Casa Bonaparte : L'enfance de Napoléon

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Casa Bonaparte

Ajaccio : l’enfance de Napoléon Dessins Textes Design des quilles Création Playmobil®

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Charles Cianfarani Jean-Marc Olivesi Antoine-Marie Graziani Valérie Santarelli Frédéric Pierrot

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Il y a deux cent cinquante ans naissait Napoléon Bonaparte.

Il n’existe pas d’acte de naissance de Napoléon mais un acte de baptême dans lequel est mentionnée sa date de naissance, le 15 août 17691. Rien à cette date ne permet d’imaginer le destin de ce nouveau-né, deuxième enfant survivant du couple Charles Bonaparte et Letizia Ramolino. Et rien n’est véritablement certain de ce qui entoure sa naissance, en dehors des tribulations que traverse sa famille, comme beaucoup d’autres familles corses, en cette année 1769 qui voit la fin des espoirs d’indépendance de la Corse et la mainmise définitive sur l’île de la France de Louis XV.

Pas plus que son enfance, la maison familiale où il est né n’est aisée à reconstituer aujourd’hui. Presque rien de ce qui existait en 1769 ne subsiste dans l’actuelle maison de la rue Saint-Charles. Sa famille et son entourage, en revanche, sont peutêtre moins mal connus et l’évocation des divers membres qui composent l’une et l’autre illustre plus sûrement ce qui a constitué le petit monde au milieu duquel a grandi le futur Empereur.

Son enfance à Ajaccio n’est réellement connue qu’au travers de sa première éducation et des établissements qui l’ont accueilli : la petite école mixte tenue par des religieuses, où il est placé vers l’âge de cinq ans, et le collège de garçons – où lui apprit à écrire un certain abbé Recco –, avant son départ à l’âge de neuf ans pour Brienne, puis Autun et Paris. La légende, quant à elle, s’est emparée de faits souvent invérifiables… L’historien incontournable qu’est Frédéric Masson en a fait depuis longtemps la critique2.

Cette évocation fondée sur les récits concernant ces personnages, même s’ils sont souvent postérieurs aux événements, est la trame de l’exposition. Des saynètes Playmobil® ont été réalisées par Frédéric Pierrot à l’intention du jeune public. Un album original sous forme de bande dessinée accompagne l’événement : le scénario est de JeanMarc Olivesi et les planches, dont plusieurs des dessins originaux figurent dans l’exposition, sont de Charles Cianfarani ; Antoine-Marie Graziani a bien voulu éclairer la période par un texte sur l’émergence des Bonaparte à Ajaccio tandis que Valérie Santarelli a réalisé les silhouettes en forme de quilles. Je les remercie tous pour leur participation. Puissent cette exposition et cet ouvrage intéresser toutes les générations et garder à la naissance et à l’enfance de Napoléon une dimension simplement familiale, quand on sait combien la famille a compté pour lui.

1. L’état civil est une création révolutionnaire. L’acte de baptême,

Amaury Lefébure

daté du 21 juillet 1771, est conservé aujourd’hui en deux exemplaires, l’un aux archives communales d’Ajaccio (GG, carton 7, registre 12) et l’autre aux archives départementales de Corse-duSud (série 2 E, double du registre déposé auprès de la juridiction royale conformément aux règlements de l’administration française). Voir à ce sujet : Dorothy Carrington, Napoléon et ses parents au seuil de l’histoire, Ajaccio, éditions Alain Piazzola et La Marge, 2000, p. 38 et note 42 du chapitre II, p. 231.

Conservateur général Directeur du musée national des châteaux de Malmaison et Bois-Préaux

2. Frédéric Masson, Napoléon dans sa jeunesse, Paris, Albin Michel, 1922.

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Plan d’Ajaccio. 1790. Aiguillon et Gaudin. Collections du service historique de la Défense. Archives du génie de Vincennes.

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Le 15 août 2019, il y aura deux cent cinquante ans que Napoléon est né à Ajaccio. C’est bien à la Maison Bonaparte, aujourd’hui musée national, que Napoléon a commencé sa destinée unique dans les annales. Famille noble parmi les plus éminentes de la ville, les Bonaparte ne pouvaient pourtant pas rêver de destins extraordinaires de par leur seule naissance. Pour s’illustrer ainsi, il a fallu les capacités exceptionnelles de certains d’entre eux, leur sens de l’opportunité historique, leur œil pour jauger leurs contemporains, leur confiance totale dans l’éducation et la formation, et leur incroyable force de travail. Les parents de Napoléon, les proches qui ont accompagné sa jeunesse, sont déjà les acteurs de cette ascension et les témoins de cette émergence. Attentifs à l’une des premières expériences démocratiques d’Europe, celle de Paoli, ils vont également comprendre très rapidement l’opportunité exceptionnelle que représentera pour eux la Révolution.

donne tout leur sens. Les publications d’Antoine-Marie Graziani, qui a bien voulu s’associer à ce projet, donnent le cadre historique et social de cette aventure prodigieuse qui a mené les Bonaparte sur les premiers trônes d’Europe. Chaque portrait de cette galerie imaginaire des ancêtres sera éclairé par une planche de bande dessinée narrant des épisodes emblématiques de la vie du personnage. Puis, sur un plateau tournant, se succéderont neuf saynètes de l’enfance de Napoléon à Ajaccio, réalisées avec des Playmobil® mis en scène par Frédéric Pierrot, et dont l’aspect ludique n’a d’égal que la puissance d’évocation. Ces saynètes unissent la réalité à la légende pour donner plus de chair à nos personnages. Enfin, des silhouettes des frères et sœurs de Napoléon permettront de les identifier et de les caractériser les uns par rapport aux autres. Cette exposition, avant tout destinée aux enfants des écoles, nous familiarisera avec le quotidien d’une famille engagée sur la voie de la gloire.

Mais pendant ces trente ans (1769-1799), et surtout pendant les deux premières décennies, les proches de Napoléon ne sont pas suffisamment célèbres pour que l’histoire ait gardé leurs récits, ni suffisamment riches pour avoir commandé des portraits. C’est donc à partir de textes tardifs, souvent anecdotiques, rappelant le mode de vie des Bonaparte dans leur quotidienneté, ainsi que de portraits totalement inventés mais s’inspirant des traits de caractère de chacun des habitants de la Maison Bonaparte, tels qu’ils nous sont parvenus, que cette exposition a été élaborée. Néanmoins, ces récits de la vie au jour le jour des Bonaparte, nous les avons confrontés aux recherches les plus récentes relatives à la société corse du temps, et cette mise en perspective leur

Jean-Marc Olivesi

Conservateur général du patrimoine Musée national de la Maison Bonaparte

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Ajaccio : l’enfance de Napoléon

I Ce matin-là, dans les rues de la vieille ville d’Ajaccio…

I.

