Prattica manuale

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LA CORSE, AU SIÈCLE DES LUMIÈRES Collection dirigée par Dominique Taddei 1 1729, Les Corses se rebellent Relazione dei tumulti di Corsica, F. Pinelli & Sollevation de’ Corsi, anonyme Évelyne Luciani (traduction et présentation) 2 Lorsque la Corse s’est éveillée Actes des Premières Rencontres historiques d’Île-Rousse (juin 2010)

3 De l’affirmation de la Nation à la première déclaration d’indépendance (1731-1735) Actes des Deuxièmes Rencontres historiques d’Île-Rousse (juin 2011)

4 Du roi Théodore à la première intervention française (1736-1741) Actes des Troisièmes Rencontres historiques d’Île-Rousse (mai 2012)

5 Justification de la Révolution de Corse, Don Gregorio Salvini Évelyne Luciani (présentation, traduction et notes) 6 La pensée politique des révolutionnaires corses. Émergence et permanence (1730-1764) Textes fondamentaux

Évelyne Luciani et Dominique Taddei 7 Prattica manuale Abrégé de droit coutumier corse. Particularités de l’histoire, des institutions, des mœurs et des usages dans la Corse génoise, P. Morati Évelyne Luciani (traduction)

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Pietro Morati

Prattica manuale Abrégé de droit coutumier corse Particularités de l’histoire, des institutions, des mœurs, et des usages dans la Corse génoise

Traduction Évelyne Luciani

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Ouvrage publiĂŠ avec le concours de la CollectivitĂŠ territoriale de Corse

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LA PRATTICA MANUALE DE PIETRO MORATI

L’ouvrage fut écrit entre 1702 et 1715 ou 1720 (on ignore la date de la mort de l’auteur). Il présente l’étrangeté de l’avoir été par l’oncle de Don Gregorio Salvini, auteur de la Giustificazione della rivoluzione di Corsica. Pietro Morati naquit à Muro en Balagne le 28 juin 1635. Il alla, comme son neveu le fit par la suite, faire ses études à Rome où il se diplôma en droit civil et en droit canon ; il avait donc le titre de doctor utriusque juris. P. Morati donne des éléments de sa biographie au cours de son travail et se vante, dès les premières pages, d’appartenir à une famille alliée aux plus grandes familles de notables balanins et complètement dévouée à la République de Gênes pour laquelle ses aïeux avaient pris les armes en 1567 contre Sampiero Corso. Le respect qu’il exprime pour son Prince génois tranche furieusement avec les convictions profondément révolutionnaires de son neveu. P. Morati écrit sa Prattica manuale une petite trentaine d’années avant le déclenchement de la première insurrection de Corse (1729). Son attitude envers la Sérénissime comparée à celle de Don Gregorio Salvini atteste de la vitesse à laquelle les mentalités évoluèrent en ce tout début du xviiie siècle. De fait, cet ouvrage est intéressant car il propose une photographie de l’île au moment où les destins de l’abbé Salvini lié à celui du chanoine Orticoni vont basculer dans la révolution de la Corse en compagnie des Giafferi, des Ceccaldi et d’autres notables. P. Morati est essentiellement un juriste qui se propose d’écrire un livre pour les jeunes avocats corses qui n’avaient pas tous la possibilité d’aller étudier en Italie et pour faire disparaître les difficultés en présence desquelles il s’était trouvé au début de sa profession, faute d’un guide pour le diriger. Pour rendre son enseignement plus facile d’accès, il le fait en langue italienne et non pas en latin, la langue habituelle en laquelle étaient rédigés les ouvrages juridiques. La Prattica se divise en six livres, mais nous avons choisi de suivre les auteurs du BSSHNC qui ont borné leur publication au premier et au troisième livre qui sont de beaucoup les plus intéressants, les autres livres ayant trait aux pratiques et formules juridiques. Ces deux livres décrivent par le menu l’organisation politique, administrative et ecclésiastique du Royaume de Corse. Le premier dresse une carte avec description des villes et

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des villages de l’île, leur population et leurs ressources. P. Morati se montre particulièrement disert sur la Balagne dont il est natif et dont il connaît très bien les rouages et les gens pour avoir exercé ses talents de vicaire dans plusieurs pièves. Il passe en revue l’organisation politique mise en place par les Génois, du gouverneur aux Nobles XII. Il disserte sur leurs tâches respectives, sur leur mode d’élection et sur les cérémonies qui marquent leur vie. Pour chaque endroit, il note les personnages qui se sont fait remarquer par la sainteté de leurs mœurs ou dans les lettres et dans la vie militaire. Il signale ceux qui sont partis faire carrière dans les cours d’Italie, de France et même d’Espagne et qui, revenus riches, dispensent un peu ou beaucoup de leurs biens à leurs villages. Il raconte comment on a fait représenter, à Lumio, à Speloncato et à Cateri, des pièces de théâtre afin d’adoucir les mœurs des populations et comment le gouverneur offre un Confoco, un banquet, le soir de Noël, à ses administrés. Il rapporte des ordres adressés à des gouverneurs afin qu’ils se montrent plus rigoureux envers leurs propres ministres qui ont souvent tendance à outrepasser leurs instructions. Il détaille les impôts sur le blé et le boatico. Cette Prattica Manuale apporte une foule de renseignements sur la société et les hommes vivant en Corse en ce début du xviiie siècle. Elle montre le terreau sur lequel a pris le mouvement révolutionnaire corse. ÉLÉMENTS BIOGRAPHIQUES DE PIETRO MORATI

(D’APRÈS SON ŒUVRE)

Date de naissance à Muro : 1635. Date de sa mort incertaine mais vraisemblablement postérieure à 1715. Son père Giorgio Morati meurt en 1654. La famille Morati de Muro est une famille de grands notables balanins puisqu’elle compte un Noble XII parmi ses membres. Elle est alliée à de nombreuses familles de notables balanins si l’on en croit l’auteur de ce livre : les Savelli de Corbara, les Leca de Lumio, les Orticoni de Monticello, les Petrucci de Catari, etc. La déclaration liminaire de l’auteur énonce clairement les engagements de cette famille dans la société de l’époque : J’entends ne pas m’écarter de l’obéissance… à l’Illustrissime Monseigneur Mario Emmanuele Durazzo, évêque de Mariana et Accia, mon supérieur ecclésiastique parce que nous sommes, toute ma famille et moi, mes relations et mes gens, des sujets très loyaux de la Sérénissime République de Gênes, de ses ministres et de ses officiers. S’il le faut, je suis prêt à souffrir pour elle tous les désagréments possibles, y compris la mort. Cette déclaration atteste que la famille Morati est indéfectiblement liée à la Sérénissime République de Gênes. Elle a été si fidèle, si benemerita qu’à l’époque de la guerre de Sampiero Corso, ses troupes brûlèrent tous ses biens. Elle l’est toujours au moment où Pietro Morati prend la plume pour écrire sa Prattica manuale. Ce ne sera pas du tout le cas de son neveu, Don Gregorio Salvini qui, vingt ans après la publication de ce livre, entrera en guerre contre la Sérénissime. Pietro Morati commence ses études chez les franciscains du couvent de Corbara où il suit les cours de philosophie du père Leonardo de Aspertis. Ce père lisait, en outre, la religion aux jeunes étudiants. Ce cycle d’études dura trois ans, de 1651 à 1654, pour l’auteur.

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Il part ensuite à Rome où, durant quatre ans, il étudie le droit pour sortir de l’Université, en 1658, avec le diplôme de docteur utriusque juris, c’est-à-dire de docteur en droit civil et en droit canon, le plus haut grade universitaire de l’époque. Cette même année, il sert en qualité d’alfiere dans l’infanterie corse sous la bannière du pape siennois, Alexandre VII. Antonio Savelli de Santa Reparata y occupait le poste de capitaine. À ce moment, le pape pour venir en aide aux Vénitiens contre les Turcs, lors de la guerre de Candie qui dura de 1645 à 1669, avait envoyé au Levant douze navires armés avec les galères pontificales et maltaises… Je perçus, écrit-il, vingt écus romains d’honoraires pour huit mois de service. Ce changement de trajectoire du jeune intellectuel qui se fait militaire est vraisemblablement dû à sa parenté avec le capitaine Savelli car, au cours de son récit, P. Morati rappelle à maintes reprises1, les liens de sang qui unissent sa famille à celle des Savelli. Le capitaine de Santa Reparata proposa vraisemblablement ce poste d’alfiere au jeune lauréat, son parent de Muro. Antonio Savelli, fils de C. Mauritio, avait été orateur et il était à Rome, en 1658, capitaine sur les navires pour le Levant. C’était un homme d’importance à la volonté duquel le jeune Morati, sensible à l’honneur qui lui était fait, ne pouvait que se plier volontiers, ce qu’il dit lui-même : J’eus le privilège de servir en qualité d’alfiere de l’infanterie corse… de ma propre volonté. L’auteur nous apprend qu’ensuite, cet Antonio participa à la rixe entre les soldats corses et ceux de la cour de l’ambassadeur français au cours de laquelle un important chevalier français perdit la vie, à la suite de quoi, il fut réformé avec tous ceux de la nation corse, en 1662. Néanmoins, le métier des armes ne semble pas avoir séduit P. Morati qui, une fois revenu de cette aventure en mer, rentre à Bastia le 13 décembre de l’année susdite où il prend les ordres mineurs ; peu de temps après, il est ordonné prêtre par monseigneur Giustiniani. Il célèbre sa première messe à Saint-Jean de Muro, le 9 août 1659. Il a 24 ans. Que va-t-il faire ? Quel va être son itinéraire ? Nous savons qu’il a été recteur de Speloncato durant seize ans et de Muro durant huit ans. En 1705, il dit encore être le recteur des Ville et d’Occhiatana. Ces charges occupèrent vingt-quatre années de sa vie. Or, de nombreuses années séparent 1660 de 1705. Quelles fonctions occupa-t-il durant ces vingt années de latence ?

1.

« Monsieur le docteur Vincensino, dit Aitelli fut porte-croix du souverain pontife et, depuis Rome, il envoya de l’argent pour construire à Corbara la grande bâtisse. De lui descend monsieur le docteur Giovan Battista Savelli, mon oncle au second degré qui eut le titre de comte palatin au temps où l’Excellentissime prince Paulo Savelli de Rome avait la charge d’ambassadeur de César auprès du souverain pontife. Ce comte fut, durant quelques mois, l’adjoint du vicaire général de l’Excellentissime gouverneur du Royaume et habita la grande bâtisse avec faste. Sans descendance légitime, il rendit son âme à Dieu en 1655, une année après que le noble Giorgio, mon père, cousin germain de cet Illustrissime comte, avait rendu ses devoirs à la nature… » « Le docteur D. Vittorio Marcelli ou Savelli de Sant’Antonino, juriste et médecin, mon cousin au troisième degré et mon compagnon d’études à Rome fut chanoine à Aleria. Ce grand esprit mourut à Algajola en 1693. » À Sant’Antonino, en 1650, il y avait la maison de Piero Savelli, le cousin germain de mon père Giorgio. Le renom de monsieur C. Giovan Battista, fils d’Aurelio Savelli, a beaucoup grandi ainsi que ses biens en Romagne où il a pris femme à Rimini ; il jouit d’une grande d’estime et de beaucoup de respect.

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P. Morati, dès son retour dans sa patrie, pratique l’exercice du droit comme avocat2 et il se trouve confronté à des problèmes qui nous valent la rédaction de la Prattica manuale. Il s’en explique clairement dans son introduction où il dit : Je ne savais comment faire pour mettre à exécution, dans la pratique, les termes de la théorie selon les dispositions des Statuts. À Rome, il a appris la théorie du droit et sa pratique en général, mais on ne lui a pas enseigné le droit particulier et adapté à la Corse en raison des statuts et des conventions particuliers. Il a donc suivi des leçons de rhétorique et de droit pratique pour ensuite en donner aux jeunes avocats. Pour cela, il est allé vivre à Bastia afin de compléter sa formation. L’évêque Carlo Fabrizio Giustiniani, qui dirigea l’évêché de Mariana de 1655 à 1683 l’avait ordonné prêtre. Il semble bien qu’il ait pris sous son aile ce jeune homme corse bien éduqué et d’une bonne famille qui plus est très fidèle à la Sérénissime. En effet, l’évêque faisait donner des leçons publiques de théologie morale à SainteMarie de Bastia comme il y en avait, une fois par mois, dans la cathédrale. Dans ces leçons publiques, imprimées ou manuscrites, les pères franciscains3 enseignaient la théorie du droit et réunissaient moult débatteurs autour des sujets qu’ils proposaient. On donnait aussi de nombreuses leçons de rhétorique à l’église Saint-Ignace, ou chez des particuliers et chez le gouverneur grâce au prince de l’Académie des Belles-lettres. En effet, l’Académie des Belleslettres fleurissait à Bastia depuis 16514 et « nombreux étaient ceux qui y déployaient leur talent ». P. Morati était de ceux-là, lui qui, sur les ordres de monseigneur Giustiniani, soutint la leçon publique sur la simonie en présence de l’Illustrissime évêque et d’une foule de doctes personnes de la ville de Bastia. Le lien entre ces deux hommes apparaît clairement et il se confirme en d’autres endroits du texte de l’auteur. Ce lien devient une évidence en 1671 car, en prévision d’un séjour de l’évêque à Rome, ce dernier a nommé Pietro Morati vicaire général de la cathédrale de Bastia afin qu’il puisse le remplacer en son absence. Cette fonction est éminente dans l’organigramme du gouvernement génois puisque le vicaire est l’œil droit du gouverneur. Morati, en dix ans de vie bastiaise, s’est taillé une belle renommée ; il est devenu un personnage important, certes grâce à ses dons naturels et à sa science, mais sans doute aussi grâce au soutien de l’influent évêque génois. Ainsi, en 1671, Morati le remplace lors de l’élection des Douze où il officie à côté du gouverneur qui lui demande de pratiquer aussi l’élection des procurateurs du Mont-de-piété bastiais. Carlo Emmanuele Durazzo, l’évêque d’Aleria, demande à l’auteur de venir bénir solennellement, le 22 juillet de cette année-là, le jour de la fête de sainte Marie-Madeleine, le premier coffrage que l’on devait poser pour commencer le port, en présence de la population, du gouverneur et de sa cour. Morati se permet d’envoyer à sa place l’archidiacre Santini de la cathédrale dont il est le vicaire général. À cette occasion, il apparaît comme un homme bien en cour qui ne craint pas d’indisposer ses supérieurs. 2. 3. 4.

