consacrée à l’export et l’attractivité à l’international. Les thèmes de l’indépendance, de la liberté de création, de sa diversité et de son renouvellement seront également au cœur des débats.

C’est un nouveau départ que prend aujourd’hui l’industrie, au sein du plus grand festival de cinéma du monde. Une fois encore, Cannes doit montrer la voie.

Rodolphe Casso

DIRECTION

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Ont collaboré à ce numéro :

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HLe directeur exécutif du Marché du film – Festival de Cannes présente les grands axes d’une édition qui s’annonce très particulière. Après avoir organisé un Marché entièrement en ligne en 2020 pour cause de pandémie de Covid-19, la manifestation revient enfin au Palais des Festivals, mais selon une formule hybride. Le Marché est par ailleurs exceptionnellement précédé de “pre-screenings”, du 21 juin au 25 juin, lors desquels les échanges commerciaux vont démarrer.

Comment abordez-vous cette édition particulière, qui sera le premier grand marché mondial à reprendre ?

Notre contrainte est bien sûr l’échelle internationale de l’événement, et il y a des régions comme l’Amérique latine et, dans une certaine mesure, l’Asie, qui seront beaucoup moins présentes que d’habitude. Mais pour le reste du monde, nous sommes satisfaits des chiffres de fréquentation qui se profilent. L’amélioration des chiffres concernant l’évolution de la pandémie en France est de bon augure. Cette année, la France va passer en tête en termes de participants, ce qui est logique. Suivent les Etats-Unis et le Royaume-Uni.

Après un Marché online réussi en 2020, celui-ci proposera une formule hybride, à la fois sur place et en ligne. Est-ce un nouveau défi ?

Nous avons acquis de l’expérience, que ce soit pour le Marché du film ou pour Ventana Sur ; mais la formule hybride est encore une autre aventure. La combinaison du sur place et du digital n’est pas du tout simple. Cela pose des problèmes de fuseaux horaires, mais aussi de communication entre les gens qui sont à Cannes et ceux en visio. Il a fallu réinventer les processus. Nous utilisons toujours la technologie de Cinando pour développer notre plateforme du Marché, qui sera la Croisette de référence pour les participants à distance.

On peut imaginer que ce nouveau format perdure. Autant le tout-digital était temporaire, autant l’hybride va continuer. La pandémie a accéléré un phénomène qui était déjà en marche, pour des questions économiques et environnementales.

Allez-vous réduire l’espace habituellement dédié au Marché dans le Palais des Festivals ?

Il y aura moins de stands, mais nous utiliserons cet espace pour accueillir les nombreuses conférences. De nouvelles salles équipées spécialement pour les retransmissions hybrides seront disponibles, équipées de moyens de captation et de transmission sophistiqués pour accueillir panélistes et invités à distance.

Jérôme Paillard

« Ce sera une édition collector »

Quel est le ratio entre les participants en ligne et ceux en présentiel ?

Beaucoup de gens attendaient jusqu’ici de connaître les règles sanitaires et d’accès au territoire ; les accréditations s’accélèrent maintenant. Aujourd’hui [15 juin, Ndlr], nous sommes autour de 6 000 participants, dont la moitié sur place. Mais ces chiffres devraient encore évoluer dans les prochaines semaines. On anticipe même beaucoup d’accréditations sur place, et on devrait atteindre les 10 000 participants, comme l’an passé.

Des “pre-screenings” ont été organisés du 21 juin au 25 juin: un Marché avant le Marché ?

Il y aura environ 900 films présentés à 2 500 acheteurs et programmateurs de festivals. C’est à la fois une préparation au Marché et un Marché à lui tout seul. Les gens vont commencer à faire des rendez-vous et sûrement des deals. Les échanges commerciaux vont donc démarrer à partir du 21 juin.

Mais cette mesure reste exceptionnelle, liée au fait que le délai entre Berlin et Cannes était immense. Il fallait un événement entre les deux, surtout qu’au moment où nous avons décidé de faire ces pré-projections, il y avait encore beaucoup d’incertitude sur les possibilités de voyager. Les participants avaient besoin de sécuriser une partie de leur business le plus tôt possible.

Il y a aussi des présentations de projets qui se tournent durant l’été et il était problématique de ne pouvoir signer certains contrats qu’en juillet. Pour le coup, on retrouve notre ratio habituel de pays participants, avec en tête les Etats-Unis, qui représentent presque 20%, ou l’Asie, plus de 10%...

L’une des principales nouveautés de cette année est le programme impACT. En quoi consiste-t-il, concrètement ?

Ce dispositif transversal va toucher nos grands programmes, que ce soit Cannes Docs, Cannes XR, Producers Network… Cette thématique de l’impact, que ce soit dans les questions d’inclusion, de diversité ou d’environnement, va faire l’objet de nombreuses conférences, comme un fil rouge à travers les différentes activités du Marché. Toutes ces préoccupations sont de plus en plus présentes chez nos participants, dans leurs films, particulièrement dans le documentaire, mais aussi dans la fiction. Il s’agit de savoir comment tout cela se traduit dans l’environnement professionnel, que ce soit dans la recherche de sujets, ou sur la façon de produire, de tourner, etc. Ce dispositif est appelé à perdurer dans le Marché.

