Bandits corses d’hier et d’aujourd’hui

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Dans les vieilles coutumes corses, la vendetta c’est non seulement le droit de se faire justice soi-même mais aussi l’obligation impérative, en cas de meurtre, d’acquitter la « dette de sang », de revendiquer, d’une façon générale, la réparation des offenses faites à l’honneur d’un membre du groupe familial1. Les vengeurs, en un mot, poursuivent, jusqu’à complète satisfaction, un but de justice. Malgré tout ce qu’on a pu écrire, la vendetta existait en Corse bien avant l’arrivée des Génois2. Est-ce une survivance de la Grèce homérique3 ? Elle serait, plus sûrement, d’origine libyenne, s’il est vrai, comme l’affirme le docteur Jaubert4, que les Corses appartiennent, d’après leur indice céphalique, à la race berbère. Dans tous les cas, c’est un legs des peuples barbares ; les Lombards en fixent les règles dans la lex longobardica5 ; c’est par cette voie, sans doute, que le droit de la vendetta se répand en Italie, s’infiltre, en particulier, au Moyen Âge, dans les Statuts civils et criminels de Pise, de Gênes, et, par suite, dans ceux de Corse6, donne un fondement juridique aux anciennes traditions insulaires, s’épanouit dans l’île comme dans une terre d’élection, par suite de l’état d’anarchie dans lequel se trouvait, depuis des 1. Un chroniqueur corse du xve siècle, Pietro Cirneo écrit : « Avides de vengeance, s’ils (les Corses) ne peuvent l’exercer ouvertement, ils emploient les embûches, les ruses et tous les genres d’artifices pour arriver à leur but : blessure pour blessure, homicide pour homicide. Celui qui ne se venge pas est déclaré infâme ». 2. Ils arrivèrent en Corse au treizième siècle et ne devinrent maîtres de l’île qu’au quatorzième. 3. Cf. Illiade : Hécube et Priam à la mort d’Hector, Achille à la mort de Patrocle. 4. L. Jaubert. Étude médicale et anthropologique sur la Corse. 5. Gregorj. Coup d’œil sur l’ancienne législation de la Corse. 6. Statuti civili e criminali dell’isola di Corsica de 1347, révisés en 1453 et 1571.

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siècles, ce malheureux pays, éternel objet de convoitise des peuples qui s’en disputaient la possession. La vendetta, guerre privée de famille à famille, dominait absolument la vie sociale en Corse au Moyen Âge ; elle avait ses rites immuables : cheveux et barbe non taillés, tant que la vendetta n’était pas accomplie ; conservation de la chemise sanglante du mort pour rappeler l’impérieux devoir ; déclaration de guerre régulière : garde-toi, je me garde ! Le plus souvent, attaque brusquée ; elle avait aussi son rimbecco, reproche sanglant dont on cinglait ceux qui ne l’exécutaient pas ; ses paci, ou traités de paix, c’est-à-dire l’obtention de satisfactions juridiques par voie amiable, et enfin ses médiateurs, paceri ou parolanti. Elle se maintenait héréditaire dans le groupe familial, devenait même transversale, c’est-à-dire qu’elle atteignait jusqu’aux collatéraux de la famille en inimitié. Le droit de la vendetta était encore en vigueur, d’ailleurs, en plusieurs régions de l’Europe, même au-delà du xvie siècle7. Mais, tandis qu’avec le développement des institutions des peuples, les coutumes de vengeance s’atténuaient, disparaissaient même au fur et à mesure que l’État s’organisait, augmentait sa puissance au point de devenir unique maître de la Justice, en Corse elles s’enracinaient profondément, s’exaspéraient même par suite de la faiblesse répressive, de l’arbitraire, de la vénalité de la Justice, pendant plus de quatre siècles de domination génoise8 ; il est vrai d’ajouter que la République Sérénissime était déchirée par les factions elle aussi, était devenue incapable d’établir une justice exacte sur son propre territoire ! Au début du dix-huitième siècle, il fut constaté que 28 715 meurtres avaient été commis dans les trente-deux années précédentes9. Émanée d’un principe de justice, la vendetta, par ses excès, avait acquis la virulence d’un fléau social. Aucun progrès matériel et moral n’était possible dans ce malheureux pays en perpétuel état de guerre, sans l’apaisement des esprits, l’ordre, la sécurité. 7. En Allemagne, en Bohème, dans les Flandres, dans les pays Scandinaves, à Lucerne, dans le Piémont. 8. Il y avait bien de vieux édits contre la vendetta ; mais leur application était molle ou même inexistante : édit du 4 janvier 1560 défendant de prendre les armes pour aller au secours de ses parents et amis, d’exercer la vengeance collatérale, édits de 1548 et 1560 interdisant le port d’armes, mais aussi décret de 1573 accordant leur pardon aux bandits et leur permettant de rentrer en Corse. 9. De 1683 à 1715, chiffres relevés sur les registres de la République.

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Aussi bien, dès que se produisit, en 1729, le vaste mouvement insurrectionnel qui devait porter, dans l’Histoire, le nom de Guerre de quarante ans, les chefs corses, dans toutes les consultes générales, ou assemblées populaires qui se tinrent10 en vue d’établir une constitution nationale s’attaquèrent hardiment à la source du mal, firent édicter des lois répressives contre la vendetta, et, bien mieux, veillèrent à leur application rigoureuse. Dans sa remarquable organisation de l’État corse, Pascal Paoli11 s’inspira des principes et de l’exemple de ses prédécesseurs. Une sévère justice était seule capable d’amener l’extinction d’une coutume sanglante et barbare. Il essaya de la rendre odieuse, la nota d’infamie aussi bien pour le meurtrier que pour sa famille. Ce n’était point lâcheté, « viltà d’onore », de laisser une offense impunie, mais plutôt « noblesse et grandeur d’âme ; » ce n’était point de la « bravoure » de commettre un assassinat mais « vera brutalità » ; il multipliait les paceri, arbitres officiels, dans chaque piève, pour régler les conflits entre familles et prévenir les homicides, mais s’il s’en produisait il les châtiait avec une implacable sévérité : peine de mort pour le coupable, et mesures coercitives terribles contre les parents tenus pour responsables. Une junte de guerre munie de pouvoirs dictatoriaux et suivie de forces imposantes parcourait les bourgs pour procéder à la confiscation des biens, la démolition des maisons, la coupe des arbres, aussi bien du meurtrier que des membres du groupe familial auquel il appartenait, si celui-ci hésitait à le livrer. On l’appela la Giustizia paolina et le souvenir s’en est conservé jusqu’à nos jours d’une justice exacte, sommaire, expéditive12. L’œuvre nationale de Paoli fut interrompue par la conquête française de la Corse.13 La Monarchie exerça une justice prompte et rigoureuse non 10. Corte (1732), Orezza (1751), Caccia (1755). 11. Consulte de St Antoine de Casabianca (1755). 12. Une question vient à l’esprit. Au cours de ces longues périodes d’anarchie sociale, quel a été le rôle de l’Église ? A-t-elle entièrement rempli sa mission de paix ? Son action pacificatrice n’a cessé de s’exercer, de tout temps, par son clergé séculier, mais, il faut l’avouer, grossier, ignorant, sans autorité, le plus souvent même de médiocre valeur morale, et surtout par l’envoi de missions de religieux réguliers, Capucins Récollets et Jésuites au xvie siècle, Prêtres de la Mission au xviie, Observantins, avec Saint Léonard de Port-Maurice, au xviiie siècle : leur emprise sur les âmes n’était et ne pouvait être que temporaire, superficielle à cause de l’état général de vieilles mœurs séculaires qui contraignaient les gens à marcher armés, à se faire justice soi-même, en l’absence d’un pouvoir fort capable d’assurer la sécurité des personnes, des familles, des propriétés. 13. 8 mai 1769.

