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Avant-propos

Le 17 octobre 2012, Antoine Laurent Serpentini disparaissait brutalement, laissant hélas un grand vide à l’Università di Corsica et tout particulièrement à la faculté des lettres, langues, arts, sciences humaines et sociales où notre collègue exerçait depuis tant d’années et à laquelle il était attaché. Beaucoup d’entre nous connaissaient Antoine Laurent depuis fort longtemps, et ils avaient pu apprécier un homme qui ne s’était jamais démis de ces qualités essentielles : rigueur, franchise, fidélité. Ce sont là des mérites que nous aimons à reconnaître en la personne à qui nous rendons hommage. Observateur perspicace, notre collègue disparu aura contribué à mieux nous faire connaître et aimer un pays, la Corse, dans sa dimension historique. L’idée de rendre hommage à Antoine Laurent sous la forme classique d’un ouvrage collectif s’est donc imposée spontanément au sein de notre communauté, en raison de l’ampleur de son implication au service de la jeunesse corse et de la société de la connaissance. Le nombre des contributeurs réunis dans ce volume traduit avec éloquence l’attachement pérenne à la mémoire et au souvenir d’Antoine Laurent Serpentini. À ces sentiments, dans lesquels l’estime ne tient pas la moindre place, j’ajouterai la reconnaissance et l’amitié. Que les auteurs en soient tous, ici, remerciés. Il ne nous reste plus qu’à espérer que les lecteurs prendront plaisir à lire cette œuvre collective et que la diversité de son contenu saura aviver leur curiosité pour l’histoire et pour la Corse. San Petru di Venacu, le 10 août 2015 Marie-Michèle VENTURINI

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Une vie au service de l’histoire de la Corse

Monumentum ære perennius Horace, Odes, III, 30, I.

Quelques mois avant sa disparition survenue à l’hôpital de Bastia le mercredi 17 octobre 2012, j’ai eu l'honneur douloureux d’accompagner Antoine Laurent Serpentini en Italie pour ce qui devait être son dernier séjour hors de Corse. Nous étions au tout début du mois d’avril 2012, quelques jours avant Pâques. Il posait sur la vie un regard âpre, lucide et pudique, teinté d’un humour sans illusion, mais sans cynisme non plus. Sur sa vie, son passé, il ne s’épanchait qu’avec réticence. L’empathie à l’égard d’Antoine Laurent oblige ici à confesser qu’à la lecture de ces mots introductifs, il aurait été sûrement gêné et presque meurtri dans sa modestie et dans sa propension à s’effacer avec élégance pour mieux déjouer les desseins d’une notoriété qui l’aurait placé au cœur de notre reconnaissance. Sur ce point, qu’il me soit permis d’arracher à l’oubli quelques souvenirs qui me sont chers. Ils peuvent paraître anodins et ils le sont certainement mais ils traduisent assez bien dans leur authenticité l’image que je conserve de cet ami. Toutefois, nous ne saurions verser dans la complaisance rétrospective ni dans la douce nostalgie. À l’université, nous l’appelions Antoine, plus rarement Antoine Laurent. Au village, pour i so paisani, il était de manière exclusive Laurent. Il était né le 23 janvier 1948 à Fucichja, fils de Charles-Joseph Serpentini et de Françoise Santini. À cette époque, la Corse ne parvenait que difficilement à se remettre des rigueurs de la guerre. Antoine Laurent parlait toujours avec émotion de son père mort prématurément dans la fleur de l’âge. Ancien militaire de carrière, il était un homme pieux et pudique qui avait obtenu de nombreuses décorations militaires mais dont la plus grande fierté était d’avoir obtenu la médaille du mérite diocésain. Antoine Laurent parlait également avec beaucoup de tendresse de Françoise, sa mère, et d’Angèle, sa tante maternelle, qui fut pour lui, disait-il, comme une seconde mère. Plein de respect pour le savoir, imprégné des principes méritocratiques, il entama sa scolarité à l’école communale. On l’encouragea à suivre des études. Ce qu’il fit, en bon élève. Grand lecteur, il dévorait les romans d’Alexandre Dumas et surtout ceux de Michel Zévaco, son auteur de prédilection. On n’oublie jamais les premiers livres qu’on a lus, ceux

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qu’on a reçus dans la prime enfance. Dans cette famille insulaire, comme dans beaucoup de nos foyers, on nourrissait jadis un rapport étrange, fait de respect admiratif mêlé d’appréhension, à l’égard des livres. C’est dans ses lectures qu’il puisa l’amour de l’histoire. Il fut mon professeur à l’université de Corse. En 2000, il fut également membre du jury de ma thèse que présidait Antoine Ottavi, ancien recteur de la Corse et professeur émérite de l’université de Nice. Par la suite, je devins son collègue et un proche collaborateur. J’eus l’occasion de travailler avec lui à maintes reprises et sur de nombreux projets comme le Dictionnaire historique de la Corse, le premier du genre et son grand œuvre. C’est à cette occasion que je l’ai vu travailler, s’employant avec méthode et rigueur à réunir un matériau considérable bien que disparate et à fédérer les contributeurs. Antoine Laurent était un adepte de la recherche méticuleuse et obstinée. Perfectionniste jusqu’à en être pointilleux, il était attentif au moindre détail, relisant attentivement les centaines de notices rédigées par cent trente-neuf contributeurs. Il observait que si chaque auteur a pu s’exprimer en toute liberté sur le fond comme sur la forme, les analyses étaient toujours justifiées et évitaient la polémique et l’hagiographie. Dans son travail d’écriture, il se revendiquait d’une maturation lente. Nécessaire et même indispensable. Il ne considérait l’écriture de l’histoire que comme un travail lent et méticuleux, modeste et opiniâtre. Précision du détail, exactitude dans l’énonciation des faits, érudition sans défaut et accessible à tous, clarté de la démonstration, limpidité de l’expression. Cette perpétuelle insatisfaction était, pour qui sait l’entendre, une belle leçon d’humilité. Mais tout cela, n’est-ce pas ce qu’à bon droit on peut demander d’un chercheur ? Ne voit-on pas par là l’essentielle unité, dans la personne d’Antoine Laurent, de l’homme, de l’enseignant, du chercheur ? C’est cela qui m’apparaît aujourd’hui, avec le recul nécessaire, le plus remarquable : la cohérence d’une attitude, parce que toutes les occasions sont bonnes pour qui a partout le souci de la vérité, le goût de la partager, le plaisir de la découvrir et la satisfaction de la transmettre aux autres. Tout me rapprochait de lui. Les racines d’abord puisque la pieve d’Orezza était le berceau et le lieu d’ancrage de nos familles paternelles respectives. Nos ancêtres ensuite. Les siens et les miens avaient été au XVIIIe siècle fidèles à une certaine idée la Corse et partisans de Pascal Paoli. Attaché à tous ses ancêtres de Castagniccia et d’Altiani, il l’était également à ceux des siens de la branche maternelle des Santini et des Alessandri de Fucichja. Son attachement était grand pour la maison familiale, a casa di u prevostu car, au nombre de ses aïeux, il y avait un piévan. Dans cette maison, il ne lui restait plus guère qu’à cultiver la nostalgie. L’amitié pour lui était là avant qu’il n’y ait rencontre. En avril 2012, nous nous étions retrouvés à Poretta. Nous devions nous envoler pour Nice où nous allions sans tarder gagner Gênes en empruntant le train qui longe la Riviera. À Gênes, nous logions dans un hôtel tout près de la Stazione Piazza Principe. Chaque matin, nous nous rendions à l’Archivio di Stato situé Piazza Santa Maria in Via Lata pour y effectuer nos recherches respectives.

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Antoine Laurent travaillait à une réédition revue et augmentée de son Bonifacio. Le soir venu, nous rentrions à pied à notre hôtel en prenant soin de faire une pause, grosso modo à mi-chemin, dans un café de la Piazza De Ferrari. En marge de nos prospections documentaires dans les archives, but premier de notre séjour, il m’apprit à découvrir Gênes. Je ne pouvais espérer meilleur guide pour comprendre la force des liens historiques qui unissent la Corse à cette grande et belle métropole ligure. C’est lors de ce voyage qu’il évoqua avec moi son souhait d’ouvrir le chantier d’une publication portant sur l’histoire de l’agriculture en Corse de la préhistoire à nos jours. Ce projet que le destin ne lui permit pas de mener à bien lui tenait particulièrement à cœur. Antoine Laurent Serpentini avait découvert Gênes alors qu’il effectuait ses études supérieures en histoire à Nice. En juin 1972, il décrocha sa licence. L’année suivante, en juin 1973, il obtint la maîtrise et, en juin 1974, le diplôme d’études approfondies. Enfin, il entama un doctorat (mention histoire moderne) sous la direction du professeur José Gentil Da Silva, élève et disciple de Fernand Braudel, collaborateur de la revue des Annales, grand spécialiste de l’histoire économique et quantitative qui portait son regard d’historien sur l’Espagne, le Portugal et l’Italie. Tel que défini par le maître et son élève, le sujet de la thèse portera sur Les bases du pouvoir dans une ville : propriété, population et gouvernement à Bonifacio au XVIIIe siècle. Le pari était audacieux. Le choix allait se révéler d’une grande clairvoyance. Qui sait ce qui le poussa à entamer une thèse sur un sujet plutôt qu’un autre, alors que tant de questions s’offraient ? La personnalité et les travaux de son directeur de thèse y furent pour bonne part. Couronnement de plusieurs années de travail, la thèse vint à soutenance le 8 janvier 1979, devant un jury présidé par Pierre Chaunu et composé de Michel Vovelle, rapporteur, et José Gentil Da Silva, directeur, cette thèse constituée de quatre volumes et plus de 800 pages valut à Antoine Laurent Serpentini la mention « Très bien » et les félicitations à l’unanimité. Dans sa thèse, il avait montré comment « à l’époque moderne à Bonifacio comme à Gênes une forme d’équilibre a été atteinte qui présente bien des aspects extraordinairement intéressants pour connaître les conditions de vie en Europe méridionale, leurs aboutissements mais aussi la relative médiocrité des résultats à l’aube de notre temps1 ». Quelques mois après, la thèse fut distinguée par le Prix Jean Ambrosi de l’Accademia Corsa de Nice. Comme le soulignait Emmanuel Le Roy Ladurie : « Le grand œuvre d’Antoine Serpentini va bien au-delà de ces considérations post-braudéliennes, certes fondamentales. C’est toute l’économie et la démographie de la Corse-du-Sud et même de Sardaigne du Nord, depuis le XVIe jusqu’au XVIIIe siècle, qu’on aperçoit en filigrane à travers l’originalité bonifacienne. […] évoquera-t-on par-delà les initiatives “serpentiniennes” une île de Beauté sans rivages, ouverte dorénavant à

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Antoine Laurent SERPENTINI, Bonifacio, une ville génoise aux Temps modernes, Ajaccio, La Marge, 1995, p. 258-259.

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l’historiographie la plus moderne, la plus informée, la mieux outillée qui soit2 ». Et ce n’était pas un mince compliment. Revenu en Corse, il travailla un temps dans le privé, puis exerça pendant cinq ans les fonctions de chargé de cours au Centre de recherches corses, de l’université qui venait de rouvrir ses portes à Corte. En 1988, il est élu maître de conférences. Au cours de ces années, il enseigna l’histoire de la Corse des Temps modernes et contemporains, avant de se consacrer essentiellement à l’enseignement de l’histoire générale pour la même période à partir de l’ouverture du département d’histoire de l’université de Corse en septembre 1993. Il enseigna dans cette filière de la première année de licence jusqu’au diplôme d’études approfondies puis à la seconde année de master, tout en dirigeant durant ces années plusieurs dizaines de mémoires de maîtrise, DEA et master portant essentiellement dans le domaine insulaire et méditerranéen. Il a assuré également pendant longtemps un cours sur la Corse moderne à l’université de Nice. Promu professeur des universités en 1997, il assura depuis cette date et jusqu’à sa mort la direction du département d’histoire de l’université de Corse ainsi que, depuis 2006, celle du master « Espace et Société, Spécialité histoire et anthropologie de l’homme insulaire et méditerranéen ». En juin 2008, il accède à la première classe du professorat des universités. Sensible à l’ouverture en direction de l’international, c’est à son initiative que le département d’histoire de l’université de Corse a signé des conventions de collaboration avec les universités de Szeged (Hongrie), Malte, et Palerme. Lors d’un déplacement à Palerme les 9 et 10 mars 2011, il négocia et parvint à un accord officiel visant à créer un double titre de diplôme européen au niveau du master histoire entre la faculté des lettres, philosophie, sciences de l’éducation et sciences politiques de l’université de Palerme et la faculté des lettres, langues, arts, sciences humaines et sociales de l’université de Corse. Membre de l’UMR CNRS 6240 LISA, il faisait également partie de l’Association des chercheurs corses en sciences humaines, de l’association Franciscorsa, de la Société historique de Corte, du conseil d’administration de la Société des sciences historiques et naturelles de la Corse et du comité scientifique du Bulletin publié par cette société. Par ailleurs, il était membre de l’Association française d’histoire des sociétés rurales et membre de l’Association française d’histoire urbaine. Par bien des aspects, les chantiers ouverts par Antoine Laurent Serpentini ont été novateurs. Il a su mettre en exergue que, contrairement à l’idée communément admise, le délai entre la naissance et le baptême pouvait très largement dépasser les trois jours, précisant la relation entre abandons d’enfants et illégitimité et, par ailleurs, bien que le montant de la dot évoluait de manière presque mathématique en fonction des catégories sociales et à l’intérieur de chacune d’entre elles

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Emmanuel LE ROY LADURIE, « Préface », in Antoine Laurent Serpentini, Bonifacio, une ville génoise aux Temps modernes, Ajaccio, La Marge, 1995, p. 10.

