Grandes dates de l’histoire
Jean-Marie Arrighi
corse
CHRONOLOGIE AUGMENTÉEI
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Les formes francisÊes des toponymes corses figurent en fin d’ouvrage.
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Présentation
L
Le présent ouvrage n’est pas un abrégé d’histoire de la Corse. Il n’a pas cette ambition. Il a été conçu dans un but plus simple, plus accessible, sans désir de dire l’histoire autrement que par la mise en perspective des dates les plus marquantes.
Des dates et des événements ne disent pas l’histoire, ils en soulignent essentiellement les inflexions majeures. Il sera nécessaire pour des analyses de fond de s’adresser à des ouvrages plus développés. Cependant cette chronologie peut être lue sans autre apport et donner une première image cohérente des événements essentiels de notre histoire. Pour parfaire la connaissance de ce que fut l’histoire de l’île et de son peuple, il faut cependant mettre de la chair sur les os. Il faut approfondir chaque entrée, connaître son contexte, le mettre en lien avec l’histoire de ses voisins, de la Méditerranée et parfois même du monde entier. Connaître les modes de vie, les rapports sociaux, les dynamiques et les mouvements profonds qui animent les sociétés, les cultures, les rapports économiques, les structures de pensée,
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l’histoire des sciences et des technologies. En bref, tout ce qui fait connaissance puis savoir et qui, souvent, dans cette mécanique didactique, fait débat. Nous avons voulu tracer dans notre ouvrage un fil rouge suffisamment clair et concis pour permettre au lecteur une approche simple mais convaincante de l’histoire de la Corse et des Corses. Nous avons choisi les dates les plus significatives en sachant que certaines parfois seraient passées sous silence malgré leur valeur explicative. Tout travail de vulgarisation scientifique est pour cette raison amendable. Il est le fruit d’un élagage brutal mais nécessaire. C’est pourquoi ce parti pris doit s’accompagner du maximum de justesse dans le choix et dans l’écriture des faits relatés. C’est ce que nous avons tenté de faire. Nous espérons donner ainsi au lecteur le goût d’aller plus loin et de découvrir, à travers l’histoire de l’île, un petit condensé des grands mouvements universels qui l’ont aussi touchée et dont parfois des Corses furent d’importants acteurs.
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Préhistoire Arrivé au Paléolithique, l’homme occupe l’île et sa voisine, la Sardaigne. Il est chasseur-cueillleur, nomade et occupe des campements temporaires. Au Néolithique, il se sédentarise et élève des monuments mégalithiques originaux. Il devient aussi partiellement agriculteur.
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Vers 70 000 av. J.-C.
mer avec la montée des eaux. Leur installation durable se serait faite plus précocement en Sardaigne qu’en Corse, plus montagneuse et partiellement occupée alors par des glaciers.
Dans la grotte d’A Coscia dans le Cap
Corse, un amoncellement de têtes de cerfs pourrait être le résultat d’une intervention humaine. À date aussi ancienne, il s’agirait de Néandertaliens, sans doute en nombre très faible.
Vers 35 000 av. J.-C.
Vers 22 000 av. J.-C. Présence en Corse d’éléments taillés
de fabrication humaine.
Vers 9 500 av. J.-C.
Selon les recherches scientifiques sur
l’ADN, constitution de l’ensemble des Corses et Sardes comme groupe humain. On constate une similitude génétique forte entre ces deux populations insulaires, dont l’originalité se dessine donc dès le Paléolithique. Les deux îles forment d’ailleurs alors une île unique.
Séparation de la Corse et de la
Sardaigne par l’élévation du niveau de la mer.
Vers 8 500 av. J.-C. Traces certaines de communautés
humaines en Corse.
Vers 7 500 av. J.-C. Sépulture collective de Santu Stefanu
Vers 30 000 av. J.-C.
à Suddacarò*, la plus ancienne répertoriée à ce jour.
