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RENCONTRE Charlotte Gainsbourg Abécédaire d’une délicieuse inquiète

À la reconquête de son bien-être !

Fatiguée par les longs mois d’hiver et de confinement? Lassée de toutes les contraintes qui pèsent sur nos vies? Voici dix conseils nutrition, beauté et psycho pour regagner en énergie et alléger son quotidien. Bref, pour se faire (enfin) du bien au corps et au mental.

Par Nolwenn du Laz, Catherine Durand et Elvira Masson Collages Anna Muller

1

“On s’offre une cure de printemps de compléments alimentaires”

MARIELLE ALIX, COACH BIEN-ÊTRE HOLISTIQUE

« Pendant un mois, on mise sur eux pour retrouver son peps. Au quotidien, Omnimag d’UNAE (unae.fr), un magnésium de quatrième génération pour l’énergie. Et dans son smoothie, une cuillérée à soupe de poudre de son de riz de Jasmin Tocos de Sun Potion (bazar-bio.fr), remplie de vitamines A, B, C et E, pour limiter l’oxydation et l’in ammation et booster l’éclat de la peau. On dope aussi ses jus, en alternance, avec la Chlorella Bio de Kiki Health (moncornerb. com), une algue qui aide à éliminer les toxines, même les métaux lourds. Elle stimule le renouvellement cellulaire, avec un e et détox sur l’acné ou le “mascné”. »

2

“On fait de la banane son encas fétiche”

HÉLÈNE TCHERIATCHOUKINE, MÉDECIN NUTRITIONNISTE

et en sérotonine, il est antistress et antidépresseur. Il est aussi riche en fer, potassium et bres. On peut en manger jusqu’à quatre par jour, à condition de le consommer un peu vert – moins sucré – et plutôt avant 18 h. Et prendre deux bananes, après un œuf dur, constitue un déjeuner express bien plus sain qu’un sandwich. »

3

“On se lave à l’eau froide du visage aux pieds”

ANNE BIANCHI, ENSEIGNANTE DE YOGA KUNDALINI, SEXOTHÉRAPEUTE « Le matin, après avoir brossé votre corps doucement du bas vers le haut, puis l’avoir massé avec de l’huile d’amande douce ou de sésame, lavez-vous à l’eau froide du visage aux pieds, en évitant le sommet du crâne où réside le septième chakra et en vous savonnant peu. Ce rituel réveille la circulation sanguine et lymphatique et donne de l’énergie. Le soir, passez vos pieds une minute sous l’eau presque glacée avant de sauter dans votre lit pour les masser avec une crème bien riche. Deux gouttes d’huiles essentielles appliquées en tournant au niveau du sternum et vous dormirez comme un bébé. »

4

“On opte pour les fruits et légumes fermentés”

RACHEL TAYLOR, FONDATRICE D'ATELIER CULTURES*

« Voici deux recettes express, à la fois vertueuses et anti-gaspi.

BROCOLIS À LA POLONAISE : détaillez les tiges de brocolis (ou les eurettes) en bâtonnets, mettez en saumure à 3 % de sel – 30 g de sel pour 1 l d’eau – avec des brins d'aneth, une gousse d’ail et quelques baies de genièvre. Laissez fermenter à température ambiante. Une semaine après, c'est prêt. EAU DE FRUITS : lavez des pelures de pommes, poires, ananas ou mangue dans un mélange de vinaigre blanc et bicarbonate de soude. Puis mettez-les dans une bouteille en verre à bouchon mécanique (type limonade), avec trois cuillérées à soupe de sucre, blanc ou roux, les épices de votre choix – curcuma par exemple, allié antiinflammatoire –, puis remplissez d’eau. Laissez infuser à température ambiante quinze jours. Les sucres sont digérés par les bactéries, ne restent que les vertus des fruits fermentés. Attention au dégazage à l’ouverture de la bouteille ! Se garde au frais une fois ouverte. »

(*) ateliercultures.com

“Pour déconnecter et débrider sa créativité, il faut se connecter à ses sens en pleine conscience, en s’isolant un quart d’heure par jour sans exception.”

