Promesses de bonheur

Page 1

Promesses de bonheur Homélies pour l’année A

« À fréquenter continûment l’Évangile, on vérifie qu’on est invité

Philippe Cochinaux, dominicain, est licencié en droit (Louvain), licencié (Oxford) et docteur en théologie (Louvain). Depuis octobre 2002, il est le Vicaire général des dominicains de Belgique-Sud. À l’Université catholique de Louvain, il est chargé de cours invité à la Faculté de Psychologie. Il prêche également des retraites ainsi que des week-ends pour fiancés et pour couples. Il est l'auteur, aux mêmes éditions, de Chemins vers le bonheur (2005) et Fragments de bonheur (2006). ISBN belge : 978-2-87356-380-6

ISBN français : 978-2-7067-0529-8

Promesses de bonheur

(Timothy Radcliffe)

Promesses Couverture : Isabelle de Senilhes / © Photo : Tous droits réservés

en permanence à considérer le monde, les autres et soi-même d’une manière nouvelle. L’Évangile ne nous fournit pas une somme de données sur Dieu. C’est la nouveauté éternelle de Dieu qui nous saute à la figure. Ces homélies nous touchent tout simplement parce que Philippe Cochinaux est profondément véridique. Il manifeste que les hommes et les femmes sont appelés à devenir des ”dévoileurs de vérité”. […] Il ne prend pas de gants pour nous appeler à la responsabilité active devant les souffrances que nous rencontrons. Il se garde de nous dire ce qu’il nous revient de faire. Comme Jésus dans les Évangiles, il pose des questions et dit tout de go : “À toi de jouer !” À nous de décider ou pas d’empoigner la joie et la liberté que Dieu nous donne en cadeau. Lecteur, lis ce livre, tu vas y trouver le courage qu’il te faut. »

de bonheur

Homélies pour l’année A



Promesses de bonheur



Philippe Cochinaux, o.p.

Promesses de bonheur

fidélité/SALVATOR


© Éditions Fidélité • 7, rue Blondeau • BE-5000 Namur • Belgique Éditions Salvator • 103, rue Notre-Dame-des-Champs • FR-75006 Paris • France Dépôt légal belge : D/2007/4323/20 Dépôt légal français : octobre 2007 ISBN belge : 978-2-87356-380-6 ISBN français : 978-2-7067-0529-8 Maquette et mise en page : Jean-Marie Schwartz Couverture : Isabelle de Senilhes, © photo D.R. Imprimé en France


Préface Timothy Radcliffe, o.p. Encore un volume des homélies de Philippe Cochinaux, direzvous ! Mais c’est de loin le meilleur ! Comment fait-il donc pour trouver sans cesse quelque chose de nouveau et de rafraîchissant à dire chaque semaine ? Il m’est arrivé de questionner un rabbin de New York à propos de sa prédication. Il m’avoua qu’il avait arrêté au bout de vingt ans parce qu’il pensait avoir dit tout ce qu’il avait à dire. Dans le cas de Philippe, vous allez vous apercevoir que la Parole de Dieu n’en finit pas de nous surprendre. Les sermons de Philippe commencent souvent par une formule du genre : « Figurez-vous que… » Il nous raconte alors des histoires étonnantes comme celle de ce charpentier dont le patron lui avait donné l’ordre de construire une dernière maison avant qu’il parte en retraite. À la fin du chantier, le charpentier découvre que la maison lui était destinée et regrette alors de n’avoir pas apporté davantage de soin à son travail. L’histoire que je préfère est celle d’Adam et Ève s’échinant à appliquer les règles du strip-poker, un jeu au cours duquel on se débarrasse d’un de ses vêtements à tour de rôle à chaque fois qu’on perd, alors qu’ils sont déjà entièrement nus ! Mon fou rire chronique perturba les passagers d’un bus de nuit alors que je rentrais de Londres à Oxford. Je vous conseille donc de ne lire ces homélies que dans le secret de votre chambre ! Le cardinal John Henry Newman disait que « l’on ne touche pas habituellement le cœur par la raison mais par l’imagination ». La plupart du temps, ces histoires nous font plonger dans l’imagination fertile de Philippe lui-même. Il se voit traîner ses parents en justice au motif qu’ils n’ont pas engendré une progéniture parfaite. Ou encore il


6

PROMESSES DE BONHEUR

rêve d’installer des haut-parleurs sur sa voiture pour pouvoir hurler sur les gens qui ne font aucun cas de sa politesse. Ou enfin il imagine l’effet de surprise qu’il aurait de se voir à la une d’un magazine et de devenir célèbre ! Ce qui d’ailleurs n’est pas tout à fait improbable dans la mesure où récemment il a fait l’objet d’une courte étude fort instructive de la part du producteur canadien de cinéma, Yvon Pomerleau. À fréquenter continûment l’évangile, on vérifie qu’on est invité en permanence à considérer le monde, les autres et soi-même d’une manière nouvelle. L’évangile ne nous fournit pas une somme de données sur Dieu. C’est la nouveauté éternelle de Dieu qui nous saute à la figure. Ces homélies nous touchent tout simplement parce que Philippe Cochinaux est profondément véridique. Il manifeste que les hommes et les femmes sont appelés à devenir des « dévoileurs de vérité ». Il assume pleinement la vérité de sa propre humanité et de ses propres faiblesses, en particulier son goût immodéré pour les desserts au chocolat, véritable leitmotiv de nombreux sermons ! C’est un gourmet et un gourmand de Dieu ! Il y a là un sens aigu et authentique de la compassion et de la miséricorde. Il nous apprend à nous regarder les uns les autres de façon claire, sans se fuir, justement parce que dans l’échange de nos regards nous rencontrons Dieu : « Nous sommes visages de Dieu. » Le visage de Dieu a pris chair dans les nôtres. Il ne prend pas de gants pour nous appeler à la responsabilité active devant les souffrances que nous rencontrons. Il se garde de nous dire ce qu’il nous revient de faire. Comme Jésus dans les Évangiles, il pose des questions et dit tout de go : « À toi de jouer ! » À nous de décider ou pas d’empoigner la joie et la liberté que Dieu nous donne en cadeau. Lecteur, lis ce livre, tu vas y trouver le courage qu’il te faut.


Amour

Chahuteurs d’amour, chahuteurs de tendresse Christ, Roi de l’univers (Mt 25, 31-46)

Ce matin, en me rasant, j’ai vécu une expérience mystique d’une telle intensité que je ne peux m’empêcher de vous la partager. J’étais devant mon miroir et je me suis dit : « Et dire que ce visage est aussi visage de Dieu… » Mon visage, vous vous imaginez ? Quelle prétention, pourront dire certains. Pourtant, chaque visage, expression visuelle de notre être, est signe de la présence divine sur cette terre. Tous, de par le simple fait de notre condition humaine, nous sommes visages de Dieu. En vous regardant, je me dis que Dieu s’exprime à moi par vos visages. Alors, la prochaine fois que nous passerons devant un miroir, je nous invite à nous dire : « Bonjour, Dieu ! » Toutefois, de tels mots ne peuvent être prononcés s’ils ne sont que de simples mots. Ils n’ont de sens que s’ils s’enracinent dans notre nature profonde lorsque cette dernière dévoile par nos actes et nos paroles une partie de la divinité. Tel semble être le message proposé par l’évangile. Une fois encore, le Christ nous rappelle avec force que la vie ne se vit pas dans l’exceptionnel, dans l’extraordinaire. Dieu n’a que faire de nos gloires éphémères. Il ne recherche nullement les actions d’éclat. Il nous attend tout simplement dans le quotidien de nos existences — c’est-à-dire lorsque nous refusons de nous enfermer en nous-mêmes dans notre petit confort — et ce,


8

PROMESSES DE BONHEUR

afin de nous tourner vers l’autre. En effet, c’est dans l’altérité que Dieu aime se laisser rencontrer. Comme s’il y avait en chacun de nous un élan mystérieux qui nous pousse à sortir de nous pour partir à la rencontre de ceux qui croisent la route de nos vies. Dieu se laisse rencontrer dans la rencontre de l’autre. Et lorsque j’entre dans une telle dynamique divine, tout être humain acquiert autant de valeur auprès du Père que celle de son propre Fils. En nous laissant seuls, expérimentant la force de la liberté face à la destinée du monde, Dieu nous confie une très lourde responsabilité. D’une certaine manière, il a choisi de ne plus exercer sa toute-puissance de maîtrise et de domination pour laisser tout l’espace nécessaire à tout être humain afin que celuici accomplisse la tâche qui lui a été confiée. D’aucuns prétendent que, depuis plusieurs siècles, Dieu semble souvent bien silencieux face aux détresses de notre humanité. Et ils ont sans doute raison s’ils attendent que Dieu, le Père, dans le Fils et par l’Esprit, se mette à tout régler de leur côté. Une telle attitude peut conduire à une déresponsabilisation de l’être humain qui s’en remet pleinement à Dieu et qui se met à croiser les bras en attendant que quelque chose de magique se produise. Accepter cette philosophie de vie ferait de nous des spectateurs de nos existences et non plus des acteurs. Or, comme le souligne l’évangile, Dieu nous attend dans la manière dont nous accueillons ceux de qui nous nous faisons proches en répondant à leurs besoins alors que ceux-ci sont souvent élémentaires : se loger, se nourrir, se vêtir, visiter. Non seulement il nous attend là, mais il a besoin de nous. En effet, si Dieu peut parfois nous sembler bien silencieux, c’est parce que nous ne sommes plus là où nous devrions être : trop pris par les soucis de la vie, parfois enfermés dans un individualisme ambiant, aveuglés par la détresse des autres. En


AMOUR

9

quelque sorte, nous serions devenus des paralysés de l’existence. Or, Dieu nous veut debout, en marche, c’est-à-dire partis à la rencontre de ceux qui sont confrontés à diverses expériences douloureuses, qu’elles soient physiques, mentales ou émotionnelles. Il semble que ce soit la meilleure manière qu’il ait trouvée pour œuvrer en notre monde. Nous sommes donc bel et bien responsables du silence ou de la cacophonie « de Dieu ». En d’autres termes, si Dieu est silencieux, c’est parce que nous refusons de nous tourner vers les autres pour les accompagner sur le chemin de leurs destinées. Si, par contre, Dieu devient bruyant en notre monde, c’est parce que nous avons décidé de vivre de cette foi qui habite au plus profond de nous-mêmes en nous tournant vers ceux en qui le Père a choisi de se révéler dans leur propre vulnérabilité. Notre inaction, notre désintérêt des êtres qui nous entourent rend Dieu muet. Notre souci de la souffrance des personnes rencontrées, notre empathie, notre volonté de transformer le monde en un lieu d’amour et de tendresse rend Dieu présent au cœur de notre humanité. S’il en est ainsi, puissions-nous chacun, avec les dons que nous avons reçus, devenir des chahuteurs d’amour, des chahuteurs de tendresse, car c’est par le biais de ce type de chahut que Dieu vit en nous et autour de nous.

Dans l’amour, la foi se comprend 2e dimanche de Pâques (Jn 20, 19-31)

Dieu existe-t-il vraiment ? Jésus était-il bien le Fils de Dieu ? Sa résurrection : rêve ou réalité ? L’histoire de Thomas, une parabole ou un récit historique ? Quelques questions parmi d’autres. Et pour vous spécialement aujourd’hui, dans quelques


10

PROMESSES DE BONHEUR

instants, vous aurez enfin la réponse à toutes ces questions. Il m’aura fallu de longues minutes de réflexion pour aboutir à certaines conclusions que je souhaitais vous livrer. Pour ce faire, repartons de l’histoire de Thomas. Personnage mystérieux dont nous ne savons pas grand-chose à la lecture des évangiles, à part son incrédulité évidemment. Ce qui est étonnant, c’est ce détail qui est précisé chaque fois qu’il est cité : Thomas dont le nom signifie jumeau. Mais jumeau de qui ? À ma connaissance, je ne connais que deux interprétations : il est nommé jumeau en référence à Pierre qui est l’image par excellence de celui qui doute, qui manque de courage pour affirmer ses convictions et qui ne comprend rien. Ou encore, il est jumeau de chacun d’entre nous en son incrédulité. Il devient de la sorte un personnage essentiel sur le chemin de notre foi puisque par sa présence, par son questionnement et ses doutes, il nous autorise à mettre nos pas dans les siens pour que nous aussi nous puissions arriver un jour à clamer haut et fort : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » Mais c’est trop facile de dire qu’il est notre jumeau. Trop facile parce que lui a eu la possibilité de vérifier ses doutes, de les confronter pour reconnaître Jésus comme Fils de Dieu. Ça me fait une belle jambe de le savoir mon jumeau dans la foi, alors que moi, je n’ai aucune certitude, aucun moyen de me trouver face à Dieu, si ce n’est lors de mon passage dans l’éternité. Je ne puis alors que vivre d’espérance, accepter de croire ce que l’on m’a enseigné, ce que l’on m’a fait découvrir. Peut-être même, oser tenter d’entrer en relation avec Dieu. Cette relation se construit de diverses manières, il est vrai. Je peux vivre cette relation intime entre Dieu et moi soit par la lecture des Écritures. La Bible est un livre révélé qui m’aide à mieux saisir le mystère qui me fait vivre, il me permet de ne pas devoir réinventer la roue à chaque fois en me proposant un chemin


AMOUR

11

d’humanité qui me permet de me réaliser. Mais la Bible reste un livre, même si c’est la Bible. Elle me permet simplement de comprendre un peu plus ce qui habite au plus profond de mon être, mais je n’ai pas de certitude quant à l’existence de Dieu pour autant, même si ce fameux livre a traversé déjà quelques millénaires. Il n’est pas une preuve historique. Par-delà les Écritures, Dieu, me direz-vous, vous pouvez aussi le rencontrer au cœur de votre prière, c’est-à-dire dans cet espace intérieur que vous vous offrez pour vivre de sa présence. Entre lui et moi s’installe une discussion faite de demandes, de mercis. Elle est le lieu de mes incompréhensions, de mes questions et parfois même de mes énervements vis-à-vis de Dieu quand je vois la manière dont le monde tourne. Mais est-ce moi qui prie en Dieu, Dieu qui prie en moi, ou encore une dynamique relationnelle où, poussé par l’Esprit, je pars à la rencontre du Fils qui me reconduit toujours au Père. Ma prière est-elle une véritable relation, ou le fruit de mon imagination ? Ce n’est hélas toujours pas une preuve scientifique. Il me reste alors un troisième chemin possible : il est tout bête, tout simple, c’est le chemin de l’amour. Me revient à l’esprit l’épisode d’un dîner. Ce midi-là, la nourriture n’était pas exceptionnelle, mais le repas était vraiment un temps de rencontre entre deux êtres. La relation qui s’était nouée autour de cette table était une relation d’amour d’amitié. Les mots se partageaient en vérité. Nous n’avions pas peur l’un de l’autre ni de nos vulnérabilités, ni de nos ambiguïtés. Nous nous rencontrions vraiment en vérité, comme si quelque chose nous dépassait, nous dépossédait. Nous étions enlevés de nous-mêmes et légers de pouvoir être pleinement ce que nous étions. Lorsque l’amour d’amitié atteint un tel degré, il devient véritablement signe de la présence de Dieu. La rencontre est sacramentelle comme si la liberté d’aimer était preuve de l’existence de Dieu.


12

PROMESSES DE BONHEUR

Oh, non pas une preuve scientifique, mais une preuve de foi. L’amour d’amitié est le lieu par excellence où Dieu se révèle à nous. Puissions-nous ne jamais passer à côté, parce que toute rencontre d’amitié en vérité est symbole de ce bonheur auquel nous sommes tous appelés. C’est donc bien dans l’amour, et l’amour seulement, que nous trouverons les réponses à toutes nos questions existentielles. Il suffit alors d’aimer, d’aimer en vérité.