Présence certaine de l’homme en
Sardaigne. Vu les possibilités de la navigation à l’époque, cette population est nécessairement passée par la Corse côtière, où ses traces éventuelles se seraient retrouvées sous la
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Vers 6 800 av. J.-C. Sépulture de la « dame de Bonifacio »,
longtemps considérée comme le premier être humain attesté en Corse. Il
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PRÉHISTOIRE
VIIe millénaire av. J.-C. La dame de Bunifaziu Déposé dans un creux, allongé,
ostéite mandibulaire, elle ne
et la tête tournée vers la droite,
put vivre jusqu’à sa trentaine
l’ensemble recouvert d’une
qu’avec l’aide des siens. Première
poudre minérale de couleur
preuve connue de solidarité
brun rouge foncé, le corps de la
insulaire, la dame de Bunifaziu
défunte a été l’objet de toutes
est aussi le premier exemple
les sollicitudes. Âgée de 35 à
d’inhumation intentionnelle dans
40 ans, celle qui est revenue à la
l’île, à une époque où l’homme
lumière en ce jour de 1972, sur
n’est toujours qu’un prédateur,
les rebords du plateau calcaire
un chasseur-cueilleur toujours en
de Bunifaziu, fut aussi, de son
quête de sa subsistance.
vivant, très entourée. Nous
Sa découverte est un miracle
étions il y a huit mille cinq cents
dans une île où le substrat
ans, au Prénéolithique, et la
géologique acide (granite) n’est
« dame de Bonifacio » claudiquait
pas propice à la conservation des
et ne pouvait mâcher qu’avec
squelettes.
peine les aliments. Victime,
Elle repose au musée de Levie,
entre autres, d’une dysmorphie
où elle fait aujourd’hui à nouveau
congénitale et surtout d’une
l’objet de toutes les attentions.
s’agissait d’une femme trop handica-
maux, habitats construits. Seules les
pée pour pouvoir survivre sans aide,
zones côtières sont occupées.
ce qui suppose une société relative-
5 000-4 000 av. J.-C.
ment organisée.
Néolithique moyen : occupation de
la totalité du territoire, agriculture,
7 000-5 000 av. J.-C.
liens avec le continent et la Sardaigne Néolithique ancien : production de
(commerce de l’obsidienne) ; pre-
céramique, domestication des ani-
miers menhirs (stantari) que leurs
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Construction de villages fortifiés (cas-
traits de plus en plus marqués font évoluer vers la statuaire.
telli). C’est le sommet du mégali-
4 000-2 500 av. J.-C.
thisme : grands dolmens (stazzoni),
Néolithique récent : l’industrie du
menhirs devenus de véritables statues
cuivre se répand. Entre 3 500 et 3 000, le « Terrinien » (du nom du site de Terrina à Aleria) correspond à un certain développement agricole et à un travail du cuivre sur place.
(vers 2 300), parfois regroupés en
3 200 av. J.-C. environ Mort d’Ötzi, tué par une flèche,
conservé par la glace dans les Alpes italiennes et retrouvé en 1991. Son ADN le rapproche des Corses et des Sardes. Plutôt qu’à une émigration depuis les îles vers les Alpes, on peut penser que les populations préhistoriques continentales étaient proches des Corses et des Sardes, et ont fusionné ensuite avec des groupes humains plus nombreux.
grandes allées. Ce sont autant de témoignages d’une société complexe, reposant sur une vision du monde cohérente difficile à interpréter.
1 700-1 300 av. J.-C. Société guerrière très organisée, dis-
posant de liaisons maritimes fréquentes.
C’est
l’époque
des
statues-menhirs armées, et celle où la mythologie grecque situe les premiers « rois » ou occupants de la Corse : Kurnos, fils d’Héraclès, vers 1 450 ; Phorcos et sa fille Méduse ; la bergère Corsa venue de Ligurie ; et
2 500-1 700 av. J.-C.
même Ulysse qui aurait rencontré les
Bronze ancien ou Néolithique termi-
Lestrygons
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à
Bunifaziu vers 1 200 (Chant IX de
nal : croissance de la population, habitat sédentaire, hiérarchie sociale forte.
anthropophages
l’Odyssée).
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PRÉHISTOIRE
900 av. J.-C.
l’occupation de la Gallura au nord de la Sardaigne par des peuples exilés de Corse. La société corse semble alors proche de celle que décrit l’Iliade pour la Grèce archaïque : de petits royaumes se combattant mais capables de s’unir pour des interventions communes à l’extérieur.
Fondation à Aleria d’une première
ville corse, celle que les Phocéens « relèvent » plus tard, selon Hérodote.