5

“On maîtrise son gua sha”

MÉLANIE HUYNH, FONDATRICE D’HOLIDERMIE*

« POUR UN VISAGE REPOSÉ : pompez avec la pulpe des doigts sur les nœuds lymphatiques au niveau des clavicules, sous le menton, le long des os de la mâchoire puis devant et derrière les oreilles avant de drainer, en lissant avec le plat du gua sha, du centre du visage vers l’extérieur et du bas du cou vers le haut.

POUR UN CORPS TONIQUE : avec les petites dents d’un gua sha corps, grattez les malléoles, puis, avec les grandes, drainez des chevilles au genou en passant par le mollet. Avec les petites, lissez du genou aux cuisses, devant et derrière. Grattez sur la culotte de cheval. Finissez par le ventre, du nombril vers l’extérieur. »

(*) holidermie.com

6

On sirote des tisanes au chanvre

La culture de chanvre bio breton est au cœur du travail de Ho Karan (« Je vous aime » en breton), marque de soins spécialiste des vertus du cannabis sativum. Elle s’est associée avec le sommelier du thé Kodama pour créer cette merveille d’infusion : notes de caramel, fleur de souci et feuilles d’oolong, touche de riz sou é, et ce chanvre, à 6 % de CBD, promesse de soirées la tête dans les nuages.

OKLM de Ho Karan, 22 € les 35 g, sur hokaran.com

7

“On s’autorise 15 min de pause sensorielle”

PAR VANESSA CAHIERRE ET NADÈGE FOUGERAS*

« Pour déconnecter et débrider sa créativité, il faut se connecter à ses sens, en pleine conscience. 15 min par jour sans exception, on s’isole et on met son portable sur mode avion pour s’accorder une pause en y associant du plaisir : allumer une bougie, lire ou préparer un petit plat. Le mieux est d’associer plusieurs sens à la fois : un bain en musique avec une bougie allumée. »

8

“On tient un carnet de gratitude”

DEBORAH NARDER FENWICK, COACH DE LEADERSHIP ET DE PRISE DE PAROLE EN PUBLIC

« Sur un cahier ou dans les notes de son portable, noter trois choses concrètes le matin, les plus simples possible, dont on est reconnaissant (odeur du café, beau temps, couleur vitaminée d’un T-shirt) et trois choses accomplies le soir (conversation constructive, dossier bouclé, livre lu). Autant de points positifs qui apprennent à voir le verre plein. »

9

On réfléchit sur soi

EN APPRENANT À SE CONCENTRER SUR L’ES-

SENTIEL Vivre mieux avec moins, en meilleure santé, sans superflu ni relations toxiques, en se concentrant sur ce qui est essentiel pour soi, c’est le credo des coachs américains Joshua Fields Millburn et Ryan Nicodemus – leur site theminimalists.com compte plus de vingt millions de lecteurs, héros de documentaires sur Net ix (Minimalism : a documentary about the important things et Less is now). Saurat-on tenir ces bonnes résolutions dans le monde de l’après-Covid ? On peut déjà commencer par lire leur mode d’emploi : Minimalisme, qu’est-ce qui vous rend vraiment heureux ?*

(*) Éd. J’ai lu, collection Bien-Être.

EN ACCEPTANT NOS FRAGILITÉS « Le bonheur et le malheur dansent ensemble comme un couple d’opposés », écrit Boris Cyrulnik en préface de ce traité de sagesse du psychiatre flamand Dirk De Wachter, L’art d’être malheureux*. Le succès est une illusion, le bonheur compulsif exhibé sur les réseaux sociaux également. Nos fragilités et notre vulnérabilité ont au contraire du sens dans notre société vouée au progrès scientifique et à la technologie qui nous privent de l’essentiel : l’a ection et le rêve. C’est dans nos malheurs que se situent nos talents, nous rappelle cet essai salutaire.

