Annie Wellens
L’ordinaire des jours
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L’ordinaire des jours Un itinÊraire spirituel
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Au singulier, 36 Une collection dirigée par Françoise Le Corre et Annie Wellens Du même auteur : Chez Lessius Les Pères de l’Église dans tous leurs états : goûter aujourd’hui les fruits de leurs vignes, 2017. Chez d’autres éditeurs Le vin des Écritures, Desclée de Brouwer, 2001. Qui a peur de la Bible ? Un manuscrit retrouvé (préface Sylvie Germain), Bayard, 2008. La lecture ou la louange des abeilles. L’esprit d’une collection, Cerf, 2011. Genèse de ton absence, Salvator, 2015.
Cet ouvrage a été initialement publié en 1997 dans la collection « Les chemins du sens » chez Desclée de Brouwer. © 2017 Éditions jésuites Belgique : 7, rue Blondeau, 5000 Namur France : 14, rue d’Assas, 75006 Paris www.editionsjesuites.com ISBN 978-2-87299-320-8 DL 2017/4255/18
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Ă€ la mĂŠmoire de Joseph Thomas, s.j.
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AVANT-PROPOS « Comprends-tu vraiment ce que tu lis ? », demande Philippe au catéchumène éthiopien, dans le livre des Actes des Apôtres. « Comprenez-vous pourquoi vous avez écrit ce livre ? », m’a demandé mon éditeur, familier, lui aussi, des approches catéchuménales. Longtemps avant que je prenne un stylo et une feuille blanche, un indicateur avait clignoté alors que j’écoutais des éditeurs de littérature chrétienne se plaindre d’un manque de récits personnels. J’avais bien entendu : non pas l’autobiographie littéraire, non pas le témoignage brut, mais la relecture des moments-clés d’une construction personnelle à travers une expérience spirituelle. Une relecture qui permette de saisir comment les dons de l’Esprit se greffent sur une psychologie particulière, sans laquelle ils ne porteraient pas de fruit ; et comment une psychologie particulière se laisse habiter par ces dons spirituels sans lesquels elle ne serait que terre sauvage. Je m’étais dit que ce genre-là me convien-
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drait bien. Ou, plutôt, je me l’étais murmuré, mais en répondant aussitôt à voix intérieure plus forte que le murmure de mon cœur : « À quoi penses-tu ? À chacun son métier. Tu es libraire, pas écrivain. » Ce qui avait clos un débat interne à peine esquissé. En 1993, un deuxième indicateur avait clignoté, avec plus d’insistance, sur mon tableau de bord intérieur, quand j’avais lu le récit de Guy Coq, Que m’est-il donc arrivé1 ? Je l’avais lu et vendu avec joie, comme une nourriture solide pour aujourd’hui. Aussi bien pour des chrétiens souhaitant confronter leur expérience avec celle d’un autre, que pour ceux qui s’interrogent, au-delà des idées reçues, sur ce qu’est la vie chrétienne. Le murmure intérieur avait repris : « Si j’écrivais quelque chose ; ce serait dans ce sens. » Mais j’ajoutai, in petto et de nouveau : « À chacun son métier. » Et j’éteignis le deuxième clignotant. La même année, l’un des animateurs du Centre spirituel de Chaillé-les-Marais, en Vendée, me demanda une intervention sur les attentes spirituelles que je percevais à partir de mon métier de libraire spécialisée en religieux. Je m’en acquittai avec bonheur, l’intervention fut bien reçue, et j’entendis cet animateur dire : 1. Guy Coq, Que m'est-il donc arrivé ? Seuil, Paris, 1993.