La famille La Sainte Famille (Mt 2, 13-23)

La fête de la Sainte Famille est la fête de toutes les familles du monde ayant pour modèle la famille de Jésus, pouvons-nous lire dans certains manuels de liturgie. S’il en est ainsi, permettezmoi alors de m’interroger et de me demander pourquoi tant de parents vivent des difficultés lorsque leurs enfants n’épousent pas le modèle familial de notre société d’aujourd’hui si la Sainte Famille est vraiment ce qu’il y a lieu de suivre. La Sainte Famille est composée, sans pour autant être irrespectueux, d’une mère étant tombée enceinte avant son mariage officiel, d’un père n’étant pas le père biologique de l’enfant mais assumant sa paternité avec force, d’un enfant unique qui ne reprendra pas les affaires familiales et dont les parents mettront une journée à se rendre compte qu’il n’est pas avec eux lors d’un voyage à Jérusalem alors qu’il a à peine douze ans. Si ce type de famille est à envisager comme modèle, nous ne sommes plus très exigeants, me semble-t-il. C’est la raison pour laquelle je souhaite méditer sur la famille. Aujourd’hui, il y a différents types de famille et, n’étant pas sociologue, je ne vais pas commencer à vous les énumérer. La substance traditionnelle de la famille, même si elle reste le mo-


AMOUR

13

dèle majoritaire dans notre société puisque tout couple qui se marie souhaite le réaliser, se réfracte cependant en une nébuleuse que nous avons de plus en plus de peine à appréhender. C’est pourquoi je voudrais simplement souligner que nos familles, quelles qu’elles soient d’ailleurs, à l’image de celle du Christ, sont le lieu par excellence de notre enracinement dans la vie. C’est le premier endroit de notre socialisation, c’est-à-dire de notre manière de nous insérer dans un groupe humain. Nous y découvrons des valeurs, des codes de conduite, parfois aussi des contradictions. C’est en elles que nous faisons également l’expérience de nos premières frustrations de désirs non assouvis. Mais par-dessus tout, les familles sont le lieu où se construit chaque être humain par les mots de tendresse et de douceur. La famille est le lieu par excellence d’apprentissage de l’amour. Et c’est sans doute une des raisons principales qui fait que nous nous tournons vers elles lorsque nous traversons des moments plus difficiles. L’amour familial, qui a son propre nom dans la langue grecque, est un amour difficile à cerner, dont il est difficile de préciser les contours. C’est l’amour marqué par les liens de sang, l’amour d’une histoire commune partagée dans le quotidien pendant de nombreuses années pour la plupart d’entre nous. C’est l’amour de parents qui se mettent à rêver des projets pour les enfants. C’est l’amour déçu face aux deuils de l’impossibilité d’enfantement et tout le chemin intérieur d’arriver à vivre sa fécondité autrement. C’est l’amour du sentiment d’appartenance et d’enracinement dans l’histoire d’une famille, sa famille. C’est l’amour qui trop souvent se transforme en haine lorsqu’il y a des questions d’argent. Quoi qu’il en soit, c’est un amour auquel aucun d’entre nous ne reste indifférent. Il nous marque, nous façonne, nous modèle. Chaque famille a son histoire. Chaque famille est une histoire.


14

PROMESSES DE BONHEUR

Dans nos relations familiales d’abord, mais également dans toute relation, nous sommes conviés par saint Paul à revêtir nos cœurs de tendresse, de bonté, d’humilité, de douceur et de patience. Cela paraît tellement évident et pourtant si difficile chaque jour. C’est cela, agir au nom du Seigneur Jésus Christ, c’est-à-dire à sa manière et selon son esprit. De la sorte, nos relations s’en trouveront renforcées, enrichies, dépassées, voire même réconciliées. Avec autant d’amour, nous permettons à chacun d’exister. Pourtant, Dieu ne semble pas se contenter de cela. Par le baptême, nous sommes entrés dans une autre famille, tout aussi importante : celle des croyants, des étonnés de la vie. Dans cette famille-ci, celle que nous composons en ce moment précis, nous sommes conviés à nous tourner vers Joseph. Ce dernier est silencieux, discret. Il laisse place aux autres tout en ne se niant pas lui-même. Il est également disponible et surtout accueillant à la volonté de Dieu. Peut-être alors pourrions-nous mettre un peu plus d’amour dans nos relations ecclésiales, c’està-dire entre nous, dans cette église. Aux yeux de Dieu, nous ne sommes pas des étrangers les uns pour les autres. Nous sommes ses enfants appartenant à une même famille, sa famille. Adoptés par Dieu de la sorte, puissions-nous, à l’image de Joseph, dans notre silence intérieur et en toute discrétion, nous ouvrir et accueillir la volonté de Dieu pour mieux entendre l’ange du Seigneur, nous dire : « Lève-toi. »


AMOUR

15

Les regards 2e dimanche ordinaire (Jn 1, 29-34)

Il y a deux ans, j’ai vécu au cours d’une célébration une expérience quelque peu étonnante, voire étrange. Il y avait devant moi un jeune homme qui n’arrêtait pas de me fixer de son regard. Et cela depuis le début de l’eucharistie. Il m’était impossible de l’éviter. Chaque fois que mes yeux balayaient l’assemblée, je croisais les siens. J’étais dérangé parce que je n’arrivais pas à comprendre la fixité et l’intensité de son regard sur moi. Quelques mauvaises pensées m’ont même traversé l’esprit au cours de la prière eucharistique lorsque je constatai qu’il continuait de me regarder de la sorte. Un peu comme si, en paraphrasant un texte de Raoul Follereau, chaque fois que je le voyais, je savais par lui que j’étais vivant. Bien vivant puisque je sentais en moi monter un certain énervement. Quelle ne fut pas ma surprise après lui avoir donné la communion de découvrir, lorsqu’il s’est retourné, qu’il portait des appareils auditifs et que depuis le début de la messe, il lisait sur mes lèvres. À cet instant, je compris l’intensité de son regard. C’est par ses yeux qu’il pouvait m’entendre. Finalement, un regard est rarement neutre. Certains regards nous étonnent, d’autres nous effraient, d’autres encore nous rassurent. Il suffit parfois d’un simple regard pour se trouver bien ou pour être mal. À un moment donné de la vie, le regard de l’autre me façonne, me construit. Et souvent, quand il me déstabilise, c’est parce que j’ai peur d’être jugé, incompris, condamné, en fait mal aimé tout simplement. De plus, par mon regard, tu ressentiras toute l’amitié que j’ai pour toi, et moi, par tes yeux, je reconnais les sentiments qui habitent au plus profond de ton être. C’est dans les yeux de l’autre que nous cher-


16

PROMESSES DE BONHEUR

chons des forces pour affronter des moments plus difficiles. Par un simple coup d’œil, je sais que je ne suis plus tout seul. Quelqu’un est là, il m’aime et me redonne le courage. Ce n’est pas si étonnant que cela, cette puissance du regard : n’est-il pas vrai qu’avec les yeux, nous ne pouvons pas mentir ? Un peu comme si ceux-ci étaient le miroir de notre âme. Ils disent quelque chose de nous. C’est pourquoi j’aime plonger dans le regard de l’être aimé pour retrouver confiance. C’est vrai, il suffit parfois d’un simple regard pour se dire tant de choses. Qui d’entre nous, lorsqu’il était à l’école, par exemple, ne comprenait pas ses voisins de classe par de simples regards ? Combien de chahuts n’ont pas commencé de la sorte. Le regard est tellement important qu’il n’y a rien de pire que de parler à quelqu’un qui a mis des lentilles de contacts illustrées ou encore à quelqu’un dont nous ne pouvons pas voir les yeux cachés derrières des lunettes de soleil. Je trouve cela personnellement insupportable et j’invite toujours la personne à les retirer, sauf évidemment si celles-ci permettent de cacher la douleur d’un événement. Dans les autres cas, j’ai toujours l’impression que si la personne cache ses yeux, la relation n’est pas tout à fait vraie. Je ne peux pas véritablement entrer en contact. Tout comme ceux qui regardent par terre, derrière ou à côté de vous lorsqu’ils vous parlent. Les yeux sont donc essentiels et c’est sans doute la raison pour laquelle Isaïe écrit : « Oui, j’ai du prix aux yeux du Seigneur, c’est mon Dieu qui est ma force. » Ou encore lorsque Raoul Follereau conclut : « Quand je la vois, je sais par elle que je suis vivant. » Merveille du regard qui fait vivre ! Merveille du regard qui s’attarde ! Parce que, finalement, les yeux, c’est un peu comme la foi. Dans la vie, tous nous voyons des choses. Souvent de manière différente. Certains voient des détails auxquels les autres n’auront pas spécialement prêté attention. Il y a même parfois


AMOUR

17

des choses que nous ne voyons pas du tout, comme si nous avions nos yeux en poche. C’est en cela que les yeux sont un peu comme la foi. Le regard est la lumière de l’amour et de la foi qui voit là où d’autres ne voient rien. Ce n’est donc pas parce que je n’ai pas vu quelque chose que la chose n’existe pas pour autant. Il en va de même pour la foi. Une foi éclairée par l’Esprit qui nous permet, lorsque nous posons notre regard sur le mystère du Christ, de reconnaître, nous aussi : « Oui, je l’ai vu, c’est lui le Fils de Dieu. » Que par nos yeux nous puissions toujours voir la réalité, la vérité de Dieu.

Qui est mon prochain ? 30e dimanche ordinaire (Mt 22, 34-40)

Depuis toujours, j’ai eu un faible pour les gens qui vivent en Nouvelle-Zélande ou en Australie. J’apprécie également ceux qui vivent au Japon ou en Indonésie. J’oserais même me risquer à dire que je les aime alors que je n’ai jamais mis les pieds dans aucun de ces pays. Vous allez me dire qu’il est évidemment aisé d’aimer ces gens qui vivent tellement éloignés de notre plat pays. Et c’est sans doute vrai. Mais si je suis capable d’aimer de telles personnes qui sont à des milliers de kilomètres de chez moi, il doit en être de même avec Dieu qui semble, lui aussi, habiter si loin de chez nous. Le Ciel n’est quand même pas la porte à côté quoi qu’en disent certains. Toutefois, à la lecture de l’évangile, j’ai comme l’impression qu’il y a une erreur de logique dans mon raisonnement. « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit. Voilà le grand, le premier commandement. » Aimer Dieu : facile à dire, mais personne ne l’a jamais


18

PROMESSES DE BONHEUR

vu. Personne n’arrive à le décrire correctement. Je n’ai dans ma tête aucune image qui me permette de dire comment il est, où il habite, quelles sont ses activités. Dieu est Dieu et il dépasse tout entendement humain. Heureusement pour nous, le Père a décidé un jour d’envoyer son Fils unique parmi nous. Par lui, Dieu devient plus palpable, plus proche. Mais c’était quand même il y a deux mille ans et beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis lors. Vu l’absence de moyens technologiques à l’époque, il m’est difficile d’en avoir une image précise. Je n’ai aucune preuve irréfutable de sa divinité. Il ne me reste qu’à croire ceux qui l’ont rencontré et ont vécu avec lui. Une fois encore, il est bon de se rappeler que Jésus refuse de s’enfermer en luimême. Il ramène toujours tout à son Père et c’est par lui que ce Dieu qui nous semblait si éloigné se rapproche de sa propre création. En Christ, nous pouvons apprendre à découvrir et aimer le Père par ce qu’il nous en dit tout au long de l’évangile. Ce Dieu lointain se fait petit à petit le prochain de son humanité. Mais c’est sans doute face à notre incrédulité persistante que Jésus a estimé nécessaire d’ajouter un second commandement au premier. Et il le met au même niveau, car il lui est semblable, proclame-t-il : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même. » Comme l’épisode du bon Samaritain nous le rappelle, le prochain n’est jamais une personne éloignée de moi. Le prochain est toujours celui de qui je choisis de me faire proche. En d’autres termes, le prochain, c’est moi lorsque je me rapproche de tout être humain. Je ne suis donc pas appelé à aimer la terre entière. Dieu ne nous demande pas l’impossible, mais j’ai à découvrir la beauté de l’amour dans les relations de proximité que j’instaure avec ceux qui croisent ma route. Dans la foi, tout prochain, quel qu’il soit, n’est pas seulement humain. Il y a aussi une parcelle de divinité en chaque être. Être humain, être


AMOUR

19

divin. Telle semble bien être notre condition terrestre. En effet, l’Esprit de Dieu est en chacun de nous. Il est présent. Il est vivant. Tous nous sommes « maison de Dieu » sur terre. C’est dans la relation à l’autre que je peux alors aussi aimer Dieu. Le Père, dans l’Esprit, est proche de nous. Il est notre prochain par son inhabitation en nous et nous pouvons choisir d’être le sien si nous acceptons d’aimer ceux de qui nous nous faisons proches. C’est aussi simple que cela. Aimer mon prochain me conduit à aimer Dieu. Et cela se vit tous les jours dans les gestes les plus anodins de notre existence, dans une attention renouvelée aux personnes. C’est donc bien par l’autre être humain que je peux commencer un chemin de rencontre avec le Père. De cette manière, je puis entrer en relation directe et personnelle avec la divinité. Il ne s’agit plus d’un mystère éloigné de ma compréhension, mais plutôt une occasion d’amour d’amitié entre lui et moi. Ayant pris conscience que, dans l’Incarnation du Fils et dans le don de l’Esprit, Dieu s’est fait mon prochain, je puis alors en toute liberté répondre à son invitation de le rencontrer pour l’aimer au cœur même de sa divinité.

Serviteurs de l’Amour Jeudi saint (Jn 13, 1-15)

Étonnante, cette fête du Jeudi saint ! Fête de l’eucharistie par excellence, fête des prêtres également. Et voilà que pour une telle fête nous sommes tous invités à méditer le texte du lavement des pieds. Qu’est-ce à dire, si ce n’est peut-être remettre les pendules à l’heure. D’abord, la fête du sacerdoce : le lavement des pieds par le Christ nous rappelle que ce sacerdoce est avant tout un service, un service d’Église de par notre baptême. Notre sa-


20

PROMESSES DE BONHEUR

cerdoce n’est pas un mieux, un plus qui fait de nous des superchrétiens. Nous sommes de simples baptisés, même si trop souvent hélas, aujourd’hui encore, nous sommes d’abord considérés dans notre fonction de prêtre, c’est-à-dire plutôt comme des êtres ayant déjà trouvé Dieu. La fête du Jeudi saint nous rappelle que nous aussi, quel que soit notre ministère, nous sommes toujours des chercheurs de Dieu. Ni plus ni moins. Des chercheurs de Dieu, avec nos doutes et nos convictions. Des chercheurs de Dieu qui par la spécificité de leurs ministères célèbrent ce mystère qui les dépasse complètement : celui de l’Eucharistie, temps que nous nous offrons au cœur de nos vies, fête de l’amour extrême, célébration de l’amour jusqu’au bout (pour reprendre les termes de l’évangéliste). L’eucharistie, signe visible de Dieu, nous pousse à aller au-delà de ce sacrement de la rencontre entre le Père et son humanité. Il est force offerte en vue du service. Service d’Église, service du monde. L’épisode du lavement des pieds nous convie à faire ce chemin d’humilité au cœur de ce que nous sommes, pour nous rappeler que tout ce que nous faisons, nous avons à le vivre comme un service, un don de nous-mêmes pour quelque chose qui nous dépasse et qui cependant nous fait vivre. De par le baptême, nous sommes chacun appelés sur le chemin de nos vies, trouvant force dans nos eucharisties, pour donner un peu de nous. Trop souvent, dans nos communautés, par ce que nous faisons, nous attendons la reconnaissance des autres, voire même leur admiration. Et voilà que Jésus nous rappelle que notre tâche est service, service au nom de l’amour jusqu’au bout. Nous nous trompons et nous trompons ceux que nous croisons sur nos chemins d’humanité, et peut-être même trompons-nous Dieu, si les raisons de notre travail, du don de nous-mêmes sont avant tout besoin de reconnaissance, quête d’identité. Ces dernières vien-


AMOUR

21

nent par elles-mêmes, elles ne sont pas à chercher ni à trouver. Notre unique moteur, d’après le Christ, c’est l’amour. L’amour du service, l’amour des choses simples. En fait, l’amour de la vie. Comme si l’épisode du lavement des pieds était une invitation à découvrir que tout est à faire par amour. C’est vrai, il y a des choses que nous essayons d’éviter de faire, et pourtant, lorsque nous aimons, cela ne nous pose plus aucun problème de le faire pour la personne aimée. Le fait d’aimer importe plus que le fait de faire. Laver des pieds n’a rien de fort amusant ; laver les pieds de l’être aimé change la perspective, puisque l’amour rend l’être premier. L’action qui découle de cet amour est légère, toute empreinte de tendresse et ne se soucie pas d’elle même puisque la personne aimée reprend sa place au cœur de la rencontre. Quelque part, Dieu, en son Fils, est fou de nous demander une telle chose. Elle demande un sacré chemin d’humilité : celui de refuser d’entrer dans cette spirale incessante de la reconnaissance, de faire taire en soi cette quête égocentrique pour tout simplement accepter de servir, uniquement servir par amour. Comme si cette fête du Jeudi saint était un petit clin d’œil envoyé du Ciel pour nous chanter qu’en tant que baptisés, il n’est plus question de prestige, de droits, de notre dignité égoïste, mais bien d’une vie au service de l’amour jusqu’au bout. C’est parce que le Christ nous a aimés jusqu’au bout, qu’il a été capable de traverser les épreuves que nous commémorons ces jours-ci. Que cet amour de Dieu, transfiguré dans nos relations, soit ce qui anime en vérité nos vies. La dernière Cène, l’eucharistie, peut alors être vécue comme la fête de l’amour par excellence. Un amour qui va au-delà de ce que nous sommes pour se vivre à jamais en Dieu.