10

“On fait le plein de fruits et de légumes”

STEPHAN JAULIN, NATUROPATHE

« Le légume est le balai de l’intestin qui chasse les déchets. Mon conseil est de boire, à vie, un litre de jus au quotidien, à raison d’un grand verre avant le déjeuner et le dîner. À faire soi-même à l’extracteur idéalement, ou à acheter en bouteille dans un magasin bio : jus de betterave, de carotte, de choucroute, de céleri… Les deux premières semaines pourront être un peu pénibles (ballonnements), mais on obtient ensuite plus de bienfaits que tous les compléments alimentaires réunis. Comme les fruits sont aussi sources d’énergie, on remplace un repas par jour (le petit-déjeuner, par exemple) par une purée mixée au blender, composée de trois bananes ou trois poires ou trois pommes, arrosée d’un jus de citron et agrémentée de trois pruneaux pour le transit ou de dattes ou de raisins secs pour l’énergie. Un vrai plein pour la voiture de course que vous êtes. »

Dépression périnatale :

Bouffées d’angoisses, sentiment que leur bébé va leur “prendre” leur vie, pensées obsédantes, idées noires : 10 à 20 % des femmes qui accouchent sont sujettes à la dépression du post-partum. Des chiffres énormes pour une maladie encore mal dépistée, diagnostiquée et prise en charge. Et une réalité qui vient sérieusement écorner le mythe de la maternité heureuse, comme nous le racontent celles qui ont vécu ce “tsunami”.

Par Laure Marchand

les mères à vif

DE LA SÉRIE HIDDEN MOTHERHOOD, 2019. COURTESY DE L’ARTISTE. DE LA SÉRIE HIDDEN MOTHERHOOD, 2019. COURTESY DE L’ARTISTE. VERONIKA, VERONIKA, ALENA ZHANDAROVA, ALENA ZHANDAROVA, CRÉDITS 93

Tu verras, c’est que du bonheur. » Pendant neuf mois, Aurélie y a cru, à cet avenir radieux que les uns et les autres lui promettaient à la vue de son ventre arrondi : « Ma grossesse s’est très, très bien passée, l’accouchement aussi, le papa était très impliqué… J’étais dans le monde des Bisounours. » Une réalité brutale l’a rattrapée en quarante-huit heures. Sa lle, Agathe, est née le 23 juin dernier. Deux jours plus tard, cette mère de 35 ans sombrait dans une angoisse qu’elle n’aurait jamais soupçonnée auparavant. Une journée lui paraissait un mois. Ce bébé si attendu lui « prenait » sa vie d’avant. Les pleurs ininterrompus étaient insupportables. « J’ai même fait une recherche sur Internet : “Comment faire adopter un enfant ?” » Telle une ritournelle obsédante, « Tu verras, c’est que du bonheur », revenait cogner dans sa tête dans les moments les plus sombres. « Est-ce que les gens réalisent la portée de ce qu’ils disent ? J’aurais voulu qu’on me prévienne du tsunami que l’on pouvait se prendre. » Comme au moins 10 à 20 % des femmes qui accouchent, Aurélie a fait une dépression périnatale. Ce pourcentage montre que l’expérience est tout sauf marginale. Mais le mal-être lié à la naissance d’un enfant sou re toujours d’un manque de reconnaissance. Il est encore mal identi é et donc mal soigné… Tel est le diagnostic du rapport Les 1 000 premiers jours qui fait de la prise en charge de la dépression du post-partum « un enjeu de santé publique majeur ». Plus de la moitié ne serait pas diagnostiquée et « environ 30 % des mères mériteraient une attention particulière en raison d’une fragilisation plus ou moins grande », selon cette étude pilotée par le neuropsychiatre Boris Cyrulnik. Tout en estimant qu’il reste beaucoup à faire, Isabelle Derrendinger, directrice d’une école de sagesfemmes, constate malgré tout une nette évolution en trente ans d’exercice : « Au niveau professionnel, des sages-femmes et de la gynécologie obstétricale, il y a eu une prise de conscience collective. La dépression du postpartum est désormais enseignée lors des études, et des questions sont posées à la mère qui ne l’étaient pas avant. Ces avancées sont liées aux luttes féministes sur les violences obstétricales. » Depuis plusieurs mois, l’accouchement connaît d’ailleurs une « déglamourisation » express sur les réseaux sociaux. Sous le hashtag #MonPostPartum, de jeunes mères montrent leur teint blafard causé par des nuits sans sommeil, exposent leur corps malmené, posent avec des couches, parlent hémorroïdes… À des annéeslumière des clichés de Kate Middleton prise en photo sur le perron de la maternité à la naissance de chacun de ses enfants – perchée sur des talons, un nouveau-né emmailloté dans les bras, elle semblait aussi fraîche que la rosée matinale.