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en fonction de l’honorabilité de l’union conclue, il avait mis en évidence que la hiérarchie sociale, très affirmée, ne se renouvelait guère par le mariage. Afin de mettre en évidence le comportement des populations d’ancien régime, il étudia le célibat définitif et l’âge au mariage « à partir de la population bonifacienne sur un XVIIIe siècle long allant de 1682 à 18153 ». L’étude des comportements démographiques l’avait conduit à s’intéresser à l’environnement de l’homme insulaire moderne et en particulier à son habitation. Dans ce domaine aussi, il mit à mal bien des certitudes et démontra, en utilisant toujours les méthodes de l’histoire quantitative, que la maison corse, urbaine et rurale, demeurait une maison très majoritairement basse et étroite jusqu’au XIXe siècle. Les recherches menées sur l’agriculture – thème qui lui était cher et auquel outre La Coltivatione il avait consacré plusieurs articles – l’avaient incité à s’intéresser aussi à la métrologie. Derrière cette entreprise qui consiste à dépouiller des archives, mais aussi à collationner et relier entre eux des fragments épars, le travail de l’historien apparaît en pleine lumière. Mais revenons un moment sur La Coltivatione. Gênes et la mise en valeur agricole de la Corse au XVIIe siècle. La décennie du plus grand effort, 1637-1647. Brillant ouvrage qui démonte, de manière implacable et à grand renfort de documents, l’idée ancrée dans notre imaginaire que la République de Gênes n’a jamais rien entrepris de bon pour la Corse. On ne peut plus faire chorus avec toute l’historiographie romantique qui reprochait plus ou moins de manière véhémente l’indifférence coupable et prévaricatrice des Génois. La réalité historique est plus complexe et la thèse d’une République totalement sourde aux attentes insulaires ne peut plus être soutenue de nos jours. Antoine Laurent Serpentini notait que « le principal mérite de cette politique agraire est d’avoir fait décoller l’agriculture insulaire, surtout l’arboriculture, et ce faisant d’avoir assuré aux Corses une autosuffisance alimentaire qui leur permettra – et ce n’est pas là le moindre des paradoxes de cette entreprise – de mener à partir de 1729 une guerre de quarante ans contre la Sérénissime République4 ». Il se livrait à une entreprise de démystification en mettant en relief quelques-uns de ces prismes terriblement déformants auxquels l’histoire corse a eu longtemps recours. La Coltivatione est bien de ces livres qui ont la grâce. Un ouvrage qui aura eu l’immense mérite d’avoir mis en lumière les ressorts de l’histoire agraire. Un livre qui laisse aussi un étrange et subtil parfum de bois, de fruits mûrs, d’herbe coupée, de terre parfois grasse et le plus souvent aride. L’histoire des mentalités, l’histoire religieuse en particulier, et l’histoire de l’éducation ont également retenu son attention. Il avait mis en évidence que les

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Antoine Laurent SERPENTINI, « Le mariage à Bonifacio à l’époque moderne (1682-1815) », Bulletin de la Société des sciences historiques et naturelles de la Corse, 1989, fasc. n° 656, p. 275. Antoine Laurent SERPENTINI, La Coltivatione. Gênes et la mise en valeur agricole de la Corse au XVIIe siècle. La décennie du plus grand effort, 1637-1647, Ajaccio, Albiana, coll. Bibliothèque d’Histoire de la Corse, 1999, p. XXVII-XXVIII.

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Corses confrontés à la mort, vivaient encore pleinement à la fin du XVIIIe siècle et au-delà une piété que Michel Vovelle en d’autres lieux à qualifiée de baroque, alors que celle-ci s’était effondrée brutalement dès les années 1720 en France continentale. « Donc les idées nouvelles n’ont pas encore fait leur chemin en Corse où, à la fin du XVIIIe siècle, on s’accroche encore aux pompes baroques et où l’on continue à ensevelir massivement dans les églises jusqu’au XIXe siècle sans tenir compte des édits5 ». Dans son travail d’historien, il aimait plus que tout raconter des histoires d’hommes et de femmes luttant pour vivre, faire entendre des voix enfouies. Il ne négligea pas non plus la vie et l’œuvre des grands hommes insulaires comme en témoignent l’exposition et le l’album collectif consacrés à Pascal Paoli, dont il assura la direction scientifique. Enfin, signalons un ouvrage consacré à Théodore de Neuhoff, roi de Corse. Un aventurier européen du XVIIIe siècle. Il ne s’agissait pas d’expliquer comment Théodore était devenu Théodore, mais de comprendre comment un tel homme avait pu prendre le pouvoir dans une île de la Méditerranée. Les intrigues étaient nombreuses dans une société où tout le monde joue et compose, ment et se ment. L’ouvrage est un formidable écrin avec ces âmes qui nous parlent, sans honte ni détour. Recourant à de nombreuses sources originales, tant françaises qu’italiennes ou espagnoles, Antoine Laurent Serpentini, décrypte ce personnage fascinant. En guise de conclusion à l’ouvrage, l’historien s’interroge sur son personnage : « Faut-il vraiment ne voir en lui qu’un simple aventurier comme il y en eut tant au XVIIIe siècle ? […] En définitive, ce l’on a pu essentiellement reprocher à Théodore, en ces temps où l’on ne s’embarrassait guère de scrupules, c’est de n’avoir point eu les moyens de ses ambitions6. » À bien y regarder, il savait sonder ce XVIIIe siècle corse et offrir une méditation sur les drames et les secousses de l’histoire dans laquelle, malgré tout, l’espérance ne s’avoue jamais vaincue. Tout au long de son parcours de recherche, Antoine Laurent Serpentini fut un enseignant apprécié de ses étudiants sur lesquels il exerça une influence considérable. À mille lieues de l’universitaire jargonnant, il était un authentique pédagogue. Son temps, il ne l’a pas compté non plus lorsqu’il s’agissait de suivre les travaux des jeunes chercheurs. Et s’ils furent nombreux à préparer une thèse sous sa direction, attirés par son autorité scientifique, sa culture et sa rigueur, c’est aussi parce qu’il était un honnête homme, une sorte de gentilhomme de la Corse intemporelle. Ce respect ne tenait pas seulement à ses grandes facultés intellectuelles, à sa science, à son regard critique, mais aussi à ses qualités morales, à une droiture

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Antoine Laurent SERPENTINI, « Les clauses pieuses des testaments et les attitudes face à la mort en Corse à la fin de l’époque moderne : les premiers enseignements », Bulletin de la Société des sciences historiques et naturelles de la Corse, 1987, fasc. n° 652, p. 265. Antoine Laurent SERPENTINI, Théodore de Neuhoff, roi de Corse. Un aventurier européen du XVIIIe siècle, Ajaccio, Albiana, Università di Corsica, coll. Bibliothèque d’Histoire de la Corse, 2011, p. 431-432.

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et à une grandeur d’âme qui commandaient la confiance, à ce désintéressement qui le faisait s’inquiéter moins des intérêts de sa renommée que des progrès de la science historique. Depuis le mercredi 17 octobre 2012, notre ami Antoine Laurent Serpentini manque aux vivants. Une telle personnalité ne peut que mériter une reconnaissance sincère et profonde. À tous et à chacun, à ses amis, à ses collègues, à ses étudiants, il aura beaucoup donné. Il fut un ami pour beaucoup. Un ami tout simplement. A Parata d’Orezza, le 25 octobre 2014 Eugène F.-X. GHERARDI

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TRAVAUX D’ANTOINE LAURENT SERPENTINI

« Un aspect de la division des Corses : l’attitude de Bonifacio face à la conquête française », Recherches régionales – Alpes-Maritimes et contrées limitrophes, Nice, juillet-septembre 1974, n° 3, p. 2-32. « Les bases du pouvoir dans une ville : propriété, population et gouvernement à Bonifacio au XVIIIe siècle », thèse de doctorat, Université de Nice, 1978, 4 volumes, 818 pages. « Le pouvoir dans une ville », Publications de la Faculté des lettres et sciences humaines, Université de Nice, 1979. « Bonifacio au XVIIIe siècle : un exemple d’urbanisme médiéval », Cahiers Corsica, Bastia, 1984. « Un problème de démographie historique : l’âge au baptême à Bonifacio au XVIIIe siècle », Bulletin de la Société des sciences historiques et naturelles de la Corse, 1984, fasc. 647, p. 125-135. « Les activités maritimes de Bonifacio à la fin du XVIIIe siècle », Bulletin de la Société des sciences historiques et naturelles de la Corse, 1986, fasc. 650, p. 277-288. « Les Clauses pieuses des testaments et les attitudes face à la mort en Corse à la fin de l’époque moderne : les premiers enseignements », Bulletin de la Société des sciences historiques et naturelles de la Corse, 1987, fasc. 652, p. 257-268. « Abandons d’enfants et illégitimité en Corse sous la Révolution », Études corses, 1988, nos 30-31, p. 221-236. « Le mariage à Bonifacio à l’époque moderne (1682-1815) », Bulletin de la Société des sciences historiques et naturelles de la Corse, 1989, fasc. 656, p. 275-289. « Mourir à Bonifacio au XVIIIe siècle : mortalité infantile et mortalité juvénile », Publications de la Faculté des lettres et sciences humaines, Université de Nice, 1990. « La vallée du Fango aux XVIIe et XVIIIe siècles », Publications du Parc régional de la Corse, 1992. « Habitats villageois et genre de vie en Corse de la fin du XVIe au XVIIIe siècle », Publications de la Faculté des lettres et sciences humaines, Université de Nice, Centre d’études corses, 1993, p. 71-79. « Trois villages du Cortenais et l’occupation de l’espace du Moyen Âge à nos jours », Bulletin de la Société des sciences historiques et naturelles de la Corse, 1993-1994, fasc. 664-667, p. 143-174. « Les anciennes mesures de la Corse (XVIe-XVIIIe siècle) et leur conversion dans le système métrique », Les Anciennes mesures locales du Midi méditerranéen d’après les tables de conversion, Clermont-Ferrand, Faculté des lettres et sciences humaines de l’université Blaise Pascal – Clermont II, Publications de l’institut d’études du Massif Central, 1994, p. 139-152. « Notes sur l’olivier et l’huile d’olive en Corse, à l’époque moderne », Olio sacro e profano, Sassari, EDES, 1995, p. 88-90. Bonifacio, une ville génoise aux Temps modernes. Préface d’Emmanuel Le Roy Ladurie, Ajaccio, La Marge, 1995, 389 pages.

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« L’instruction publique en Corse sous la Révolution et durant l’intermède du royaume anglo-corse », Bulletin de la Société des sciences historiques et naturelles de la Corse, 1995, fasc. 670-671, p. 69-86. « Gênes et la gestion de l’espace insulaire au XVIIe siècle » (avec Évelyne Gabrielli), Mesure de l’île. Le Plan terrier de la Corse 1770-1795, Ajaccio, Musée de la Corse, Collectivité territoriale de Corse, 1997, p. 141-145. « À propos de la mise en valeur agricole de la Corse : projet, dispositions concrètes, résultats », Bulletin de la Société des sciences historiques et naturelles de la Corse, 1997, fasc. 679-681, p. 97-117. Les Statuts civils et criminels de la Corse (avec Jean-Yves Coppolani), Ajaccio, Albiana, coll. Les grands textes du droit corse, 1998, 144 pages. « La Corse aux Temps modernes, entre mythes et réalités » in L’île laboratoire. Actes du Colloque de l’Université de Corse, 19 au 21 juin 1997. Textes réunis par Anne Meistersheim, Ajaccio, éd. Alain Piazzola, 1999, p. 46-54. La Coltivatione, Gênes et la mise en valeur agricole de la Corse au XVIIe siècle. La décennie du plus grand effort, 1637-1647, Ajaccio, Albiana, coll. Bibliothèque d’Histoire de la Corse, 2000, 267 pages. « Sources notariales, confrontations économiques, stratégies matrimoniales et patrimoines à Bonifacio dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle », Mélanges de l’École française de Rome, Italie et Méditerranée, 2000, vol. 112-1, p. 253-279. « Quand les intérêts des peuples et ceux des États concordent. Réflexions sur la mise en valeur agricole de la Corse sous la domination génoise », Actes des quatrièmes journées universitaires corses de Nice, Université de Nice, 2000. « Un Littoral sous influence : la Corse sous la domination génoise à l’époque moderne (1562-1768) » in Actes du colloque. Pouvoirs et littoraux du XVe au XXe siècle (Lorient, 24-26 septembre 1998), sous la dir. de Gérard Le Bouédec et François Chappé, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2000, p. 211-223. Notice « Bonifacio », Dictionnaire d’histoire maritime, sous la dir. de Michel VergéFranceschi, Paris, éd. Robert Laffont, coll. Bouquins, 2002. « La criminalité de sang en Corse sous la domination génoise (fin XVIIe – début XVIIIe siècle) », Crime, Histoire & Société/Crime, History & Societies, Genève-Paris, Droz, vol. 7, n° 1, 2003, p. 57-78. « Criminalitatea din Corsica in timpul dominatiei genoveze (sfârsitul secolului, XVII-leaînceputul secolului al XVIII-lea) », Violenta Aspecte psihosociale, Bucarest, Polirom, 2003, p. 291-308. « La Corse du début des Temps modernes à la Révolution française – De la formation des élites à l’alphabétisation du plus grand nombre : un effort pluriséculaire » in Histoire de l’école en Corse, sous la dir. de Jacques Fusina, Ajaccio, Albiana, coll. Bibliothèque d’Histoire de la Corse, Albiana, 2003, p. 45-117. « À propos de la pluriactivité en Corse au XVIIIe siècle. Les marins et la terre », Actes du colloque international organisé par l’Université de Bretagne Sud – Lorient, Entre terre et mer, Sociétés littorales et pluriactivités, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2004, p. 163-175. « L’Agriculture corse aux Temps modernes sous la domination génoise », Encyclopædia Corcicae, Bastia, éd. Dumane, 2004, vol. IV, p. 412-421.

