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Interview : les bijoux-imprimés de Victoire de Castellane chez Dior

Texte Elisabeth Clauss

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LES IMPRIMÉS PRÉCIEUX DE LA JOAILLERIE COUTURE

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1 La collection de haute joaillerie "Dior Print" dévoilée en juin dernier au Grand Hotel Timeo, à Taormine, en Sicile. 2&3 Essayage des créations précieuses de Victoire de Castellane sur des silhouettes couture. 4 Collier et boucles d’oreilles de la collection "Dior Print" or blanc et jaune, diamants, émeraudes, saphirs, grenats tsavorites et spessartite, tourmalines type Paraíba. 5 Bracelet "Fronce Émeraude" or jaune, diamants, émeraudes et saphirs et bague "Dior Print" or blanc et jaune, diamants, émeraudes, saphirs, tourmalines type Paraíba, grenats tsavorites et violets, spinelles rouges.

PORTRAIT : JULIEN MARTINEZ LECRERC, BACKSTAGE : ANTONIO DICORATAO, FITTINGS : SOPHIE CARRE, DIOR PRINT SHOW : ANDREA CENETIEMPO

Depuis vingt-cinq ans, Victoire de Castellane, directrice artistique de la Joaillerie Dior, crée des collections en explosions de couleurs, défis techniques d’équilibre et d’ergonomie. Cet hiver, les pierres composent des imprimés Liberty, des carreaux, des rayures et des effets tie & die, motifs luxueux d’émerveillement serti, fleuri.

ette nouvelle collection, intitulée Print, déroule le ruban brodé de joyaux de 137 pièces virtuoses et virevoltante pour 35 parures « imprimées », pendant joaillier de la haute couture. Des ornements de corps d’une souplesse extrême, pour un confort en or. Créer des imprimés de pierres précieuses nécessite une parfaite maîtrise des techniques de fabrication, pour harmoniser lisibilité des motifs et mouvements des pièces. À titre de tartan brillant, en entrelacs de saphirs et diamants bleu marine. Sur d’autres pièces aux inspirations oniriques, les rayures fines s’unissent à des fleurs aux pétales striés en rappel de saphirs roses, violets et bleus, de diamants blancs, d’améthystes parme. « Quand les rubans ondulent, il faut que l’imprimé suive », décode Victoire de Castellane. Pour que chaque maillon enchaîne les mouvements avec fluidité, les joailliers de la maison ont emprunté des savoir-faire issus de l’univers de l’horlogerie, pour un rendu subtil et spectaculaire. Quant au bouquet de couleurs qui semble aléatoire, postulat de joie qui célèbre le plaisir de mélanger un radieux désordre organisé, il raconte toutes les facettes d’une interprétation personnelle de liberté. Pour le lancement de ses Prints, Victoire de Castellane nous éclaire sur toutes les façettes brillantes d’une galerie d’art. Une démarche de création qui s’articule entre diamants et boule de cristal. Vous concertez-vous avec Maria Grazia Chiuri*pour la création de la collection Joaillerie ? En réalité, nous avons chacune nos attributions. Avec Maria Grazia, nous ne discutons qu’au moment de la préparation du défilé de haute joaillerie. C’est à cette occasion que nous partageons nos inspirations, et qu’elle décide quelles robes elle concevra pour présenter les pièces de joaillerie. C’est le seul moment où les bijoux de la maison rencontrent la mode.

CQuelles ont été, pour cette collection en particulier, vos sources d’inspiration ? J’explore toujours les identités Dior parmi lesquelles compte la Couture, et l’évocation des jardins chéris de son fondateur. Pour cette nouvelle saison, j’avais envie de travailler le thème de l’imprimé dans la joaillerie, une véritable innovation. Je me suis amusée à imaginer des rubans qu’on aurait coloriés avec des pierres précieuses. En matière de mode par exemple, j’oscille entre les couleurs que j’affectionne et le noir, réflexion qui a influencé la composition de ces motifs. Quelles ont été les innovations techniques nécessaires ? Depuis le début de ma collaboration avec la maison, mon travail nécessite des recherches assez particulières et les ateliers s’adaptent, recréent des techniques qu’ils avaient parfois perdues. Certains dessins sont inspirés par des bijoux anciens, qui étaient issus de savoir-faire remarquables, rendus possibles par l’expertise de la main de l’homme. Certaines techniques ont été abandonnées, donc le challenge est de préserver et de valoriser cet artisanat exceptionnel, et d’inventer de nouvelles techniques. Le domaine de la joaillerie est assez complexe, chaque nouvelle initiative requiert de nombreux essais. Il y a toujours dans les collections de joaillerie des mises au point avec l’emmaillement pour que les bijoux bougent, qu’ils soient souples, pour qu’ils traduisent bien le mouvement qui a été voulu au départ, et le processus de conception peut nécessiter une année de développement et d’ajustements.