“Je le regardais sur la table à langer, il dépendait de moi, ce que je ressentais était abyssal. La panique, j’étais seule.”

Sophie, avocate

L’IMPRESSION DE BASCULER DANS UN “MONDE PARALLÈLE”

Et pourtant… Nombre de mères racontent être tombées des nues en découvrant le cataclysme psychique qui a accompagné la venue au monde de leur enfant. « Lors de la préparation à l’accouchement, on m’a appris à donner un bain au bébé, jamais, on ne m’a parlé de la possibilité d’une dépression, explique Élodie. Une séance a été consacrée au baby-blues mais il a été évoqué sur un mode anecdotique : “Ça peut arriver, ne vous inquiétez pas, c’est la chute d’hormones.” » Après la naissance de son ls, « petit à petit », elle a « glissé dans un truc terrible ». Au bout de quatre mois, elle avait « basculé dans un monde parallèle » : elle trouvait normal de discuter avec un moucheron en le suivant dans la maison. Et le soir de Noël, après avoir déclaré à sa mère « Je veux mourir, prends mon enfant, je te le laisse, j’en veux pas », elle t une tentative de suicide. Pourtant avant, pendant et après l’accouchement, les signaux de la dépression étaient là. « À aucun moment, quelqu’un s’est dit : “Tiens, peut-être que la maman va mal.” » Toute l’attention des professionnels était dirigée sur le bébé. En s’ouvrant de sa dépression à ses amies, Aurélie, la mère de la petite Agathe, a découvert que certaines étaient également passées par cette épreuve : « L’une m’a dit : “Je n’allais quand même pas t’en parler alors que tu étais enceinte.” » Ces non-dits font penser à ceux qui entouraient autrefois les jeunes filles ignorantes de ce qui les attendaient lors de la nuit de noces. L’entourage des futures mères se tait aussi, comme s’il était le gardien du mythe de la maternité heureuse. Le silence autour de cette réalité aggrave les di cultés quand elles adviennent. Déborah Guy, chercheuse en sociologie, a mené de nombreux entretiens avec des femmes souffrant

Où en parler, que lire ?

WM’S - WONDER

MUMS Un groupe Facebook où les mères se soutiennent et expriment sans tabou leurs difficultés (et leurs joies).

CECI EST NOTRE POST-PARTUM

Un livre dans lequel Illana Weizman, s’appuyant sur de nombreux témoignages, explore le versant sociologique de cette maladie invisibilisée.

Éd. Marabout. CHÈRE SCARLET. L’HISTOIRE DE MA DÉPRESSION POST-PARTUM

Une B.D. de Teresa Wong, qui apaise et raconte tout en délicatesse l’histoire de sa lutte contre la dépression du post-partum.

Éd. Dunod.