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« Les poids et mesures en Corse à l’époque moderne », Encyclopædia Corcicae, Bastia, éd. Dumane, 2004, vol. IV, p. 423-426. « Les Corses et l’instruction à l’époque moderne » in Encyclopædia Corcicae, Bastia, éd. Dumane, 2004, vol. IV, p. 431-433. « Bonifacio aux Temps modernes », Encyclopædia Corcicae, Bastia, éd. Dumane, 2004, vol. IV, p. 490-503. Dictionnaire historique de la Corse, sous la dir. d’Antoine Laurent Serpentini, Ajaccio, Albiana, 2006, 1 013 pages. « Le Domaine de Galeria au XVIIIe siècle », Découvrir le Fangu, sous la dir. de MichelClaude Weiss, Ajaccio, Albiana, 2007, p. 78-79. « L’Université de Pascal Paoli », Pasquale de’ Paoli (1725-1807). La Corse au cœur de l’Europe des Lumières, Corte, Ajaccio, Musée de la Corse, Collectivité territoriale de Corse, Albiana, 2007, p. 162-171. « La dot en Corse aux XVIIe et XVIIIe siècles : frein économique ou instrument de promotion sociale ? », Mélanges offerts à Michel Derlange, Recherches régionales Alpes-Maritimes et contrées limitrophes, janvier-mars 2007, n° 185, p. 21-32. « Un projet d’implantation d’une colonie maltaise en Corse au XVIIIe siècle » in Mediterranean Seascapes, Malta University Publishers Ltd, 2007. « Paoli, Choiseul et la signature du traité de Versailles », Pasquale Paoli. Aspects de son œuvre et de la Corse de son temps, Ajaccio, Albiana, 2008, p. 144-171. « Aspects du système défensif de la Corse génoise à l’époque moderne », Contra Moros y Turcos. Politiche e sistemi di difesa degli Stati della Corona di Spagna in Età Moderna, sous la dir. de Bruno Anatra, Maria Grazia Mele, Giovanni Murgia, Giovanni Serreli, Dolianova, Grafica del Parteolla, 2008, p. 293-307. Théodore de Neuhoff, roi de Corse. Un aventurier européen au XVIIIe siècle, Ajaccio, Albiana, Università di Corsica, coll. Bibliothèque d’Histoire de la Corse, 2011, 460 pages. « Le roi Théodore et la Balagne », Du roi Théodore à la première intervention française 1736-1741. Actes des troisièmes rencontres historiques d’Île-Rousse. Mai 2012, Ajaccio, Albiana, coll. La Corse au siècle des Lumières, 2013, p. 33-50.

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C H A P I T R E

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Hypothèses sur les origines de la propriété « arboraire » en Corse

Jean-Yves COPPOLANI, Florence JEAN

En 1992, Antoine Laurent Serpentini avait accepté de diriger un mémoire de DEA sur La propriété « arboraire » en Corse1. L’auteur de ce mémoire a soutenu quelques années plus tard une thèse sur La propriété « arboraire » en Corse et dans les pays environnants d’Europe et du pourtour de la Méditerranée 2 et Antoine Laurent fit partie du jury. Cela a donné l’occasion de discussions sur « ce curieux droit de propriété3 », et particulièrement sur les origines de cette institution. Cette contribution est donc une façon de poursuivre cette conversation avec Antoine Laurent. Certes, le problème des origines d’une institution est toujours complexe et peut résulter d’influences multiples et de divers facteurs. Il est à peu près établi que dans l’évolution de l’humanité, l’appropriation des arbres soit antérieure à celle de la propriété privée du sol. Selon Lucien Lévy-Bruhl, « les primitifs ne comprennent pas que la terre soit l’objet de propriété individuelle et aliénable. Ce qui peut être concédé aux individus et passer de l’un à l’autre, c’est la jouissance du sol et la propriété de ses fruits, et aussi celle des arbres4 ». Ainsi, la propriété de l’arbre distincte de celle du sol sur lequel il est enraciné peut n’être qu’une survivance, ou tout au moins une trace, de cette antériorité. Elle se rattache à un contexte économique dans lequel l’arbre, et plus largement le végétal5, a plus 1. 2. 3. 4. 5.

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Florence JEAN, La propriété « arboraire » en Corse, histoire et actualité, Corte, 1993. Thèse d’histoire du droit sous la direction de J.-Y. Coppolani, Corte, 2001. Pierre LAMOTTE, « Note sur la propriété arboraire en Corse », Études corses, nouvelle série n° 12, 4e sem., 1956, p. 61. L’âme primitive, Paris, PUF, nouvelle édition 1963, p. 122. Par exemple, le comté de Nice a connu une institution, les « bandites », qui consiste en une distinction entre la propriété du sol et celle de l’herbe, spécialement dans les alpages. Cf. Danièle PERNEY, Une institution originale : les droits de bandite, Travaux de recherche

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de valeur que la terre. C’est particulièrement vrai lorsqu’il s’agit d’une essence vitale pour le groupe humain. C’est ainsi, par exemple, que chez les Chagga, peuple bantou vivant sur les pentes du Kilimandjaro, s’est constitué un rapport très étroit entre l’homme et le bananier, « arbre bienfaisant qui […] a permis de mener une vie beaucoup moins dure que celle des tribus restées nomades6 ». Sur d’autres continents, peuvent être faites des constatations identiques. Par exemple, au Panama, dans les îles San Blas, les Indiens Kunas, auxquels les cocotiers et les palmiers sagoutiers fournissent une part importante de leur alimentation, sont propriétaires de ces arbres sans l’être du sol. Par ailleurs, il a été constaté chez les peuples d’Afrique tropicale, que « si en droit traditionnel, la terre porte seulement des droits d’exploitation, le concept de propriété s’applique également à l’arbre. Mais surtout l’exploitation de l’arbre signifie l’exploitation du sol : elle en est le signe, et si nécessaire, la preuve juridique. De même, c’est l’appropriation de l’arbre qui précède celle de la terre7… ». Cette constatation est faite par de nombreux auteurs8. C’est une explication de la propriété « arboraire » que l’on pourrait utiliser pour la Corse. Les Corses ont eu pendant des siècles un rapport comparable avec le châtaignier, leur arbre à pain, et dans une moindre mesure, avec d’autres espèces telles que l’olivier, le mûrier, l’amandier ou le figuier, qui contribuaient à améliorer leur vie et même à leur donner une certaine aisance. N’était-ce pas là d’ailleurs l’un des objectifs de la coltivatione à laquelle Antoine Laurent Serpentini a consacré l’un de ses principaux ouvrages9 ? Cette politique de coltivatione menée du XVIe au XVIIIe siècle a assuré l’extension des cultures pérennes dans l’île, favorisant le développement de la propriété foncière privative, qui sera ensuite multipliée par les partages de communaux au siècle suivant. Ainsi, la propriété « arboraire » pourrait être née spontanément en Corse du fait que l’arbre y a longtemps eu plus de valeur que la terre, dans une île aride et faiblement peuplée. Il s’y serait ajouté la coexistence conflictuelle des bergers et des agriculteurs que facilite la propriété « arboraire », qui permet le développement

6. 7. 8.

9.

de la Faculté de droit et sciences économiques, fasc. IV, Nice, juin 1978 et Louis TROTABAS, Le droit public dans l’annexion et le respect des droits acquis, études sur les bandites, le culte et diverses situations particulières au comté de Nice annexé (1860), thèse Paris, édition La vie universitaire, 1921. Lucien LEVY-BRUHL, L’âme primitive, op. cit., p. 27. Paul PELISSIER, « L’arbre en Afrique tropicale. La fonction et le signe », Cahiers ORSTOM, série sciences humaines, vol. XVII, nos 3-4, 1980, p. 127-130. Mohamed-Bachir DOUCOURE, « Le droit de l’arbre en Afrique noire », Études foncières n° 83, 1999, p. 42-45 ; R. GENDARME, « Le droit de la terre et le développement économique dans l’Afrique au sud du Sahara », in Le droit de la terre (au sud du Sahara), études préparées à la requête de l’UNESCO, Paris, Maisonneuve et Larose, 1971, p. 21 et s ; Philippe DE LEENER, « Le foncier de l’arbre », in L’appropriation de la terre en Afrique noire, Manuel d’analyse, de décision et de gestion foncières, sous la direction de Émile LE BRIS, Étienne LE ROY et Paul MATHIEU, Paris, Karthala, 1971, p. 99. La Coltivatione. Gênes et la mise en valeur agricole de la Corse au XVIIe siècle, Ajaccio, Albiana, 1999.

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de l’arboriculture sans gêner la dépaissance et le parcours des troupeaux. Elle a survécu jusqu’à nos jours après avoir joué un rôle important dans la transition entre appropriation collective et privative du sol de l’île. Cependant, même si elle est issue d’un usage local, la propriété « arboraire », comme plusieurs autres institutions insulaires, a certainement été confortée, voire légitimée, et réglementée grâce à un phénomène d’acculturation. C’est ce qui nous amène à rechercher hors de Corse les origines de cette propriété ou, tout au moins, les influences qui l’ont façonnée. Trois pistes viennent à l’esprit : l’africaine, la gréco-romaine et l’italienne. Examinons-les successivement ! LA PISTE AFRICAINE

L’origine ou l’influence africaine est la première à avoir été envisagée. Elle est souvent évoquée par des Corses qui ont vécu en Afrique et particulièrement dans le Maghreb. Déjà Pierre Lamotte soulignait l’existence de ce « curieux droit de propriété » en Kabylie10. Caroline Spinosi l’évoquant dans sa thèse sur Le droit des gens mariés en Corse du XVIe au XVIIIe siècle 11 disait avoir « essayé de rechercher l’origine de cette institution si particulière » et paraissait privilégier la provenance africaine ou orientale : « Il existe, écrit-elle, quelque chose d’analogue dans les “Tablettes Albertini” de l’époque vandale, trouvées récemment en Afrique du Nord et qui ont suscité chez les érudits tant d’intérêt (…). Ce démembrement de la propriété existe encore dans le Sud tunisien et son origine est peut-être orientale ou carthaginoise ». Elle se référait sur ce point aux travaux que Jacques Numa Lambert, anthropologue et romaniste, avait consacré à ces documents épigraphiques12. Nous pouvons attester pour notre part que cet universitaire, qui avait été professeur d’histoire du droit à l’université d’Alger et qui termina sa carrière à Nice, suggérait lors de conversations relatives à l’institution qui nous occupe, qu’elle provenait de l’Afrique du Nord où elle était largement répandue et pas seulement dans le sud de la Tunisie ou aux confins algéro-tunisiens. Elle aurait pu migrer de la rive sud de la Méditerranée vers la Corse à l’occasion de l’occupation vandale ou plutôt des nombreux contacts de la Corse avec le monde musulman depuis le IXe siècle. C’est d’ailleurs ce qui avait suscité l’idée de confier une thèse sur la propriété « arboraire » corse à une personne connaissant la langue arabe et s’intéressant au droit musulman. Mais très rapidement, il est apparu que cette hypothèse était improbable. L’incursion des Vandales n’a duré que quelques années (477-484) et même

10. « Les ethnographes et les historiens de l’histoire sociale et économique […], le connaissent bien pour l’avoir rencontré dans maints pays méditerranéens économiquement et socialement attardés, et particulièrement en Kabylie », « Note sur la propriété arboraire », op. cit., p. 61. 11. Aix-en-Provence, La Pensée Universitaire, 1956, p. 95. 12. « Les Tablettes Albertini », Revue africaine, nos 434-435, Alger, 1953, p. 205 et suivantes.

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s’ils ont déporté les évêques d’Afrique du Nord en Corse13, cet épisode semble peu propice à la migration d’une institution telle que la propriété « arboraire ». Il en est de même des relations de la Corse avec le monde musulman qui se sont surtout manifestées pendant un millénaire par des razzias et autres affrontements. De toute façon, la propriété « arboraire » en Afrique du Nord et en Orient y apparaît comme une institution antéislamique conservée principalement par les populations qui ont résisté aux invasions arabes. La propriété « arboraire » est en effet particulièrement répandue en Tunisie, au Sud dans les oasis, à l’Est dans l’île de Djerba et à l’Ouest dans la zone montagneuse limitrophe de la frontière algérienne. Au Maroc et en Algérie, la propriété « arboraire » se présente surtout comme une coutume berbère. En Kabylie, le terme spécifique de « abandou 14 » qualifie les arbres dont la propriété est distincte de celle du sol. Les cas de propriété « arboraire » ont été multipliés jusqu’au début du XXe siècle par l’utilisation d’un contrat, dont l’économie est proche de celle du bail à complant régi par le Code rural français, mais qui établit une distinction définitive de la propriété de l’arbre et celle du sol. C’est l’« alek’em-en-tamr’arsith ». Celui-ci n’a de lien avec le droit musulman que sa fonction de vivification des terres mortes, c’est-à-dire non cultivées et donc insusceptibles d’appropriation. En effet, la propriété « arboraire » joue ce rôle de vivification des terres mortes, mais elle n’est pas pour autant bien acceptée par le droit musulman. Sa situation y est comparable à celle du droit français. Elle y est tolérée comme une exception à la règle que l’on souhaite temporaire. Certains ouvrages des jurisconsultes (fuqâha) mentionnent ou plus exactement évoquent son existence. Ainsi, par exemple, Sidi Khalîl dans son Mukhtasar, plus connu sous le nom de Code musulman, ouvrage de référence de l’école malikite écrit au XIVe siècle, édicte que « le sol d’un dattier ou autre arbre fruitier, appartenant à un autre propriétaire que celui de la surface, est grevé des servitudes d’usage pour l’utilité dudit arbre15 ». Un autre jurisconsulte célèbre, Al Mawardi, signale la possibilité de distinction entre le statut juridique des arbres et celui du sol dans lequel ils sont plantés. Il dit ainsi au sujet des terres qui ont été abandonnées par leurs habitants : « les palmiers qui seraient plantés ultérieurement (à la conquête) sont de dîme16, et la terre qui les

13. Michel VERGÉ-FRANCESCHI, Histoire de Corse des origines au XVIIe siècle, Paris, éditions du Félin, 1996, tome I, p. 90. 14. Adolphe HANOTEAU et Aristide-Horace LETOURNEUX, La Kabylie et les coutumes kabyles, Paris, A. Challamel, 1893, réimpr. par Atout Kabylie-Europe, 1998, tome 2, p. 230-448 et 449. 15. Khalil IBN ISHAQ AL DJUNDI, Le code musulman de Sidi Khalîl, Alger, Livres éditions, 2e rééd., 2011, p. 382, Titre XXI : Des terres mortes, chapitre 1er, Des modes originaires d’acquisition, section 1re, Droit du premier occupant, article 1208. 16. Le statut de terres de dîme remonte au Ier siècle des conquêtes musulmanes. Il désigne des terres soumises à un impôt égal à 10 % de la récolte, d’où leur appellation. Cette dîme est dérivée de l’aumône légale. Il s’agit de terres appartenant à des musulmans en Arabie ou concédées à des musulmans à titre de concession foncière (iqta’) dans d’autres territoires conquis et devenus terre d’Islam.