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seulement contre les criminels mais aussi contre les patriotes corses, les « rebelles », qui ne voulaient pas se soumettre à la domination française, et avaient gagné le maquis ; les uns et les autres étaient confondus sous l’appellation de bandits ; la maison du coupable était rasée ; sa postérité incapable de remplir une fonction publique14, le port des armes prohibé à moins d’une permission expresse, la fabrication des stylets interdite15, les bandits surpris dans le maquis, pendus à l’heure même16 ; mais, d’autre part, en vue de concilier les inimitiés des familles et les haines transmises, une cour prévôtale17 devait se transporter partout où sa présence serait nécessaire ; les peines les plus sévères étaient prononcées contre les receleurs de contumaces18. Ces dispositions pénales, appliquées avec fermeté, parfois avec excès, car il fallait aussi poursuivre la réduction à l’obéissance d’une population belliqueuse, valurent à la Corse vingt années de paix publique, presque l’extinction totale de la Vendetta ; une année, on n’eut à enregistrer, en effet, qu’un seul homicide ! Un régime de despotisme, si éclairé soit-il, peut étouffer mais ne déracine point, en si peu de temps, des coutumes de vengeance séculaires. Quand arrivèrent la tourmente révolutionnaire et ses dix années de troubles, il y eut dans l’île désorganisation sociale, fléchissement de l’autorité, et, comme toujours en pareil cas, recrudescence de la criminalité : vols, assassinats, insécurité des campagnes. Aussitôt arrivé au pouvoir, le Premier Consul dut recourir à des moyens énergiques pour ramener la tranquillité dans son pays natal et y extirper l’esprit de vengeance ; par arrêté du 9 Vendémiaire, an X (1er octobre 1801), il instituait la formation de trois corps d’éclaireurs dans les départements du Golo et du Liamone ; ces forces mobiles devaient être suivies dans leurs départements par des commissions militaires extraordinaires composées de trois officiers : « tout brigand pris les armes à la main, tout 14. Édit de juin 1769. 15. Ordonnances des 23 août 1769 et 24 mars 1770. 16. Édit du 24 juin 1770. 17. Édit de 1772. 18. Ordonnance de juillet 1778 : « Tout habitant de l’Île qui sera convaincu d’avoir facilité des évasions ou soustrait aux recherches de la justice un ou plusieurs contumax, de leur avoir donné asile, des vivres et autres secours que ce soit, à moins qu’il n’y ait été forcé, et n’ait pu s’en dispenser sera condamné à 50 livres payables sur le champ. Il sera, en outre, conduit dans une forteresse du royaume pour y être détenu le temps qu’il sera jugé convenable pour la punition de sa faute. »

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Morand dans le Fiumorbo (1808) Le général Morand exerça ses pouvoirs de 1803 à 1811 avec une extrême sévérité. Voici un exemple des procédés de répression violente auxquels il avait recours. Une colonne de gendarmerie avait été accueillie, le 28 mai 1808, en traversant le village d’Isolaccio, par une vive fusillade ; le capitaine Sabini, commandant militaire du Fiumorbo, ayant fait relâcher le fils de l’ancien juge de paix, Martinetti, inculpé d’avoir été un des instigateurs de l’attentat, Morand fit arrêter le capitaine Sabini comme coupable d’avoir trahi le gouvernement dans ses fonctions ; il le fit traduire sans délai devant une commission militaire qui le condamna à mort ; l’exécution eut lieu à Corte le 24 juin ; d’autre part, pendant que se poursuivait l’information contre Sabini, Morand convaincu de la complicité de la population, alors qu’il s’agissait uniquement d’un attentat commis par cinq ou six mauvais garnements et quelques déserteurs, envoya deux compagnies dans le Fiumorbo, sous les ordres du commandant Bonelli, muni d’instructions rigoureuses ; Bonelli ayant fait rassembler toute la population dans l’église, sous prétexte de faire l’appel nominal, il la fit cerner par la troupe, une fois réunie, et procéda à des arrestations en masse ; 147 individus furent conduits à Corte, puis à Bastia, et finalement à la prison d’Embrun, sauf 26 sur lesquels on faisait peser les charges les plus accablantes ; 17 furent condamnés à mort, (8 par contumace) et 9 exécutés le jour même, à Bastia. Le général Berthier succéda à Morand (1811-1814). 

individu prévenu d’avoir assassiné par esprit de vengeance et par suite d’anciennes haines de famille devaient être justiciables de ces commissions militaires » ; celles-ci étaient autorisées « à faire arrêter comme otages les chefs et les principaux membres des familles qui étaient en inimitié déclarée. » Il fit plus : il plaça la Corse sous le régime de la Haute Police19 et investit des pouvoirs les plus étendus le général commandant en chef des départements du Golo et du Liamone qui pouvait, tout comme dans les vieux Statuts corses, « faire exécuter les désarmements des communes ou familles prévenues d’assassinat ou délits contre l’ordre public » (voir ci-dessus). Le Consulat, et, plus tard, l’Empire, tout en poursuivant l’extinction du banditisme veillaient à étouffer avec une poigne de fer les sourdes 19. Arrêté du 23 janvier 1803 rédigé par le Conseil d’État d’après une note du Premier Consul du 9 frimaire an XI (30 novembre 1802).