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« Ce serait intéressant qu’elle aille plus loin et donne davantage de son itinéraire personnel. » Ce ne fut pas un seul ou même deux clignotants qui s’allumèrent, mais la position « feux de détresse » (en l’occurrence, feux de joie eût été plus juste) : quelqu’un qui ne savait rien de mon vague désir en faisait quelque chose d’objectif et de réalisable. Cette fois, je pris le temps d’examiner ce désir, je fis même un petit galop d’essai scripturaire, presque honteusement. C’est tout juste si ma main gauche n’ignora pas ce qu’avait écrit ma main droite. Mais « ça marchait », j’étais obligée de le constater. Je me sentais prête, tout me portait à commencer ce travail, mais il me manquait le détonateur. Je me demandais si je n’allais pas obéir à mon narcissisme plutôt qu’à une réelle nécessité d’écriture. Plus profondément, ayant redécouvert cinq ans auparavant, par la grâce des Exercices d’Ignace de Loyola, la vie en Dieu et avec Dieu, je m’interrogeais sur l’accord de nos volontés quant à ce désir qui devenait projet. Je me tenais précisément « comme au milieu d’une balance », en pleine « indifférence », telle qu’Ignace la décrit au moment du choix fondamental, au cours de la deuxième semaine des Exercices. Je me trouvais « indifférente, sans aucun attachement désordonné,
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de sorte que je n’étais pas davantage inclinée ni attachée à prendre la chose envisagée qu’à la laisser, ni davantage à la laisser qu’à la prendre2 ». Plusieurs mois passèrent dans cette indifférence consciente, d’août à novembre 1994, et le texte de Mgr Dagens parut : Proposer la foi dans la société actuelle. Je le dévorai avec enthousiasme et reçus un coup au plexus quand je lus son appel à témoins. Évoquant Guy Coq et Françoise Verny, Claude Dagens en appelait à d’autres croyants capables de « rendre compte de la construction de soi et de sa vie qu’opère le travail de la foi3 ». Un deuxième coup mit presque KO toutes mes résistances quand je lus son souhait de voir mieux exploiter le trésor des grandes traditions spirituelles. Je savais ce que je devais à la tradition ignatienne, ce qu’elle ne cessait de me donner jour après jour, et je m’étais souvent demandé comment, à mon tour, et à ma façon, en proposer quelque chose. Ce qui pouvait encore résister fut balayé par l’animateur du Centre spirituel vendéen 2. Ignace de Loyola, Exercices spirituels, Desclée de Brouwer, Paris, 4e édition, 1986. 3. Claude Dagens, Proposer la foi dans la société actuelle, Cerf, Paris, 1994.
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qui me demanda une nouvelle intervention et, qui plus est, sur le chapitre deux du Rapport Dagens : « Les nouvelles conditions subjectives de l’existence. » Je n’avais plus qu’à cueillir ma décision d’écrire comme on cueille un fruit parvenu à maturité.
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NOTE POUR LA 2e ÉDITION Ma relecture de ce texte en vue de sa réimpression, vingt ans après sa première publication, confirme la reconnaissance que j’éprouve, au double sens du terme, envers la grâce de Dieu reçue à travers la pratique des Exercices spirituels d’Ignace de Loyola. Don inaugural qui, alors, avait réorienté mon passé et mon présent. Depuis, comme la manne envoyée quotidiennement par Dieu pour nourrir Israël au désert, ce don continue de se renouveler et je ne cesse d’apprendre à l’accueillir jour après jour. « Nous vous invitons encore à ne pas laisser sans effet la grâce reçue de Dieu. Car il dit dans l’Écriture : “Au moment favorable, je t’ai exaucé, au jour du salut, je suis venu à ton secours.” Or, c’est maintenant le moment favorable, c’est maintenant le jour du salut » (2 Co 6, 1-2). A.W. Février 2017
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AU COMMENCEMENT… « Je suis aimée de Dieu… » Un après-midi, en classe de cinquième, cette certitude fulgure pour ma plus grande joie. La fenêtre ouverte sur le ciel bleu n’y est pour rien : cette saveur-là est d’un autre ordre. Pourquoi alors, quelques mois après, fulgure avec la même intensité : « Je suis damnée pour l’éternité » ? J’en avais lâché le banc que je transportais d’une salle de classe à une autre. Pourtant si, dans le premier cas, la certitude de l’amour de Dieu pour moi est la seule cause de ma joie, je sais, dans le deuxième cas, que ce n’est pas l’assurance de ma damnation qui est la seule cause de mon angoisse. Apprenant à quelques chapitres de la fin que le livre Les Trois Mousquetaires — version intégrale — était à l’index, je n’en avais pas moins terminé l’histoire. Surgit pour une longue période un conflit entre angoisse et intelligence : je mesure la disproportion entre mon acte et ce qu’il produit en moi, mais n’ose en parler. Je demande seulement à l’aumônier de mon école, d’un ton qui se veut détaché, si lire
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un livre en le sachant à l’index est un péché mortel. « Oui », me répond-il, on ne peut plus laconique. Je m’enfuis, accablée. J’accumule de ce fait mauvaises confessions et communions sacrilèges, ne pouvant me résoudre à tout expliquer, tant, objectivement, ce tout me paraît dérisoire. Ce qui n’est pas dérisoire, c’est la spirale de l’angoisse. Je ne connais pas encore la carte de navigation intérieure ignatienne ni le conseil du moine Silouane de tenir son âme en enfer sans désespérer de Dieu. La seule petite lueur qui m’éclaire est de me dire que Dieu se tient du côté de l’intelligence, qu’il y a quelque chose de tordu dans ce que j’éprouve. Comment pourrais-je croire que la première certitude porteuse de joie est toujours à l’œuvre ? Je me suis vite persuadée qu’elle avait sombré, n’ayant été qu’une illusion d’enfant pieuse (pourquoi se méfie-t-on plus de la joie que de l’angoisse ?). Quelque trente-cinq ans après, il m’est donné d’écrire en écoutant sa présence. « Je me suis tu, calme et silence… c’est toi qui es à l’œuvre » (Ps 38, 10) : un temps pour se taire et recueillir ; mais aussi : « J’ai proclamé ton nom dans la grande assemblée » (Ps 39, 10) : un temps pour parler et pour offrir.