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porte est de kharaj 17… Abu Hanifa18 est d’avis que de tels territoires font partie du domaine d’Islam ; qu’on ne peut ni les vendre, ni les hypothéquer, tandis que les arbres et les palmiers qu’on y a nouvellement plantés peuvent être vendus19 ». Il arrive fréquemment, même dans le cadre de la propriété melk20, que soit séparée une propriété superficiaire distincte de celle du sol. Sans aliéner la propriété du sol, le droit d’y planter des arbres comme celui de bâtir peut être cédé à autrui gratuitement ou à titre onéreux. Des coutumes locales déterminent les dispositions légales nécessaires pour permettre la plantation et l’exploitation. « L’arbre constitue une véritable propriété melk, et peut être donné, vendu, légué, etc., indépendamment du sol21 ». Les coutumes locales auxquelles il est fait allusion ne ressemblent pas à celles que l’on connaît en Corse, telles que le jet de rustaghja 22 et autres pratiques insulaires. Plus déterminante pour l’enquête sur les origines de l’institution qui nous occupe, est la constatation que la charia 23 est fondamentalement opposée à la pérennité d’une propriété « arboraire » distincte de celle du sol. En effet, selon un hadith, le Prophète s’est montré opposé au maintien de la distinction de la propriété des arbres et du sol. Il le fit à l’occasion d’un différend opposant un possesseur de palmiers à celui du sol sur lequel ils étaient plantés. Ce dernier s’étant plaint de ce qu’il était dérangé par le propriétaire des palmiers qui venait souvent dans son jardin accompagné parfois par plusieurs membres de sa famille, le Prophète saisi du litige commença par ordonner au propriétaire des palmiers de les vendre au propriétaire du terrain. Le propriétaire des arbres ayant refusé, le Prophète lui commanda de les couper, ce qui fut encore refusé par le propriétaire « arboraire ». Le Prophète lui conseilla alors d’en faire donation à son adversaire. Devant un nouveau refus, le Prophète aurait tranché cette affaire de manière définitive et irrévocable en ordonnant d’arracher les palmiers24… Il ressort donc que la propriété « arboraire » dans les pays d’Afrique du Nord relève de coutumes locales archaïsantes, reliquat de pratiques antéislamiques, mais que le droit musulman est hostile à cette institution tout en ayant une position

17. Terre tributaire, c’est-à-dire terre appartenant à la communauté musulmane par droit de conquête, laissée à ses possesseurs initiaux, non musulmans ou devenus musulmans par conversion ultérieure, soumise au tribut (kharaj). 18. Juriste fondateur de l’école hanafite. 19. Maurice POUYANNE, La propriété foncière en Algérie, Alger, 1900, typographie Adolphe Jourdan, p. 55. 20. Droit de propriété supérieur comparable au dominium romain et qui est réservé aux seuls musulmans. 21. M. POUYANNE, ibid. 22. Serpe à long manche utilisé notamment pour débroussailler et nettoyer sous les arbres. 23. Source la plus élevée du droit musulman constituée par le Coran et la Sunna, qui elle-même est formée des hadith-s, c’est-à-dire des silences, faits et gestes du Prophète. 24. Cité par Mohamed ABDELGAWAD, La propriété des terres en Islam, Le Caire, Impr. mondiale, 1971, p. 185 et signalé par Abdelfattah EDDAHBI, Les biens publics en droit marocain, Casablanca, Impr. Afrique-Orient, 1991, p. 27.

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ambiguë, issue de la contradiction entre la charia et les sources inférieures25. Cette position est à rapprocher de celle du droit romain en la matière. LA PISTE GRÉCO-ROMAINE

La propriété « arboraire » a indubitablement existé dans la Grèce antique. Des oliviers dont la propriété est distincte de celle du sol sont l’objet même du célèbre plaidoyer de Lysias26. Il y est question d’oliviers plantés sur un terrain appartenant à un particulier mais dédiés à la déesse Athéna. Ces « oliviers sacrés » étaient identifiés par un marquage officiel. Les détruire ou les arracher était un crime imprescriptible assimilé à l’impiété, puni de l’exil et de la confiscation des biens, voire de la peine capitale… Leurs fruits étaient affermés au profit de l’État. Toute plantation était interdite dans un périmètre de protection autour de chaque pied. Pour favoriser la repousse des oliviers incendiés accidentellement ou pendant une guerre, était placée autour du tronc calciné une palissade – σηχοζ – terme qui désignait aussi la parcelle délimitée et l’arbre lui-même. Les droits helléniques et en particulier celui d’Athènes27 connaissait le principe selon lequel la propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous. Cependant, les exceptions étaient facilement admises. De nombreux documents épigraphiques28, papyri et parchemins, attestent que disjoindre le sol et les superficies était très courant. Ces disjonctions temporaires ou définitives de la propriété du sol et de celle de l’arbre continueront d’être fréquentes dans la pratique et les lois agraires de l’Empire byzantin29, notamment dans le Nomos georgikos – Νόμος Γεωργικός – code rural par l’Empereur Léon III l’Isaurien au VIIIe siècle ou dans les textes réunis dans l’Hexabiblos du grand jurisconsulte Harménopoulos au XIVe siècle, et cela, malgré les principes fortement affirmés par les compilations justiniennes. Le droit romain savant contenu dans les compilations justiniennes est très hostile à la propriété « arboraire ». Selon Gaius, « la raison nous dicte qu’un arbre ne peut appartenir à un autre qu’à celui dans le terrain duquel il a pris racine » (rationem enim non permittere, ut alterius arbore intelligatur, quàm cujus fundo radices egisset). Le Digeste et les Institutes reprenant les écrits de Gaius ont fait passer à la postérité deux phrases devenues des adages célèbres, frontalement opposées à la propriété « arboraire » : « superficies solo cedit » (ce qui est au-dessus 25. Fiqh – règles juridiques établies par les jurisconsultes ou fuqâha ; ‘orf – coutume et ‘amal – doctrine et jurisprudence. 26. LYSIAS, Sur l’olivier, traduction française avec notices et notes par Louis BODIN, in Extraits des Orateurs attiques, Paris, Hachette, 1978, p. 1 à 12. 27. Ludovic BEAUCHET, Histoire du droit privé de la République athénienne, T. III, Le droit de propriété, Paris, Chevalier-Marescq, 1897, réimp. Amsterdam, Rodopi, 1969, p. 50-55. 28. Fulvio MAROI, « La proprietà degli alberi separata da quella del fondo », in Studia et Documenta Historiae et Iuris, fasc.II, 1935, p. 353-354. 29. Jehan DE MALAFOSSE, « Les lois agraires à l’époque byzantine : tradition et exégèse » in Recueil de l’Académie de Législation de Toulouse, 1949, p. 47-48.

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du sol appartient au sol) et concernant encore plus spécialement l’institution, « plantae quae terra coalescunt solo cedunt » (les plantes qui prennent racine dans la terre appartiennent au sol). Ces principes affirmés de façon aussi péremptoire paraissent ne laisser aucune place à la propriété « arboraire ». Pourtant, les propriétés superficiaires sont admises… Mais il s’agit d’institutions relevant du droit prétorien, pérégrin ou provincial, principalement urbaines concernant des constructions plutôt que des plantations. Il subsistera d’ailleurs toujours en droit romain une réticence plus importante pour les plantations que pour les constructions que l’on retrouve jusque dans plusieurs droits contemporains. Au Bas Empire, rejetée par le droit savant, la propriété « arboraire » prospère dans le droit provincial parfois qualifié de « romano-vulgaire ». Elle va être favorisée par la mise en valeur de terres incultes lorsque l’approvisionnement de Rome devient l’une des priorités et par des dispositions fiscales. Lorsque des arbres étaient plantés hors centuriation sur des terres marginales (subseciva) dans le cadre d’une politique d’encouragement à la mise en valeur de terres incultes, l’assiette de l’impôt foncier devait être déterminée par le nombre de plants et non par l’étendue du sol cultivé. Les Tablettes Albertini citées plus haut montrent que la propriété « arboraire » est liée à la mise en valeur des terres incultes en marge de domaines impériaux d’Afrique du Nord. Il y a lieu de penser que cette pratique ne s’est pas réduite à quelques domaines impériaux d’Afrique, elle pourrait bien avoir concerné d’autres domaines concédés sur l’ager publicus ou sur des terres appartenant à des cités, municipes, colonies, temples ou corporations religieuses constituant l’ager vectigalis, dans d’autres parties de l’Empire d’Occident et particulièrement en Italie. LA PISTE ITALIENNE

Pendant le Haut Moyen Âge, la propriété « arboraire » est paradoxalement fréquente dans la partie la plus romanisée de l’ancien Empire romain qu’est l’Italie, malgré la forte opposition du droit savant à la « dissociation juridique de l’immeuble » lorsqu’elle aboutit à distinguer la terre de plantations et dans une moindre mesure, des constructions. Cela peut s’expliquer par la rencontre des traditions « romano-vulgaire » et germanique qui lui sont toutes deux favorables. Son développement continuera en dépit de la renaissance du droit romain des compilations justiniennes, dont les universités italiennes et en particulier celle de Bologne, sont le berceau. La propriété « arboraire » fait en Italie l’objet d’une abondante littérature juridique30. Elle est généralement désignée par les auteurs sans avoir recours à une périphrase ou à des guillemets comme en France, par l’expression proprietà arborea separata 31.

30. Cf. Florence JEAN, La propriété « arboraire »…., op. cit. Sans être exhaustive, la bibliographie mentionne plus de quarante ouvrages et articles d’auteurs italiens s’y rapportant. 31. C’est même le titre d’un article de A. TUCCI dans la Rivista di diritto agrario, 1949, p. 122.

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En effet, le droit savant s’est finalement accommodé des propriétés superficiaires dont fait partie l’institution qui nous occupe. Cela n’est pas fait sans réticence ni débat. Les post-glossateurs ont résolu le problème qu’elle posait en recourant à la distinction dominium directum/dominium utile. Après la Renaissance et la seconde renaissance du droit romain, jusqu’à nos jours, la propriété « arboraire » a été l’objet d’une polémique autour de son existence même32, de sa nature juridique et de son origine. Cependant, ces disputes érudites et l’opposition de certains auteurs n’ont pas gêné un développement de l’institution qui en Italie est plus important que ce que l’on constate dans la plupart des pays européens jusqu’à ce qu’elle soit étroitement limitée par le Code civil de 194233. Dans les actes de la pratique et dans les textes du droit municipal médiéval italien, et au-delà, dans le droit statutaire, diritto statutario, la propriété « arboraire » est présente dès le Haut Moyen Âge dans la plupart des régions italiennes du Nord à l’extrême Sud, dans la péninsule comme dans les îles34. De nombreux textes cités par divers auteurs manifestent son existence indubitable dans des régions italiennes proches de la Corse : la Ligurie, l’Émilie, la Toscane, le Latium, la Campanie et surtout la Sardaigne. Dans cette île voisine, un auteur35 affirme même que la séparation du sol et des plantes était la règle et leur union, l’exception, à tel point, que la formule « superficies solo cedit », pouvait y être inversée. Même dans les régions où elle était plus exceptionnelle, la propriété « arboraire » était dès le Haut Moyen Âge un usage suffisamment courant pour que l’on n’ait pas besoin d’avoir recours à une périphrase pour désigner un arbre, objet d’un acte juridique, distinct du sol, ou le périmètre de protection d’un tel arbre36. Dans les textes statutaires plus tardifs, la présence de la propriété « arboraire » se manifeste par des dispositions ayant pour objet de la limiter, voire d’y mettre fin, en obligeant le propriétaire de l’arbre à le céder au propriétaire du sol s’il en

32. Cf. Camillo GIARDINA, « La cosidetta proprietà degli alberi separata da quella del suolo in Italia », in Storia del diritto, II, Palerme, 1965, réédition de l’ouvrage paru à Palerme en 1941. 33. Article 956 : « Divieto di proprietà separata delle piantagioni. – Non puo essere costituita o trasferita la proprietà delle piantagioni separatamente dalla proprietà del suolo ». Désormais, selon la jurisprudence, la propriété « arboraire » subsiste en Italie lorsqu’elle a été créée avant 1942 ou lorsqu’elle concerne un arbre isolé et non une plantation. 34. Cf. notamment actes cités par C. GIARDINA, op. cit., p. 11-49. 35. Raffaele DI TUCCI, « Di alcune accessioni e di alcune forme della proprietà immobiliare nel Meglio Evo » in Studi economico-giuridici, pubblicatti per cura della Facoltà di giurisprundenza della Regia Università di Cagliari, a.XV, Cagliari, p. 5 et s. 36. Les termes tallia ou talia ou talea se trouvent dans différents actes de la pratique du Haut comme du Bas Moyen Âge en Toscane, Ombrie, Latium et Campanie. Ils désignent des plants. Par exemple, dans un acte daté de 752, l’expression olivas tallias XV signifie quinze plants d’oliviers ; dans un document amalfitain postérieur, il est question de talleas de castaneas, ce qui signifie des plants de châtaigniers. Dans des documents médiévaux du Sud de l’Italie, les termes trofa ou tropha ou troffa ou troppa désignent des souches. Le mot platea apparaît dans quelques actes pour désigner la terre située sous le feuillage de l’arbre qui constitue son périmètre de protection.

