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Ce cinquante-septième numéro sur l’écologie a été réalisé par Thibaud d’Oultremont.
L’écologie
Trimestriel • Éditions Fidélité no 57 • 4e trimestre 2003 Bureau de dépôt : Namur 1 Éd. resp. : Charles Delhez • 121, rue de l’Invasion • 1340 Ottignies
ISBN 2-87356-275-7 Prix TTC : 1,95 €
9 782873 562755
L’écologie
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haque jour, nous ajoutons 15 millions de tonnes de carbone dans l’atmosphère, éliminons près de 200 kilomètres carrés de forêt tropicale, créons plus de 100 kilomètres carrés de désert, éliminons entre 40 et 100 espèces animales… Au plus haut de la pyramide économique, nous accumulons des richesses à des niveaux honteux alors que le bas de la pyramide vit dans une pauvreté indicible. Y aurait-il une planète à sauver ?
L’écologie
Éditorial par Charles Delhez un « Que penser de ? » sur l’écologie ? Ce thème est à la mode ces dernières années. Les politiciens et les économistes de tout bord utilisent des arguments écologiques (encore appelées environnementaux) pour étayer leurs thèses. Que se passe-t-il ? Quels sont les enjeux des questions de l’environnement ? Le monde s’est ému du sort de la planète bleue au sommet sur le « développement durable » de Johannesbourg en 2002, dix ans après le « sommet de la Terre » de Rio et trente ans après la première conférence mondiale sur l’environnement, à Stockholm, où le concept « d’écodéveloppement » s’est affiné. Le président français, Jacques Chirac, dans une de ses interventions, a qualifié la gestion actuelle de l’environnement par la communauté humaine de « crime de l’humanité contre la vie ». Le déséquilibre climatique commencerait-il à faire peur aux économistes et politiciens mondiaux ? Inondations et sécheresses catastrophiques se succèdent et semblent effectivement liées au comportement humain : ne faut-il pas « sauver la terre » ?
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On peut définir l’environnement comme la somme de toutes les conditions extérieures affectant la vie, le développement et la survie d’organismes, dont les êtres humains. Un des thèmes principaux de ce « Que penser de ? » est la conviction qu’il est impossible de considérer les problèmes de surconsommation, de population et d’écologie sans les inclure dans une discussion environnementale. En effet, nos interactions sociales, économiques et biologiques font partie de ce que nous appelons notre environnement. Le sens du sacré joue un rôle motivationnel énorme dans la résolution de ces problèmes. Confrontées aux questions explosives de la surpopulation, de la surconsommation et de l’écologie, certaines religions et philosophies pourront peut-être répondre à la question suivante : que pouvons-nous faire ? Si elles ne peuvent répondre aux crises que nous traversons, elles ne servent pas à grand-chose, détournant notre attention de ce qui est essentiel pour nous et notre humanité. Elles sont alors vaines. Le père Thibaud d’Oultremont, jésuite belge, chercheur à l’université de Californie (Berkeley) estime, quant à lui, que les religions et les philosophies peuvent jouer un rôle important dans cette crise environnementale. La dernière partie de ce livret rédigé par lui montrera combien la religion chrétienne est impliquée dans cette dynamique de sauvegarde de la création. Nous le remercions pour sa compétence qui se fait interpellation pressante.
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L’environnement aujourd’hui
jour, nous ajoutons 15 millions de tonnes de carbone dans l’atmosphère, éliminons près de 200 kilomètres carrés de forêt tropicale, créons plus de 100 kilomètres carrés de désert, éliminons entre 40 et 100 espèces animales, érodons 72 millions de tonnes de sol de surface, ajoutons 2 700 tonnes de CFC (Chlorofluorocarbones) à la stratosphère, augmentons la population de 263 000 personnes. Environ 80 % des forêts d’Europe ont été endommagées par les pluies acides. Les radiations ultraviolettes atteignant le sol à Toronto augmente de 5 % chaque année. À un niveau plus individuel, le lait maternel, dans certains pays, contient plus de toxines que ce qui est permis dans le lait vendu dans les grands magasins. Morts, les corps de ces femmes contiennent souvent assez de toxines et de métaux lourds pour qu’on puisse les classifier comme « déchets dangereux ». La moitié de l’humanité — les femmes — vit une quasi ségrégation, sans avoir ni pouvoir. Au plus haut de la pyramide économique, nous accumulons des richesses à des niveaux honteux alors que le bas de la pyramide vit dans une pauvreté indicible.
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Quelles solutions ? La perte de pouvoir des femmes dans bien des sociétés, le culte des armes et de la guerre, la perte du sens du bien commun, l’agression systématique de notre terre, et enfin la surpopulation, ne demandent pas d’abord de solutions techniques, même si celles-ci sont indispensables, mais des solutions politiques. La crise environnementale actuelle est une opportunité pour le génie humain. L’humanité, dont la population est passée en l’espace de cent ans de 1,6 à 6 milliards d’habitants, sera vraisemblablement confrontée dans les années à venir à des questions de survie et à une modification, sans doute radicale, de ses modes de vie, de production et de consommation. Même si cette croissance sera amenée à se ralentir, l’augmentation de la population se situera surtout au Sud et à l’Est, et majoritairement dans les populations urbaines. La population mondiale passera vraisemblablement à 8 ou 9 milliards d’habitants vers 2050 et pourrait ensuite se stabiliser, selon un des scénarios les plus retenus pour l’instant. Les pays du Sud, fragiles écologiquement et vulnérables économiquement, subiront encore bien des défis : le XXIe siècle devra être celui du combat des hommes contre la pénurie d’eau potable, l’effet de serre, la désertification, le déficit alimentaire et l’appauvrissement de la biodiversité, pour n’en nommer que quelques exemples. Sans tomber dans un catastrophisme inutile, il faut savoir que ces menaces s’appliquent à de plus en plus de terres fertiles.
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Qu’est-ce que l’écologie scientifique ?
« écologie » a été défini par un biologiste alle mand, E. Haeckel, en 1866. Écologie vient du grec oikos qui veut dire « maison », et logos qui signifie « discours ». Littéralement, l’écologie est la science de l’habitat. Pour Haeckel, il s’agit de l’étude des conditions d’existence des êtres vivants et de leurs relations avec le milieu. C’est ce que nous appellerions aujourd’hui « l’autoécologie ». En 1870, le même auteur précise sa définition : l’écologie est l’étude des relations des animaux avec le milieu organique et inorganique, et en particulier les « relations amicales et inamicales entre les animaux et les végétaux », relations complexes correspondant à ce que Darwin a appelé la « lutte pour la vie ». Dans le domaine des sciences biologiques, l’écologie n’étudie ni les macromolécules, ni même les cellules et les organes, mais applique sa recherche à des niveaux d’organisation supérieurs, plus complexes : les organismes, les populations, les biocénoses, les écosystèmes et même la biosphère dans sa totalité. L’écologie possède ses méthodes et ses concepts propres, ce qui la distingue de la physique et de la chimie. La physique et la chimie
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ne suffisent pas à expliquer le fonctionnement d’une cellule. Et tout ce qui est vrai pour la bactérie ne l’est pas pour le mammifère et sa population. Au fur et à mesure que des structures nouvelles apparaissent, des propriétés nouvelles apparaissent : « Une qualité n’appartenant pas aux composants appartient cependant au composé », nous disait Bachelard en 1949.
