Alexandre GANOCZY
VIVRE
NOTRE MORT EN CHRÉTIEN
théologie
donner raison
Éclairages théologiques pour la fin de vie
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Alexandre GANOCZY
Vivre notre mort en chrétien Éclairages théologiques pour la fin de vie
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Donner raison – théologie, 57 Une collection dirigée par Hubert Jacobs s.j. et Robert Scholtus
© 2016 Éditions jésuites 7, rue Blondeau, 5000 Namur (Belgique) 14, rue d’Assas, 75006 Paris (France) www.editionsjesuites.com ISBN : 978-2-87299-306-2 DL : 2016/4255/22
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INTRODUCTION
Théologien catholique de 87 ans, je suis atteint d’un type de cancer rare, en rémission depuis quatre ans après plusieurs interventions chirurgicales. Le but de mon ouvrage est de proposer une lecture théologique de la fin de vie au moyen d’une réflexion sur la maladie et d’une analyse des conditions de son accompagnement médical, psychologique, spirituel et pastoral. Dans ce but, je voudrais faire une étude interdisciplinaire mettant en synergie des acquis de plusieurs sciences de l’homme que la bioéthique contemporaine intègre dans sa démarche : la biologie médicale, la psychiatrie, une anthropologie philosophique d’inspiration personnaliste, une théorie juridique des droits de l’homme, mais aussi et surtout un discours théologique. Une telle réflexion aura nécessairement un caractère théorique, parfois même didactique. Mais pour ne pas le privilégier jusqu’à m’éloigner de ce que vivent concrètement les malades et les personnes en fin de vie, j’aborderai mon sujet en rappelant mon expérience personnelle dans laquelle a surgi et s’est développée mon interrogation théologique. Je commence donc par l’évocation de ce que j’ai vécu dans les divers hôpitaux où j’ai été soigné. Que je le veuille ou non, ce sont ces souvenirs qui ont conditionné ce que je pense, que j’interprète selon les méthodes des disciplines mentionnées et que je propose à ceux qui ont une histoire de vie semblable à la mienne ou qui sont confrontés actuellement à un va-et-vient entre maladie combattue et guérison espérée. En même temps, j’ai en vue les
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Introduction
questions que toute personne vieillissante ou en fin de vie ne peut pas ne pas se poser, celles de la mort et de la possibilité d’une vie autre, nouvelle, par-delà notre cheminement temporel. Pour commencer, l’évocation de mes souvenirs d’hôpital un peu en vrac me donnera l’occasion de souligner l’importance de la « personne de confiance » instituée par la loi dite Leonetti et celle de l’aumônier dans l’accompagnement des patients. Puis, j’introduirai la notion de « réseau de confiance » qui doit se former autour du corps médical ; il constitue l’environnement psychologique indispensable pour que nos institutions de santé puissent honorer leur vocation. Dans ce contexte d’actualité, j’aborderai les chapitres proprement théologiques en vue de répondre à la question : comment vivre notre mourir-en-chrétien ? La présentation de Jésus face à la souffrance et à la mort d’autrui et à sa propre souffrance et à sa mort constituera le centre herméneutique de tout l’ouvrage. Partant du message du Nazaréen formulé en langage théologique par l’apôtre Paul, je traiterai du rapport entre le mal et la mort, de la qualité de notre mourir, puis de la résurrection et de la vie éternelle. J’esquisserai ensuite deux hypothèses théologiques qui font actuellement débat : la résurrection au moment de la mort et la possible conversion après la mort. Une prise de position sur l’euthanasie et sur les soins palliatifs, suivie de quelques conclusions où seront évoqués des croyants ayant vécu de façon exemplaire l’art de mourir, terminera l’ouvrage.