22

PROMESSES DE BONHEUR

Une relation ne se prête pas, ne se donne pas 32e dimanche ordinaire (Mt 25, 1-13)

Pour comprendre la parabole proposée par l’évangile de ce jour, permettez-moi de vous soumettre les questions suivantes qui sont actuellement proposées dans un diaporama qui circule sur internet : pourriez-vous me nommer les cinq personnes les plus riches du monde, les trois dernières gagnantes de Miss univers, les cinq derniers prix Nobel de physique et les noms et prénoms des acteurs qui ont reçu l’Oscar du meilleur acteur, ces trois dernières années ? Je vous donne quelques secondes pour réfléchir. Vraisemblablement, la majorité d’entre nous, nous n’arrivons pas à répondre à ce type de questions. Elles sont trop difficiles. Toutefois, nous n’avons pas à nous inquiéter, car personne ne s’en rappelle. Dans la vie, les applaudissements passent, les trophées prennent de la poussière, les gagnants sont vite oubliés. La gloire humaine semble être toujours éphémère. Fort de ce constat, puis-je nous inviter à répondre à une autre série de questions : nommez trois professeurs qui ont contribué à votre formation ainsi que trois amis qui vous ont aidé dans des moments difficiles. Ensuite pourriez-vous penser à quelques personnes qui vous ont fait sentir qu’à leurs yeux, vous étiez quelqu’un de spécial ? Et enfin, nommez cinq personnes avec qui vous aimez passer du temps. Cette fois, je suis plus à l’aise, car je suis convaincu que la majorité d’entre nous, voire tout le monde, peut répondre à de telles questions. Pourquoi ? Tout simplement parce que les personnes qui ont un sens dans nos vies ne sont pas « cotées » au maximum, avec le plus d’argent, avec les plus grands prix offerts sur un plateau de gloire, illuminées par des spots aux mille couleurs. Non, les personnes qui nous sont chères sont celles qui se


AMOUR

23

font du souci pour nous, qui prennent soin de nous. En fait, elles sont celles qui, en toutes circonstances, restent aux alentours de nous. Nous nous sommes faits proches d’elles. Puissions-nous ne pas l’oublier. La vie est trop courte pour passer à côté de telles merveilles relationnelles. Alors une dernière question : et nous, dans quelle liste sommes-nous chez les autres : dans celle de la gloire éphémère ou dans celle des gens pour qui nous comptons parce que nous avons choisi d’investir nos relations ? N’attendons pas qu’il soit trop tard ! Toutes et tous, nous avons besoin de relations pour exister puisque nous sommes nés d’une relation. Cette dernière est inscrite au cœur de notre humanité. Il m’est impossible de vivre sans celles-ci. Mais les relations vraies et profondes ne peuvent exister que si nous acceptons de les investir, c’est-à-dire de donner à nouveau du temps au temps pour que nous prenions le temps de nous rencontrer en vérité. Il y va de notre liberté et de notre responsabilité personnelle. Il s’agit bien d’un choix : choisir d’alimenter la rencontre pour vivre ensemble cet instant qui nous fait grandir l’un l’autre. Et cela prend un certain temps : le temps de l’approche mutuelle, le temps de l’apprentissage de la confiance et puis le temps du partage en vérité à vivre et à revivre au fil de la vie, car ce qui fait la beauté de la relation, c’est la fidélité qui s’instaure entre deux êtres. Et cette fidélité ne peut exister qu’à l’épreuve du temps, car celle-ci s’inscrit toujours dans le long terme. Toutes et tous, nous avons fait ou ferons des choix de vie qui s’enracinent dans une telle perspective. Cette réalité nous fait alors prendre conscience que nos relations d’amour ou d’amitié ne sont pas interchangeables. Je ne peux ni vous les prêter ni vous les donner. Une relation par définition est éminemment personnelle. Elle se vit entre elle et moi, entre lui et moi. Elles sont toutes dif-


24

PROMESSES DE BONHEUR

férentes l’une de l’autre et c’est ce qui fait la richesse de toutes ces rencontres qui parsèment nos existences. La vie est aussi simple que cela. S’il en va ainsi entre nous, la parabole de l’évangile nous rappelle qu’il en va de même avec Dieu. Avec Lui aussi, il s’agit d’une rencontre. Une rencontre exceptionnelle, parce qu’avec Dieu, le Père, le Fils ou l’Esprit, je peux être pleinement moi-même, je n’ai pas besoin de tricher, de me mentir. En Dieu, je suis en pleine vérité. Il connaît même mes nocturnités et mes zones d’ombre. Dieu nous accepte et surtout nous aime tels que nous sommes. Mais il attend de nous, que nous entrions en relation avec lui, que nous prenions le temps de le rencontrer pour un jour être aussi capable de l’aimer tellement nous aurons compris à quel point il veut notre liberté et notre réalisation. Une relation humaine ne se prête pas, ne se donne pas. Il en va alors de même pour une relation divine. Elle non plus ne se prête pas, ne se donne pas. Puissions-nous alors, dans le silence de notre cœur, prendre le temps d’allumer notre lampe intérieure pour entrer dans le mystère divin. L’huile de Dieu est le combustible de l’amour que nous partageons, de l’amour que nous recevons, de l’amour que nous offrons.

Une rencontre divine 21e dimanche ordinaire (Mt 16, 13-20)

Étonnant cette petite crise d’identité dans le chef de Jésus. On pourrait presque imaginer que cette scène se passe au cours de son adolescence comme s’il était un peu incertain sur lui-même ; un besoin de savoir ce que les autres pensent de lui pour pouvoir se construire et se situer dans son propre monde. Le Christ savait que ses jours étaient comptés. Avait-il réussi sa mission ? Allait-


AMOUR

25

on l’oublier aussi vite après sa mort ou quelque chose resterait finalement de lui après les événements dramatiques auxquels il allait être confronté ? Tant de questions pour un seul homme. Et nous pouvons comprendre qu’une petite crise d’angoisse existentielle ait pu le traverser. Pourtant, pourtant, ce n’est pas d’abord sur cette fameuse question que je voudrais m’arrêter quelques instants mais plutôt sur l’endroit où elle a été posée. Ce n’est sans doute pas sans raison que le Christ s’interroge de cette manière précisément dans la région de Césarée de Philippe. Césarée de Philippe, ville hautement religieuse dans sa diversité. La ville était parsemée de nombreux temples dédiés au dieu syrien Baal. Nous pouvons en dénombrer quatorze. Césarée vivait donc sous l’ombrage d’anciens dieux. Mais ces dieux syriens étaient loin d’avoir le monopole du culte et de la vénération. Dans cette ville, il y avait également une caverne dans laquelle, le dieu grec Pan, dieu de la nature vit le jour. De plus, pour les juifs de l’époque, le Jourdain prenait sa source dans cette même caverne. Juifs, Grecs, Syriens avaient fait de Césarée une ville d’adoration de leurs dieux. Il ne manquait plus que les Romains, me direzvous. Ils ne nous ont pas attendus puisque toujours dans cette ville, ils érigèrent un temple de marbre blanc en l’honneur de la divinité de César. Dès lors, je crois que nous pouvons affirmer que cet endroit choisi par le Christ pour poser ses fameuses questions est loin d’être neutre. Voilà un homme, un sans-logis, un sans-le-sou, un charpentier de Galilée entouré de douze hommes très simples, dans un endroit littéralement submergés de temples syriens, grecs, romains, dans un lieu plein de sens pour les juifs également ; voilà cet homme qui demande à ceux qui l’accompagnent « Le Fils de l’homme, qui est-il d’après ce que disent les hommes ? » Le Christ reprend à son compte cette dynamique de communication. D’abord savoir ce que l’autre dit sur lui. C’est


26

PROMESSES DE BONHEUR

vrai même pour nous, il est tellement plus facile de parler sur l’autre plutôt que de parler à l’autre. Parle sur l’autre, parler de l’autre n’apporte pas grand-chose, c’est pourquoi Jésus se tourne vers ses disciples pour leur demander : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? » Cette histoire s’est passée, il y a bientôt deux mille ans. C’était bien loin d’ici. Les lieux ont changé et il en va de même pour les dieux. Ces derniers sont aujourd’hui différents mais tout aussi présents. Nos dieux contemporains sont peut-être plus matériels, leur soi-disant bonheur est immédiat. Ils sont en tout cas plus palpables, plus réels. Mais comme les faux dieux d’hier, ils risquent de nous enfermer dans une spirale qui va nous éloigner de nous-mêmes, nous enlever notre raison d’être. C’est sans doute pourquoi l’évangile s’adresse à chacun d’entre nous dans le silence de nos cœurs. Un peu comme si le Christ nous susurrait : « Je n’attends pas de vous une connaissance intellectuelle sur moi ; il n’y a pas lieu de lire des livres sur ma vie, sur qui je suis ; je vous demande juste une petite chose : me connaître, c’est-à-dire entrer en relation avec moi. Rien de plus. » Cette relation se vivra de diverses manières, en fonction de chacune de nos histoires personnelles. Elle sera directe, régulière pour certains ; elle passera par l’amour et l’amitié pour d’autre. Chacun de nous a son chemin de rencontre avec Jésus. Il n’y a pas de recette. Il n’y a pas de chemin tout tracé, puisqu’il s’agit avant tout d’une rencontre, d’une relation, voire même d’un amour. C’est à nous de trouver notre manière de connaître le Christ. Épris de ce désir, de cette soif de connaissance, nous aussi nous pourrons dire : « Oui, tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant ! »


Désir

« L’attente du désir » 1er dimanche de l’Avent (Mt 24, 37-44)

Il y a un peu plus de vingt ans, le collège où j’allais n’était composé que de garçons. Vous imaginez ma joie d’aller suivre les cours de solfège à l’académie de musique qui, elle, était mixte. C’est là que je découvris le plaisir d’être avec l’autre moitié de l’humanité. Et dire qu’un jour je devrais choisir l’une d’entre elles, parmi plus de trois milliards six cents millions sept cent soixante-huit mille huit cent quatorze femmes. Comme quoi, lorsqu’on relativise un peu, finalement, entre le religieux que je suis devenu et ceux qui ont choisi de se marier, la différence n’est que d’une seule personne. Pourtant, ce n’est pas sur ce point précis que je voudrais m’entretenir avec vous. Non, je voudrais revenir à cette époque de ma vie et me rappeler le souvenir suivant, qui d’après mes nombreuses recherches existe encore aujourd’hui parmi la jeune génération : lorsque je souhaitais déclarer ma flamme à l’élue de mon cœur, je me faisais toujours un scénario préalable où j’envisageais tout dans les moindres détails : j’attendrais ce moment-là, nous irions à cet endroit précis et là, je lui dirais tout ce que je voulais lui dévoiler. Pour être honnête, cela ne s’est jamais passé comme je l’avais prévu. Tout simplement parce que mon scénario, je l’écrivais toujours seul, tandis que la rencontre était à deux et en plus, il suffisait qu’ellemême se soit mise à écrire son propre scénario pour que la situation devienne plus cocasse encore.


28

PROMESSES DE BONHEUR

Entre le scénario rêvé et le moment tant attendu, il y a ce temps d’attente où tout notre être est tendu vers la réalisation de ce désir. Toutes et tous nous avons des attentes et des désirs, sinon me semble-t-il la vie n’aurait plus aucun sens d’être vécue. Même si nous n’avons pas d’attentes spécifiques, nous avons au moins l’attente de la béatitude subjective par excellence : l’attente de la vie, c’est-à-dire l’attente d’être heureux. Vivre du désir de bonheur. Le bonheur ne se contrôle pas, il surgit dans nos vies surtout lorsque nous décidons de ne pas tout dominer, maîtriser. C’est quand nous arrêtons de contrôler nos vies que celles-ci se mettent à vivre. Étonnant ? Je ne le crois pas. Un désir trop précis, trop calculé risque de décevoir. Combien de films, de soirées où nos attentes étaient à ce point élevées que nous en sommes ressortis déçus. Une attente trop grande risque d’être une atteinte à ma liberté intérieure. J’attends tellement que je reste en permanence sur le qui-vive. Je ne me détends pas, j’attends sans pour autant me laisser surprendre. Je suis à la quête d’une émotion forte qui tarde à venir pour s’éteindre à jamais dans un désir inassouvi. C’est bien la déception qui fait suite à une trop belle image du résultat de nos attentes. La recherche d’émotions fortes, la quête incessante de l’excès, nous conduisent immanquablement à une désillusion quant au bonheur à atteindre. Nous pouvons également passer à côté de ce dernier lorsque nous ne laissons pas le temps au temps de l’attente. Le désir assouvi instantanément, cette immédiateté érigée en valeur de société nous offrent des temps de plénitude de très courte durée. Puissions-nous alors, chacun, au cœur de nos histoires respectives, découvrir tant les bienfaits du temps de l’attente que le désir de désirer toujours et à jamais mais cette fois sans contrôler. Laisser advenir en moi l’événement pour que chaque instant soit vécu comme une aubaine de vie. Laisser advenir en moi


DÉSIR

29

l’autre pour qu’à chaque rencontre il devienne toujours un peu plus lui-même. Laisser advenir en moi Dieu pour que lorsqu’il reviendra, à l’heure à laquelle je n’y penserai pas, je puisse d’abord le reconnaître et ensuite l’accueillir. Nous sommes entrés dans ce temps de l’attente de son retour. Nous n’y pensons pas tous les jours, mais de temps à autre nous l’imaginons : reviendra-t-il, le Fils de l’Homme, avec une barbe, les cheveux longs, la toge un peu déchirée et des sandales aux pieds tel qu’il nous a toujours été présenté ? Ou comme le faisait remarquer une jeune fille de ma paroisse : « Il serait blond et en complet veston, cela ne m’irait pas du tout. » Afin d’éviter une déception lors de cette rencontre divine, ne nous mettons pas à envisager son retour dans les moindres détails, faisons de la place en nos cœurs pour qu’il puisse surgir, survenir en nous. Dieu est tellement différent de moi, que je ne puis l’imaginer. Il ne peut donc pas me décevoir. J’ai à lâcher prise, à m’abandonner pour être régi par un désir assez pur qui me permettra de me dire lorsqu’il reviendra : « Oui, Seigneur, c’est bien toi. » Et en attendant ce jour, pour vivre de manière sereine l’attente de ce désir, nous sommes conviés à revêtir le Seigneur Jésus Christ, nous dit saint Paul, c’est-à-dire revêtir cet habit de lumière reçu le jour de notre baptême pour qu’à notre tour nous donnions de la lumière à la vie.