L’écologie est une science très vaste dont il est difficile de cerner les limites. On peut la définir comme suit : science qui étudie les conditions d’existence des êtres vivants et les interactions de toute sorte qui existent entre ces êtres vivants d’une part, et entre ces êtres vivants et le milieu d’autre part. Aujourd’hui, le mot écologie sert aussi à qualifier un très grand nombre d’idées et d’activités (politiques, notamment) qui n’ont rien à voir avec cette science et que l’on nomme parfois « écologisme » pour bien marquer la différence.
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Quelques mots d’histoire
I L’ANTIQUITÉ
et le Moyen Âge ont accumulé des éléments d’ordre écologique, la science écologique comme telle remonte à l’œuvre de Darwin Sur l’Origine des espèces (On The Origin of Species by Means of Natural Selection, 1859) qui apporte bien des idées neuves dont celle de la sélection naturelle et de son rôle dans l’évolution.
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Charles Robert Darwin, naturaliste anglais, 18091882. Il est à l’origine de la théorie de l’évolution par la sélection naturelle. Celle-ci se fonde sur la compétition entre les membres de chaque espèce pour leur survie. Les survivants donneront naissance à la génération suivante qui possédera alors les caractéristiques naturelles qui permettront la survie de l’espèce, faisant de la génération nouvelle une génération mieux adaptée. 7
Thomas Robert Malthus, économiste anglais, 1766-1834, pensait que la population de la Terre croît selon une progression géométrique, donc plus vite que la production de nourriture, dont la progression est arithmétique ; cela provoque un déséquilibre qui conduit la population vers la famine. Malthus préconisait la contrainte morale pour remédier au danger de la surpopulation. Les idées de Malthus, qui écrivit en 1798 Un essai sur les principes des populations, eurent une profonde influence sur la pensée darwinienne.
À partir de 1850, de nombreuses études écologiques apparaissent. Mais c’est la formulation mathématique de la théorie de la sélection naturelle et le développement de la génétique des populations dans les années 1920–1930 par Lotka et Volterra qui marqueront le départ de l’écologie scientifique. Les années 1950 voient une nouvelle étape de l’écologie : la traduction en termes énergétiques des phénomènes écologiques. Cette recherche fut très prometteuse et aboutit à des projets de grande ampleur comme le projet « Man and Biosphere ». On parlera dorénavant de productivité des écosystèmes. Actuellement, les chercheurs tentent d’expliquer le mode d’action de facteurs écologiques sur la physiologie et la biochimie. La recherche sur la sélection naturelle, l’adaptation, le comportement et la génétique des populations a, du coup, repris en force. L’écologie chimique et 8
la modélisation mathématique sont aussi des domaines fructueux en écologie. La modélisation mathématique est une méthode qui permet de comprendre des écosystèmes très complexes comme des étangs, des champs de cultures, des forêts, etc. Grâce à cette « modélisation mathématique », les scientifiques peuvent présenter des scénarios de gestion d’écosystèmes. L’écologie mathématique fait preuve aujourd’hui de maturité dans la manière dont elle mathématise ses concepts, comme ce fut le cas en physique et en chimie il y a déjà bien des années.
MAB En 1971, l’UNESCO lance le programme « L’Homme et la Biosphère » (en anglais Man and Biosphère, MAB). Celui-ci a pour objet de fournir les bases scientifiques indispensables pour répondre aux problèmes de développement durable et de gestion des ressources naturelles : comment concilier la conservation de la diversité biologique, le développement économique et social et le maintien des valeurs culturelles ? 411 réserves de biosphère sont créées dans 94 pays. Elles doivent contribuer à la conservation des écosystèmes, des paysages, des espèces et de la variabilité génétique. Coordonnées par l’Unesco, ces 411 réserves échangent informations, expérience et personnel.
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Les défis environnementaux et leurs caractéristiques
nous contenterons ici de présenter quelques défis environnementaux majeurs : l’agriculture avec la question des organismes génétiquement modifiés, le réchauffement de la planète et la pénurie d’eau potable.
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Agriculture S’il est vrai qu’il y a théoriquement suffisamment de nourriture pour que tous les hommes puissent manger à leur faim, il est aussi vrai de dire qu’en 2020, il faudra 80 % de ressources supplémentaires pour que toute la population mondiale soit rassasiée. Pourquoi ? Une rapide analyse nous permettra de comprendre. • Premièrement, les famines n’ont eu lieu dans l’histoire que dans des pays non démocratiques. Quand le peuple n’a pas la liberté et les aptitudes nécessaires à l’exercice de la gestion politique, sociale et économique, prévalent les intérêts personnels, de clans, d’ethnies ou de groupes économiques et sociaux. Historiquement parlant, il n’y a jamais eu de famine dans un pays démocratique. 10
L’agriculture dans nos pays
L’agriculture au Sahel
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• Deuxièmement, une inégalité énorme existe entre les pays. Dans certains d’entre eux, une partie de la population surconsomme jusqu’à en être malade. C’est le cas de bien des pays occidentaux. Dans d’autres, des hommes sont malades — et meurent — de malnutrition : un cinquième de la population mondiale ne dispose pas d’eau potable et un milliard d’êtres humains vivent dans un dénuement total. • Troisièmement, dans de telles situations, les droits de l’homme les plus élémentaires tels que l’accès à l’eau potable, à la nourriture, à un abri, etc. sont des exigences qui ne sont pas rencontrées. Étant donné la structure sociale et économique dans laquelle nous vivons, même s’il y a théoriquement assez de nourriture pour tout le monde, les vivres ne sont pas disponibles également pour tous. Au mieux, il faut penser le rééquili- Les vivres ne sont brage nutritionnel mondial comme pas disponibles un processus graduel. Il faut donc, également pour d’une part, combattre l’inégalité tous grâce à des structures économiques et sociales adéquates (commerce équitable, protection des travailleurs…) et d’autre part, augmenter la production agricole mondiale. Surgit alors la question suivante : comment augmenter la production agricole ? Certainement en multipliant les terres cultivables et cultivées, sous certaines conditions. Mais ce n’est pas suffisant. Un groupe puissant — que j’appellerai les leaders idéologiques — a prôné, dans les années septante, la première Révolution Verte, c’est-à12
dire l’introduction dans des pays du Tiers Monde de nouvelles variétés de riz et de blé à haut rendement. La deuxième Révolution Verte est celle des organismes génétiquement modifiés, une expérience à la fois fascinante et inquiétante.
Les organismes génétiquement modifiés (OGM) Le but des recherches en génie génétique, disent les leaders idéologiques de la seconde Révolution Verte, est d’augmenter la production de nourriture et d’améliorer sa qualité.