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menées anglaises dans l’île. Son action était double, comme autrefois celle de la Monarchie. Mais la dictature militaire avec sa justice expéditive, ses exécutions sommaires, ne peut parvenir à édifier qu’une façade d’ordre. Derrière le mur d’airain, le bouillonnement des passions continuait, entretenu, renforcé, au surplus, par la détresse économique. Pour arriver à détruire de sanglantes coutumes séculaires, issues de l’instinct de conservation, habituer des populations farouches à une discipline sociale, modifier, en un mot, la structure de leur mentalité, la force n’était point suffisante. Seule était efficace la pénétration lente d’une paix stable, de longue durée, avec tous les bienfaits matériels et moraux qui en découlent. Mais, à cette époque, par suite des trépidations qui secouaient l’Europe depuis 1789, les régimes s’écroulaient après une brève existence, se succédaient, après la chute de l’Empire, de 1815 à 1850, instables, sans racines profondes, avec de longues intermittences dans la répression, et, comme toujours quand l’autorité se relâche, que les factions se disputent le pouvoir, que la sécurité n’est plus garantie, les instincts de vengeance, un moment comprimés, explosèrent, exaspérés par la misère et la faim ; les homicides se multiplièrent, atteignirent un chiffre effrayant20, et l’on vit même les seigneurs du maquis se réunir en bandes21 disciplinées, braver ouvertement les pouvoirs publics, mettre le siège devant les casernes de gendarmerie, lever des contributions, intervenir dans les affaires publiques et privées, en un mot régner en potentats ! C’est que le bataillon de voltigeurs corses, recruté spécialement dans les premières années de la Restauration22 pour donner la chasse aux bandits, auquel on laissait la plus grande initiative, qui, au début, avait réussi des captures sensationnelles, détruit de dangereux hors-la-loi, s’était trouvé, à plusieurs reprises, en conflit avec la gendarmerie dont il aurait dû être l’auxiliaire ; la rivalité de ces deux corps avait fini par paralyser toute action répressive ! Le Prince-Président qui représentait le principe d’autorité, et qui s’annonçait comme le restaurateur de l’ordre en France se devait de combattre 20. 4 319 assassinats de 1821 à 1850 et 833 dans les quatre dernières années. En 1820, en deux mois, la cour criminelle de justice prononça 194 condamnations dont 65 à la peine capitale ! 21. Les bandes de Théodore Poli, de Gambini, de Sarrochi, de Gallochio, etc. 22. Créé par ordonnance royale du 23 décembre 1822 et définitivement réorganisé le 23 février 1823. Il était fort de 945 hommes.

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avec vigueur, dès son arrivée au pouvoir, la Vendetta et le banditisme dans l’île et y ramener la sécurité ; en 1850, le bataillon de voltigeurs corses est dissous, et reconstitué sur de nouvelles bases23 ; les receleurs impitoyablement poursuivis, arrêtés, les têtes des bandits mises à prix ; la convention d’extradition du 23 mai 1838 avec le gouvernement sarde par un article additionnel du 11 août 1851 aux termes duquel, sur simple réquisition des autorités de la Corse, celui-ci était tenu « de faire arrêter et de maintenir en état de détention préventive les fugitifs de ce dernier pays jusqu’à la production régulière de la demande d’extradition »24 ; l’archipel sarde cessa, dès lors, de servir d’inviolable asile aux bandits corses. Mais tout restait encore à faire tant qu’on n’avait pas réussi à réprimer l’abus du port d’armes ; « la cause principale de tous vos maux s’écriait le préfet Thuillier, dans un appel énergique au Conseil général de la Corse, dans sa session de 1852, c’est le fléau sans cesse renaissant du banditisme. Disons-le hautement : vos intérêts et vos besoins actuels se résument d’un mot : la sûreté des personnes et des propriétés » et l’assemblée départementale votait, à l’unanimité de ses membres, « le vœu que le port de toute espèce d’arme fut prohibé en Corse. » Une commission était instituée par Napoléon III pour rechercher « les moyens d’éteindre le banditisme. » Dans l’esprit de l’Empereur, « il ne s’agissait rien de moins que d’une régénération morale, sociale et économique.25 » Les travaux de cette commission à laquelle prirent une part active d’éminentes personnalités corses, Abbatucci, garde des sceaux, Pietri, ministre de la police générale, Conti, directeur des affaires criminelles et des grâces, aboutirent à un ensemble de mesures propres à donner à ce département les éléments primordiaux de civilisation qui lui faisaient défaut : création d’écoles, ouverture de routes forestières, encouragements à l’agriculture, mise en communication régulière par des services de bateaux à vapeur avec la France, la Sardaigne et l’Italie, et enfin vote de la loi du 10 juin 1853 portant prohibition du port d’armes pendant cinq ans, loi prorogée pendant la même période par celles du 17 mai 1858 et 23 mai 1863. Cette loi cessa d’être en vigueur à partir du 10 juin 1868, sur l’intervention des députés de la Corse qui réclamaient le retour au droit commun. Elle avait contribué puissamment à amener 23. Remplacé par la Légion de gendarmerie divisée en quatre compagnies en résidence à Ajaccio, Bastia, Calvi, Sartène. Quatre détachements dits force supplétive stationnaient au chef-lieu des compagnies pour être prêts à partir sur les points menacés. 24. Félix Bertrand, la Vendetta, 114. 25. Rapport de la Commission d’enquête.

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l’extinction du banditisme. Réduits à six en 1855, les bandits avaient tous disparu en 185626. « Cette loi, a dit M. Félix Bertrand, avocat général à Bastia en 1858, a calmé pacifié, régénéré la Corse27. » On avait, il est vrai, maintenu, pendant tout le Second Empire, l’ordre et la sécurité dans l’île, mais l’évolution économique et morale y était à peine ébauchée : il y avait encore, dans les montagnes, de vastes régions désertiques, absolument dépourvues de voies de communication, où vivaient dans des conditions d’existence rudimentaires, comme en vase clos, avec leurs vieilles mœurs, des groupements humains composés surtout de bergers nomades et de porchers ; les terres à blé du littoral, assez fertiles, étaient parsemées d’étendues marécageuses où les cultivateurs étaient anémiés à l’extrême au point de devenir inaptes à un effort utile, s’ils n’étaient point décimés par le paludisme. Qu’est-ce, vingt années de discipline sociale pour modifier une mentalité façonnée par plusieurs siècles d’anarchie ? Qu’est-ce, de rares écoles et l’amorce d’un réseau routier, au regard de ce qui restait à accomplir pour arracher les Corses à leur misère, à leur isolement, faire pénétrer chez eux un peu de bien-être et de progrès social ? À la première secousse politique, aussitôt après la proclamation de la Troisième République, le 4 septembre 1870, le fragile édifice de pacification chancelait sur sa base. La République c’est la liberté, mais il ne faut pas que celle-ci dégénère en licence. Aux rigueurs du Second Empire, qu’on qualifiait de régime de police, on substituait, par réaction, la tolérance, la bonne camaraderie, les excessives complaisances envers le corps électoral qu’il s’agissait d’amadouer, de séduire, de conquérir, pour implanter définitivement la République ; des luttes ardentes étaient engagées, sans répit, par des hommes nouveaux, pour déloger, petit à petit, les fidèles tenants de l’Empire de leurs sièges électoraux. Ce n’était pas sans peine, sans tumulte, sans de grandes agitations, dans toute la frénésie des factions, autrement dit avec une propension à recourir, le cas échéant, aux vexations, aux illégalités, aux injustices, à mobiliser, au profit du parti, toutes les forces du pouvoir ! Les luttes électorales entretenaient donc, envenimaient les haines locales ; des troubles, des drames sanglants surgissaient pour empêcher des inscriptions frauduleuses sur les listes électorales28 pour assurer, au moment 26. Plusieurs avaient réussi à fuir à l’étranger ; on disait Bellacoscia réfugié en Toscane, Ignace Padovani en Amérique, Santa-Lucia dans les États du Pape, etc. 27. Félix Bertrand, loco citato. 28. Ricci, facteur rural, tire, en 1885, un coup de fusil sur Moracchini qui l’avait fait rayer de la liste électorale de Saint-Laurent. Cristiani, de Morosaglia, tue, en mars 1884, Paoli