Vers la fin de la messe de l’Assomption, le 15 août 1769, Letizia fut prise par les douleurs de l’enfantement. Elle demanda à ses serviteurs de la ramener au plus vite à la maison dans sa chaise à porteurs.

II. À Sainte-Hélène, Napoléon voulut créer la légende qu’il était né sur des tapis représentant les héros de l’Iliade ou les combats de l’Antiquité. Letizia rétablira la vérité : « Il n’y avait pas de tapis dans nos maisons de Corse, encore moins en été qu’en hiver… » III. Napoléon naquit dans la Maison Bonaparte, comme tous ses frères et sœurs excepté l’aîné, Joseph, né à Corte. IV. C’est l’archidiacre Lucien, oncle de Charles Bonaparte, qui annonça aux Bonaparte que Napoléon serait le chef de famille, plutôt que son aîné, Joseph.

Aiutàti mi* ! Plus vite ! Plus vite !

O zitelli, ùn ne possu più*…

Porca miseria*…

* Oh, les enfants, je n’en peux plus… – Aidez-moi ! – Quelle misère !

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II

III Et le 15 août 1769…

Comment vontils l’appeler déjà ? Nabulione.

IV

Tu es l’aîné de la famille, mais Napoléon en est le chef ; aie soin de t’en souvenir...

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Je suis l’archidiacre Lucien. Mon neveu, Charles, est le père de Napoléon.

Comme le dira Napoléon : « Archidiacre en Corse, c’est comme archevêque en France ! »

J’ai su gérer ma fortune, qu’il s’agisse de mes revenus ecclésiastiques ou fonciers. Heureusement, parce qu’avec Charles et Letizia… et les enfants ! Et dix qui font cent, le compte est bon…

Un jour, Napoléon m’a détourné un panier de fruits. J’étais furieux !!!

Une autre fois, Pauline avait repéré ma bourse sous le matelas. Encouragée par ses frères, elle tira… et les doublons roulèrent par terre.

Ùn tocca micca !!!!

Ùn tocca micca* !!!!

C’est moi qui ai expliqué à Joseph que, bien qu’étant l’aîné, il devait laisser, après ma mort, la place de chef de la famille à Napoléon. Tu peux me croire, Joseph, il va vous étonner.

J’ai longtemps regretté les Génois, notre vie traditionnelle, nos terres, nos troupeaux, nos paysans fidèles…

* Pas touche !

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Et Letizia qui voulait toujours davantage de robes, de jupons, me réclamait toujours plus d’argent. Ci voli un ziu preti*, dit l’expression corse… Heureusement qu’après la mort de Charles j’étais là !.. Chère Letizia, vos dépenses m’inquiètent… Allons, mon cher oncle, et le prestige des Bonaparte ?

… Tout a changé avec les Français ! Napoléon, lui, a su saisir l’occasion ! Sacré oncle Lucien, tu étais d’une autre époque…

* On a besoin d’un oncle curé (se dit dans les situations très difficiles).

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Je suis née Paravisini, une vieille famille corse. Je suis la mère de Charles Bonaparte.

Ma fille Gertrude, sœur de Charles, a épousé son cousin, Nicolò Paravisini, mon neveu.

! onheur joie et b

EEvvvviivvaa i s i sppoossi !! i !!

Hourra !

BBrraavvo ! o!

,,

Felicita tions !!!

Napoléon dira de moi : « Elle me faisait, ainsi qu’à Pauline, l’effet d’une vieille fée. » Allez les enfants, fini de jouer. Il faut penser à l’étude maintenant !

J’entretenais de très bonnes relations avec Letizia, ma belle-fille, et comme je m’engageais à assister à une messe de plus chaque fois que Letizia relevait de couches, je finis par en entendre jusqu’à huit par jour.

Ma fille, ne devriez-vous pas rentrer chez vous ? Il se fait tard et…

Encore 5 minutes, Minà*, je t’en prie…

En revanche, je me disputais souvent avec mammuccia Catalina, la première nourrice de Napoléon. Elle me trouvait trop indulgente, pourtant elle m’adorait. Vous gâtez beaucoup trop cet enfant, Madame !

Mêlez-vous de vos affaires.

Napoléon et Pauline se moquaient de moi parce que j’étais toute courbée. Ils me suivaient en m’imitant…

Il ne m’en reste plus que deux…

Mon petit-fils le racontera plus tard : « À cause de cela, ma mère me donna une rouste dont je me souviens encore. » Ne te moque plus jamais de ta grand-mère !

* Abréviation de “Minanna” qui signifie Grand-mère.

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J’étais général de la Nation corse à Corte lorsqu’un jeune homme se présenta pour se mettre à mon service.

« Aussi habile à saisir l’importance d’une position que celle d’une mesure

Ce brillant étudiant en droit formé en Italie s’appelait Charles Bonaparte.

Mon cher Charles, nous allons accomplir de grandes choses ensemble.

On s’encanaille ?

On fête nos examens ! Seras-tu des nôtres, Charles ??

administrative, il combattait, gouvernait avec une sagacité et un tact que je n’ai vu qu’à lui », dira de moi Napoléon.

Sa femme, Letizia, était très belle, sa fille Pauline également. J’admirais aussi sa sœur Gertrude, cavalière émérite, que nous appelions Clorinde comme la guerrière de La Jérusalem délivrée. Ne va pas encore déchirer ta robe dans le maquis, Gertrude.

Ses enfants étaient intéressants : Joseph était le plus posé tandis que Napoléon montrait déjà de l’ambition. Il faut rester prudents et prendre garde à nos ennemis, Napoléon.

En raison d’un discours de Lucien à Toulon, je me fâchai avec les Bonaparte.

Vive les Jacobins et vive la France !

Ayant pris le parti de la France, ils durent fuir la Corse en mai 1793…

Il a choisi son camp. Chì vergogna*. Tu as raison, Pascal.

NOUS REVIENDRONS !

* Quelle honte !

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Nous devrions rallier nos amis et combattre sans attendre…

Ce dernier voulut écrire une histoire de la Corse. Il admirait les grandes actions des hommes de l’Antiquité. Un jour je lui dis : « Napoléon, tu n’es pas de ce siècle, tu es un homme de Plutarque*. » Je crois que je vais plutôt écrire l’histoire de la France…

Au moment de leur retour, en 1796, j’étais en exil à Londres.

C’est sûr, ce n’est pas le Tavignani…

* Les hommes illustres de Plutarque : biographies héroisées des grands hommes de l’Antiquité.

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Je m’appelle Gertrude Bonaparte Paravisini, je suis la sœur de Charles Bonaparte et donc la tante de Napoléon. Je suis aussi sa marraine.