Un OGM est « un organisme dont le matériel génétique a été modifié d’une manière qui ne s’effectue pas naturellement par multiplication et/ou par recombinaison naturelle » (art. 2 de la directive européenne 2001/18). Des techniques permettent en effet de transférer, dans le patrimoine génétique d’un organisme, un ou plusieurs gènes apportant une caractéristique nouvelle. Les techniques de génie génétique peuvent être appliquées à des organismes animaux, végétaux ou des micro-organismes. Il est vrai que, dans les laboratoires et les champs d’expérimentation, les OGM sont capables de contrôler les populations d’insectes et les virus, et de protéger les plantes contre les effets néfastes des herbicides. De plus, la valeur nutritionnelle de la nourriture peut être améliorée par cette technique de génie génétique : par exemple, 13
la vitamine A peut être ajoutée dans les grains de riz. Les OGM permettent aussi à certaines plantes de ne pas être soumises à des stress environnementaux de température, d’eau, d’acidité du sol, etc. Se basant sur les recherches de laboratoire et de terrain, les leaders idéologiques annoncent la bonne nouvelle : si les plantes génétiquement modifiées (GM) sont soigneusement choisies, les fermiers ne devront plus vaporiser d’insecticides dans leurs champs. Tout en réduisant les coûts de production, les OGM rendent viable économiquement la production de nourriture dans des situations où elle ne l’était pas précédemment. De plus, si les plantes GM sont utilisées de manière appropriée, la production de nourriture peut augmenter fortement. Ces études basées sur des recherches en laboratoire ne nous donnent pas une information complète : le tableau change quand on tient compte de données accumulées pendant plus de vingt ans et provenant de petites et grandes fermes Une information dans le monde entier. Il semble que incomplète ces biotechnologies n’offrent pas de développement durable à long terme (autour de vingt ans et plus) à cause des changements que subissent les structures du sol et l’écosystème local. Bien plus, les OGM occultent des questions politiques et économiques : des hommes ne souffrent pas de la faim parce qu’il n’y a pas assez de riz ou de blé dans le monde, ils ont faim et sont pauvres à cause de l’inégalité d’accès à l’éducation, à l’emploi, aux terres, au revenu et à d’autres ressources, et au pouvoir politique. 14
Les risques cachés… Ce dont on ne tient pas compte en comparant les OGM dans les laboratoires de recherche et dans les plantations dédiées à l’expérimentation, c’est que les OGM peuvent transmettre leurs gènes à d’autres variétés de plantes. Par exemple, si l’on plante du maïs OGM à quelques kilomètres d’un champ de maïs normal, certains insectes pollinisant le maïs passeront d’un champ à l’autre. La fertilisation va se passer en donnant naissance à un hybride OGM-plante normale. Rapidement, la pollinisation va se dérouler entre deux hybrides, et le maïs GM sera présent dans ce qui était précédemment un champ de maïs normal. Quand ces pollinisations ont eu lieu, il n’est plus possible de revenir en arrière. Cela s’appelle la « pollution génique irréversible ». Cette pollution peut avoir lieu entre une ferme « organique » faisant pousser du maïs, par exemple, et un maïs GM, mettant en danger l’agriculture organique. Une contamination encore pire peut voir le jour : la source du matériel génétique pour le développement de nouvelles variétés (une variété souche, si l’on veut) peut subir une contamination. Spécifiquement, on s’inquiète du transfert d’un gène de la bactérie Bacillius thurigiensis, connu sous le nom de Bt, à d’autres plantes. Un autre risque considérable associé aux plantes transgéniques est la « fuite » possible (en fait la transmission par pollinisation) de gènes tolérant les herbicides aux plantes parentes de ces plantes GM, créant peut-être des « super mauvaises herbes » résistantes aux herbicides.
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… de la politique du profit Actuellement, les industries ont tendance à accumuler des gènes qui produisent des toxines. Les insectes vont développer des résistances à ces toxines. La situation peut devenir incontrôlable. Tout se passe comme si une population humaine prenait un large spectre d’antibiotiques, et ce tout le temps. Des bactéries deviendraient rapidement résistantes à ces antibiotiques, ces derniers cesseraient d’être efficaces, et les gens mourraient de maladies auparavant inoffensives. Les insectes peuvent être comparés aux bactéries, et la population humaine aux plantes. En d’autres termes, les industries désirant rassurer les gens qui achètent leurs produits ont tendance à « surmédicaliser » les plantes. C’est une politique à court terme guidée par le profit. Comme les plantes peuvent exprimer un large spectre de toxines, on peut ajouter des technologies dont les conséquences sont inconnues. Bien des gens ont entendu parler des « gènes tueurs » qui rendent les grains de riz stériles pour que les fermiers achètent le riz à planter tous les ans. Il y a plus que probablement des technologies inconnues de ce genre qui servent le programme économique de certaines entreprises et certainement pas celui des fermes à petits moyens. Comme de plus en plus de technologies sont incorporés dans des variétés d’OGM par de moins en moins d’entreprises, nous subissons une perte de variété génétique dans les cultures. Des entreprises contrôlent les technologies OGM et les utilisent seulement sur des variétés spécifiques. A cause de leur haut degré d’unifor16
mité génétique, les OGM ont une base de résistance plus étroite aux insectes ravageurs et aux maladies que des variétés diverses plus traditionnelles. Il semblerait qu’il ne faille qu’un faible stimulant économique pour maintenir cette vaste diversité génétique. Des données montrent que le style d’agriculture de la première Révolution Verte ne permet pas de développement durable. Aux Philippines, en Inde et au Népal, par exemple, les récoltes de riz ont diminué graduellement depuis les années 1980 à cause d’une dégradation à long terme du sol. En augmentant la production des plantes, des scientifiques pensent que cette technologie impose un fardeau de production intenable pour la structure du sol. L’impact des OGM sur la chaîne alimentaire L’insertion du gène de Bacillus thuringiensis (Bt) dans les plantes est une des avancées technologiques les plus importantes concernant la gestion des insectes ravageurs. Les gènes de Bt sont introduits dans le génome des plantes pour contrôler les ravageurs. Le Bacillus thuringiensis est exprimé dans les plantes comme une toxine inactivée encore appelée protoxine. Cette protoxine est activée dans le système digestif de l’insecte ravageur. Mais les prédateurs, qui se nourrissent de ces insectes, ingèrent à leur tour la toxine (on parle alors d’exotoxine). Les effets ne sont généralement pas mortels. Cependant, ils réduisent la fécondité et les vitesses métaboliques des prédateurs. Par conséquent, non seulement les populations d’insectes ciblés sont affectées, mais aussi leurs prédateurs. Et par conséquent, la chaîne alimentaire. 17
Autre exemple : quand le prédateur se nourrit de pollen de maïs contenant des toxines et de proies se nourrissant des feuilles de maïs, la population de prédateurs pourrait être fortement réduite ou son métabolisme, ralenti. Par conséquent, la population des proies se nourrissant de feuilles de maïs pourrait augmenter énormément et les plantes pourraient être sérieusement endommagées. Sécurité biologique La sécurité biologique est probablement une des questions les plus controversées touchant aux biotechnologies : quels sont les risques pour la nature ? Et, via la chaîne alimentaire notamment, pour l’homme ? Des normes existent pour les évaluer : le principe de précaution en est un bon exemple. La raison d’être de ce principe est la volonté politique de résoudre le problème de la pollution génique et d’autres problèmes environnementaux sans attendre que des dégâts possibles soient enregistrés. Les OGM comme armes de guerre Il est possible d’utiliser les techniques OGM pour la guerre en travaillant sur des pathogènes dirigés contre les humains ou pour détruire le système agricole de l’ennemi. Qui sait jusqu’où ces technologies de guerre peuvent aller ?
La nature, objet de commerce ? Les droits de propriété intellectuelle La protection de la variété des plantes (PVP) permet aux reproducteurs de plantes de protéger des variétés pendant 18
vingt ans. Les brevets donnent aux inventeurs le droit de créer un monopole limité pendant cette période, permettant au secteur privé de posséder les graines de ces plantes. Mais seules les grandes entreprises peuvent se permettre ces brevets. Par conséquent, le Tiers Monde ne peut pas posséder les graines qu’il serait en droit de réclamer. Une question majeure doit être posée : la nature peutelle être possédée ? Et si oui, par qui ? Tout ceci est compliqué plus encore par la pollution génique, le transfert de gènes de plantes GM d’une culture vers une autre culture. Les graines « polluées » de cette autre culture portent le matériel génétique appartenant au producteur de graines GM. La perspective d’un contrôle plus serré et monopoliste de la nature s’accroît d’année en année. Coût et impact d’une réglementation Les règlements nationaux et internationaux concernant la fabrication et la commercialisation des graines peuvent être tellement coûteux que seules les grandes entreprises
Terminator Pour empêcher l’utilisation non autorisée des graines et semences dont elles possèdent les brevets, des multinationales ont mis au point des variétés qui produisent des plantes aux graines ou semences stériles. Les fermiers ne peuvent donc pas conserver une partie de leur récolte pour ensemencer l’année suivante mais doivent, chaque année, en acheter de nouvelles.
