Corse, les fromages

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Dans ces différents types de relations, le berger ne jouissait pas d’une bonne image et en général des qualificatifs péjoratifs circulaient couramment. « U pasturone » ou encore « u pasturacciu » repérés fréquemment dans les contes, les chansons, suffisaient pour le désigner avec le poids des défauts ou d’autres insuffisances - et distinguer ainsi une classe sociale à part. Il était admis, notamment par les gens de la ville devenant de plus en plus nombreux, et même si certains d’entre eux étaient issus du milieu pastoral, que le berger illustrait parfaitement l’ignorance et le manque de savoir-vivre. À l’école même, des expressions restées célèbres en disent long sur la considération du personnel enseignant pour les enfants de bergers qui éprouvaient des difficultés à assimiler le savoir scolaire « Quant’è i vostri babbi, ne saperete sempre » (vous en saurez toujours autant que vos parents). Et ce ne sont pas les rares témoignages - sous la plume du poète G.S. Versini (u Buscaghjolu) ou par la magique voix de Carlu Rocchi dans « U pastore » présentant avec lucidité tous les attributs du métier au milieu des années cinquante - qui auront permis d’adoucir l’image du berger. Toutefois, le rôle des Corses de l’extérieur a probablement permis de rehausser l’image de cette activité non seulement parce que les bergers représentaient d’importants débouchés pour les produits de l’élevage (on peut mentionner l’exportation importante de fromages de Calinzana et du Niolu pour les Corses de Marseille), mais aussi par le discours et les marques d’attachement qui donnaient de plus en plus de valeur à l’élevage pastoral. La vie pastorale qui évoluait avec sa dynamique propre et relativement en marge des chan-

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1, 2, 3, 4, et 5. Références omniprésentes au pastoralisme dans divers documents destinés au public et à la promotion de la Corse.

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gements rapides que la plupart des Corses adoptaient demeurait aux yeux de ceux-ci comme une boîte noire, un monde à part qui ne leur était pourtant pas complètement étranger ; au contraire l’éloignement physique en renforçait les liens moraux : les coutumes, les savoirs, les chants représentaient un ensemble de caractéristiques qui conféraient au monde pastoral, une identité, un « bout de quelque chose », auquel de nombreux Corses aimaient à se rattacher.

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