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1 Collier Dior Rose or blanc, diamants et diamants jaunes dans le dos. Boucles d’oreilles "Dior Print" or blanc et jaune, diamants, diamants jaunes, rubis et émeraudes. 2 Essayage d'un collier "Dior Print" or blanc, diamants et saphirs et du collier "Gem Dior" or blanc, diamants et saphirs.

Qui arrive en premier, la pierre ou le dessin ? Le thème est réfléchi en amont, puis l’histoire tourne autour de la pierre. Je ne voyage pas personnellement pour les sourcer, j’ai toute une équipe qui sélectionne des pierres pour trouver la meilleure qualité possible. De mon côté, je me concentre plutôt sur le choix des couleurs.

Quelles sont l’origine et la nature des pierres utilisées ? (Rires) Elles viennent d’un peu partout.

Quels sont les défis les plus mémorables que vous avez lancés aux ateliers de la maison ? Il y a eu le défi de laquer de l’or. Pratiquement, c’était très difficile à réaliser en contournant les pierres. Le principal exercice d’équilibrisme pour les ateliers reste toujours de réaliser des bijoux d’un poids raisonnable, qui assure le maximum de confort, et que les finitions intérieures soient aussi parfaites que le travail extérieur. Les pièces sont essayées tout au long du processus de développement, tous les détails comptent pour arriver à un résultat idéal. Il faut aussi que le bijou soit aussi beau posé que porté.

Êtes-vous attachée à la notion de grigri ? Je suis plutôt versatile, je ne peux pas dire que je possède une pièce fétiche. J’aime collectionner, mais il n’y a aucun bijou dont je ne pourrais me séparer. Je ne suis pas superstitieuse. J’adore l’idée

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« LE PROCESSUS DE CONCEPTION PEUT NÉCESSITER UNE ANNÉE DE DÉVELOPPEMENT ET D'AJUSTEMENTS »

du talisman, je suis passionnée par toutes ces histoires autour d’objets symboles, mais personnellement, je suis beaucoup plus directe. Si j’ai envie de mettre, je mets. Quand le moment est passé, je pose dans un coin. C’est aussi simple que ça.

La mode s’empare de plus en plus de la fluidité des genres. Pensez-vous à créer à des pièces de joaillerie mixtes ? Il faut rappeler que les bijoux ont d’abord été portés par des hommes, puis les femmes se les sont appropriés. Pour moi, l’important n’est pas de savoir qui les porte. Ce qui compte, c’est de rendre tout le monde heureux avec des pièces qui ont de l’éclat, qui font du bruit, qui composent une parure. Plus de gens qui portent des bijoux, plus je suis contente.

Est-ce que l’on vous demande de créer des pièces en particulier ? J’ai page blanche pour la création, mais comme tout le monde, je travaille aussi souvent avec le marketing. Comme je propose toujours beaucoup de modèles, ils trouvent toujours dans mon panier ce dont ils ont besoin (rires).

Sur quelle collection travaillez-vous actuellement ? Nous sommes sur 2025. Et quand on crée trois ans en avance, on a intérêt à bien anticiper les mouvements du monde.

*Directrice artistique des collections femmes de la maison Dior.

PORTRAIT : JULIEN MARTINEZ LECRERC, BACKSTAGE : ANTONIO DICORATAO, FITTINGS : SOPHIE CARRE, DIOR PRINT SHOW : ANDREA CENETIEMPO « JE ME SUIS AMUSÉE À IMAGINER DES RUBANS QU'ON AURAIT COLORIÉS AVEC DES PIERRES PRÉCIEUSES »

À gauche: collier "Galons Dior" or blanc et diamants, juxtaposé à un collier "Dior Rose" or blanc et rose, diamants, grenats violets et saphir rose. Au centre : collier et boucles d’oreilles "Dior Rose" or jaune, diamants, émeraudes, grenats tsavorites et laque verte.

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