Les avocats sont, de l’aveu de P. Morati, pour la plupart des ecclésiastiques. C’est le cas du père Olivesi, le provincial des franciscains dont parle P. Murati, qui fit imprimer des leçons à débattre à Bastia, ce pourquoi il était admiré à Bastia comme à Gênes. Cette académie, fondée en 1651, prit le nom d’Accademia de’vagabondi et, après une période de mise en sommeil d’un quart de siècle, elle fut réveillée par le marquis de Cursay le 1er novembre 1749.

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Sa vie à Bastia est agréable et bien pleine. C’est une vie d’homme public. Cependant, bien que très occupé par ses fonctions ecclésiastiques et juridiques, notre auteur se targue de littérature. Il se targue d’avoir écrit une tragédie en sept mille vers. Mais son protecteur meurt en 1683. Pietro Morati a désormais 48 ans, un âge relativement avancé pour l’époque. Durant ses années bastiaises, il a certainement gardé le lien avec la Balagne et, l’âge aidant, la perte de son supérieur et ami dut l’inciter à changer de vie et à rentrer définitivement chez lui. À la toute fin des années 70 ou au début des années 80, il se réinstalle à Muro, sa patrie comme il nomme son village natal. Durant huit ans, il est recteur de l’église de sa paroisse, puis il devient recteur de l’église de Sainte-Catherine de Speloncato (côté piève de Sant’Andrea), pour terminer recteur d’Occhiatana, charge qu’il cédera en 1705 à son neveu, Don Pietro Petrucci. Durant cette période, il développe aussi une belle activité. Il s’entremet souvent dans les discordes comme pacere avec la bénédiction des notables dont il est l’ami. Il se montre soucieux de pacifier les cœurs de ses ouailles et de les édifier pour limiter les occasions de conflits. Pour ce faire, il fait donner des représentations théâtrales dans lesquelles on offre aux populations des exemples de saintes vies. À Speloncato, en 1679, son œuvre, la tragédie de sainte Catherine d’Alexandrie fut représentée près du couvent des capucins, sur une scène longue de quatre-vingts paumes et large de cinquante, avec de très beaux décors ; elle rencontra un énorme succès auprès des peuples. Le 8 mai 1688, à Lumio, on donna en plein air, sur une scène dignement décorée, le martyre de saint Pierre, une pièce de six mille vers et, en 1692, il aida son neveu, curé d’Occhiatana, à monter sur une scène de dimension convenable, la représentation publique de la passion de notre Seigneur Jésus-Christ ; elle rassembla une foule de monde élogieux qui ne manqua pas d’en tirer profit, cela grâce à la virtuosité des récitants. À la fin de sa vie, en 1702, cet homme infatigable entreprend d’écrire, la Prattica manuale pour guider les jeunes avocats corses dans leurs premiers travaux. Il y travaillera au moins durant dix années, cherchant dans la Corse tout entière, au mieux de ses possibilités, des informations sur son administration, sa population et des détails particuliers à certains lieux. L’ŒUVRE

Nous suivons la présentation qu’en font les auteurs de la préface du Bulletin de la Société des Sciences Historiques et Naturelles de la Corse : La Prattica manuale est, comme son nom l’indique, un manuel à l’usage des hommes de loi. L’auteur a voulu venir en aide aux jeunes praticiens, et faire disparaître pour eux les difficultés en présence desquelles il s’est trouvé au début de sa profession, faute d’un guide pour se diriger. Certes les manuels juridiques ne manquent pas. Morati en dresse une liste non exhaustive, « mais comme ces pratiques sont traitées de façon générale et en langue latine et ne sont pas, pour la majeure partie d’entre elles, en adéquation avec nos Statuts, elles ne sont pas assez claires, surtout celles qui concernent nos jeunes avocats qui, à leur début, en ont un grand besoin ». Ainsi, la Prattica manuale est écrite en italien pour rendre le droit intelligible au plus grand nombre. Nous dirions maintenant que c’est une œuvre de vulgarisation.

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L’ouvrage se divise en six livres : le premier, composé d’un proemio et de 19 preludii, fait connaître l’organisation administrative et judiciaire de la Corse sous le gouvernement génois. Et pour donner un début à mon propos, j’ai décidé d’écrire en préliminaire des préludes5 qui visent à une connaissance générale avec la description du Royaume pour descendre, ensuite, aux particularités que le juriste et la postérité doivent savoir, lesquelles ont trait aux événements qui s’y sont passés. Le second traite de la procédure à suivre devant les tribunaux civils. Le troisième est relatif aux causes ecclésiastiques et aux tribunaux institués pour les juger. Le quatrième a trait à la procédure criminelle. Le cinquième contient la formule de tous les actes de procédure, tant en matière civile qu’en matière criminelle. Le sixième, enfin, expose les règles relatives à l’exercice du notariat. À la suite de ces auteurs et pour les mêmes raisons qu’eux, nous bornons notre traduction au premier et au troisième livres qui sont de beaucoup les plus intéressants pour un lecteur moderne en raison des sujets traités et des renseignements qu’ils renferment touchant les hommes et les choses de l’époque. Néanmoins, nous nous devons d’émettre des réserves sur ce qui touche à l’histoire et à la philologie où l’auteur reproduit les fables contenues dans les œuvres de son modèle l’archidiacre Colonna. P. Morati a choisi pour guide cet auteur très contestable dont l’œuvre divisée en 23 livres, intitulée Commentario sulle glorie dell’isola di Corsica e de’suoi popoli6 n’a pas été imprimée. Il en tire des listes de bienheureux ou d’hommes illustres assez ennuyeuses, des explications historiques, toponymiques et philologiques on ne peut plus douteuses, bref une érudition archaïsante qui alourdit parfois la lecture de la Prattica. L’ouvrage a été commencé en 1702 et il n’a été achevé qu’après 1715, vers 1720 selon certains renseignements contenus dans ce travail. Est-ce Pietro Morati qui les a transcrits ou un copiste éclairé ? Dans l’ignorance de la date de la mort de l’auteur, nous ne pouvons répondre à cette question. Les auteurs du BSSHNC donnent à lire la transcription du manuscrit d’environ 600 pages in-folio que leur a communiqué M. Gregori. Ils le disent très ancien ; ils pensent même qu’il a été écrit du vivant de l’auteur et l’ont retranscrit le plus fidèlement possible. Nous pensons que cet ouvrage est utile à toute personne curieuse de connaître la Corse sous administration génoise. Il fait un état des lieux de l’île, vingt ans avant que n’éclate la révolution de Corse. À ce titre, il participe de l’histoire. Il nous présente l’île, le terrain, la tradition politique génoise et certaines mœurs des habitants. Malgré des archaïsmes évidents, 5.

6.

Les préludes sont des prologues, des notices préliminaires au travail juridique proprement dit que propose ensuite P. Morati. Dans ces préludes, l’auteur décrit le terrain sur lequel et pour lequel les juristes corses doivent travailler, à savoir l’île et son fonctionnement politique. Nous proposons exclusivement la traduction de cette partie du livre de P. Morati qui, par ailleurs, offre un travail juridique. Ce manuscrit ne semble pas avoir joui d’une grande postérité car le marquis de Cursay, dans un journal historique et littéraire paru au Luxembourg, « La clef du cabinet des Princes de l’Europe », note son absence parmi tous les livres que lui ont confiés les Corses : « Je n’ai jamais lu les Mémoires de l’archidiacre Colonna car, de tous les ouvrages imprimés et manuscrits dont les gens m’ont rendu dépositaire, celui de l’abbé Colonna est le seul qui ne se trouve pas dans mon cabinet. »

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il est un témoignage très instructif de la vie des villages et des présides. L’auteur est particulièrement disert sur la vie balanine et bastiaise qu’il connaissait bien, mieux que toutes les autres régions. Souvent P. Morati précise qu’on lui a montré les documents concernant des sujets dont il parle lorsqu’il s’agit du Deçà des monts : la notoriété dont il jouissait par sa famille et par ses activités ecclésiastiques à Bastia lui facilitait les rencontres et les échanges. En revanche, il s’excuse de la pauvreté des renseignements qu’il n’a pu obtenir sur les villes du Delà des monts que dans les livres de ses prédécesseurs, le plus souvent Filippini. Il accuse sa méconnaissance des populations du sud de l’île qu’il impute à son grand âge qui ne lui permet plus de circuler facilement, indépendamment de l’éloignement et de l’état des moyens de communication. Les thèmes abordés sont contenus dans le titre de chacun des préludes. Outre la présentation de la ville de Gênes et du gouvernement génois, Prince absolu de la Corse, outre le découpage administratif de l’île, ce travail expose ce qu’est l’administration génoise en Corse et ce que sont ses administrateurs. Les griefs que formuleront clairement les Corses à l’encontre de ces derniers à partir de 1731 transparaissent en filigrane, du moins certains d’entre eux. Il en est ainsi de l’accaparement des richesses par des ministres peu regardants sur les moyens et désobéissants aux injonctions de la Sérénissime78, d’où il s’ensuit un appauvrissement des insulaires. Les listes d’hommes riches partis chercher fortune en Terraferma, dans les armées toscanes, vénitiennes, partout hormis à Gênes, attestent de l’exclusion des Corses de tous les offices et postes de l’île. La nécessité où P. Morati se trouve d’écrire un manuel en langue vernaculaire pour les jeunes avocats montre que ces derniers ne connaissaient pas le latin. Il est la preuve de l’ignorance des Corses, même si l’auteur plaide pour le développement intellectuel des insulaires en nous citant nombre de personnages corses aux réussites invérifiables. L’enseignement est réservé aux Corses qui traversent la Méditerranée et qui trouvent en Italie des facultés où ils peuvent étudier le droit civil et le droit canon ainsi que la médecine et faire montre de leurs capacités intellectuelles. La lecture de la Prattica Manuale est riche d’enseignements de toutes sortes dont nous laissons au lecteur curieux le plaisir de les découvrir. Pour notre part, à travers ces lignes, il nous a semblé que la vie dans les villages n’était pas aussi austère et sombre que la situation économique des Corses le laisse augurer. La foi catholique était solidement ancrée dans l’île (cf. 2e prélude) et la piété offrait des occasions de sortir et de se divertir. Il y avait nombre de processions pour honorer les saints. On allait en pèlerinage et, à cette 7. 8.

Par exemple, la grande plaine en dessous d’Aleria est donnée à gérer sous forme de procoio à des familles génoises (Matra, Fieschi et Spinola) ainsi que la forêt d’Aitone. La Sérénissime aurait sans doute aimé que ces administrateurs fussent honnêtes et bienveillants, si l’on se réfère à ses Délibérations et nouveaux ordres donnés par l’Illustrissime et Excellentissime Magistrato de Corse aux Illustrissimes sindicatori du Royaume de Corse, transmis à l’Excellentissime gouverneur par une lettre du 25 janvier 1704, cités au Prélude 6, § 15. Pour ce faire, elle avait créé des contrôleurs censés juger du bon travail accompli par ses ministres au cours de leurs deux années de charge, y compris le gouverneur. En général, les contrôleurs étaient quatre, deux Génois et deux Corses. Mais l’efficacité de leur travail fut détruite quand, rapidement, les Génois éliminèrent les Corses des contrôles…

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occasion, avaient lieu des courses de chevaux (p. 203). On donnait des représentations théâtrales dont le thème était certes très religieux, mais on venait en foule au spectacle. On allait accueillir nombreux, dans la liesse, le nouveau gouverneur dans le port de Bastia et on l’accompagnait en chantant jusqu’à sa résidence en Terranova. Ce dernier et les autres premiers magistrats des villes offraient, la veille de Noël, le confoco, un festin de douceurs aux Corses et à leurs familles qui avaient des responsabilités dans leurs villages, tels les Anciens ou le podestat. L’auteur relate aussi maintes incursions barbaresques qui ruinèrent certains lieux de l’île, d’où la construction de tours par Gênes tout autour de la Corse. Il y avait en exercice quatre-vingts tours qui permettaient de mettre en deux heures l’île en état d’alerte. Il note également l’active participation des insulaires à l’événement qui, le 20 août 1661, valut au pape Alexandre VII de graves déboires diplomatiques. Ce 20 août, en effet, le duc Charles de Créquy (1623-1687), ambassadeur de France à Rome, fut insulté, par la garde corse qui tira sur son carrosse et qui tua l’un de ses pages. Ce récit permet à P. Morati de mettre en valeur les militaires corses, représentants de nobles familles qui avaient à Rome plus de mille trois cents hommes sous leurs ordres et aux ordres de la papauté, au moment de ce grave incident diplomatique. L’auteur se plaît aussi, dans tous ses Préludes, à signaler l’enrichissement personnel des Corses en Terraferma. À cette époque-là, la richesse était le signe que des personnes s’étaient distinguées par leurs talents, leurs qualità. On était fier de l’exhiber. Leur richesse était le signe de leur excellence, ce que l’auteur cherche à montrer dans son ouvrage. Bref, au milieu d’une rhétorique un peu rébarbative, on trouve une foule d’informations qui enrichissent notre vision de la Corse en ce début du xviiie siècle.