Comme en 2019, Cannes XR revient en tant qu’événement labellisé, hors du programme Next. Comment évolue le marché de la VR depuis la pandémie ?

Nous avions continué “Cannes XR online” en 2020 et, cette année, nous allons le proposer de manière hybride mais avec un accent plus prononcé pour le “online”, à travers une association avec les festivals de Tribeca et NewImages du Forum des Images. Une présentation en ligne de contenus VR a déjà au lieu début juin, et nous allons continuer pendant le Marché avec une plateforme VR qui propose des contenus immersifs et interactifs, sans oublier la présentation de projets au Palais.

Bien sûr, la période que l’on vient de traverser n’a pas facilité les échanges commerciaux, sachant que ce n’était pas une priorité économique pour beaucoup d’acteurs. On sort donc de quasiment deux années blanches. Et d’un point de vue technique, ce n’est pas très simple à mettre en œuvre. Il n’y a donc pas encore eu de vulgarisation de la VR, mais c’est toujours un domaine qui intéresse ou intrigue beaucoup de créateurs. années, autour de deux thématiques principales : le Big Data et l’intelligence artificielle, d’un côté, et la production virtuelle, de l’autre – décors, personnages virtuels, et les questions d’éthique que cela soulève. Et il y aura comme toujours de nombreuses présentations de start-up.

Qu’en est-il du programme Next ?

Next va se dérouler comme les autres

Du côté du cinéma de genre, la plateforme Frontieres avait été dissociée de Goes to Cannes en 2019, et le dispositif Fantastic 7 avait été créé. En sera-t-il de même cette année ?

Pour Frontières, on continue notre collaboration avec le festival canadien Fantasia, et, pour Fantastic 7, avec Sitges. Et on ne désespère pas de retrouver un peu de financement européen pour Frontières [la Commission européenne avait retiré ses soutiens en 2019].

Il y a des gros marchés pour le film de genre: les Etats-Unis, le Canada, l’Amérique latine, la Turquie, certains pays européens. La demande mondiale existe, elle est solide, d’où l’intérêt de nombreux producteurs.

Quels sont les nouveaux festivals qui intègrent Goes to Cannes cette année ?

Il s’agit du Festival international du film de Santiago (Sanfic) ainsi que Tallinn Black Nights, en Estonie. Là aussi, le programme fonctionnera sous forme hybride, avec des présentations dans les salles du Marché.

Poursuivez-vous Animation Day ?

Nous continuons bien le programme, même si cette année, exceptionnellement, nous ne fonctionnons pas avec le Festival international du film d’animation d’Annecy car les dates étaient trop proches. Nous avons cependant plusieurs partenaires, comme Ventana Sur, qui a une grosse activité dans l’animation, notamment en Argentine, où l’on trouve beaucoup de studios et de sociétés de production. Nous aurons d’ailleurs des présentations de pays très différents, comme le Chili et la Russie.

En termes de présence dans la globalité des line-up, l’animation représente moins de 10 % des titres, mais ça reste très éclectique, avec de l’animation enfant et pas mal d’animation adulte.

Objet de nombreuses conférences, l’inclusion, la diversité ou l’environment feront comme un fil rouge à travers les différentes activités du Marché

Le documentaire est-il toujours aussi présent au Marché ?

Cannes Docs figure toujours en bonne place, avec un peu plus de 10 % de documentaires dans les line-up. C’est un marché qui est peut-être un peu moins fort sur la salle, mais il s’est beaucoup développé sur les plateformes.

Comme en 2019, la garderie Ballon rouge accueillera les enfants des professionnels pendant le Festival. C’était important de leur proposer ce service ?

Oui, d’autant plus que nous nous trouverons dans une période de vacances scolaires, ce qui complique la donne pour certaines familles. Nous avons donc étendu cette année l’âge des enfants accueillis, en prévoyant un groupe de 6 mois à 6 ans, et un autre de 6 ans à 12 ans – auquel nous proposerons des activités en lien avec le cinéma, naturellement. La garderie s’installe dans une école de la ville, dans le quartier du Suquet. Nous sommes très heureux de pouvoir continuer à mener cette opération.

La tenue du festival en juillet change-t-elle la donne en termes d’organisation ?

De toute façon, tout sera différent cette année. Ce sera une édition un peu “collector” – les gens qui vont venir s’en souviendront –, une édition très joyeuse, car les participants vont enfin retrouver le plaisir d’être ensemble, d’aller au cinéma, de dîner. Un festival où il n’y a pas trop de monde, ce devrait être aussi très agréable.

Propos recueillis par Rodolphe Casso

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