La littérature grecque d’Homère à Platon. Enjeux pour une théologie de la culture

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Michel Fédou

LA LITTÉRATURE GRECQUE

d’Homère à Platon

théologie

donner raison

Enjeux pour une théologie de la culture



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Michel FÉDOU

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Donner raison – théologie, 70 Une collection dirigée par Robert Scholtus

Du même auteur Chez Lessius : Les théologiens jésuites : un courant uniforme ?, 2014. Chez d’autres éditeurs : Christianisme et religions païennes dans le Contre Celse d’Origène, Beauchesne, 1989. L’Église des Pères. Initiation à la théologie patristique. Guide de lecture et bibliographie, Mediasèvres, 1989 (rééd. 2007). La sagesse et le monde. Essai sur la christologie d’Origène, Desclée, 1995. Henri de Lubac : sa contribution à la pensée chrétienne, Mediasèvres, 1996. Les religions selon la foi chrétienne, Cerf/Mediaspaul, 1996. Regards asiatiques sur le Christ, Desclée, 1998. La voie du Christ, 3 vol., Cerf, 2006-2016. L’Église catholique et les autres croyants, Mediaspaul, 2012. Les Pères de l’Église et la théologie chrétienne, Éditions Facultés jésuites de Paris, 2013.

© 2019 Éditions jésuites 7, rue Blondeau, 5000 Namur (Belgique) 14, rue d’Assas, 75006 Paris (France) www.editionsjesuites.com ISBN : 978-2-87299-327-369-7 DL : 2019/4255/08


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Dans les générations passées, Dieu a laissé toutes les nations suivre leurs voies, il n’a pas manqué pour autant de se rendre témoignage par ses bienfaits… Actes des apôtres, 14, 16-17 S’il a fixé aux peuples les temps qui leur étaient départis et les limites de leur habitat, c’était afin que les hommes cherchent la divinité pour l’atteindre, si possible, comme à tâtons et la trouver… Actes des apôtres, 17, 26-27 Ceux qui ont vécu selon le Logos sont chrétiens, même s’ils ont été tenus pour athées, comme, parmi les Grecs, Socrate, Héraclite et leurs semblables et, parmi les Barbares, Abraham, Ananias, Azarias, Misael, Élie et tant d’autres, dont nous renonçons pour l’instant à énumérer les actions et les noms, sachant qu’il serait trop long de le faire. Justin, Apologie pour les chrétiens, I, 46, 3 On pourrait donc montrer que, considérés ensemble, tous les Grecs et les Barbares qui ont tendu au vrai possèdent quelque chose de la parole de vérité, les uns beaucoup, les autres une parcelle, selon le cas. L’éternité rassemble en elle, en un moment, l’avenir, le présent et même le passé : mais la vérité est encore plus capable que l’éternité de rassembler ses propres semences, même tombées en terre étrangère […] si l’on rassemble les lambeaux épars, et reconstitue leur unité, on contemplera sans danger d’erreur, sachez-le, le Verbe intégral, la Vérité. Clément d’Alexandrie, Stromates, I, 13, 57, 2-3 et 5


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LISTE DES ABRÉVIATIONS

CUF : Collection des Universités de France PG : Patrologia graeca PL : Patrologia latina RÉG : Revue des Études grecques RSR : Recherches de Science religieuse SC : Collection Sources chrétiennes


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AVANT-PROPOS

Ce livre n’aurait pas vu le jour s’il ne m’avait été donné de pratiquer deux disciplines bien distinctes : les lettres classiques et la théologie chrétienne. Depuis nombre d’années, c’est à la seconde de ces disciplines que je consacre l’essentiel de mes travaux. Jamais pourtant la théologie ne m’a fait oublier le monde grec — non seulement sa langue (dont la connaissance est si précieuse pour l’étude du Nouveau Testament et des écrits patristiques), mais aussi sa littérature de l’époque archaïque et classique. Bien plus, c’est la théologie elle-même qui, à travers ses interrogations actuelles sur les rapports entre le christianisme et les diverses traditions de l’humanité, m’a inspiré d’étudier sous cet angle des écrits de l’Antiquité grecque, avec le pressentiment que cet apparent détour était aujourd’hui opportun et pouvait jeter quelque éclairage sur des problèmes de notre propre temps. Je tiens à dire ici ma vive reconnaissance envers ceux qui jadis, durant mes études secondaires et supérieures, m’ont introduit à la connaissance de la langue et de la littérature grecques dans la ville de Lyon. Je voudrais mentionner à titre tout spécial Monsieur Michel Evieux, qui, vers la fin des années 1960, a été mon professeur de Seconde et de Terminale au Lycée du Parc ; à travers son enseignement il m’a fait connaître, goûter et aimer de grands textes de l’Antiquité ; depuis lors et jusqu’à ce jour il m’a maintes fois témoigné de ses encouragements, et, plus encore, de sa fidèle amitié. Je voudrais aussi mentionner trois autres professeurs de grec auxquels je suis particulièrement redevable : Victor Henry Debidour, en hypokhâgne et en khâgne ; puis, à l’Université de Lyon, Jean Pouilloux et Daniel Babut (c’est sous la direction de celui-ci que j’ai préparé, dans l’année 1972-1973, un mémoire de maîtrise sur « la critique des traditions religieuses de Xénophane à Socrate »).


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Avant-propos

À ces dettes anciennes s’ajoutent toutes celles qui sont liées à mes études théologiques depuis 1978, et plus particulièrement à ma spécialisation dans le champ de la patristique grecque. J’exprime toute ma gratitude aux professeurs qui m’y ont introduit, en particulier au P. Bernard Sesboüé, sj, qui a dirigé mes premiers travaux sur Justin et sur Origène. Le choix de ces deux derniers auteurs était par lui-même significatif : à travers eux, je m’intéressais déjà aux rapports entre le christianisme et la culture grecque. Je soulignerais surtout, avec le recul, l’importance qu’eut alors la découverte de Clément d’Alexandrie ; sans que j’aie pu le prévoir à cette époque, le présent livre doit à ses écrits (et surtout à certaines pages des Stromates) toute une part de son inspiration. Bien plus tard, tout en enseignant principalement la théologie dogmatique au Centre Sèvres – Facultés jésuites de Paris, j’y ai donné en 2008 un cours sur « Homère et sa postérité », puis, l’année suivante, un cours intitulé « Littérature grecque et théologie chrétienne : Eschyle, Sophocle et Euripide ». Surtout, une occasion inattendue s’est présentée : j’ai été invité par le P. Maurice Joyeux, sj, à participer en août 2010 à une session en Grèce, dans le centre spirituel d’Inoï, et à y donner quelques exposés sur la littérature grecque ancienne et sur les origines chrétiennes. J’ai participé depuis lors à d’autres sessions du même type, dans le cadre de ce qui est devenu l’Association Socrate – Saint-Paul, ainsi qu’à une session à Corinthe pour des chefs d’établissements. Ces diverses sessions n’ont pas peu contribué à la genèse du présent livre, et je tiens à dire ma vive gratitude à Maurice Joyeux comme à ceux et celles qui, avec lui, ont tant œuvré pour l’organisation de telles rencontres. J’ai pu en outre bénéficier, de mars à mai 2017, d’un temps sabbatique en Grèce qui m’a permis d’avancer dans la préparation de ce livre. Je remercie donc le P. Jean-Yves Grenet, sj (alors Provincial des jésuites de France), ainsi que le P. François Boëdec, sj (alors président du Centre Sèvres), d’avoir rendu possible un séjour aussi précieux. J’exprime ma vive gratitude au P. Pierre Salembier, sj, et à sa communauté qui m’ont offert des conditions idéales pour un tel séjour. Je remercie aussi le P. Henri Aubert, sj et la communauté Saint-Ignace à Paris, au sein de laquelle j’ai poursuivi la rédaction de ce livre, ainsi que mes collègues du Centre Sèvres dont le soutien et l’amitié ont pour moi beaucoup de prix. Je tiens encore à remercier Monsieur Yves Roullière, directeur littéraire des éditions Lessius, pour l’accueil qu’il a réservé à mon projet et pour la confiance qu’il m’a manifestée ; à travers lui, je remercie plus largement les éditions Lessius qui ont bien voulu accepter la publication de ce livre.


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Avant-propos

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Qu’il me soit permis d’ajouter un dernier mot. J’ai mentionné plus haut mes anciens professeurs, mais, en amont, ce sont mes parents qui ont décidé de me faire apprendre le grec en classe de Quatrième. Et ce sont eux aussi qui, plus tard, m’ont offert mon premier voyage en Grèce. Je n’aurais pu écrire ce livre sur le christianisme et la littérature grecque si je n’y avais été de loin préparé par ceux qui, les premiers, après m’avoir initié aux mystères chrétiens, m’ont ouvert la voie à l’étude des lettres classiques. Ils m’ont donné là, comme aurait dit Thucydide, « un trésor pour toujours ». Ils ont donc droit à ma gratitude pour toujours.


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INTRODUCTION

LES PÈRES DE L’ÉGLISE ET LA CULTURE ANTIQUE Dans un ouvrage antérieur, tout entier consacré à la christologie patristique, nous avons tenté de dire comment les auteurs de l’Antiquité chrétienne ont rendu compte de la « voie du Christ » dans le contexte des traditions culturelles et religieuses de leur temps1. Ils ont fait preuve d’une grande liberté par rapport à ces traditions, n’hésitant pas à congédier toutes sortes de croyances et de pratiques qu’ils jugeaient incompatibles avec la Révélation biblique. Mais ils ont néanmoins assumé toute une part de l’héritage antique — à commencer par les langues elles-mêmes, car, comme le disait Grégoire de Nazianze à propos de la langue grecque, celle-ci n’implique pas l’appartenance à telle ou telle religion, et peut donc être légitimement adoptée par les chrétiens aussi bien que par d’autres2. Ils se sont donc efforcés de formuler dans cette langue (mais aussi en latin, en syriaque et dans d’autres langues encore) les convictions qui étaient les leurs. Ce faisant, ils prenaient inévitablement le risque de quelque compromission avec des schèmes de pensée à distance des Écritures saintes ; ils y auraient même succombé, aux yeux de ceux qui depuis Harnack ont dénoncé l’ « hellénisation » du christianisme, mais ce soupçon (quelle que soit sa part de vérité) ne rend pas assez justice à l’extraordinaire effort d’« inculturation » que les Pères ont mené pour rendre le christianisme audible et crédible dans une langue héritée du monde antique — un effort qui d’ailleurs, dans les meilleurs des cas, ne consistait pas dans la simple utilisation des mots et concepts anciens, mais en transformait le sens à la lumière même de la Révélation. À travers ou par-delà cet usage de langues pluriséculaires, les auteurs chrétiens des premiers siècles, eux-mêmes héritiers (pour la plupart au moins) 1.¥La voie du Christ, 3 vol., Cerf, Paris, 2006, 2013 et 2016. 2.¥Voir Grégoire de Nazianze, Discours 4, 103-107 (SC 309, p. 253-259).


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des cultures dans lesquelles ils s’efforçaient de faire connaître la foi chrétienne, ont repris à leur compte ce qui, dans ces cultures, leur paraissait susceptible de favoriser l’accès au christianisme. Parfois il s’agissait de méthodes ou de savoirs profanes dont la connaissance s’avérait utile à l’intelligence des Écritures saintes (comme on le voit de façon exemplaire chez Origène ou Augustin) ; dans d’autres cas il s’agissait de concepts utilisés par des penseurs grecs et qui paraissaient précieux pour la christologie ou la doctrine trinitaire (comme le montre la reprise — moyennant transformations — de notions comme celles de « nature » ou de « personne ») ; plus radicalement encore, les auteurs chrétiens pouvaient trouver dans la littérature antique l’expression de telle ou telle vérité qui leur semblait annoncer la vérité chrétienne, voire coïncider avec elle (c’est dans ce sens qu’ils citaient volontiers Platon ou d’autres auteurs qui, à leurs yeux, avaient dit juste sur tel ou tel point). La littérature patristique met finalement en présence de ce paradoxe : si fermes qu’ils aient été dans leur contestation de croyances et pratiques héritées de l’Antiquité, les Pères de l’Église n’ont pas transmis la foi chrétienne sans transmettre, pour une part aussi, certains pans de la culture gréco-latine elle-même. Ce paradoxe se manifesta plus que jamais vers la fin de l’époque : alors que l’empire romain d’Occident était tombé et que le monde latin, dominé par les populations dites « barbares », connaissait des mutations d’une ampleur considérable, Cassiodore fonda au vie siècle le monastère de Vivarium dans le sud de l’Italie et y constitua une vaste bibliothèque qui ne comprenait pas seulement des écrits patristiques mais aussi des ouvrages de l’Antiquité préchrétienne ; et plus tard, au viie siècle, Isidore de Séville offrit dans ses Étymologies une ample compilation de tous les savoirs reçus des temps anciens — quitte à les hiérarchiser par rapport à la connaissance la plus haute qui était celle de la doctrine chrétienne3. Était-ce là simple hasard, nostalgie du passé, inquiétude d’une époque qui redoutait la disparition d’un monde au profit de lendemains inconnus ? Aucune de ces explications, pensons-nous, ne suffit à expliquer le paradoxe que nous venons d’évoquer. En réalité, les auteurs de l’Antiquité tardive devaient être convaincus que le christianisme, quelle que fût son originalité, ne pouvait se dispenser de prendre en considération les siècles préchrétiens et plus précisément les traditions de la culture gréco-romaine. Certes, nous ne sommes plus dans la situation historique qu’ils connurent en leur temps, et l’on doit s’attendre à ce que notre propre regard sur l’Antiquité préchrétienne diffère du leur sur beaucoup de points. Mais nous croyons qu’il 3.¥Voir notre volume La voie du Christ, III. Évolutions de la christologie dans l’Occident latin d’Hilaire de Poitiers à Isidore de Séville, Cerf, Paris, 2016, p. 436, 442 et 557-568.


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incombe à la théologie, aujourd’hui encore, de s’intéresser comme telle à la littérature de ce monde antique. Cela vaudrait assurément de la littérature latine, surtout si l’on se rappelle l’importance qu’Augustin et tant d’autres auteurs ont reconnue à l’œuvre de Cicéron, ou encore la remarquable postérité de Virgile dans la tradition de l’Occident chrétien. C’est cependant la littérature grecque que l’on privilégiera ici, d’une part parce qu’elle remonte plus haut dans l’Antiquité, mais aussi du fait que la Bible hébraïque a été d’abord traduite en grec et que le Nouveau Testament nous est intégralement parvenu dans cette langue. Encore faut-il justifier plus précisément notre intérêt pour cette littérature, avant d’indiquer les présupposés de notre étude et d’en délimiter l’objet.