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du dépouillement des votes, la sincérité sur scrutin29, et ainsi de nombreux criminels gagnaient le maquis ; or, les homicides provoquent les homicides, par représailles ; la situation était d’une particulière gravité en 1886, dans l’arrondissement de Sartène où les bandits30 intervenaient avec audace dans les élections, heureux de goûter, comme tous les Corses, à l’ivresse du commandement ; leur concours était recherché par les hommes politiques qui, en retour, leur accordaient leur protection ; en 1886 il y eut, en Corse, 135 attentats contre les personnes ; on imputait cette recrudescence de la criminalité à la carence de la justice, à la partialité de l’administration qui soutenait ses partisans perfas et nefas ; un jeune homme de vingt-six ans, Antoine Leandri, lançait un fougueux appel aux armes, à l’insurrection, à la guerre civile et se jetait résolument dans le maquis31 ; une interpellation retentissante de M. Gustave Cuneo d’Ornano avait lieu à la Chambre sur le rôle de la magistrature en Corse32 ; un rédacteur du Temps, Paul Bourde, se rendait spécialement dans l’île33 pour y étudier de près les désordres causés par l’ingérence de la politique dans l’administration et la justice, et il constatait avec mélancolie, dès son arrivée, que « le désordre provoque les attentats contre les personnes, et les attentats contre les personnes entretiennent le banditisme34 » ; Bourde, observateur pénétrant, réussissait à jeter un peu de clarté dans l’écheveau embrouillé des combinazioni corses, mais il était un peu trop enclin, croyons-nous, à systématiser ses observations, à les cristalliser autour d’un postulat, le clan, notion un peu sommaire pour donner qui avait obtenu sa radiation de la liste électorale. 29. Aux élections communales de Campitello, en 1885, un électeur étranger à la commune qui persistait, malgré l’injonction qui lui fut faite, à vouloir voter, était abattu à la porte du scrutin. À celles d’Antisanti, dans la salle de vote, cinq personnes restèrent sur le carreau au sujet d’un bulletin contesté au moment du dépouillement. Peu d’années auparavant, le 23 juin 1878, à San Gavino di Carbini, à propos aussi d’un bulletin contesté, un Nicoli tua un Pietri, président du bureau ; une vendetta s’ensuivit dans laquelle succombèrent trois Nicoli et un Pietri ; l’effusion du sang fut arrêtée par les traités de paix de San Gavino de 1879 et de 1883. 30. Giovanni, Barittoni, Rocchini. 31. Le 8 février 1887. « Lorsque, disait-il, la loi ne sert plus qu’à l’assouvissement de haines personnelles et politiques, lorsque la justice n’est plus qu’un instrument d’oppression, le fusil devient l’ultima ratio de l’honnête homme. » Traduit devant la Cour d’assises de la Corse, le 1er août 1887, il fut acquitté. 32. 7 mars 1887. Déjà en 1884, M. Andrieux avait interpellé le gouvernement pour le même objet. 33. En mars, avril, mai 1887. 34. En Corse, 182.

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la clef de la complexité latine de la politique corse35 ; il eut, en tout cas, le courage de dévoiler les abus administratifs qui affligeaient la Corse : « Je me suis demandé, dit-il, ce qu’il adviendrait de nos paysans de France si on les soumettait au régime de vexations, à cette absence de protection légale que supporte une partie de la population de l’île. Eh bien, je suis convaincu qu’ils seraient promptement aussi corses que les Corses, et prendraient à leur tour les armes pour se venger36. » Les lettres de Paul Bourde au Temps soulevèrent une vive émotion à Paris et suscitèrent de véhémentes polémiques37. Une commission se réunit au ministère de l’Intérieur, en mai 1887, pour rechercher les moyens de réprimer le banditisme ; elle rejeta, après examen, toute mesure d’exception comme la suppression du port d’armes et le renvoi des affaires criminelles devant un jury du continent. L’effectif de la gendarmerie fut renforcé ; des crédits importants, pris sur les fonds secrets, mis à la disposition du préfet pour rémunérer des primes de capture ou de destruction de bandits ; la chasse aux hors-la-loi menée avec vigueur et sans répit ; les receleurs impitoyablement traqués, emprisonnés. Les frères Antoine et Jacques Bonelli, dits Bellacoscia, qui gardaient le maquis depuis 1848 et n’avaient point donné signe de vie pendant tout le Second Empire, qu’on avait vu réapparaître, après le 4 septembre, revêtus du prestige de hors-la-loi invulnérables, qui recevaient la visite d’illustres personnages dans leur repaire de Pentica38, furent eux-mêmes l’objet d’expéditions militaires avec un grand déploiement de forces (lire ci-contre) ; à Sartène, il fallut une dizaine d’années pour que la région fût radicalement nettoyée 35. Les Corses n’agissent que pour leur clan, affirme Paul Bourde ; or, le goût inné des insulaires pour les factions et leur tendance à incarner leurs opinions politiques dans des hommes sont des traits spécifiques de l’esprit méditerranéen. Trygée (Pierre de Tressac) l’a noté avec exactitude dans l’étude sur la Corse qu’il a consacrée, en 1925, dans L’Opinion, aux forces historiques de la France. « La politique corse, dit-il, apparaît comme dirigée par les mêmes grandes directions que toute la politique du midi, que toute la politique telle que l’entendaient avec plus ou moins de finesse ou de passion les populations latines de culture classique et méditerranéenne. » 36. En Corse, 282. 37. Emmanuel Arène, le chef du parti opportuniste, répliqua à Paul Bourde avec vivacité. Il eut même, à la suite d’une violente polémique de presse au sujet de la justice en Corse, un duel avec M. Mayer, directeur de La Lanterne. 38. Ils reçurent, en 1871, la visite de M. Dauzon, préfet de la Corse, et, en 1883, celle d’Edmond About et d’Emmanuel Arène qui fit une très spirituelle mais fantaisiste relation de cette visite, sous le titre La Corse familière, dans les numéros d’avril, mai, juin 1883 du Voltaire.