J’ai épousé mon cousin germain, Nicolò Paravisini. Ma mère était la sœur de son père.

Et Nicolò est toujours resté en bons termes avec ma famille. Napoléon l’appelait oncle Niculinu. Je vous l’assure : le poisson avait cette taille. Que j’aille en enfer si je mens !

On me vit souvent chevaucher à ses côtés. J’étais sa préférée, disait Letizia.

On la connaît déjà cette histoire, oncle Lucien.

Gertrude, fille de… hum, nièce de… hum, cousine de… hum… Bref, voulez-vous prendre Nicolò pour époux ?

Au bout de trois ans de mariage, nous nous sommes séparés mais… nous avons continué à vivre ensemble jusqu’à ma mort ! Restons amis. Je prends la chambre du haut.

J’étais une femme forte, de fier caractère, cavalière accomplie : c’est moi qui ai appris à monter à cheval à Napoléon.

Comme mon frère Charles, je me passionnais pour les exploits de Pascal Paoli.

Allez Napoléon, encore un effort.

Celui de Niculinu était comme ça. Oh pitié… Torn’à Vignale*!

Paoli nous montre le chemin

Les bergers qui récitaient La Jérusalem délivrée du Tasse substituaient mon nom à celui de Clorinde, la belle princesse guerrière. C’est du moins ce que racontera mon neveu Lucien.

* Il remet ça !

Laissemoi lire !!

*

* Tancrède, qui prend Gertrude pour un homme/ veut la combattre en duel / Avec elle, il parcourt les montagnes élevées…

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Doué pour les études, je reçus le soutien de toute ma famille. Mais j’étais beau et j’aimais les mondanités, les filles, Cusì belli* ! la musique, la danse et les voyages.

Je rentrai en Corse pour aider Paoli et rejoignis Corte pour travailler à ses côtés.

J’ai fait mes études en Italie. À Pise et Rome, où je me suis bien amusé…

Cusì bella* !

Je m’occupais des questions de droit tout en écrivant des poèmes.

Nous avons perdu, certes, mais en faisant entrer la Corse dans l’histoire pour l’éternité !

Corti ! Capitale de la liberté !

Heureusement pour moi, les Français avaient besoin de notables qualifiés et compétents pour administrer la Corse. Comme je parlais français, que je savais me tenir en société et que j’étais juriste…

Puis nous avons perdu notre indépendance à la bataille de Ponte Novu, en 1769.

Engagé par le comte de Marbeuf, gouverneur de la Corse, je l’ai aidé lors d’un complot visant à l’écarter. Mes enfants reçurent en récompense des bourses d’études.

Mais je n’ai pas profité de la gloire de mon fils : je suis mort en 1785.

Ah papa, si tu nous voyais !

Mon cher Charles, la fidélité est la plus grande des qualités.

* Comme elles sont belles ! * Comme elle est belle !

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Mes petites-filles, Charlotte et Zénaïde, me posaient souvent des questions sur ma vie.

Ma famille était influente. Mon grand-père était membre du Conseil supérieur de la Corse. J’ai eu la plus forte dot d’Ajaccio.

On disait que j’étais très jolie.

Dis grand-mère, c’était comment la vie à Ajaccio ?

Puis j’ai rencontré Charles, l’homme de ma vie. Nous avons fondé une grande famille mais il est mort en 1785.

Merci pour l’emploi de mon neveu…

Je savais que celui qui réussirait, ce serait Napoléon.

Après cette date, j’ai dû élever seule nos huit enfants, aidée par l’oncle Lucien et mon demi-frère, Joseph Fesch. Bona sera*, Letizia.

Ma fille, prenez ces quelques francs.

Napoléon, à table !

Merci, ziu*.

SuBITU ,

* Bonsoir.

Maintenir la paix entre les huit était difficile. J’étais aidée par l’aîné, Joseph, mais Lucien et Napoléon se querellaient. Napoléon me demandait de prendre parti. « Celui de mes enfants que je chéris le plus, Napoléon ! Lucien ! c’est le plus malheureux. » Cessez immédiatement ou j’appelle votre mère !

* Oncle.

J’étais indifférente aux gloires de l’Empire, à la vie de cour.

Pffffff… Casa, ùn aveti* ?

Je vous en prie, si je peux aider…

Un jour, je serai le chef et ils verront.

*

!

* Tout de suite !

J’aimais me remémorer les guerres de la liberté avec mon Charles : quelle époque épique ! Bonghjornu, o sgiò Ghjinerale*. Salute, o amichi* !

C’est qui commande ! Capitu* ?!

MOI

* Bonjour, Général. – Bonjour, mes amis.

* Compris ? * Vous n’avez pas de maison ? (sous entendu : vous ne pouvez pas rentrer chez vous ?)

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Mon père était un capitaine suisse au service de Gênes. Il a épousé ma mère, veuve Ramolino : un beau mariage.

Mais il était protestant, autant dire turc ! Pour se faire accepter, il a dû se convertir au catholicisme. Il le faut, mon chéri…

Puis Charles, le mari de ma demi-sœur Letizia, est mort. Catastrophe !! j’adorais ma sœur, j’ai voulu l’aider.

Moi, au contraire, j’étais comme un poisson dans l’eau avec toute la famille : les Ramolino, les Pietrasanta, les Bonaparte. Mon neveu Napoléon avait à peine six ans de moins que moi.

Il le faut, mon fils…

J’ai même abandonné l’habit ecclésiastique pour devenir fournisseur aux armées.

C’est alors que j’ai découvert l’Italie… ses églises, ses tableaux…

Ne t’inquiète pas, je suis là, Letizia.

La peinture ! Ah, la peinture ! J’ai réuni la plus grande collection de mon temps.

Le pape m’a fait cardinal et l’Empereur, mon neveu, a fait de moi le Grand Aumônier de l’Empire.

C’est grâce à moi que l’on trouve à Ajaccio la plus belle collection de peinture italienne en France après celle du Louvre.

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D’Ajaccio, je me rappelle la nourrice qui veillait sur moi : elle s’appelait Camilla.

Il lui arrivait de se quereller avec ma mère ou ma grand-mère, quand il s’agissait de savoir ce qui était bon pour les enfants.

Fille et femme de pêcheur, c’était une femme solide, pratique et de bon sens.

Combien de fois vais-je vous le dire, Camilla, Napoléon ne doit rien manger entre les repas ! Avà ! Tamanta storia per dui fritelli* !

Lors du retour d’Égypte, elle vint au port pour m’accueillir.

Elle voulut à tout prix venir à Paris assister au sacre. À cette occasion, elle rencontra Joséphine et retrouva toute la famille.