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« AVANT TOUTE CHOSE FUT CRÉÉE LA SAGESSE ET DEPUIS TOUJOURS LA PROFONDEUR DE L’INTELLIGENCE » (Siracide 1, 4)
Si désirer s’instruire est déjà le commencement de la sagesse (ainsi l’affirme le livre du même nom), je suis orientée assez tôt dans la bonne direction. Malheureuse à l’école maternelle où j’alterne crises de larmes et maux de ventre, je respire plus au large quand je reçois des livres et des cahiers. Prolonger l’étude par les devoirs à la maison m’est un bonheur : j’apprends et j’aime apprendre. À dix ans, je n’en demande pas plus. D’une famille modeste et habitant un petit bourg, Marans, à l’orée du Marais poitevin, la question d’aller au-delà du certificat d’études ne se pose pas. La directrice de l’école intervient alors pour détourner le cours tout tracé des années à venir, et me faire passer directement en secondaire, pensionnaire à La Rochelle. Capable d’un bon discernement pédagogique, la même directrice est également capable, comme beaucoup à cette
En lecture partielle‌
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TABLE DES MATIÈRES Avant-propos ..............................................................
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Au commencement…................................................ 13 « Avant toute chose fut créée la sagesse et depuis toujours la profondeur de l’intelligence » .......... 15 « Apprends-moi la vraie mesure de mes jours » .... 24 « Goûtez et voyez comme est bon le Seigneur » .... 31 « La crainte du Seigneur est pure » .......................... 36 « Celui qui n’a pas été à l’épreuve connaît peu de choses » .................................................................... 46 « Pour le combat tu m’emplis de vaillance… » ...... 52 « Il a laissé l’homme à son conseil » ........................ 59 « Heureux le serviteur que son maître en arrivant trouvera occupé de la sorte » ................................ 68 « Que fais-tu ici, Élie ? ».............................................. 77 « Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? »................................ 88 « Comment le pourrais-je si je n’ai pas de guide ? » .. 100 Contemplation pour parvenir à l’amour ................ 108
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ImprimĂŠ en Belgique Juin 2017
Annie WELLENS, libraire en littÊrature religieuse pendant vingt-sept ans à La Rochelle, est Êcrivain. Le prÊsent ouvrage, paru initialement en 1998, est le premier de l’auteur, qui a rÊcemment publiÊ : La lecture ou la louange des abeilles (Cerf, 2011), Genèse de ton absence (Salvator, 2015) et Les Pères de l’Église dans tous leurs Êtats : goÝter aujourd’hui les fruits de leurs vignes (Lessius, 2017).
ISBN : 978-2-87299-320-8
9 782872 993208
Collection Au singulier 10 â‚Ź
www.editionsjesuites.com
En couverture : Arthur W. Dow, The Long Road (dĂŠtail), gravure sur bois, 10,8 Ă— 17,9 cm, The Metropolitan Museum of Art (New York)
Q
u’est-ce qui se joue dans le secret du cœur, dans la rencontre personnelle avec cet Autre qu’on nomme Dieu ? Qu’est-ce qui se passe, lorsqu’une femme dÊcouvre, dans les mÊandres de sa vie, un Amour plus grand qu’elle-même ? Loin du  roman-photos spirituel  ou du tÊmoignage exaltÊ qui caractÊrise si souvent la littÊrature religieuse, Annie Wellens parle de cette redÊcouverte en termes pudiques, avec justesse et humour. C’est en particulier à travers l’expÊrience de l’Êcriture et la spiritualitÊ d’Ignace de Loyola qu’elle discerne les traces de celui qui Êcrit droit avec des lignes courbes, comme le disait Claudel. Dieu est là , au cœur de l’ordinaire des jours, au creux du quotidien.