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Entrevue avec Jacques Bellacoscia Le 22 septembre 1886 et les 6-7 janvier 1887. Les gendarmes prirent possession de Pentica, s’emparèrent des troupeaux des bandits, arrêtèrent de nombreux parents qu’ils gardèrent plusieurs mois en prison préventive, sans aboutir à obtenir aucun résultat. Déjà, en 1857, semblable mesure avait été prise, et l’échec avait été aussi complet. L’aîné des Bellacoscia, Antoine, à la suite de nombreuses pressions qui furent exercées sur lui par ses parents, consentit, en juin 1892, alors qu’il était dans sa soixante-sixième année, à se constituer prisonnier entre les mains du capitaine de gendarmerie Ordioni. L’entrevue eut lieu au plateau de Vizzavona. Au moment de se livrer, Antoine, dans un moment d’exaltation indicible, lui jeta aux pieds son revolver, don de miss Arabel, nièce de miss Campbell, son stylet, son fusil, sa cartouchière, et la magnifique longue-vue de marine que lui avait donnée la princesse de Mecklembourg. Antoine Bonelli fut jugé par la cour d’assises de la Corse, à l’audience du 25 juillet 1892, et acquitté. Peu de temps après, en août 1892, j’obtins d’être reçu par son frère Jacques dans le maquis ; on le disait beaucoup plus farouche qu’Antoine. Je m’attendais à trouver un vieux burgrave : je n’avais devant moi qu’un brave paysan corse qui causait de ses affaires de famille avec ses filles, Paoletta et Milia, qui m’avaient accompagné, et se préoccupait de l’avenir de ses enfants et petitsenfants ; il me montra avec une naïve fierté un gros carnet sur lequel étaient inscrites les réflexions de personnages notoires qui étaient allés le voir dans ce qu’il appelait son Palais vert, et j’eus la surprise d’y lire au-dessous du nom d’une grande dame anglaise, une pensée d’un officier de marine japonais. En le questionnant, je n’eus pas de peine à obtenir l’aveu que devant des personnages de marque il paradait un petit peu, se haussait à des attitudes romanesques ; il devait avoir l’intuition qu’il répondait ainsi à leur secret désir. Jacques Bellacoscia était gardé, à cette époque, par trois guides, des hardis lascars du Cruzzini ; à la façon douce et ferme de leur donner des ordres, la main de fer dans le gant de velours, j’ai compris que le fameux Bellacoscia était d’intelligence subtile ; d’ailleurs, si un bandit n’a pas l’intelligence déliée, s’il ne joint pas au courage, au mépris de la mort, la prudence et la ruse, il ne tarde pas à tomber dans les embûches qui lui sont dressées ; mais j’ai compris aussi, sur le vu des amulettes, images saintes, médailles bénites, prières qui encombraient son portefeuille, qu’il avait la tête farcie des mêmes croyances et terreurs de tous nos paysans. Ai-je vu exactement le vrai Bellacoscia dans ce paysan corse pacifique, semblable à la plupart des paysans corses, et un peu glorieux ? Je crois bien que non. Ces gens-là ne sont vraiment eux-mêmes que dans l’action, lorsqu’ils ont à braver les dangers de la mort. 

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Pierre Giovanni Giovanni Pierre avait pris le maquis à l’âge de vingt-cinq ans, en 1884, à la suite d’un vol de 725 F à main armée accompli avec son frère Jean-Paul, le 4 mai de cette année au préjudice des époux Mondoloni. Il était petit, laid, avait un œil torve. Lorsqu’un individu se met hors-la-loi, il se trouve pris dans un engrenage de crimes, soit pour se procurer des moyens d’existence, soit pour se défendre contre les ennemis qui l’entourent, soit enfin pour se soustraire aux poursuites des agents de la force publique. Quand c’est une brute comme Giovanni, l’angoisse d’être trahi, le souci d’assurer sa sécurité en s’imposant par la force, peuvent le faire sombrer dans une folie sanguinaire. C’est ainsi que Giovanni se trouve entraîné à accomplir, tantôt seul, tantôt associé à des bandits redoutables, Tomasini, Rocchini, Nicolaï, dit Barittoni, la longue série de forfaits ci-après : 7 janvier 1884, tentative d’assassinat sur les gendarmes Fournier, Alfonsi et Tristani, de la brigade de Levie. Assassinat avec préméditation et guet-apens, le 9 septembre 1884, du nommé Bartoli Jean ; le 21 septembre 1884, de Michelangeli François, au lieu-dit Caldario ; ce même jour, tentative d’assassinat sur Furioli Joseph. Il donne la mort avec une parfaite inconscience : assassinat le 28 janvier 1885 de Michelangeli Jean-Noël ; le 8 juin 1887, du gendarme Arancam de concert avec Rocchini ; le 12 février 1888, des frères Cartucci, de concert aussi avec Rocchini, à l’instigation des Tomasini, neveux des victimes, dont ils escomptaient l’héritage ; le 7 juillet 1888 de Desanti Pancrace ; le 24 mai 1890 de Peraldi Bernardin ; le 27 décembre 1892, de Ciafferri Dominique ; le 24 août 1898, du gendarme Luciani. Pendant quinze ans, il exerce une véritable dictature dans l’arrondissement de Sartène, surtout dans la région du Pont de l’Ortale. Il pressure les populations, qui se bornent à gémir tout bas, mais il eut le malheur de convoiter une jeune bergère qui habitait une maisonnette isolée, près du village de Conca où il recevait l’hospitalité. Ses parents résolurent de s’en débarrasser. Le 16 novembre 1899, on avait organisé une partie de campagne en l’honneur de Giovanni, non loin de la bergerie, au-delà de la crête rocheuse ; après avoir bien mangé et bien bu, le bandit dut s’assoupir, confiant dans ses guides et amis ; vivement on lui tira un coup de revolver dans l’oreille ; la mort fut instantanée ; alors les conjurés hissèrent le cadavre de Giovanni sur les aspérités les plus aiguës de la montagne, face au ciel, et lui placèrent les bras en croix, tel Prométhée sur le Caucase ; puis, l’un d’entre eux alla donner avis à la brigade de gendarmerie de Sainte-Lucie qui le trouva dans cette position et constata qu’un peu plus bas traînaient des reliefs de repas. Le vent soufflait avec

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violence ; néanmoins, les gendarmes gardèrent le corps toute la nuit ; le lendemain, le juge de paix de Porto-Vecchio se transporta sur les lieux, ainsi que le maire et le maire et le parquet de Sartène. D’après les constatations médicolégales, une balle était entrée sous l’oreille gauche, était sortie au-dessous de la tempe droite, avait traversé la tête de part en part. Le bandit fut fouillé ; on trouva en sa possession un fusil à double canon Lefaucheux, une cartouchière contenant 17 cartouches du calibre 16, un stylet, une longue-vue et un portemonnaie avec 7,60 F. Le bandit Giovanni était âgé d’environ 40 ans. À Sartène, sa mort fut accueillie par la population avec un soupir de soulagement. 

de tous les bandits qui l’infestaient, en particulier de Giovanni et du fameux Brico (lire ci-contre et pages suivantes) ; des instructions furent données au procureur général et au préfet de veiller à la juste et impartiale application des lois39. Les abus de la justice et de l’administration allèrent, ainsi, en s’atténuant ; les principales causes de désordre se trouvant éliminées, l’apaisement se fit, progressivement, dans les esprits, au fur et à mesure aussi que les luttes perdaient de leur acuité, le parti républicain ayant enfin définitivement triomphé de ses adversaires. Mais le gouvernement de la République fit mieux : grâce à l’application du plan Freycinet, la Corse fut dotée d’un réseau de voies ferrées, précieux instrument de progrès matériel, et, en exécution du plan Jules Ferry, des groupes scolaires s’élevèrent dans la plupart des communes de l’île, mettant ainsi à portée des nouvelles générations un merveilleux instrument de perfectionnement intellectuel et moral. Avec l’afflux du bien-être et le développement de l’instruction, le potentiel de meurtre s’abaissa ; les vieilles mœurs sanguinaires perdirent de leur virulence, n’exerçant plus leur dynamisme que sur les consciences de rares montagnards, surtout des bergers nomades, cantonnés dans des lieux escarpés qui, par leur genre de vie, échappaient aux emprises de la civilisation, ou des paludéens de régions malariques, qui avaient leurs 39. Trarieux, garde des Sceaux, écrivait au procureur général de la Corse : « Je désire que vos subordonnés se pénètrent comme vous-même de l’esprit qui me dicte les présentes instructions, et sachent que j’attache le plus grand prix à ce qu’ils remplissent, sans aucune préoccupation tirée de la politique ou des influences locales, les fonctions qu’ils ont acceptées et la loi dont ils sont les représentants ».