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LIVRE PREMIER

MANUEL PRATIQUE DU DOCTEUR PIETRO MORATI DI MURO

Déclaration de l’auteur Chacun doit savoir que, dans cette œuvre, quelle que soit la manière dont je m’exprimerai, j’entends ne jamais m’écarter si peu que ce soit de l’esprit réel des choses ayant trait à la sainte religion catholique de l’Église romaine et à l’obéissance au Souverain pontife, Clément XI1 régnant aujourd’hui. J’entends également ne pas m’écarter de l’obéissance à ses successeurs et à l’Illustrissime Monseigneur Mario Emmanuele Durazzo, évêque de Mariana et Accia, mon supérieur ecclésiastique parce que nous sommes, toute ma famille et moi, mes relations et mes gens, des sujets très loyaux de la Sérénissime République de Gênes, de ses ministres et de ses officiers : s’il le faut, je suis prêt à souffrir pour elle tous les désagréments possibles, y compris la mort. C’est ce que firent les Nobles Arrigo et Marc’Antone, fils du Noble Giustuccio, mon trisaïeul, quondam Giorgio de Muro, lors des menées hostiles d’Ornano et de ses alliés en 15672. Malgré ces ennemis factieux qui incendièrent leur maison et qui arrachèrent leurs vignes, ces ennemis qui les persécutèrent parce qu’ils étaient de cœur des sujets de leur Sérénissime Prince, ils soutinrent vigoureusement le parti de leur Patron ; avec les forces et l’aide de leur parentèle, ils repoussèrent la fureur ennemie et reçurent en partage une grande louange et la confiance des commandants de la Sérénissime République. Par conséquent, je promets d’être un exécutant très obéissant, selon mon état et ma qualité, de tous les décrets, statuts et ordres de cette dernière et de ses Magistrati et de ne pas m’écarter de leur suprême volonté. Je me déclare

1. 2.

Albani Gianfrancesco (23 juillet 1649, Urbino, Marches – 19 mars 1721, Rome) est le 241e pape, de 1700 à sa mort en 1721, sous le nom de Clément XI. Cet Ornano n’est autre que Sampiero Corso. Dans ces lignes, P. Morati revendique une franche hostilité envers ce condottiere pour son compte et celui de toute sa famille. Elle est d’autant plus compréhensible que Sampiero et les siens avaient pillé leurs biens.

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prêt, en tout ce que je narrerai, à me corriger et à m’amender3. Voilà ce que je dis, déclare, ratifie inviolablement et reconnais vouloir observer à tout moment4. Au lecteur bienveillant Je suis absolument certain, dans l’obligation où je me suis mis de composer cette œuvre que je souhaite voir naître, que cette dernière me vaudra une censure rigoureuse, mélange de louange et de blâme, comme l’a dit Bartole5 dans son traité De fluminibus Tiberiadis § 1, en 1355, etc. au moment de le faire imprimer. Aussi afin de m’en protéger, me suis-je installé au cœur du silence pour ne pas être la proie de la mordacité d’autrui et pour me faire oublier. Pour autant, animé d’un zèle sans faille envers les patriotes auxquels je dois une pure sincérité, je ne suis pas devenu tiède ou couard et j’envoie mon œuvre dans le public malgré toutes mes occupations. Bien que, de nos jours et par le passé, les patriotes aient eu des professeurs d’excellence au regard de ma faiblesse, ils n’ont reçu en cette matière qu’une aide minimale, soit parce que leurs professeurs n’étaient pas en de bonnes dispositions, soit parce que ces derniers n’étaient pas enclins à des travaux inférieurs et ordinaires, quoiqu’opportuns et nécessaires. Par conséquent, laissant chacun libre de son jugement sur les raisons de cette situation, j’ai décidé ici, plutôt que de manquer à un devoir, de m’exposer aux critiques après m’être assuré, par ailleurs, que je n’avais pas de désir de gloire, que je n’en voulais point acquérir et que je ne répondais pas à ces paroles prophétiques du Psaume 486 : L’homme dans son luxe ne comprend pas, il ressemble au bétail qu’on abat. Je m’assurais aussi de ne vouloir aucune chaire magistrale et de n’être poussé que par l’amour selon la maxime doux est l’amour de la patrie7, et par l’expérience, maîtresse de toutes choses, que je savais posséder. En effet, après avoir terminé mes études de droit à Rome où je demeurai quatre années, à mon retour dans ma patrie, je ne savais comment faire pour mettre à exécution, dans la pratique, les termes de la théorie selon les dispositions des Statuts. Par la suite, tout au long de mes quarante-quatre années de pratique, de 1658 à maintenant, je n’ai plus rencontré les difficultés qui se présentèrent à mes débuts. J’ai donc jugé que mon travail était utile et nécessaire non seulement aux juristes pour qu’ils n’en restent pas à la discipline du simple pratiquant, mais aussi aux procurateurs, aux solliciteurs ou à toutes autres personnes qui traitent des causes civiles et criminelles du Royaume, secundum quid, cela donnerait par la suite à des personnes plus sagaces et mieux éduquées l’idée et le loisir 3. 4.

5. 6. 7.

Paratus corrigi et emendari : formule juridique tirée du Code Justinien. Pietro Murati fait ici un acte d’allégeance complet à Gênes dans cette déclaration sur l’honneur de loyauté envers Gênes. Son neveu, Don Gregorio Salvini prendra, vingt ans plus tard, un chemin diamétralement opposé. Cf. Giustificazione della rivoluzione di Corsica e della ferma volontà dei Corsi di non sottomettersi mai più alla Serenissima Repubblica di Genova. Bartoleo ou Bartolus di Sassoferrato, De tyrannide in Œuvres complètes en 10 volumes in-folio, Venise, 1590. Psaume 48 : Homo cum in honore esset non intellexit comparatus est jumentis. Nous donnons la traduction de la Bible de Jérusalem. Dicton latin : dulcis amor patriae.

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de composer et de faire naître à leur tour d’autres œuvres meilleures que la mienne. Il est facile, en effet8, d’ajouter quelque chose à un sujet, d’autant plus que, au fil du temps, on change dans les tribunaux les formes et les styles selon les dispositions et les lois du Prince régnant sur lesquelles il faut se régler, comme le dit Testore : Les temps changent, les mœurs changent et nous changeons.9 Par conséquent reçois, ô patriote bien-aimé, le fruit de ma fatigue, chargé de tout mon amour, que je te présente en langue vernaculaire et maternelle10. Agrée-le tendrement et attribue ses défauts à l’humaine nature (p. 4) et tout ce qu’il y a de bon en lui au Très-Haut dont dépend tout bien ; souviens-toi de ne pas en médire car le calomniateur n’est pas bon sur cette terre11. Vis heureux12.

8. Autre dicton latin : Facile est inventis addere. Il est plus facile d’ajouter à des choses trouvées. 9. Adage latin : Tempora mutantur, mores mutantur et ipsi. 10. La langue de ce travail nous semble bien l’italien parlé par les notables corses de cette époque-là mâtiné de corsissimes, mais il se ressent dans ce cas précis de la langue du juriste et présente nombre de latinismes et de formes directement latinisantes. C’est chose normale puisque l’auteur est docteur en droit civil et en droit canon. P. Morati écrit son œuvre en langue vulgaire et non pas, comme c’est la coutume à l’époque, en latin, pour la mettre à la portée du plus grand nombre d’avocats qui n’ont pas tous eu la chance d’aller étudier en Terraferma. 11. Nouvel adage issu du Psaume, 139, 12 : Vir linguosus non dirigetur in terra. 12. Cette formule est un classique des formules d’amitié qui terminent les lettres des auteurs écrivant en latin.

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LIVRE PREMIER

NOTICE PRÉLIMINAIRE

Sommaire 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10. 11. 12. 13. 14. 15. 16. 17. 18. 19.

1.

Le Royaume de Corse, son ancienneté et sa renommée1. Le Royaume de Corse, partie de l’Italie et de l’Europe et non pas de l’Afrique. Uni à la Sardaigne, puis séparé. Les habitants du Royaume et son peuplement. La prédication évangélique et les prédicateurs. Les gouvernants passés et présents. Comportement de la Sérénissime République de Gênes envers le Royaume. Fin restrictive des procès. Loi faite par l’empereur Justinien, sa patrie et ses aïeux. Suivi des Statuts du Royaume. Leur contenu. Pratiques mises en lumière par divers auteurs. Desseins de l’auteur. Les Génois Viceto et Vignolo et leurs œuvres. Le signor Marc’Angelo Leoni de Santa Reparata, l’homme le plus apprécié de la patrie. L’œuvre juridique de Leoni. Sa dédicace et son impression. Œuvre de l’auteur et ses buts. Index de quelques préludes. Invocation à la Très Sainte Trinité pour le début de cette œuvre.

Les descriptions de la Corse en général ne manquent pas dans la littérature depuis Claude Ptolémée. Celle que Morati propose ici s’inspire de celle de Filippini au premier livre de son Histoire ainsi que de l’œuvre de l’archidiacre Colonna qui est son mentor.

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* * * 1. Le Royaume de Corse compte parmi les îles les plus célèbres de la Méditerranée ; il s’étend de la mer des Zambacche à l’orient jusqu’au détroit de Gibraltar dit les Colonnes d’Hercule au ponant. Il occupe une place très singulière et très ancienne car on en parlait déjà avant le déluge qui eut lieu l’année 2188 après la création du monde. 2. On l’a déclaré partie de l’Italie et donc de l’Europe. Il ne fait donc pas partie de

l’Afrique comme le dit Filippini, au livre 2, p. 46. Le Père Olivese explique mieux cela dans un décret de la Sacra congregazione2 de 1625 ; selon lui, à la fin du premier livre de ses Ragguagli cronicali, au chapitre 5, le Royaume est distant de 62 milles de Vada Volaterrana3, de 10 milles de la Sardaigne, de 170 milles de Rome, de 75 de Livourne, de 90 de Gênes, de 70 de la Ligurie la plus proche, de 170 de Marseille et de 240 de Majorque. 3. Il était uni à la riche île de Sardaigne dont il est aujourd’hui séparé par un bras de

mer d’environ 16 milles. 4. Il fut habité par Cyrnos avant la venue du Sauveur du monde en l’année 1456. 5. Après la naissance du Christ, les grands apôtres Pierre et Paul, Luc et Barnabé et d’autres plus modernes vinrent dans l’île apporter l’Évangile, selon le père Vitale4, un chroniqueur, si l’on se réfère à l’apparat qui prélude à l’Histoire de Corse qu’il composa avec un très grand soin. Les Corses se doivent de respecter et de louer cet énorme travail qui fut imprimé en l’année 1635 et qui rappelle que les Géants de Sicile furent parmi les premiers habitants de la Corse. 6. Après avoir été dominé par divers potentats romains, pisans, français et espagnols, le Royaume fut, pour finir, abandonné par ces derniers en 1416, bien que le roi d’Aragon eût été reconnu possesseur de la Sardaigne et de la Corse, comme le rappelle l’archidiacre Anton Francesco Colonna, dans son Commentaire au paragraphe concernant l’année 14165. 7. Depuis ce temps-là, il est dominé par le pouvoir génois de la Sérénissime République de Gênes qui, avec une affection toute maternelle, n’a jamais cessé et ne cesse de secourir ses sujets bien-aimés dans leurs besoins les plus urgents. Comme elle expérimente, depuis longtemps, les dispositions naturelles de ces peuples,

2. 3. 4. 5.

La Sacra Congregazione ou la Sacrée congrégation fut créée par l’Église en juin 1622 pour la propagation de la foi. P. Morati y fera souvent référence dans cette œuvre. Port d’Étrurie près de Volaterre. Vitalis Salvator, Cronica sacra, santuario di Corsica da Salvatore Vitale, Firenze, 1635. L’archidiacre Anton Francesco Colonna a commis une œuvre sur l’histoire ecclésiastique de la Corse, le Commentario, qui sert de fondement à nombre d’affirmations de P. Morati. Ce dernier ne se pose pas de question sur le bien-fondé de cette source qui nous paraît loin d’être fiable.

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8. parmi les manifestations principales de son amour6, elle a restreint, pour limiter les

haines et les rancœurs pour lesquelles ils ont une propension, la longueur des procès à une durée très limitée, cause efficiente de ces dernières, et elle a donné les formes pour procéder tant au civil qu’au criminel. Elle l’a fait par le biais de Statuts, de décrets et d’ordres convenables et appropriés au Royaume suivant les circonstances ; elle les a récemment corrigés et envoyés à l’imprimerie en 1570, avec une note précise concernant leur application. Si ces derniers ne suffisent pas à la situation, on doit recourir aux dispositions des Statuts de Gênes et, s’ils manquent, on recourt 9. à la loi commune rassemblée sur ordre de l’empereur Justinien qui naquit l’an de grâce 528 à Prasdena entre la Macédoine et Achaïe 7, l’ancien royaume de la monarchie grecque, selon les dires de Botero8 dans sa Description universelle du monde, livre 1, partie 1, chapitre intitulé Les trois provinces. 10. Ainsi, on observe strictement lesdits Statuts et, selon les contingences, ils sont,

pour le bien des gens du Royaume, fortifiés et protégés par des décrets particuliers, des limitations et des augmentations grâce à la préalable intelligence délibérative des Sérénissimes Collèges et des Magistrati. 11. De nos jours, selon la disposition des Statuts, il n’y a pas d’instruction particulière dans l’ordre judiciaire pour les causes qui se traitent dans les tribunaux du Royaume, si ce n’est ce dont disposent brièvement ces derniers, sans exemples de formalité. 12. Les pratiques mises en lumière par divers docteurs, spécialement par l’excellent

Papiense9, par Roberto Maranta, par Giodoco et, parmi les modernes, par Ridolfino10, par Carlo Pellegrino et, au criminel précisément par Follerio11, par Ambrosino et par d’autres, sont certes suffisantes pour éclairer et éduquer ceux qui veulent professer le droit de l’avocat des causes. Mais comme ces pratiques sont traitées de façon générale et en langue latine et ne sont pas, pour la majeure partie d’entre elles, en adéquation avec nos Statuts, elles ne sont pas assez claires, surtout celles qui concernent nos jeunes avocats qui, à leur début, en ont un grand besoin.