d’une dépression du post-partum : « Il en ressort que le rôle social attribué à la mère a un e et très performatif sur ce que ces femmes doivent être, savoir faire… C’est très puissant dans la régulation des comportements. » Résultat : elles « font façade », se comportent comme si tout allait bien car elles se sentent coupables. Confier ses difficultés, c’est risquer un rappel à la norme. Le jugement de « la mauvaise mère ». Et c’est ainsi qu’un tabou se perpétue. Comment devenir mère ? La génération précédente était moins isolée que la nôtre. La mère pouvait compter sur des grands-parents, une tante, les voisins… La famille de Sophie habite en Auvergne. À la maternité déjà, la perspective de la sortie angoissait beaucoup cette avocate mais son mal-être est passé inaperçu. À dix jours, son bébé a frôlé la mort subite du nourrisson. De retour à la maison, « je le regardais sur la table à langer, il dépendait de moi, ce que je ressentais était abyssal. La panique, j’étais seule ». Son compagnon « était tout aussi angoissé par la fragilité du bébé, il fuyait le domicile familial ». L’absence du père, qui ne prend généralement que quelques jours à la naissance avant de retourner au travail, est connue pour être un facteur de risque supplémentaire ou aggravant dans la survenue de la dépression car toute la responsabilité repose sur la mère. En Belgique, le congé de paternité passe à quinze jours à partir de cette année et à vingt jours en 2023. Cet allongement était très attendu, même s’il ne comble pas l’écart avec les pays européens les plus avancés. Comme en Suède où les deux parents ont tous les deux droit à 480 jours de congés cummulés, dont 60 jours sont réservés à la mère et 60 au co-parent. « Cent mille femmes sont en grande détresse lors de l’année qui suit la naissance de leur enfant, selon Le rapport des 1 000 jours, et seulement la moitié d’entre elles trouve à qui s’adresser. » Combien de liens bancals entre la mère et l’enfant qui pourraient être évités si ces souffrances ne passaient pas sous le radar ? D’issues tragiques ?

DES CHANGEMENTS PSYCHIQUES COMPLEXES

Avec le recul, Claudia est persuadée que « la parole l’a sauvée ». Faisant fi des commentaires de sa tante – « Tais-toi donc, c’est pas bien ce que tu racontes, on va t’enlever tes gosses » –, cette mère de 35 ans a frappé à toutes les portes pour demander de l’aide. « Sans doute, un réflexe professionnel car je suis assistante sociale. » Ses premières phobies d’impulsion ont surgi le jour de la rentrée des classes de son aînée. Son mari était parti l’accompagner à l’école. Claudia et sa lle de 2 mois étaient seules à la maison. Et si elle se jetait par la fenêtre avec Meredith dans les bras ? Ou alors n’attendrait-elle pas le retour de son époux pour se trancher la gorge avec un couteau dans la cuisine ? Des pensées obsédantes et violentes de ce type l’ont assaillie longtemps. « Dès le début, mon psychiatre m’a rassurée : je ne passerais pas à l’acte car j’avais parlé. » Lorsqu’elle était au plus bas, son beau-père l’emmenait se promener en forêt. « Les premières fois, je voyais des cordes pendues aux branches. Il me disait : “Ne t’inquiète pas, ça va passer.” » Mois après mois, grâce à une famille aimante et une prise en charge thérapeutique adaptée, ses phobies se sont espacées. Claudia a appris à moins paniquer en les laissant se manifester. « Elles finissent toujours par partir » et ses filles vont « super bien ». Passagère ou profonde, la dépression questionne en fait la maternité. « Il faudrait soulever le couvercle pour reconnaître simplement que devenir mère engendre des changements psychiques extrêmement complexes, résume Francesca Arena*, historienne de la santé et des questions de genre à l’Université de Genève. Chez la mère... comme chez le père. « Prenons garde à ne pas enfermer la parentalité autour de la femme et regardons ce qu’il se passe du côté des hommes. Il serait bien qu’ils puissent également libérer la parole sur ce sujet », ajoute la chercheuse. La science s’intéresse à eux depuis quelques années. Et c’est ainsi que l’on découvre que l’arrivée d’un enfant provoque des dépressions chez les pères aussi.

« JE NE SUIS PAS AMBITIEUSE »

L’accélération de la numérisation, des taux d’intérêt historiquement bas, la mise en place d’une organisation à l’épreuve du futur, la communication sur la durabilité et les relations avec les travailleurs sont autant de thématiques auxquelles Heidi Delobelle, la nouvelle CEO d’AG, est confrontée. Mais grâce à sa curiosité, son authenticité et son énergie, elle semble capable de prendre tout ça à bras-le-corps.