O, lu me figliolu*, je n’ai plus que le lait de ma chèvre à te donner.

Elle amusa beaucoup le pape qui passa plus d’une heure et demie avec elle.

…alors il répond : “Tant qu’ils ne me prennent pas la soutane !”

Que vous êtes drôle, Camilla !

* Oh, mon fils.

Je voulus lui donner la maison de famille, mais la signora Letizia, ma mère, veillait… In a casa di l’antichi, o figliolu, vuleti mette i pesci salati* !

Elle obtint donc la maison des cousins Ramolino, auxquels la signora Letizia attribua la maison Bonaparte. C’est chez nous, avà basta*, Camilla !!

Comme les Ramolino tardaient Sa petite-fille Faustina épousa à libérer les lieux et que ses le commandant Poli, instigateur de demandes répétées (six mois la révolte du Fium’Orbu de 1816. durant !) auprès de la signora Aspett’ Letizia étaient ignorées, je lui appena*, fis donner 20 000 F de plus… tu ne pars pas à la guerre sans ton écharpe…

Chì vergogna* ! C’est celle-là que je voulais, moi…

* Dans la maison de nos ancêtres, mon fils, vous voulez mettre du poisson en saumure ! (Historique)

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* Ça suffit. * Quelle honte !

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* Allez ! Quelle histoire pour deux beignets ! * Attends un peu.

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De toutes les servantes de ma mère, c’est de Saveria dont je me souviens le mieux.

Elle était plutôt laide et très têtue : elle avait décidé de suivre la signora Letizia à Paris, elle y parvint.

Aspettati mi ! Aspettati mi* ! J’arrive, attendezmoi !

* Attendez-moi !

Elle se disputait souvent avec mon père : pourquoi avait-il abandonné Paoli ?

Et pourquoi Paoli s’était-il acoquiné avec les Anglais ?

Chì vergogna* !

Vi

À la chute de l’Empire, elle se chargea d’expédier toutes les affaires de la signora Letizia à Rome. Ah, voici les affaires que j’attendais.

sar anu tutti quan ti Li so cuc in i car nali…

En octobre 1816, elle partit la rejoindre, mais demanda des conditions de voyage très luxueuses : il fallut débourser seize louis d’or pour son périple (auberge, nourriture, équipage…)

Madame, il y a un mot de Saveria.

* Quelle honte !

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Un jour, chez Madame Mère, alors que la duchesse d’Abrantès jouait au piano une mélodie de bergers corses, Saveria ne put retenir ses larmes.

* Il y aura tous ses cousins germains (tiré de la “Nanna di u Cuscionu”, berceuse traditionnelle.)

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J’appartiens à l’une des plus anciennes et plus illustres familles d’Ajaccio, les Baciocchi. Lorsqu’il venait à Ajaccio, le gouverneur génois résidait chez nous !

Nous sommes riches parce que nous avons des terres, que nous faisons le commerce des grains et du sel. On se dépêche, ce sel doit être livré au port dès ce soir.

Ha, les Corses, vous avez au moins du bon vin.

Ma sœur Fiammetta était la plus belle femme d’Ajaccio. Pierre-Marie, quelle note – de 1 à 10 –, tu lui donnerais, à la petite Fiammetta ?

Je suis la sœur de Félix Baciocchi, époux d’Élisa Bonaparte.

Sinon l’addition va être salée… ce qui ne manque pas de sel. Elle est bonne, non ?

J’ai épousé André Ramolino, cousin de Letizia, de qui il recevra la Maison Bonaparte.

Fiammetta, ne te retourne pas !

Je ne supporte pas son héritier, André Lévie. Bien qu’étant très libéral, je pense qu’une femme doit d’abord s’occuper de son mari et surtout… savoir se taire !

Quel malotru…

Hi hi hi

Moi ? Un 10, sans hésitation !

Toute la famille me considère comme une mégère. Je ne suis pas stragna*, j’ai juste du caractère.

J’étais ravie au retour des Bourbons : les Bonaparte allaient enfin se calmer !

On dit que j’ai soustrait bijoux et papiers. C’est cependant moi qui ai acheté le pianoforte de la maison Bonaparte.

Avà si chì l’hannu da caccià li a calci in culu* !

! Attention ! e t On mon

* Désagréable, mal lunée.

On devra pourtant me laisser dans la casa jusqu’à ma mort.

Atten t On de ion ! scend !

* Il vont enfin les chasser à coups de pied au derrière ! (historique)

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Napoléon

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scènes d’enfance

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Letizia fait des confitures « Mon père rendit une visite à madame Buonaparte. Elle habitait à Ajaccio une pe tite maison de s me ille ure s de la ville , sur la porte de laque lle était écrit e n coquille s d’e scargot : Vive Marbe uf. Monsie ur de Marbe uf avait été le prote cte ur de la famille Buonaparte . La chronique disait que madame Buonaparte en avait été fort reconnaissante. Lors de la visite de mon père , e lle était e ncore une très be lle femme : il la trouva dans sa cuisine, sans bas, avec un simple jupon attaché sur une chemise, occupée à faire des confitures. » Récits d’une tante : Mémoires de la comtesse de Boigne, née d’Osmond. Éditions Émile-Paul Frères, Paris, 1921-1923, tome I, chapitre IV, p. 83.

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La cabane sur la terrasse

« À huit ans, il prit te lle me nt goût à l’étude e t particulière me nt à l’arithmétique , qu’il fallut lui construire une e spèce de pe tite chambre e n planches, sur la terrasse de la maison, où il se re tirait tout le jour, afin de ne pas être troublé par se s frère s. Le soir se ule me nt, il sortait un mome nt et marchait e n distrait dans le s rue s, sans avoir fait sa toile tte e t oubliant toujours de re monte r se s bas tombants. » Baron Hippolyte Larrey, Madame Mère (Napoleonis Mater), E. Dentu éditeur, Paris, 1892, tome II, p. 530.

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Napoléon peint des soldats

« De tous mes enfants, Napoléon, dès ses premières années, était le plus intrépide. Je me souviens que, pour donner un foyer à leur ardeur extraordinaire, j’avais dû démeubler une grande chambre où, dans le s he ure s de récréation e t de mauvais te mps, il leur était permis de s’amuser à leur gré. Jérôme et les trois autres s’occupaient à sauter ou à dessiner des pantins sur le mur. Napoléon, à qui j’avais acheté un tambour et un sabre de bois, ne peignait que des soldats toujours rangés en ordre de bataille. » Baron Hyppolite Larrey, Madame Mère (Napoleonis Mater), E. Dentu éditeur, Paris, 1892, tome II, p. 529.