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fait la demande37, ou inversement, imposant au propriétaire du sol d’acquérir les arbres qui y sont plantés mais appartenant à autrui38. Le prix de l’arbre devait être évalué par des experts ou des voisins. Quelques statuts, notamment en Toscane et dans les Marches39, donnaient au propriétaire de l’arbre la possibilité d’acquérir la parcelle sur laquelle il était planté. Ces actes de la pratique et textes statutaires montrent qu’en Italie existait dès le Haut Moyen Âge une propriété « arboraire » identique à celle que l’on connaît en Corse. Pour ce qui est des essences concernées, il s’agit principalement d’arbres fruitiers et très majoritairement, d’oliviers et de châtaigniers. Ces arbres sont plantés sur des communaux, le domaine ecclésiastique ou des parcelles appartenant à des particuliers. Les propriétaires des arbres peuvent être un établissement ecclésiastique, une communauté ou un individu. L’origine de la propriété « arboraire » peut être un acte de vente, de donation, une aumône40, un acte de partage, un legs, une constitution de dot, la plantation autorisée par le propriétaire, par la coutume ou les statuts locaux, ou la greffe de plants sauvages, tels que les oléastres, ou encore par usucapion. Il est reconnu à l’arbre un périmètre de protection dans lequel le propriétaire du sol ne pourra pratiquer aucune culture et qui sera interdit aux animaux, afin de permettre l’entretien et la récolte41. CONCLUSION D’ENQUÊTE

Toutes ces similitudes de la propriété « arboraire » existant en Corse avec celles des contrées italiennes voisines prouvent la parenté de ces institutions. Certes, comme cela ressort de ce que nous avons dit plus haut, la propriété « arboraire » était répandue depuis la plus haute Antiquité dans le bassin méditerranéen, certes, elle peut naître spontanément sur un territoire, dans une société et dans une économie dans lesquelles l’arbre a plus de valeur que le sol, ce qui a été longtemps le cas de la Corse, terre aride et peu peuplée. Certes, la propriété « arboraire » facilite la cohabitation des bergers et des agriculteurs, problème séculaire de la Corse. Cependant, deux arguments permettent d’avancer l’hypothèse d’une

37. C’est le cas des statuts ligures d’Albinga et de Diano qui datent des XIIIe et XIVe siècles, et d’autres statuts en Toscane, Émilie, Ombrie, etc. 38. C’est le cas au XIVe siècle des statuts de la République de Florence (« Statuto del Podestà dell’anno 1325 », in R. Caggese, Statuti della repubblica fiorentina, vol. 2, Firenze, 1921, lib. 2, rub. 21), ceux de Sienne (livre III, chapitre CCIII : De li arbori e quali sono ne le terre altrui ; cf. A. LISINI, Il costituto del comune di Siena volgarizzato nel 1309-10, vol. I, Sienne, 1903, p. 478), ceux d’Assise (livre II, chapitre 56) et de Perugia (livre II, chapitre 24). 39. Par exemple, les statuts d’Arezzo réformés en 1342, livre II, chapitre 47, et de San Severino. 40. Dans plusieurs régions italiennes comme en Corse, la propriété « arboraire » peut découler de l’aumône faite à une église, d’un ou plusieurs oliviers dont les fruits serviront à produire l’huile de la lampe du tabernacle. 41. Ce périmètre est déterminé par ces objectifs. En Corse comme en Italie, ce périmètre peut être matérialisé par des pierres tout autour de l’arbre ou une clôture temporaire. Le rayon de ce périmètre correspond généralement à un jet de rustaghja dont il est question plus haut.

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filiation de la propriété « arboraire » corse à l’égard de celle des îles voisines et du continent italien. D’abord, elle peut être déduite en raison de la chronologie émanant des documents et elle peut être conjecturée ensuite par analogie avec la plupart des spécificités juridiques corses qui sont le fruit d’une acculturation trouvant son origine dans les régions italiennes voisines. L’argument chronologique paraît toutefois être le plus solide. Alors que nous avons vu que la propriété « arboraire » était largement connue dans diverses régions italiennes dès le Haut Moyen Âge, nous n’avons pas de documents comportant des indices de l’existence de propriété « arboraire » avant le Bas Moyen Âge. En effet, dans les donations faites en Corse à l’abbaye de San Mamiliano de Montecristo42, sont mentionnés des oliviers, vignes, châtaigniers, noyers, pommiers, poiriers, arbres fructifères et non fructifères, dans une énumération qui paraît faire une distinction entre les terres et les arbres43. Mais, outre qu’il n’est pas indiqué de façon explicite que la propriété des terres et des arbres cités est distincte, et que cette formulation n’est peut-être due qu’à un souci d’exhaustivité fréquemment manifesté dans les chartes médiévales, ces actes auraient été antidatés. Selon l’historien allemand Alfred Dove44, ils ne peuvent pas être antérieurs au XIIIe siècle. Ces conclusions ont été reprises et confirmées par Silio Scalfati45 : « Une chose est sûre, […], les anciens documents corses de Montecristo ont été fabriqués au XIIIe siècle ». Dans plusieurs documents du Libro Maestro G di Gorgona 46 datés du XIIe siècle, se trouvent des énumérations de biens dans lesquelles figurent différents arbres47. En 1258, un habitant du Nebbio faisait don à l’abbaye de Gorgone de sa personne et de ses biens dont l’énumération se terminait par la mention de « vignes avec fruits, arbres des bois, forêts et maquis ». En 1260, le marquis Rinaldo confirmait une donation faite par ses prédécesseurs aux bénédictins de Gorgone dans laquelle étaient énumérés : « maison, vignes, bois, terres cultivées 42. Publiées par l’abbé LETTERON dans le Bulletin de la Société des sciences historiques et naturelles de la Corse, fasc. 83-84, 1887, p. 169-228. 43. Par exemple : dans un acte daté de 833, Simon, comte de Corse, donnait à l’abbaye de San Mamiliano de Montecristo divers biens dont l’énumération distingue des arbres de différentes essences : […] et istas possessiones cum casis et casamentes, hortis, olivis, vineris, castagnetis, et nocetis, melis et peris, arboribus fructiferis et non fructiferis, terris cultis et non cultis, domesticis et agrestis, servis et ancillis […]. Près d’un siècle et demi plus tard, dans un acte de donation daté de 981 du comte de Corse Roger à l’abbé de Montecristo Mauro, l’énumération des biens comprend différentes catégories de terres et d’arbres : […] terris cultis et non cultis, vineis, peris et melis cum omnibus arboribus fructiferis et non fructiferis, et silvis agrestis et domesticis […]. 44. De Sardinia insula contentioni inter pontifices Romanos atque imperatores materiam praebente, Corsicanae quoque historiae ratione adhibita, Berlin, 1866, p. 56-61, 120. 45. La Corse médiévale, Ajaccio, Piazzola, 1996, p. 346-356. 46. La Corse médiévale, op. cit., p. 61-111. 47. Par exemple : dans un acte daté du 25 décembre 1113, il est fait donation au monastère de la Gorgone, d’un vignoble et d’autres terres « cum omnibus arboribus suis fructiferis » (Silvio SCALFATI, La Corse médiévale, op. cit., p. 85) ; une mention voisine se retrouve dans un autre acte de donation du 31 décembre 1121 : « Omnia alia mea quam ibi sunt, cum oleastris et ficis et cum omnibus arboribus fructiferis et infructiferis … » (ibid., p. 94).

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HYPOTHÈSES SUR LES ORIGINES DE LA PROPRIÉTÉ

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ARBORAIRE

»

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ou incultes, prés, châtaigniers, oliviers, noyers, avec tout son circolo 48 ». Les formulations évoquées ci-dessus ne permettent évidemment pas de conclure à l’existence d’une propriété « arboraire ». En revanche, les actes de la fin du XIVe siècle confirment l’institution qui nous occupe et même le partage d’un même arbre entre plusieurs propriétaires. C’est ainsi, par exemple qu’une charte du monastère de San Venerio del Tino, relative à des biens situés en Balagne autour de Belgodère, contenait une liste dans laquelle des pieds d’oliviers et de noyers ainsi que des parts de ces arbres étaient mentionnés de telle façon qu’il est indubitable que leur appropriation était distincte de celle du sol49. Ainsi, la propriété « arboraire » ne paraît véritablement attestée en Corse qu’à la fin du XIVe siècle, soit plus d’un demi-millénaire après qu’elle l’a été dans la péninsule italienne. Elle paraît être encore à la fin du Moyen Âge relativement discrète, certainement moins développée qu’en Sardaigne ou en Toscane. Elle faisait probablement partie des pratiques spontanées dans une Corse peu peuplée où la pression foncière était relativement faible mais elle ne se hissait pas jusqu’à être une institution officiellement reconnue. Elle ne le sera d’ailleurs pleinement jamais. Alors qu’il en était question, ne serait-ce que pour la limiter ou l’interdire, dans plusieurs textes statutaires médiévaux italiens, elle n’est pas mentionnée dans les plus anciens statuts corses, ceux des seigneuries de San Colombano, de Nonza, Brando et Canari ainsi que ceux des présides. Les seuls statuts insulaires qui y font une allusion sont ceux de Porto-Vecchio, c’est-à-dire les derniers et les plus récents statuts locaux puisqu’ils datent de 1546. Les Statuti Civili di Corsica de 1571 n’en parlent pas, pas plus que les leggi nuove. La propriété « arboraire » corse semble en effet s’être surtout développée à l’époque moderne et même contemporaine. Elle figure alors dans de très nombreux actes notariés et sous seing privé. Elle a probablement d’une évolution cumulative dont les facteurs sont multiples. Elle facilitait les partages et les constitutions de dots sans émietter les patrimoines familiaux volontairement laissés en indivision. Elle est, comme on l’a déjà souligné, très adaptée à l’économie agropastorale d’une île où sévit un conflit séculaire des bergers et agriculteurs. Elle permet la mise en valeur des vastes étendues de communaux impropres aux cultures annuelles. 48. Antoine AMADEI, Terres et hommes du Nord de la Corse au cœur du Moyen Âge, Bastia, Scola Corsa, 1991, p. 47-61. 49. « Item habet quartam partem unius olive de Pizo. Item habet quartam partem fructuum unius pedis olive que est in Oietano. Item habet quartam partem olive que est ad capud domus Vivoli Blanci, et eam tenet Belgoderacius. Item habet quartam parte olive as Rotam. Item habet ad Capanichas terciam partem duorum pedum olivarum. Item habet quartam unius pedis olive. Item habet quartam partem uinius nucis ad Tendam. Item habet quartam partem duarum nucum que sunt ad Petrecaiam. Item habet duas dimidias nuces ad vadum de Tenda. Item habet quartam partem nucis que est ad Castagnam. Item habet quartam partem nucis de Puteo. Item habet dimidiam nucem que est ad Vachellas […]. Item olivas Sancti M[ar]celli que sunt supra ecclesiam ad fontem versus flumen » (Geo PISTARINO, Le carte del monastero di San Venerio del Tino relative alla Corsica (1080-1500), Turin, 1944, p. 60-67 et cité par Jean-André CANCELLIERI, « Toponymie et structures médiévales de l’occupation de l’espace insulaire » in La Balagne, sous la direction de Michel-Claude WEISS, Université de Corse, 1988, p. 207).

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Elle est l’une des solutions pour l’exploitation des biens inaliénables de l’Église. Pour toutes ces dernières raisons, son extension a certainement été accélérée au XVIIe siècle par la politique génoise de coltivatione 50. La physionomie de l’institution à l’époque contemporaine a fini d’être façonnée par le fait que la Corse est passée sous la domination française, ce qui a eu pour effet de la placer dans un ordonnancement juridique sur le continent français, différent quant à leur origine et leurs caractéristiques et même leur nature. Le seul texte législatif qui l’aborde expressément est l’arrêté Miot du 22 thermidor an X (10 août 1802)51. Il avait pour seul objectif de répartir l’impôt foncier entre le propriétaire du sol et celui de l’arbre et n’a d’ailleurs pas été appliqué alors même qu’en tant que disposition interprétative d’une loi générale, il continuait à s’imposer au-delà de la période de légalité d’exception dans laquelle s’insérait la mission de l’administrateur général André Miot. Le Code civil napoléonien ne lui accorde dans son article 553 qu’une tolérance implicite. Le Code rural qui consacre pourtant une section au bail à complant catalan et une autre, au bail à domaine congéable breton, l’ignore complètement et elle n’est donc de nos jours, qu’une spécificité semi-clandestine dans une île où les usages juridiques locaux n’ont même pas été officiellement répertoriés par les chambres d’agriculture…

50. La Coltivatione…, op. cit.. 51. Arrêté qui règle un des articles relatifs à l’assiette de la contribution foncière pour la formation des nouvelles matrices de rôles, Archives départementales de Corse-du-Sud 4K1. Cf. Louis ORSINI, Le régime juridique des arrêtés Miot, thèse droit, Corte, mai 2008, Atelier national de reproduction des thèses, T. 1, p. 369-370.

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C H A P I T R E

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La Corsica e l’Enquête agricole del 1866

Marco CINI

L’ENQUÊTE AGRICOLE : CONSIDERAZIONI INTRODUTTIVE

L’Enquête agricole indetta da Napoleone III nel 1866 traeva origine, come è noto, da una congiuntura economico-sociale caratterizzata dall’insorgere di preoccupanti segnali di instabilità, tali da spingere le autorità imperiali ad indagare in profondità le condizione della piccola e media proprietà rurale. L’Inchiesta, ordinata con decreto del 28 marzo 1866, intendeva primariamente valutare la situazione dell’agricoltura e studiare i mezzi atti a favorirne i progressi, ma affrontò anche tematiche di economia rurale di più ampio respiro, come la costituzione e la trasmissione della proprietà rurale, il credito agrario e l’imposizione fondiaria, la legislazione doganale e fiscale. Proprio per la molteplicità dei temi trattati e per la pluralità di soggetti che vi presero parte (proprietari fondiari, società d’agricoltura, camere di commercio, ecc.) l’indagine offre un quadro della struttura agricola francese molto più articolato rispetto alle descrizioni fornite da altre fonti statistiche dell’epoca quali, per esempio, gli Annuaires statistiques de France. Per quanto riguarda la Corsica, il documento presenta ulteriori motivi di interesse. La sua apparizione, infatti, coincide con una fase di accentuata dinamicità dell’agricoltura insulare e, conseguentemente, di trasformazione degli assetti che ne avevano regolato le dinamiche nei decenni precedenti l’instaurazione dell’Impero. In questo senso, l’Inchiesta, oltre a fornire informazioni sulla produzione, sulla tipologia delle colture e sulle tecniche di coltivazione, rivela anche gli orientamenti, non sempre omogenei, che maturarono fra i proprietari contestualmente alle trasformazioni in atto, riconducibili alle peculiari caratteristiche dei diversi circondari, ma anche agli interessi delle categorie di proprietari, grandi e meno grandi, vecchi e nuovi, ecc. L’Enquête agricole, in altre parole, « fotografa », seppure in modo imperfetto, l’inizio di una transizione verso un modello agricolo di tipo capitalistico ; un cambiamento destinato però a non dispiegarsi completamente, rallentando così la piena integrazione dell’economia insulare con le dinamiche di mercato della Francia continentale, e le cui cause, in questa sede, non potranno che essere accennate. È tuttavia indubbio che il cambiamento accelerò negli anni ‘50-’60,