Pendant vingt-trois ans, Heidi Delobelle (50 ans) a gravi les échelons de la compagnie leader sur le marché de l’assurance-vie, jusqu’à devenir CEO en octobre 2020. « Je ne m’y attendais pas, ce n’était pas mon ambition, et parfois je dois encore m’y faire. Je connais très bien l’entreprise bien sûr. J’ai régulièrement changé de fonction, ce qui m’a obligée à sortir maintes fois de ma zone de confort. Je pense donc que grâce à ces expériences, je suis bien armée pour relever ce nouveau dé . »

Avez-vous recherché ce changement vous-même ?

Je ne tiens pas longtemps en place. Après quelques années, j’ai dit à mon chef : « J’ai l’impression d’avoir fait le tour, tu n’aurais pas quelque chose pour moi ? » Je n’avais pas en tête une promotion verticale, mais bien le contenu du job en lui-même. En l’espace de trois à six mois, j’occupais un nouveau poste et ma hiérarchie a toujours été très attentive à mes besoins. Parfois, c’était même mon mentor qui me disait qu’il était temps de changer : « Jette un œil à l’organigramme de l’entreprise et dis-moi où tu te verrais bien travailler, ne te limite pas à ta propre expertise. » Pour moi, c’était un peu tiré par les cheveux, mais grâce à cette ouverture d’esprit, j’ai fini par me dire : « Oh oui, pourquoi pas ? » J’ai ainsi franchi plus d’étapes que ce que j’aurais pu imaginer. Mon mentor avait parfaitement cerné ma personnalité et il croyait en moi, je le sentais. Il a même dit une fois : « Je sais que tu as un potentiel énorme, c’est pourquoi j’ai moi-même demandé à être ton mentor. »

Cela a dû booster votre confiance en vous ?

Oui, tout à fait ! À chaque fois qu’on me disait quelque chose comme ça, j’avais du mal à le croire. Je ne suis pas ambitieuse, c’est plutôt l’envie de faire de nouvelles choses qui m’anime. J’ai eu plusieurs mentorats, dont j’ai pu tirer à chaque fois les béné ces. Ceux-ci sont organisés de manière structurelle au sein de l’entreprise. Les mentors sont issus du comité de direction et du niveau hiérarchique inférieur. Aujourd’hui, j’accompagne à mon tour plusieurs employés. « Ne pensez pas que vous devez cocher toutes les cases, car vous avez déjà accumulé beaucoup d’expériences inconsciemment. Ainsi, même dans un domaine qui vous est totalement inconnu, vous possédez déjà des acquis sur lesquels vous pouvez compter. »

N’avez-vous jamais eu l’impression d’avoir dû davantage faire vos preuves en tant que femme dans le secteur des assurances ?

Non, pas vraiment, mais c’est peut-être lié à ma façon d’agir et aux gens qui m’entourent. Chez AG, la culture était bien plus hiérarchique à mes débuts : le chef déterminait ce que nous devions faire et il tapait du poing sur la table, que ça nous plaise ou non. Il est ressorti de mes premières évaluations que j’étais un cadre trop proche du personnel. Mon empathie semblait donc représenter un désavantage. Et pourtant, j’ai toujours atteint les objectifs xés. Je n’ai jamais supporté les intrigues politiques. Et une fois qu’une telle remarque gure dans votre évaluation, ça revient sans cesse. Alors j’ai posé la question à mon mentor : « Qu’est-ce que je fais de ça ? Si je dois changer sur ce point, je ne serai plus moi-même. » Ce à quoi il a répondu : « Mais Heidi, tout ça, c’est de la foutaise. Ce sont précisément tes points forts, tu dois t’appuyer dessus. »

En tant que femme, accordez-vous plus d’attention au bien-être physique et mental de vos 4000 employés ?