Le temps du désir 5e dimanche de Carême (Jn 11, 1-45)

Jésus Fils de Dieu, mais quel Fils exemplaire ? Sans que son Père céleste ne le lui demande, il range sa « chambre tombale » : la pierre est roulée, les bandelettes et le linceul sont pliés et mis à leur place. Voilà le Fils rêvé que tant de parents auraient aimé


30

PROMESSES DE BONHEUR

avoir, je crois. Tout est en ordre, tout semble clair et pourtant, un seul verra et croira. Il n’en va pas de même pour Lazare qui sort les mains et les pieds attachés ainsi que le visage enveloppé d’un suaire. Ce simple détail des bandelettes souligne la différence entre ce que Lazare a vécu et la résurrection du Fils de Dieu. Pour comprendre la résurrection, pour saisir un tel mystère, il faut d’abord s’arrêter. Il faut prendre le temps. Un peu comme si cette histoire d’il y a bientôt deux mille était encore et toujours notre histoire aujourd’hui. Nous aussi nous n’arrêtons pas de courir, nous sommes pris tout le temps au risque de nous faire dépasser tant par les événements que par nous-mêmes. Tout va tellement vite, que je n’ai même pas vu le Carême passé, me confiait un jour une personne. C’est dingue, alors que le Carême était cette occasion qui nous avait été donnée pour revenir à l’essentiel, pour reprendre un peu de temps pour vivre du bonheur, voilà que, pour certains d’entre nous, nous sommes passés à côté. Heureusement, il n’y a pas lieu d’attendre un an, cette quête, cette conquête de l’essentiel, nous pouvons la vivre à chaque instant de notre vie. Mais pour se faire, il faut être capable de s’arrêter. Or, de cela, nous avons parfois peur. Pourquoi ? Peur de croire que nous ne pourrons pas tout faire. Peur peut-être de découvrir le non-sens d’un ensemble de choses que nous faisons, comme si je prenais le risque de prendre conscience que je ne fais pas grand-chose de ma vie, que je la gaspille. Peur aussi d’être face à nous-mêmes et de se poser les vraies questions. Être capable de s’arrêter, c’est donc sans doute oser être confronté avec soi-même pour pouvoir contempler ce que nous sommes et ce qui nous fait vivre. Mais comme le souligne l’évangile, cela n’est pas suffisant. C’est tout simplement la première partie de la démarche. Pour comprendre, pour tenter de saisir une partie du mystère de la résurrection, de la vie, il faut d’abord s’arrêter, faire le vide en soi.


DÉSIR

31

Vient ensuite une seconde étape, sans doute la plus essentielle, celle du désir de comprendre. Ma démarche n’est pas seulement intellectuelle, elle prend sa source dans le désir. Il faut d’abord désirer comprendre avant de comprendre. Si je veux être à même de réaliser un exercice de maths, de physique ou pire encore, pour moi, un exercice de chimie, il faut que naisse en moi d’abord le désir de le faire. Tant que le désir n’y est pas, je n’y arriverai pas et je ne comprendrai pas. À partir de cet exemple, je crois pouvoir affirmer que pour désirer comprendre, il faut d’abord désirer. Ce qui nous fait continuer, ce qui nous fait avancer, ce qui nous permet d’entrer dans le mystère de la résurrection, c’est le désir, c’està-dire l’amour. N’est-ce pas au cœur de notre propre cœur que nous trouvons l’amour nécessaire pour entrer dans cette dynamique du chemin de foi qui nous permet soudainement de comprendre ce qui nous dépasse totalement. En d’autres termes, notre raison doit être guidée par les sentiments de l’amour pour que nous puissions saisir ce qui donne sens à notre vie, à l’instar de Marthe qui a fait confiance aux paroles du Christ. Sans amour, nous ne sommes que des cymbales retentissantes, chante saint Paul dans son hymne. Il nous faut une dose d’amour pour comprendre la résurrection, il nous faut toujours autant cette dose pour continuer à vivre du Ressuscité. Cet amour se vit en nous, ainsi qu’au cœur des relations que nous avons les uns avec les autres, ainsi qu’avec le Tout Autre. Prenons alors le temps de nous arrêter, de nous arrêter pour aimer. Nous sortirons ainsi également vainqueurs de nos tombeaux intérieurs.



Dieu

Belle-maman plutôt que belle-mère Ascension (Mt 28, 16-20)

Il m’arrive parfois d’entendre la question suivante posée par certaines personnes vraisemblablement passionnée de statistiques. Je me permets de vous la livrer en ce jour de la fête de l’Ascension : « Dites-nous, Père, quel est votre taux de divorce parmi les mariages que vous avez célébrés à ce jour ? » Je m’étonne toujours de ce type d’interpellation. En effet, en tant que célébrant, je suis attentif à ce que le couple de fiancés prenne le temps de se préparer. Je les rencontre et je les accompagne. Je me permets alors de rappeler à ces personnes qui me questionnent sur « mon taux de divorces parmi les mariages célébrés » qu’en temps que prêtre, je ne suis pas acteur du sacrement de mariage que c’est un sacrement que les époux se confèrent. Mon rôle s’arrête donc bien le jour de la célébration. Je reste bien évidemment disponible après s’ils le souhaitent. Mais en aucune manière, je ne me suis engagé à téléphoner tous les mois à tous les couples dont j’ai accompagné la célébration pour voir si tout se passe bien entre eux. Je me refuse d’être la caricature de la belle-mère envahissante qui s’autorise à interférer dans des matières qui ne la regardent pas. Il faut dire aussi qu’économiquement ce serait lourd à gérer en temps et en argent. À la fameuse question, je réponds donc que je n’en sais rien et que ce n’est pas « mon taux » mais la réalité de ce que les couples vivent. C’était leur décision de se marier, c’est encore et toujours la leur


34

PROMESSES DE BONHEUR

de chercher à poursuivre l’aventure ensemble lorsque des difficultés surgissent. Telle est leur liberté et ils n’ont certainement pas besoin d’une belle-mère de plus. Sur base de ce constat, je me demande si la fête que nous célébrons aujourd’hui n’est pas également un peu de cet ordre-là. Dieu le Fils semble ne pas souhaiter devenir une sorte de bellemère envahissante et insupportable qui interviendrait à tort et à travers dans le cours de nos existences. En agissant ainsi, il reproduit l’attitude de son propre Père qui, après avoir créé l’être humain, a également choisi de se retirer, de se reposer. Il achève sa Création en nous ayant donné un mandat : celui de conduire la Création entière et ses créatures à l’accomplissement. Un peu comme si nous étions des êtres inachevés dans un monde tout aussi inachevé qui sommes devenus, par le mandat reçu, lieutenants de Dieu sur terre, c’est-à-dire tenant lieu de Dieu sur terre (A. Gesché). Lourde responsabilité, puisque Dieu se révèle à nous par nous. Mais également, quel cadeau de nous offrir ainsi la liberté de nous réaliser. Quelques millénaires plus tard, le Christ s’incarne pour nous proposer un chemin de vérité et de vie. Tout est là, en substance, dans les pages de nos évangiles. Si nous voulons mettre nos pas dans les traces du Christ, il nous suffit de vivre de ce qu’il a habité lors de son passage parmi nous. En bon Fils unique, il reproduit l’attitude du Père et choisit à son tour, après avoir convaincu ses disciples de l’événement de la Résurrection, de quitter ses proches pour les laisser plus libres encore d’accomplir leur propre destinée. En agissant de la sorte, il refuse lui aussi d’être cette présence divine envahissante vers laquelle nous nous tournerions systématiquement dès qu’un problème surgirait. Il ne veut pas être catalogué de « belle-mère infernale ». Dieu tient trop, en effet, à l’exercice de notre liberté mais également il nous donne demande de devenir des êtres


DIEU

35

pleinement responsables face à notre propre vie. Il est alors clair que le prix de la liberté peut nous sembler parfois un lourd tribut à payer surtout lorsque nous sommes confrontés à l’insupportable de l’injustice de la maladie ou de la mort qui arrive souvent trop tôt. Nous avons le sentiment que le cadre à partir duquel notre liberté peut s’exercer diminue fortement et nous pouvons être saisis d’un vertige d’un sentiment d’absence totale de liberté. Toutefois, le Fils ne nous laisse pas seuls, en désarroi. Il nous promet qu’à l’événement de la Pentecôte, il nous enverra « ce que mon Père a promis », c’est-à-dire l’Esprit Saint qui nous accompagnera sur le chemin de vérité de nos vies. Avec l’Esprit de Dieu en notre monde, il ne s’agit plus de cette « belle-mère insupportable » mais plutôt d’une « belle-maman » attentive et bienveillante qui se révèle à nous, lorsque nous choisissons de nous laisser guider par Lui, dans la manière dont tous ceux et celles qui se font proches de nous, nous accompagnent dans la traversée de l’épreuve. Le Fils, comme le Père, s’en est allé mais nous vivons avec la promesse que nous ne sommes plus jamais seuls. L’Esprit de Dieu éclaire nos routes intérieures. Il est en nous et agit par chacun de nous. Puissions-nous alors rendre grâce à Dieu de nous offrir une telle liberté et une telle responsabilité pour sa Création et ses créatures. Bonne fête de l’Ascension et bonne fête à toutes les « belles-mamans » attentives et bienveillantes qui, par leur être et leurs actes, rendent Dieu plus présent en notre monde.


36

PROMESSES DE BONHEUR

Dieu est à l’œuvre par nous 6e dimanche de Pâques (Jn 14, 15-21)

Un ami faisait un jour le constat suivant : Dieu est muet pourvu qu’il ne soit pas sourd. Il est vrai que malgré son jeune âge le deuil l’avait déjà frappé à plusieurs reprises. Être confrontés à la mort brutale ou lente d’êtres chers nous oblige à nous resituer chacun face au mystère de Dieu. Croire quand tout va bien n’est pas évident, alors croire quand tout va mal, cela complique encore un peu plus nos interrogations. Dieu est-il muet ? Vercors l’écrivait déjà dans son livre les Animaux dénaturés. S’il n’est pas muet, il est en tout cas bien silencieux pour ne pas dire trop souvent absent. Dieu est-il sourd ? La question a en tout cas le mérite d’être posée. Heureusement pour nous, un coin du mystère se dévoile à nous. Pour comprendre ce soi-disant mutisme et cette surdité de Dieu, nous sommes invités à nous tourner vers l’Esprit de Vérité dont nous parle l’évangile. C’est cet esprit que nous avons reçu à notre baptême et que certains parmi nous ont choisi de confirmer par la suite. Cet esprit nous le connaissons, affirme le Christ, parce qu’il demeure auprès de nous et qu’il est en nous. Dieu, par son esprit de vérité, vit en nous. Il n’est alors pas nécessaire d’attendre et de rechercher de grands miracles, des prodiges pour croire. Il nous suffit d’entrer au plus profond de notre être et de découvrir Dieu, le redécouvrir là où il vit. En nous. Il y a donc une force divine en chacun de nous et si nous souhaitons voir des signes de sa présence, il suffit de regarder notre propre manière de vivre la vie. Ne cherchons pas Dieu dans un ailleurs, ce n’est pas là qu’il se révèle à nous, qu’il nous attend. Dieu est en nous, à nos côtés, présence invisible qui nous accompagne. Si c’est vrai, cela signifie que Dieu n’est ni muet, ni sourd. Il en-


DIEU

37

tend nos prières et souhaite y répondre mais lorsque Dieu intervient sur notre terre, il ne peut le faire que par nous. Quittons nos images enfantines d’un Dieu magicien qui pourrait tout résoudre en un seul coup de baguette magique ou, en termes plus contemporains, par l’envoi d’un rayon laser en provenance du ciel. Dieu ne peut intervenir que par nous. Quelle responsabilité divine. Mais aussi, quelle responsabilité humaine. Par la liberté reçue, nous sommes acteurs, non seulement de nos vies mais également de Dieu. Par nos actes, nos paroles, nos regards, par des amitiés partagées, l’amour offert, la tendresse donnée, nous permettons à Dieu d’exister, de vivre sur notre terre. Cela signifie également que si nous proclamons que nous croyons en Dieu mais qu’en même temps nous posons des actes inqualifiables, nous sommes des menteurs. En effet, clame le Christ, si vous m’aimez, vous resterez fidèles à mes commandements. L’Esprit de vérité rayonne dans tout notre être. C’est de cette manière que nous pouvons affirmer que Dieu se vit tous les jours de notre vie grâce à nous. Il est vrai qu’il n’est pas toujours aisé de percevoir, de ressentir cette vie divine en nous et que Dieu, malgré tout ce que je viens de dire, nous semble bien silencieux, bien mystérieux. Pour dépasser cela, reprenons un instant la dynamique divine telle qu’elle se dévoile dans l’évangile. Nous découvrons l’image d’un Dieu qui est Père, Fils et Esprit. Dieu le Père tout puissant de douceur et de tendresse a créé le monde et s’est retiré de celui-ci en donnant un mandat à son humanité de le conduire à son achèvement. Pour se faire, il nous offre la liberté totale. Au moment, où les êtres humains ont été capables d’entendre, Dieu le Fils s’est incarné parmi nous pour nous proposer un chemin de vie. Ce chemin conduit au bonheur, il suffit de s’enraciner dans toutes les paroles de Jésus et de vivre de ses commandements. Puis, lui aussi, s’est retiré de ce monde


38

PROMESSES DE BONHEUR

pour nous laisser conduire nos vies en toute liberté. Par son retrait, il permet à Dieu, l’Esprit de vérité, de venir habiter en nous pour que nous nous habituions à Dieu et vivions de Lui. Le Père et le Fils se sont retirés de notre monde, l’Esprit de Vérité est en nous et c’est par nous, et uniquement par nous, que Dieu est à l’œuvre en notre monde. Le Père nous a donné la vie, le Fils nous montre le chemin de vie et l’Esprit nous invite en toute liberté à vivre notre vie. Dieu n’est ni muet, ni sourd. Il est à l’œuvre par nous : à nous d’agir, à nous de le reconnaître avec les yeux de la foi, à nous de vivre notre vie.

Dieu s’invite à l’improviste Assomption de la Vierge Marie (Lc 1, 39-56)

En revenant de la clinique, lorsque le premier enfant est entré dans sa nouvelle chambre, quelques jours après sa naissance, il s’est émerveillé devant tant de belles choses. Dans sa petite tête de nouveau-né, il ne savait pas si c’était la couleur paille de mur, la frise décorée de petits Winnie l’Ourson ou encore son lit qui semblait déjà ancien et qui venait sûrement d’être repeint par papa dans les tons soleil. Il s’étonnait d’être entouré d’autant de peluches et aimait son petit carrousel musical qui jouait des petits airs de comptines pour l’aider à s’endormir tandis que le regard tendre de maman se penchait sur lui. Il se sentait vraiment bien dans son nouveau petit royaume et il espérait que chaque enfant du monde aurait autant de chances que lui. Le second enfant quant à lui, lorsqu’il ouvrit les yeux, comprit que la vie sera sans doute plus dure pour lui. Les murs n’avaient sans doute jamais été lavés, le sol était de terre ferme, les animaux qui l’entouraient n’étaient pas des peluches, mais étaient bien vivants.