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e modificò in profondità le strutture agrarie e sociali consolidatesi nei decenni precedenti. In base a quanto prescritto dal decreto del marzo 1866, la direzione dell’Inchiesta fu affidata ad una « Commissione superiore » composta di 43 membri (fra i quali figurava anche il còrso Severino Abbatucci). L’art. 5 del decreto prevedeva che a livello dipartimentale sarebbero state costituite delle commissioni d’inchiesta presiedute da un membro della Commissione superiore o da un delegato. Il Paese fu quindi diviso in 28 circoscrizioni, ciascuna raggruppante due o più dipartimenti, ad eccezione della ventottesima, che rappresentava unicamente la Corsica1. Le operazioni, iniziate nel marzo 1866, si conclusero nel maggio 1870 e i risultati furono pubblicati in 36 volumi a cura del Ministero dell’agricoltura e del commercio. I primi quattro volumi comprendono la rielaborazione delle rilevazioni statistiche compiuta dalla Commissione superiore ; la seconda serie, composta da 28 volumi, riproduce le inchieste condotte dalle Commissioni dipartimentali. La terza serie è costituita da un solo volume, nel quale sono trascritte le deposizioni orali ricevute dalla Commissione superiore, mentre la quarta serie, tre volumi, contiene la documentazione reperita all’estero. Nel complesso, l’Inchiesta raccolse circa 6.000 risposte scritte e circa 4.000 deposizioni orali, solo parzialmente pubblicate nei volumi sopra citati2. I dati sopra abbozzati, anche ad una lettura superficiale, sono indicativi della complessità dell’Inchiesta. Quest’ultima era ovviamente incentrata su un questionario articolato sulla base di quattro aree tematiche : il primo blocco di quesiti contemplava le condizioni generali della produzione agricola, ed era volto a indagare la situazione della proprietà fondiaria, i meccanismi di trasmissione della medesima, il credito agrario, i capitali, i rendimenti e i costi fissi, l’accrescimento dei salari. Il secondo blocco riguardava i modi di conduzione e le rotazioni, i sistemi di irrigazione, le colture speciali e foraggiere e, infine, il patrimonio zootecnico. Gli ultimi due quesiti concernevano la circolazione e la collocazione dei prodotti agricoli sui mercati, la legislazione doganale e i trattati di commercio. In Corsica, la Commissione dipartimentale fu presieduta dal già ricordato Abbatucci e fra i soggetti coinvolti nell’indagine figuravano, oltre ad un campione statisticamente significativo della proprietà fondiaria dei cinque circondari dell’isola, le Società d’agricoltura attive a quella data, la Camera di commercio di Bastia, nonché alcuni notabili la cui deposizione fu selezionata dalla Commissione dipartimentale per la rilevanza delle tematiche affrontate – immigrazione stagionale, insegnamento agricolo, credito fondiario, ecc. – che andavano ad integrare le risposte dei proprietari fondiari. Considerati limiti di spazio del presente contributo, nei paragrafi successivi si affronteranno soltanto alcune questioni che

1. 2.

Paul TUROT, L’Enquête agricole de 1866-1870, Paris, Librairie Agricole de la Maison Rustique, 1877, p. 1-9. Nadine VIVIER, « Les biens communaux en France de 1750 à 1914. État, notables et paysans face à la modernisation de l’agriculture », Ruralia [en ligne], n° 2, 1998, p. 6.

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l’Inchiesta portò all’attenzione generale, ed in particolare quelle che evidenziano le discontinuità con le dinamiche fondiarie e agrarie che avevano caratterizzato il periodo precedente. LA PROPRIETÀ FONDIARIA : ALCUNE OSSERVAZIONI

Conformemente all’impianto generale dell’indagine, un’attenzione particolare fu riservata alla problematica della proprietà fondiaria. L’Inchiesta stabilì che la proporzione fra grande, media e piccola proprietà potesse essere valutata nell’ 1 % per la grande (otre 50 ettari), nel 6 % per la media (tra 15 e 50 ettari) e nel 93 % per la piccola (meno di 15 ettari)3. Se, da un lato, è opportuno sottolineare che questi dati furono predisposti quando l’isola non era stata ancora dotata di un catasto geometrico-particellare4 – e non palesano l’amplissimo peso che, in alcuni circondari, avevano le proprietà comuni –, dall’altro documentano in modo inequivocabile la netta prevalenza della piccola proprietà contadina. Quest’ultima, del resto, si era moltiplicata nella prima metà del XIX secolo grazie a un processo alimentato sia dai meccanismi di trasmissione ereditaria stimolati dal Codice Civile francese (che equiparò nella successione le femmine ai maschi) sia, probabilmente in misura maggiore, dalla progressiva privatizzazione delle proprietà comunali. Allo stato attuale delle ricerche è molto difficile quantificare con esattezza tale dinamica ; tuttavia, il trend di crescita delle quote fondiarie, nonostante le imprecisioni connaturate a tale indicatore, documenta chiaramente l’incremento del numero di proprietari che si verifica nel corso del secolo e l’accelerazione che si manifesta nel periodo del II Impero (si veda Tab. 1). Altrettanto indicativa è la Tab. 2 da cui emerge la consistente crescita della piccola proprietà, sia in termini relativi (+ 46 % rispetto al 1835), sia in termini assoluti5. Tab. 1 : Quote fondiarie (1835-1865) 1835 58.734

1842 61.784

1858 80.314

1860 82.400

1861 83.550

1862 85.740

1863 86.417

1864 87.015

1865 89.211

Tab. 2 : Ripartizione delle quote fondiarie Sotto Fra Fra 5 fr. 5-10 fr. 10-20 fr. 1835 41.917 8.818 4.792 1842 43.699 9.258 5.258 1858 61.108 9.782 5.548

3.

4. 5.

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Fra 20-30 fr. 1.531 1.681 1.735

Fra 30-50 fr. 1.007 1.112 1.180

Fra Fra 100 50-100 -300 fr. 472 587 691

183 227 240

Fra Fra 500 Sopra Totale 300 -1.000 1.000 -500 fr. fr fr. 12 2 58.734 13 1 61.784 17 13 80.314

MINISTÈRE DE L’AGRICULTURE, DU COMMERCE ET DES TRAVAUX PUBLICS, Enquête agricole. 28 circonscriptions. Corse, Paris, Imprimerie impériale, 1867, p. 4 e 111 (d’ora in poi Enquête agricole). In Corsica, le operazioni di accatastamento si conclusero soltanto nel 1889. Le due tabelle sono state costruite rielaborando i dati della Statistique de la France. Agriculture. Résultats généraux de l’enquête décennale de 1862, Strasbourg, Imp. Administrative de Veuve Berger-Levrault, 1868, p. 248-260.

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La Commissione dipartimentale attribuì all’accresciuto frazionamento della proprietà e allo sviluppo della piccola coltura l’incremento della produzione che si era registrato nei lustri precedenti all’Inchiesta6. L’affermazione della Commissione è, evidentemente, difficilmente verificabile, e anche fra i proprietari fondiari insulari esistevano opinioni, a tal proposito, molto differenziate7. Già nei decenni precedenti si erano levate voci contrarie all’eccessiva parcellizzazione della proprietà fondiaria, fra cui quella dell’autorevole agronomo Louis Moll8. È poi sicuro che nei decenni successivi, proprio la prevalenza di questa tipologia di proprietà avrebbe costituito un pesante ostacolo alla meccanizzazione dell’agricoltura e all’utilizzo di fertilizzanti chimici. Tuttavia, è plausibile che in questa fase intermedia l’espansione della piccola proprietà abbia contribuito all’incremento della produzione agricola lorda, come indicato dalla Commissione dipartimentale : in effetti, nelle campagne còrse il lavoro salariato era scarsamente diffuso (con la rilevante eccezione dei lavoratori stagionali provenienti dall’Italia, a cui l’Inchiesta dedica numerose pagine)9 e l’affitto capitalistico era pressoché inesistente ; la mezzadria classica era limitata ad alcune aree, mentre largamente diffusi erano la conduzione diretta e la colonia parziaria10 : entrambe le modalità di conduzione, e la loro combinazione11, tendevano a massimizzare la messa in valore della piccola proprietà e, allo stesso tempo, ostacolavano i tentativi, che pure furono esperiti, di introdurre nell’isola la grande coltura. È comunque plausibile ritenere che la crescita della produzione agricola sperimentata in questo periodo sia stata sostenuta soprattutto da altri fattori : in primo luogo dagli investimenti realizzati dall’amministrazione napoleonica per la costruzione di infrastrutture, di cui l’isola era totalmente sprovvista e, in secondo luogo, dalla progressiva mercantilizzazione dell’agricoltura come riflesso del graduale inserimento dell’economia insulare in quella nazionale. Per quanto riguarda il primo punto, un ruolo determinante fu giocato dalla costruzione della rete stradale. Nel 1866 erano stati realizzati poco più di 2.000 km di strade così articolati : 1.082 km di strade imperiali (nove strade, di cui 821 km in esercizio e 251 km in costruzione ; negli anni ‘30 erano appena tre per uno

6. 7. 8.

Enquête agricole, op. cit., p. 111. Ibid., p. 47 e 177. « Agriculture de la Corse. Extrait du Rapport inédit de M. Moll à M. le ministre des Travaux publics, de l’Agriculture et du Commerce », Journal d’agriculture pratique, de jardinage et d’économie domestique, n° 5, 1837, p. 230-231. 9. Marco CINI, « Aree economiche marginali e mercato del lavoro nel Mediterraneo : l’emigrazione toscana in Corsica nel XIX secolo », Études corses, n° 75, 2012, p. 49-76. 10. Le condizioni del contratto di colonia parziaria presentavano notevoli diversità da zona a zona o a seconda della tipologia di coltivazione. A Bastia, per esempio, nel caso della coltivazione degli olivi e dei castagni il colono prendeva 1/3 del raccolto ; nella coltura dei cereali e legumi, invece, aveva diritto a 3/4 del raccolto (Enquête agricole, op. cit., p. 138). 11. La Commissione dipartimentale, a tal proposito, valutava che circa la metà della popolazione agricola attiva lavorasse alternativamente in proprio e per conto di altri (Ibid., p. 111).

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sviluppo di 211 km), 100 km di strade dipartimentali, 553 km di strade forestali e 382 km di strade vicinali12. Con la realizzazione della rete stradale furono poste le premesse per il superamento della rigida specializzazione colturale delle singole comunità e dei meccanismi di scambio fra le stesse che si erano consolidati nel corso del XVIII secolo. Le produzioni delle varie pievi, infatti, avevano a lungo risposto a logiche autarchiche che ostacolavano la concorrenza. Le due macroregioni in cui era suddivisa l’isola producevano beni simili : ciò poneva un limite ben preciso alla possibilità di accelerare il processo di mercantilizzazione dell’economia insulare e di incrementare il commercio interno. Il risultato di questa dinamica aveva portato al consolidamento di un’agricoltura basata sulla cerealicoltura, caratterizzata peraltro da rendimenti molto bassi e dall’impermeabilità a qualsiasi innovazione tecnica13. L’incremento dei collegamenti terrestri e dei traffici interni (confermato anche dal rallentamento del commercio di cabotaggio fra i porti dell’isola)14 costituì la premessa per dare concreto seguito all’opzione abbracciata da alcuni esponenti del ceto fondiario di avviare la sostituzione delle coltivazioni cerealicole con colture maggiormente redditizie come le vigne, gli olivi, gli alberi da frutta, i legumi e vari prodotti orticoli. Su alcune di queste colture torneremo nei prossimi paragrafi. Intanto è opportuno sottolineare che, grazie all’avvio di questo processo, il commercio intra-cantonale aumentò sensibilmente, spezzando le dinamiche autarchiche del passato. A titolo d’esempio, l’Inchiesta rilevava come la città di Corte, trent’anni prima, fosse tributaria del cantone di Venaco per l’approvvigionamento di patate, cipolle e cereali. In quel momento, invece, comprava ancora i cereali, sebbene in quantità minore, ma non acquistava più ortaggi e verdura, che invece smerciava negli altri cantoni15. A ciò si deve aggiungere che la costruzione della rete stradale e la contrazione della cerealicoltura stimolarono un progressivo incremento del valore della terra. La Société d’agriculture di Bastia, a tal proposito, sostenne che i territori della piana orientale avevano raddoppiato il loro valore, grazie alla costruzione della strada imperiale e delle strade vicinali che la collegavano ai villaggi collinari e alla bonifica. Anche i proprietari fondiari di Sartene ritenevano che, in seguito all’apertura delle strade e alla situazione di generale tranquillità che caratterizzava il circondario, il valore della terra fosse raddoppiato o triplicato rispetto a trent’anni prima. A Corte, l’incremento del valore della terra fu valutato in un 1/3, ancora una volta dovuto allo sviluppo delle comunicazioni e all’annichilimento del banditismo16. 12. Ibid., p. 101 e 123. 13. Antoine CASANOVA, Identité corse, outillages et Révolution française, Paris, éditions du CTHS, 1996. 14. « Résultats constatés par le service des douanes sur la situation commerciale et industrielle de la Corse ». 1862, in Procès-verbal des délibérations du Conseil général précédé du Rapport de M. Géry, préfet du département, Ajaccio, G. Marchi, 1862, p. 176. 15. Enquête agricole, op. cit., p. 80. 16. Ibid., p. 48, 52, 137 e 151. La Commissione dipartimentale stimò il valore della terra nei seguenti termini : terre arabili di prima qualità da 1.000 a 2.000 fr. l’ettaro ; di seconda qualità

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LE COLTURE CEREALICOLE

L’Inchiesta mostra con chiarezza l’indebolimento della cerealicoltura, che fino a pochi anni prima aveva rappresentato una vera e propria monocoltura. L’impressione generale è che a partire dagli anni ‘40 prenda avvio un processo di sostituzione dei cereali con alberi da frutta, praterie naturali e artificiali, vigne, ecc. L’ampliamento delle terre coltivabili – grazie al recupero di superfici reso possibile dalle opere di bonifica17 – è in questa fase ancora limitato : più rilevante appare la propensione dei proprietari a sostituire i cereali con coltivazioni più remunerative. Quantificare tale fenomeno non è agevole : per la Corsica il problema, come è noto, è la scarsa affidabilità delle rilevazioni statistiche relative alla produzione agricola, determinata, in primis, dalla mancanza del catasto. Fra le varie serie statistiche prodotte durante il II Impero, le più attendibili sono senz’altro le Statistiche decennali del 1852 e del 1862. Entrambe sono molto prossime alla data dell’Inchiesta agraria, e furono condotte con criteri originali rispetto alle indagini degli anni immediatamente precedenti18 : la prima, peraltro, è stata oggetto di un’analisi approfondita che ha portato alla luce una messe di informazioni non riscontrabili nelle altre rilevazioni di natura analoga19. La comparazione fra i dati contenuti in questi due studi con quelli che emergono dall’Inchiesta ci consente di valutare criticamente le dinamiche fondiarie descritte dai possidenti còrsi, a partire dalla regressione delle colture cerealicole, da tutti denunciato come fenomeno in via di consolidamento. Secondo quanto rilevato dalla Commissione dipartimentale, nel 1866 i cereali occupavano una superficie di 74.586 ettari, distribuiti fra le diverse coltivazioni come risulta dalla Tab. 3.