6.

P. Morati exprime ici ce qu’il estime le bienfait le plus manifeste du gouvernement génois à l’égard des Corses, à savoir, son action pour réprimer la violence entre les individus. C’est le droit régalien par excellence de tout État, l’instauration de la justice et du droit garantissant la paix entre les citoyens. Les Génois s’y attellent en instituant des statuts et des conventions dont ils nieront l’existence au moment de la révolution corse du xviiie siècle. 7. La date donnée par Morati est erronée : Justinien Ier est né le 30 mai 483 en Thrace et mort le 25 novembre 565. Empereur byzantin de 527 jusqu’à sa mort, il a laissé un Corpus iuris civilis encore à la base du droit civil dans de nombreux États modernes. 8. Botero Giovanni (1544-1617), in Romain Descendre, L’État du monde. Giovanni Botero entre raison d’État et géopolitique, Librairie Droz, Genève 2009. 9. Alberto Papiense était un éminent juriste de même que Roberto Maranta né en 1490 et mort autour de 1530 qui vécut et enseigna longtemps en Sicile. 10. L’abbé Ridolfino Venuti (1705-1763) fut un chercheur, un juriste et un historien de renom à Rome. 11. Follerio Pietro, Practica criminalis dialogica, 1590.

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13. Par conséquent, pour donner un démarrage plus facile à ceux qui sont désireux de professer, j’ai décidé de mener mon œuvre de la manière qui va suivre, que je n’estime ni superflue ni ennuyeuse bien que je prévoie que certains la combattront et la déchireront. 14. Messieurs Vignolo et Viceto12, des notaires collégiaux génois ont certes pris le soin

particulier de donner des instructions et des formules à l’art notarial et à l’art juridique, au civil et au criminel qui sont suffisantes quand il s’agit d’y puiser les formalités des actes les plus fréquents. Mais comme elles ne sont pas en adéquation avec les formules très particulières du Royaume selon le style le plus fréquent, il m’est apparu nécessaire de bien préciser, pour ces éventualités, les formalités spéciales, comme il va suivre. 15. Le docteur Marc’Angelo Leoni de Santa Reparata, d’abord piévan de la piève de Tuani du diocèse de Mariana, puis de la piève d’Aregno du diocèse d’Aleria, ce juriste fameux, accrédité en son temps à la cour de Rome, aurait été plus utile à la Patrie s’il avait composé son œuvre à l’usage des gens de son pays, etiam di minor lunga applicatione13. 16. En effet, son Praeparatorium Iudiciorum imprimé en 1654, dédié à Sa Sainteté le

pape Innocent X, est beaucoup plus connu à l’extérieur qu’à l’intérieur du Royaume. En effet, il n’y a que deux livres de cet ouvrage en Balagne, l’un chez moi et l’autre chez le docteur Petrucci de Cateri, mon neveu et il y en a deux autres à Bastia, chez le prévôt Poggi et chez le docteur Ficarella. S’il avait écrit pour les Corses, monsieur Leoni aurait imité beaucoup d’autres docteurs qui ont essayé d’éclairer et d’éduquer les patriotes par leurs écrits. 17. Cependant, parce que chacun est juge et maître de ses propres affaires, on ne peut

que louer ses peines car il a poussé hors de la patrie les limites de sa renommée et de sa valeur jusqu’à être cité dans des procès, comme ce fut le cas à Lucca : un docteur ayant allégué la doctrine de Lupo, un autre l’a contredit en ces termes : « Et moi je vous donne l’opinion de Leoni » qui était notre Marc’Angelo. Marc’Antonio Sabellio, dernièrement, l’a cité dans son œuvre en de nombreux passages et particulièrement dans le chapitre 6 : Allegationum, tome 2, n° 129, au paragraphe : E se bene questo dottore, etc. Pour conclure, on peut féliciter le docteur Marc’Angelo pour le succès de son œuvre, ce qui ne serait pas arrivé si elle n’avait concerné que la Corse. Quant à moi, me contentant de ma petite entreprise qui passera par les mains de tous, en langue vulgaire mâtinée de latin, j’espère qu’elle donnera satisfaction aux catégories inférieures, particulièrement à celles qui se vouent à la profession juridique. Comme tel a été mon but, on doit me plaindre d’avoir entamé ce combat en cédant à un sentiment d’affection envers mes concitoyens qui doivent me pardonner.

12. Vignolo et Viceto, deux notaires cités ensemble dans la Giurisprudenza dell’eccellentissimo Senato di Genova ossia collezione delle sentenze pronunciate dal Senato di Genova sovra i punti più importanti di diritto civile…, Gênes, tipografia arcivescovile, 1842, volume 4. 13. Traduction : même si elle avait eu une application plus petite. Il est clair que P. Morati choisit une voie différente de celle qu’a suivie Marc’Angelo Leoni. Les deux juristes n’ont pas les mêmes buts : Morati écrit un manuel pratique de droit tandis que Leoni fait une œuvre plus théorique et générale.

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18. Et pour donner un début à mon propos, j’ai décidé d’écrire en préliminaire des préludes14 qui visent à une information générale accompagnée d’une description du Royaume pour descendre ensuite aux particularités que le causidico15 et la postérité doivent connaître, lesquelles ont trait aux événements qui s’y sont déroulés. 19. Que ce soit donc au nom du Seigneur duquel descend tout bien puisqu’il est le Père des lumières et selon le style de l’empereur Justinien, dans sa préface aux Institutions qui invoque la Très Sainte Triade au début de son œuvre. Que ce soit aussi à la gloire de la Bienheureuse Vierge Marie et du glorieux prince des apôtres, saint Pierre dont je porte le nom qui m’a été imposé le 28 juin 1635, bien que j’en sois indigne, ainsi qu’à la gloire de mes autres avocats par l’intercession desquels j’invoque la lumière de la vérité afin que mon esprit reste clair et capable. Qu’écrivant au nom de la vérité, mon travail profite aux âmes de chacun et en chasse les désaccords et que, après avoir répété le nom du Seigneur, soit donné un début à cette œuvre, au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Amen.

14. Les préludes sont des prologues, des notices préliminaires au travail juridique proprement dit. Dans ces préludes, l’auteur décrit le terrain sur lequel et pour lequel les juristes corses doivent travailler, à savoir l’île et son fonctionnement politique. Nous proposons exclusivement la traduction de cette partie du livre de P. Morati qui, par ailleurs, offre un travail juridique pur. 15. Au livre 2 de la Prattica manuale, au tome 1887 du BSSHNC, p. 65, §. 1, P. Morati donne une définition du causidico ou piatese : « Les docteurs procurateurs qui n’exercent pas l’avvocatione, le métier d’avocat, mais la procuratione laquelle est une pratique inférieure dans le Royaume, s’appellent des piatesi ou causidici. Ils fréquentent les cours, ils vont proposer au juge les causes dans les audiences publiques et ils font les contradicteurs. Ils ne peuvent exercer cette charge qu’avec l’approbation du Magistrato… avec une patente que leur concède l’Illustrissime gouverneur… Les qualités du piatese doivent être les mêmes que celles de l’avocat. Par conséquent, il doit en premier lieu avoir la crainte de Dieu et avoir une expérience suffisante. Il doit chercher à réduire les frais de son client et tracer les voies et les manières le plus faciles pour traiter leurs causes pour les expédier rapidement… Il ne doit pas être âpre au gain et tenter de défendre et de faire triompher le juste sans peur du juge ou des parties. » Le causidico ou le piatese sont en quelque sorte des sous-avocats, des hommes qui interviennent dans les procès pour les clients qu’ils représentent sans avoir fait les études de droit qui nécessitent une bonne connaissance du latin. Telle est la raison pour laquelle P. Morati leur adresse principalement ce Manuel pratique.

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LIVRE PREMIER

PREMIER PRÉLUDE

DU ROYAUME DE CORSE, SES RÉGIONS ET LES TRIBUNAUX DES MAGISTRATS

Sommaire 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10. 11. 12.

Le Royaume de Corse, sa surface, nombre de feux et d’âmes. Division du Royaume et nombre de pièves. Monte Campotile et les lacs à l’origine des principaux fleuves. Le fleuve Golo, son pont et son maître d’œuvre, les montagnes et leurs avantages. La montagne qui donne du cristal et celles qui partagent la Corse. Le fleuve Liamone, la forêt ou bois d’Aitone, la route, son coût et ses avantages. Un autre fleuve, le Tavignano et Aleria. Nombre de tribunaux dans le Royaume ; tribunaux laïcs et tribunaux ecclésiastiques. L’âme, la partie noble du corps humain et sa définition. Événements survenus en Corse. La Corse est un Royaume. Les papes et d’autres lui ont donné ce nom. Nombre de villes en Corse, leurs noms ; événements divers.

* * * 1. Ce Royaume insulaire qui possède cinq cents milles de côtes compte trente mille feux et pourrait nourrir trois cent mille âmes bien qu’il ne dépasse pas cent mille âmes aujourd’hui, à cause des inimitiés, des discordes et des guerres qui en ont diminué le nombre. 2. Il est divisé en deux parties par une ligne de crêtes qui le traverse ; d’un côté vers

l’Orient se trouve le Deçà des monts et de l’autre le Delà des monts, comme en Angleterre et en Écosse. Il contient soixante-six pièves, quarante-cinq desquelles se trouvent dans le Deçà des monts et vingt-et-une dans le Delà. Dans le Deçà des monts, il y a deux cent vingt-

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quatre paroisses et deux cent quatre-vingts villages et villes. Dans le Delà, il y a quatre-vingts paroisses et deux cents villages1. 3. Au milieu de l’île se trouve l’agréable plaine du mont dit Campotile avec deux lacs nommés Crena et Ino2, éloignés de deux milles l’un de l’autre. Le lac de Crena est dans une vallée et son eau est claire. Au-delà de Campotile, il y a le pays du Niolo et, au-dessus du bourg de Calasima, le mont Cinto, le plus haut de l’île au sommet duquel on découvre la mer qui l’entoure de toutes parts. Le mont Tozzolo ou Tizzolo où naissent les trois principaux fleuves de l’île domine le lac Ino. 4. Le premier de ces fleuves est le Golo ; il passe par le Niolo et descend par les confins

de Giovellina vers la région de Mariana. De nombreux ponts l’enjambent pour que les voyageurs puissent le traverser. Le plus important d’entre eux a été construit par maestro Colombano du Niolo, c’est le pont de Lago Benedetto qui coûta six mille ducats. Le Golo débouche dans la mer à l’endroit où se situait la ville de Mariana. Aujourd’hui, il ne reste plus que les ruines du temple dédié à la Bienheureuse Vierge Marie que l’on nomme Canonica : l’étymologie de ce mot remonte aux chanoines qui y officiaient naguère. C’était un très beau bâtiment qui servait de cathédrale aux évêques du diocèse de Mariana dans le voisinage duquel, à environ un demi-mille, subsiste la structure de l’église de San Parteo, un martyr qui fut le premier évêque de la ville de Mariana. 5. Sur les hauteurs du pays de Niolo, on voit le mont Cinto et au-dessus le mont d’Orno de Vivario et d’autres montagnes dans les crevasses desquels brillent des glaciers et des neiges éternelles dont on dit qu’ils engendrent un cristal très beau et très prisé3. Ces montagnes avec d’autres que l’on voit vers le midi, parmi lesquelles Gargalo, dite la Restonica qui descend à Corte, se nomment Bavella, l’Asinara, Forca, Scarlasino, Diamante, Conca, Serraglio, Roccapina et Roccatagliata où Renuccio Colonna della Rocca avait fait construire son château, et divisent l’île en Deçà et en Delà des monts. 6. Le Liamone est le second des fleuves. Partant du Tizzolo, il descend par Vico et file au ponant vers Sagone, l’ancienne ville comptée par Pline4 parmi les trente-trois cités de Corse. Aujourd’hui encore elle a le titre d’évêché et de diocèse. On a ouvert une route vers la marine depuis la forêt d’Aitone à la demande de l’Excellentissime Francesco Maria Lomellino, fils de Petri, gouverneur général du Royaume en 1660, pour laquelle l’Excellentissime Magistrato di Corsica, sur ordre des Sérénissimes Collèges, a dépensé plus de cent mille lires. Cette route commence au bourg d’Evisa éloigné de vingt-cinq milles de la mer, et sert au transport de bois gros et fins que l’on coupe dans la forêt pour faire les navires et

1. 2. 3.

4.

Cette description atteste de la prépondérance démographique du Deçà sur le Delà, du nord de l’île sur le sud. On les appelle de nos jours les lacs de Creno et de Nino. Filippini, Storia, tome 1, livre 1, p. 46. On trouve la même remarque concernant le cristal. Il est clair que Filippini est une source d’inspiration pour Morati qui la revendique plus ou moins ouvertement dans les lignes suivantes, au paragraphe 7. Pline l’Ancien, Histoire naturelle, livre XII.