L’HORIZON DE LA RECHERCHE L’intérêt que nous portons ici à l’Antiquité grecque s’éclaire en premier lieu par ce qui peut apparaître comme un lointain détour, mais qui, en réalité, constitue une motivation essentielle de notre travail : la situation du christianisme en Asie, dans son rapport aux traditions spécifiques de ce continent. Sauf exceptions (ainsi les Philippines et le Timor oriental, et dans une moindre mesure la Corée du sud), les chrétiens asiatiques sont très minoritaires dans leurs divers pays. Ceux-ci demeurent profondément marqués par leur héritage multiséculaire — hindouisme, confucianisme, taoïsme, bouddhisme, shintoïsme… Certes, leurs traditions ont subi le contrecoup des évolutions politiques (ainsi lors de la révolution culturelle en Chine) ; les pays d’Asie ont dû aussi s’ouvrir de plus en plus à la modernité occidentale, ce qui a souvent favorisé une prise de distance par rapport à des croyances ou pratiques héritées du passé. Il reste que les sagesses et religions traditionnelles demeurent bien vivantes dans ce continent ; et là même où les croyances personnelles se sont effondrées, on continue volontiers de pratiquer un certain nombre de coutumes ou de rites ancestraux. Cette situation ne manque pas d’interroger la théologie chrétienne : comment comprendre que le christianisme, qui s’est tant répandu en Occident, n’ait pas trouvé plus d’adeptes sur les terres d’Asie ? Vers la fin du xvie siècle, un missionnaire comme Matteo Ricci réalisa que l’annonce de la foi, pour être crédible en Chine, exigeait le respect et l’accueil de certaines traditions confucéennes, dans la mesure où celles-ci n’impliquaient pas de « superstitions » inconciliables avec l’Évangile. Cette tentative, bien qu’audacieuse en son temps (on a pu la qualifier d’« inculturation » avant la


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lettre), a été jugée toutefois insuffisante par certains théologiens de notre temps : on a fait valoir qu’elle présupposait une séparation indue entre « culture asiatique » et « religion asiatique » (comme si l’une était assimilable par le christianisme, et l’autre entièrement incompatible avec lui). On a donc plaidé pour que les chrétiens entrent dans un vrai dialogue avec les autres croyants — seul chemin pour que le message de l’Évangile, pénétrant les traditions inséparablement culturelles et religieuses de l’Asie, trouve un plus grand écho dans ce continent et que des Asiatiques puissent davantage s’ouvrir à la connaissance de Jésus-Christ4. Une chose est sûre : la situation passée et présente des chrétiens en Asie appelle une réflexion de fond sur le rapport du christianisme aux traditions culturelles et religieuses de l’humanité. Il est clair que cette réflexion ne peut être vraiment menée, dans ce continent, que par les chrétiens asiatiques eux-mêmes ou par des chrétiens qui, bien que venant d’autres continents, connaissent suffisamment les langues et cultures asiatiques pour être en mesure d’apporter leur propre contribution. Ce qui nous incombe par contre, en Europe, c’est de réfléchir sur la manière dont s’est joué le rapport du christianisme aux traditions culturelles et religieuses de l’Antiquité. Non point que nous ignorions les différences souvent considérables entre ces traditions et celles de l’Asie, ni que nous ayons la prétention de trouver dans notre étude des réponses immédiates aux questions qui se posent aujourd’hui dans le contexte des cultures asiatiques. Nous ne savons évidemment pas ce que l’apôtre Paul aurait dit s’il s’était adressé, non pas à des Athéniens devant l’Aréopage, mais à des hindous au bord du Gange ou à des bouddhistes dans un monastère de Corée ou du Japon… Mais nous espérons au moins que, relisant des textes de l’Antiquité grecque dans la perspective évoquée ci-dessus, nous pourrons recueillir des enseignements précieux pour une réflexion théologique sur les cultures et les religions de l’humanité, ainsi que sur la manière dont le christianisme doit se situer par rapport à elles — or c’est bien une telle réflexion qui, mutatis mutandis, est aujourd’hui nécessaire dans le contexte du continent asiatique. Elle l’est aussi, à vrai dire, partout où se pose la question du rapport aux cultures et aux religions. Nous avons ici privilégié la référence à l’Asie car le problème s’y pose de manière particulièrement aiguë (pour les deux raisons que nous avons indiquées : la très faible proportion de chrétiens et,

4.¥Voir A. Pieris, « Les modèles occidentaux d’inculturation sont-ils applicables en Asie ? », dans Une théologie asiatique de la libération, trad. de l’anglais, Centurion, Paris, 1990, p. 95-108.


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corrélativement, l’importance de traditions multiséculaires comme celles de l’hindouisme ou du bouddhisme). Mais des problèmes analogues se posent dans d’autres continents : ainsi en Afrique, là où le christianisme est confronté à des « religions traditionnelles » ; ou encore en Amérique latine, dans le cadre des réflexions sur les cultures amérindiennes. Surtout, il importe de souligner ici des enjeux spécifiques par rapport à la situation de l’Europe. Le problème soulevé à propos de l’Asie se pose en effet, de plus en plus, pour le « vieux continent » lui-même, dans la mesure où celui-ci connaît de grandes mutations culturelles et religieuses. Sorties d’une situation de « chrétienté », les Églises doivent dans une large mesure annoncer l’Évangile comme pour la première fois, dans des pays tout à la fois marqués par la présence de grandes religions (l’islam surtout), par des recherches spirituelles de toutes sortes, et par de nombreuses formes d’indifférence, d’agnosticisme ou d’incroyance — lesquelles, d’ailleurs, peuvent s’accompagner d’un attachement « culturel » à des coutumes ou à des rites hérités du christianisme, voire à des pratiques ancestrales qui n’ont jamais été vraiment évangélisées… Une telle situation invite, elle aussi, à réfléchir plus que jamais sur le rapport du christianisme aux cultures et aux religions — ce que doit permettre, justement, notre détour par le monde ancien. Pareil détour s’impose particulièrement dans le cas de l’Europe, qui, si elle a bénéficié de multiples apports (ceux des populations venues du Nord et de l’Est durant l’Antiquité tardive et le Moyen Âge, ceux de la Renaissance, ceux de la modernité…), n’en est pas moins redevable aux sources plus lointaines que symbolisent les noms de Jérusalem, d’Athènes et de Rome. La théologie chrétienne donne naturellement la prééminence à la Révélation biblique, mais doit aussi prendre en compte le fait que le message chrétien s’est très tôt répandu dans le monde gréco-romain — s’exprimant en ce monde même, dont il rejetait maintes croyances mais dont il assumait aussi toutes sortes de composantes. On peut s’interroger plus précisément sur la nature d’un tel lien entre Jérusalem, Athènes et Rome. Certes, ce lien ne doit pas être compris de manière telle qu’il imposerait à d’autres cultures de reproduire les formes historiques du christianisme en Occident ; toutefois (outre qu’il faudra, le temps venu, préciser ce qui dans l’héritage même de la Grèce ancienne allait en quelque sorte à la rencontre de la Révélation chrétienne et qui, à ce titre, mérite d’être connu en dehors même de l’Europe), on ne peut nier que les rapports entre le christianisme et l’Antiquité gréco-latine aient été un fait marquant aux premiers siècles de l’ère chrétienne et qu’ils aient eu une portée considérable dans l’histoire ultérieure. Que le christianisme européen doive s’intéresser encore au monde ancien, cela ne relève pas seulement d’un devoir de mémoire. Il y va aussi d’une contribution à la culture de ce continent — une culture trop souvent menacée par l’oubli de ses sources


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lointaines (à commencer par les langues grecque et latine, dont l’enseignement se fait de plus en plus rare). Il y va enfin de la théologie elle-même, car celle-ci a besoin de connaître le passé pour faire face à ses tâches présentes et futures ; en particulier, l’histoire de ce qui s’est jadis joué entre la Révélation biblique et le monde gréco-latin doit être révélatrice des questions qui se posent dans la rencontre du christianisme avec les cultures, ainsi que des solutions qui peuvent leur être apportées ; elle ne dicte évidemment pas de réponses immédiates aux problèmes nouveaux qui se présentent à chaque époque, mais on peut attendre d’elle qu’elle offre à la théologie des points de repère essentiels pour une juste compréhension des rapports entre le message chrétien et les diverses traditions de l’humanité. Cependant, dira-t-on, ne suffirait-il pas d’interroger à cette fin les textes des Pères de l’Église, ou du moins ceux d’entre eux qui nous renseignent le mieux sur les relations du christianisme ancien avec l’Antiquité ? Pourquoi s’intéresser ici à la littérature des siècles antérieurs et remonter, non point même à l’époque hellénistique où se développa un judaïsme en langue grecque, mais aux auteurs des siècles précédents et jusqu’à l’auteur de l’Iliade et de l’Odyssée ? Ces questions invitent à justifier plus précisément notre dessein, qui, de fait, n’est pas de commenter la position des Pères sur la littérature de l’Antiquité, mais plutôt de relire nous-mêmes cette littérature à la lumière de la Révélation chrétienne. Ce dessein se justifie d’abord par ce qui a été dit précédemment : si l’horizon de notre étude est de réfléchir sur les rapports entre le christianisme et les traditions culturelles et religieuses de l’humanité, il ne nous suffit pas de nous intéresser aux écrits de l’Antiquité par une voie indirecte (en commentant les vues des Pères de l’Église à ce sujet), mais nous devons nous engager nous-mêmes dans une lecture de ces écrits — lecture qui, comme telle, manifestera ou impliquera une certaine compréhension du rapport entre le message évangélique et le monde de l’Antiquité. Ajoutons d’ailleurs — et c’est une deuxième justification de notre projet — qu’en procédant ainsi nous retrouverons précisément l’intuition même de certains Pères ; nous pensons avant tout à Justin, et plus encore Clément d’Alexandrie et Eusèbe de Césarée, qui se sont maintes fois référés à des auteurs de l’Antiquité et les ont lus à la lumière de leur foi. On peut certes discuter çà et là l’interprétation qu’ils en ont donnée, mais leur démarche n’en reste pas moins inspiratrice : en un sens nous ne ferons pas autre chose que ce qu’ils ont voulu faire, même si (pour des raisons qui seront expliquées ultérieurement) nous aurons à le faire autrement. Une dernière considération, enfin, permettra de justifier notre projet de remonter jusqu’à Homère. La littérature de l’Antiquité tardive témoigne d’un fait paradoxal : des auteurs qui sont également héritiers de la culture grecque s’opposent souvent sur l’interprétation des auteurs anciens, ou tout


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au moins recueillent de leurs écrits des conclusions qui vont dans des sens opposés — tantôt en faveur de la foi chrétienne, tantôt à son encontre. On en a un exemple fameux avec le Contre Celse d’Origène. Celse et Origène se réfèrent l’un et l’autre à des passages d’Homère ou de Platon, mais les lectures qu’ils en donnent sont orientées de manière inverse : Celse invoque les écrits anciens pour argumenter contre le christianisme ; Origène trouve en eux de quoi combattre le paganisme de son adversaire, ou, dans d’autres cas, s’en sert pour accréditer la foi chrétienne5. On pourrait en dire de même à propos de Cyrille d’Alexandrie dans son Contre Julien : ici encore la controverse témoigne d’un conflit d’interprétations à propos de la culture grecque, pourtant familière à chacun des deux auteurs6. Un tel conflit se manifeste, plus largement, à propos des traditions « néoplatoniciennes ». De fait, à partir du iiie siècle après J.-C., la littérature de l’Antiquité tardive révèle des lectures fort différentes et même opposées de Platon ; tantôt les écrits de ce dernier sont convoqués au service d’une interprétation qui est ouvertement ou implicitement antichrétienne (ainsi chez Porphyre, ou dans la Théologie platonicienne de Proclus7) ; tantôt sa pensée est autant que possible « christianisée », comme on le voit plus que tout dans Les Noms divins de Denys l’Aréopagite8. Il importe d’autant plus de revenir en amont de ces herméneutiques souvent contradictoires : une réflexion sur les rapports du christianisme avec le monde gréco-latin ne peut pas s’en tenir aux lectures qui, dans les derniers siècles de l’Antiquité, ont « confisqué » la littérature ancienne dans un sens ou un autre ; elle doit revenir à cette littérature même, en s’efforçant de ne pas projeter sur elle des interprétations indues, mais en essayant plutôt de reconnaître son véritable sens et, à cette condition seulement, de l’évaluer du point de vue de la Révélation chrétienne. Il faudra s’expliquer plus précisément sur l’esprit dans lequel nous pourrons ainsi interroger des écrits de l’Antiquité grecque, et sur les options que nous prendrons au service de notre dessein. Mais ces précisions se comprendront mieux lorsque nous aurons d’abord situé le présent livre par rapport à des études antérieures sur le christianisme et le monde grec ancien.

5.¥Voir Origène, Contre Celse, Sources chrétiennes [= SC] 132, 136, 147, 150 et 227. 6.¥Voir Cyrille d’Alexandrie, Contre Julien, I-V, SC 322 et 582. 7.¥Voir Le traité de Porphyre contre les chrétiens. Un siècle de recherche, nouvelles questions (Actes du colloque international organisé les 8 et 9 septembre 2009 à l’Université de Paris IV-Sorbonne), éd. par S. Morlet, Institut d’Études Augustiniennes, Paris, 2011 ; voir aussi H. D. Saffrey, « Allusions anti-chrétiennes chez Proclus, le diadoque platonicien », dans Recherches sur le néoplatonisme après Plotin, Vrin, Paris, 1990, p. 201-211. 8.¥Voir Pseudo-Denys l’Aréopagite, Les Noms divins, SC 578 et 579.