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Le bandit Tramoni, dit Brico, de Sartène J.-B. Tramoni, dit Brico, appartenait à une famille de braves gens, des bergers de l’arrondissement de Sartène ; il garda les troupeaux de ses parents jusqu’à son départ pour le régiment en 1889, sans avoir jamais eu la moindre discussion avec personne ; il laissait au village une amie d’enfance, Joséphine Tramoni, d’une condition plus aisé que la sienne. Revenu du service militaire, en 1892, il présente sa demande en mariage ; le père de la jeune fille, Thomas Tramoni, qui prétendait à un parti plus sortable, lui opposa un refus formel. Alla-t-il jusqu’à l’humilier ? C’est fort possible. Quoi qu’il en soit, il est vraisemblable que sous l’apparence de la santé physique, Brico devait couver une psychose, avoir une constitution paranoïaque, c’est-àdire susceptible d’aboutir au délire de la revendication. En effet, au lieu de s’incliner devant la décision de Thomas Tramoni, il lui répliqua, les dents serrées : — Je sais ce qui me reste à faire ! Thomas Tramoni qui était plein de jactance lui jeta, dédaigneusement : — Tu feras ce que tu voudras ; passe ton chemin ! Brico rumina sa vengeance pendant des jours et des nuits, harcelé par cette obsession qu’il n’y avait que le sang pour laver le cruel affront qu’il avait reçu. Un mois plus tard, il rencontrait Thomas Tramoni dans le maquis et, avec une joie féroce, il l’étendait raide mort. Mais sa haine morbide lui tenaillait les entrailles ; craignait-il, au surplus, des représailles de la part des parents de sa victime ? Peu après, il faisait feu sur le fils aîné du pauvre Thomas Tramoni, le blessait grièvement. Or, en 1896, afin d’obliger les bandits à capituler, on procéda dans l’arrondissement de Sartène à l’arrestation en masse des parents de Giovanni et de Brico soupçonnés de leur donner asile et de leur fournir des moyens d’existence. En manière de défi, Brico assassinait un autre de ses ennemis et, en 1897, le gendarme Luciani. De désespoir, la famille Tramoni quittait l’arrondissement ; furieux, le bandit tuait, le 14 novembre 1901, au col de Suara, à 5 km de Sartène, le voiturier Bucchini Dominique, coupable de transporter le mobilier de ses adversaires. Sa folie sanguinaire n’avait plus de limites. À quelques jours de là, il assassinait froidement, d’un coup de fusil, le petit-fils de Thomas Tramoni âgé de sept ans, au moment même où il était en train de jouer avec d’autres enfants de son âge sur la place du village de Mela. Ces deux derniers crimes, qui n’étaient plus d’un homme mais d’une bête fauve et pour lesquels aucune excuse de haine ou de vengeance ne pouvait être alléguée, arrachèrent un cri d’horreur dans toute la Corse ; la réprobation fut unanime ; désormais, il n’avait plus à compter sur aucune complaisance ; ses parents eux-mêmes l’avaient abandonné et avaient quitté la Corse pour la Sardaigne ; les Tramoni s’unirent aux Bucchini, parents et alliés du regretté

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voiturier, et le pourchassèrent sans trêve ni merci. Le 12 mai 1903, à dix heures du soir, Brico quittait le hameau de Borivoli où il avait passé la soirée chez une vieille tante qui lui était restée fidèle, lorsque, à cent mètres du hameau, ses ennemis qui l’avaient guetté, postés derrière un mur qui borde le sentier qu’il devait suivre, firent feu sur lui, à une distance de neuf mètres. Le bandit fut atteint de huit projectiles occasionnant des blessures mortelles ; la main gauche avec laquelle il tenait son fusil dans la position du tireur avait été perforée. Tandis qu’il râlait, ses ennemis allumèrent des bougies qu’ils fixèrent en divers points de son corps et lui psalmodièrent le miserere. Dans la poche de Brico, le parquet trouva un porte-monnaie contenant dix francs en or, une longue-vue, divers objets de toilette. 

nerfs à fleur de peau et incapables de maîtriser les réactions violentes qui surgissaient du tréfonds de leur tempérament. À la fin du xixe siècle, on pouvait affirmer que la vendetta avait presque complètement disparu de l’île. Il s’y produisait, certes, et il s’y produit même encore aujourd’hui, des meurtres causés le plus souvent par l’alcoolisme ou les surexcitations électorales, lorsqu’ils ne sont pas le fait d’individus chargés de tares héréditaires, mais ces actes de violence restent individuels, n’engagent plus, comme autrefois, la solidarité de la famille qui, au contraire, fait pression sur le meurtrier pour qu’il se constitue prisonnier, une douloureuse expérience, ayant appris que l’individu qui prend le maquis se trouve précipité dans un engrenage de crimes dont personne ne peut prévoir le terme ! Il faut reconnaître aussi que, d’une façon générale, les traditions ataviques de vengeance, forces mauvaises du passé, enfouies profondément dans certaines consciences corses, peuvent amener des impulsions irrésistibles, mais, néanmoins on peut constater, en plus d’une circonstance, que des réactions morales viennent les refréner40 ! Quoi qu’il en soit, dans l’été de 1914, on ne comptait que quatre bandits en Corse ayant acquis une certaine notoriété : Ettori à PetretoBicchisano (lire page suivante), Micaelli dans le Fiumorbo, Castelli dans la Castagniccia, et Romanetti41 dans la Cinarca. Ettori et Micaelli se 40. Comme aux élections au conseil général de Levie, le 14 juillet 1928 ; pour plus de détails, voir chapitre suivant. 41. Ettori avait pris le maquis en 1906, Micaelli en 1907, Castelli en 1911, Romanetti en 1913.