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pour d’autres travaux et fabrications. Cette forêt a beaucoup d’importance car elle comporte une multitude d’essences, des sapins, des hêtres, de grande hauteur et d’espèces variées, très utiles au public et au privé qui les travaillent, les exploitent et les exportent. 7. Le Tavignano qui se dit Rhotanus en latin est le troisième fleuve 5 ; il passe par

Corte et débouche à la marine dans la plaine d’Aleria, une antique cité et, parmi les colonies romaines, l’une des trente-trois villes citées par Pline. Aujourd’hui, Aleria se réduit à un château en guise de forteresse avec quelques rares habitations et elle englobe les deux fameux étangs d’Urbino et de Diana pour la pêche aux huîtres : Filippini en parle dans son Histoire, imprimée en 1596, où il raconte, au premier livre de son œuvre, l’histoire ancienne du Royaume avec une foule de curiosités, dignes de tout patriote avide de lecture et de connaissance, en décrivant toutes les régions de la Corse, les pièves et les villages. 8. De nos jours, dans toutes les régions de l’île, les tribunaux de judicature, onze pour les affaires laïques et cinq pour les affaires ecclésiastiques, sont disposés comme les grains d’un rosaire très florissant. Leurs présidents sont élus par le Souverain pontife sur désignation préalable de la Sérénissime République. Les présidents séculiers sont élus par le Sérénissime Sénat qui, tous les deux ans, les mande depuis Gênes pour administrer ses sujets ; elle les répartit au mieux dans l’île pour une plus grande commodité et une meilleure gestion de la justice au civil et au criminel, y compris le tribunal de l’Excellentissime gouverneur, juge ordinaire et suprême qui tranche tous les appels des causes des autres juges séculiers du Royaume. Tous ces tribunaux sont situés dans les lieux les plus adaptés et les plus commodes d’accès dont nous allons faire mention, en temps et lieu. Ce sont Bastia, Ajaccio, Sartène, Vico, Aleria, Campoloro, Calvi, Bonifacio, Algajola, Rogliano et Saint-Florent. 9. L’âme est définie par les physiciens comme l’expression du corps physique et organique et par les théologiens, comme la forme substantielle, immortelle, incorporelle, créée par Dieu qui, dès qu’elle s’infuse dans le corps organisé, est apte par la grâce divine à briguer la gloire éternelle – telle la décrit le très docte Navarro dans son Manuale confessariorum6. 10. Et comme on doit privilégier en tout le rapport à l’âme qui est la partie la plus noble de l’être humain, il n’est pas hors de propos d’aborder ce qui s’est fait et ce qui se fait dans le Royaume pour le culte et la discipline des choses spirituelles qui concernent l’âme, pour ensuite descendre traiter des actions qui ont trait aux affaires temporelles. Tout cela est d’une grande utilité et d’une grande nécessité, comme l’expérience en pourra faire la preuve, pour accroître la capacité et le savoir de l’avocat. 11. Pour toutes ces raisons, le causidico doit savoir qu’il a été décrété par les Sérénissimes

Collèges, en 1639, que, lorsqu’il était nécessaire de nommer la Corse dans les édits publics, il fallait lui donner le nom de Royaume. À juste titre, en effet, car il y a eu beaucoup de rois issus 5.

6.

Cette étymologie nous semble extravagante, d’autant plus qu’il n’y a pas de fleuve dénommé Rhotanus en latin. Certes, il y a le Rhodanus, le Rhône, mais nous ne voyons pas comment il interviendrait parmi les fleuves de Corse ! Navarro Azpilcueta Martino, Manuale confessariorum, édité à Venise apud Luntas, 1621, à la Libreria Belriguardo On line.

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de la nation elle-même, comme le roi Berlinghero de Verde7, Martino et d’autres, le dernier desquels fut Brunoro8, selon l’archidiacre Colonna dans son Commentaire, au paragraphe Anni del mondo 2830. Dans son manuscrit qu’il ne put faire imprimer en raison de sa mort prématurée, il note que de nombreux papes comme Boniface VIII en 1295, Benoît XII en 1335 et Urbain V en 1365 donnèrent le titre de Royaume à la Corse dans leurs rescrits9 : on le lit au livre 6, au paragraphe Antica descrittione dell’isola e Regno di Corsica. Par Honorius III, un pape romain de la famille Savelli, elle fut appelée la grande île. 12. En outre, ce même Colonna dit qu’il y eut en Corse trente-huit cités décrites par

Claude Ptolémée10, le prince des astronomes, dans sa Géographie universelle de la terre, livre 3, table 6 publiée en l’an de grâce 125 et par d’autres historiens et géographes. Il dit que l’île a une circonférence de cinq cents milles bien que Filippini n’en annonce que quatre cents et bien que Pline et Martianus Capella11, son commentateur, au livre 6, identifient en Corse trente-trois cités et deux colonies, à savoir Mariana fondée par Caius Marius, sept fois consul romain qui, de simple soldat, devint empereur et Aleria, colonie faite par Lucius Sylla, un noble romain de la famille des Scipion. Ainsi 1. Aleria est le premier emplacement d’une cité antique très célèbre, résidence des rois de Corse, édifiée d’abord par Corso de Troie, roi de Corse, dite Aleria en référence à Alerio son fils, duc d’Aleria, appelée aussi Alalia par les Grecs si on se rapporte à la ville d’Alalia en Candie. 2. Nizza ou Nicea, cité très célèbre fondée par Nicius Carte, roi de Toscane, située en Casinca près de la mer. Nicea signifie victoire12 ; Giovanni Agostino Giustiniani13 en parle dans sa Description de Corse ainsi que le Génois Atharco. 3. Mariana édifiée par ledit Corso Trojano, appelée ainsi pour immortaliser Marino, son fils. Mariana était un château de la province de Narbonne et un lac en Asie.

7. 8.

9. 10. 11.

12. 13.

Messere Berlinghero fut roi de Corse et de Sardaigne autour de l’an 900. Cf. Histoire générale de la Corse depuis les premiers temps jusqu’à nos jours, par J.M. Jacobi, Paris, 1835. Robiquet F., Recherches historiques et statistiques sur la Corse, Paris 1835, livre 1, p. 97. L’auteur rapporte les dires de Giovanni della Grossa dans l’Histoire de Filippini au sujet de ce roi Brunoro et de sa dynastie, une histoire qu’il juge fabuleuse. L’archidiacre a très bien pu utiliser cette source reprise ici par P. Morati. Un rescrit est une lettre du pape, un bref ou une bulle du pape qui porte décision d’un procès ou d’un point de droit. Ptolémée Claude, Traité de géographie (8 livres), Ebherhart, Paris, 1828. Cappella Martianus (ve siècle), Les noces de Philologie et de Mercure, Leipzig, Teubner, 1866. De nombreux auteurs anciens ont fait remarquer des similitudes textuelles si grandes entre des parties du texte de Martianus Cappella et celui de Pline qu’ils en ont déduit que Martianus Cappella « copiait » littéralement Pline. Nikaïa en grec, origine vraisemblable du mot Nice, signifie « celle par qui la victoire arrive. » Giustiniani Agostino, Description de la Corse, préface, note et traduction d’Antoine-Marie Graziani, éditions Alain Piazzola, Ajaccio, 1993, 352 p.

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4. Clunia, cité fondée par les clunisiens d’Espagne près de l’étang de Ciurlino. Elle porte le nom de la cité des Cantabres14 qui étaient des nobles appelés Biscaglini, descendant des Celtes de France dont le nom vient de Celto, le fils de Polyphème15. 5. Bastia, ville antique édifiée par les Batistans d’Espagne, dite Mantino16 de Mantinia, ville d’Arcadie. Bastia est aussi un château d’Italie à dix milles de Brescia17. 6. Canelata civitas18, Canari19, cité antique qui tire son nom de l’île Canarie, l’une des sept îles Fortunées. 7. Centurium civitas, Centuri, cité antique qui tire son nom de Centurione, une ville d’Espagne vers Narbonne. 8. Petra Sacra civitas ou Nuncia, Nonza fondée par les Carthaginois. Elle a le nom de Pietra, ville principale de Palestine, une ville de Macédoine, consacrée par le martyre de sainte Julie. 9. Argaiola, la petite cité sur le site de l’ancienne cité de Balagne. Elle a le nom d’Argos, le roi des Grecs ; la ville de Grèce Argos tient son nom dudit Argos. 10. Cesiae litus20ou Calicula, Calvi marine est une ville ancienne, très fortifiée. Elle a le nom de Cesia, une ville de Thrace et de Calicula, une ville d’Espagne ou de Calvi, une cité antique des Ausones en Italie. 11. Sagone fondée par Corso Trojano, roi de Corse, à partir du nom de son fils Savino. 12. Adiacium, Ajaccio fondée par ledit Corso à partir du nom de son fils Ajax. 13. Pavomia ou Paula civitas, ancienne cité de Polo ou Palo, et Porto appelé Polo. 14. Phisera civitas, Ficari, ville, port pour le transport du gros bois de Ficaria, une île de Sardaigne. 15. Marianum civitas, ancienne cité de Mariano à la Pointe de Cavo di Feno, tient ce nom de Marrone, un port d’Italie. 16. Palla civitas, ancienne cité de Pola, très imposante de l’empereur Antonio Pio Cesare. 17. Bonifatius civitas, Bonifatio, édifiée par Boniface, comte et seigneur de Pise. 14. Les Cantabres étaient un ancien peuple celtibère établi sur la côte nord de l’Espagne dans l’actuelle province d’Oviedo au pied des monts Cantabriques. 15. Polyphème est l’un des Cyclopes, fils de Poséidon. Morati nous donne ici une explication sémantique très farfelue des noms de villes et de peuples : elle tient de la légende et n’emprunte rien à la philologie. Cf. note suivante. 16. Bastia était appelée Mantinorum oppidum, la ville des gens de Mantinée, une ville d’Arcadie, célèbre par la victoire et la mort d’Epaminondas que P. Morati nomme Mantinia. 17. Il nous semble plus simplement que Bastia comme la Bastille de Paris tire son nom d’un verbe issu du francique bastjan qui signifiait « assembler, tisser des fibres d’écorces, procédé de tissage utilisé par les Francs pour construire les clôtures en treillis qui servaient à fortifier les bourgs. » En français, le francique a donné lieu à deux sens, celui de bâtir et celui de construire. Ce dernier sens a donné naissance aux mots bastille, bâtisse, bastide en provençal, d’où le mot bastita à l’origine des mots bastion et Bastia. 18. Civitas signifie la cité, un ensemble de citoyens rassemblés dans une ville. 19. On trouve cette précision dans Vérard, La Corse ou résumé des divers écrits relatifs à cette île et à ses habitants depuis leur oringine connue jusqu’à la fin de 1815, chez Piazzola, 1999. 20. Litus signifie le bord de mer, le littoral ou la marine.

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18. Rubea civitas, cité antique de Rossa, aujourd’hui Porto Novo, tient son nom de Rossa, une cité maritime de la Carie dans la province de l’île de Rhodes. 19. Graniacium civitas, Graniaco, ville antique de la pointe de Sperone. 20. Alista civitas ou Amaxia ; Alista, ville antique, édifiée par les Perses corses, tient son nom d’Amaxia, une ville de Cilicie dite Caramania de l’Asie. La baie de Santa Amanza est un grand port du nom de Santa Amanza, vierge et martyre. 21. Paterna civitas, Paterna est une antique cité de trente mille feux près de Caccia ; elle tient son nom de Paterniana, une ville d’Espagne, appelée aujourd’hui Pastarna et garde les vestiges de l’église de la piève. 22. Sermitium ou Saminium, Valle Seriana, Giovellina, doit son nom à Samito roi d’Égypte ou à Sannio, ville de Bretagne ou de la province des Abruzzes21 en Italie. 23. Osincum civitas, Osinco, ville antique, appelée aujourd’hui Niolo à partir de Nio Isola. 24. Accium, Accia, cité fondée par les Accius, des peuples de la Murcie espagnole ou de l’antique Latium de Rome. Accia était la mère de l’empereur Octave César Auguste. 25. Curia civitas, Corte, une antique cité édifiée par Corso, roi de corse et puis par des Corses perses. 26. Talcinum, Talcini, tient son nom de Talchino, roi de Scione22, ville d’Achaïe en Grèce. 27. Venicium civitas, Venaco, ville antique, tient son nom des Vénitiens, un peuple d’Italie. 28. Opinum civitas, Opino, ville appelée aujourd’hui Solenzara, tient son nom d’Opino, une ville de France. 29. Theba civitas, Thèbes, ville antique fondée par les Locriens grecs. 30. Roxicum civitas, Roxico, ville antique édifiée par les Locriens grecs, appelée aussi Rocella, aujourd’hui Ostricone, tient son nom de Rocella, une ville de la Calabre, province d’Italie. 31. Galata urbs23, cité galate, édifiée par les Français qui se nommaient alors les Galates. 32. Nebbium civitas, ville de Nebbio, édifiée par Nebino Troiano, le neveu de Corso, roi de Corse. 33. Aletto, antique cité du Nebbio, aujourd’hui appelée Oletta. Nicolao Bonasperanza qui écrit « Alecto, une autre ville, colonie romaine dans l’île de Corse » dans un livre imprimé à Paris en 1507 était originaire de cette cité. 34. Lurinum civitas, ville de Luri, fondée par Lurio Tusco, roi des Toscans qui fonda Lucques. 35. Balanta civitas, Balagna24, ville antique fondée par les Perses corses. 21. Cette province italienne pourrait être celle qui abritait les Samnites, peuple qui aurait donné son nom samito à Sermitium suivant les délires linguistiques de Pietro Morati. 22. Scione est une ville de Macédoine. 23. L’urbs est une ville avec une enceinte. 24. Balanaea était une ville de Syrie selon Pline.

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36. Alvia civitas, ville d’Alota fondée par les Perses corses, aujourd’hui nommée Girolata. 37. Mora civitas, aujourd’hui l’ancien château des seigneurs d’Istria, édifiée par les gens de Murcie en Espagne. 38. Matista civitas, Matista, cité antique édifiée par les Perses corses25. Telles sont les 38 villes décrites par l’archidiacre Colonna dans le manuscrit dont nous avons parlé ci-dessus. Il n’en reste aujourd’hui que Bastia, Calvi, Algajola, Bonifacio, Ajaccio, Sartène et Corte bien que cette dernière ne soit pas fortifiée. Ainsi vont les choses de ce monde où rien n’est stable ni durable. Pétrarque le rappelle dans son Triomphe à la divinité où il dit que les mortels ne doivent fonder leurs espérances qu’en Dieu et ne se fier qu’à Lui seul : « Da poi che sotto il ciel cosa non vidi stabile e ferma… » Colonna dans son manuscrit, au livre 17 au paragraphe année 1249, le dit aussi à propos du roi Enzo26, roi de Corse et de Sardaigne, enseveli dans l’église Saint-Dominique des pères prédicateurs de Balagne, Enzo ce roi, emprisonné durant vingt-deux ans qui mourut en 1272 après que Frédéric II son père naturel lui avait rendu la liberté.