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ÉTUDES ANTÉRIEURES De fait, il n’est pas inutile de rappeler que depuis un siècle un certain nombre de chercheurs, par leurs travaux sur la tradition grecque, ont apporté d’importantes contributions à la connaissance du christianisme ou, dans certains cas, à la théologie elle-même. On se contentera de citer ici quelques publications parmi d’autres — mais, il est vrai, particulièrement significatives à nos yeux. Mentionnons d’abord les travaux de Werner Jaeger sur « la formation de l’homme grec ». Son grand ouvrage Paideia traite le sujet dans le cadre de l’Antiquité préchrétienne9, mais il faut lui adjoindre les conférences que le même chercheur donna à Harvard en 1960 et qui furent publiées dans un livre intitulé Le christianisme ancien et la paideia grecque10. Jaeger déclare dans la préface de ce livre : Quand j’ai écrit ma Paideia, je m’étais proposé, dès le début, d’inclure dans cette œuvre un volume spécial pour traiter la réception de la Paideia grecque à l’intérieur du monde paléochrétien, bien que, depuis lors, la plus grande partie de mes travaux ait porté sur le domaine de la littérature paléochrétienne. Mais, en raison de son caractère étendu, je n’ai pu réaliser mon projet d’écrire un livre plus complet sur la continuité historique et la transformation de la tradition de la Paideia grecque pendant les siècles chrétiens de l’Antiquité tardive11.

Au nom de Jaeger doit être associé celui de Henri-Irénée Marrou, auteur d’une remarquable Histoire de l’éducation dans l’Antiquité12. L’étude porte essentiellement sur les siècles précédant le christianisme (du côté grec, puis du côté latin) ; mais la fin de l’ouvrage contient aussi un important développement sur la position du christianisme par rapport à l’éducation antique. Certes, ce n’est pas la paideia grecque qui est l’objet de notre propre étude (même si nous devons nous attendre à croiser ce thème çà et là). Mais les travaux de Jaeger et de Marrou sont en tout cas révélateurs d’un intérêt pour 9.¥W. Jaeger, Paideia. Die Formung des griechischen Menschen, 3 vol., W. de Gruyter, Berlin, 1933-1947 ; seul le premier volume a été traduit en français : Paideia. La formation de l’homme grec, Gallimard, Paris, 1964. 10.¥W. Jaeger, Le christianisme ancien et la paideia grecque, trad. de l’anglais, Centre de Recherche Pensée Chrétienne et Langage de la Foi, Université de Metz, 1980. 11.¥Ibid., p. 3. 12.¥H.-I. Marrou, Histoire de l’éducation dans l’Antiquité, Seuil, Paris, 1948.


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le monde grec ancien dans l’horizon même du christianisme, et c’est bien cet intérêt qui, d’une autre manière, préside aussi à notre recherche. Que l’étude de l’Antiquité grecque relève non seulement de l’histoire des idées mais de la théologie proprement dite, c’est ce qui ressort d’un autre ouvrage de Jaeger, dont l’édition originale parut en 1947 : À la naissance de la théologie. Essai sur les présocratiques13. Comme l’indique le sous-titre, l’ouvrage se limitait essentiellement aux penseurs grecs et même aux plus anciens d’entre eux, les « Présocratiques » (en commençant toutefois par un chapitre sur Hésiode) ; dans les réflexions de ces penseurs il ne percevait pas seulement une philosophie de la nature mais une « théologie naturelle » ; il prenait ainsi position contre des historiens de tendance positiviste, et reconnaissait une continuité entre la pensée présocratique et la pensée des philosophes ultérieurs qui, de Platon à Augustin, méditeraient sur la nature de la réalité ultime. Quelque appréciation que l’on doive porter sur son ouvrage14, l’auteur témoignait ouvertement d’une préoccupation théologique dans sa manière d’étudier les Présocratiques, même s’il ne développait guère de comparaison explicite avec la pensée chrétienne. D’autres publications manifestèrent plus directement le souci de relire des écrits grecs du point de vue de la Révélation chrétienne. On ne peut manquer de penser d’abord à Simone Weil qui rédigea un certain nombre d’articles ou de notes de lecture sur le sujet — lesquels furent rassemblés, à titre posthume, dans les livres Intuitions préchrétiennes et La Source grecque15 ; le premier de ces titres a certes été discuté : « Aux yeux de S. Weil, écrit M. Narcy, c’est moins l’Antiquité, ou toute autre civilisation antérieure à l’emprise de l’Occident chrétien, donc romain, qui est riche d’ “intuitions pré-chrétiennes” que le christianisme qui l’est, riche, de vérités connues bien avant ou en dehors de lui16. » Toujours est-il que des textes de la littérature 13.¥W. Jaeger, À la naissance de la théologie. Essai sur les présocratiques, trad. de l’allemand, Cerf, Paris, 1966 (l’édition originale parut en anglais ; l’édition allemande parut en 1953). 14.¥Pour Jaeger le terme « theologia », apparu dans le vocabulaire platonicien, aurait marqué le moment où la recherche d’une « théologie philosophique », implicite chez les Présocratiques, prit pleine conscience d’elle-même ; mais V. Goldschmidt formula des objections contre cette interprétation du mot « theologia » (RÉG, 1950, p. 20-42) ; J.-P. Vernant, quant à lui, reconnut à Jaeger le mérite de ne pas avoir appliqué à la pensée présocratique les conceptions rationalistes qui avaient eu cours à la fin du xixe siècle, mais prit néanmoins distance par rapport à la thèse fondamentale de Jaeger (voir sa recension dans Archives de sociologie des religions, 22 [1966], p. 194). 15.¥S. Weil, Intuitions pré-chrétiennes, La Colombe/Éditions du Vieux Colombier, Paris, 1951 ; La Source grecque, Gallimard, Paris, 1953. 16.¥M. Narcy, « Simone Weil et la philosophie dans son histoire », Archives de philosophie, 72 (2009), p. 565-580 (ici : p. 580).


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grecque (non seulement de Platon, mais aussi d’Homère ou des auteurs tragiques) ont résonné pour Simone Weil de manière toute nouvelle à la lumière de l’Évangile. Surtout, il importe d’évoquer le grand helléniste que fut André-Jean Festugière, non seulement parce qu’il consacra quantité d’études fort savantes à l’Antiquité (comme en témoignent notamment les quatre volumes de son ouvrage La révélation d’Hermès Trismégiste), mais aussi parce qu’il eut à cœur de répondre à des interrogations proprement théologiques : qu’est-ce qui se joua dans la rencontre de l’apôtre Paul et de l’hellénisme ? comment cet apôtre pouvait-il s’appuyer sur l’expérience religieuse du monde grec pour accréditer le message de l’Évangile ? qu’est-ce qui d’autre part manquait à ce monde et que le christianisme pouvait désormais combler ? Ce sont ces questions qui conduisirent A.-J. Festugière à publier, en 1932, un ouvrage au titre fort révélateur : L’idéal religieux des Grecs et l’Évangile17 : après une introduction sur « l’idéal traditionnel d’un Grec bien élevé18 », l’auteur consacre une première partie aux philosophes (depuis Platon jusqu’au néo-pythagorisme), montrant comment ces philosophes ont tenté de répondre aux aspirations profondes de l’âme religieuse ; puis, dans une seconde partie, il explique pourquoi ces réponses se sont avérées insuffisantes ou vaines, il expose aussi les alternatives qui se présentèrent dans les siècles précédant la venue du Christ (notamment avec le développement des cultes à mystères), il rend également compte des croyances populaires à l’immortalité, avant de proposer une réflexion finale sur la « délivrance » que le monde grec avait tant désirée et qui, au-delà d’une sagesse humaine, ne fut réellement apportée que par le don du Christ s’offrant pour la multitude : L’Idée du Beau, l’Âme du monde, c’est peu de chose dans une vie dévastée. Que d’âmes écrasées ! La veuve qui a perdu son fils, l’enfant faible et trahie que la société repousse, s’il n’est de refuge qu’en la mort, qui les en défendra ? […] À ce poids de misère rien ne fait équilibre […]. En vérité, pour rétablir la balance, la sagesse humaine ne suffisait point. Il n’y faudra rien de moins que la mort, par amour, du Fils de Dieu. Seul, ce mystère explique un plus insondable mystère. Il certifie l’amour du Père : nos maux, du même coup, trouvent leur raison d’être. Enfin la Croix illumine l’obscur élan de l’âme grecque […] L’idée que le sacrifice est le salut, que le bonheur ne s’obtient que dans le don total et à un plus haut que soi, que la douleur nous grandit, cette idée, secrète force des héros tragiques, rencontre sa vraie formule. Le cœur le plus solitaire accepte sa souffrance s’il peut l’offrir 17.¥A.-J. Festugière, L’idéal religieux des Grecs et l’Évangile, Gabalda, Paris, 1932. 18.¥Ibid., p. 14.


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à un Dieu qui, lui-même, a souffert pour lui. L’élan vers l’union divine n’apparaît plus comme un rêve : le sang de Dieu atteste son amour19.

La préoccupation théologique se manifesta encore dans un livre que Hugo Rahner publia en 1945, Griechische Mythen in christlicher Deutung, traduit en français sous le titre Mythes grecs et Mystère chrétien20. Ce livre rassemble des études sur deux séries de thèmes : d’une part, après avoir précisé le rapport entre les « Mystères grecs » et le « Mystère chrétien », il montre comment le « chrétien hellénique » reprend des images, des symboles ou des cultes de la tradition grecque pour leur donner un sens nouveau à la lumière de l’Évangile (il le vérifie à propos de la « Croix », du « baptême », ou encore des fêtes de Pâques et de Noël) ; d’autre part, réinterprétant le mythe homérique de la plante Moly qui guérit les âmes, puis la légende de la plante magique nommée Mandragore21, il voit dans ces antiques traditions comme des « pressentiments » de ce qui, aux yeux des chrétiens, se trouve désormais accompli. Ces thèmes particuliers entendent illustrer une conviction fondamentale, qui est nettement formulée dans l’introduction du livre : Tout ce qui fut vrai et bon tirait son origine du Logos et avait son sens final secret en celui qui s’est incarné, que l’homme qui pense et l’homme bon en eussent conscience ou non ; tout ce qui a été fait de grand et de noble, provenait d’une force que le Logos en se découvrant à nous nous présenta comme sa propre grâce […]. Tel est ainsi le souci précis de ce livre de montrer par quelques exemples rassemblés en parfaite connaissance de cause comment la religiosité grecque fut sanctifiée par l’Église. Non que nous voulions effacer les frontières entre l’homme qui aspire vers Dieu et le Dieu qui donne ; mais nous n’entendrons jamais non plus que l’abîme entre Dieu et l’homme demeure dépourvu de pont. L’Hellade est revenue. Et la lumière nocturne des lampes antiques provient cependant du soleil. Le montrer à ceux qui aujourd’hui aiment les humanités est aussi pressant que jadis, lorsque la Grèce et le Christianisme se rencontrèrent pour la première fois22.

Et l’auteur de citer alors un texte de Clément d’Alexandrie, soulignant que Pythagore et Platon sont tombés d’accord avec les Prophètes sur bien 19.¥Ibid., p. 169. 20.¥H. Rahner, Mythes grecs et mystère chrétien, Payot, Paris, 1954. 21.¥Le mythe de la plante Moly se réfère lointainement à l’épisode de Circé dans l’Odyssée ; selon une poésie qui figure dans le recueil connu sous le nom d’« Anthologie palatine », Ulysse prie Dieu de lui donner cette plante dont il attend la guérison de l’âme (H. Rahner, ibid., p. 196). La mandragore, elle, est le philtre magique que l’on attribuait à Circé (ibid., p. 241-242). H. Rahner montre comment ces traditions ont été réinterprétées en perspective chrétienne. 22.¥Ibid., p. 9 et 11.


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des points, mais que la lumière a maintenant éclaté avec la venue du Logos et que, si les reflets de la lumière sont utiles durant le jour, la nuit tout entière est désormais illuminée par le soleil… On pourrait encore mentionner l’ouvrage d’Édouard Des Places La Religion grecque23 : il s’agit, certes, d’un ouvrage qui rassemble d’abord quantité d’informations sur « les dieux et les cultes », et qui propose ensuite une « histoire du sentiment religieux en Grèce » (moyennant un vaste parcours depuis Homère jusqu’aux néoplatoniciens) ; mais la fin de l’introduction pose explicitement la question : peut-on déceler dans le monde grec ancien une « préparation à l’Évangile » ? L’auteur reconnaît assurément que la Révélation chrétienne a apporté une radicale nouveauté ; mais, écrit-il en reprenant les mots de l’helléniste Paul Mazon, ce serait aussi un défaut que ne pas vouloir « reconnaître dans les religions antiques un seul trait commun avec le christianisme » ; et il ajoute : L’attitude de saint Paul devant l’Aréopage d’Athènes le montre animé du sentiment exactement contraire ; quelques versets du chapitre 17 des Actes réunissent, en un raccourci d’une rare densité, des aspirations éternelles où le christianisme rejoint les anciens Grecs24.

Aussi bien É. Des Places achève-t-il son ouvrage par une troisième partie, certes beaucoup plus brève que les deux précédentes, mais néanmoins révélatrice de la préoccupation exprimée ci-dessus : commentant le discours de Paul aux Athéniens, il montre combien les mots de l’apôtre étaient parlants pour ses auditeurs compte tenu de la tradition religieuse dont ils étaient les héritiers. D’autres ouvrages mériteraient naturellement d’être évoqués — tel celui d’Arthur D. Nock sur « christianisme et hellénisme » (qui, toutefois, s’en tient pour l’essentiel à l’époque hellénistique et gréco-romaine)25 —, ou encore les études exégétiques qui ont permis d’identifier des parallèles entre certains passages du Nouveau Testament et tel ou tel passage de la littérature grecque26. Surtout, comment ne pas rappeler que, dans une tout 23.¥É. Des Places, La Religion grecque, Picard, Paris, 1969. 24.¥Ibid., p. 15-16. 25.¥A.D. Nock, Christianisme et hellénisme, Cerf, Paris, 1973. Il existe aussi, bien entendu, nombre d’études sur « christianisme et hellénisme » dans la littérature patristique ; voir par exemple Michel Narcy et Éric Rebillard (éd.), Hellénisme et christianisme, Presses universitaires du Septentrion, Villeneuve-d’Ascq, 2004 ; Les chrétiens et l’hellénisme. Identités religieuses et culture grecque dans l’Antiquité tardive, textes édités par A. Perrot, Presses de l’École Normale Supérieure, Paris, 2012. 26.¥Voir Dennis R. MacDonald, The New Testament and Greek Literature, vol. 1 : The Gospels and Homer. Imitations of Greek Epic in Mark and Luke-Acts, Rowman & Littlefield, Lanham/Boulder/New York/Londres, 2015.