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tenaient tranquilles, cherchaient à se faire oublier. Castelli et Jean-Simon Ettori qui avait été Romanetti se signalaient à l’atcompromis, à l’âge de vingt-six ans, tention publique : Castelli par le 3 mars 1906, dans une affaire d’exsa féroce cruauté dans l’accomtorsion de signature qui occasionna plissement de ses vengeances, la mort de Lenzi Antoine, aubergiste Romanetti par une recherche du à Pila-Canale, et la perte de la vue, panache42. du fait de blessures reçues à la figure, de Casabianca Dominique, vécut en Arrive la déclaration de solitaire, pendant vingt-six ans, dans guerre, la mobilisation, le le maquis, et y mena une vie exemdésarroi pendant quatre ans dans plaire, ne recevant de subsides que les services d’ordre : les bandits de ses parents. Il racheta, en quelque servent de pôles aimantés aux sorte, son crime de jeunesse en s’effordéserteurs ; tandis qu’Ettori çant de faire le bien dans la mesure et Micaelli répudient toute de ses moyens. C’est ainsi, notamsolidarité avec ceux-ci, que ment, qu’en 1925 il obligea les frères Castelli suspend son œuvre de Massaroni, meurtriers d’un jeune homme, à se constituer prisonniers ; mort, Romanetti attire à lui les qu’en 1930, il exécuta un malfaiteur insoumis, les repris de justice, dangereux, Toma, voleur et assassin ; se faufile, la nuit, à Ajaccio, se qu’en 1930 et 1931, il empêcha des montre dans les lieux de plaisir bandes organisées de hors-la-loi de entouré d’une garde de corps venir commettre des exactions dans redoutable, déjoue les embûches sa région. S’étant constitué prisonqui lui sont tendues, et par ses nier, Ettori a été acquitté par la cour attitudes romantiques, son presd’assises de la Corse, le 7 juillet 1932. tige auprès des femmes, aide à la  formation d’une légende autour de son nom ; au lendemain de la guerre il est nimbé de l’auréole d’un Roi du maquis ; les touristes, les curieux vont le visiter dans son Palais vert, comme autrefois les Bellacoscia ; on l’encense, on recherche son concours dans les luttes politiques ; il se laisse griser par les fumées de l’orgueil et aussi de l’alcool, devient tyrannique et se fait abattre misérablement dans la nuit du 25 avril 1926 ! Mais il a laissé, en disparaissant, dans des cerveaux frustes de montagnards la saisissante empreinte qu’un hors-la-loi énergique, audacieux, peut Le bandit Ettori

42. Ayant tué le bandit Carli, il envoie ses armes à la caserne de gendarmerie de Casaglione.

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devenir un personnage célèbre, réaliser de fabuleux profits de 150 000 à 200 000 francs par an ! Il devait, sûrement, éveiller des vocations. Bartoli, Spada, Bornea, Caviglioli43 n’allaient pas tarder à marcher sur ses traces. Au milieu de la veulerie générale, enhardis par une inertie prolongée de la gendarmerie, sans aucun motif de vendetta, ils prenaient le maquis, se taillaient, avec une rare audace, de véritables fiefs dans l’arrondissement d’Ajaccio et y prélevaient la dîme sur une catégorie de citoyens, exploitants de forêts, concessionnaires de services de transports en commun, hôteliers44. Ils n’avaient plus rien de commun avec les bandits corses d’autrefois, de pauvres montagnards qui, après avoir commis un meurtre pour venger ce qu’ils croyaient leur honneur, se terraient dans les bois où ils vivaient misérablement, presque en anachorètes, de pain, de fromage, et d’un peu de viande fumée. Ces seigneurs du maquis roulaient en auto, buvaient du champagne, portaient du linge fin, entendaient mener bonne et joyeuse vie et tirer le maximum de profit de la terreur qu’ils inspiraient. Si Bartoli régnait en maître dans la région de Zicavo, Spada exerçait son autorité sur celle de la Cinarca et Caviglioli faisait sentir la sienne dans la région côtière de Sagone. Le service postal d’Ajaccio à Lopigna était suspendu pendant des mois sur l’injonction de Spada. Caviglioli placardait à des croisements de route un avis interdisant de chasser, sans son autorisation, dans les plaines giboyeuses de Sagone et de Liamone ! Ils agissaient en barons féodaux du Moyen Âge, et, semblait-il, aux yeux des populations corses, dans la plénitude de leurs droits, puisque les pouvoirs publics ne paraissaient mettre aucun obstacle à leur tyrannie. On se bornait à gémir, dans les journaux de l’île, à se plaindre de la carence de l’État, incapable d’assurer la sécurité des habitants d’un département français ; l’abdication absolue de la gendarmerie paraissait inconcevable ! L’assassinat, en effet, des gendarmes Adam et Hervé à Lopigna par les frères Spada, le 18 mai 193045, celles du brigadier Falconetti et du 43. Bartoli prend le maquis en 1928, Spada en 1922, Bornea en 1930, Caviglioli en 1927. 44. Sur les plaintes d’exploitants de forêts, le Journal chargeait, en janvier 1931, un de ses meilleurs reporters, M. Max Massot, de faire une enquête en Corse sur les « Successeurs de Romanetti ; » et il révéla au grand public les exactions auxquelles ils se livraient avec impudence. 45. Nous écrivions dans l’Éveil de la Corse du 7 juin 1930, au lendemain du drame de Lopigna, après avoir constaté que les hors-la-loi pouvaient commettre un triple assassinat, mettre le feu à une auto postale et gagner tranquillement le maquis sans être le moins du monde inquiétés : « … On doit oser dire, puisqu’on le chuchote tout bas, qu’il suffit qu’un bandit jette l’interdit sur une région pour que les autorités civiles

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gendarme Cathelineau à Palneca, le 30 avril 1931, à proximité de la maison familiale de Bartoli, celui-ci ayant interdit, chuchotait-on, aux gendarmes de la brigade de Ciamanacce de circuler en armes sur le territoire de la commune, ne provoquait aucune réaction. D’où pouvait provenir cette passivité ? Inutilité de l’effort, sous le prétexte fallacieux qu’on se trouvait en état d’infériorité vis-à-vis de criminels soutenus et protégés par la population, ou, plus sûrement, pour la raison majeure que les brigades de gendarmerie, isolées, à effectif restreint, surchargées de besognes administratives, ne disposaient point de forces suffisantes pour affronter avec des chances de succès des hors-la-loi parfaitement organisés, pourvus de services de renseignements perfectionnés ! L’audacieux attentat commis le 17 août 1931 par Caviglioli et ses deux acolytes, ses neveux Torre et Toussaint Caviglioli, à l’établissement thermal de Guagno-les-Bains et au cours duquel fut tué le garagiste Antoine Guagno, souleva la réprobation publique non seulement en France, mais même à l’étranger ; de ce jour, sans doute, fut décidée, en conseil des Ministres, l’opération de police de grande envergure pour nettoyer radicalement le maquis des brigands qui l’infestaient. Au moment où on achevait la mise au point de l’expédition de Corse, le 2 novembre 1931, le maréchal des logis Tomi et le gendarme Klein, de la brigade de Vico, tombaient victimes du devoir dans une rencontre à Balogna avec la bande Caviglioli, et le lieutenant Neuvéglise y était grièvement blessé. La lutte s’annonçait dure et sanglante. Heureusement, quatre jours après, 6 novembre, jour des obsèques solennelles de Tomi et Klein à Ajaccio, on apprenait la destruction, au col de Verde, du redoutable chef de bande Joseph Bartoli. Le corps expéditionnaire formé en vue de l’épuration du maquis corse débarqua à Ajaccio le 8 novembre ; il se composait de 640 gardes mobiles avec un important matériel de guerre parmi lequel six automitrailleuses ; on avait déjà secrètement renforcé les brigades de gendarmerie dans les régions où devaient avoir lieu les opérations ; des forces policières supplétives ayant à leur tête MM. Hennett et Martin, commissaires divisionnaires, étaient s’effacent, terrorisées. C’est ainsi que le service postal est supprimé, depuis le 18 mai, dans le canton de Sari d’Orcino, parce que telle est la volonté de Spada ! … L’idée est répandue dans nos campagnes qu’il suffit de gagner le maquis pour tenir en échec la force publique, les tribunaux, la loi. Et si on a tant soit peu de cran, monnayer la terreur que l’on inspire, se faire des rentes, devenir un agent électoral influent, recevoir d’illustres visiteurs avec le cérémonial d’un roi du maquis !… »