25. Cette liste de 38 villes corses est issue en droite ligne du manuscrit d’Anton Francesco Colonna, Pline n’en proposant que 33. Elle propose des explications archaïsantes de leurs noms et, à ce titre, s’avère peu convaincante. 26. Enzio ou Enzo, ou Heinz, est né à Palerme vers 1220, mort à Bologne en 1272. Il était l’un des fils illégitimes de l’empereur Frédéric II du Saint-Empire (1194-1250). Enzio fut lui-même roi de Sardaigne et de Corse. Il perdit la bataille de Fossalta en 1249 et fut emmené en captivité à Bologne, où il vécut 23 ans en exil. Son clan (les Gibelins) fut tenu en échec dans la guerre furieuse qui l’opposa aux guelfes à Florence.

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LIVRE PREMIER

SECOND PRÉLUDE

DE L’ÉTAT DE LA RELIGION DE LA FOI CATHOLIQUE EN CORSE

Sommaire 1. Années qui suivirent la création du monde, sacrements, institution de la foi évan2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10. 11. 12. 13. 14. 15. 16. 17.

gélique par les apôtres. Des saints et des bienheureux corses. Saint Parteo, sainte Julie, sainte Dévote, sainte Laurine. Sainte Restitute, sainte Fleur, saint Albert, sainte Bona. Saint Forte, saint Vitale anonyme, le bienheureux Thomas. Bienheureux Mariano, bienheureux Paul, bienheureux Jérôme, oblat bienheureux Jean de Taglio. Bienheureux Thomas de San Antonino, bienheureux Étienne, bienheureux Antoine de l’Ostricone, bienheureux Jean Mattei de Calvi. Bienheureux André, bienheureux Ambroise, bienheureux Martin, bienheureux Bernard de Praoli. Bienheureux Julien, bienheureux François, bienheureux Vincent, bienheureux Guillaume de Speloncato. Bienheureux Étienne, bienheureux Pierre de Brietta, bienheureux Léon de Pietrabugno. Sainte Amanza, saint Sartonio, sainte Restitude. Père Césaire, Mariano, Nasica, Fiorella, Guido Orticoni, Bernard de Calenzana. Formose, pape corse. Ordre de saint François, nombre de couvents, de frères, de Généraux de l’ordre et du sceau. Nombre de conventuels et de prédicateurs, de prêtres et autres, de lecteurs en théologie et autres. Introduction des ordres religieux en Corse. Ecclésiastiques séculiers des diocèses, leur nombre et nombre de réguliers dans le Royaume. Idolâtrie en Corse, la secte mahométane, son origine, les Maures en Corse. La peste.

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18. Les tours en Corse ; exemption des dîmes. 19. Occupation de la Corse par les Maures, gouvernement de roi, œuvre du pape et de

l’influence des lettres et des armes. 20. Conclusion du prélude.

* * * 1. Le père Salvatore Vitali1, un chroniqueur sarde de l’ordre des frères mineurs obser-

vants réformés, rapporte, dans son Histoire de la Corse au livre 1, chapitre 1, que le Sauveur du monde naquit après que se furent écoulés cinq mille cent quatre-vingt-dix-neuf ans après la création du monde, selon le compte du cardinal Baronio, suivi par le père Geronimo de Florence qui cite trente auteurs et soixante-douze exégètes et, selon le compte des Hébreux que suivent saint Augustin, saint Jérôme, Cornelius a Lapide2 et d’autres. Le Sauveur naquit après que se furent encore écoulés quatre mille ans. Au bout de trente-trois années, Jésus fut crucifié par les Juifs par une sentence du gouverneur de Jérusalem de l’époque, Ponce Pilate, natif de Lyon en France. Auparavant, il avait institué les sacrements lors du dernier repas qu’il partagea avec ses apôtres, et il avait donné la loi nouvelle que devaient prêcher ses apôtres et les soixante-douze disciples. Aux chapitres 2 et 5, Salvatore Vitali dit que la Corse fut l’une des premières à recevoir la prédication évangélique et qu’y prêchèrent non seulement de nombreux chrétiens, mais aussi les apôtres, saint Pierre, saint Paul, saint Philippe et saint Barnabé qu’on appela l’apôtre de Ligurie et qui fut évêque de Milan. Saint Denis l’aréopage, saint Luc et d’autres vinrent aussi y porter la parole et saint Jérôme rendit visite à ce Royaume. C’est ainsi que l’on voit comment naquit et se propagea la foi du Christ en Corse, comment elle s’est rendue digne d’avoir de nombreux saints martyrs, confesseurs et d’autres bienheureux qui, assidus aux exercices spirituels et religieux, se rendirent immortels et furent faits citoyens du Ciel et comment la religion et la foi chrétienne y ont perduré jusqu’à nos jours. Et bien que le père Vitali, aux chapitres du premier livre, ait vraiment fait un bel éloge de la Corse, il m’a cependant semblé devoir citer plus précisément tous ces saints pour preuve du présent prélude. 2. Au premier rang, saint Parteo, évêque natif de la ville de Mariana, fut martyrisé en l’an 300 après la venue du Seigneur. En son honneur, on édifia l’église dont aujourd’hui on voit les fondations près de la Canonica et de l’église cathédrale de Mariana ; en de nombreux endroits de Corse, on construisit des chapelles dédiées à ce champion de la religion. En effet, si l’incurie des temps apporte l’oubli de leur histoire aux mortels, l’immortalité céleste et la gloire qu’ils ont apportées à leur patrie ne leur font pas défaut : sur les cimes au-dessus

1. 2.

Vitalis Salvator, Cronica sacra, santuario di Corsica da Salvatore Vitale, Firenze, 1639. Cornelius a Lapide, en néerlandais : Cornelissen van den Steen (18 décembre 1567, Bocholt, Belgique – 12 mars 1637, Rome) était un jésuite belge, théologien et bibliste de renom.

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de Feliceto, il y a aujourd’hui les murs d’une chapelle de San Parteo, avec un clocher et sa cloche que les hommes de Pioggiola du Giussani ont dérobée. Sainte Julie, vierge et martyre, occupe la seconde place. Elle subit le martyre, le 22 mai de l’année 303, au château de Nonza dans le Cap Corse, sa patrie. Le père Vitali a amplement disserté là-dessus et il a prouvé, avec l’aide de nombreuses autorités, que la sainte était bien native de la région de Nonza dans le Cap Corse. On la crucifia, on lui coupa les seins qui, lorsqu’ils touchèrent la terre, firent surgir miraculeusement deux sources qui coulent encore de nos jours. Quant à son corps, on conserve ses vénérables reliques dans la ville de Brescia, en Vénétie, où elles furent apportées par des moines de l’île de la Gorgone en 720, époque où régnait le pape Grégoire III. 3. Je reporte le lecteur curieux au père Vitali qui a parfaitement relaté cela dans son œuvre, digne de se trouver entre les mains de tout patriote lettré. Ce père exhorta, au paragraphe 1, p. 119, avec force et reproches, les évêques du Royaume pour qu’ils fissent en sorte d’obtenir des Souverains pontifes la récitation de l’office de ladite sainte comme sainte Patronne de l’île. Finalement, aujourd’hui, en 1702, les pères réformés ont reçu le décret du père Simon d’Oletta, leur Provincial, qui leur permet de réciter l’office divin de cette sainte, sur ordre de la Sainte Congrégation des rites de Rome et qui les autorise à faire peindre une toile la représentant pour l’exposer au-dessus du grand autel de l’église de leurs couvents respectifs. Cet ordre religieux porte l’effigie de la sainte sur son sceau, comme je le préciserai dans le Prélude 6, livre 3. Après la huitième persécution de l’empereur Valérien, ennemi du nom du Christ, il y eut les empereurs romains Dioclétien et Maximien qui furent aussi de très cruels persécuteurs. Leurs persécutions durèrent dix années et commencèrent en 303 à l’époque où furent martyrisés saint Parteo et sainte Julie. Poursuivons la liste. Sainte Devota, également vierge et martyre, native de Mariana, subit le martyre du chevalet de torture, après avoir été cruellement battue et fracassée par des pierres que lui jeta le tyran Barbaro, l’envoyé de Dioclétien. À sa mort, on vit sortir une colombe de sa bouche, accompagnée d’une musique angélique ; c’était à l’époque du pape saint Marcellin4. Son corps fut pris par le prêtre Bennato et le diacre Appolinaire, des Savoyards qui le transférèrent miraculeusement à Monaco où l’évêque de Nice a coutume de célébrer dans ladite église, le 27 janvier, la fête de sainte Devota avec la huitaine. Voyez à ce sujet monsieur Colonna au livre 12, paragraphe Nacque santa Devota et longuement le père Vitali dans son Histoire. Sainte Laurina, vierge et martyre de la ville d’Aleria, subit également le martyre du susdit Barbaro. En son honneur, on édifia à Aleria l’église qui porte son nom et l’évêque Giov. Battista Imperiale ordonna que, le 3 novembre, le clergé célébrât sa fête et récitât l’office double et qu’il en fît une commémoration quotidienne. Cette église est sous titulature des seigneurs Canonici d’Aleria où commence leur domaine. Cette église est sous la tutélature des seigneurs Canonici où commence leur domaine.

3. 4.

Grégoire III fut pape de 731 à 741. Le pape Marcellin dirigea l’Église de 296 à 304.

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3. Sainte Restitude, vierge et martyre de la ville de Bonifacio, fut cruellement torturée par le susdit Barbaro et mérita la palme du martyre. Son corps fut transporté sur mer, dans un cercueil de marbre blanc, par le secours d’une angélique vertu. Il s’échoua sur la plage de Calvi en Balagne, à cinq milles du gros bourg de Calenzana. Un ermite, qui habitait dans l’église de Saint-Benoît à un mille de là, fut sommé par une révélation divine, trois nuits durant, d’avertir le peuple de Calenzana de se rendre sur le rivage, là où se trouvait, dans son cercueil, le corps de sainte Restitude, vierge et martyre. La troisième nuit, l’ermite obéit ; il persuada le peuple et, avec le clergé, tous allèrent en procession sur le rivage de Calvi. Ils trouvèrent là le cercueil et, après qu’ils eurent fait leurs prières, six bœufs d’un poil étrange se présentèrent qui, sans aide, par la route caillouteuse et raide s’insérèrent dans la procession et amenèrent la relique de la sainte au lieu où fut édifiée l’église qui porte son nom. De nombreux miracles s’y réalisèrent pour ceux qui recouraient à l’intercession de cette sainte et, dans la fabrique de cette église, s’accomplirent aussi de nombreux prodiges par l’invocation de cette dernière. La Corse sainte Fleur fut aussi vierge et martyre : on conserve son corps dans la chapelle édifiée en son honneur par les anciens Corses de la ville de Nebbio dans l’église cathédrale de Santa Maria Assunta et une foule de monde la fête en grande pompe, le 16 mai. Des pertuis dans l’endroit où elle est ensevelie exhalent un tel parfum que cette étonnante odeur de paradis embaume non seulement l’église, mais toute l’atmosphère : Ferdinand Ughelli5 dans Italia Sacra, tome 3, fait mention de cela. Saint Albert Leccapecore, un noble corse, très riche et de sainte vie, s’en alla de l’île, l’année 1115, pour se rendre à Pise en Toscane où il apprit que son frère avait été tué. Il n’émit aucune plainte si ce n’est qu’il se livra à des considérations sur l’humaine misère, qu’il distribua ses richesses aux pauvres et se retira au monastère de saint Vitus à Pise où il tourmentait son corps. Pieds nus, il partit en pèlerinage à Paris et, lorsqu’il y arriva, on lui donna le nom de saint. Il revint à Pise où il s’occupa de la conversion des pécheurs et fit un miracle sur Rainiero. Il retourna en France et finit sa vie en faisant beaucoup d’autres miracles. Son corps fut enseveli dans une église nommée Clairvaux près de Paris, comme l’écrivent Silvano Razzi6 dans les Vies des saints toscans, Filippo Ferrari dans le Catalogo sanctorum Italiae, dans la Vita sancti Raineri et Paolo Tronci7 dans les Annali pisani. Sainte Bona, née à Pise de Bernard le pisan et de Berthe qui était corse, fut une vierge qui parvint au comble de la perfection au cours de sa sainte vie, décrite par Lorenzo Donati, outre Silvano Razzi et Filippo Ferrari dans le Catalogo sanctorum italiae. Lorsqu’elle expira, son corps fut enseveli dans l’église saint Martin où eurent lieu de nombreux miracles. Silvano

5. 6.

7.

Ughelli Ferdinand, Italia sacra, en 9 volumes, 1543, œuvre publiée à Rome de 1642 à 1648. Razzi Silvano et Ferrari Filippo, Général de l’ordre de Servites de Marie étaient souvent cités ensemble comme le fait P. Morati à propos des vies de saints qu’ils écrivirent, comme en témoignent les Annali, memorie ed huomini illustri di San Gimignano par Giovanni V. Coppi, Florence 1695. Tronci Paolo, Annali pisani, par E. Valtaneoli Montazio, éd. altri, seconde édition, 1868.