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autre perspective, le théologien Hans Urs von Balthasar consacra une partie de La Gloire et la Croix à des écrits de l’Antiquité27 ? Le premier volume de cet ouvrage sur « les aspects esthétiques de la Révélation » avait introduit à la découverte de la « Gloire [Herrlichkeit] », à son « mode d’apparition et aux conditions de sa perception28 ». Le volume suivant avait présenté « douze rayons lumineux29 » qui émanaient de cette Gloire — depuis Irénée de Lyon jusqu’à Péguy. Or Balthasar, avant même de définir le thème de la « Herrlichkeit » à partir de l’Ancien et du Nouveau Testament, voulut « examiner la relation de la théologie et de la métaphysique saisie dans toute son ampleur30 » ; il précisa ainsi son projet : […] Il nous faut essayer dans ce volume de présenter le christianisme dans sa solidarité avec la pensée de l’humanité tout entière et son insertion dans la métaphysique religieuse générale […] Si en effet les concepts les plus habituels de la Bible ne devaient trouver aucun écho ni dans l’esprit ni dans le cœur de l’homme, ils nous resteraient parfaitement incompréhensibles, et nous-mêmes leur serions totalement indifférents. Là au contraire où s’instaure entre la sensibilité humaine et la Révélation une analogie, même lointaine, et là seulement, la hauteur, la distance, l’infini de cette révélation peuvent enfin être perçus dans la lumière de la grâce divine31.

Le dessein de Balthasar était, on le voit, d’un tout autre ordre que celui des hellénistes précédemment évoqués, et notre propre recherche se situe elle-même dans une ligne bien différente. Mais son œuvre n’en est pas moins exemplaire par la manière dont elle relit — du point de vue ici privilégié, celui d’une « esthétique théologique » — les écrits d’Homère, d’Hésiode, de Pindare, des auteurs tragiques et de Platon (et de nombreux auteurs après eux jusqu’à l’époque contemporaine). Les travaux que nous avons relevés présentent ainsi un éventail d’études qui n’ont pas seulement traité de l’Antiquité grecque pour elle-même, mais qui ont aussi précisé la position du christianisme ancien par rapport à son héritage, ou qui, en sens inverse, ont relu des textes anciens à la lumière de la Révélation chrétienne. De telles études, fort diverses de par leur objet, ont engagé dans chaque cas des manières spécifiques de se rapporter à la 27.¥H. Urs von Balthasar, Herrlichkeit, III/1. Der Raum der Metaphysik, Johannes Verlag, Einsiedeln, 1965 ; la première partie (où figurent les pages sur la littérature grecque) a été traduite dans La Gloire et la Croix. IV. Le Domaine de la métaphysique. Les fondations, Aubier-Montaigne, Paris, 1965. 28.¥Selon le résumé qu’en donne l’auteur, ibid., p. 7. 29.¥Ibid. 30.¥Ibid., p. 9. 31.¥Ibid.


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littérature de l’Antiquité grecque. Il nous faut à présent indiquer ce que sera notre propre manière de nous rapporter à elle, compte tenu de notre propre dessein tel qu’il a été exposé plus haut. Nous le ferons en repartant de la doctrine patristique des « semences du Verbe » : une réflexion sur celle-ci nous aidera en effet à préciser, par comparaison, le sens et la méthode de notre parcours.

LES « SEMENCES DU VERBE » Nous avons nommé ci-dessus trois Pères de l’Église qui se sont particulièrement retournés vers les écrits du monde grec ancien, citant des passages de tel ou tel auteur — soit pour dire leur incompatibilité avec la doctrine chrétienne, soit au contraire pour en souligner la justesse au regard de cette doctrine. Le premier est Justin qui, s’étant converti au christianisme dans la première moitié du iie siècle, opéra alors une sorte de tri parmi les traditions anciennes : d’un côté il dénonça nombre de légendes ou de mythes que véhiculaient ces traditions, de l’autre il reconnut qu’un philosophe comme Platon avait vu juste sur un certain nombre de points ou avait eu tout au moins des pressentiments de la vérité ; bien plus, c’est lui qui, transposant la doctrine stoïcienne du logos spermatikos, expliqua que des écrivains de jadis pouvaient avoir quelque participation au Logos de Dieu : […] Dans la mesure où chacun d’eux, en vertu d’une participation au divin Logos séminal, a contemplé ce qui lui était apparenté, il en a parlé excellemment […] tous les écrivains pouvaient, grâce à la semence du Logos implantée en eux, voir la réalité, d’une manière indistincte32.

Ainsi Justin n’hésitait-il pas à dire que des hommes comme Socrate avaient eu une connaissance au moins partielle du Logos. Il allait même jusqu’à écrire : Ceux qui ont vécu selon le Logos sont chrétiens (christianoi), même s’ils ont été tenus pour athées, comme, parmi les Grecs, Socrate, Héraclite et leurs semblables et, parmi les Barbares, Abraham, Ananias, Azarias, Misaël, Élie et tant d’autres, dont nous renonçons pour l’instant à énumérer les œuvres et les noms…

32.¥Justin, Apologie pour les chrétiens, II, 13, 3 et 5 (SC 507, p. 363 et 365).


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Justin ajoutait aussitôt, certes, que d’autres hommes des temps passés avaient au contraire vécu « sans le Logos33 » : on ne saurait donc lui imputer une ouverture unilatérale au monde ancien, qui à ses yeux était bien plutôt traversé par une ligne de partage entre deux groupes d’hommes : ceux qui vivaient « selon le Logos » et ceux qui vivaient « sans le Logos ». La vision de Justin n’en était pas moins audacieuse : des hommes de l’Antiquité avaient été mystérieusement participants du Logos, et pouvaient même être qualifiés comme « christianoi »… Vers la fin du iie siècle Clément d’Alexandrie reprit et développa largement l’idée des « semences du Verbe », en la rattachant de manière explicite à la parabole évangélique du Semeur (Mt 13, 3-9) : Ici s’applique aussi la parabole de la semence, que le Seigneur nous a expliquée. En effet, le seul cultivateur du terrain qui est en l’homme, c’est Celui qui dès la fondation du monde répandait les semences destinées à croître, qui a fait pleuvoir sur elles en toute occasion son verbe tout-puissant, tandis que les moments, les lieux, les terrains récepteurs ont engendré les différences34.

Ce sont justement de telles semences que Clément reconnaissait dans la « philosophie », entendue dans son sens le plus large : […] Quand je dis : philosophie, je n’entends pas celle du Portique, ou de Platon, ou d’Épicure, ou d’Aristote. Mais tout ce qui a été dit de bon dans chacune de ces écoles, et qui nous enseigne la justice accompagnée de connaissance religieuse, c’est cet ensemble choisi que j’appelle philosophie35.

Certes, Clément considérait aussi (comme Justin, d’ailleurs) que les Grecs les mieux inspirés avaient été en fait redevables aux Hébreux. Mais il n’en avait pas moins une appréciation très positive de tout ce qui, dans leurs écrits, rendait témoignage à la vérité. Il allait plus loin encore : Peut-être même la philosophie a-t-elle été donnée elle aussi comme un bien direct aux Grecs, avant que le Seigneur eût élargi son appel jusqu’à eux : car elle faisait leur éducation, tout comme la Loi celle des juifs, pour aller au Christ36.

Clément n’hésitait pas non plus, d’ailleurs, à invoquer aussi les vers de tel ou tel poète ; certes, comme Justin, il dénonçait avec vigueur les traditions immorales ou absurdes de la mythologie, mais il citait également des vers 33.¥Ibid., I, 46, 4 (p. 251). 34.¥Clément d’Alexandrie, Stromates, I, 7, 37, 2 (trad. M. Caster, légèrement remaniée ; SC 30, p. 73). 35.¥Ibid., I, 7, 37, 6 (p. 74 ; trad. légèrement remaniée). 36.¥Ibid., I, 5, 28, 3 (p. 65).


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d’Homère et d’autres poètes qui à ses yeux rendaient témoignage à la vérité37. Celle-ci, disait-il, est naturellement une, mais elle est néanmoins « dispersée », et elle l’est dans l’humanité entière : On pourrait donc montrer que, considérés ensemble, tous les Grecs et les Barbares qui ont tendu au vrai possèdent quelque chose de la parole de vérité, les uns beaucoup, les autres une parcelle, selon le cas. L’éternité rassemble en elle, en un moment, l’avenir, le présent et même le passé : mais la vérité est encore plus capable que l’éternité de rassembler ses propres semences, même tombées en terre étrangère […] si l’on rassemble les lambeaux épars, et reconstitue leur unité, on contemplera sans danger d’erreur, sachez-le, le Verbe intégral, la Vérité38.

Enfin, au début du ive siècle, Eusèbe de Césarée écrivit un grand ouvrage intitulé Préparation évangélique. Son propos était certes, avant tout, de développer une argumentation en faveur du christianisme pour instruire de nouveaux baptisés et pour attirer des païens cultivés ; il voulait en particulier répondre au philosophe néoplatonicien Porphyre qui avait combattu les doctrines des chrétiens. Mais pour ce faire il relut précisément les écrits de l’Antiquité grecque. Il dénonça nombre d’erreurs qu’il trouvait dans ces écrits ; il reconnut aussi de grandes proximités entre certains enseignements de Platon et la doctrine biblique (quitte à ajouter que ces enseignements avaient été empruntés ou « volés » à Moïse…)39. Ainsi présentée, la philosophie grecque — avant tout la pensée platonicienne — pouvait apparaître comme une « préparation évangélique » : cette préparation devait servir de « formation élémentaire et d’introduction », spécialement adaptée à ceux qui, venant des nations, avaient embrassé la foi chrétienne40 ; elle mettait ainsi au seuil des enseignements plus élevés que ces néophytes recevraient à partir de l’Écriture Sainte et qu’Eusèbe présenterait ultérieurement dans sa Démonstration évangélique. Si nous avons ici rappelé l’ancienne doctrine des « semences du Verbe », c’est parce que nous partageons pour l’essentiel la vision sous-jacente et que celle-ci préside à notre propre étude. Non point, certes, que les développements de Justin, de Clément ou d’Eusèbe puissent être comme tels repris ou transposés : nous ne pouvons plus lire les écrits de l’Antiquité grecque comme ils l’ont fait — pour des raisons que nous expliquerons plus loin. 37.¥Voir en particulier Clément d’Alexandrie, Stromates, V et VI (SC 278 et 446). 38.¥Ibid., I, 13, 57, 2-3 et 5 (p. 91-92). 39.¥Voir Eusèbe de Césarée, Préparation évangélique, en particulier les livres XI à XIII (SC 292 et 307). 40.¥Voir ibid., I, 1, 12 (SC 206, p. 103-105).


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Mais leur intuition de fond — telle que nous la découvrons en particulier chez Justin et Clément — demeure à nos yeux d’une très grande portée. Tenir que le monde ancien portait en lui des « semences du Verbe », et que celles-ci pouvaient être selon les cas accueillies ou refusées, c’est une manière de dire que Dieu ne s’est pas laissé sans témoignage dans les siècles précédant la venue du Christ41, mais — selon les mots de Paul dans son discours devant l’Aréopage — voulait que les hommes « cherchent la divinité pour l’atteindre, si possible, comme à tâtons et la trouver » (Ac 17, 27). C’est une manière de reconnaître que Dieu se communiquait déjà mystérieusement dans le monde des nations, alors même que le Christ n’était pas encore venu. Plus encore, cela revient à affirmer que la Révélation et l’œuvre du salut étaient de quelque façon à l’œuvre dès les siècles de l’histoire préchrétienne — qu’elles aient été reçues ou non. Karl Rahner l’a exprimé avec beaucoup de force dans son propre langage, en élargissant d’ailleurs la réflexion à l’histoire de l’humanité en son ensemble : En raison de la volonté salvifique universelle de Dieu, le chrétien n’a pas le droit de limiter l’événement factuel du salut à l’histoire salvifique explicite de l’Ancien ou du Nouveau Testament. […] Déjà l’Ancien Testament, comme écrit témoignant de l’agir salvifique de Dieu, connaît un tel agir salvifique de Dieu en dehors de l’histoire de l’Ancienne Alliance, il connaît une Alliance proprement dite de Dieu avec l’humanité entière, par rapport à quoi l’Alliance vétérotestamentaire n’est qu’un cas particulier élevé à la conscience historique particulière d’Israël ; il connaît des païens pleins de piété agréables à Dieu. Et le Nouveau Testament lui aussi connaît un agir salvifique de la grâce du Christ et de son Esprit qui ne coïncide pas avec l’initiative des envoyés visibles du Christ autorisés explicitement et historiquement par lui42.

Il y a donc une histoire de la Révélation et du salut qui est « coextensive à toute l’histoire du monde43 ». Une telle affirmation ne veut évidemment pas dire que la Révélation biblique n’ait pas un statut unique ; surtout, elle ne doit pas empêcher de reconnaître, du point de vue chrétien, que l’histoire de la Révélation atteint « son sommet insurpassable44 » dans l’Incarnation de Dieu et dans le mystère pascal ; c’est d’ailleurs, écrit encore Rahner, ce qui conduit les chrétiens à reconnaître Jésus Christ comme « critère de discernement » pour l’histoire religieuse de l’humanité : 41.¥Cf. Ac 14, 16-17 : « Dans les générations passées, il a laissé toutes les nations suivre leurs voies ; il n’a pas manqué pour autant de se rendre témoignage par ses bienfaits… » 42.¥K. Rahner, Traité fondamental de la foi. Études sur le concept du christianisme (Œuvres, 26), Cerf, Paris, 2011, p. 173-174. 43.¥Ibid., p. 168. 44.¥Ibid., p. 202.


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[…] À partir de Jésus Christ, le Crucifié et le Ressuscité, il existe un critère pour discerner, dans l’histoire concrète des religions, entre ce qui est mécompréhension humaine de l’expérience transcendantale de Dieu et ce qui est son interprétation légitime. C’est seulement à partir de lui qu’est possible, en un sens ultime, un tel discernement des esprits45.