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Giacominetta

« J’avais cinq à six ans. On m’avait mis dans une pension de petites demoiselles, dont la maîtresse était de la connaissance de ma famille. J’étais gentil, j’étais seul, chacune me caressait. Mais j’avais toujours mes bas sur mes souliers, et, dans nos promenades, je ne lâchais pas la main d’une charmante enfant qui fut l’occasion de bien des rixes. Mes espiègles de camarades, jaloux de ma Giacominetta, assemblèrent les deux circonstances dont je parle, et les mirent en chanson. Je ne paraissais pas dans la rue qu’ils ne m’escortassent en fredonnant : Napoleone di mezza calzetta fa l’amore a Giacominetta. Je ne pouvais supporter d’être le jouet de cette cohue . Bâtons, cailloux, je saisissais tout ce qui se prése ntait sous ma main, e t m’élançais e n aveugle au milieu de la mêlée. Heureusement qu’il se trouvait toujours quelqu’un pour mettre le holà et me tirer d’affaire ; mais le nombre ne m’arrêtait pas : je ne comptais jamais. » François Antommarchi, Les derniers moments de Napoléon (1819-1921), Garnier Frères, Paris, 1898, p. 136-137.

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Les malles de livres de Napoléon

« Mon frère obtint enfin un congé. Il nous arriva, et ce fut un grand bonheur pour notre mère et pour moi. Il y avait plusieurs années que nous ne nous étions vus ; mais nous correspondions habituellement par lettres. L’aspect du pays lui plut. Ses habitudes étaient celles d’un jeune homme appliqué et studieux ; mais il était bien différent de ce que le représentent les auteurs de Mémoire s, qui tous se transme tte nt re ligie use me nt la même e rre ur dès qu’e lle a été émise une fois. Il était alors admirate ur passionné de Je an-Jacque s, ce que nous appelions être habitant du monde idéal ; amateur des chefs-d’œuvre de Corneille, de Racine, de Voltaire, que nous déclamions journellement. Il avait réuni les œuvres de Plutarque, de Platon, de Cicéron, de Cornelius Nepos, de Tite-Live, de Tacite, traduites e n français ; ce lle s de Montaigne , de Monte squie u, de Raynal. Tous ce s ouvrage s occupaie nt une malle de plus grande s dime nsions que ce lle qui conte nait se s effe ts de toile tte . Je ne nie pas qu’il n’e ût aussi le s poésie s d’Ossian, mais je nie qu’il le s préférât à Homère. » Joseph Bonaparte, Mémoires et correspondance politique et militaire du roi Joseph, Perrotin libraire-éditeur, Paris, 1855, p. 32-33.

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Romains et Carthaginois « […] l’abbé Recco, professeur au collège royal d’Ajaccio, qui, dans notre pre mière e nfance , avant notre départ pour le contine nt, voulut bie n nous adme ttre à sa classe , e t nous donne r se s soins. Je me rappe lle que le s élève s étaie nt placés vis-à-vis le s uns de s autre s, aux de ux côtés opposés de la salle , sous un imme nse drapeau, dont l’un portait les initiales SPQR [Le Sénat et le peuple romain], c’était celui de Rome ; l’autre était celui de Carthage. Comme aîné des deux enfants, le professeur m’avait placé à côté de lui, sous le drape au romain ; Napoléon, impatie nté de se trouve r sous le drapeau de

Carthage, qui n’était pas celui du peuple vainqueur, n’eut pas de repos qu’il n’eût obtenu notre changement, ce à quoi je me prêtai de bonne grâce ; aussi m’en fut-il bien re connaissant et ce pe ndant, dans son triomphe , il était inquiété de l’idée d’avoir été injuste avec son frère, et il fallut toute l’autorité de notre mère pour le tranquilliser. » Joseph Bonaparte, Mémoires et correspondance politique et militaire du roi Joseph, Perrotin libraire-éditeur, Paris, 1855, p. 40-41.

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Chez le meunier

une heure et, prenant des notes sur tout, il ajouta, peu de temps après, que son moulin devait moudre, en un jour, une telle quantité de blé et, en une semaine, une te lle autre quantité. Le fe rmie r fut étonné par l’e xactitude du calcul et, revenu en ville avec Napoléon, il me dit que si Die u accordait longue vie au petit monsie ur, il ne manque rait pas de de ve nir le pre mie r homme du monde. »

« À ce même âge de huit ans (c’était un jour de fête, le 5 mai), notre fermier d’affaires étant venu en ville, avec de ux je une s e t vigoure ux che vaux, Napoléon atte ndit le moment du départ, monta lui-même sur l’un de ces deux chevaux et, nouvel Alexandre, galopait toujours en avant du fe rmie r qui, tre mblant de fraye ur, l’e xhortait à s’arrête r. Il arriva ainsi à de stination e t de sce ndit de cheval, en riant beaucoup de la peur du fermier. Avant de partir, il observa attentivement le mécanisme d’un moulin, alors en mouvement ; il alla reconnaître le volume d’eau qui le mettait en mouvement, demanda au fermier quelle était la quantité de blé moulue pendant

Baron Hyppolyte Larrey, Madame Mère (Napoleonis Mater), E. Dentu éditeur, Paris, 1892, tome II, p. 530.

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8 Ajaccini et borghigiani « Une vie ille rivalité, e n effe t, e xistait e ntre le s Ajaccini (les Ajaccie ns d’origine ) e t le s Borghigiani (ce ux du Borgo, du faubourg, venus de l’intérieur de la Corse se fixer aux portes de la ville ). Ce la re montait à Sampie ro : à sa fondation, Ajaccio avait été e xclusive me nt une colonie génoise ; ave c le s bande s de Sampie ro, que lque s rare s Corse s comme ncère nt à s’y établir ; ils étaie nt vus de mauvais œil par le s habitants de la ville qui les accusaient de dévaster leurs propriétés ; ces nouveaux venus avaient fini par prendre racine dans le pays, étaie nt de ve nus de s marins e t de s pêche urs de corail ; les colons génois, d’autre part, avaient évolué eux aussi ; à chaque nouve lle génération le ur qualité de sujets génois était allée s’affaiblissant ; ils devenaient uniquement des Ajacciens et plus tard, avec Paoli, des Corses ; mais au cours de ces deux siècles, les froissements d’intérêts avaient été nombre ux, le s que re lle s fréque nte s e ntre Ajaccie ns e t Corses. Une sourde rancune existait dans les deux parties de la ville ; elle se manifestait même dans les jeux des enfants.