DIEU

39

Il ne pouvait pas en douter vu l’odeur qui régnait dans la pièce. Son petit lit de paille était malgré tout confortable. Pourtant, il était heureux, car auprès de lui se trouvaient ses deux parents et quelques bergers qui passaient par là. Le premier enfant est né récemment dans notre région. Le second, l’enfant-Dieu, est né il y a un peu plus de deux mille ans. C’est étonnant lorsque nous comparons ces deux situations. Nous aurions pu nous attendre au contraire. L’enfant-Dieu aurait quand même pu naître dans le meilleur hôpital de la région, entouré des meilleures infirmières accoucheuses et du plus réputé gynécologue. Et voilà que l’histoire s’est passée tout autrement. Et c’est sans doute tant mieux pour nous. Je m’explique. Lorsqu’un enfant est annoncé, au-delà de la joie qu’un tel événement procure, les jeunes parents prennent le temps de préparer sa venue. La chambre est prête, bien en ordre pour l’accueillir. Un peu à l’instar d’autres moments de l’existence où nous invitons des proches à rejoindre notre table. Nous mettons notre maison en ordre pour les recevoir. Tout est prêt pour que l’environnement soit le plus agréable possible à nos hôtes. Nous soignons les moindres détails, heureux de pouvoir les accueillir. D’ailleurs, je me souviens, lorsque j’étais enfant, chez ma grandmère, à table, il y avait toujours une chaise vide alors que le couvert était dressé. C’était, disait-elle, la place de la Vierge Marie. Il fallait qu’elle soit prête au cas où Marie viendrait se joindre à nous à l’improviste. Un peu comme Marie qui se rend chez Élisabeth ; un peu comme Dieu qui vient Lui aussi toujours nous rendre visite à l’improviste. Comme s’il n’aimait pas que nous ne restions que dans l’attente en oubliant de vivre notre vie tout simplement. Dieu semble aimer s’inviter chez nous au moment où nous nous y attendons le moins dans le brouhaha de nos existences. Or il n’est pas facile de mettre de l’ordre dans notre


40

PROMESSES DE BONHEUR

désordre intérieur permanent. Nous sommes pris par le tourbillon de la vie, par une immédiateté de plus en plus grande, par les soucis réels causés par l’injustice de la souffrance, par le temps douloureux du deuil et de l’expérience de la séparation de celle ou celui qui nous avons tant aimé sur cette terre. Parfois, nous pouvons avoir le sentiment que notre vie a des relents apocalyptiques et nous ne voyons plus que le chaos qui existe, voire subsiste contre vents et marées. Puissions-nous alors découvrir, que derrière chaque chaos, à un moment où nous nous y attendons le moins, nous pourrons voir le Fils de l’homme dans la gloire. Alors, s’il est vrai que notre cœur n’est sans doute pas l’endroit le mieux rangé tellement nous pouvons avoir le sentiment d’être bouleversés par la réalité de la Vie, ne nous laissons toutefois pas encombrer par cette réalité. En effet, même si notre cœur nous donne parfois le sentiment d’être une étable, pourtant, des choses merveilleuses peuvent s’y vivre. Alors, heureux sommes-nous de nous dire que le Christ Jésus est né dans une crèche et que c’est dans un tel lieu qu’il a commencé sa vie d’homme. Oui, heureux sommes-nous, car c’est sans crainte que nous pouvons aujourd’hui encore l’accueillir au cœur de notre cœur, crèche vivante et parfois chaotique où Dieu vient habiter. Car c’est dans un cœur comme le nôtre que Dieu a choisi de venir vivre. Il se repose en chacun de nous et rayonne de sa divinité lorsque nous la laissons transparaître dans tous les actes de douceur et de tendresse que nous posons. S’il en est ainsi, que le Christ Jésus vienne alors nous surprendre chacun, à l’improviste, sur la paille de nos vies. Nous tressaillirons d’allégresse audedans de nous.


DIEU

41

Étonnés de Dieu Nativité du Seigneur (messe de la nuit) (Lc 2, 1-14)

Cela fait un peu moins de deux mille ans que Jésus nous a dit qu’il reviendrait un jour. Imaginons-nous alors la situation suivante. Dans notre pays, depuis quelques mois, une étoile s’est mise à briller de plus en plus sur la clinique Édith Cavell. C’est quand même plus chic que notre Sauveur naisse à Uccle. Les astrologues sont unanimes pour nous dire que cette étoile annonce un événement exceptionnel et en ce temps des télécommunications, tous les journalistes sont là dans l’attente de l’heureux événement. Marie et Joseph sont arrivés depuis quelques heures déjà. Et voilà soudainement que les portes de l’hôpital s’ouvrent, le porte-parole s’avance et est maintenant prêt à s’adresser à la presse. Un sentiment d’inquiétude traverse les gens qui attendent depuis si longtemps. Ils lisent dans les yeux du porte-parole, une certaine gêne, comme si quelque chose d’anormal s’était passé. Et voilà qu’en quelques secondes la tension monte alors que l’étoile brille plus que jamais dans le ciel au-dessus d’Édith Cavell. Tout doucement, le porte-parole commence à parler : « L’accouchement s’est très bien passé ; la mère et l’enfant se portent à merveille mais… poursuit-il en ne sachant plus très bien quoi dire, mais à notre grand étonnement, Jésus est une fille ». Une fille ! crie la foule, mais ce n’est pas possible. C’est un imposteur et nous nous sommes fait avoir. » Ce petit conte de Noël contemporain peut apparaître blasphématoire pour certains. Pourtant, telle n’est pas mon intention. Si je vous l’ai raconté, c’est parce que j’ai le sentiment que, face à un tel événement à ce point inattendu, nous serions sans doute pour beaucoup choqués. Ce n’est pas comme cela que nous l’avions imaginé, attendu le retour du Messie. Tout comme


42

PROMESSES DE BONHEUR

les gens il y a deux mille ans. Ils attendaient un « Merveilleux Conseiller, Dieu Fort, Père-à-jamais, Prince de la Paix », comme le proclamait Isaïe. Et ils découvrent que ce Dieu promis est un bébé emmailloté dans une mangeoire. Pauvre parmi les plus pauvres. Ils étaient, je pense, aussi étonnés que nous ne le serions si mon petit conte était devenu réalité. En cette nuit de Noël, Dieu nous invite à faire place à l’imprévu, place à l’inattendu. La foi en Jésus Christ ne peut passer que par l’étonnement. Nous pourrions presque affirmer qu’avoir la foi, c’est être étonné. Certains sont étonnés que nous puissions croire et nous, nous croyons, car nous sommes des êtres non seulement étonnants, mais également étonnés. Des étonnés de l’amour de Dieu pour sa création, des étonnés de l’amour de Dieu qui se dévoile dans toute relation où chaque être est libre d’aimer. Tant que je ne serai pas étonné, je ne serai pas croyant comme si, lorsque j’arrête de m’étonner, je perds la foi. Tout simplement parce que le visage de Dieu, tel qu’il nous est révélé par Jésus, est étonnant. L’évangile est étonnant. Dès lors, croire est étonnant. Par le mystère de l’Incarnation, nous devenons les étonnés de la vie. En nous, nous laissons une lézarde dans nos certitudes intérieures pour laisser surgir l’imprévu, l’inattendu de Dieu. Nous nous ouvrons à l’irruption du nouveau dans notre vie. Nous lâchons prise parce que nous acceptons que c’est dans cet inattendu que Dieu nous attend. Lâcher prise, c’est se reconnaître non maître de son histoire et de sa destinée. C’est ne pas adapter l’événement à mes propres désirs mais recevoir chaque jour, chaque instant comme il vient et pouvoir m’en réjouir. Lâcher prise, c’est accepter que tout ne nous appartient pas, qu’il y a une grande part de mystère en Dieu, en l’autre mais également en nous. C’est donc se déprendre de nous-même pour mieux vivre et


DIEU

43

grandir pour l’avenir. En lâchant prise, je crains moins et j’aime davantage. C’est vrai, lorsque je contrôle tout, je me rassure ; tandis que lorsque je laisse place à l’imprévu, à l’inattendu, je lâche prise et donc, je peux vivre. Noël nous convie de la sorte à laisser place en nous pour mieux nous abandonner dans le cœur de Dieu. Vivre de cette confiance que le bonheur est un chemin proposé à chacun même si les ronces de la violence désenchantent le monde dans lequel nous sommes pour le moment. Vivre la vie avec étonnement pour redécouvrir les merveilles de chaque instant. Cueillir et accueillir l’imprévu des événements comme richesses à dépasser et bienfaits à découvrir. Si l’inattendu et l’imprévu nous déstabilisent, rappelons-nous qu’à tout instant qui passe, le Christ frappe lui aussi à notre porte de façon toujours inattendue. C’est dans l’inattendu et l’imprévu de l’événement que Dieu se révèle à nous en cette nuit de Noël. Que dans la foi, nous puissions nous en réjouir pour que l’étoile de Noël ne se lasse pas en une nuit, mais s’offre à nous dans l’étonnement de chaque instant.

Enfants par adoption 3e dimanche de Carême (Jn 4, 5-42)

De temps à autre, il m’arrive de rencontrer des couples ayant des jeunes enfants et qui me disent : « J’espère que vous ne serez pas vexé, mais nous avons choisi de ne pas baptiser nos enfants, nous voulons qu’ils restent libres de le faire plus tard lorsqu’ils seront en âge de décider. » À une telle affirmation, je m’étonne toujours. Pourquoi, serai-je vexé ? Comme si ma susceptibilité risquait d’être éprouvée. Notre paroisse n’est pas une entreprise éco-


44

PROMESSES DE BONHEUR

nomique et je n’ai pas l’impression d’avoir fait une mauvaise année si le nombre de baptêmes diminue. Mais surtout à une telle affirmation, je réponds toujours avec un léger sourire. Je me réjouis que vous ayez pris une telle décision pour votre enfant. Quelle chance a-t-il de pouvoir naître ou d’être accueilli au sein d’un couple comme le vôtre. Ensuite, commence une petite litanie de questions : lui avez-vous laissé le choix de venir au monde ? est-il aujourd’hui libre de vivre ? Je suppose qu’il n’ira ni chez une gardienne, ni dans une crèche, ni à l’école, tant qu’il ne sera pas à même de vous dire laquelle il choisit, voire même s’il en veut ? Vous ne prendrez évidemment aucune décision à sa place, étant à ce point respectueux de sa liberté ? Mais de toute façon, pour qu’il soit libre, il devra être à même de pouvoir choisir. Alors comment allez-vous l’accompagner et lui faire découvrir la foi pour qu’il puisse vraiment choisir ? Il est vrai que ces quelques questions laissent en général un léger blanc dans la conversation. Pour la majorité d’entre nous notre baptême a été décidé par nos parents. Nous n’avons pas eu le choix. Pour ma part, ce n’est pas bien grave puisque dans ma vie, quand j’étais petit enfant, il y a eu un ensemble de décisions sur lequel je n’ai rien eu à dire. Mes parents ont beaucoup décidé pour moi et c’est tant mieux. D’ailleurs c’était leur rôle. Ce choix du baptême, je ne le regrette pas et l’Église m’a donné l’occasion, lorsque j’étais un peu plus grand, de pouvoir le confirmer. À ce moment-là, j’ai vraiment eu le sentiment de pouvoir choisir. J’avais conscience que je pouvais infirmer le choix de mes parents et je n’ai pas eu le sentiment d’une quelconque pression sociale. J’étais libre. Mais libre de quoi ? Libre d’accepter mon baptême, libre d’entrer en relation avec le Christ comme le firent les Samaritains qui rencontrèrent le Fils de Dieu. Notre présence en ce lieu est signe de notre foi au Christ. Nous acceptions de recevoir l’Esprit Saint et de vivre


DIEU

45

de la vie en Dieu. Dès notre conception, dès le début de notre vie, nous sommes aimés de Dieu. Nous avons de l’importance à ses yeux. Par notre baptême, enfants ou adultes, nous sommes marqués de l’Esprit Saint, nous devenons enfants de Dieu par adoption. Robert Neuberger, psychiatre, dans un superbe livre sur la famille affirmait qu’il n’existe pas d’enfants adoptés mais seulement des enfants par adoption. Il importe peu la manière dont nous entrons dans une famille. L’important, c’est de faire partie d’une famille. Par notre baptême, nous sommes entrés dans la famille de Dieu, nous sommes ses enfants d’adoption. Être enfant de Dieu, c’est oser croire et accepter que pour Lui, nous sommes ses filles et ses fils bien-aimés et qu’en chacun de nous, il a déposé tout son amour. Cette filiation divine se vit dans l’Esprit de Dieu qui nous accompagne tout au long de notre vie pour que celle-ci se vive dans la douceur, la paix et l’amour. S’il en est vraiment ainsi, revisitons notre propre baptême, notre propre chemin de conversion et qu’au cœur de nos nuages intérieurs, le ciel s’ouvre pour que la colombe vienne se poser sur chacun d’entre nous. En nous, Dieu a mis tout son amour. Par son Esprit, nous sommes devenus ses enfants par adoption. Son désir pour nous est de vivre à jamais en Lui, c’est-à-dire de plonger dans le bonheur de la vie, dès ici et maintenant.

Gourmet et gourmand de Dieu 18e dimanche ordinaire (Mt 14, 13-21)

Quand j’ai le plaisir de célébrer un mariage sans eucharistie, car cette dernière ne fait pas partie de la vie des fiancés, souvent des membres de la famille ne sont pas contents pas tellement parce que les fiancés ont été vrais avec eux-mêmes et ont refusé


46

PROMESSES DE BONHEUR

de brader un sacrement qu’ils ne vivent pas mais parce que, comme il n’y a pas eu de communion, ils devront retourner dans une église le lendemain. Et quand j’ai le plaisir de célébrer un mariage avec une eucharistie, cette fois, il m’arrive encore régulièrement d’avoir des gens qui me demandent ceci : « Dites, Père, ça compte pour demain ? » À quoi je réponds toujours : « Non, cela ne compte pas parce que ce n’est pas la liturgie dominicale comme telle. Mais par contre, si vous estimez dans votre vie de foi que cette célébration vous a nourri pour les jours qui viennent, alors je comprends que venant d’être rassasié, vous ne ressentiez pas le besoin d’une nouvelle eucharistie. » Mais si ça compte, là je dis non. Comme si cela devait compter ! Il est vrai qu’il y a quelques décennies, manquer la messe était « un péché mortel ». Heureusement, nous ne sommes plus dans ce type de discours rude, légaliste, desséchant et surtout anti-évangélique. Aujourd’hui, nous participons à l’eucharistie, qu’elle soit dominicale ou quotidienne, parce qu’une faim de Dieu s’est éveillée en nous. À l’image de cette foule dans l’évangile : elle avait faim et soif de Dieu à ce point qu’ils étaient, semble-t-il, prêts à sauter un repas pour rester auprès de Jésus. Cette attitude nous renvoie à nous-mêmes : avons-nous aussi faim de Dieu ? Pas n’importe quelle faim : une faim de gourmet et de gourmand. Je m’explique : gourmet de Dieu, c’est-à-dire apprécions-nous le raffinement de ce que Jésus nous révèle du mystère du Père ? Être gourmet de Dieu, c’est prendre du temps pour Dieu, le lui offrir pour mieux partir à sa rencontre et se réjouir chaque fois un peu plus lorsque nous le comprenons mieux, lorsque nous en vivons. Si effectivement Dieu est important pour nous, je prends un plaisir à être en sa compagnie dans la lecture des Écritures, dans la méditation personnelle, la prière, la célébration des sacrements. Je me réjouis également de


DIEU

47

sa présence que je ressens lorsque je vis une rencontre d’amitié, d’amour en vérité. Le gourmet de Dieu est rayonnant de divinité chaque fois qu’une occasion lui est donnée de la vivre. Le gourmand de Dieu, quant à lui, est une bonne fourchette, il est friand de toute nourriture proposée. La bonne fourchette apprécie la qualité, mais ne se contente pas d’un régime diététique, il apprécie les mets où il trouvera une certaine quantité nécessaire pour qu’il puisse se rassasier. De plus, le gourmand ne peut se satisfaire d’un repas gastronomique épisodique alors que les mets sont raffinés, la table est superbement dressée, une ambiance appropriée et un souvenir merveilleux dans la mémoire. Non, une fois de temps en temps n’est pas satisfaisant, car pour le gourmand, qualité et quantité rime avec régularité. Vivre notre foi pleinement est une invitation à ne pas nous satisfaire d’un des deux adjectifs : gourmet ou gourmand. Nous sommes conviés à remplacer le « ou » par un « et » devenant ainsi gourmet et gourmand de Dieu. Comme si Dieu attendait de nous que nous savourions les différents lieux et moments où il se révèle à nous dans le silence de notre cœur. Désirer être nourri par Dieu exige le vif réveil de notre foi. Avoir faim de Dieu c’est alors dépasser le réel de la vie, c’est-àdire le travail, les soucis, les loisirs, pour vivre le réel de Dieu. Ces deux réels ne sont pas contradictoires, mais constitutifs de ce que nous sommes. En tant que croyants, nous avons besoin des deux. Sans Dieu, le réel de la vie peut parfois nous sembler fade, pauvre, voire même lourd. Envahie par Dieu, par contre, c’est notre vie elle-même qui éclate, s’épanouit. Le réel de la vie s’impose à nous. Le réel de Dieu a constamment besoin d’être appelé par notre foi. C’est elle qui nous donne faim de Dieu. Par là, nous serons transfigurés puisque Dieu donne ce goût à la vie aux gourmets et gourmands de la foi que nous sommes.