Mais ce discernement ne peut porter sur « l’histoire concrète des religions », ou plus largement sur l’histoire de l’humanité, que parce que Dieu a déjà « visité » cette humanité, ou (pour reprendre le langage de Clément) parce que la Vérité est de quelque manière « disséminée » parmi les nations — étant sauve la liberté des hommes qui peuvent à des degrés divers l’accueillir ou au contraire la refuser. L’intuition des Pères garde en ce sens toute sa portée : elle dispose à reconnaître que les cultures du monde, là même où elles n’ont pas été atteintes par l’annonce du Christ, n’ont pas été pour autant laissées à elles-mêmes, mais que Dieu a répandu en elles des semences de vérité, de justice, de paix — ou, pour le dire plus nettement encore, des semences d’Évangile. Elle invite donc à refuser toute attitude qui consisterait, non seulement à ignorer les valeurs ou les richesses d’une culture donnée, mais, plus gravement encore, à faire table rase de cette culture (or l’on sait que le christianisme, dans son passé, a pu céder à une telle tentation, ou a tout au moins cautionné des formes de colonisation qui faisaient violence à des peuples indigènes…). Ce n’est point là, pour autant, ouverture naïve aux cultures, et les Pères que nous avons mentionnés soulignent au contraire que la voix du Logos a été souvent méconnue ou déformée ; en fait, ce qui a été semé a pu être refusé aussi bien qu’accueilli (ainsi lorsque des hommes ou des peuples, en conscience, n’ont pas suivi l’appel à la justice mais ont méprisé ou écrasé les plus démunis). Cette réflexion sur le christianisme et les cultures, et plus précisément cette exigence d’un « discernement des esprits » à propos de l’histoire culturelle et religieuse, incombent plus que jamais à la théologie dans la situation pluraliste de notre temps. C’est elle qui, précisément, nous conduit à proposer ici un détour par l’Antiquité grecque — les rapports du christianisme avec celle-ci pouvant, espérons-le, jeter quelque éclairage sur les problèmes analogues qui se posent aujourd’hui. Une objection vient néanmoins à l’esprit : les considérations qu’on vient de développer n’impliquent-elles pas une vision « inclusiviste » des cultures, ou tout au moins une vision qui, ayant pour foyer la Révélation chrétienne, ne respecte pas suffisamment l’altérité de ces cultures ? On répondra sans doute, à juste titre, qu’une telle vision ne prétend pas s’imposer à d’autres 45.¥Ibid., p. 184.


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— croyants ou incroyants —, mais que cela n’empêche pas la théologie chrétienne d’envisager les cultures à partir de ses propres présupposés. Un malaise peut néanmoins subsister : reprendre à son compte l’intuition des Pères qui discernaient des « semences du Verbe » dans le monde des nations, ou qui disaient même (dans le cas de Justin) que certains hommes avaient vécu « selon le Logos » et que ceux-là étaient « christianoi », n’est-ce pas projeter exagérément une doctrine chrétienne sur une tradition qui l’ignorait et, de ce fait, succomber à quelque forme de « récupération » indue ? On reconnaît ici l’objection qui fut jadis opposée à la formule rahnérienne du « christianisme anonyme ». Quoi qu’il en soit de cette dernière formule, il importe d’abord de ne pas se méprendre sur le sens de la phrase que nous avons lue chez Justin : elle n’entend pas dire que Socrate ou d’autres auraient été « chrétiens sans le savoir », elle veut en réalité souligner que, si des hommes ont « vécu selon le Logos » (c’est-à-dire s’ils ont tenu un langage de vérité, suivi la voix de leur conscience, recherché la justice, obéi à l’appel intérieur de la Divinité, et même consenti à le payer de leur vie), ils ont été par là même unis au Christ alors même que, vivant avant lui, ils ne le pouvaient pas le connaître ; c’est pourquoi, plutôt que de traduire ici « christianoi » par « chrétiens », il serait plus juste de traduire : ceux qui ont vécu selon le Logos sont « du Christ », ou « appartiennent au Christ ». L’objection rappelée plus haut a certes sa part de vérité : dans la manière même de présenter des écrits du monde grec ancien, il faudra veiller à respecter autant que possible l’altérité de ce monde, comme nous devons le faire par rapport à toute tradition de l’humanité ; et cette exigence, ainsi que nous le préciserons bientôt, aura des répercussions sur la méthode même de notre recherche. Cependant, sous réserve qu’une telle exigence soit effectivement honorée, il demeure légitime d’opérer le travail de discernement qui a été décrit plus haut : les écrits d’une tradition donnée doivent certes être considérés en eux-mêmes, et autant que possible respectés dans leur signification propre, mais cela n’empêche pas de se demander également — d’un point de vue théologique — si ces écrits engagent sur de tout autres chemins que ceux de la tradition biblique, ou si l’on peut au contraire repérer à travers eux de véritables semences d’Évangile. Peut-on se dérober à cette tâche, si l’on tient comme Clément d’Alexandrie que la Vérité est « disséminée » parmi les nations, ou si l’on reconnaît que l’Esprit est à l’œuvre dans le monde et que, là même où le Christ n’est pas connu, il peut susciter des paroles de vérité, des comportements de justice et des témoignages de sainteté ?


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RELIRE LES GRECS AUJOURD’HUI Notre propos est donc de relire à notre tour des textes de la littérature grecque dans la perspective qui a été indiquée ci-dessus — celle d’une « théologie de la culture » au sens large (la « culture » incluant les traditions religieuses elles-mêmes). Ce faisant, nous ne traitons évidemment pas du monde grec ancien en son ensemble, mais l’abordons seulement à travers les écrits de ses poètes, de ses historiens et de ses penseurs ; néanmoins, si précieuses que soient d’autres disciplines (telles l’archéologie, l’épigraphie, ou l’histoire de l’art), l’étude de la littérature demeure bien une voie d’accès privilégiée pour la connaissance de la culture grecque et pour la réflexion que nous entendons mener à son sujet. Nous nous rapporterons à cette littérature dans l’esprit des Pères que nous avons mentionnés, mais nous le ferons, à bien des égards, d’une tout autre manière qu’eux — et cela pour plusieurs raisons qu’il importe de préciser. La première raison est d’ordre théologique : si nous reprenons à notre compte l’intuition fondamentale des « semences du Verbe », notre étude ne saurait par contre obéir à une préoccupation immédiatement « apologétique » — comme s’il s’agissait, à travers l’étude de la littérature grecque, de rassembler avant tout des arguments pour accréditer la foi chrétienne (que ce soit en opposant les propos des Grecs à la vérité évangélique, ou en y trouvant inversement une preuve anticipée de cette vérité). Cette préoccupation était pleinement compréhensible au début de l’ère chrétienne, à l’époque où les chrétiens étaient très minoritaires et parfois même persécutés. Or, si elle s’est maintenue tout au long de l’histoire médiévale et moderne, elle se heurte aujourd’hui à la conscience qu’ont les chrétiens de devoir, comme il a été dit plus haut, respecter l’altérité des cultures. Cela ne veut pas dire que le théologien ne puisse pas évaluer les diverses traditions et se prononcer à leur sujet : au contraire, nous l’avons dit, il doit se livrer à un tel discernement. Il doit cependant le faire avec respect, sans forcer indûment le sens des textes, sans prétendre imposer son jugement à autrui, mais avec la seule préoccupation de montrer comment la Révélation chrétienne projette sa propre lumière sur les traditions en cause — puisque, selon cette Révélation même, Dieu ne s’est pas laissé sans témoignage dans l’histoire de l’humanité, que l’Esprit y est partout à l’œuvre, et que les libertés humaines peuvent l’accueillir ou le refuser… La deuxième raison qui nous empêche de traiter notre sujet à la manière des Pères est qu’il nous faut désormais tenir compte des travaux accomplis


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par nombre de chercheurs à propos de l’Antiquité grecque. Nous ne pensons pas seulement, ici, à des études comme celles de Jaeger ou d’autres auteurs que nous avons mentionnés plus haut (études qui, à des degrés divers, avaient en vue une comparaison entre le monde grec ancien et le christianisme). Nous pensons surtout aux remarquables travaux qui ont été accomplis depuis quelques décennies par des spécialistes de l’Antiquité grecque : Jacqueline de Romilly, Jean-Pierre Vernant, Marcel Detienne, Pierre VidalNaquet, François Hartog… — pour ne citer ici que quelques-uns d’entre eux. De tels travaux ont beaucoup contribué à une meilleure connaissance du monde grec ancien, et notre propre étude en sera nécessairement marquée. Deux autres raisons, enfin, nous conduisent à mener cette étude d’une autre manière que les Pères. D’une part, il est fréquent que ceux-ci citent de brefs passages des auteurs grecs, parfois même des vers isolés, en les arrachant entièrement à leur contexte ; or il n’est plus possible de procéder ainsi de nos jours, si l’on veut éviter de donner à telle ou telle citation une portée indue. Nous aurons nous-même le souci de faire entendre la voix des auteurs anciens (et de la faire même goûter, quand il s’agira de certains vers d’Homère, d’Eschyle ou d’autres poètes…), mais, dans nombre de cas au moins, nous nous efforcerons de présenter en leur ensemble les œuvres des divers écrivains : ainsi les citations seront-elles davantage situées dans leur propre contexte — condition essentielle pour que l’intention des auteurs anciens soit autant que possible respectée. D’autre part, les Pères ont eu nettement tendance à privilégier (outre la figure de Socrate) les écrits des penseurs présocratiques et surtout de Platon ; les références à Homère et aux auteurs tragiques sont beaucoup moins fréquentes, ou plutôt elles sont souvent l’occasion de dénoncer des légendes immorales ou absurdes (même s’il arrive aussi qu’elles aient une fonction positive, comme on le voit en particulier chez Clément d’Alexandrie). Or nous prendrons sur ce point une option différente : certes nous consacrerons toute une partie à la pensée présocratique, à Socrate et à Platon, mais, auparavant, nous nous arrêterons longuement sur Homère et les autres poètes (en particulier les auteurs tragiques), ainsi que sur les historiens (surtout Thucydide). Ce serait en effet se méprendre gravement sur la culture grecque que de l’identifier simplement à la culture du « logos », et nous espérons montrer combien la poésie, l’histoire et le théâtre grecs sont riches d’enseignements dans la perspective de notre étude. Notre projet initial était de couvrir l’ensemble de la littérature grecque jusqu’à l’avènement du christianisme, plus précisément jusqu’au moment où l’apôtre Paul fut lui-même en contact avec le monde de la Grèce.


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L’ampleur de la matière nous a conduit à restreindre le projet : le présent volume ira seulement « d’Homère à Platon ». Certes, demandera-t-on, traiter de Platon (qui écrivit ses dialogues au ive siècle) n’obligeait-il pas à traiter aussi de ses contemporains Isocrate et Xénophon ? Mais, outre que ce volume aurait pris de trop amples dimensions, Isocrate et Xénophon annoncent déjà, par certains aspects au moins, l’époque hellénistique qui demanderait elle-même des développements spécifiques. Fallait-il, à l’inverse, s’arrêter à la fin du ve siècle ou au tout début du ive siècle, sans aller au-delà de Socrate (qui mourut en 399) ? Il nous a paru cependant impossible de ne pas ajouter au chapitre sur Socrate un chapitre sur la pensée platonicienne, quelle qu’ait été l’originalité du disciple par rapport à son maître ; d’où l’option finalement retenue : nous traiterons bien de Platon, mais, pour le reste, nous n’aborderons pas la littérature du ive siècle, ni a fortiori celle de l’époque hellénistique et gréco-romaine. Ainsi délimitée, notre étude comprendra elle-même trois parties. La première, « De l’épopée au récit historique », traitera d’Homère et des autres poètes après lui (notamment Hésiode et Pindare), puis des historiens Hérodote et Thucydide ; elle sera en quelque sorte encadrée par l’évocation de deux guerres, d’une part (à travers l’épopée) la guerre de Troie qui se termina par la victoire des Grecs, d’autre part (à travers le récit historique) la guerre du Péloponnèse qui s’acheva par la défaite des Athéniens. La deuxième partie, consacrée au théâtre, s’arrêtera successivement sur les tragédies d’Eschyle, de Sophocle et d’Euripide, puis sur les comédies d’Aristophane. La troisième partie, enfin, portera sur les penseurs grecs de la période ici considérée : les Présocratiques d’abord, puis Socrate et Platon46. Nous n’oublierons jamais les questions fondamentales qui sont sousjacentes à notre recherche : qu’est-ce que les œuvres ici interrogées nous disent du divin et de l’humain ? ou, pour le dire autrement, de quelle « théologie » et de quelle « anthropologie » témoignent-elles ? Cette « théologie » et cette « anthropologie » éveillent-elles des résonances au regard de la Révélation chrétienne ? Engagent-elles sur des chemins fort éloignés de celle-ci, ou révèlent-elles au contraire, par certains aspects au moins, ce qui peut légitimement apparaître au chrétien comme une « préparation évangélique », ou comme des « semences d’Évangile », ou comme le travail de l’Esprit au sein 46.¥Pour une présentation générale de la littérature grecque, on pourra se reporter aux ouvrages suivants : Robert Flacelière, Histoire littéraire de la Grèce, Fayard, Paris, 1962 ; Jacqueline de Romilly, Précis de littérature grecque, PUF, Paris, 1980 ; Luciano Canfora, Histoire de la Littérature grecque d’Homère à Aristote, Desjonquères, Paris, 1994 ; Suzanne Saïd, Monique Trédé et Alain Le Boulluec, Histoire de la littérature grecque, PUF, Paris, 1997.


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même d’une culture qui, pourtant, ne connaissait pas le Christ ? N’y a-t-il pas là, en tout état de cause, de quoi nous aider à réfléchir sur ce qui est en jeu aujourd’hui même, mutatis mutandis, dans la rencontre du christianisme avec les traditions culturelles et religieuses de l’humanité — y compris celles de l’Extrême-Orient qui nous paraissent les plus éloignées ? Telles sont les questions de fond qui président à notre travail. Les réponses, elles, exigeront beaucoup de retenue : il y va du respect que nous devons aux écrits d’une culture que, malgré tous les efforts fournis, nous ne pouvons connaître de l’intérieur. Nous espérons au moins apporter quelques-unes de ces réponses, et en suggérer beaucoup d’autres à travers notre lecture même des textes anciens. Nous nous rappellerons, en tout cas, l’avertissement d’A.-J. Festugière au seuil de son ouvrage L’idéal religieux des Grecs et l’Évangile : Qui peut entrer dans une âme, proche pourtant par la culture, et l’âge, et l’amitié ? Dieu la pénètre seul. C’est pire lorsqu’il s’agit d’époques révolues. Un maître très cher, qui nous initiait jadis aux réalités de la Grèce, terminait la préface de l’un de ses ouvrages sur un conseil de discrétion. Que savons-nous, au juste, sur la vie religieuse profonde, sur la prière intime, d’un Grec pieux ? Si ce livre doit sembler, comme il l’est, imparfait, l’on voudrait tout au moins qu’il parût fraternel. Toute âme qui cherche Dieu, comment n’émouvrait-elle notre âme47 ?