À Ajaccio, comme dans la plupart de s village s de la Corse , le s e nfants avaie nt l’habitude de joue r aux soldats, de se livrer des batailles à coups de pierre. Chaque année, des rencontres avaient lieu entre les Ajaccini et les Borghigiani, et à cause de l’antagonisme qui existait entre eux, ils mettaient un acharnement inusité dans ces sortes de jeux. Les Ajaccini, fils de noble s, de bourge ois, de boutiquie rs, étaie nt moins vigoure ux que le s Borghigiani, fils de marins, d’artisans e t de laboureurs, et plus accoutumés aux fatigues et aux privations. Il leur arrivait de se faire réciproquement des blessures assez graves. Le bruit de ces rixes ne pouvait échapper à la signora Le tizia. Le pe tit Napoléon, qui y avait joué un rôle actif, reçut le fouet, mais au fond ses parents n’étaient pas fâchés de sa crânerie, par cette instinctive vanité qu’ont les Corses pour les actes d’énergie violents. » Jean-Baptiste Marcaggi, Le souvenir de Napoléon à Ajaccio, Éditions Rombaldi, Ajaccio, 1921, p. 61.

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Au Casone

Dans ses Sketches of Corsica, publiés en 1825, Robert Benson affirme que Napoléon aurait aimé à venir méditer dans cette grotte. Ses propos sont repris par miss Campbell en 1868 tandis que Charles Guérin et Antoine Claude Pasquin, dit Valéry, les réfutent.

« J’étais allé visite r le Casone , grand jardin couve rt d’olivie rs e t de figuie rs d’Inde e t dont la grotte jouit de que lque célébrité. Ce tte grotte asse z pittore sque , formée de gros rochers, en face de la mer, a été donnée pour le lie u de s pre mière s méditations de Napoléon e nfant, e t que lque s voyage urs enthousiastes la visitent en cette qualité ; je re gre tte de détruire le urs illusions, mais le Casone, ancienne villa des Jésuites et devenu, à leur suppression, propriété de l’État, n’a été acquis par la famille Bonaparte que comme bien national. » Valéry, Voyage en Corse, L. Bourgeois-Maze éditeur, Paris, 1837, p. 168.

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Ajaccio : l’enfance de Napoléon

Ajaccio et son territoire Ajaccio est une cité née en 1492 pour servir de point d’appui aux Génois entre les deux présides déjà créés par eux à Bonifacio et à Calvi, sur la côte occidentale de la Corse. Le contexte est celui des guerres seigneuriales qui opposent l’Office de Saint-Georges aux seigneurs insulaires Giovan Paolo de Leca et Rinuccio de la Rocca à la fin du XVe et au début du XVIe siècle. Le modèle premier de développement de la cité restera donc, jusqu’aux guerres du XVIe siècle (1553-1569), celui des présides, de Bonifacio, des cités fermées réservées d’abord aux soldats venus mener la guerre contre les seigneurs corses. Ainsi Francesco « le Maure » Bonaparte, un soldat recruté dans les rangs des troupes de l’Office de Saint-Georges, arrivé dans l’île en août 1514 comme arbalétrier à cheval. Les anciens d’Ajaccio peuvent ainsi évoquer une « colonie génoise » pour parler de leur cité. D’où aussi les nouvelles armes d’Ajaccio : deux lévriers, symbole de fidélité et de vigilance, entourant une colonne portant les armes de Gênes, la croix rouge sur un fond blanc. Plus tard, le modèle évoluera vers la ville « ouverte », dont l’exemple le plus remarquable dans l’île est Bastia. De nouvelles populations s’installeront alors à Ajaccio qui deviendra au début du XVIIIe siècle le pendant

La société ajaccienne de Bastia, une sorte de « capitale » du sud de l’île, le Delà-des-Monts. Cette transformation aura un réel effet sur la configuration de la cité. S’installeront à Ajaccio des populations venues de la vallée de la Gravona puis des Trè Pievi (Cauro, l’Ornano et le Taravo) et de la seigneurie d’Istria, essentiellement dans la partie non close de la ville, le Borgu, grâce notamment à des droits de bourgeoisie. L’environnement d’Ajaccio est alors bien différent de l’actuel, comme le révèle le Plan terrier sur lequel, au-delà de Mezzavia, les communautés limitrophes du territoire de la communauté peuvent être Tavera et Bocognano ! Par ailleurs, une partie de la zone est abandonnée du fait des descentes turques dans toute la pieve d’Ajaccio à partir du début du XVIe siècle. Les transformations réalisées au XIXe siècle, avec la création par exemple d’Afa, masquent cette situation où la montagne et la plaine se complètent.

À l’origine, Ajaccio est conçue pour être une « colonie génoise » à l’intérieur d’une Corse des seigneurs cinarchesi. Mais ce sont les guerres contre ceux-ci – Giovan Paolo de Leca, Rinuccio de la Rocca – qui créent une forme de diversité : aux Ligures venus s’installer souvent comme soldats s’ajouteront des Corses ralliés au pouvoir génois, appelés benemeriti (ceux qui ont bien mérité de la patrie génoise). On est là à l’origine de ce qui constituera la noblesse insulaire. Ceux qui ont obtenu des places, des pensions ou d’autres avantages rappelleront leurs faits d’armes ou ceux de leurs aïeux et l’État choisira volontiers entre leurs rangs les gens à soutenir. Les guerres contre la Savoie et les Piémontais en 1625 et 1672 créeront une nouvelle benemeranza mais moins importante. Les benemeriti ajacciens pourront se raccrocher à l’un ou à l’autre de ces événements, comme on le voit à travers l’exemple des Baciocchi. S’installent aussi dans Ajaccio les familles Bozzi, Ornano et Istria, particulièrement au lendemain de la révolte anti-seigneuriale de la Saint-Laurent de 1615 au cours de laquelle nombre de seigneurs sont massacrés. C’est pour cette raison que le nom premier de la strada Malerba (l’actuelle rue Saint-Charles) sera celui de strada Anton Paolo Bozzi. Pour cette raison aussi que la

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chapelle de la Madonna del Pianto de la cathédrale sera créée par un seigneur, Pietro Paolo d’Ornano. Les guerres du XVIe siècle entraînent également une restructuration de la ville : au château placé sur la mer au bout du carrughju drittu (la rue directe), les Génois substituent une citadelle séparée du reste de la cité par un fossé empli d’eau. La nouvelle citadelle bastionnée, dessinée par le grand fortificateur Giacomo Palearo de Morcote dit le Fratino, a une partie de ses canons tournés vers la cité. Sa fonction n’est donc pas seulement de défendre la ville mais aussi de la dominer. Cette construction aboutit à la destruction d’une trentaine de maisons et de deux églises pour agrandir l’espace de la citadelle. Au cours de ces transformations, les Bonaparte perdront un édifice qui leur était parvenu par le mariage de Gieronimo Bonaparte. La création d’une benemeranza1 basée sur la défense de Gênes ne fait pas disparaître les affrontements entre les communautés corse et ligure comme cela apparaît au cours d’une partie de tarot qui tourne mal en 1550 et lors de laquelle s’opposent un seigneur feudataire insulaire, 1. Méritants.