48

PROMESSES DE BONHEUR

L’Esprit de Dieu Pentecôte (Jn 20, 19-23)

C’était un dimanche matin, le 12 juillet 1942 pour être précis. Elle n’était pas bien née pour une certaine idéologie de cette époque puisqu’elle était juive. Etty Hillesum s’interrogeait sur le monde dans lequel elle vivait et elle adressa cette prière : « Je vais t’aider, mon Dieu, à ne pas t’éteindre en moi, mais je ne puis rien garantir d’avance. Une chose cependant m’apparaît de plus en plus claire : ce n’est pas toi qui peux nous aider, mais nous qui pouvons t’aider — et ce faisant, nous nous aidons nousmêmes. C’est tout ce qu’il nous est possible de sauver en cette époque et c’est aussi la seule chose qui compte : un peu de toi en nous, mon Dieu. Il m’apparaît de plus en plus clairement à chaque pulsation de mon cœur que tu ne peux pas nous aider, mais que c’est à nous de t’aider et de défendre jusqu’au bout la demeure qui t’abrite en nous. » Y a-t-il un extrait plus éclairant que celui-ci pour comprendre la fête de la Pentecôte, la fête du don de l’Esprit Saint ? Toutes et tous, nous sommes le temple vivant de Dieu sur cette terre, puisqu’Il a choisi de venir demeurer en nous. Ne le cherchons ni dans les nuages, ni au plus profond de l’océan ou encore au sommet de la plus haute montagne. Depuis l’événement de la Pentecôte, c’est uniquement en nous que nous le trouverons et par conséquent, également, dans le cœur de l’autre. Dieu n’a donc pas quitté notre monde, il a choisi de l’inhabiter au plus intime de sa Création, c’est-à-dire en nous. L’Esprit Saint, souffle divin, nous inspire à tout moment. Par Lui, Dieu est là, bien présent, accroché à nos vies. Cette troisième personne de la Trinité est difficilement définissable. Elle est la Transcendance même au cœur de notre monde. Elle est ce don du Père par le Fils aux dis-


DIEU

49

ciples. Et par notre baptême, nous embrassons également cet état puisque nous avons reçu l’Esprit Saint. Mais comme tout don, sommes-nous capables de le recevoir, de l’accueillir en nous et mieux encore d’en vivre ? Pouvons-nous accepter d’avoir l’être de Dieu au plus intime de notre être, là où aucun autre être humain ne peut venir se promener ? Un peu comme si, par-delà un sentiment de solitude existentielle, vivait en nous cette présence divine qui nous inspire et nous pousse à découvrir dès à présent les joies de la vie divine. En d’autres termes, l’Esprit de Dieu est à l’œuvre en ce monde par nous, mais seulement si nous le faisons vivre. Il y va de ma responsabilité de croyant. Dieu a besoin de ses créatures pour que non seulement la terre tourne plus juste, mais aussi pour que nous puissions pleinement participer à l’achèvement de la Création. Dès lors, contrairement à ce que certains pourraient penser, l’Esprit Saint n’est pas une entrave à notre liberté humaine. Il est ce souffle qui nous pousse à nous dépasser, à quitter, à l’instar des apôtres qui s’étaient enfermés, toutes nos peurs qui parfois nous tenaillent et nous paralysent. L’Esprit de Dieu nous ouvre vers l’étendue de nouveaux horizons, vers cette plénitude à laquelle tous nous sommes appelés. Loin de limiter notre liberté, il la déploie en toutes ses dimensions pour que nous vivions pleinement cette abondance de vie telle qu’elle nous a été promise dans le Christ. Seuls, nous serions désemparés, dépassés, déprimés face à l’immensité de la tâche. De plus, tout comme le Christ, l’Esprit Saint ne force pas nos serrures intérieures. Il ne s’impose pas. Il s’invite en nous. Il est là, simplement, pour nous apporter d’abord la paix. Une paix profonde. Un sentiment de bien-être, car nous prenons conscience qu’avec Lui nos vies s’ouvrent sur un avenir que nous n’aurions jamais pu imaginer par nous-mêmes.


50

PROMESSES DE BONHEUR

En cette fête de Pentecôte, Dieu nous fait signe, une fois encore. Venez en vous, nous dit-il, vous êtes chez moi et ensemble nous traverserons la vie. Elle vaut tellement la peine d’être vécue. Inspiré par l’Esprit, je respire autrement mon existence. Le souffle de Dieu balaye en moi mes inquiétudes pour que je puisse retrouver le sens de mon humanité profonde : le partage de la vie divine. Mais comment être certain de l’inhabitation de Dieu en nous ? La réponse est claire. Les disciples furent remplis de joie, nous relate l’évangéliste. La joie est donc signe de cette présence divine en nous. Il nous reste alors à savoir si nous sommes bien tous empreints de cette joie qui fait de nous des êtres qui rayonnons de notre foi, des êtres qui rayonnons d’une vie pleine de vie.

Le château de Dieu 5e dimanche de Pâques (Jn 14, 1-12)

Un jour, un menuisier étant arrivé à l’âge de la retraite informe son employeur de son intention de quitter l’entreprise afin de passer le reste de sa vie paisiblement auprès de son épouse. Le patron de cette petite entreprise était triste de voir partir un si bon menuisier et lui demanda une faveur personnelle de construire juste une dernière maison. Le menuisier accepta. Mais cette fois-ci, il était facile de voir que son cœur n’était plus à l’ouvrage. Il accomplit un travail médiocre et utilisa des matériaux de qualité inférieure. Quand le menuisier eut terminé la maison, son employeur arriva et en fit l’inspection puis il présenta la clé de cette maison au menuisier en disant : « Cette maison est la tienne, c’est mon cadeau pour toi en reconnaissance de toutes ces années ». Le menuisier était si triste. Quelle honte ! Si seulement il avait su qu’il construisait sa propre maison, il l’aurait bien évidemment faite au-


DIEU

51

trement. N’en va-t-il pas de même avec notre vie ? Ne la construisons-nous pas malheureusement trop souvent avec négligence et insouciance ? Un peu comme si nous étions convaincus que nous avions toute la vie devant nous, ayant oublié que la mort nous attend au bout de notre chemin pour entrer dans la vie éternelle ? Si nous répondons de manière positive à ces questions, alors à un moment donné, avec étonnement, nous réaliserons que nous devons vivre dans la maison que nous nous sommes construite. S’il nous était possible de recommencer, nous aurions sans doute fait autrement nous aussi, mais nous ne pouvons pas revenir en arrière. Nous sommes tous les artisans de cette maison qu’est notre vie. Chaque jour nous enfonçons un clou, nous plaçons une planche, nous érigeons un mur. La vie n’est-elle pas un projet de tous les instants ? C’est par nos attitudes et nos choix d’aujourd’hui que nous construisons la maison que nous allons habiter demain et pour le reste de notre vie. Alors, pourquoi ne pas la construire avec sagesse ? conclut l’auteur de ce conte. Ma vie sera-t-elle une petite cabane toute branlante cachée au fond d’un bois ou un château aux mille pièces ouvertes sur le monde ? Dieu nous a donné la liberté. Cette dernière fait de nous les artisans de nos existences. À nous de l’utiliser de la manière la plus appropriée en vue de réaliser notre destinée. Toutefois, nous ne sommes pas seuls sur cette route de la vie. En effet, dans la foi, le Christ vient nous redire : « Je suis le Chemin, la Vérité, la Vie ». Chaque terme a son importance dans cette affirmation. Jésus n’est pas un chemin parmi d’autres. Il est le chemin, celui qui nous conduit à la Vérité et à la Vie ou pour le dire en d’autres termes : « Au cours du chemin donné par Jésus, l’Esprit nous donne la Vie pour trouver la vérité de Dieu. » Sur ce chemin offert par le Christ, nous ne pouvons pas nous tromper, nous ne faisons jamais, je dis bien jamais, fausse route.


52

PROMESSES DE BONHEUR

Le chemin du Christ est cette route du bonheur qui se réalise lorsque nous suivons ses propositions de vie et d’amour. S’il en est vraiment ainsi, laissons-nous alors inspirer par l’Esprit Saint pour que celui-ci nous soutienne dans les choix que nous faisons, les actes que nous posons, les gestes que nous offrons, pour goûter à cette abondance de vie à laquelle chacun de nous est appelé. Inspirés par l’Esprit de Dieu, obéissant dans l’amour aux commandements du Fils de Dieu, nous pouvons alors trouver la Vérité du Père, c’est-à-dire le rêve divin pour l’humanité entière afin que celle-ci prenne pleinement conscience de sa finalité, du sens du don reçu de la Vie. Nous avons le privilège et la chance unique de croire en un Dieu qui veut le bonheur de ses créatures. Quoi de plus merveilleux ? Un bonheur non pas à découvrir dans une nouvelle vie future mais bien un bonheur à vivre dès aujourd’hui, à chaque instant puisque le temps passé est dépassé à jamais. Un jour, la vie nous a été donnée. Depuis ce moment, nous sommes en quête de découverte de la Vérité. Et pour ce faire, un chemin nous est proposé : celui du Christ. À nous alors de choisir de marcher sur sa route, accompagné de l’Esprit, en vue de la rencontre avec le Père. En résumé, le Père nous offre le projet, l’Esprit nous donne les moyens et le Fils nous ouvre le Chemin. Alors, ma vie sera-t-elle une cabane poussiéreuse, un taudis ragoûtant ou une maison où il fait bon vivre ? Cette décision, dans la foi, nous appartient, mais surtout n’oublions jamais que Dieu, quant à lui, nous propose un château.


DIEU

53

Le choix de Dieu Saints Pierre et Paul (Mt 16, 13-19)

Régulièrement, je suis pris d’un désir un peu fou : celui d’installer des haut-parleurs sur le toit de la voiture communautaire que j’utilise. Pourquoi me direz-vous ? Tout simplement pour pouvoir traiter de tous les noms d’oiseaux que je connais, et la liste est plutôt longue, les automobilistes qui ne me remercient pas d’avoir été courtois au volant en me mettant sur le côté pour les laisser passer et ce, même s’ils sont en droit. J’imagine la tête de celui ou de celle qui n’ayant pas eu la délicatesse de m’envoyer à travers son pare-brise un petit geste de la main, voire même juste un sourire, se faire insulter à travers mes haut-parleurs. Vu que je rencontre cette expérience douloureuse régulièrement et que je ne suis pas à l’abri de me faire piéger également, je risque d’être poursuivi pour pollution du bruit. Évidemment, ce n’est qu’un rêve. Mais quel rapport avec l’évangile, êtes-vous en droit de me demander ? Quand un automobiliste, que nous estimons grossier, ne nous remercie pas, il nous ignore et nous avons l’impression que nous n’existons pas. Nous ne sommes pas reconnus. Or, pour être reconnu, il ne faut pas grand-chose rappelle Jésus : pour vous qui suis-je ? Il suffit d’une simple réponse : la nôtre tout insignifiante puisse-t-elle être. Notre vie, aujourd’hui encore, est effectivement parsemée d’une multitude de petits gestes souvent plus insignifiants les uns que les autres et pourtant… Pourtant, comme ils sont importants, ces petits détails qui rythment nos vies quotidiennes ! Une attention par-ci, un sourire par-là, un geste de tendresse, quelques minutes d’amitié. Ils sont millions ces petits riens qui font la beauté de la vie. Mais ne risquonsnous pas trop souvent de les oublier ? Nous ne pouvons, je crois,


54

PROMESSES DE BONHEUR

nous mobiliser de manière permanente pour faire des actions d’éclat, un peu exceptionnelles. C’est vrai, nous sommes capables de nous montrer extrêmement généreux pour un acte ponctuel face à la détresse d’un enfant. Mais qu’un acte pareil, tout aussi merveilleux qu’il soit, ne fasse jamais d’ombre à tous les autres petits actes de la vie, qui sont effectués tout au long d’une année et dans la discrétion de rencontres sans tapage, sans bruit. Là, c’est l’accueil dans la fidélité qui se vit. Être accueilli tout en accueillant le Christ comme Dieu, n’est pas quelque chose d’anodin, mais bien de divin. L’accueil est échange, l’accueil est reconnaissance. Et l’accueil est aussi parfois un défi. En effet, il n’est pas toujours facile d’accueillir ceux envers lesquels nous avons moins de sympathie. Nous ne sommes pas, non plus toujours prêts à nous faire surprendre par certains événements de la vie. Parfois, nous sommes saisis par une situation que nous n’avions pas prévue. Elle déjoue nos plans, fausse nos prévisions, ébranle nos sécurités. Et nous voilà au cœur de la réalité, avec toutes nos questions et nos désirs de tranquillité, de n’être pas dérangé. Les défis, eux aussi, se comptent par milliers. Et voilà, que nous sommes à nouveau bousculés dans notre foi, nos certitudes. Le Christ nous convie à répondre à un défi qui dépasse notre imagination : celui de Le choisir. De Le choisir en vérité. « Pour vous, qui suis-je ? » Il nous rappelle avec force, utilisant certaines images d’amour sans concession, que lorsque nous choisissons le chemin de la foi, ce choix n’est pas des moindres. Il demande de nous une disponibilité de cœur et d’esprit qui pourra nous conduire, lors de certains événements, à prendre une direction qui ne va peutêtre pas dans le sens de notre humanité mais bien dans celui de la divinité. Croire, c’est donc aussi faire des choix et se laisser surprendre, en confiance, par les défis de la vie. Mais, avons-nous


DIEU

55

cette disposition de cœur et ce désir de nous laisser émouvoir par l’amour radical de Dieu pour oser mettre nos pas dans les siens ? Que cette question puisse alimenter nos propres réflexions et qu’à la suite de Pierre, nous puissions lui chanter : « Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant. »

Le trésor de Dieu 17e dimanche ordinaire (Mt 13, 44-52)

Il y a de ces petits noms qui vous font chaud au cœur lorsqu’ils vous sont adressés. Je vous en livre quelques-uns à titre d’exemples et certainement pas pour que vous commenciez à m’appeler de la sorte. La liste proposée est évidemment loin d’être exhaustive et je vous invite à la compléter par vous-même. Voici quelques petits noms, glanés cà et là : chou, chouchou, chéri, chat, chaton, lapin, biquet, canard, nounours, amour, mon amour, mamour, loup, pt’it loup, loulou ou encore mon trésor. Ces mots désignent chaque fois une personne qui nous est très chère et avec laquelle nous avons une relation tout à fait particulière puisqu’il s’agit d’une relation souvent de couple mais parfois ces mots sont aussi utilisés par des parents lorsqu’ils souhaitent dire toute leur tendresse à leurs propres enfants. Ces mots désignent des personnes. Tout comme l’évangile d’ailleurs. Le trésor dont l’évangile parle aujourd’hui n’est pas quelque chose de matériel ; le trésor n’est pas non plus, l’évangile pris dans son ensemble. Non, le trésor est une personne : Dieu le Fils. Notre trésor de croyant, c’est Jésus lui-même, envoyé par Dieu le Père sur notre terre pour faire lever sur notre terre la semence du Royaume. Ce dernier lorsqu’il sera atteint sera aussi beau et pur qu’une perle rare. Telle est la promesse