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sont capables de s’y soumettre. Par conséquent, des graines seront possédées par les grandes entreprises et, généralement, pas par des pays du Tiers Monde. De surcroît, les petits fermiers sont dépendants d’achats qui augmentent leurs dettes. Ce processus de réglementation contribue à mettre en place une situation dans laquelle les besoins de base de la plus grande partie de la population de notre planète ne sont pas rencontrés. Le prix et les dangers de la dépendance Les OGM dans les mains des grandes entreprises sont utilisés pour le profit et non pour le bien-être et les besoins de base des populations. Les entreprises n’ont, certes, pas vocation caritative. Cela n’empêche, leurs activités ne peuvent générer de dégâts à l’environnement ni de préjudices aux humains. Si, généralement, les grandes fermes d’Europe et des États-Unis peuvent tirer bénéfice des OGM, il n’en va pas de même pour les fermiers pauvres du Tiers Monde, ni même la majorité des agriculteurs d’Occident : même si les grandes entreprises ne cachent pas le contenu génétique de leurs produits, les fermiers ne sont généralement pas suffisamment instruits pour savoir si les graines qu’ils ont achetées peuvent leur causer un préjudice, ni si elles seront aussi performantes et inoffensives pour l’environnement que la publicité ne le laisse penser. Enfin cette manière de faire entretient et même accentue la pauvreté et la dépendance des pays du Tiers Monde. Avec une agriculture de plus en plus dépendante d’importations et une balance commerciale affaiblie, ces pays sont 20
toujours plus vulnérables aux taux de change, aux réserves en dollar, à l’inflation… Une plus grande dépendance encore s’installe, quand de nouvelles graines sont modifiées génétiquement pour ne fonctionner qu’avec certains herbicides, forçant les fermiers à acheter l’ensemble requis, graine et herbicide associés, pour la récolte. La seconde Révolution Verte, liée aux biotechnologies, rend donc les fermiers de plus en plus dépendants d’une poignée Une agriculture d’industriels auxquels appartien- de plus en plus nent des technologies spécifiques. Il dépendante est essentiel de savoir que ces pro- d’importations duits sont brevetés par des entreprises chimiques et pharmaceutiques qui contrôlent l’industrie des graminées.
Réchauffement de la planète ou changement climatique global ? Le réchauffement de la planète tel qu’on le connaît actuellement est dû à un effet de serre : la planète est littéralement emprisonnée dans une serre dont la verrière est un ensemble de gaz qui, comme le verre, retient l’énergie à l’intérieur. Le Soleil réchauffe la Terre qui radie à son tour une partie de l’énergie reçue vers l’atmosphère. Une partie de cette énergie s’en va dans l’espace et une partie est retenue par ces gaz que l’on appelle « gaz à effet de serre ». Cet effet existe naturellement et c’est grâce à lui que les diffé21
© Fresh Water, E.C. Pielou, 1998.
Phénomène de radiation solaire sur la Terre avec l’évaporation des océans, la formation des nuages et la contribution du H2O à l’effet de serre.
rences de température sur Terre entre le jour et la nuit ne sont pas trop importantes. La vapeur d’eau (H2O), le dioxyde de carbone (CO2) et le méthane (CH4) sont des gaz qui jouent ce rôle. Le dioxyde de carbone et le méthane qui résultent en partie de l’activité humaine sont parmi ceux qui ont le plus d’impact sur l’augmentation de l’effet de serre. La vitesse d’accroissement du volume de ces gaz dans l’atmosphère est plus grande que jamais. • Le dioxyde de carbone (CO2) est constamment échangé entre l’atmosphère et les océans, et il est absorbé et relâché par les plantes et les animaux à la surface de la Terre. Sa concentration dépend d’un cycle saisonnier : absorption par les plantes qui grandissent au printemps et par lâchage chaque automne. Ce cycle saisonnier a été voilé par une tendance très importante à l’augmentation de la concentration de dioxyde de carbone dans l’atmosphère depuis deux cents ans : chaque pic saisonnier est plus grand que le précédent. D’abord, cette augmentation a été le fait de la destruction de forêts et la relâche du carbone dans l’atmosphère. Depuis une cinquantaine d’années, cette très importante augmentation du CO2 dans l’atmosphère est due à la combustion d’énergies fossiles, surtout le pétrole et le charbon. La moitié des émissions est réabsorbée par les océans et les plantes. Depuis 1800, la concentration de CO2 atmosphérique est passé de 270 ppm (parts par million) à 370 ppm, un niveau jamais atteint depuis les derniers vingt millions d’années. Cette concentration est la résultante de l’activité humaine : industrie, chauffage, parc automobile… 23
• Le méthane est produit par l’élevage des bovins et la décomposition de la végétation en milieu anaérobie, dans les rizières par exemple, sous l’effet de bactéries. La décomposition de la végétation dans des lacs et réservoirs compte pour un cinquième de l’émission de méthane. Les mines sont une autre source importante de méthane.
Aujourd’hui… Il y a une corrélation très claire entre, d’une part, l’augmentation de la température des océans et de l’atmosphère, d’autre part, la fonte de la très grande majorité des glaciers sur la planète et l’augmentation des gaz a effet de serre. En outre, on n’est pas capable de montrer comment un changement de température aussi brusque peut se produire de manière naturelle. Mais on peut montrer, par modélisation, que l’augmentation de CO2 (ou sa diminution) a un effet sur le réchauffement de la planète. Étant donné ces deux positions, il est plus que probable que le réchauffement de la planète est dû a l’augmentation de gaz à effet de serre. Pour Bob Watson, le président de l’IPCC Avec quelle (International Panel for Climate intensité, quelle Change), « la question n’est plus de rapidité et où savoir si le climat change en réponse à l’activité humaine, mais avec quelle intensité, avec quelle rapidité, et où. » Les climatologues estiment généralement que le réchauffement atmosphérique de la planète élèvera la température de 0,4 à 1,1 °C dans vingt ans, et 0,8 à 2,6 °C 24
vers 2050. Ils ont calculé que le niveau des mers s’élèvera de 3 à 14 cm dans les vingt années à venir, et de 5 à 32 cm vers 2050. Les impacts climatiques auront encore d’autres effets : ils sont susceptibles d’augmenter les écarts de température dans bien des régions du globe (il fera plus chaud pendant les périodes chaudes et plus froid pendant les périodes froides) mais aussi d’augmenter la force des intempéries, des tornades, des cyclones, etc. Le réchauffement sera aussi plus sensible aux pôles que dans les autres régions. Des chercheurs britanniques pensent également que cette élévation de la température sera à l’origine de la disparition de plus de la moitié de la forêt amazonienne vers la moitié du XXIe siècle.