Rolando d’Ornano, et des membres d’une famille ligure, les d’Onetto. Il en sera de même au lendemain des guerres du XVIe siècle : là encore des familles insulaires engagées dans les troupes génoises, et donc désormais dans l’incapacité de quitter la ville, se heurtent à des familles ligures. Le règlement de l’opposition s’effectue en 1579 par l’entremise d’un seigneur insulaire, par ailleurs un des assassins de Sampiero, Michel’Angelo d’Ornano et deux représentants de la communauté ligure : Battista, petit-fils du fondateur d’Ajaccio, Domenico de Negroni, et l’enseigne (l’alfiere) Giovan Ambrosio Cavatorta, beau-frère de Gieronimo Bonaparte. Un traité de paix prévoit que les habitants établis à Ajaccio de 1492 à 1553 bénéficient d’un même droit de bourgeoisie que les Ligures, et que les deux confréries de la ville, San Gieronimo pour les Génois et San Giovan Battista, se réuniront au sein d’une seule et même confrérie appelée San Giovan Battista et San Gieronimo. Désormais le gros des affrontements opposera les habitants de la vieille ville à ceux du Borgu, un quartier né au cours des années 1590 au-delà des murs de la ville. Il s’agit au départ d’une simple série de maisons construites pour l’essentiel le long de la mer, sur la route menant à Bastia. S’y installent des habitants des environs d’Ajaccio mais aussi des gens venus des Trè Pievi (Cauro, Ornano, Taravo). Des gens di zappa et di rete2 pour reprendre la phraséologie d’un évêque ajaccien du début du XVIIIe siècle. Des agriculteurs donc, surtout des ortolani engagés pour gérer les jardins des familles de l’oligarchie à Barbicaghja, à Alzo di Leva ou à Pietralba. Et puis des pêcheurs, 2. De la pioche et du filet.

des corailleurs, des tanneurs. Le nouveau quartier prend assez vite de l’ampleur et, à la fin du XVIIIe siècle, la population du Borgu est à peine inférieure à celle de la vieille ville. Le Borgu est en réalité la seule partie de la ville susceptible d’extension. C’est pourtant dans la vieille ville qu’apparaît une oligarchie de familles qui sont toutes apparentées entre elles. Choisies parmi les « bons de la cité », elles se placent à la tête de la communauté en se cooptant, suivant un règlement daté de 1658. Elles se partagent les places dans les différentes charges de la commune à travers un système mêlant élection et cooptation. La communauté reste, tout au long de la période génoise (XIVeXVIIIe siècle), une chasse gardée de l’oligarchie ajaccienne. Au moment des révolutions de Corse, les chefs insulaires sauront jouer des différences sociales existant dans le petit peuple d’Ajaccio et tout particulièrement celles existant entre la vieille ville et le Borgu. Les Corses sont nombreux dans le Borgu. Et au moment de la tentative de Masseria de se rendre maître de la citadelle d’Ajaccio, en 1763, Pascal Paoli écrira par exemple à deux chefs du Borgu,

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Pompeani et le chanoine Cervotti, pour leur demander de l’aider.

Terre et numéraire : sources de la richesse Contrairement à Bastia qui voit se développer l’entrepreneuriat sous différentes formes, Ajaccio est une ville de rentiers. L’oligarchie ajaccienne, en plus de ses propres terres, loue à l’État, à la communauté, à l’évêque ou aux seigneurs des terres qu’elle sous-loue par la suite à des bergers ou à des agriculteurs. La différence entre ces deux actions permet aux Ajacciens de dégager un bénéfice en argent ou en nature. Par ailleurs, la présence des ortolani dans le Borgu rappelle opportunément que les Ajacciens, même les principaux notables et les marchands, continuent à se préoccuper d’agriculture tout au long de cette période. Ainsi Francesco Bonaparte s’installe-t-il un temps dans sa propriété de la Villetta, à proximité du Borgu, et la loue-t-il à un ortolano calvais. La constitution de rentes sous forme de cens est liée à la pénurie du numéraire. C’est le moyen qu’a un propriétaire d’obtenir un peu d’argent dans une société peu monétarisée en mettant en gage un de ses biens. La rente est le droit de percevoir tous les ans une redevance qu’on appelle en France arrérages. Le problème ne provient pas des modalités du prêt, la plupart du temps il s’agit de sommes modiques, mais bien de son remboursement qui ne s’achève que s’il y a remboursement intégral de la somme engagée malgré le paiement des arrérages intermédiaires. Les rentes sont partout et particulièrement dans les dots de filles de familles de l’oligarchie : elles remplacent dans celles-ci l’argent liquide. À Ajaccio, avant 1680, est rarement adoptée une des formes les plus communes de sociétés, celles qui lient des détenteurs de capitaux, des marchands le plus souvent, à des patrons de barques et de navires. En revanche, ce type de contrats est extrêmement commun à Bastia. On se sert le plus souvent alors de prêts « à la grosse aventure », le prêteur et le patron se partageant le revenu de la vente des marchandises qui transitent par la barque du

patron. Cette faible présence de ce type de sociétés correspond à une situation particulière de la cité ajaccienne restée pendant très longtemps en marge du trafic de cabotage et qui ne bénéficie que modestement de la vente du blé et du bois que les patrons vont la plupart du temps chercher à l’escale du Valinco ou plus tard directement à Paomia (blé) et Sagone (bois). Un secteur important de l’activité ajaccienne est la pêche au corail. Elle s’effectue d’abord sur les côtes corse et sarde puis sur celles d’Afrique du Nord. Cette pêche ne cesse de gagner de l’importance au fil du temps : en 1764, le commissaire génois à Ajaccio, Spinola, mentionne que 720 personnes sont sorties d’Ajaccio pour pêcher le corail et, au cours de la période française, ce ne sont pas moins d’une centaine de gondoles qui sont affectées à la pêche au corail.