56

PROMESSES DE BONHEUR

reçue. Et cette promesse se réalise dès à présent, si nous acceptons de poser notre vie dans les pas de Salomon et avec lui de demander « un cœur attentif et le discernement nécessaire entre le bien et le mal ». Ce que Jésus et Salomon nous rappellent c’est que ce trésor caché dans un champ et cette perle de grand prix illustrent une autre parole du Christ, trouvée également en Matthieu : « Où est ton trésor, là aussi sera ton cœur ». Où est notre trésor ? sommesnous invités à nous demander. C’est-à-dire où est Dieu dans notre vie ? La réponse est simple, tellement simple : dans notre cœur. Mais qu’est-ce à dire ? Ce qui importe, ce ne sont pas nos intentions, voire même nos déclarations. Non ce qui importe tant aux yeux de Dieu qu’aux nôtres, ce sont nos comportements quotidiens, nos préoccupations dominantes, nos manières d’entrer en relation et de nous soucier les uns des autres. En fait, ce qui importe, c’est l’usage que nous faisons de notre temps, de notre attention et de nos ressources personnelles et intérieures. Si le Christ est vraiment ce trésor dans lequel je puise, comment est-ce que j’organise mon emploi du temps ? Quelle place a-t-il dans mon agenda ? Trop souvent, hélas ! nous nous disons : « Mon Dieu, je n’ai pas trouvé le temps pour faire ceci, je n’ai pas donné du temps à l’autre alors qu’aimer qui s’enracine dans notre cœur, c’est prendre le temps de perdre son temps mais ensemble. » Un peu comme si nous avions consacré notre temps à des préoccupations jugées plus importantes ou plus intéressantes alors qu’elles nous éloignent de ce qui est essentiel dans la vie. Pour Dieu, l’essentiel se résume en trois mots : aimer, aimer et aimer. Tout le reste est superflu. Facile à dire mais tellement difficile à réaliser dans notre société occidentale où abondance et gaspillage se côtoient journellement. Nous avons beau le savoir,


DIEU

57

le reconnaître et pourtant, nous nous laissons trop souvent envahir par ce monde qui a aussi de superbes richesses marquées dans la solidarité, le souci de l’autre, la découverte de l’altérité, la réjouissance dans la différence. Dieu le Père par son évangile nous fait découvrir que le seul trésor est son Fils. Un Fils qui veut notre bonheur et également que notre vie soit aussi belle qu’une perle rare. Ce Fils réside dans le cœur de chacun d’entre nous et il ne demande qu’à pouvoir s’épanouir par nous. Pour ce faire, il n’existe qu’une seule possibilité : donner du temps au temps, pour revenir à l’essentiel, au cœur de notre cœur, là où il est possible d’aimer ceux que je suis amené à rencontrer. Comment savoir si je suis sur le bon chemin. C’est tout simple, il suffit de regarder notre agenda. Si le Christ est vraiment le trésor de ma vie, est-ce que je lui consacre suffisamment de temps ? À chacun d’y répondre et puis, de rectifier son emploi du temps si nécessaire.

Mise au monde de Dieu et mise à Dieu de l’humain Nativité du Seigneur (messe du jour) (Jn 1, 1-18)

La vérité n’est pas toujours bonne à dire, prétend le dicton. En ce jour de Noël, nous pourrions le transformer en reconnaissant également que la vérité n’est pas toujours bonne à vivre. Elle peut faire mal, très mal. Nous ne sommes pas toujours prêts à l’affronter en temps normal. Alors à Noël, elle nous saute aux yeux. Elle est là dans sa pureté. Nous ne pouvons plus nous mentir à nous-même. Un peu comme si le temps s’était arrêté. L’absence, la solitude, les relations compliquées sont plus difficiles à vivre un jour comme celui d’aujourd’hui. Ceci nous montre que


58

PROMESSES DE BONHEUR

Noël n’est pas un jour comme les autres. Il y a quelque chose de différent. Sommes-nous émerveillés par l’enfant à la crèche ? Sommes-nous envahis de cette lumière divine ? Tout au long de cette fête, nous découvrons, redécouvrons en nous cette force intérieure d’espérance comme si tout devenait à nouveau possible. Quoi qu’il en soit, personne ne semble rester indifférent face à un tel événement, même si pour beaucoup Noël est d’abord devenu une fête de famille avant d’être un souvenir de quelque chose d’exceptionnel qui s’est produit il y a deux mille ans et qui a transformé notre humanité entière : la mise au monde de Dieu, la mise à l’humain de Dieu. Dieu s’est fait l’un des nôtres. De manière étonnante il est vrai comme le relate le récit de saint Jean. Au fil des versets, il élabore un récit en maintenant le suspense. Vers la fin, nous pourrions presque l’interrompre et lui dire : « Et alors ? » Et lui de répondre : « Et alors ? Eh bien, le Verbe s’est fait chair ? Il a habité parmi nous. » Le Verbe s’est fait chair. Dans l’expérience indicible de la foi, y a-t-il plus belle phrase que celle-là ? Vivre avec cette conviction intime que Dieu a choisi de partager notre condition humaine. Que la vie vaut à ce point la peine d’être vécue, qu’il a décidé de s’incarner. Que notre corps est la plus belle enveloppe que nous ayons reçue pour accomplir notre destinée même si au cours des siècles des penseurs en mal d’existence vont voir en celui-ci un lieu de misère. Noël nous rappelle que tout être humain dans son corps et dans son âme et ce quelle que soit sa condition physique, intellectuelle, sociale et j’en passe, est la plus belle réalisation de Dieu. C’est sans doute pour cette raison que Dieu a choisi de l’inhabiter le temps d’une existence terrestre. Mais il y a plus que cela, Dieu s’est non seulement fait chair, mais il a habité parmi nous. Ce qui reviendrait à dire que Dieu a déménagé. Oui, vous


DIEU

59

entendez bien, il a déménagé. Il a quitté son Ciel pour venir sur notre terre. Oh, il n’avait pas pris grand-chose avec lui. Aucun carton, aucune valise. Juste un peu de sa divinité. Cela n’a d’ailleurs pas semblé trop lourd à porter puisqu’un tout petit bébé a pu la transporter. Dieu s’est fait donc proche, c’est-à-dire qu’il s’est fait le prochain de ses créatures. Lui qui jusqu’à ce jour nous semblait tellement éloigné, inatteignable, voilà qu’il fait de nous son prochain, non pas celui qui est loin de lui mais celui de qui, lui, a choisi de se faire proche. Dieu vient à nous. Il n’est plus une divinité indéfinissable. Il est une personne, cet enfant, ce tout-petit avec toute sa richesse et sa fragilité. Il est l’un de nous. Et sa mise au monde dépendait entièrement de sa volonté. C’est pourquoi la mise au monde de Dieu n’est pas seulement un événement à commémorer comme un anniversaire. Elle vaut tellement plus que l’admiration devant la douceur d’une crèche. En effet, Noël est aussi cette invitation permanente à entrer dans une démarche positive de vie. Si Noël est bien la fête de la mise au monde de Dieu, Noël est également la fête de la mise à Dieu de l’être humain. Par l’incarnation du Fils, nous partageons une condition humaine commune, empreinte de divinité, dans l’Esprit. En étant l’un des nôtres, nous sommes devenus un peu de Lui. La distance nous séparant l’un de l’autre est à ce point infime. En d’autres termes, nous sommes les prochains de Dieu tellement celui-ci s’est fait proche de nous puisqu’il inhabite en nous. C’est cela la mise à Dieu de tout homme, de toute femme. Et la lumière de la nuit passée nous ouvre la voie à un tel chemin. Par l’événement de Noël, la mise au monde de Dieu a conduit à la mise à Dieu de l’être humain. Telle est la vérité de l’événement de l’Incarnation.


60

PROMESSES DE BONHEUR

Nous sommes la bonne terre de Dieu 15e dimanche ordinaire (Mt 13, 1-23)

En méditant cet évangile, je me suis imaginé la situation burlesque suivante. Avant d’avoir goûté au fruit défendu, celui de l’arbre de la connaissance, Adam et Ève sont au paradis, en harmonie complète l’un vis-à-vis de l’autre. Un soir, pour passer le temps, ils décident de jouer aux cartes et voilà qu’Adam a une idée tout à fait saugrenue et propose à sa charmante épouse, Ève, non plus de jouer à la manille, mais de faire plutôt un strippoker. Vous savez, ce jeu inventé il y a des siècles où le perdant enlève un vêtement. Je comprendrais l’étonnement d’Ève qui se dit que ce jeu est impossible et tout à fait stupide puisqu’ils sont nus tous les deux. Comment enlever quelque chose à quelqu’un qui n’a plus rien ? Vous voyez l’absurdité de la situation. D’où mon étonnement de retrouver ce type de phrase dans la bouche du Christ : « celui qui n’a rien se fera enlever même ce qu’il a ». Mais s’il n’a rien, il est impossible de lui enlever encore quelque chose. Dieu le Fils ou l’évangéliste se serait-il trompé ? Je n’en sais rien, mais il y a une erreur de logique me semble-til. Ou alors, Jésus savait très bien en disant cela que ce type de personne n’existe pas. Aucun être humain n’a rien aux yeux de Dieu. Aucun être humain n’est rien aux yeux de Dieu. À l’instant même de notre conception, nous avons reçu, chacun, un ensemble de dons, de compétences. Elles sont là, en nous. Elles sommeillent et n’attendent qu’à être réveillées une fois pour toutes afin de pouvoir se développer. Tout être humain quel qu’il soit a reçu des dons. De par notre nature humaine, enracinée en Dieu, nous sommes tous des êtres doués. Ayant été créés à l’image de Dieu, avec comme mission l’acquisition de la ressemblance, nous


DIEU

61

sommes une « bonne terre » à ensemencer. Il est vrai qu’avec les aléas de la vie, avec certains événements douloureux tels que la maladie, la perte d’un être cher, des blessures morales, des failles dans l’âme, notre terre personnelle a peut-être un peu perdu de sa richesse première. À certains endroits de notre cœur, des ronces ont poussé, à d’autres, le terrain est devenu plus sec, plus rocailleux, mais il y a toujours un lieu où la terre a gardé sa fraîcheur originelle. Il s’agit du lieu de Dieu. Par définition, depuis l’instant de la Création, Dieu le Père a marqué le monde de l’abondance de ses semailles. Il sème à tout vent et en tout lieu. En lui, il n’y a ni perte ni profit. Tout ne peut être que bon puisque c’est lui qui nous ensemence à partir de sa propre divinité. Parfois, certains d’entre nous peuvent être traversés par le sentiment que leur terre intérieure est devenue, au fil des années, un désert stérile où plus rien de bon ne peut pousser. Puissent-ils se détromper de cette image et se détourner d’une telle désespérance, car en nous, il y a toujours un coin de bonne terre où Dieu peut venir déposer ses semailles. À nous de le trouver, de le retrouver si nécessaire. Il suffit de rechercher le chemin tracé en nous par le Fils dans l’Esprit. En le suivant, nous retrouverons ainsi non pas l’ombre divine, mais la présence du Père au plus profond de notre être. Une présence qui ne se contente pas seulement d’une rencontre intime, mais qui attend de nous que nous comprenions la mission qui nous a été dévolue dans l’accomplissement du Royaume de Dieu. Et cette mission ne peut se vivre qu’à partir de l’ensemble des dons que nous avons reçus. Aucun être humain ne peut prétendre avoir été dépossédé de ceux-ci. Ces derniers sont là et ne cherchent qu’à pouvoir s’épanouir. Il suffit pour ce faire de prendre une fois encore ce chemin intérieur. Et si nous pensons que nous n’avons pas la capacité de le faire, puissions-nous alors invoquer l’Esprit


62

PROMESSES DE BONHEUR

Saint pour qu’il mette sur notre route des personnes qui nous feront découvrir toutes les richesses qui sommeillent en nous et qui n’attendent qu’une seule chose : que nous les réveillions. En Dieu, il y a toujours de l’espoir, rien n’est jamais complètement asséché. Il suffit d’un petit bout de bonne terre intérieure pour que tout puisse recommencer. Si nous prenons pleinement conscience de cette réalité, alors nous ferons partie de ceux qui se réjouissent des dons reçus et qui osent les exploiter pour participer à leur manière à la réalisation de l’être humain et de la création tout entière. Heureux serons-nous alors, car « celui qui a recevra encore, et il sera dans l’abondance ». Jésus n’a-t-il pas dit : « Je suis venu pour que les êtres humains aient la vie et qu’ils l’aient en abondance » ? En Dieu, quelle belle destinée avonsnous à accomplir. Il ne nous reste qu’à faire fructifier l’ensemble de ces dons reçus. Nous sommes la bonne terre de Dieu.

Tu es précieux aux yeux de Dieu 12e dimanche ordinaire (Mt 10, 26-33)

Tous, du moins je l’espère, avons dans nos vies des gens précieux à nos yeux. Alors, permettez-moi de vous parler de l’un d’eux. Dans mes relations, il fait partie de ceux que j’appelle mes amis. Il n’est sans doute pas très différent des vôtres. Cet ami occupe pourtant une grande place, non pas dans mon agenda, mais dans mon cœur. J’apprécie chez lui non seulement son sens de l’humour, sa sensibilité, mais également sa recherche constante de vérité. Un de mes grands moments de bonheur est de prendre du temps avec lui quoi que nous puissions faire. Avec lui, je peux être pleinement moi-même. Je n’ai pas besoin de faire attention à mes paroles, à mes gestes. Je sais qu’il me com-


DIEU

63

prend. Il suffit même parfois d’un simple regard et tout est dit. Dans cette amitié, il y a eu, à un moment donné, une forme d’alchimie qui fait que nos chemins se sont croisés. Grâce à lui, j’ai l’impression de grandir et d’avancer dans la vie. Et si parfois de longs temps nous séparent, ce n’est pas grave, car il suffit d’une nouvelle rencontre pour que tout redémarre comme si nous nous étions vus la veille. Tel est le sens de l’amitié. Tous nous avons besoin d’aimer et d’être aimés. Nous ne pouvons pas vivre sans relation. Ce sont ces dernières qui font la beauté de nos existences. Nous les recherchons, nous les chérissons, car nous aimons cette proximité, cette quête constante de réciprocité. L’autre, être aimé d’amour ou d’amitié, fait partie de ces gens qui donnent sens à nos vies et ce, de par leur simple présence. Il s’agit d’un mystère qui ne peut s’expliquer mais qu’il est tellement bon de vivre. Nous rendons le temps au temps afin de nous investir. L’affection reçue nous affecte tout tendrement. Nos relations sont multiples et nous avons parfois la chance de vivre certaines comme étant belles, fortes et surtout précieuses. Précieuses parce qu’il y a quelque chose qui nous dépasse dans la rencontre. L’être aimé peut combler certains de mes manques, c’est vrai. Mais la vérité de la relation va au-delà de ce constat. C’est comme si nous vivions quelque chose de sacramentel. Entre nous, il peut exister un tel degré de tendresse, de douceur dans les paroles échangées, que Dieu choisit tout simplement de s’inviter entre nous. Il vient mettre une relation de transcendance au cœur même de la relation. Nous devenons ainsi par Dieu, l’un pour l’autre, sacrement vivant de la présence divine. Une relation d’amour ou d’amitié n’est pas simplement la superposition de deux êtres. Il s’agit de beaucoup plus que cela. Une véritable rencontre sentimentale se transcende dans la vérité des propos


64

PROMESSES DE BONHEUR

échangés. Elle devient divine par la profondeur de la qualité vécue dans le dialogue, l’écoute et surtout le silence. Et Dieu de son côté, ne peut que se réjouir d’assister à un tel événement, car comme le chante l’évangile de ce jour, chacun, nous sommes également précieux pour Lui qui se dévoile à son tour dans l’intime de notre silence. Nous valons bien plus que tous les moineaux du monde. À raison, nous devons alors être sans crainte face à notre devenir. Dieu est avec nous. Il nous accompagne. De quelle manière ? En se révélant à nous dans toutes les relations d’amour et d’amitié que nous nous efforçons de vivre et de protéger. Il est là, au cœur de nos existences. Nous comptons pour Lui. Nous sommes précieux aux yeux de Dieu. Bienheureux sommes-nous de vivre avec une telle espérance, une telle confiance. Jamais la solitude ne pourra nous envahir complètement puisqu’au plus profond de nous, Dieu a choisi de sommeiller et attend que nous venions à sa rencontre pour l’aimer et le faire exister par nous en ce monde. Nos relations humaines ou divines sont nées de manière mystérieuse. Nous ne pouvons pas les expliquer et c’est tant mieux. Une relation n’est pas une équation mais plutôt une rencontre entre deux êtres ayant chacun leur part d’indicible. Tel est le mystère de la vie qui nous a été donné dès l’instant de notre conception.