850 av. J.-C. Selon les textes antiques, expéditions
des « Corses » en Italie et Sardaigne. Elles aboutissent à la fondation de Populonia sur la côte toscane, et à
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Antiquité Les Corses occupent des villages dans l’intérieur et entretiennent des rapports étroits avec les peuples navigateurs de Méditerranée (Étrusques, Phéniciens, Grecs, puis Carthaginois et Romains…). Alalia*, fondée par les Grecs phocéens venus d’Asie mineure, est durant des siècles un lieu de rencontre entre cultures. Les Corses subissent la politique expansionniste de Rome et deviennent « romains » au bout d’une succession de guerres de plus de deux cents ans.
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565 av. J.-C. Fondation d’Aleria Les Grecs de Phocée, vieux
située face à l’Étrurie et
de s’installer définitivement dans
routiers du commerce maritime
proche de la riche Sardaigne
d’autres villes de Méditerranée
en Méditerranée, avaient installé
carthaginoise. Le commerce
occidentale où ils s’étaient
sur la côte orientale un comptoir
était prometteur, sans oublier
ancrés : Élée en Italie du Sud et le
nommé Alalia* afin de traiter
la piraterie, mais il ne fallut pas
comptoir de Massalia, la Marseille
directement avec les Korsoi,
plus de cinq ans pour susciter
actuelle.
ainsi que se nommaient eux-
les jalousies de leurs puissants
Le destin de la cité antique
mêmes les habitants du lieu.
voisins et provoquer une bataille
restera alors essentiellement
Vingt ans après la fondation de
navale restée fameuse : la bataille
dicté par les impératifs
celui-ci, envahis par les Perses,
d’Alalia*. Vainqueurs – « à la
commerciaux, faisant
ils quittèrent en masse leur ville
cadméenne », avec de lourdes
probablement coexister Grecs,
d’origine, Phocée, pour tout
pertes – de la coalition étrusco-
Étrusques et Carthaginois, avant
naturellement trouver refuge
carthaginoise, ils n’en décidèrent
de passer en 259 sous la coupe
ici, sur cette île admirablement
pas moins de quitter les lieux et
des Romains.
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ANTIQUITÉ
565 av. J.-C.
475 à 420 av. J.-C.
Implantation à Alalia* d’un comptoir
La
phocéen. Les mêmes Grecs d’Asie mineure ont fondé auparavant Marseille, Agde et Antibes.
présence d’Athéniens et de Romains est attestée à Aleria
458 et 384 av. J.-C. Expéditions syracusaines, qui abou-
543 av. J.-C.
tissent à l’occupation du « port syracusain » sans doute Portivechju*.
Arrivée massive d’autres Phocéens,
fuyant les Perses qui ont occupé, en 546 av. J.-C., leur ville d’Asie mineure. Ils pratiquent le commerce mais aussi la piraterie, d’où l’intervention contre eux des Étrusques et des Carthaginois alliés.
535 av. J.-C. Vainqueurs d’une bataille navale mais
avec de très lourdes pertes, les Phocéens quittent en majorité la Corse pour Élée et Marseille. La ville et la Corse en général restent sous domination étrusque, mais des populations d’origines diverses y cohabitent, comme le montrent les tombes fouillées.
530 à 475 av. J.-C. Présence
étrusque
345 av. J.-C. Dans les traités entre Rome et
Carthage, la Corse est mentionnée comme alliée de Carthage. L’historien Polybe évoque des « textes des Kurniens », figurant dans les bibliothèques de Grèce, sans doute en rapport avec l’activité diplomatique de cette période.
264 à 241 av. J.-C. Première guerre punique, où les
Corses sont visiblement alliés de Carthage.
259 av. J.-C. Expédition
dominante
du consul Lucius Cornelius Scipion en Corse et en Sardaigne. Prise d’Aleria par les
à
Aleria.
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Romains. La « ville » d’Aleria (et non
201 à 181 av. J.-C.
plus Alalia) est mentionnée comme
Série d’efforts militaires romains
ayant la même importance que tout le reste de la Corse dans l’épitaphe de Scipion.
pour contrôler les îles.
181 à 111 av. J.-C. Nombreuses opérations contre les
238 à 232 av. J.-C.