… et demain Les chercheurs ont donc essayé de développer différents scénarios afin de développer des politiques environnementales pour les années à venir. Scénarios « suicides » (on fait comme si de rien n’était), ou « sages », le problème est extrêmement complexe : les scientifiques savent que si l’on stabilise les niveaux de gaz à effet de serre aujourd’hui, la température de la planète continuera d’augmenter parce que, entre autres phénomènes, l’énergie calorifique emmagasinée dans les océans sera relâchée dans l’atmosphère jusqu’à atteindre un équilibre avec l’atmosphère, et cela équivaudra à augmenter encore la température de l’atmosphère. On estime à une centaine d’années le temps qu’il faudra pour atteindre cet équilibre… 25
pour autant que l’on arrête aujourd’hui de produire des gaz à effet de serre. Il est cependant bien difficile de répondre à la question de la Maison Blanche : quel niveau de gaz à effet de serre nous permettrait de vivre en sécurité ? Car le problème est de savoir Savoir ce que ce que l’on entend par « sécurité ». l’on entend par Et la sécurité de qui ? Des Bangla- sécurité deshi qui risquent d’être sous eau avant un siècle ou de la population de Floride ou de Californie ? Bien sûr, des recherches sont en cours pour trouver un moyen de « piéger » le CO2. Par exemple, pour qu’il ne soit plus relâché dans l’atmosphère et enterré ou fixé au fond des océans. Cependant, cela reste encore de la science fiction. Et au-delà de solutions techniques telles que l’utilisation de sources d’énergies « propres », il semble qu’un changement radical d’attitude et de comportement, tant personnels que sociaux, soit indispensable.
L’eau potable, un bien commun à toute l’Humanité L’eau, encore appelée « or bleu », est devenue une ressource stratégique importante. Sans une gestion équitable des ressources en eau potables, la paix a peu de chances de prévaloir. Quelques exemples permettent de saisir les différentes facettes du problème. En montagne, la fonte des glaces permet à l’eau de ruisseler assez régulièrement pendant plusieurs mois, qu’il pleuve ou non. Dans les Andes, ces fontes des 26
neiges sont cruciales pour l’irrigation des terres. Mais aujourd’hui, les glaciers fondent et gonflent les rivières sans leur laisser le temps de creuser leur lit : elles se transforment alors en torrents qui arrachent les terres de surface. La chaleur des mois d’été dessèche la végétation pendant les mois de culture. Les montagnes se désertifient, provoquant d’importants déplacements de populations : à La Paz, en Bolivie, le flux de population s’élève à 12 % par an. Ces paysans venus des montagnes andines vont grossir les favellas déjà bondés. Les cultures indigènes (Tiawanaku, Incas et autres) ne pourront probablement pas survivre à cette délocalisation culturelle de la campagne vers la ville. Le plateau du Golan, entre la Syrie, le Liban et Israël, est un lieu stratégique parce qu’il contient la seule ressource d’eau Sans une gestion potable importante de la région. équitable des resCes trois pays ne peuvent s’en pas- sources en eau ser, elle est indispensable pour les potable, la paix a cultures, les entreprises et dans la peu de chance vie quotidienne. En Amérique latine, la société multinationale Suez des Eaux a acheté tout ce qu’il y a d’eau potable dans plusieurs pays. Depuis lors, la qualité de l’eau n’en a pas été améliorée, mais le prix de l’eau a augmenté d’environ six fois. Plus honteux encore, des habitants de bidonvilles sont forcés de payer l’eau entre quatre et cent fois plus cher que leurs concitoyens des classes moyenne et supérieure. Aujourd’hui, le bien-être de plus d’un milliard de personnes est menacé à cause d’un accès insuffisant à 27
l’eau potable et 2,4 milliards de personnes n’ont pas accès à des services d’hygiène adéquats. Ces exemples nous rappellent que l’eau est un bien commun à toute l’humanité qui a droit à la vie, et non une denrée que certains peuvent s’approprier pour leur seul profit.
Le côté plus politique des choses Les acteurs de la gestion Le réchauffement de la planète nous montre que l’impact de décisions locales n’est plus seulement local. Cet impact est global. La gestion internationale de ces biens communs que sont l’atmosphère et la biodiversité est d’autant plus difficile que la plupart des États pensent la problématique en fonction de leurs intérêts propres. Enfin, cette gestion est opérée au quotidien à des niveaux de pouvoir très différents. Par exemple, la gestion de l’eau dans un village africain peut être opérée par un groupe de femmes ou par une ONG ; la gestion de ce même « or bleu » au niveau des fleuves, des lacs ou des mers, peut être effectuée par des gouvernements ou des compagnies supranationales. Il s’ensuit que légiférer sur de tels sujets n’est pas simple. Mis à part quelques avancées ponctuelles, la plupart des commentateurs estiment que peu de progrès ont été réalisés dans cette crise environnementale, et que l’ONU n’a pas grand-chose à mettre à son crédit en ce domaine. Pourtant les questions sont graves pour l’avenir de la planète et donc, pour les générations qui nous suivent — 28
surtout les plus pauvres —, mais s’accorder sur les mesures à prendre au niveau mondial est très difficile. Et tout semble se passer comme si un appareil décentralisé et « déterritorialisé » émergeait du groupe des États Nations pour gérer la planète avec une vue économique à court terme.
Le rôle de l’opinion publique Pour doter le monde politique d’une gestion efficace, il faut que l’opinion publique soutienne les choix de la classe politique. Or, dans le cas de la plupart des problèmes environnementaux, les causes des problèmes, et même, souvent, les problèmes eux-mêmes sont invisibles, ne nous sont pas tangibles. Comment le commun des mortels pourrait-il s’émouvoir de manière durable de la déplétion de la couche d’ozone, du réchauffement de la planète, la pollution radioactive, etc. s’il ne les sent pas, ne les voit pas ?
Le rôle de la recherche scientifique La plupart des problèmes environnementaux contemporains sont non seulement globaux et invisibles, mais aussi peu prévisibles et pour une part non maîtrisables. Par exemple, les chlorofluorocarbones (CFC), gaz stables, ont été utilisés dans l’industrie depuis les années 1950. Ils paraissaient inoffensifs. Dans les années 1970, cependant, force a été de constater que ces gaz détruisaient la couche d’ozone stratosphérique et qu’ils constituaient dans la troposphère des gaz à effet de serre importants. Mais quand les CFC furent inventés, la chimie de la stra29
tosphère n’existait pas encore. De plus, l’appropriation de technologie par des groupes sociaux est aussi très difficilement prévisible. Bref, les grands problèmes environnementaux sont souvent imprévisibles. Quand on ajoute cet élément à l’aspect global de nos actions sur la planète, la crise environnementale commence à révéler son vrai visage. Nous savons d’une part que nos comportements peuvent avoir un impact sur la biosphère et ses mécanismes régulateurs, et donc sur nos conditions de vie, et d’autre part que nous ignorons les conséquences à moyen ou long terme de nos actes. Ainsi, le politique fait souvent appel à des experts scientifiques quand un problème se pose. Mais bien souvent, le phénomène en question n’est pas (ou est mal) connu. Constatons cependant que généralement, le politique, sans le dire, est conscient de notre ignorance des conséquences à moyen et à long terme de nos actes.
Le rôle des multinationales Les multinationales n’ont souvent d’éthique que pour elles-mêmes. Une éthique qui peut souvent se résumer, de manière grossière, ainsi : la loi du plus fort est toujours la meilleure. On pourrait appeler ce comportement un darwinisme économico-social : c’est en effet une compétition sans merci pour gagner et survivre. Ce qui n’est pas retenu, dans cette hypothèse, c’est que certains ont des moyens considérables pour gagner la bataille, « la lutte pour la vie » : des capitaux énormes, un savoir-faire, une meilleure connaissance de dossiers impor30
tants et souvent des appuis politiques (le fameux lobbying), sont des atouts majeurs pour remporter la bataille. Tout se passe comme si l’on disait à une souris de chasser et de tuer un chat.