47.¥A.-J. Festugière, L’idéal religieux des Grecs et l’Évangile, p. 15.


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Première partie DE L’ÉPOPÉE AU RÉCIT HISTORIQUE


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Chapitre premier HOMÈRE

Bien des énigmes entourent encore la composition des deux grandes épopées qui inaugurent la littérature grecque1. Néanmoins, après de nombreuses controverses autour de la « question homérique », on peut aujourd’hui admettre que bon nombre de chants de l’Iliade sont l’œuvre du même poète et qu’il en va pareillement pour l’Odyssée. Robert Flacelière a avancé de solides arguments pour faire valoir l’unité profonde de chaque œuvre — même s’il reconnaît que des interpolations se sont glissées çà et là ; « la plus grande partie de l’Iliade, conclut-il, est l’œuvre d’Homère, et l’Odyssée peut être attribuée au même poète, si l’on admet que l’Iliade est l’œuvre de sa maturité, et l’Odyssée celle de sa vieillesse2 ». En tout état de cause, nous nous situerons ici dans la ligne de l’interprétation « unitaire », faisant pleinement nôtre cette option de Marcel Conche dans ses Essais sur Homère : Nous voulons nous en tenir à l’épopée homérique telle qu’à très peu de chose près, elle existait pour les Grecs anciens — l’important n’étant pas de 1.¥Nous reprendrons dans ce chapitre les traductions de R. Flacelière (pour l’Iliade) et de Victor Bérard (pour l’Odyssée) dans le volume de la Bibliothèque de la Pléiade (Gallimard, Paris, 1955) ; mais nous indiquerons ensuite, à chaque fois, la référence au texte d’Homère dans la Collection des Universités de France : Iliade, texte établi et traduit par Paul Mazon, avec la collab. de Pierre Chantraine, Paul Collart et René Langumier, t. I-IV, 1937-1938 (nouv. éd., 1970-1974) ; Odyssée, texte établi et traduit par V. Bérard, t. I-III, 1924. — Sur Homère, voir notamment : P. Mazon, avec la collab. de P. Chantraine, P. Collart et R. Langumier, Introduction à l’Iliade, CUF, 1942 (rééd. : 1967) ; V. Bérard, Introduction à l’Odyssée, 3 vols, CUF, 1924-1925 ; F. Robert, Homère, PUF, Paris, 1950 ; Gabriel Germain, La genèse de l’Odyssée. Le fantastique et le sacré, PUF, Paris, 1954 ; J. de Romilly, Homère, 4e éd., PUF, Paris, 1999 ; M. Conche, Essais sur Homère, PUF, Paris, 1999. D’autres ouvrages seront également mentionnés par la suite. 2.¥Voir R. Flacelière, dans Histoire littéraire de la Grèce, p. 29.


En lecture partielle‌


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BIBLIOGRAPHIE

Nous ne reprendrons pas tous les livres et articles qui ont été cités dans le cours de l’ouvrage, mais seulement les publications qu’il nous semble plus important de mentionner ici, et notamment celles auxquelles nous avons plus spécialement recouru. Pour les textes des auteurs anciens, nous avons en général utilisé la collection des Universités de France (Les Belles Lettres, Paris). Dans ces cas — sauf exception, comme pour certains poètes étudiés dans le chapitre II —, nous n’indiquerons pas à chaque fois le nom des traducteurs ni l’année de parution : le lecteur se reportera pour cela aux indications données dans les notes. Nous indiquerons par contre les autres éditions auxquelles nous avons parfois renvoyé. Pour une information plus complète, le lecteur pourra se reporter à l’importante Bibliographie qui a été publiée dans l’ouvrage de S. Saïd, M. Trédé, A. Le Boulluec : Histoire de la littérature grecque, PUF, Paris, 1997, p. 643 et suiv. Pour les années plus récentes, on consultera notamment les volumes annuels de l’Année Philologique, ainsi que les articles et comptes rendus publiés dans la Revue des Études grecques.

1. études sur « le monde grec ancien » ou sur « christianisme et hellénisme » Guillaume Bady, « Socrate entre païens et chrétiens : procès sans fin ou héritage commun ? », dans Revue des études grecques, 127 (2014), p. 377-395. Hans Urs von Balthasar, La Gloire et la Croix, IV. Le Domaine de la métaphysique. Les fondations, Aubier-Montaigne, Paris, 1965. Luciano Canfora, Histoire de la Littérature grecque d’Homère à Aristote, trad. de l’italien, Desjonquères, Paris, 1994. Édouard des Places, La Religion grecque, Picard, Paris, 1969. Marcel Detienne, Les maîtres de vérité dans la Grèce archaïque, Maspero, Paris, 1967.


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Bibliographie

Eric Robertson Dodds, Les Grecs et l’Irrationnel, trad. de l’anglais, Aubier/ Montaigne, Paris, 1965 (nouv. éd. : Flammarion, Paris, 1995). André-Jean Festugière, L’idéal religieux des Grecs et l’Évangile, Gabalda, Paris, 1932. Robert Flacelière, Histoire littéraire de la Grèce, Fayard, Paris, 1962. Louis Gernet, Anthropologie de la Grèce antique, Flammarion, Paris, 1982. François Hartog, Partir pour la Grèce, Flammarion, Paris, 2015. Werner Jaeger, Paideia. La formation de l’homme grec, trad. de l’allemand, Gallimard, Paris, 1964. —, À la naissance de la théologie. Essai sur les présocratiques, trad. de l’allemand, Cerf, Paris, 1966. —, Le christianisme ancien et la paideia grecque, trad. de l’anglais, Centre de Recherche Pensée Chrétienne et Langage de la Foi, Université de Metz, 1980. Fabienne Jourdan, Orphée et les chrétiens, vol. 1, La réception du mythe d’Orphée dans la littérature grecque des cinq premiers siècles, du repoussoir au préfigurateur du Christ, Les Belles Lettres, Paris, 2010. Dennis R. MacDonald, The New Testament and Greek Literature, vol. 1, The Gospels and Homer. Imitations of Greek Epic in Mark and Luke-Acts, Rowman & Littlefield, Lanham/Boulder/New York/London, 2015. Henri-Irénée Marrou, Histoire de l’éducation dans l’Antiquité, Seuil, Paris, 1948. Arnaldo Momigliano, Sagesses barbares. Les limites de l’hellénisation, trad. de l’anglais, Maspero, Paris, 1979. Michel Narcy et Éric Rebillard (éd.), Hellénisme et christianisme, Presses universitaires du Septentrion, Villeneuve-d’Ascq, 2004. Arthur Darby Nock, Christianisme et hellénisme, trad. de l’anglais, Cerf, Paris, 1973. Arnaud Perrot (éd.), Les chrétiens et l’hellénisme. Identités religieuses et culture grecque dans l’Antiquité tardive, Presses de l’École Normale Supérieure, Paris, 2012. Hugo Rahner, Mythes grecs et mystère chrétien, trad. de l’allemand, Payot, Paris, 1954. Erwin Rohde, Psychè. Le culte de l’âme chez les Grecs et leur croyance à l’immortalité, trad. de l’allemand, Payot, Paris, 1928. Jacqueline de Romilly, Précis de littérature grecque, PUF, Paris, 1980. Suzanne Saïd, Monique Trédé et Alain Le Boulluec, Histoire de la littérature grecque, PUF, Paris, 1997. Jean-Pierre Vernant, Mythe et pensée chez les Grecs. Études de psychologie historique, La Découverte / Poche, Paris, 1998. —, L’Univers, les Dieux, les Hommes. Récits grecs des origines, Seuil, Paris, 1999. —, L’homme grec, Seuil, Paris, 1993. Simone Weil, Intuitions pré-chrétiennes, La Colombe/éd. du Vieux Colombier, Paris, 1951. —, La Source grecque, Gallimard, Paris, 1953.


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Bibliographie

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2. auteurs grecs : textes et études Homère a) Textes L’Iliade et l’Odyssée : texte et trad. dans la collection des Universités de France. Homère, trad. par Robert Flacelière (pour l’Iliade) et Victor Bérard (pour l’Odyssée), Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, Paris, 1955. b) Études Victor Bérard, Introduction à l’Odyssée, 3 vol., CUF, 1924-1925. Rachel Bespaloff, De l’Iliade, éditions Allia, Paris, 2004. Félix Buffière, Les mythes d’Homère et la pensée grecque, Les Belles Lettres, Paris, 1956. Pietro Citati, La pensée chatoyante. Ulysse et l’Odyssée, trad. de l’italien, Gallimard, Paris, 2004. Marcel Conche, Essais sur Homère, PUF, Paris, 1999. André Corlu, Recherches sur les mots relatifs à l’idée de prière, d’Homère aux Tragiques, Klincksieck, Paris, 1966. David-Artur Daix, « Achille au chant XXIV de l’Iliade : lion exécrable ou héros admirable ? », dans RÉG, 127 (2014), p. 1-27. Paul Mazon, avec la collaboration de Pierre Chantraine, Paul Collart et René Langumier, Introduction à l’Iliade, CUF, 1942 (rééd. : 1967). Hélène Monsacré, Les larmes d’Achille. Le héros, la femme et la souffrance dans la poésie d’Homère, Albin Michel, Paris, 1984. Fernand Robert, Homère, PUF, Paris, 1950. Jacqueline de Romilly, Homère, 4e éd., PUF, Paris, 1999. Simone Weil, « L’Iliade ou le poème de la force », dans Simone Weil, Œuvres, Gallimard, 1999, p. 529-552. D’Hésiode à Pindare Hésiode : texte et trad. dans la collection des Universités de France. Hésiode, La Théogonie, Les Travaux et les Jours, et autres poèmes, trad. Philippe Brunet, Garnier, Paris, 1999. Homère, Hymnes, texte établi et traduit par J. Humbert, CUF, 1951.


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Bibliographie

Archiloque, Fragments, texte établi par Eugène Lasserre, traduit et commenté par André Bonnard, CUF, 1958. Émile Bergougnan, Hésiode et les poètes élégiaques et moralistes de la Grèce, traduction nouvelle, Garnier, Paris, 1940. Théognis, Poèmes élégiaques, texte établi et traduit par Jean Carrière, CUF, 1948. Les élégiaques grecs, édition, introduction et commentaire de Jean Defradas, PUF, Paris, 1962. Poétesses grecques, Sapphô, Corinne, Anytè…, présentation, trad. et notes par Yves Battistini, Imprimerie nationale Éditions, 1998 ; Sapphô, trad. par Yves Battistini, Gallimard, 2005. Bacchylide, Dithyrambes – Épinicies – Fragments, texte établi par Jean Irigoin et traduit par Jacqueline Duchemin et Louis Bardollet, CUF, 1993. Marguerite Yourcenar, La Couronne et la Lyre. Poèmes traduits du grec, Gallimard, Paris, 1979. Pindare, Hymnes, collection des Universités de France. Jacqueline Duchemin, Pindare poète et prophète, Les Belles Lettres, Paris, 1955. Hérodote et Thucydide a) Textes Hérodote, Histoires : texte et trad. dans la collection des Universités de France. Thucydide, La Guerre du Péloponnèse : texte et trad. dans la collection des Universités de France. Historiens grecs : Hérodote, L’Enquête, texte présenté, traduit et annoté par Andrée Barguet ; La Guerre du Péloponnèse, texte présenté, traduit et annoté par Denis Roussel, Gallimard, Paris, 1964. b) Études François Hartog, Le miroir d’Hérodote. Essai sur la représentation de l’autre, Gallimard, Paris, 1980. Jacques Lacarrière, En cheminant avec Hérodote, Hachette, Paris, 1998. Philippe-Ernest Legrand, Hérodote, introduction, CUF, 1932. Pierre Ponchon, Thucydide philosophe. La raison tragique dans l’histoire, Jérôme Million, Grenoble, 2017. Jacqueline de Romilly, Thucydide et l’impérialisme athénien, Les Belles Lettres, Paris, 1947. —, Histoire et raison chez Thucydide, Paris, 1956. —, Alcibiade ou les dangers de l’ambition, Éditions de Fallois, Paris, 1995.


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Bibliographie

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Eschyle, Sophocle, Euripide, Aristophane a) Textes Eschyle, Sophocle, Euripide, Aristophane : texte et trad. dans la collection des Universités de France. Les Tragiques grecs. Eschyle. Sophocle. Euripide. Théâtre complet avec un choix de fragments, trad. par Victor-Henri Debidour, « La Pochothèque », Éditions de Fallois, Paris, 1999. Aristophane, Théâtre complet, t. 1 et 2, trad. par Victor-Henri Debidour, Le livre de poche, Gallimard et Librairie Générale Française, 1965 et 1966. b) Études André Bremond, « La “théologie” d’Eschyle », dans RSR 15 (1925), p. 127-163. Fernand Chapouthier, « Euripide et l’accueil du divin », dans La notion du divin depuis Homère jusqu’à Platon, Entretiens sur l’Antiquité classique, Fondation Hardt, t. I, Vandoeuvres/Genève, 1954, p. 205-225. Victor-Henri Debidour, Aristophane par lui-même, Seuil, Paris, 1962. Jacqueline de Romilly, La tragédie grecque (1re éd. : 1970), 5e éd., Quadrige/PUF, Paris, 1994. —, Le temps dans la tragédie grecque, Vrin, Paris, 1971. —, Tragédies grecques au fil des ans, Les Belles Lettres, Paris, 1995. Jean-Pierre Vernant et Pierre Vidal-Naquet, Mythe et tragédie en Grèce ancienne, Maspero, Paris, 1972. —, Œdipe et ses mythes, Complexe, Bruxelles, 1988. André Wartelle, « La pensée théologique d’Eschyle », dans Bulletin de l’Association Guillaume Budé, 30 (1971), p. 535-580. Philosophie et religion a) Textes Hermann Diels et Walther Kranz, Die Fragmente der Vorsokratiker, 3 vol., 7e éd., Weidmann, Berlin-Charlottenburg, 1954-1956. Jean Voilquin, Les penseurs grecs avant Socrate. De Thalès de Milet à Prodicos, GF Flammarion, Paris, 1964. Les Présocratiques, éd. par Jean-Paul Dumont avec la collaboration de Daniel Delattre et Jean-Louis Poirier, Gallimard, Paris, 1988. Abel Jeannière, Héraclite. Traduction et commentaire des fragments, 3e éd. revue et augmentée, Aubier, Paris, 1985.