« révoltes » des Corses en même temps que des Sardes, ce qui indique une coordination entre les habitants des deux îles. Les Corses ont de très lourdes pertes : 2 000 tués en 181 av. J.-C, 7 000 en 173 av. J.-C, selon des chiffres peut-être exagérés par les généraux romains. Ils doivent verser d’énormes contributions.
Abandon des îles par Carthage à la fin
de la première guerre punique. Implantation romaine progressive et affrontements avec les Corses. En 236 av. J.-C., le général romain Marcus Claudius Cineas est condamné à mort pour avoir signé une « paix honteuse » avec les Corses.
227 av. J.-C.
111 av. J.-C.
Création d’une province unique de
Célébration du dernier triomphe lié à
une victoire sur les Corses et Sardes. La conquête romaine est considérée comme achevée.
Sardaigne, incluant la Corse.
218 à 201 av. J.-C. Deuxième guerre punique.
100 av. J.-C.
217 av. J.-C.
Caius Marius fonde une colonie
Stationnement de troupes romaines
romaine à Mariana et y installe des vétérans. Il s’agit à la fois d’implanter dans l’île des éléments sûrs et de
nombreuses, avec présence permanente d’un préteur chargé des îles.
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ANTIQUITÉ
150 av. J.-C. Description de la Corse par Ptolémée Le géographe grec du IIe siècle avant J.-C., Claude Ptolémée, propose une description qui sera reprise par les auteurs jusqu’au Moyen Âge, chacun y apportant sa touche au gré des nécessités liées à la navigation. Lui-même ayant probablement repris des indications antérieures à son époque, son texte est précieux pour connaître la géographie physique et humaine de l’île. Sa description fait état de douze peuples « habitant en villages », c’est-à-dire en cours d’urbanisation, auxquels il faut sans doute ajouter les « cités » au nombre de quatorze. Il y a donc les Kerouinoi, les Tarabenioi, les Titianoi, les Balatonoi, les Kilebensoi, les Koumasenoi, les Likninoi, les Makrinoi, les Ouanakenoi, les Opinoi, les Soubasanoi, les Sumbroi et,
outre les deux colonies d’Aleria
progrès de l’archéologie, des
et Mariana, des cités comme
correspondances avec la Corse
Ropikon, Kersounon, Palanta,
d’aujourd’hui… s’il est évident de
Lourinon, Alouka, Osincon,
trouver un lien entre Tarabenioi
Sermition, Talkinon, Ouenikion,
et Taravo, entre Titianoi et
Keneston, Opinon, Mora, Matisa
Tizzano, nombre d’entre eux
et Albiana.
restent obscurs et attendent leur
Il est loisible de retrouver, par
explication…
l’étymologie et aussi grâce aux
contrôler la mer dans la zone la plus proche de l’Italie.
essentielle de Corse. C’est le contrôle de tout le territoire corse qui est recherché.
81 av. J.-C. Fondation par Lucius Cornelius Sylla
d’une nouvelle colonie à Aleria, ville
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41 Sénèque en Corse L’héritier des stoïciens ne vint
« Corse, terrible quand l’été
à mentir, la quatrième à nier les
pas en Corse de son plein gré :
commence à brûler, / Plus cruelle
dieux. »
il est sans doute le plus célèbre
encore quand arrive la féroce
Rentré d’exil sur les instances
des réprouvés qui eurent l’île
Canicule, Épargne les exilés,
d’Agrippine, il est proche de
comme terre d’exil. C’est sans
ou plutôt ceux qui sont déjà
doute la raison de ses propos
ensevelis ; / Aux cendres des
peu amènes à son sujet et à celui
vivants que ta terre soit légère. »
de ses habitants. Ceux-ci sont
Les Corses sont eux aussi la
restés dans les mémoires et l’on
cible des flèches du désespéré :
à Polybe, écrites en exil, donnent
mesure tout le décalage avec les
« De toutes leurs coutumes, la
de précieuses indications sur la
dithyrambes actuels sur l’île de
première consiste à se venger,
Corse au Ier siècle, en dépit des
Beauté :
la seconde à voler, la troisième
outrances signalées…
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Néron mais sa bonne fortune tourne court et ce dernier, à la suite d’un complot déjoué contre lui, lui impose le suicide (65 ap. J.C.). Ses lettres à sa mère et celles
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