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Chapitre premier SOUVENIRS D’HÔPITAL
Mon premier séjour à l’hôpital remonte à mon adolescence, à l’époque où la Hongrie, mon pays natal, était occupée par l’Armée Rouge. Ma famille habitait Budapest. Elle manquait du nécessaire pour survivre. Je pris donc le train pour la campagne par un hiver très rude afin d’aller chercher quelques vivres. Voyageant sur le toit des wagons, mes pieds ont gelé, le droit au quatrième degré. Hospitalisé, après une anesthésie à l’éther, cinq de mes orteils furent amputés. Pansements en papier, aucun antibiotique, lits défoncés, salles surpeuplées, la misère qu’une guerre peut infliger à des hôpitaux m’a été durement dévoilée. D’où un sentiment de solidarité qui ne me quitte pas envers les populations éprouvées par des conflits armés. C’est lors de cette même hospitalisation dans des conditions précaires que j’ai fait aussi une singulière expérience de la promiscuité. Les patients aux membres gelés étaient soignés dans le même service que ceux atteints de maladies vénériennes. Je me souviens de longues discussions avec mon voisin de lit, un jeune syphilitique. Il semblait ignorer la gravité de son cas et me faisait de longs discours sur la manière de se procurer du plaisir sans risquer une contamination. Je souffrais de ne pas pouvoir lui répondre ni de parler avec lui d’autres sujets. Cependant ma foi me motivait de voir en lui un prochain qui avait le droit d’être écouté. Des mondes nous séparaient et cependant cette promiscuité pouvait donner lieu à des échanges enrichissants. Nous nous acceptions et nous respections tels que nous étions.
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Chapitre premier
Un autre souvenir a de quoi susciter mon admiration pour des chirurgiens qui osent tout et réussissent dans des conditions proches de l’impossible. L’un de mes camarades de lycée dont les deux tibias furent écrasés par un tram était condamné à vivre en cul-de-jatte sans la tentative d’un chirurgien de lui implanter des tubes métalliques dans les jambes. Aujourd’hui cet homme devenu médecin marche. Arrivé en France comme apatride pour faire les études universitaires que j’avais dû interrompre dans mon pays soumis à la dictature communiste, j’ai été plusieurs fois hospitalisé. Pendant des années, j’ai pu profiter de l’assistance médicale gratuite qui illustre le système de santé français, très différent de celui de beaucoup d’autres pays occidentaux. Les hôpitaux catholiques où j’ai été soigné pour une tuberculose pulmonaire méritent ma reconnaissance tant pour leur suivi médical que pour le climat chaleureux qui y régnait. Je peux en dire autant de la postcure où j’ai achevé mon rétablissement qui s’est avéré définitif. Après mes études universitaires, je suis devenu chercheur en histoire et enseignant en théologie. Puis, j’ai été appelé comme professeur ordinaire dans une université d’Allemagne. J’y ai découvert une collégialité singulière dans les relations entre professeurs de médecine et d’autres disciplines. Les premiers proposaient gratuitement leurs soins à tous leurs collègues de même rang. Cette collégialité m’a valu un traitement de faveur lors de deux opérations, l’une de varices, l’autre de l’ablation de la vésicule biliaire. J’ai constaté l’absence de différence de structure, de fonctionnement et d’esprit entre cliniques universitaires et établissements catholiques ou protestants. Par contre, l’esprit « technicien » dominait partout, de sorte qu’un certain nombre de praticiens réclamaient à cor et à cri l’humanisation de la pratique hospitalière, notamment le renoncement à tout paternalisme, plus d’écoute du patient et d’attention à ses attentes, une plus grande participation aux décisions qui le concernent. Je me souviens aussi du grand nombre d’étudiants intéressés par les séminaires que j’ai pu diriger avec un collègue de la faculté de médecine sur les problèmes de la souffrance et de la mort. De retour en France après une trentaine d’années d’enseignement universitaire outre-Rhin, j’ai profité à nouveau de tous les
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Souvenirs d’hôpital