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Bibliographie

Héraclite, Fragments, texte établi, traduit, commenté par Marcel Conche, PUF, 1986 Jean Bollack, Empédocle, t. I-III, Éditions de minuit, Paris, 1965-1969 ; nouv. éd, Gallimard, Paris, 1992. Platon, Œuvres complètes : texte et trad. dans la collection des Universités de France. Platon, trad. Léon Robin, avec la collaboration de Joseph Moreau, 2 vol., « Bibliothèque de la Pléiade », Gallimard, Paris, 1950. b) Études Daniel Babut, La religion des philosophes grecs de Thalès aux Stoïciens, PUF, Paris, 1974. Luc Brisson, Platon, Cerf, Paris, 2017. Paul Decharme, La critique des traditions religieuses chez les Grecs des origines au temps de Plutarque, Picard, Paris, 1904. Auguste Diès, Autour de Platon. Essais de critique et d’histoire, Beauchesne, Paris, 1927. André-Jean Festugière, Socrate, Cerf, Paris, 1977. Victor Goldschmidt, La religion de Platon, PUF, Paris, 1949 ; Id., Les Dialogues de Platon. Structure et méthode, 3e éd., PUF, Paris, 1971. Romano Guardini, La mort de Socrate. Interprétation des dialogues philosophiques Euthyphron, Apologie, Criton, Phédon, trad. de l’allemand par P. Ricœur, Seuil, Paris, 1956 ; rééd., Ipagine, Paris, 2015. William Keith Chambers Guthrie, A History of Greek Philosophy, vol. I-III, Cambridge University Press, 1962, 1965 et 1969. — Les sophistes, trad. de l’anglais, Payot, Paris, 1976. — Socrates, Cambridge University Press, 1971. Pierre Hadot, « La figure de Socrate », dans Exercices spirituels et philosophie antique, 3e éd. revue et augmentée, Institut d’Études Augustiniennes, Paris, 1993, p. 77-116. Werner Jaeger, À la naissance de la théologie. Essai sur les présocratiques, trad. de l’allemand, Cerf, Paris, 1966. Abel Jeannière, La pensée d’Héraclite d’Éphèse et la vision présocratique du monde, Aubier-Montaigne, Paris, 1959. — Lire Platon, Aubier, Paris, 1990. Clémence Ramnoux, Études présocratiques, Klincksieck, Paris, I (1970) et II (1983). — Héraclite entre les choses et les mots, Les Belles Lettres, Paris, 1959. Jean-Pierre Vernant, « Les origines de la philosophie », dans J.-P. Vernant et P. Vidal-Naquet, La Grèce ancienne, 1, du mythe à la raison, p. 229-238. — Les origines de la philosophie grecque, PUF, Paris, 1962 (7e éd. : 1997). Philosophie grecque, sous la dir. de Monique Canto-Sperber, PUF, Paris, 1997. Les débuts de la philosophie. Des premiers penseurs grecs à Socrate, textes édités, réunis et traduits par André Laks et Glenn W. Most, Fayard, Paris, 2016.


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INDEX DES NOMS CITÉS Aétius : 45, 355, 361, 366 Alcée : 105, 113, 115 Alcman : 115 Aletti, Jean-Noël : 261 Anacréon : 105, 114 Anaxagore : 181, 282, 375-380, 397, 402, 423, 428, 431 Anaximandre : 351-354, 361, 365, 370, 378, 423 Anaximène : 337, 351, 353, 354, 377, 378 Archiloque : 105-109, 358, 468 Arctinos : 98 Aristophane : 34, 107, 114, 153, 165, 191, 264, 316-326, 327, 333 Aristote : 27, 34, 179, 307, 345, 351, 352, 365, 376, 388, 463, 465 Assmann, Jan : 446 Athénagore : 407 Augustin : 14, 15 21, 410, 459 Babut, Daniel : 9, 347, 352, 355-357, 359362, 366, 370, 373, 376-378, 380-382, 384, 386-388, 396-401, 413, 416-422, 449, 450, 470 Bacchylide : 86, 105, 116, 126, 129-132, 468 Bady, Guillaume : 410, 465 Bailey, Cyril : 381 Balmary, Marie : 235 Balthasar, Hans Urs von : 25, 41, 65-67, 69, 74, 75, 77, 84, 85, 252, 253, 308, 313, 314, 465 Bardollet, Louis : 129, 488

Barguet, Andrée : 134, 468 Battistini, Yves : 114, 468 Baudelaire, Charles : 322 Beauchamp, Paul : 457, 458 Bérard, Victor : 39, 54, 80, 467 Bergougnan, Émile : 109, 112, 113, 468 Bespaloff, Rachel : 42, 44, 47, 51, 63, 81, 82, 467 Bodin, Louis : 173-176 Bollack, Jean : 368, 370, 470 Bonnard, André : 106-108, 468 Bremond, André : 189, 193, 215, 217, 224, 469 Brisson, Luc : 414, 470 Brunet, Philippe : 87, 467 Brunoy, Pierre : 281 Buffière, Félix : 84, 467 Callinos : 105, 109 Canto-Sperber, Monique : 347, 414, 470 Carrière, Jean : 109, 468 Cassiodore : 14 Celse : 4, 19, 359, 409, 410, 441, 459 Chambry, Émile : 415, 426, 435 Chantraine, Pierre : 39, 467 Chapouthier, Fernand : 294, 296-299, 312, 469 Chateaubriand, François-René : 44, 182, 183 Chronidès : 191 Citati, Pietro : 54, 56, 82, 83, 467 Claudel, Paul : 210, 215, 216


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Index des noms cités

Clément d’Alexandrie : 5, 10, 18, 23, 2731, 33, 77, 83, 119, 123, 127, 345, 350, 441, 460, 464 Collart, Paul : 39, 467 Conche, Marcel : 39, 40, 64-66, 68, 70-73, 78-80, 358, 467, 470 Corlu, André : 75, 467 Cornford, Francis Macdonald : 346 Coulon, Victor : 317 Cratès : 191, 317 Cratinos : 317 Critias : 383, 386, 387, 413, 417 Croiset, Maurice : 332, 389, 394, 396, 397, 402-404, 412 Crouzel, Henri : 433 Cyrille d’Alexandrie : 19 Debidour, Victor-Henri : 9, 191, 198, 200, 201, 203, 206, 218, 222, 223, 225-227, 229, 232, 235, 240, 241, 246, 247, 249, 251, 256, 259, 263, 265, 269, 273-275, 278-280, 283, 284, 288, 290, 295-298, 302, 303, 316-319, 322-324, 325, 328, 329, 331, 335-337, 339, 469 Decharme, Paul : 347, 470 Defradas, Jean : 95, 109, 112, 468 Delattre, Daniel : 345, 469 Delebecque, Édouard : 178 Denys l’Aréopagite : 19, 367, 459 Des Places, Édouard : 24, 76, 77, 88, 97, 104, 217, 223, 224, 338, 441, 465 Detienne, Marcel : 33, 347, 465 Diels, Hermann : 345, 368, 423, 469 Diès, Auguste : 414, 415, 421, 423-425, 429, 434, 470 Diogène : 282, 375, 377-381, 397, 423, 424 Diogène Laërce : 113, 345, 366 Duchemin, Jacqueline : 117-129, 468 Dumont, Jean-Paul : 345, 469 Empédocle : 127, 346, 349, 367-375, 387, 423, 470 Épictète : 260 Épicure : 27, 374, 382, 407 Eschine : 153 Eschyle : 10, 33, 34, 42, 53, 96, 98, 119, 120, 147, 151, 183, 189-191, 193-197,

199-211, 213-224, 240, 251, 255, 262, 263, 284, 287-289, 294, 296, 298, 301, 306, 311-313, 315, 316, 334-336, 417, 418, 435, 453, 454, 469 Eugamnon : 98 Euripide : 10, 34, 157, 183, 189, 191, 216, 240, 254-273, 375-309, 311-316, 319, 331, 333-335, 340, 417, 418, 454, 456, 469 Eusèbe de Césarée : 18, 28, 119, 123, 345, 350, 397, 441 Euthydème : 383 Fénelon, François de : 83 Festugière, André-Jean : 22, 35, 441, 442, 449, 466, 470 Flacelière, Robert : 34, 39, 50, 64, 74, 466, 467 Girard, René : 309 Giraudoux, Jean : 40, 242, 243 Goossens, Roger : 300 Goldschmidt, Victor : 21, 414, 426, 470 Gorgias : 172, 181, 308, 338, 383-386, 390 Grégoire, Henri : 254,276-281, 286, 287, 291-294, 300, 301, 303-305 Grégoire de Nazianze : 13, 310 Grillet, Robert : 182 Grousset, René : 85 Guardini, Romano : 394, 404, 410, 411, 429, 470 Guthrie, William Keith Chambers : 347, 378, 383, 388, 470 Hadot, Pierre : 388, 393, 470 Hani, Jean : 401 Hartog, François : 33, 135, 137, 466, 468 Hécatée : 133, 135, 140, 358 Héraclite : 5, 26, 70, 282, 357-363, 365367, 372, 374, 378, 382, 383, 387, 407, 423, 445, 459, 469, 470 Héraclite (auteur des Allégories d’Homère) : 71 Hermippos : 317 Hérodote : 130, 132-151, 181, 184, 185, 193, 194, 287, 290, 448, 454, 468 Hésiode : 21, 25, 34, 57, 86-98, 107, 109, 120, 127, 217, 223, 224, 335, 353, 354, 356, 358, 360, 370, 399, 414, 415, 453, 467, 468


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Index des noms cités

Hippias : 330, 383, 392, 413 Hipponax : 106 Homère : 10, 19, 22, 22, 24, 25, 28, 33, 34, 39-42, 48, 50, 51, 62, 64-78, 81-88, 98, 106, 108, 121, 127, 130, 151, 184, 195, 301, 312, 354, 356-358, 408, 414, 415, 445, 449, 452-454, 463, 465, 467, 469 Humbert, Jean : 99-102, 467 Hymnes homériques : 86, 98, 104, 113 Hymnes orphiques : 99, 349, 350 Ibycos : 105, 115 Ildefonse, Frédérique : 449 Irigoin, Jean : 129, 468 Isidore de Séville : 14 Isocrate : 34 Ivánka, Endre von : 441 Jaccottet, Philippe : 54 Jaeger, Werner : 20,21, 33, 347, 355, 373, 376, 381, 383, 386, 390, 466, 470 Jaspers, Karl : 445-447, 461 Jeannière, Abel : 358, 359, 414, 469, 470 Jouan, François : 305, 307-310 Jourdan, Fabienne : 350, 466 Julien : 19, 410, 459 Justin : 5, 10, 18, 26-29, 31, 318, 362, 406411, 427, 460, 464 Kern, Otto : 349 Kranz, Walther : 345, 423, 469 Labriolle, Pierre de : 410 Laks, André : 347, 470 Langumier, René : 39, 467 Le Boulluec, Alain : 34, 465, 466 Legrand, Philippe-Ernest : 134, 135, 138, 139, 141, 142, 144, 145, 147, 149, 468 Leschès : 98 Leucippe : 379, 380 Libanios : 410 Liberman, Gauthier : 113 Lucrèce : 374, 382 Magnès : 191, 317 Marrou, Henri-Irénée : 20, 390, 466 Masqueray, Paul : 225, 226, 232 Mazon, Paul : 24, 39, 50, 74, 86-93, 96, 97, 194, 202, 206, 208, 213, 217, 221, 225, 232, 237, 301, 467

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McIntyre, Alasdair : 73 Méridier, Louis : 263-266, 268, 270, 294, 296, 417 Meunier, Jules : 254, 300 Mimnerme : 105, 109 Minucius Felix : 410 Mondésert, Claude : 464 Moreau, Joseph : 412, 470 Most, Glenn W. : 347, 470 Murray, Gilbert : 303 Narcy, Michel : 21, 24, 466 Nietzsche, Friedrich Wilhelm : 365 Nock, Arthur Darby : 24, 466 Numénius : 441 Origène : 4, 10, 14, 19, 359, 409, 410, 433, 459 Orphicorum Fragmenta : 349 Ovide : 260 Parménide : 346, 347, 357, 363-368, 379, 385, 387, 413 Parmentier, Louis : 273, 282, 285, 288 Péguy, Charles : 25, 43, 83, 236-239 Philolaos : 366 Philon d’Alexandrie : 84 Phocylide : 105 Phrynichos : 189, 194 Pieris, Aloysius : 16 Pindare : 25, 34, 86, 105, 116-129, 146, 149, 417, 467, 468 Platon : 14, 19, 21-23, 25-28, 33, 34, 163, 260, 312, 331, 337, 339, 340, 344, 345, 364, 365, 367, 374, 376, 383-386, 388391, 394-397, 399, 400, 403-405, 408, 409,412-431, 433, 434, 437-442, 445, 448, 449, 451, 453, 455, 456, 459, 463, 464, 469, 470 Plutarque : 104, 112, 129, 135, 347, 375, 376, 388, 401, 470 Poirier, Jean-Louis : 345, 469 Ponchon, Pierre : 150, 182-184, 468 Porphyre : 19, 28, 441, 459 Pratinas : 189 Proclus : 19, 345, 365, 367, 441, 459 Prodicos : 113, 181, 345, 383, 385, 386, 469 Protagoras : 142, 260, 338, 383, 384, 386, 390-392, 402, 413, 419


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Index des noms cités

Puech, Aimé : 116, 119, 123 Pythagore : 23, 118, 124, 125, 127, 346349, 358 Racine, Jean : 40,44, 83, 265, 268, 280, 281, 294, 304, 308, 323 Rahner, Hugo : 23, 466 Rahner, Karl : 29 Ramnoux, Clémence : 347, 358, 363, 470 Reinhardt, Karl Ludwig : 366 Ricœur, Paul : 394, 470 Rivaud, Albert : 418, 424 Robert, Fernand : 64 Robin, Léon : 396, 400, 412, 417, 429, 433, 470 Rohde, Erwin : 346, 349, 466 Romanos : 304 Römer, Thomas : 449 Romilly, Jacqueline de : 33, 34, 39, 44, 50, 65, 67, 79, 86, 89, 91, 98, 110, 132, 134, 146, 147, 150, 151, 153, 154, 156-161, 163, 164, 166, 168, 169, 172-176, 179, 181, 189, 190, 193, 194, 225, 242, 248, 251, 253, 254, 258, 292, 311, 315, 331, 412, 466-469 Roussel, Denis : 150, 183, 468 Sabbah, Guy : 182 Saffrey, Henri Dominique : 19, 365 Saïd, Suzanne : 34, 465, 466 Sapho : 105 Schilling, Robert : 74 Sémonide : 106 Sesboüé, Bernard : 10 Sextus Empiricus : 380, 381-385 Simonide : 115, 116, 129 Simplicius : 345 Socrate : 5, 9, 10, 26, 31, 33, 34, 113, 233, 287, 316, 336-340, 344, 345, 357-362, 364, 365, 368, 374, 376-417, 419-421, 423, 424, 429-439, 451, 453, 455, 457, 458, 465, 469, 470 Solon : 98, 105, 107, 109, 111-113, 137, 144, 146, 148, 223, 224