da 500 a 1.000 fr. ; di terza qualità da 100 a 400 fr. Le terre irrigate e le praterie artificiali potevano arrivare a 3.500 fr. (Ibid., p. 112). 17. Durante il II Impero furono bonificati più di 500 ettari a Calvi e a Saint-Florent, e furono realizzati alcuni interventi anche a Portovecchio. Fu aperto un canale nella Casinca, che consentì l’irrigazione di circa 1.500 ettari. Nel 1862 fu dichiarato di pubblica utilità il canale della Gravona, destinato all’irrigazione delle terre nei dintorni d’Ajaccio e a portare in città l’acqua potabile. Nel 1867 iniziarono i lavori di bonifica della piana di Casinca, conclusisi nel 1870 (Exposé de la situation de l’Empire présenté au Senat et au Corp Législatif, Paris, Imprimerie Imperiale, 1869, p. 101-102). 18. Oltre al classico lavoro di Bertrand GILLE, Les sources statistiques de l’histoire de France, des enquêtes du XVIIe siècle à 1870, Geneve, Droz, 1964, si veda anche Gérard KLOTZ, « L’économie saisie par la statistique », Romantisme, n° 133, 2006, p. 59-69, e la bibliografia ivi citata. 19. Statistique de la France : statistique agricole, Paris, Imprimerie Impériale, 1858-1860. I dati completi contenuti in tale indagine statistica sono consultabili in linea grazie al lavoro di Béatrice MARIN et Mathieu MARRAUD, L’enquête agricole de 1852, http://acrh.revues. org/3696. Più in generale, si veda Michel DEMONET, Tableau de l’agriculture française au milieu du XIXe siècle : l’enquête de 1852, Paris, éds de l’école des Hautes études en Sciences Sociales, 1990.

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Tab. 3 : Inchiesta agricola dipartimentale 1866 : cereali Ettari coltivati nel 1866

Prodotto medio per ettaro (hl)

Grano

48.636

11

Valore totale (franchi) 10.700.000

Segale

3.214

18

450.000

Orzo

20.000

15

3.000.000

Mais

2.736

36

985.000

Il dato sopra citato si approssima a quello rilevato dalla Statistica decennale del 1852, quando risultavano coltivati a cereali 76.074 ettari (Tab. 4), ed è effettivamente inferiore al dato contenuto nella Statistica decennale del 1862, pari a 81.038 ettari (Tab. 5). Tab. 4 : Statistica decennale 1852 : cereali Ettari Quancoltivati tità di nel 1852 semente per ettaro Grano Meteil Segale Orzo Mais

53.668 482 2.857 16.838 2.229

1,4 1,9 1,58 1,85 0,46

Prodotto Quantità medio totale per prodotta : ettaro anno (hl) ordinario (hl) 10,8 534.020 9,73 4.566 10,21 27.839 16,11 254.931 11,95 26.068

Quantità totale prodotta nel 1852 (hl)

Valore totale (franchi)

Quantità consumata (hl)

Totale salari per lavorazione di un ettaro (franchi)

579.837 4.688 29.178 271.319 26.644

11.230.656 73.143 376.104 2.587.702 259.227

347.188 3.308 14.936 121.885 14.864

93 112 94 102 83

Tab. 5 : Statistica decennale 1862 : cereali Ettari coltivati nel 1862 Grano Meteil Segale Orzo Avena Mais

60.753 345 1.968 15.678 200 2.094

Quantità di semente per ettaro 1,26 0,99 1,37 1,71 2 0,39

Prodotto medio per ettaro (hl) 9,32 8,33 10,14 14,20 14,22 17,74

Quantità totale prodotta nel 1862 (hl) 566.356 2.769 19.952 222.587 2.844 37.173

Valore totale (franchi) 11.862.553 52.417 318.410 2.306.127 29.199 472.475

La comparazione dei dati sopra forniti suggerisce una effettiva riduzione delle colture cerealicole, sebbene tale riduzione non appaia fortemente pronunciata. Del resto, fino agli anni ‘50 i cereali erano costantemente aumentati20 come riflesso della crescita demografica iniziata alla fine del XVIII secolo. È dunque probabile che, in questi anni, il processo di contrazione della cerealicoltura sia stato più marcato

20. È opportuno precisare che, in una prospettiva nazionale, la Corsica aveva una superficie destinata ai cereali molto bassa (si collocava all’86 posizione su 89) : 9,3 ettari ogni 100, mentre la media nazionale era di 28,7 ettari (Statistique de la France. Agriculture. Résultats généraux de l’enquête décennale de 1862, op. cit., p. IX).

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in alcune zone dell’isola e che sia stato in parte compensato dalla diffusione della coltura dei cereali nelle zone vergini, come la piana orientale, di recente bonifica. Le spinte affinché si avviasse un processo di sostituzione dei cereali con colture maggiormente redditizie erano riconducibili ai bassi rendimenti cui dava luogo la cerealicoltura. Questi ultimi, a loro volta, erano dovuti alla minore quantità di semente utilizzata, ma soprattutto alle modalità di coltivazione arretrate e all’assenza di rotazioni efficaci che lasciavano spazio esclusivamente al maggese21. In generale, il rendimento medio per il grano fu stimato nella proporzione di 11 hl ad ettaro per uno di semente, ma i rendimenti, pur bassi, variavano moltissimo a seconda dell’altitudine della zona di coltivazione e della natura del terreno. In ogni caso, la Statistica decennale del 1862 poneva l’isola all’ultimo posto come rendimento lordo, con 9,32 hl per ettaro, rispetto ad una media nazionale calcolata in 14,67 hl per ettaro22. Nella seconda metà del XIX secolo, con l’ampliamento dei traffici marittimi e l’apertura di nuove strade, prese avvio una trasformazione dell’agricoltura nella direzione di una specializzazione più conforme alle attitudini della regione, soprattutto nelle zone collinari, di bassa montagna e nelle valli : la cerealicoltura estensiva iniziò a contrarsi, mentre le colture arbustive e i prodotti orticoli guadagnarono spazio. Si tratta di un processo di cui l’Inchiesta documenta l’evoluzione nei diversi circondari e che fu stimolato dalla progressiva privatizzazione delle proprietà comunali e dalla legge del 1854 che proibì la vaine pâture – una servitù stabilita sulle terre di particolari e comunali, aperte e incolte, a profitto dei proprietari di bestiame e a detrimento dei proprietari fondiari –, misure che alimentarono il processo di recinzione delle terre. Tale fenomeno è chiaramente comprovato dall’Inchiesta : nel circondario d’Ajaccio, la regressione delle colture cerealicole era ascrivibile alla riduzione del bestiame. Fino agli anni ‘40 gli agricoltori avevano posseduto numerosi capi di bestiame, poiché potevano usufruire, per il pascolo, delle proprietà comuni nelle Sanguinarie e del libero percorso (abolito nel 1854) : negli anni in cui il raccolto di grano era scarso potevano integrare i loro redditi vendendo parte del bestiame. Quest’ultimo iniziò a ridursi dopo che, nel 1848, le proprietà comuni delle Sanguinarie furono recintate e date in affitto23 ; l’aumento dei costi per il nutrimento del bestiame ne causò una rapida riduzione, e ciò spinse gli agricoltori ad abbandonare l’agricoltura e ad abbracciare altri mestieri. Il secondo elemento, strettamente correlato al primo, che aveva concorso all’abbandono della cerealicoltura era individuato nella progressiva espansione delle praterie naturali ed artificiali. Come accennato,

21. L’avvicendamento più praticato era la coltura di grano e orzo per tre anni e poi il maggese per un periodo da tre a dieci anni (Enquête agricole, op. cit., p. 115). Tuttavia, già da alcuni anni in alcune zone si praticavano rotazioni più razionali (si veda, a tal proposito, l’efficace descrizione fornita da Eugène BURNOUF, Les assolements en Corse, Bastia, Fabiani, 1855). 22. Statistique de la France. Agriculture. Résultats généraux de l’enquête décennale de 1862, op. cit., p. XI. 23. Nel caso citato si reputava che bestiame fosse diminuito di 3/4 rispetto agli anni ‘40 ; ciò aveva comportato un aumento del prezzo della carne (da 50-60 centesimi il kg a un franco).

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l’abolizione della vaine pâture aveva accentuato il fenomeno della recinzione delle terre, accrescendone il valore : per i proprietari era quindi diventato più conveniente avviare la coltivazione dei foraggi e affittarle agli allevatori (il ricavo era valutato in 1/3 in più rispetto al rendimento dei cereali)24. Nelle zone in cui il fenomeno delle recinzioni non si era manifestato, i proprietari intervistati sottolineavano che il rendimento delle terre coltivate a grano era, nel corso degli anni, diminuito perché i terreni erano ormai esausti, sia per il secolare sfruttamento, sia perché non rigenerati da efficaci concimazioni. L’avvio della conversione ad altri tipi di colture traeva origine senz’altro da tale dinamica, ma fu probabilmente stimolato anche dalla tendenziale riduzione del prezzo del grano. La dinamica dei prezzi riguardante tale derrata fu influenzata, nel medio periodo, da due fattori fra loro strettamente correlati. In primo luogo, la diseguale distribuzione della popolazione fra città e campagne. Come già accennato, l’incremento del trend demografico appare chiaramente già all’inizio del secolo, ma l’accrescimento maggiore aveva riguardato le città : secondo il censimento del 1831, le città capoluogo di circondario (Ajaccio, Bastia, Corte, Calvi e Sartene) ospitavano 23.546 abitanti, mentre secondo quello del 1861 avevano raggiunto quota 45.654 (+ 94 %). Le campagne, invece, contavano 174.421 abitanti nel 1831 e 207.258 nel 1861, con un incremento del 19 %. Le città, e soprattutto, Bastia, erano diventati centri di consumo principali dei prodotti cerealicoli ; tuttavia, per quanto riguarda il grano, la Corsica riusciva nelle annate buone a soddisfare il fabbisogno per soli sei mesi. Da alcuni anni, quindi, erano aumentate le importazioni di farine da Marsiglia (dal 1858 al 1862 la media annua era stata di 5.000 tonnellate), avviando un processo di sostituzione della produzione locale con le importazioni dal continente francese25. Nel 1864, il presidente della Société d’agriculture di Bastia ribadì tale dinamica : nei cinque anni precedenti, infatti, la Corsica aveva importato, anno medio, 80.000 ettolitri di grano e farina ; di questi, 55.000 erano stati consumati dalla città di Bastia. Il grano importato da Marsiglia era però di bassa qualità e, spesso, avariato. L’importazione di grandi quantità di farine era stimolata dal basso prezzo dei cereali venduti a Marsiglia, la quale era diventata il ricettacolo dei cereali più scadenti coltivati nel territorio francese e rifiutati dagli altri dipartimenti. La Corsica era spinta ad importarli per la cronica carenza di denaro che affliggeva il dipartimento. Questi cereali importati concorrevano però a ridurre il prezzo del frumento locale26 : « c’est la place de Marseille qui fait le marché de la Corse » sentenziò correttamente la Commissione dipartimentale nel 1866, rimarcando che il prezzo del grano prodotto nell’isola era determinato dal corso dei prezzi

24. Enquête agricole, op. cit., p. 28-29. 25. Résultats constatés par le service des douanes sur la situation commerciale et industrielle de la Corse, op. cit., p. 167. 26. Rapport de M. Limperani sur la situation et les besoins de l’agriculture à la fin de l’année 1864, Bastia, Fabiani, 1865, p. 17-19.

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vigenti a Marsiglia27. Per tale ragione, alcuni fra i più rappresentativi notabili rurali dell’isola si pronunciarono favorevolmente all’introduzione di specifici dazi sul frumento e sulle farine importate dal continente, mettendo quindi in discussione la normativa doganale del 15 giugno 1861 che aveva abolito l’échelle mobile e liberalizzato il commercio frumentario all’interno dell’Impero28. È opportuno sottolineare che questa proposta non riscosse particolari consensi fra i proprietari còrsi, come peraltro emerge anche dall’Inchiesta : la Société d’agriculture de Calvi, per esempio, valutò positivamente l’introduzione del liberoscambismo, al quale doveva essere ricondotto l’incremento delle esportazioni di uva e di olio29. La vicenda, che meriterebbe di essere studiata con maggiore attenzione, è emblematica della frattura che sembra avvenire all’interno del ceto dei possidenti fondiari, fra i rappresentanti della proprietà fondiaria più tradizionale legati alla produzione per il mercato insulare, e i « nuovi » proprietari che avevano avviato un processo di conversione della produzione, destinata all’esportazione sul mercato nazionale. LE COLTURE FORAGGIERE

L’Inchiesta mette ben in evidenza l’avanzamento delle colture foraggiere. La prassi della coltura estensiva di cereali richiedeva una grande quantità di lavoro, mentre le rese assicurate, per le tecniche arcaiche di coltivazione utilizzate e per il basso prezzo di vendita, erano assai limitate. Fin dagli anni ‘40, alcuni fra i più qualificati possidenti fondiari sostennero la necessità di introdurre rotazioni più moderne, sostituendo i cereali con i foraggi ; ciò avrebbe reso possibile ridurre la superficie da coltivare e consentito l’allevamento del bestiame sul luogo stesso del lavoro. Circostanza, quest’ultima, che avrebbe permesso di produrre il concime necessario alle coltivazioni, aumentandone quindi il rendimento complessivo30. L’Inchiesta stimava l’estensione delle praterie naturali in 8.421 ettari, mentre le praterie artificiali occupavano il 3 % delle terre coltivate. Probabilmente si tratta di una sovraestimazione (si vedano a tal proposito i dati, più attendibili, delle Tab. 6 e 7), anche se è indubbio che rispetto al decennio precedente queste colture avevano conosciuto un sensibile ampliamento.