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écrit à propos du transfert de son corps8 : Clareat omnibus quod corpus sanctae Bonae, in renovatione ecclesiae Sancti Martini, de altari in quo quiescabat translatum ad novum altare novae ecclesiae. On lit aussi l’épigramme suivante : 9Ad laudem Sanctae Bonae virginis de urbe Pisarum et regno Corsicae. Illa catena evasit Tau venerabile signum post obitum dum degit tot miranda peregit exultat summe ex animo Bona cirnea… Egregium hoc veneratur corsa columnia pignus. Sa mort survint le 29 mai de l’année 1208. 4. Saint Forte du Royaume de Corse qui naquit en 765 eut une vie très sainte. Très riche, il abandonna le monde pour se faire moine. Jean Bolland et Godefroy Henseario10 dans les Actis sanctorum, tome 2, chapitre 1, ont écrit à son propos. Il érigea des monastères pour les hommes et les femmes et les dota. Il est fêté le 15 février en Toscane dans un endroit nommé Palazzolo et dans un autre dit Pittigliano. Le bienheureux martyr anonyme nommé Vitale de Bonicardo d’Alesani, alors que l’hérésie des Giovannali sévissait dans l’île et qu’il se consacrait à la défense de la foi catholique, fut couronné du martyre, le 2 mai 1354, par les adeptes de cette horrible hérésie et enseveli au couvent d’Alesani. Ainsi écrivent Francesco Gonzaga11 dans l’Origine seraficae religionis, p. 2 et Vadingo12 dans les Annalibus minorum, tome 4. Le bienheureux Thomas, martyr de Corte, fut élu, le 19 janvier 1419, au couvent de Cholet dans la province de Tours, premier vicaire général et commissaire de onze lieux nouvellement construits qu’il gouverna jusqu’en 1444. À soixante ans, c’était un prédicateur célèbre ; il alla porter la contradiction aux hérétiques du roi d’Angleterre et réfuter leurs propositions contre la foi catholique. Alors, on le jeta en prison où on le laissa mourir de faim. Après sa mort, son âme s’envola vers sa céleste patrie, comme l’affirme Marco Lisbona dans ses Chroniques des frères mineurs, page 1, livre 9, chapitre 26. 5. Le bienheureux Mariano de Brando, confesseur lai, en 1447, lors de la première année du pontificat de Nicolas V, natif de Luni de Sarzana, mourut au couvent de Nonza et y fut enseveli. En témoignage de sa sainteté, deux ans après sa mort, son corps intact et entier fut retiré de sa sépulture pour être placé dans un lieu beaucoup plus honorable. Pour ses mérites, Dieu envoya de nombreux bienfaits aux hommes, libérant les possédés et faisant d’autres miracles, comme l’écrit Francesco Gonzaga dans le De origine seraficae religionis, tome 2. On le fête le 23 juin.

8.

Traduction : Il était évident pour tous que le corps de sainte Bona, lors de la rénovation de l’église saint Martin, devait être transféré de l’autel où il reposait au nouvel autel de la nouvelle église. 9. À la gloire de la vierge sainte Bona de la ville de Pise et du Royaume de Corse. Nous proposons une traduction approximative pour la suite : Après sa mort, Tau, le signe de la croix de Jésus, s’échappa d’elle qui fit, ensuite, de nombreux miracles. Une colonne en Corse en témoigne. Cf. note 22 pour le signe de Tau. 10. En fait, il s’agit de Godefroy Henschenius, un étroit collaborateur de Jean Bolland (1596-1665) qui était un hagiographe très érudit qui écrivit des Acta sanctorum. 11. Gonzaga Francesco, Origine serafice religionis, Rome, 1587. 12. Vadingo Luca, Annalibus ordinum minorum S Francisci, dans Codex diplomaticus Hungariae ecclesiasticus ac civilis, Gyorgy Fejer, 1830.

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Le bienheureux Mariano de Muro, ma patrie, confesseur lai, fonda en 1456 le couvent d’Aregno avec le père Matteo d’Occhiatana qui se trouve être maintenant ma paroisse. Ce fut un saint homme, plein de vertus, que l’on compte parmi les esprits bienheureux en raison de ses œuvres merveilleuses. Il mourut et fut enseveli au couvent de la Marana où il avait soigné de nombreux malades. Aujourd’hui encore, si l’on recourt à son sépulcre, on en reçoit grâces et faveurs du Monarque Suprême. Le couvent de la Marana fut construit en 1477. Le bienheureux Paul de Biguglia vivait au temps où Vincentello était comte de Corse en 1432. Il fut enseveli dans ledit couvent après avoir été un très célèbre prédicateur et avoir fait des miracles qui le rendirent saint. Sa fête est le 27 septembre. Francesco Gonzaga, in Origine religionis, p. 2. Le bienheureux frère Giuliano, oblat de l’ordre olivétain naquit l’année 1319 quand la Bienheureuse Vierge Marie se présenta à Guidone Petraculio, évêque et prince d’Arezzo en Toscane13. Dans son sommeil, elle lui indiqua l’habit et les armes des olivétains en les baptisant de cette manière : Nam mea haec congregatio a Monte Oliveto vocabitur14. Je dirai dans le prélude concernant la Balagne, au paragraphe Lumio de quel endroit il était natif. Le bienheureux Giovan Battista de Taglio, mort le 27 septembre 1460, dont on célèbre la fête en Tavagna, fut un très célèbre prédicateur ; il fut illustre et connu pour sa sainteté et des mérites particuliers. 6. Le bienheureux Tomaso de Sant’Antonino, frère lai qui fit de nombreux miracles, mourut et fut enseveli en l’église Sainte-Marie Aracoeli de Rome, l’an 1517, lorsque régnait le pape florentin Léon X de Médicis à propos duquel écrit Gonzaga. Le bienheureux Stefano d’Arenoso de Tavagna eut une vie très sainte ; son corps fut enseveli dans le couvent d’Alesani, ce dont fait mention Barezzo15 dans les Chronicis S. Francisci, p. 4, livre 1, chapitre 47. Le bienheureux Antonio de l’Ostriconi, prêtre, alla à Rome et s’inscrivit à l’ordre des pères théatins16. Il passa ensuite à la famille réformée de saint François. Puis, en 1525, au moment où fut fondée la congrégation des capucins du bienheureux Matteo Bassio, élève de l’observance des réguliers et, lorsque la congrégation eut été confirmée par le pape Clément VII en 1530, ce bienheureux Antonio fut accepté dans l’ordre des Capucins où il fit des œuvres admirables. Il portait sur sa peau nue un lourd poids en fer, nuit et jour. Ensuite, il prit un cilice de poils de cheval. Non content de cela, il s’en fit un autre en chanvre plein de nœuds qui rentraient dans tous les pores de sa peau. Au début, il ne mangeait et ne buvait que du pain et de l’eau, puis il ne mangea plus que cinq onces de figues ou de fèves ou d’autres légumes et ne but plus qu’un verre d’eau. À soixante-dix ans, il se nourrissait trois fois par semaine d’un peu de pain et d’eau. L’hiver, il couvrait son corps d’un pauvre habit

13. Il faut lire que cet évêque Guidone Petraculio eut une vision de la Vierge en 1319. 14. Traduction : « Dorénavant, cette mienne congrégation tiendra son nom du mont Olivet ». 15. Barezzo Barezzi Cremon, Chronique des frères mineurs. 4e partie : Nouvelle réforme et continuelle observance, Paris, Chaudière, 1609. 16. Un théatin est un religieux de l’ordre fondé par Gaëtan de Tiene et P. Carafa pour réformer les mœurs du clergé.

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en lambeaux, il dormait trois heures seulement et se flagellait chaque nuit. Une fois par an, il se donnait les 6 666 coups que reçut notre Seigneur Jésus-Christ. Au milieu de toutes ces souffrances, il gardait un beau visage vermeil. Un jour où il priait dans un bois, on vit son visage tout illuminé. Des malades venaient le voir de toutes parts et repartaient guéris : il libéra par le signe de la croix un fils de Giovanni de Terni en Ombrie d’une plaie incurable, puis un enfant de quatre ans paralysé, puis un fils de Francesco Vegha malade depuis longtemps ; il guérit Vincenzo Pacino de l’épilepsie et il rendit la vue à un enfant aveugle ainsi qu’à une fillette en mouillant ses yeux de sa salive. Il en libéra une autre de l’épilepsie par le signe de la croix. Il mourut en 1548 à l’âge de soixante-quinze ans. Ses frères le trouvèrent dans sa cellule, à genoux sur son lit, avec ses yeux grands ouverts qui regardaient le ciel. Après sa mort, il apparut à frère Giovanni des Pouilles et lui dit qu’il avait été sauvé par la miséricorde de Dieu. Frère Silvestro de Bourg Saint Sépulcre qui avait perdu la vue, mit les lunettes du bienheureux Antonio et, sur-le-champ, il recouvra l’usage de ses yeux. Le bienheureux vénérable Giovanni Mattei de Calvi dont la famille avait pour origine la famille Mattei de Rome, outre qu’il fut général de l’Ordre, occupa de nombreuses charges décrites par Colonna, livre 14, au paragraphe Giovanni Mattei. Il institua le Mont-de-piété de Rome et beaucoup d’autres choses. On lit l’épitaphe suivante sur sa sépulture : Fratres Joannes Calvius et Vincentius Lunellus cum uterque totius ordinis S. Francisci ministerium generale…, hic obiisset anno Domini 1547, quos velut abitus tanti muneris pares ratio fecit esse germanos, sic ad suarum virtutum praemia evocatos idem hic locus occludit servatque17. 7. Le bienheureux Andrea de la vallée de S. Andrea de Cinarca du Delà des monts qui, en 1560, prit l’habit de saint François au couvent Jésus de la ville de Lima, fut le fondateur des Récollets18 dans les couvents de Sainte-Marie des Anges de Lima et de Saint François dans le village de Saint Clément. Dans le port de Pisco19, il fonda le couvent de San Diego pour l’Observance. Il restaura celui de San Bernardino et on l’obligea à en être le prélat. Il fit de nombreux miracles dans sa vie comme dans sa mort. À l’âge de quatre-vingt-dix ans, le 10 juin 1620, il rendit l’âme à Dieu au couvent de Saint François de Lima. Voyez la description qu’en fait Colonna dans son manuscrit au livre 14, paragraphe Il beato Andrea. Le bienheureux Ambrosio de Corbara qui vécut puis mourut en 1565, dont parlent nos auteurs, fut enseveli au couvent d’Aregno, le 16 octobre. J’en ai fait mention dans le prélude sur la Balagne. Le bienheureux Martino de la Rocca vécut en 1565 et son corps fut enseveli au couvent de Billia, près de la Rocca. Il fit beaucoup de miracles. Le bienheureux frère Bernardino de Praoli en Balagne, également frère lai, fit des miracles et mourut en 1566. Son corps fut enseveli au couvent de Saint François de Pino dans le Cap Corse où il fut retrouvé intact trois ans après sa mort ; ce couvent fut édifié en 1486. 17. Traduction : Les frères Jean de Calvi et Vincent de Luni, tous les deux ayant eu la fonction de général de l’ordre des Franciscains… moururent en l’an de grâce 1547… 18. Les Récollets sont des religieux de l’étroite observance de saint François issus d’une réforme de l’ordre accomplie en Espagne au xve siècle. 19. Ce bienheureux corse fit donc carrière au Pérou car Lima et Pisco sont bien des lieux de ce pays.

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8. Le bienheureux Giuliano de Bonifacio, prêtre de la noble famille Ciccavesi dont j’ai parlé dans le Prélude de Bonifacio, fut enseveli au couvent d’Attallà. Le bienheureux Francesco de Venzolasca, frère lai, réalisa nombre de miracles dans sa vie. Il libéra, en particulier, par le signe de la croix, Maria Francesca d’Ambrosio de Vescovato et un certain Paolo de Venzolasca, des esprits diaboliques qui les tourmentaient. Il mourut le 20 juillet 1570 et fut enseveli au couvent de Saint François de Casinca. On considéra, tout au long de sa vie, un frère lai, le bienheureux Vincent de Venaco comme un pauvre hère méprisable mais, dans la mort, il se révéla fort riche car une étoile très brillante apparut à la fenêtre de sa cellule lorsque son âme monta au ciel. Le père Vitali au livre 5, chapitre 6, raconte cela ainsi que ce que nous avons dit des précédents. Le bienheureux Guglielmo de Speloncato, évêque de Sagone et vicaire de Sainte Marie Majeure à Rome, à l’époque de Sixte IV20, renonça à toutes ses dignités et reprit l’état de régulier. Il mourut en 1490 à plus de quatre-vingts ans à Rome où son corps fut enseveli à San Girolamo. Il eut l’esprit prophétique et fit de grandes choses au cours de sa vie que décrit Vitali au livre 5, chapitre 13. 9. Le bienheureux Stefano de Prunelli, un observant vicaire de Corse fut martyrisé, en 1391, dans le temple de Salomon en compagnie d’autres frères alors qu’ils prêchaient la foi du Christ et condamnaient l’islam à Jérusalem, comme le rapporte Vitali, dans sa Chronique, livre 5, chapitre 14, paragraphe In questo tempo. Le bienheureux Pietro de Brietta était un homme d’abstinence dont parle brièvement Vitali au chapitre 14 de sa Chronique, livre 5, paragraphe Nella detta terza parte. Il fut enseveli au couvent de Biguglia. Le bienheureux Leone de Pietrabugno dont parle le père Olivesi dans les Ragguagli della religione francescana, livre 3, chapitre 5, fut d’une grande austérité. Il mourut en 1482 et fut enseveli au couvent de Biguglia. 10. Sainte Amanza, saint Sartorio, une autre sainte Restitude dont le corps se trouve dans la cathédrale de Pise, étaient tous les trois de Bonifacio. 11. Et d’autres plus récents sont tenus pour des bienheureux : le père Cesario Olmeta,

frère mineur observant ; le bienheureux Mariano, capucin du Niolo, compagnon du bienheureux Antonio de la région de l’Ostriconi en Balagne ; Nasica Biasina, vierge de Prato de Giovellina ; Fiorella de Bastelica ; Guido Orticoni de Monticello ; le père Bernardino de Calenzana, un frère réformé qui fut enseveli dans le couvent du Spirito Santo de Marcasso en 1653 et dont le procès en béatification est en cours à Rome. 12. Pour couronner cette liste des saints et des bienheureux de la Corse, il y a le

bienheureux pape Formose qui naquit à Perello de Vivario dont je parlerai en son temps dans le Prélude 1, n° 15 du troisième livre. Je renvoie d’autres bienheureux à la lecture de l’archidiacre Colonna qui les a rassemblés : on ne leur doit pas une adoration publique car 20. Sixte IV fut couronné pape en 1471 et mourut en 1484.