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venues augmenter la police mobile de la Corse composée uniquement du commissaire Natali et de deux inspecteurs. La direction des opérations était confiée à M. le général Fournier, commandant supérieur des forces de l’île, qui, le soir même de l’arrivée des troupes, à minuit, fit partir quatre colonnes sur camions automobiles et autocars pour occuper militairement Sainte-Marie-Sicché et Guitera, dans le fief de Bornea, Palneca, dans celui de Bartoli, la Punta, près de Calcatoggio, repaire de Spada, Vico et Guagno dans le secteur de Caviglioli. La circulation sur route fut interrompue ; les communications télégraphiques et téléphoniques coupées ; les arrestations en masse46 des personnes soupçonnées d’entretenir des intelligences avec les bandits opérées vigoureusement, et non parfois sans brutalité ; le désarmement des habitants des villages occupés poursuivi avec rigueur. La grande presse d’information de Paris et de l’étranger donna à ces simples opérations de police, mais grossies, boursouflées à l’extrême, l’allure d’une expédition militaire, une sorte de raid comme s’il s’agissait de châtier des tribus dissidentes en Syrie ou au Maroc47. Des protestations véhémentes s’élevèrent, émanées d’éminentes personnalités corses48, ou de groupements insulaires de Paris, de Marseille, de Toulon, contre la mise en œuvre de moyens dispro46. Il y eut 160 personnes arrêtées sous l’inculpation de recel et d’association de malfaiteurs. Après examen des faits qui leur étaient reprochés, plus d’une centaine de détenus étaient libérés à la date du 8 février 1932. 47. Les envoyés spéciaux de journaux télégraphiaient, en effet, qu’un grand quartier général était établi à Ajaccio, que l’état de siège était proclamé, qu’on ne pouvait pas se mouvoir dans la zone des opérations sans un brassard ou un laissez-passer, signé de l’autorité militaire ; enfin, que la population, terrorisée, gémissait sous la botte du soldat. Des correspondants de journaux étrangers annonçaient, avec le plus grand sérieux, que la France voulait étouffer, sous couleur de répression du banditisme, de sourdes menées autonomistes dans l’île. 48. « De la mesure… dans les mesures » écrivait M. de Moro-Giafferri, dans L’Œuvre ; « si j’avais eu l’honneur de régler la question, j’avoue, disait Pierre Dominique dans La République, que je l’eusse réglée à la « piatta » comme on dit là-bas, dans le silence ou même le secret. » ; « ou je ne connais rien de mon pays, affirmait Pierre Bonardi, dans les Nouvelles littéraires, ou la bêtise des pharisiens et l’aveuglement des pouvoirs publics sont en train d’y préparer d’interminables hécatombes… et d’innombrables bandits. » Il faut rendre justice à la presse parisienne ; dans les articles consacrés à la Corse en cette circonstance, les faits furent examinés d’une façon objective, et les extorsions de fonds pratiqués par les bandits corses rapprochés de vols, d’assassinats commis à Paris même ou dans les grandes villes de province. Bien mieux, des écrivains n’hésitèrent pas à proclamer que la meilleure façon d’éteindre le banditisme en Corse était encore de lui donner tous les éléments primordiaux de vie économique auxquels cette grande île méditerranéenne a droit, au même titre que les autres départements français.

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portionnés au but à atteindre et humiliants pour un département français. En Corse, au contraire, on estimait qu’il fallait, par un acte de vigueur éclatant, redresser des mentalités déviées, dépouiller brutalement des horsla-loi de l’auréole qui leur valait des admirations enthousiastes parmi la jeunesse ardente et désœuvrée des villages, les montrer en fuite, peureux et tremblants, rassurer les opprimés, châtier les connivences coupables, établir enfin, à la face de tous, que si la justice est lente à se mouvoir, finalement force reste à la loi49 ! L’opération de grande envergure effectuée par ordre du gouvernement, était nécessaire, urgente, et, à moins de faiblesse coupable, ne pouvait plus être différée. Pouvait-on, vraiment, la considérer comme trop rude ? M. Laval, président du Conseil, ministre de l’Intérieur, ne faisait que suivre, à la vérité, l’exemple donné par les deux génies représentatifs de la race corse, Pascal Paoli et Napoléon ! Le résultat ne se fit pas attendre. Les gardes mobiles prirent possession de la maison de Bartoli à Palneca, du repaire de Spada à la Punta, mirent sens dessus dessous les habitations des parents de Spada à Lopigna, de Bornea à Guitera. Harcelés, traqués, sans trêve ni merci, les hors-la-loi Mozziconacci50, Valle Toussaint51, Santoni Dominique52, Rossi Antoine53 se constituaient prisonniers dans le courant de novembre 1931, et Ettori, le 11 janvier 1932 ; mais les bandits les plus redoutables, Spada, Torre, Bornea réussissaient à franchir les barrages des forces de police, brouillaient leurs pistes, s’enfonçaient dans le maquis, se dissimulaient dans les grottes et des retraites impénétrables apparais49. Dans deux articles du Temps très documentés, M. Louis Giorgi, se mettait à l’unisson de l’opinion publique dans l’île : « Le Gouvernement, disait-il, vient de faire prendre, enfin, la ferme décision de débarrasser le maquis de ses hôtes indésirables. Cette mesure s’imposait. Les Corses la sollicitaient et ils ne comprennent pas le bruit fait par la presse continentale autour d’une opération de police. » 50. Mozziconacci Paul-Joseph, inculpé de tentative de meurtre sur l’ancien maire de Tivolaggio, Mozziconacci Antoine. 51. Valle Toussaint, inculpé de tentative de meurtre, en 1930, sur Leca, adjudant en retraite, chef de chantier au Forcone, à Ajaccio. 52. Santoni Dominique, guide du bandit Bartoli, accusé d’avoir tué, le 20 octobre 1930, Dominique Pedinielli, à Portigliolo, près de Propriano ; jugé par la cour d’assise du Rhône, audience des 1er et 2 février 1932. Santoni fut condamné à cinq ans de travaux forcés. 53. Rossi Antoine, avait attaqué à coups de revolver, boulevard Lantivy, devant le garage Morazzani, le 31 août 1931 à 11 heures du matin, Antoine Morazzani qui devait succomber à ses blessures et Antoine Santoni, cousin du bandit Bartoli qui avait été grièvement blessé.


saient, parfois, le soir, au seuil de maisons isolées, implorant l’aumône d’un morceau de pain. Si Torre, surpris à Muna, près de Vico, a été enfin capturé, le 11 février 1932, si Sébastien Spada s’est constitué prisonnier le 11 juin de la même année, André Spada et Bornea demeurent jusqu’à ce jour (octobre 1932) insaisissables, mais, néanmoins, ils ont été mis dans l’impossibilité absolue de nuire. Dépouillés de leur prestige, ils ne songent plus qu’à échapper aux étreintes de la police qui ne cesse de les poursuivre avec une ténacité inlassable. Ils finiront par succomber.


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