La démocratisation de la gestion de la richesse mondiale Un exemple récent nous permettra de comprendre : le sommet de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) à Cancun, en septembre 2003, a été un échec. L’objectif de ce sommet était de trouver un compromis entre les pays riches et pauvres concernant les subsides — dénoncés comme injustes par les pays pauvres — que perçoivent les agriculteurs des États-Unis et de l’Union Européenne, entre autres. Ces subsides permettent aux agriculteurs du Nord d’être compétitifs sur les marchés agricoles internationaux Des droits de et donc de vendre leurs produits aux l’homme ont été dépens des pays pauvres. L’OMC violés devait faire progresser l’organisation vers un système commercial multilatéral où les règles sont les mêmes pour tous les pays, petits comme grands. Elle n’a pas été capable de rééquilibrer les rapports de force entre ses membres. Des propositions réalistes ont été proposées (baisse des quotas des pays riches et de la production mondiale, par exemple), mais les intérêts en jeu sont tellement considérables qu’il est difficile de passer à l’acte. Et certains observateurs n’hésitent pas à dire que, dans ce cas précis, des droits de l’homme ont ainsi été violés. 31
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Š Vivant Univers, Namur
Nos contemporains, tassĂŠs dans des villes, ne se servent ni de pelle ni de rame
Développement durable : un concept imprécis en économie On a beaucoup parlé de « développement durable » ces dernières années. Le concept est flou et autorise des interprétations divergentes, mettant plus ou moins l’accent sur la préservation de l’environnement.
Le concept de « développement durable » vient de l’anglais sustainable development et a été popularisé par un rapport établi en 1987 pour l’ONU par Gro Harlem Brundtland, alors Premier ministre norvégien. Il désigne « un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs ». Il s’agit donc de rapprocher les impératifs économiques, sociaux et environnementaux. Le sommet mondial pour le développement durable de Johannesbourg en 2002 s’est proposé cinq thèmes prioritaires : l’eau — un être humain sur cinq n’a pas accès à l’eau potable —, l’énergie — en premier lieu l’électricité à laquelle deux milliards de personnes n’ont pas accès —, la biodiversité — augmenter la productivité agricole sans nuire à l’environnement —, l’agriculture — notamment sous l’angle de l’accès des produits agricoles du Sud aux marchés du Nord — et la santé, la lutte contre le sida et les maladies tropicales.
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comme si l’on s’acheminait vers une déresponsabilisation des gouvernants au profit du secteur privé. Les entreprises soutiennent que, faute d’investissements extérieurs, une grande partie des pays en développement resteront en marge de l’économie mondiale et que ces accords de partenariat public-privé sont une opportunité d’expansion économique pour les pays en développement. Mais à l’analyse, c’est surtout une opportunité pour les investisseurs privés appartenant, le plus souvent, aux pays les plus riches.
Conclusion Plus d’un milliard de personnes ne jouissent pas de leur droit à une nourriture décente, à l’eau potable et à un air « viable ». Il s’agit pourtant d’un droit élémentaire inscrit dans la convention des Droits de l’Homme. Et l’air, l’eau, la nourriture sont des biens communs à l’Humanité. Leur gestion est assurée par des multinationales et des gouvernements, non pas au profit de la communauté, mais au profit des multinationales qui contrôlent une partie majoritaire de l’argent qui y est investi. Si la gestion se fait en majorité « par pur profit », comment s’étonner que les droits de l’homme et le « bien commun » soient si peu pris en compte par les décideurs ? L’application des droits élémentaires de l’homme est de la plus haute importance, non seulement pour garantir la dignité humaine, mais encore parce que ces droits apportent des stimulants politiques pour une plus grande sécurité économique (et donc, souvent, alimentaire). L’application des droits de l’homme rend les personnes plus libres, donc 34
plus capables de jouir des opportunités qui s’offrent à elles dans leur vie sociale et de prendre des décisions. Ils jouent donc un rôle constructif dans la formation des valeurs sociales et dans le choix de priorités de ces groupes sociaux. L’application de Pour que soient respectés à la fois droits de les « droits de l’homme » et les cul- l’homme rend tures sur notre planète, l’économie les personnes mondiale se doit d’être moins des- plus libres tructrice de modes de vie traditionnels et plus respectueuse du travail des hommes. Elle doit aussi se développer graduellement, garantir une sécurité sociale à tous et faire droit à ceux dont les intérêts sont touchés par les changements dus à la mondialisation.
Chap itre
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Nature et humanité
’HOMME, doté d’une conscience est capable de décision et de domination. Les religions monothéistes (christianisme, judaïsme et islam) s’accordent sur cette idée. L’être humain, créé à l’image de Dieu, est installé dans une situation exceptionnelle, ayant à répondre de ses actes devant sa conscience, devant ses frères et sœurs, et devant Dieu. La nature, que l’on appelle aussi « création », est l’entièreté des choses créées. Selon ces religions, elle est comme un miroir de la perfection divine vers laquelle elle tend. C’est souvent pour cela que la nature est dite « admirable » et « merveilleuse ». Être à l’image de Dieu, c’est être capable de connaître quelque chose de cette création, de l’écouter, de l’interpréter, d’y vivre, de la façonner, de faire de tout « aujourd’hui » le reflet de la volonté de Dieu.
L
Quel souci pour la nature ? Depuis la Renaissance au moins, nos sociétés se sont transformées jusqu’à glisser, plus tard, sur la vague industrielle. Depuis lors, l’identité de la nature a changé. Par la 36
science et le travail, l’homme se dépasse, pour se propulser dans les stratosphères de la technique, de la science, et des technologies de pointe. C’est une libération. Après avoir voulu se libérer, dans nos pays, de la tutelle religieuse et aristocratique, l’être humain a aussi voulu se libérer de l’emprise de la nature sur lui. C’est à une libération violente que l’on assiste. C’est une révolution. Il s’agit maintenant de dominer la nature en fonction de nos désirs. L’être humain devient le centre de l’univers. Mais ne deviendrait-il pas simplement un centre, replié sur luimême, l’univers lui devenant par trop lointain ? Michel Serres écrit : « Ne vivant plus qu’à l’intérieur, […] nos contemporains, tassés dans des villes, ne se servent ni de pelle ni de rame, pis, jamais n’en virent. Indifférents au climat, sauf pendant leurs vacances, où ils retrouvent, de façon arcadienne et pataude, le monde, ils polluent, naïfs, ce qu’ils ne connaissent pas, qui rarement les blesse et jamais ne les concerne. […] Ceux qui, aujourd’hui, se partagent le pouvoir ont oublié une nature dont on pourrait dire qu’elle se venge mais qui, plutôt, se rappelle à nous […]. Nous avons perdu le monde : nous avons transformé les choses en fétiches ou marchandises, enjeux de nos jeux de stratégie : et nos philosophies, acosmistes, sans cosmos, depuis tantôt un demi-siècle, ne dissertent que de langage ou de politique, d’écriture ou de logique. Au moment même où, physiquement, nous agissons pour la première fois sur la Terre globale, et qu’elle réagit sans doute sur l’humanité globale, tragiquement, nous la négligeons » (Le contrat naturel, Champs-Flammarion, 1992, p. 53-54). 37
Nos contemporains, tassés dans des villes, ne se servent ni de pelle ni de rame
Les entreprises s’intéressent de plus en plus au concept de développement durable. En effet, ce concept est accueilli favorablement par l’opinion publique. Mais il est suffisamment vague pour que les exigences financières soient minimes pour les entreprises qui disent créer des produits « pour le développement durable ». Bref, le concept de développement durable est souvent une opportunité de marketing. Le sommet de Johannesbourg semble bien avoir été une immense opération de relations publiques des États et des grandes entreprises. Des centaines de projets se prévalant du concept de développement durable y ont été présentés sur le mode de partenariats public-privé, une sorte de troisième voie entre aide publique et investissement privé, 38
Mais vivons-nous vraiment sans relation avec la nature ? Le citadin a toujours mal à la tête, est toujours assourdi par le bruit des moteurs, se sent vieillir, se sent traversé de désirs et d’émotions, d’images et de récits qui ne viennent pas de lui. C’est cela aussi son environnement, la « nature ». De plus, le souci pour la nature est un corrélat de l’industrialisation. On fonde des parcs naturels, on se préoccupe de la santé de l’environnement et du type de rapport que nous devons entretenir avec elle. Aurions-nous été tellement loin dans le saccage, l’exploitation et la déstabilisation du milieu naturel qu’une prise de conscience rapide a eu lieu et que des projets de réaménagement de territoires ont pu voir le jour ? Sommes-nous pris de panique devant la pénurie des ressources naturelles ? En étudiant les niveaux supérieurs de la matière vivante, une question se pose : comment nous, êtres humains, allons-nous vivre dans un environnement qui détermine notre vie ou notre survie ? Faisons-nous partie de ce réseau d’animaux et végétaux qui vivent sous le mode de la régulation réciproque ? Ou avons-nous la folie de penser que nous n’en faisons pas partie ? De la réponse responsable et active à cette question dépend la survie de milliards de personnes. Quel souci avons-nous pour la nature, pour l’environnement dont nous faisons partie ?