27. Enquête agricole, op. cit., p. 125. 28. Rapport de M. Limperani sur les résultats de l’enquête agricole et la situation de l’agriculture à la fin de l’année 1866, Bastia, Fabiani, 1867, p. 5-11. Un orientamento analogo era già stato espresso da Horace CARBUCCIA, Rapport sur l’état actuel de l’agriculture et de l’industrie dans l’arrondissement de Bastia, Bastia, Fabiani, 1857. 29. Enquête agricole, op. cit., p. 177. 30. Si vedano, a tal proposito, Antonio Giacomo GAVINI, Analyse statistique et considérations d’économie rurale sur la Corse, [1842], manoscritto conservato presso la Bibliothèque Municipale d’Ajaccio, Fonds Cardinal Fesch, MSS 182 ; e Un mot sur les moyens d’améliorer l’agriculture en Corse, par C.A. Pozzo di Borgo, Ajaccio, Imp. Marchi, 1845.

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Tab. 6 : Statistica decennale 1852 : foraggi Praterie naturali Superficie totale (ettari)

Superficie irrigata (ettari)

1.601

418

Prodotto Prodotto Prodotto Prodotto Prezzo medio non medio totale totale medio irrigata irrigata anno 1852 (q) quintale di (q/h) (q/h) ordifieno (fr.) nario (q) 20,29 29,29 34.493 36.716 4,45

Quantità di fieno consumato (q)

40.389

Praterie artificiali Superficie totale (ettari)

Prodotto medio (q/h)

Prodotto totale anno medio (q)

Prodotto totale 1852 (q)

Quantità di fieno consumato (q)

1.225

48,72

63.310

59.684

49.932

Tab. 7 : Statistica decennale 1862 : foraggi Praterie naturali Superficie totale (ettari)

Superficie non irrigata (ettari)

Superficie irrigata (ettari)

Superficie verzieri (ettari)

Prodotto totale (q)

Valore totale (fr.)

3.130

1.095

1.846

189

90.988

644.797

Prodotto totale (q)

Prezzo medio quintale di fieno (fr.)

Valore totale (fr.)

65.537

8,36

548.254

Praterie artificiali Superficie totale (ettari) 1.084

Prodotto 1862 Prodotto anno (q/h) medio (q) 38,78

36,32

Il rendimento medio era stimato in 35-40 quintali l’ettaro, per un prezzo medio di 5 fr. al quintale. Benché le colture foraggiere fossero state ritenute indispensabili per trasformare gli assetti produttivi dell’agricoltura insulare, la loro espansione trovò negli anni successivi due limiti invalicabili. Il primo limite coincide con il fatto che il foraggio prodotto non era destinato al nutrimento del bestiame d’allevamento, poiché in Corsica non si praticava l’allevamento stabulare, ma a quello da lavoro e da soma che, in alcuni circondari, era aumentato notevolmente grazie all’accresciuto movimento industriale31. Ciò sembra essere vero per il circondario di Bastia, che proprio in questi anni si trovò al centro di numerosi investimenti destinati alla costruzione di infrastrutture (l’ampliamento del porto, la costruzione di strade, la bonifica della piana orientale) e alla realizzazione di fabbriche, su tutte l’impianto siderurgico di Toga. Questo movimento agì sicuramente da stimolo sull’allevamento, retroagendo sulla produzione di foraggi32, ma l’impressione è che nel resto della regione in questi anni il bestiame sia sostanzialmente diminuito. Ciò

31. Enquête agricole, op. cit., p. 116-117. 32. Questa dinamica è ben spiegata da un proprietario bastiese, il quale sostenne che l’incremento delle praterie artificiali era la conseguenza dell’aumento del bestiame di grossa taglia, bovini ed equini, impiegati come bestie da soma nei lavori di costruzione delle strade (Ibid., p. 55).

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è documentato dalle Statistiche decennali del 1852 e del 1862 (si veda Tab. 8), ma ne troviamo tracce anche nell’Inchiesta : nel circondario di Corte, per esempio, si osservava che il bestiame aveva iniziato a diminuire dopo l’introduzione della legge sulla vaine pâture, tanto da causare un rincaro della carne e da danneggiare la cerealicoltura per la rapida diminuzione degli ingrassi33. Tab. 8 : Equini, bovini, ovini

1852 1862

Cavalli

Asini

Muli

Tori

Buoi

Vacche

15.104 13.793

6.199 5.326

11.331 10.692

4.093 2.414

19.457 15.915

20.014 14.595

Totale bovini 60.412 47.841

Totale ovini 367.710 545.888

La riduzione del patrimonio zootecnico – soprattutto quello di grossa taglia – era quindi riconducibile al divieto imposto nel 1854 al libero percorso del bestiame e alla graduale privatizzazione delle terre comunali, un processo che era ripreso con vigore proprio nel periodo del II Impero, e alla conseguente crescente recinzione delle proprietà fondiarie, che spingevano verso l’alto il prezzo degli affitti34 e del cibo per il bestiame. Il secondo limite all’estensione dei foraggi coincide con l’elevato costo delle praterie artificiali, determinato dalla necessità di provvedere a un’irrigazione adeguata delle coltivazioni. La difficoltà nell’approntare la costruzione di una efficiente rete di canali era accentuata, da un lato, dall’esasperata frammentazione della proprietà fondiaria e, dall’altro, dalla pressoché totale mancanza di spirito d’associazione che cementasse l’iniziativa dei proprietari dei terreni destinati a trarre beneficio dalla realizzazione di tali infrastrutture idriche. Ciò rimandava al problema, più volte denunciato nell’Inchiesta, della carenza dei capitali e del loro costo elevato35, che ostacolava oggettivamente qualsiasi programma organico d’investimento per il miglioramento della proprietà fondiaria e per l’ampliamento delle coltivazioni che richiedevano esborsi di capitali particolarmente significativi.

33. Ibid., p. 80. Anche nel circondario di Ajaccio l’allevamento si era ridotto e il bestiame non era più sufficiente ai bisogni locali poiché il consumo della carne era aumentato parallelamente all’espansione demografica della città capoluogo. Già da alcuni anni il circondario soddisfaceva le proprie esigenze alimentari importando bovini e altro bestiame dalla Sardegna (Rapport de M. Frasseto, Président de la Société d’Agriculture, Sciences et Arts d’Ajaccio, lu à la séance du 4 Juin 1865, Ajaccio, Imp. Marchi, 1865, p. 7-8). 34. La Commissione dipartimentale stimava che l’affitto delle praterie e delle zone per la pastorizia si praticava a prezzi crescenti, e che il canone d’affitto era raddoppiato rispetto a trent’anni prima (Enquête agricole, op. cit., p. 112). 35. A causa dell’inaccessibilità al credito agrario e dell’assenza di un circuito bancario strutturato, gli agricoltori potevano accedere al credito soltanto attraverso i prestiti su ipoteca o tramite contratti di vendita delle loro proprietà con obbligo di riscatto. Il tasso d’interesse ufficiale era del 5-6 %, ma in realtà era molto più alto (a Bastia, per esempio, era del 7-8 %) e spesso sconfinava nell’usura (Ibid., p. 112 e 138).

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LE ALTRE COLTURE : VIGNE E OLIVI

Oltre ai foraggi, le altre due colture che conobbero un incremento significativo e sulle quali si concentrarono l’attenzione e gli investimenti dei possidenti fondiari furono la viticoltura e l’olivicoltura36. In entrambi i casi, tuttavia, già sul finire del secolo si manifestò una vistosa e prolungata contrazione della produzione, indicativa della fragilità delle strategie perseguite nei decenni precedenti. La vigna rappresenta la coltura che in questi anni sperimenta il progresso più significativo. Per contrastare la crisi innescata dall’oidium, fin dal 1856 era stata introdotta la pratica della zolfatura dei vitigni, misura che aveva consentito una ripresa significativa delle superfici coltivate. La stima fornita dall’Inchiesta è di 17.000 ettari, ed è coerente con altre valutazioni dell’epoca, che quantificano i terreni coltivati a vigna fra i 16.000 e i 18.500 ettari37 ; tali valutazioni, peraltro, non contraddicono i dati forniti dalle Statistiche decennali del 1852 e del 1862 (si vedano Tab. 9 e 10). Tab. 9 : Statistica decennale 1852 : vigne Superficie coltivata (ettari)

Prodotto medio per ettaro (hl)

Prodotto totale anno ordinario (hl)

Prodotto totale 1852 (hl)

13.648

25,69

453.790

350.642

Quantità di Prezzo Prezzo vino espor- medio di un medio di un tato (hl) hl di vino hl di vino rosso (fr.) bianco (fr.) 52.642

18,30

15,58

Tab. 10 : Statistica decennale 1862 : vigne Superficie coltivata (ettari)

Prodotto medio per ettaro (hl)

Prodotto totale (hl)

14.158

23,83

337.430

Prezzo medio di Valore totale (fr.) un hl di vino (fr.) 41,39

13.969.506

La situazione della viticoltura nei vari circondari appare molto diversificata, per quanto tendenzialmente in espansione. Nel circondario di Ajaccio il prezzo del vino era costantemente in aumento (circa 40 franchi l’ettolitro). Il rendimento annuo di un ettaro di vigna era stimato in circa 1.360 fr., mentre il valore di un ettaro era valutato in 6.000-10.000 franchi. Il vino era interamente consumato nel circondario, poiché il suo prezzo elevato, rispetto ai vini prodotti in Francia, ne ostacolava l’esportazione sul continente. Altrettanto in ripresa era nei circondari di Calvi,

36. Si veda, a solo titolo d’esempio, il Compte-rendu de l’Exposition Générale des produits agricoles, industriels et artistiques de la Corse, Bastia, Fabiani, 1865. Vino e olio furono i prodotti maggiormente promossi in occasione della partecipazione dei produttori dell’isola alle Esposizioni Universali durante il periodo del II Impero (si veda Marco CINI, « Una vetrina internazionale per lo sviluppo : la Corsica e le Esposizioni Universali », Diacronie. Studi di storia contemporanea, n° 18, 2014, p. 1-17). 37. Mémoire sur la Corse, 1869, (manoscritto conservato presso la Bibliothèque Patrimoniale de Bastia, M.CART, 22.20) ; Giuseppe Antonio OTTAVI, Il presente e l’avvenire dell’agricoltura in Corsica, Casale, Tip. Eustachio Maffei, 1870, p. 15.

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AUTOUR DE LA COLTIVATIONE

Bastia e Corte, mentre in quello di Sartene tale ripresa stentava maggiormente38. Tuttavia, numerosi proprietari sottolinearono che i metodi di coltivazione della vigna erano troppo costosi e poco razionali39. A tal proposito, comunque, non si può non sottolineare come gli stessi proprietari non avessero fatto investimenti mirati ad aumentare la produttività della vite (circostanza denunciata da numerosi agronomi dell’epoca, fra cui Ottavi40), limitandosi ad ampliare la superficie destinata a tale coltura e continuando ad affidare i lavori d’impianto della vigna ai lavoratori stagionali italiani, legati a prassi obsolete e profondamente diverse rispetto alle tecniche di coltivazione più avanzate adottate in Francia. Per questa ragione, le crisi che colpirono la viticoltura nei decenni successivi (in primo luogo la diffusione della fillossera41) colpirono duramente alla viticoltura còrsa, dissuadendo i proprietari dal fare nuovi e più mirati investimenti. Un esito analogo ebbe l’olivicoltura. La superficie occupata dagli olivi, secondo l’Inchiesta, era quantificabile in 12.000 ettari, comprensivi sia delle piante innestate che di quelle selvatiche. I circondari che vedevano una maggiore presenza di tale albero, rispetto alle altre due più importanti coltivazioni arbustive dell’isola – viti e castagni –, erano quelli di Bastia, Calvi e Sartene42. Al di là dell’enfasi che emerge dall’Inchiesta, è probabile che il saggio di crescita della superficie occupata dagli olivi sia stato abbastanza ridotto : dalla Statistica decennale del 1852, infatti, risulta che gli olivi coprivano circa 11.000 ettari43. Più che all’ampliamento delle superfici coltivate, in questo periodo l’attenzione dei proprietari fondiari si concentrò sulla necessità di fabbricare olio commestibile di buona qualità, poiché gli olii stranieri utilizzati nei procedimenti industriali e

38. Le vigne erano state distrutte dall’oidium nei cantoni di Portovecchio e Bonifacio ; minor danni si erano registrati in quelli di Sartene, Santa Lucia di Tallano e di Petreto. 39. I metodi di coltivazione variavano notevolmente da zona a zona ; in generale, tuttavia, le tecniche di coltivazione erano molto arretrate. Jules Guyot, che conosceva molto bene le condizioni della viticoltura insulare, criticava l’uso di piantare le viti molto in profondità. Il risultato era che il primo raccolto si realizzava solo dopo sei anni e il pieno raccolto solo al decimo anno, mentre in altri dipartimenti (per esempio in Linguadoca) il pieno raccolto era disponibile dopo quattro anni dalla creazione dell’impianto Ciò, ovviamente faceva lievitare i costi di produzione e scoraggiava l’estensione della coltivazione della vite (Jules GUYOT, Étude des vignobles de France, Paris, à l’Imprimerie impériale, 1868, p. 150 ss.). 40. Giuseppe Antonio OTTAVI, Peccati originali della viticoltura in Corsica. La fillossera e perché non vi rechi se non pochi danni, Casale, Tip. del Monferrato, 1877. 41. La fillossera si manifestò per la prima volta nei vigneti di Corte nel 1869, introdotta da vitigni prelevati da una pépinière di Bagnols-sur-Cèze (Gard). 42. La superficie coltivata a olivi in rapporto alle vigne e ai castagni, sulla base del catasto (18441882), era la seguente : circondario di Bastia 43 % ; circ. di Ajaccio 9 % ; circ. di Calvi 24 % ; circ. di Corte 7 % ; circ. di Sartene 17 % (Denis JOUFFROY, L’histoire de l’olivier et de l’huile d’olive en Corse de la fin du XVIe siècle au début du XXe siècle. Économie-société-aspects culturels, Tesi di dottorato discussa all’université de Corse, relatore prof. A. Serpentini, 2013, p. 969-980). 43. La Statistica decennale del 1852 indica che la superficie coperta da olivi era di 10.712 ettari ; la produzione ascendeva a 40.226 ettolitri e il valore complessivo dell’olio prodotto era di 3.952.933 franchi.

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