Il faut que les hommes y veillent aussi, sinon ça ne fonctionne pas. Ce que je fais probablement plus, c’est me rendre sur le terrain. Deux fois par semaine, j’ai une discussion informelle avec deux personnes que je ne connais pas et qui appartiennent à des départements différents, ça me permet de me tenir au courant de ce qui se passe. Ensuite, deux fois par mois, il y a « un café avec Heidi », au cours duquel je m’entretiens avec dix membres du personnel. Là, je remarque que beaucoup se posent encore des questions à propos de la manière dont on va sortir de cette crise liée au Covid par exemple. Lors des formations numériques, je fais un petit discours... Il existe plusieurs moyens de maintenir le lien avec l’entreprise et les collègues tout en travaillant à domicile. J’essaie d’être très présente à distance et je remarque que c’est très apprécié. Ma communication est authentique et humaine, et ça semble plaire également. Ça représente deux fois un quart d’heure dans mon agenda, mais c’est tellement important pour ces personnes et pour moi. Ce n’est jamais qu’une demi-heure de travail en plus le soir.

Vous succédez à un homme. Détenez-vous la marge de manœuvre suffisante pour mettre l’accent sur d’autres aspects ?

Je suis en e et complètement di érente de mon prédécesseur. Pour la majorité des membres du comité de direction, mon style n’est peut-être pas assez dur parce qu’ils sont eux-mêmes plus rudes. Mais ils voient bien que nous parvenons tout de même à trouver une solution au terme d’un dialogue paci que. Je ne pense pas que je doive faire plus d’e orts parce que je suis une femme. C’est à nouveau une question d’équilibre, mais nous finissons toujours par y arriver. Le travail est très agréable, mais aussi très stimulant. Généralement, les choses qui me parviennent sont en lien avec ce qui se passe mal. Il faut donc être bien dans sa peau, adopter une attitude positive et être capable de gérer beaucoup de stress, sinon ce n’est pas possible. Mais fort heureusement, je n’ai pas de problèmes de sommeil et je suis vraiment heureuse lorsque nous réussissons à aider un client ou un agent immobilier, ça me procure beaucoup d’énergie.

Vous avez une famille de trois enfants, sont-ils fiers de vous ?

Ils sont très fiers. Au début, combiner vie privée et travail n’était pas une mince a aire. Les journées étaient très longues, j’étais morte de fatigue avant même de monter dans le train, et je devais rattraper mon sommeil le week-end. Lorsque l’aîné est entré en 1ère primaire, mon mari est devenu enseignant, et ça a été un véritable soulagement. Je n’ai plus eu à me soucier de l’organisation du ménage et c’est la raison pour laquelle je suis là où je suis maintenant, sinon ça aurait été impossible. Si mon mari n’était pas devenu enseignant, je ne pourrais pas exercer mon travail, c’est aussi simple que ça. Ça s’est fait naturellement. Nous sommes tous deux diplômés en mathématiques avec une spécialisation en actuariat. Mais je me suis ennuyée à mourir à la maison pendant mon congé de maternité – notre bébé a très vite fait ses nuits – alors que pour mon mari, c’était une période vraiment spéciale. Il a d’ailleurs pris un congé parental. Par ailleurs, son travail dans l’enseignement le satisfait pleinement. Je n’ai jamais beaucoup vu les enfants pendant la semaine, mais le week-end, je les emmenais à leurs activités. Je n’ai jamais rien annulé avec eux, même si ça signifiait que je devais rattraper mon travail en retard le soir. J’entretiens une très bonne relation avec mes enfants. Mais c’est vrai, il a fallu faire preuve de exibilité : ma plus jeune lle a dû réviser son test de lecture par téléphone pendant que je marchais d’un bâtiment à l’autre, ou quand j’étais dans le train. Je parviens donc toujours à trouver des solutions.

Êtes-vous consciente de votre rôle inspirant ?

De plus en plus. Mais c’est parce que je continue à recevoir ce genre de réactions. Le fait que j’aie une famille o re aux autres des perspectives. Osez franchir le pas, ne pensez pas que vous devez cocher toutes les cases. Nous avons tendance à sous-estimer l’expérience acquise. Or, elle peut très vite être réinvestie dans d’autres domaines.

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