Provenance et distance À des moments privilégiés, pendant des vacances ou des temps de repos, la prodigalité de la nature nous invite parfois à l’étonnement, à l’émerveillement. La nature peut 39
Arbres de la forêt, vous connaissez mon âme ! Au gré des envieux la foule loue et blâme ; Vous me connaissez, vous ! — vous m’avez vu souvent, Seul dans vos profondeurs, regardant et rêvant. Vous le savez, la pierre où court un scarabée, Une humble goutte d’eau de fleur en fleur tombée, Un nuage, un oiseau, m’occupent tout un jour. La contemplation m’emplit le cœur d’amour. Vous m’avez vu cent fois, dans la vallée obscure, Avec ces mots que dit l’esprit à la nature, Questionner tout bas vos rameaux palpitants, Et du même regard poursuivre en même temps, Pensif, le front baissé, l’œil dans l’herbe profonde, L’étude d’un atome et l’étude du monde. Victor Hugo, Les Contemplations
nous paraître grandiose, splendide, et nous émouvoir par sa somptuosité, sa force et sa fragilité à la fois. Elle fait vibrer quelque chose en nous, nous rend vulnérables, nous fait prendre conscience que nous faisons intimement partie de ce que nous aimons appeler « la nature », que nous faisons partie de ce réseau d’animaux et végétaux qui vivent grâce à la présence d’oxygène, d’eau, de chaleur, de lumière, et de terre. Par nos cultures, nous façonnons la nature et prenons distance par rapport à elle. Sans cette distance, la culture ne pourrait voir le jour. Sans la nature, il n’y aurait pas de jour. 40
Si c’est par les productions de l’esprit uniquement que nous la découvrons, la nature, pour elle-même, sera vite oubliée. Elle appelle cependant amitié et dialogue. Les enfants et les poètes le savent — qui parlent aux arbres, au vent, à la neige, et les écoutent, mais aussi tous ceux qui s’étonnent de l’abondance et de la variété des êtres et de la beauté d’une nature à la créativité souvent inattendue.
Quand la nature nous pose une question de sens La nature suscite en nous une question de sens : au plus intime, sommes-nous de la nature, appartenons-nous à la nature ? Faisons-nous seulement partie d’un réseau qui nous permet de survivre ou ne sommes-nous pas animés au plus profond par ce qui anime toute vie et lui donne son orientation ? Les îles Galapagos posent cette question. En effet, ces îles qui ont évolué à un millier de kilomètres de l’Équateur sans la présence des hommes, hébergent des milliers d’espèces inconnues jusqu’il y a peu de temps. L’évolution a suivi des trajectoires différentes sur chaque île. En conséquence, chaque île accueille des espèces qui n’existent La nature appelle nulle part ailleurs sur notre planète. amitié et dialogue L’évolution sur ces îles nous dévoile une caractéristique étonnante de la nature : sur chacune d’elle, les organismes s’ajustent les uns aux autres avec un minimum d’agressivité et une quasi absence de peur d’un prédateur. N’est-il pas étonnant que les espèces qui ont autrefois colonisé ces îles et qui se sont transformées au cours du temps, ont « perdu » ce comportement que nous 41
pouvons ici appeler « la peur ». Ce phénomène n’est pas une exception ; il se passe sur toutes les îles, celles-ci étant trop éloignées les unes des autres pour avoir des contacts génétiques ou comportementaux entre elles. L’explication de ce phénomène semble provenir de la structure même de la nature qui nous dévoile un de ses secrets : elle serait capable « d’attirer » des populations, sous certaines conditions, à se comporter harmonieusement, quasiment sans peur d’autres populations. Cette structure ne serait-elle pas en nous aussi, comme dans tout le vivant ?
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Un point de vue chrétien
La nature, une création ? Deux textes de la Bible nous disent qu’au « commencement, Dieu créa le ciel et la terre ». Les premiers mots de l’évangile de saint Jean sont : « Au commencement était le Verbe et le Verbe était Dieu […] et tout devint par Lui. » Dieu créa… un processus. « Tout devint/devient par Lui. » Dieu ne construit pas les choses directement ou même ne les cause pas directement. Mais on peut dire que Dieu crée un processus inventif et autonome. Les réalités de la terre sont autonomes et Dieu ne s’arrête pas de créer ce processus autonome et inventif, gorgé de « possibles ». La deuxième personne de la Trinité, le Verbe, venant sur cette terre en tant qu’homme sera appelée Jésus. Dieu continue d’envoyer le Verbe depuis le commencement, initiant ce processus de création, initiant une structure inventive de création. La création est la demeure du Verbe et elle est faite selon le « modèle » qu’est le Verbe de Dieu. Notre terre est la demeure de Dieu, et nous sommes créés à l’image de Dieu. C’est pourquoi cette terre est à nous. En d’autres termes, notre terre, notre univers est le lieu de la rencontre entre 43
Dieu (qui y a Sa demeure), et nous qui y sommes chez nous. Dieu partage avec nous sur cette terre, Sa vie et Sa présence. La structure de créativité que Dieu crée est un processus capable des promesses divines. La création a en elle-même la capacité d’être transfigurée. Si nous sommes capables de devenir comme Dieu — nous le savons par notre foi —, c’est parce que notre nature corporelle (terrestre) supporte cette capacité. La grâce de Dieu rencontre notre nature qui est préparée parce que Dieu l’a constituée pour cette capacité : que nous devenions comme Dieu. On peut dire la même chose pour nos corps : ils sont capables de résurrection. N’est-il pas beau de se dire que notre univers, notre cosmos, a les capacités naturelles… de notre destinée — surnaturelle — en Dieu. Dieu, en toute Sa création, et donc en nous aussi, par le Verbe, sauve tout, pénètre tout, et transfigure tout en Son dessein. Bien sûr, nous le savons, le péché nous a désorientés par rapport à ce modèle, et les conséquences pour ce qui est aussi notre demeure sont évidentes. La souffrance n’en estelle pas le signe ? La création ne gémit-elle pas en travail d’enfantement ? Saint Paul ne nous dit-il pas que le Christ, par le sang de Sa croix, a réconcilié toutes choses, celles du ciel et celle de la terre ?