Savoir et culture : sources de pouvoir et ostentation de la réussite La formation des élites insulaires s’effectue longtemps à l’extérieur de l’île. Nombre de notables ajacciens sont aussi officiers au service de différentes puissances (le pape, Gênes, Venise, la France, etc.). Leurs enfants ont donc l’opportunité de suivre des études dans les universités proches de leurs lieux de garnison. Des Corses fréquentent également des séminaires continentaux. Le futur archidiacre Luciano Bonaparte sera, par exemple, éduqué au collegio Del Bene de Gênes. Cette institution, créée grâce à des fonds laissés en 1611 par Giovangirolamo Del Bene pour des familles nécessiteuses – et tout particulièrement pour des Corses –, était gérée notamment par d’anciennes personnalités génoises parmi lesquelles les anciens doges Federico De Franchi ou Costantino Balbi. La situation change au XVIIe siècle en Corse avec l’installation des Jésuites qui créent deux collèges dans l’île, à Bastia et Ajaccio. Dans la maison ajaccienne (située dans l’actuelle école Forcioli-Conti), on enseigne la grammaire et les sciences humaines. À la 46

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différence de Bastia, il n’y a pas à Ajaccio de cours de philosophie. Une partie des fils de notables peuvent faire leurs études à Ajaccio avant de gagner des universités continentales. Ces études permettent aussi localement de faire la différence puisque les « bons de la cité » qui participent de la communauté d’Ajaccio doivent obligatoirement savoir lire et écrire. Pour compléter l’enseignement qu’ils ont reçu dans les collèges, les fils de notables peuvent bénéficier d’une formation complémentaire dans des universités de terre ferme. Différents étudiants s’inscrivent, par exemple, à l’université de Pise qui est celle des juristes par excellence. C’est à Pise que Charles Bonaparte achèvera ses études. Certaines familles ajacciennes se spécialisent déjà dans les études juridiques, à l’instar des Benielli. Les fils du notable Michel’Angelo Benielli seront, en effet, avocat (Giovan Battista) et docteur ès lois (Ariotto). Ce dernier s’installera même à Gênes et y publiera des Consilia très réputés, considérés comme l’origine « du processus d’élaboration d’une culture juridique » dans cette cité. Son fils comme son neveu, le Dottore Giovan Gregorio, feront eux aussi des études de droit, tout comme le fils de Giovan Gregorio, Marc’Ariotto. Ces Benielli habitent une demeure imposante à Ajaccio dans la Colletta, en haut de l’actuelle rue Roi-de-Rome. Les Bonaparte y demeureront une année au moins entre leur départ du carrughju drittu et leur installation dans la strada Malerba.

Giuseppe, sera inhumé avec son épouse dans l’église des Capucins. Et puis les Bonaparte ont rejoint la confrérie des notables de la vieille ville installée dans l’ancien San Giovan Battista, devenu le San Carlo. La compagnie, qui se fait dès lors appeler Compagnia di San Carlo della Morte, s’engage à donner une sépulture aux indigents de la vieille ville d’Ajaccio. En 1755, c’est le grand-père de Napoléon, Giuseppe, qui en est le prieur. La dévotion populaire s’exprime aussi à Ajaccio à travers l’instauration du vœu de la Miséricorde en 1656. Un marchand ajaccien nommé Giovan Pietro Orto est à l’origine de cette pratique religieuse. Lors d’un voyage à Gênes, il achète une petite statue de la Vierge qu’il place au-dessus de sa maison de Candia. À la suite d’un miracle qui aurait eu lieu à proximité, Orto décide d’embellir une des chapelles latérales de l’église des Jésuites (actuelle église Saint-Érasme). Il y installe une nouvelle statue de la Vierge et deux marbres, l’un à son effigie et l’autre représentant Antonio Botta, le paysan qui avait eu une vision miraculeuse à l’origine de Notre-Damede-la-Miséricorde. Et au moment de la peste de 1656, les Magnifiques Anciens d’Ajaccio font vœu de consacrer à perpétuité Ajaccio à Notre-Dame-de-Savone, dite Notre-Dame-dela-Miséricorde. Jusqu’en 1660, le clergé de la cathédrale obtient que la cérémonie du vœu s’effectue dans la cathédrale. Antoine-Marie Graziani

Les Ajacciens, au cours de cette période, manifestent une véritable dévotion qui transparaît à travers de nombreux témoignages, la création de confréries, mais aussi la construction d’un nombre important d’édifices religieux : une cathédrale, des chapelles, des oratoires et plusieurs couvents. Les Bonaparte sont partout présents dans cet effort. C’est derrière la chapelle de Nostra Signora del Rosario de la cathédrale d’Ajaccio que sont ensevelis la plupart des Bonaparte avant Charles. C’est dans l’église du couvent des Franciscains d’Ajaccio, une des plus belles de Corse aux dires des contemporains, qu’est enterré Luciano Bonaparte, grand-oncle de Napoléon. Un autre ancêtre de Napoléon, 47

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Casa Bonaparte Ajaccio : l’enfance de Napoléon Musée national de la Maison Bonaparte Rue Saint-Charles – 20000 Ajaccio INFORMATIONS, RÉSERVATIONS GROUPES Tél. : (33) 04 95 21 43 89 Fax : (33) 04 95 21 61 32 www.musee-maisonbonaparte.fr Ouvert tous les jours sauf le lundi 10 h-12 h 30 et 13 h 15-17 h 30 Plein tarif : 7 € Tarif réduit : 5 € Gratuit pour les moins de 26 ans CONSERVATEUR GÉNÉRAL JEAN-MARC OLIVESI RECHERCHES ET DOCUMENTATION : Odile Bianco COORDINATION ADMINISTRATIVE ET FINANCIÈRE : Marion Pourtout, Secrétaire générale du SCN Malmaison, COMMUNICATION : Cécile Holstein, Malmaison ; Jean-Marc Olivesi, Ajaccio SUIVI TECHNIQUE : Stéphane Exiga, Maison Bonaparte Gilles Leguillermic, TMH Transports SÉCURITÉ ET ACCUEIL Les agents de la Maison Bonaparte : Antoine Andreani et François Moracchini TSC, Nathalie Alberti, Jean Bonaccorsi, Pascal Biguglia, Jacques Cesari, Pascal Chrétien, Alicia Danielli, Stéphane Exiga, Christophe Fréville, Ericka Luisi, Thierry Mouchon, Marie-Hélène Poinsignon • DESSINS : Charles Cianfarani TEXTES : Jean-Marc Olivesi, Antoine-Marie Graziani DESIGN DES QUILLES : Valérie Santarelli ® CRÉATION PLAYMOBIL : Frédéric Pierrot assisté de Grégory Bourdillon, Stéphane Pozzo di Borgo, Bruno Razet PHOTOGRAPHIES : Pascal Renucci assisté de Jean-Baptiste Ronchi MISE EN PAGE : Valérie Biancarelli

ALBIANA 4, rue Emmanuel-Arène – Ajaccio albiana.fr ISBN : 978-2-8241-0977-0 ACHEVÉ D’IMPRIMER le 15 mars 2019 sur les presses de l’Industrie Grafiche della Pacini Editore, Pise Imprimé en Italie DÉPÔT LÉGAL 1er trimestre 2019 © Tous droits de reproduction et de traduction réservés pour tous pays. Albiana/Musée de la Maison Bonaparte 2019

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