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avantages de la Sécurité sociale. En Allemagne, les professeurs d’université n’avaient droit qu’à une assurance privée fort onéreuse, même si les désavantages de ce régime étaient compensés par des prestations ponctuelles de l’Université à des frais médicaux plus importants. Quant aux mutuelles françaises, mes expériences n’ont pas été toujours positives. Celle à laquelle j’ai cotisé pendant plusieurs années n’a pas hésité à conditionner ses remboursements par les seuls praticiens qui lui étaient affiliés. Devant cette exigence abusive, je me suis adressé à une autre mutuelle qui m’a proposé un contrat en fonction de mes principaux besoins. Lors d’un voyage en Alsace, soudain pris de violentes douleurs accompagnées de nausées et d’angoisse, symptômes d’une colique néphrétique, je fus conduit aux urgences d’un hôpital et installé sur un brancard dans un couloir au va-et-vient incessant. Malgré mes appels à l’aide pour qu’on s’occupât de moi et qu’on me donnât un antalgique, l’attente fut longue. Heureusement la nature s’est montrée plus rapide que le personnel médical ! Le calcul est parti sans intervention. Le trauma est demeuré. J’ai pu toucher du doigt ce que peuvent subir encore aujourd’hui — heureusement de moins en moins souvent — des patients dans les urgences surchargées. Dans d’autres occasions, j’ai été, il est vrai, mieux accueilli. Lors d’une occlusion intestinale, qu’un premier médecin a confondue avec une gastro-entérite, un second, appelé le lendemain, a demandé, vu la gravité de mon cas, mon hospitalisation. J’ai été aussitôt conduit aux urgences de l’hôpital Saint-Antoine où l’accueil a été aussi rapide qu’efficace. Pose de sondes gastrique et urinaire, radiographie… Après contact pris avec le chirurgien qui m’avait déjà opéré, l’intervention fut décidée dans les plus brefs délais. Il m’a sauvé la vie. Je dois aussi féliciter les urgences du même hôpital où m’ont conduit les pompiers lors d’un malaise qualifié de vagal. Là encore, rapidité, bon accueil, atmosphère détendue et cependant exécution de tous les examens nécessaires pour exclure le soupçon d’une affection plus grave. Dans l’attente des résultats qui m’a paru longue, j’ai eu loisir d’observer le personnel soignant, pour la plupart d’origine étrangère, surtout africaine, faisant montre de sérénité, d’attention, de rapidité, donnant une information aussi complète
En lecture partielle‌
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TABLE DES MATIÈRES
Introduction ………………………………………………………
5
Chapitre Ier. Souvenirs d’hôpital …………………………………
7
Chapitre II. La personne de confiance ……………………………
17
Chapitre III. Du rôle de l’aumônier ………………………………
23
Chapitre IV. Un réseau de confiance
……………………………
27
Chapitre V. Jésus face à la souffrance et à la mort d’autrui ………
33
Chapitre VI. Jésus face à sa propre mort …………………………
45
Chapitre VII. Péché et vie nouvelle selon Paul ……………………
51
Chapitre VIII. Qualité de vie, qualité de mort ……………………
57
Chapitre IX. Comment vivre en chrétien notre mourir ? …………
63
Chapitre X. Qu’est-ce que l’éternité ? ……………………………
71
Chapitre XI. Résurrection dans la mort
…………………………
75
Chapitre XII. Euthanasie et soins palliatifs ………………………
85
Quelques conclusions
…………………………………………… 101
Table des matières …………………………………………………
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ImprimĂŠ en Belgique Octobre 2016 Imprimerie Bietlot.
V
oici, en douze courts chapitres, une lecture thÊologique de la fin de vie. Une rÊflexion sur l’expÊrience de la maladie s’enrichit ici d’une analyse des conditions de son accompagnement mÊdical, psychologique, spirituel et pastoral. OctogÊnaire, l’auteur, atteint d’un type de cancer rare, ce qui lui a valu plusieurs interventions chirurgicales, parle d’expÊrience. Son Êtude met en synergie des acquis de plusieurs sciences de l’homme, que la bioÊthique contemporaine intègre dans sa dÊmarche : la biologie mÊdicale, la psychiatrie, une anthropologie philosophique d’inspiration personnaliste, une thÊorie juridique des droits de l’homme mais aussi et surtout un discours thÊologique.
Alexandre GANOCZY, thÊologien catholique d’origine hongroise, a longtemps enseignÊ la thÊologie dogmatique à l’Institut catholique de Paris et à l’universitÊ de Wurtzbourg. Il est en dialogue avec des reprÊsentants des sciences de la nature et des sciences humaines.
ISBN : 978-2-87299-306-2
9 782872 993062
10,00 â‚Ź
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