Sophocle : 53, 183, 189-191, 199, 200, 210, 216, 221, 225-227, 229, 231, 233-244, 246, 248, 250-255, 265, 272, 273, 276, 287, 294-296, 311-313, 315, 316, 334, 454, 469 Sozomène : 182 Stahl, Hans-Peter : 183 Stésichore : 105, 115 Terpandre : 115 Thalès : 113, 345, 347, 351, 352, 354-357, 359-362, 366, 370, 373, 376, 377, 380382, 384, 386, 388, 396-400, 413, 416418, 420-422, 424, 469, 470 Théognis : 105, 109-111, 468 Théophile : 409 Théophraste : 113, 345 Thespis : 189 Thucydide : 11, 33, 34, 52, 132, 137, 149157, 159-169, 171-185, 292, 318, 320, 322, 327, 445, 448, 454, 455, 468 Trédé, Monique : 34, 465, 466 Tyrtée : 109, 110 Van Daele, Hilaire : 317 Vernant, Jean-Pierre : 21, 33, 47, 48, 54, 5557, 59, 60, 62, 94, 95, 190, 234, 346, 347, 353, 359, 364, 450, 452, 466, 469, 470 Vidal-Naquet, Pierre : 33, 183, 190, 234, 346, 353, 359, 384, 469, 470 Virgile : 15, 40, 74, 131 Voilquin, Jean : 113, 345, 348-351, 356, 358, 359, 362, 364, 365, 367, 374, 378380, 383, 385, 386, 469 Wartelle, André : 224, 469 Weil, Raymond : 161, 163, 176, 179, 292 Weil, Simone : 21, 22, 52, 53, 78, 81, 82, 221, 222, 242, 466, 467 Xénophane :354-359, 361, 365, 367, 372, 374, 386, 397, 414, 417, 450, 453 Xénophon : 34, 378, 385, 388, 390, 395401, 403, 404, 421 Yourcenar, Marguerite : 109, 114, 115, 468 Zeller, Eduard : 368


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TABLE DES MATIÈRES

Liste des abréviations ………………………………………………………

5

Avant-propos ………………………………………………………………

9

Introduction

………………………………………………………………

Les Pères de l’Église et la culture antique ……………………………… L’horizon de la recherche ……………………………………………… Études antérieures ……………………………………………………… Les « semences du Verbe » ……………………………………………… Relire les Grecs aujourd’hui ……………………………………………

13 13 15 20 26 32

Première partie DE L’ÉPOPÉE AU RÉCIT HISTORIQUE Chapitre Ier. Homère ……………………………………………………… 1. Les héros de l’Iliade ………………………………………………… Le cas d’Hélène …………………………………………………… Le roi Priam ………………………………………………………… Andromaque et Hector ……………………………………………… Achille ……………………………………………………………… 2. L’aventure d’Ulysse ………………………………………………… Du pays des Lotophages à l’île de Calypso …………………………… L’île des Phéaciens et le retour à Ithaque …………………………… 3. Le monde des dieux ………………………………………………… Puissances divines et primauté de Zeus ……………………………… Des dieux tournés vers les hommes ………………………………… 4. L’idéal de l’humanité ………………………………………………… L’homme dans le monde …………………………………………… La dimension religieuse …………………………………………… Humanité d’Homère ……………………………………………… Conclusion ……………………………………………………………

39 41 41 43 43 46 53 55 60 63 63 68 70 70 73 78 81


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Table des matières

Chapitre II. D’Hésiode à Pindare : la poésie de l’époque archaïque ……… 1. Hésiode …………………………………………………………… La Théogonie ……………………………………………………… Les Travaux et les Jours ……………………………………………… 2. Les Hymnes homériques ……………………………………………… D’Apollon aux Dioscures …………………………………………… L’Hymne à Déméter ………………………………………………… 3. La poésie lyrique (en dehors de Pindare) ……………………………… La poésie iambique ………………………………………………… La poésie élégiaque ………………………………………………… 4. Pindare et Bacchylide ……………………………………………… Pindare : les Muses, Apollon, Zeus ………………………………… Valeurs morales et spirituelles ……………………………………… L’espoir de l’immortalité …………………………………………… Les poèmes de Bacchylide ……………………………………………

86 86 87 91 98 99 102 105 106 109 116 116 120 125 129

Chapitre III. Les historiens du ve siècle …………………………………… 1. Hérodote …………………………………………………………… Grecs et Barbares …………………………………………………… La religion d’Hérodote ……………………………………………… La responsabilité humaine ………………………………………… 2. Thucydide …………………………………………………………… Les causes de la guerre (livre I) ……………………………………… Les trois premières années ; le rôle de Périclès (livre II) ……………… Les trois années suivantes : Mitylène, Platée, Corcyre… (livre III) …… De l’affaire de Pylos à la paix de Nicias (livres IV et V, 1-24) ………… L’entre-deux-guerres, et l’affaire de Mélos (livre V, 25-116) …………… L’expédition de Sicile (livres VI et VII) ……………………………… Évolutions de la guerre et politique intérieure (livre VIII) …………… Conclusion ……………………………………………………………

133 134 136 139 144 150 151 156 161 163 169 173 176 180

Deuxième partie LE THÉÂTRE Chapitre IV. Eschyle ……………………………………………………… 1. Les Perses …………………………………………………………… 2. Les Sept contre Thèbes ……………………………………………… 3. Les Suppliantes ……………………………………………………… 4. L’Orestie : Agamemnon, Les Choéphores, Les Euménides ……………… Agamemnon ……………………………………………………… Les Choéphores ……………………………………………………… Les Euménides ……………………………………………………… 5. Prométhée enchaîné …………………………………………………

193 194 199 202 206 206 210 212 217


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Table des matières

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Chapitre V. Sophocle ……………………………………………………… 1. Ajax ………………………………………………………………… 2. Les Trachiniennes …………………………………………………… 3. Antigone …………………………………………………………… 4. Œdipe roi …………………………………………………………… 5. Électre ……………………………………………………………… 6. Philoctète …………………………………………………………… 7. Œdipe à Colone ………………………………………………………

225 226 228 230 233 240 243 246

Chapitre VI. Euripide ……………………………………………………… 1. Les premières pièces : Alceste et Médée ……………………………… Alceste ……………………………………………………………… Médée ……………………………………………………………… 2. Des Héraclides à Ion ………………………………………………… Les Héraclides ……………………………………………………… Hippolyte …………………………………………………………… Andromaque ……………………………………………………… Hécube …………………………………………………………… Héraclès …………………………………………………………… Les Suppliantes ……………………………………………………… Ion ………………………………………………………………… 3. Des Troyennes à Oreste ……………………………………………… Les Troyennes ……………………………………………………… Iphigénie en Tauride ………………………………………………… Électre ……………………………………………………………… Hélène ……………………………………………………………… Les Phéniciennes …………………………………………………… Oreste ……………………………………………………………… 4. Les dernières pièces : Les Bacchantes ; Iphigénie à Aulis ……………… Les Bacchantes ……………………………………………………… Iphigénie à Aulis …………………………………………………… Excursus : Rhésos ……………………………………………………… Conclusion ……………………………………………………………

254 255 255 258 262 262 264 267 269 272 275 278 281 281 285 287 290 294 296 299 299 305 309 311

Chapitre VII. Aristophane ………………………………………………… 1. La guerre et la paix ………………………………………………… Les Acharniens ……………………………………………………… Les Cavaliers ……………………………………………………… Les Guêpes ………………………………………………………… La Paix …………………………………………………………… Les Oiseaux ………………………………………………………… Lysistrata …………………………………………………………… Les Grenouilles, L’Assemblée des femmes, Ploutos …………………… 2. Satires littéraires et philosophiques …………………………………… Les Thesmophories et Les Grenouilles ………………………………… Les Nuées ……………………………………………………………

316 318 318 320 321 323 326 328 330 333 333 336


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Table des matières

478

Troisième partie PHILOSOPHIE ET RELIGION Chapitre VIII. Les Présocratiques ………………………………………… 1. Le pythagorisme et l’orphisme ……………………………………… 2. Les physiologues ioniens …………………………………………… 3. Xénophane ………………………………………………………… 4. Héraclite …………………………………………………………… 5. Parménide et l’école d’Élée ………………………………………… 6. Empédocle ………………………………………………………… 7. Anaxagore et Diogène ……………………………………………… Anaxagore de Clazomènes ………………………………………… Diogène d’Apollonie ……………………………………………… 8. Démocrite d’Abdère ………………………………………………… 9. Les sophistes …………………………………………………………

345 348 351 354 357 363 367 375 375 377 379 383

Chapitre IX. Socrate

1. Une alternative par rapport aux sophistes …………………………… La méthode de Socrate ……………………………………………… Euthyphron ………………………………………………………… 2. La religion de Socrate ……………………………………………… La part de la tradition ……………………………………………… Les croyances de Socrate …………………………………………… 3. Le procès et la mort de Socrate ……………………………………… Les faits …………………………………………………………… L’Apologie de Socrate ……………………………………………… 4. Socrate au regard du christianisme ancien ……………………………

………………………………………………………

388 389 389 394 395 395 396 401 401 404 406

Chapitre X. Platon ………………………………………………………… 1. La religion de Platon ………………………………………………… Le versant critique ………………………………………………… La doctrine sous-jacente …………………………………………… 2. Le Dieu de Platon …………………………………………………… 3. L’eschatologie du Phédon …………………………………………… 4. La République : le juste humilié et la récompense des bons …………… Le juste humilié …………………………………………………… Le Jugement …………………………………………………………

412 414 414 416 422 429 434 434 437

CONCLUSION Conclusion ………………………………………………………………… Une « période axiale » ? ………………………………………………… La question de fond ……………………………………………………

445 445 447


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Table des matières

479

Altérité et proximité …………………………………………………… La portée de la littérature ……………………………………………… Figures d’humanité et « typologie » chrétienne ………………………… Un discernement spirituel ……………………………………………… De la Grèce à l’Asie ……………………………………………………

449 453 457 459 461

Bibliographie ……………………………………………………………… 1. Études sur « le monde grec ancien » ou sur « christianisme et hellénisme » … 2. Auteurs grecs : textes et études ……………………………………… Homère …………………………………………………………… a) Textes ………………………………………………………… b) Études ……………………………………………………… D’Hésiode à Pindare ……………………………………………… Hérodote et Thucydide ……………………………………………… a) Textes ………………………………………………………… b) Études ……………………………………………………… Eschyle, Sophocle, Euripide, Aristophane …………………………… a) Textes ………………………………………………………… b) Études ……………………………………………………… Philosophie et religion ……………………………………………… a) Textes ………………………………………………………… b) Études ………………………………………………………

465 465 467 467 467 467 467 468 468 468 469 469 469 469 469 470

Index des noms cités ………………………………………………………

471

Table des matières …………………………………………………………

475


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Achevé d’imprimer en juin 2019 sur les presses de la Nouvelle Imprimerie Laballery 58500 Clamecy Dépôt légal : juin 2019 Numéro d’impression : xxxxxx Imprimé en France La Nouvelle Imprimerie Laballery est titulaire de la marque Imprim’Vert®



Q

Michel FÉDOU, jÊsuite, agrÊgÊ de lettres classiques, hellÊniste, est

thĂŠologien, spĂŠcialisĂŠ dans la patristique, l’œcumĂŠnisme et le dialogue interreligieux. Il enseigne au Centre Sèvres. Il a publiĂŠ de nombreux livres, en particulier : La voie du Christ (3 vol., Cerf, 2006-2016), Les Pères de l’Église et la thĂŠologie chrĂŠtienne (Éditions FacultĂŠs jĂŠsuites de Paris, 2013), Les thĂŠologiens jĂŠsuites : un courant uniforme ? (Lessius, 2014).

ISBN : 978-2-87299-369-7

32,00 â‚Ź

www.editionsjesuites.com

Illustration de couverture : Ulysse et les sirènes. Mosaïque, Ve siècle. MusÊe du Bardo.

u’est-ce que la littĂŠrature grecque antique nous dit du divin et de l’humain ? De quelle ÂŤ thĂŠologie Âť et de quelle ÂŤ anthropologie Âť tĂŠmoigne-t-elle ? Engage-t-elle sur des chemins fort ĂŠloignĂŠs de la RĂŠvĂŠlation chrĂŠtienne ou rĂŠvèle-t-elle ce qui peut apparaĂŽtre comme des ÂŤ semences d’Évangile Âť, comme le travail de l’Esprit au sein d’une culture qui, pourtant, ne connaissait pas le Christ ? N’y a-t-il pas lĂ de quoi nous aider Ă rĂŠflĂŠchir sur ce qui est en jeu dans la rencontre du christianisme avec les traditions culturelles et religieuses de l’humanitĂŠ ? Pour tenter de rĂŠpondre Ă ces questions, les Ĺ“uvres de cette littĂŠrature sont presque toujours prĂŠsentĂŠes dans leur intĂŠgralitĂŠ. Elles ont ĂŠtĂŠ divisĂŠes en trois parties: 1. L’ÊpopĂŠe, avec Homère et d’autres poètes après lui comme HĂŠsiode et Pindare, puis l’histoire avec HĂŠrodote et Thucydide; 2. Le thÊâtre, avec les tragĂŠdies d’Eschyle, de Sophocle et d’Euripide, puis les comĂŠdies d’Aristophane; 3. La pensĂŠe, avec les PrĂŠsocratiques, puis Socrate et Platon. Cet apport très original Ă la ÂŤ thĂŠologie de la culture Âť peut ĂŞtre aussi lu comme une vĂŠritable introduction Ă la littĂŠrature grecque classique.


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