L’homme gérant et jardinier Si la création est notre demeure à nous, elle n’est pas une sorte de prêt. Elle est à nous qui sommes cocréateurs, parce que nous sommes créés à l’image de Dieu dans notre 44
demeure. Sauvegarder la création, c’est, de manière inventive, amener la création à être orientée vers son dessein : être notre lieu d’abord, lieu d’écoute, d’émerveillement. Et aussi un lieu où Dieu puisse partager Sa vie et nous y rencontrer, où Dieu puisse appeler toute la création à être transformée en Dieu… C’est notre travail. Un nouveau regard est nécessaire. Il n’est peut-être plus si simple de regarder la création comme étant un lieu où Dieu nous partage Sa vie, où Dieu désire se révéler à nous et nous rencontrer comme des amis à qui Il confie son bien. Il est probablement plus difficile encore de gérer cette création de manière inventive et libre pour en faire ce lieu-là. C’est pourtant ce que nous apprend la Bible. Une conversion est nécessaire. La Bible nous dit explicitement que Dieu voudrait voir l’homme jouer un rôle actif dans son œuvre, pour que celle-ci parvienne à son achèvement, être le dessein de Dieu, le désir de Dieu. Toute la Bible se trouve enchâssée entre le premier récit de la création et la perspective de la création transfigurée à la fin des temps, dans le livre de la Révélation, encore appelée Apocalypse. Chaque génération reçoit un environnement qui est son lieu, mais aussi celui des générations futures. Chaque génération doit le gérer dans une perspective dynamique et inventive pour qu’il ne soit pas transmis dégradé aux générations à venir. En conséquence, il n’est pas surprenant que, depuis Vatican II, des chrétiens des différentes Églises — comme bien d’autres personnes d’autres religions, agnostiques ou athées depuis longtemps — aient unis leurs efforts dans un engagement commun en faveur de la sauvegarde de la création. Car, rendre notre terre surchauffée, désertique, 45
exsangue, c’est vouer des populations entières à la famine. Qui sommes-nous pour gêner le désir de Dieu qui voudrait nous révéler sa bonté, sa beauté, son inventivité, sa liberté et nous donner une terre où tous les hommes pourraient le rencontrer dans la liberté ? Qui sommes-nous pour détruire ces processus de création, ces structures inventives de vie que Dieu appelle à être réconciliées en lui ? Le péché nous désoriente, nous sépare de ce flot tumultueux, riche et varié de la Vie. Le péché nous désoriente, non seulement nous-mêmes, mais notre terre avec nous, en accroissant des désordres écologiques mondiaux, en creusant le fossé déjà profond entre riches et pauvres. Pour répondre à ce désir de Dieu, il convient donc de développer connaissances et outils qui permettent de faire des choix de gestion de l’environnement. Il faudrait aussi — et surtout — suggérer des démarches intérieures de respect pour cette demeure (la nôtre et celle de Dieu) afin que Dieu puisse, selon son désir, y partager sa vie et nous y rencontrer. Il faudrait encore développer des attitudes de sauvegardes des structures d’inventivité (la création) pour permettre au Créateur de réaliser — avec nous, cocréateurs — la réconciliation de toute la création en Dieu. Une telle conversion peut surgir dans une culture plus respectueuse des choses elles-mêmes, de leur beauté, de leur mystère, sans tout de suite en remercier le Créateur. Il est nécessaire de s’émerveiller. Remercier, ce sursaut du cœur, est cependant, lui aussi, bien nécessaire. Qu’il serait bon de remercier Dieu pour son œuvre de création — don gratuit du Père —, d’écouter Dieu qui se révèle dans la Bible, dans la nature, dans les hommes et les 46
femmes, dans le monde, et de consentir à la rencontre avec le Créateur. En effet, cette attitude pourra probablement nous aider à préserver le « bien commun » de toute l’humanité. N’avons-nous pas besoin, en effet, d’être libérés de l’esclavage de la consommation, du productivisme et de la course au « toujours plus » pour retrouver le sens de la gratuité et du remerciement ? Pourquoi ne pas prendre du temps pour mieux connaître la nature et mieux la contempler ? Ce faisant, nous serons amenés à aimer davantage le Créateur et à choisir d’agir selon son désir pour toute la création. Nous pourrons « jeûner » d’actions qui polluent et accepter les efforts nécessaires pour éviter de dégrader la création. Nos choix quotidiens ne sont pas sans conséquences pour la qualité de l’eau, pour le réchauffement de la planète, la biodiversité, etc. Nous choix politiques aussi sont cruciaux en ce sens. De plus, choisir un produit plutôt qu’un autre (issu du « commerce équitable » par exemple), choisir de rouler dans telle ou telle voiture, ou encore de choisir de prendre les transports en commun ou le vélo, tout cela a de l’importance. Nous pouvons rentrer dans le désir du Créateur qui désire que nous vivions dans la justice et la paix sur cette terre, et qu’elle soit un lieu de rencontre avec Lui. La religion chrétienne nous donne une parole de Vie. Elle nous permet d’espérer. Elle peut motiver des hommes et des femmes à vivre dans un plus grand respect de Dieu, des hommes et de la Création. Elle peut aussi offrir des perspectives nouvelles et originales dans des lieux où se décident des politiques concernant notre environnement et le développement durable.
Pistes de lecture • 366 jours pour réfléchir à notre terre, Yann ARTHUS-BERTRAND, Éd. de la Martinière, 2000. • L’Avenir climatique, Jean-Marc JANCOVICI, Paris, Seuil, 2002. • La Biopiraterie ou le pillage de la nature et de la connaissance, Vandana SHIVA, Éditions Alias etc., 2003. • Réserves de Biosphère, des lieux privilégiés pour les hommes et la nature, Éditions Unesco. • Les scénarios de l’écologie, Dominique BOURG, débats avec Jean-Paul Deléage, Hachette 1996. • Le Manifeste de l’eau, pour un contrat mondial, Ricardo PETRELLA, Bruxelles, Labor, 1996. • Parer aux risques de demain, le principe de précaution, Dominique BOURG et Jean-Louis SCHLEGEL, Paris, Seuil, 2001.
Table des matières Éditorial 1 L’environnement aujourd’hui 2 Qu’est-ce que l’écologie scientifique ? 3 Quelques mots d’histoire 4 Les défis environnementaux et leurs caractéristiques 5 Nature et humanité 6 Un point de vue chrétien Pistes de lecture
1 3 5 7 10 36 43 48
Ce cinquante-septième numéro de la collection « Que penser de… ? » a été rédigé par Thibaud d’Oultremont.
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Ce cinquante-septième numéro sur l’écologie a été réalisé par Thibaud d’Oultremont.
L’écologie
Trimestriel • Éditions Fidélité no 57 • 4e trimestre 2003 Bureau de dépôt : Namur 1 Éd. resp. : Charles Delhez • 121, rue de l’Invasion • 1340 Ottignies
ISBN 2-87356-275-7 Prix TTC : 1,95 €
9 782873 562755
L’écologie
C
haque jour, nous ajoutons 15 millions de tonnes de carbone dans l’atmosphère, éliminons près de 200 kilomètres carrés de forêt tropicale, créons plus de 100 kilomètres carrés de désert, éliminons entre 40 et 100 espèces animales… Au plus haut de la pyramide économique, nous accumulons des richesses à des niveaux honteux alors que le bas de la pyramide vit dans une pauvreté indicible. Y aurait-il une planète à sauver ?