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ce sont des bienheureux selon la chronique, comme le disent le père Olivesi21 au livre 3 du Taù et le père Vitalis au livre 5, chapitre 2, paragraphe Il fondamento della religione. 13. Y a-t-il une région où la religion franciscaine se serait développée plus que dans le Royaume de Corse ? On y compte soixante-treize couvents : trente-deux de frères mineurs observants dits de la famille, à savoir de la famille du pape ; quatorze de réformés ; seize de capucins ; cinq de servites ; deux de jésuites ; deux de saint Dominique et le dernier, des prêtres missionnaires. Saint François donna le sceau en Tau22 de son ordre à la province de Corse, comme s’en est longuement expliqué le père corse Olivesi que l’on a beaucoup loué pour son œuvre. La Corse peut en cela se glorifier d’avoir été privilégiée et d’avoir été préférée à toutes les autres parties du monde en comparaison desquelles l’île est inférieure en population et en richesses. En effet, dans le monde, on dénombre deux cent mille frères et vingt-huit mille couvents de cet ordre. Il y a eu soixante-quatorze généraux de l’Ordre jusqu’à l’année 1700, cinq papes, plus de soixante cardinaux, soixante saints, six cents bienheureux, mille cinq cents martyrs, deux mille vingt évêques. Il y eut plus de deux cent trente mille sœurs, cinq empereurs, comme l’écrit le père Vincenso Seraffino de Bonifacio dans ses Rime, imprimées en 1697. Tous ces personnages ont pris l’habit de saint François : j’arrête ici ma plume pour ne pas me perdre dans le vaste océan de louanges que suscite cet Ordre. 14. Qui occupe ces couvents en Corse ? Les observants qui vivent dans leurs cloîtres sont au nombre de quatre cents, les capucins sont trois cents, les réformés environ trois cents, les servites soixante, les jésuites vingt, les missionnaires douze et les dominicains vingt. Parmi ceux qui vivent dans les cloîtres, il y a cinq cent soixante-dix prêtres ; il y a des prédicateurs : soixante chez les observants, soixante-dix chez les réformés, soixante chez les capucins, en tout avec les jésuites, les servites et les missionnaires, les prédicateurs sont au nombre de deux cents. Les observants ont six lecteurs généraux en théologie. Il y a douze autres lecteurs en théologie et deux ateliers de théologie en plus de ceux de philosophie. Il y a aussi neuf lecteurs à la retraite, à savoir le père Alessandro Bartoli d’Occhiatana, le père Michelangelo de Petreto, un ancien ministre provincial, le père Domenico de Bastia, un ministre provincial, le père Girolamo de Zigliara, le père Arcangelo de Casevecchie, le père Filiciano de Pietra di Verde, le père Francesco Maria de Campoloro, le père Pietro de Rogliano et le récent père Pietro Maria de Venaco et d’autres, etc. Le nombre de tous ces réguliers, y compris les frères lais, s’élève à environ mille. 15. Les susdits Ordres s’installèrent en Corse : les observants en 1236, comme le dit le père Olivese dans son livre du Taù, imprimé en 1670, livre 1, chapitre 12 ; les capucins en 1540, à l’époque de Paul III, alors qu’à peine 16 années s’étaient écoulées depuis la 21. Olivesi Paulo, Cronicali ragguali della provincia minore osservante di Corsica, Lucca, 1651. Olivesi y décrit l’histoire de l’établissement des franciscains en Corse. 22. La croix de Saint-Antoine ou croix en tau est une croix qui prend la forme de la lettre grecque tau. Dans la religion chrétienne, la capitale majuscule « Tau » = T grec ou bien Taw (dernière lettre de l’alphabet hébreu) fut d’abord un signe des religieux et des chevaliers Antonins, lesquels s’occupaient des lépreux et le portaient avec une clochette en amulette gravée. Cette lettre appelée Tau est ensuite devenue le symbole franciscain par excellence car il a la forme de la croix du Christ.

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fondation de cet Ordre en 1524. Ce fut l’œuvre du père Ochino, général de l’Ordre qui créa le premier couvent à Bastia, puis d’autres dans le Nebbio, à Luri et en Casinca. Les pères jésuites s’installèrent dans le Royaume en 1552, envoyés par le père Ignazio23 pour faire les missions et, pour les perpétuer, on fonda le collège des jésuites à Bastia, en 1601, sous le pape Clément VIII, lorsque le Général de l’Ordre était Claudio Acquaviva. On y donne des cours de grammaire et de rhétorique. Les pères servites s’installèrent en 1252 et les prêtres missionnaires en 1678, mais nous y reviendrons dans le livre 3 du Prélude 2, paragraphe 8. 16. Les ecclésiastiques séculiers célèbrent la messe dans les diocèses qui ont pour nom

Mariana, Aleria, Sagone, Ajaccio, Nebbio et Paomia ; les deux premiers, Aleria et Mariana étant les plus étendus. Si on compte les prêtres, les sacristains, les frères mineurs et les tonsurés qui sont environ deux mille, avec les réguliers, il y a en tout dans l’île trois mille ecclésiastiques, dont nous parlerons plus en détail ultérieurement. 17. On déduit de l’histoire qui touche à l’état de la religion que, grâce à Dieu, dans ce

Royaume, il n’y a pas eu d’idolâtrie formelle24. Depuis le début jusqu’à maintenant, il est resté pur bien que la barbarie de la loi mahométane, observée par la monarchie ottomane, ait infesté sa partie méridionale. Cette loi prit son départ en 620 et, bien que la Corse ait été occupée par les Maures durant 166 ans, comme le fait observer Filippini au livre 2, paragraphe Corsica sotto i Mori, elle est restée indemne de cette malignité comme elle le fut de la peste et de sa contagion. On ressentit à peine les effets, à l’exception de l’année 1485 où il y eut une grande mortalité et des années 1525 et 1528 où la maladie s’emballa au point que monsieur le Gouverneur en mourut, comme l’écrit Filippini au livre 1125. 18. Le Sérénissime Sénat pour protéger la Corse de l’une et l’autre maladie de l’âme

et du corps et pour repousser les nombreuses invasions de corsaires qui auparavant infestaient les marines et les rendaient désolées et dépeuplées, a fait construire de grosses tours, garnies de canons, de mousquets et de soldats de métier. Il en a entouré le Royaume qui en compte quatre-vingts sur ses marines, sans compter celles qui ne sont pas pourvues et que l’on peut garnir rapidement. En cas de vaisseaux turcs à l’horizon, on faisait connaître, en l’espace de deux heures, leur présence par des feux et de la fumée d’une tour à l’autre de sorte qu’on se tenait prêt à se défendre. Et sur les instances des Protecteurs de Saint-Georges, la

23. Il doit s’agir d’Ignace de Loyola (1491-1556), fondateur de l’ordre des jésuites. 24. P. Morati se contredit pour ne pas nuire à sa démonstration sur le christianisme originel et absolu de la Corse : plus haut, il a parlé des Giovannali qui ont laissé des traces dans l’histoire de la Corse. Dans les lignes suivantes, particulièrement au paragraphe 19, il parle des musulmans qui ont converti la Corse à l’Islam durant les 166 années de leur occupation. Il ne peut donc pas affirmer honnêtement que le Royaume n’a pas ressenti la présence de ces diverses influences religieuses. 25. Morati minimise les effets de la peste en Corse comme il a minimisé ceux des religions diverses présentes dans l’île. On sait que la peste fit des ravages dans l’île comme dans l’Europe entière particulièrement au xive siècle dont Morati ne parle même pas ici. S’il observe avec soin l’état de la religion et sa diffusion en Corse, notre auteur est très approximatif dans son approche historique des faits. De fait, la connaissance qu’il en a nous semble limitée à celle de quelques auteurs qui réduisent leur science et leur curiosité à la Corse et à la romanité.

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très pieuse clémence du pape Farnèse Paul III26, concéda à ceux qui habiteraient les lieux maritimes l’exemption des dîmes sur les terres incultes in perpetuo, cela pour encourager les populations à habiter les lieux abandonnés : j’ai lu tout cela dans la Bulle de ce pape, gracieuse, manuscrite, en date du 5 mars 1539 qui m’a été donnée par le capitaine Filippo de la noble famille des Graziani de Monticello. 19. En l’an 790, Hali, un disciple de Mahomet et l’un de ses compagnons, Lanza Ancisa occupèrent la Corse et la convertirent à leur fausse secte en y demeurant 166 ans27. Cinq de leurs rois y régnèrent, à savoir le susdit Lanza Ancisa, Musi, Ferrandino, Scalabro et Nugulone. Mais dès que la Corse se libéra du joug des Maures qu’elle avait chassés, vaincus et battus, elle revint à la foi catholique par les œuvres du pape Étienne IV qui, pour ce faire, s’appuya sur la grande puissance de Charlemagne, comme l’explique longuement Filippini, loc. cit. Si les Corses, en ce temps-là, avaient eu des armes, ils ne se seraient pas laissés battre par les Maures turcs ou d’autres nations car maintenant qu’ils en ont en abondance, il n’y a plus d’invasion étant donné que les armes accompagnées par les humanités produisent des effets salutaires. Pour preuve de cela, l’empereur Justinien a dit : Imperatoriam majestatem non solum armis decoratam, sed etiam oportet esse legibus armatam ut utrumque tempus bellorum et pacis possit gubernari28. 20. Ainsi, la volonté de la Corse fut de n’avoir pas d’autre foi que la foi catholique, comme en atteste l’existence des saints nationaux et d’autres qui demeurèrent dans l’île et comme en attestent les autres preuves qu’apportent à profusion, dans leurs œuvres, le père Vitali, le père Olivesi et Filippini. Par conséquent, je conclus que la foi de Jésus-Christ, notre rédempteur est, depuis la nuit des temps, enracinée dans le Royaume. Tel est bien l’état de la religion chrétienne en Corse, non seulement grâce à tous ces hommes, illustres par leur sainteté, nés en Corse, mais grâce à la présence dans l’île d’autres saints hommes étrangers dont je ne fais pas mention pour ne pas me rendre ennuyeux. Je m’arrête donc de discourir, remettant le lecteur aux auteurs ci-dessus qui en parlent à satiété, et je passe au Prélude suivant pour donner un aperçu des humanités et des disciplines qui ont fleuri en notre Royaume.

26. Paul III naquit en 1468 et mourut en 1534. 27. P. Morati est fâché avec les dates car, au paragraphe 17, il dit que les Maures s’installèrent en Corse en 620 pour 166 ans alors qu’ici, il les voit arriver en 790. Il est vrai que cette période de l’histoire corse demeure extrêmement floue, faute de documents. Cf. encadré d’Alain Venturini dans L’Histoire de la Corse, tome 1, p. 240, aux édiitions Alain Piazzola. Néanmoins, en 759, les Corses firent transporter les reliques de leurs saints en Terraferma, ce qui atteste du danger d’une présence musulmane sur l’île. 28. Traduction : « Il faut que la Majesté impériale soit non seulement rehaussée par les armes mais qu’elle soit aussi armée par les lois pour qu’elle puisse gouverner en temps de guerre et en temps de paix. »

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TABLE DES MATIÈRES

La Prattica Manuale de Pietro Morati..............................................................................

5

Premier livre : Manuel pratique du docteur Pietro Morati di Muro............................

15

Notice préliminaire ....................................................................................................

19

Livre premier .......................................................................................................................

23

Premier prélude Du Royaume de Corse, ses régions et les tribunaux des magistrats ...................... Second prélude De l’état de la religion de la foi catholique en Corse............................................... Troisième prélude Des humanités et des disciplines du Royaume ........................................................ Quatrième prélude De l’élection des Nobles XII du Royaume ................................................................ Cinquième prélude De l’élection des giusdicenti du Royaume ................................................................ Sixième prélude Des Illustrissimes commissaires-contrôleurs du Royaume .................................... Septième prélude Du tribunal de Bastia ................................................................................................ Huitième prélude Du magnifique podestat de Bastia, des Anciens, des magistrats, des personnages savants et militaires, de l’élection, de ses honoraires et d’autres éléments pertinents ..................................................................................

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Neuvième prélude Du tribunal d’Ajaccio ................................................................................................ Dixième prélude Du tribunal de Calvi .................................................................................................. Onzième prélude Du tribunal de Bonifacio ........................................................................................... Douzième prélude Du tribunal de Balagne à Algajola ........................................................................... Treizième prélude Du tribunal d’Aleria .................................................................................................. Quatorzième prélude Du tribunal de Corte .................................................................................................. Quinzième prélude Du tribunal de Sartène .............................................................................................. Seizième prélude Du tribunal de Vico ................................................................................................... Dix-septième prélude Du tribunal de Rogliano ............................................................................................ Dix-huitième prélude Du préside de Saint-Florent ...................................................................................... Dix-neuvième prélude Des tribunaux des seigneurs féodaux ....................................................................... Troisième livre ..................................................................................................................... Premier prélude Des causes ecclésiastiques .......................................................................................... Second prélude Du tribunal ecclésiastique de Bastia appelé aussi tribunal de Mariana et Accia ................................................................................................... Troisième prélude Du tribunal ecclésiastique d’Aleria .......................................................................... Quatrième prélude Du tribunal ecclésiastique d’Ajaccio ........................................................................ Cinquième prélude Du tribunal ecclésiastique du Nebbio ...................................................................... Sixième prélude Du tribunal ecclésiastique de Sagone ....................................................................... Septième prélude Du tribunal de la Sainte Inquisition ........................................................................

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109 113 127 139 169 173 179 181 187 195 201 205

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TA B L E D E S M AT I È R E S

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Huitième prélude Du tribunal du surintendant et des sous-collecteurs des Spogli et des dîmes impériales ......................................

255

Appendice ............................................................................................................................

263

Second prélude De la fidélité des Corses envers l’Église catholique ................................................. Cinquième prélude Du tribunal ecclésiastique du Nebbio ...................................................................... Index .....................................................................................................................................

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