Un lieu de Dieu 31e dimanche ordinaire (Mt 23, 1-12)

S’il y a bien quelque chose que je trouve énervant, voire même insupportable dans la vie, c’est le football. Je n’arrive pas à comprendre comment vingt-deux types peuvent s’amuser à courir derrière un ballon devant des milliers de gens qui, dans


DIEU

65

les gradins, gesticulent, hurlent, chantent et même parfois mangent des boudins blancs, dans des petits pains, cuits au bord du terrain. J’ai vécu un match Anderlecht-Standard à 14 ans et j’en suis encore marqué. C’était la première et la dernière fois que j’assistais à ce genre de rencontre. C’était presque trop pour moi. Même le Mondial ne fait vibrer aucune fibre patriotique en moi. Je dois vous avouer que je suis même content lorsque les Belges perdent, au moins je n’entendrai plus parler de ce sport. Pire encore, lorsqu’il m’arrive de passer devant une télévision et d’entendre un footballeur interrogé par le journaliste, je le supplie intérieurement de se taire et de retourner le plus vite possible jouer sur le terrain. N’essayez pas de me raisonner, c’est peine perdue. D’autres l’ont tenté avant vous. Mes sentiments à l’égard de ce sport et des professionnels qui en vivent sont tout à fait irrationnels. Une fois pour toutes, j’ai décidé que je n’aimais pas, c’est mon côté sale gamin. Pour moi, c’est le foot ; pour vous, c’est sans doute autre chose. Mais dans la vie, il y a toujours des catégories de personnes qui nous énervent, nous irritent et nous aimerions tant qu’elles ne croisent pas notre chemin. Il y a celles qui sont trop différentes de nous et que nous n’arrivons pas à comprendre, puis il y a celles qui nous ressemblent trop et qui nous montrent une partie de nous-mêmes que nous n’aimons pas. Il y a aussi ces individus qui nous ont blessés, parfois humiliés, et nous n’avons pas été capables de nous défendre. La liste des gens que nous n’apprécions pas spécialement peut parfois être longue. À quelques exceptions près, elle est souvent irrationnelle vous disais-je. « C’est ainsi, c’est plus fort que moi », entendons-nous dire. Et tous les discours moralisateurs qui jalonnent notre vie n’y ont rien fait. Ce sentiment négatif nous colle à la peau. Si nous avons étiqueté l’autre d’imbécile, il est difficile de changer


66

PROMESSES DE BONHEUR

d’avis. Tant pis pour lui, tant pis pour nous : un peu comme si je me disais : « Tu es né au royaume des cons et bien tu y mourras. » Je ne veux pas être un hypocrite à l’instar de certains scribes et pharisiens. Un brin de mépris, comme si, en le rabaissant à mes yeux, je vaux mieux que lui. Or, Jésus nous dit : « Qui s’élève sera abaissé et qui s’abaisse sera élevé. » En bon chrétien, j’aurai beau me dire que je dois changer mon attitude, que je dois aussi l’aimer puisque c’est ce que le Christ me demande, rien n’y changera. Les sentiments négatifs sont trop forts. Alors plutôt que de m’enfermer dans une certaine fatalité, je suis invité à méditer l’évangile de ce jour et prendre conscience qu’il y a aussi un peu de Dieu dans les yeux de l’autre. Si j’accepte que Dieu vit en moi, que je suis une de ses nombreuses résidences, je dois également reconnaître qu’il réside pareillement chez celui qui a moins de valeur à mes propres yeux. Si donc Dieu vit en lui et si je prends Dieu et ma foi au sérieux, je peux commencer à prier pour lui. L’effet de la prière, aussi lent puisse-t-il être, me transformera de l’intérieur, ouvrira mon regard sur des facettes voilées de l’autre. Prier pour celui qui m’irrite, qui est trop différent, c’est accepter que Dieu l’aime et qu’il en vaut la peine. Rarement notre raison brisera les sentiments négatifs. Souvent la prière apaisera notre cœur pour regarder et découvrir l’autre autrement. C’est tout aussi irrationnel, mais c’est alors l’Esprit qui œuvre en nous. En Dieu, nous trouvons la source de vie qui transforme nos regards vis-à-vis de ceux que nous croisons. Et comme le rappelle l’évangile, Dieu n’attend pas grand-chose : juste une visite, un vêtement, un morceau de pain et, pourquoi pas, un simple sourire. C’est si peu pour nous, mais tant pour l’autre. En effet, ces petits gestes quotidiens rendent à la personne rencontrée un peu de sa dignité. Par un petit rien, au delà même des sentiments


DIEU

67

qui ont pu nous traverser, elle a de nouveau l’impression d’exister pour quelqu’un. Un geste, un simple petit geste, et la terre se met à chanter autrement, puisque dans celui-ci Dieu est présent. Si la prière transforme notre regard, elle est une étape préliminaire pour faire vivre Dieu dans ces petites choses qui font la richesse de la vie et qui donnent un goût nouveau à la personne différente ou désemparée. Faire d’une simple rencontre un lieu de Dieu ? À nous d’en décider.

Une puissance de douceur 16e dimanche ordinaire (Mt 13, 24-43)

Démon, Ange déchu, Esprit du Mauvais ? Au-delà de sa propre réalité, ce qui est effrayant, c’est que ce qu’il représente reste hélas, toujours et encore, trop bien présent dans nos vies : le désir de dominer, le désir de maîtriser, voire même le désir d’écraser l’autre pour mieux exister. Dans le récit évangélique, le démon cherche à maîtriser en étouffant le bon. En agissant de la sorte, il ne fait que répéter l’histoire d’Adam et Ève dans le récit de la Genèse. Ces derniers vont goûter du fruit de l’arbre pour devenir comme Dieu, pensaient-ils. C’est-à-dire avoir ainsi la connaissance totale de l’autre, la connaissance totale du Tout Autre en devenant son égal, puisque Dieu sait tout, Dieu connaît tout, Dieu domine tout, pensaient-ils naïvement. Désir de dominer et voilà qu’à l’instant même où ce désir précis se réalise, ils découvrent qu’ils sont nus. Dans ce récit, comme dans la vie d’ailleurs, entre personnes qui se connaissent, le partage de la nudité est signe de confiance. Si je suis nu, face à toi, je me montre tel que je suis, je n’ai plus rien à cacher, à te cacher. Je deviens profondément vulnérable face à toi. Pourtant, ma nudité ne m’effraie


68

PROMESSES DE BONHEUR

pas, ne m’angoisse pas, car je sais au fond de moi, que tu me respectes, que tu m’aimes. En toi, j’ai mis ma confiance, je te l’ai donnée, car je sais que tu n’en abuseras pas. Tu laisses entre nous l’espace nécessaire pour que l’un et l’autre nous puissions exister et faire vivre nos différences comme des richesses qui se complètent. Cette confiance est au cœur de notre relation, qu’elle soit humaine ou divine. Pourtant, nous dit le récit un peu plus loin, Adam et Ève vont se cacher l’un de l’autre, car la confiance s’est rompue entre eux. Comment garder confiance lorsque l’on sait que l’un et l’autre veulent avoir le dessus. La domination, la maîtrise vont tuer la relation. Cette dernière ne peut se vivre et grandir que dans l’abandon réciproque né d’une confiance mutuelle et inaltérable. Si je te domine, je crois que j’existe mieux, que je suis vraiment quelqu’un, un jour je découvrirai, dans ma solitude intérieure, que je ne suis qu’objet d’admiration. Par contre, si j’accepte de m’abandonner et de faire le pari de la confiance, un jour je découvrirai, tout autant dans ma solitude intérieure, que je suis un sujet d’amour. La domination tue la relation, l’abandon la fait vivre. C’est ce que l’histoire de la Genèse comme celle de l’évangile tentent de nous démontrer. Le Dieu de la Genèse n’est pas un Dieu de la maîtrise ; le Jésus de l’évangile n’est pas un Dieu de domination. Pourtant, croyons-nous, ils sont tous deux tout puissants. Mais leur toute-puissance n’est peut-être pas cette toute-puissance à laquelle nous croyons, une toute-puissance de domination. Dieu, qu’il soit Père ou Fils, est signe d’une maîtrise maîtrisée, c’est-à-dire d’une puissance de douceur, d’une puissance de tendresse. C’est cette puissance-là, et seulement cellelà, qui fait vivre et qui permet d’aimer. Que cette puissance de douceur et de tendresse nous accompagne tout au long de notre vie. Nous serons alors le bon grain du Royaume de Dieu.


Éternité

Des êtres résurrectionnels Dimanche de Pâques (Jn 20, 1-9)

Dites, et si le tombeau n’avait pas été vide. Vous vous imaginez ? Si Pierre et Jean, en arrivant à cet endroit précis, avaient vu Jésus en train de ranger sa chambre tombale, aidé de Marie-Madeleine et des autres femmes, posant les bandelettes d’un côté, le linceul rangé à part. Si l’évangile de ce jour nous avait dit qu’ils étaient là tous ensemble chantant, riant, exultant d’une joie que nous ne pourrions décrire. Il me semble en tout cas évident que si le tombeau avait été rempli de la présence vivante du Christ, Pierre et Jean seraient vraisemblablement fous de joie. Quant à nous, nous ne serions pas là aujourd’hui. En effet, vous vous imaginez, si Jésus avait choisi de ressusciter et de vivre sa vie éternelle ici sur terre avec nous de manière permanente, il serait devenu un immortel parmi les vivants. Nous aurions pu constamment le contacter pour qu’il nous aide à chaque instant à prendre les bonnes décisions. Il aurait été à nos côtés pour nous apprendre à toujours marcher dans la bonne direction. Par sa présence, plus jamais nous ne nous serions trompés. Avec lui, plus jamais nous n’aurions trébuché. Le Christ aurait été en permanence avec nous puisqu’il aurait décidé de demeurer parmi nous. Il serait alors devenu une évidence pour tout être humain. Sa réalité historique traversant les siècles n’aurait plus pu être mise en doute.


70

PROMESSES DE BONHEUR

Toutefois, s’il en était vraiment ainsi, Dieu nous contraindrait de reconnaître son existence. Il serait devenu une évidence à nos yeux et à nos cœurs. Nous n’aurions plus été libres de croire ou de ne pas croire. Or, dès l’instant de la création de l’humanité, Dieu a donné mandat à l’être humain pour qu’il poursuive l’œuvre commencée, en recevant la liberté. Je ne peux donc adhérer à l’idée de Dieu qu’en toute liberté, c’est-à-dire dans la foi. Et cette liberté doit être totale. Dieu ne peut plus être une évidence. Il est essentiel que le doute puisse me traverser pour mieux partir ou repartir à sa rencontre. La liberté des enfants de Dieu est telle que nous ne pouvons Le découvrir que par la foi et non par la connaissance. Face au mystère de la Résurrection, tous nous sommes appelés à imiter l’attitude de Jean dans le récit que nous venons d’entendre : il vit et il crut. Voir puis croire et non pas savoir puis croire. Pourquoi ? Tout simplement parce que si je sais, je ne crois plus, je sais tout simplement, j’ai quitté le champ de la croyance pour entrer dans celui de la connaissance. Il ne s’agit plus de la foi. Non, Dieu nous convie à voir, c’est-à-dire à contempler un mystère qui nous dépasse complètement. Ayant vu, je peux alors avoir le désir de croire ce qui va au-delà de toute compréhension, au-delà de tout savoir. Et ce que nous voyons et croyons en ce jour de Pâques, c’est un tombeau vide. Vide à jamais, car le Fils de Dieu est ressuscité et par là, nous a fait entrer chacun dans une dimension nouvelle de notre être. Le Père nous a fait don de sa création, le Fils quant à lui nous fait entrer dans le temps de la Résurrection. D’êtres mortels que nous étions, nous sommes devenus des êtres résurrectionnels. Qu’est-ce à dire peuvent se demander certains ? Et si c’était tout simplement l’entrée de l’humanité dans l’ère de l’éternité. Par sa mort et sa résurrection, le Christ a vaincu la


ÉTERNITÉ

71

mort. Dans la foi, celle-ci n’est plus qu’un simple instant que nous traversons. Il s’agit de cette infime seconde qui nous fait passer de la vie terrestre à la vie céleste. Nous sommes citoyens du monde et dans le Fils, nous devenons citoyens des Cieux. Telle est notre destinée. Dieu nous fait don de son éternité. La mort n’a plus le dernier mot. C’est tout simplement cela que nous sommes appelés à voir et à croire face à ce tombeau. Heureusement pour nous alors que ce dernier était vide, bien vide. Il annonce la promesse d’une éternité dont chacun de nous pourra faire l’expérience si nous acceptons de la recevoir en toute liberté. À l’occasion de la fête de Noël, nous célébrions l’incarnation de Dieu : Dieu s’était fait homme pour que tout homme, toute femme partage un jour la vie divine. Avec l’événement de Pâques, Dieu fait de nous des êtres résurrectionnels, c’est-à-dire des êtres appelés à la plénitude de la vie. Par la résurrection du Fils, nous sommes devenus les vivants, les grands vivants de la Vie, car habite en nous une espérance au-delà de toute compréhension, car vit en nous un mystère : celui de l’appel à la Vie éternelle.

Il faut le voir pour le croire Commémoration de tous les fidèles défunts (Mc 15, 33-46)

Il faut dire qu’elle avait pris son temps. Elle avait d’abord choisi un endroit agréable pour s’installer puis durant plusieurs heures, voire quelques jours, elle s’est mise à tisser une fort belle toile accrochée de tous côtés aux branches d’un petit buisson. Comme elle aimait la lumière, elle avait souhaité que son œuvre soit située plein sud. Elle était heureuse de son travail et admirait sa nouvelle demeure. Je dois reconnaître que notre petite araignée des jardins aimait la perfection. Elle s’étonna alors de


72

PROMESSES DE BONHEUR

voir un fil qui venait d’en haut. Comme elle ne voyait pas son utilité et puisqu’elle ne se rappelait pas l’avoir accroché ellemême, elle décida de le sectionner. Sa toile devait être complètement la sienne. Elle ne supportait pas l’idée que quelqu’un d’autre ait pu y participer. En fait, le fil qu’elle coupa était celui par lequel elle était arrivée là. À l’instant même, sa belle toile perdit l’équilibre et se déchira. Ce conte de Johannes Joergensen peut illustrer le sentiment qui a traversé les disciples au moment de la mort du Fils. Ils avaient eux aussi perdu le fil qui les reliait à Lui. Leur équilibre de vie était tout à coup rompu. Ils étaient comme déchirés au plus profond d’eux-mêmes. Toutefois, cette sensation n’est pas l’apanage des seuls apôtres. En effet, nous aussi nous pouvons vivre ce type d’expérience lorsque nous sommes confrontés à la douleur de la maladie, aux échecs récurrents, à la mort de l’être aimé qui est parti subitement ou bien trop tôt. Nous sommes alors comme déchirés en nous. Notre équilibre est perturbé et nous sommes saisis de vertige au point de ressentir une profonde chute intérieure. Nous pourrions alors nous aussi être pris de ce sentiment légitime de sectionner le fil qui nous relie à ce Dieu qui nous semble tellement absent, tellement impuissant à transformer le cours des événements que nous traversons. Rompre ce lien risque immanquablement de conduire à une chute et une déchirure plus grandes encore, car nous aurons perdu la confiance et surtout l’espérance. Il ne s’agira plus d’une perte d’équilibre mais bien d’un écroulement puisque nous ne serons plus en Dieu. Afin d’éviter de tomber de la sorte, lorsque nous ne sentons plus reliés à la divinité, revisitons l’événement de la résurrection et refaisons-le nôtre. Au nom de la foi qui nous habite, nous sommes conviés à avancer vers ce mystère à notre rythme, en prenant le temps de


ÉTERNITÉ

73

nous arrêter pour méditer ce qui va au-delà de toute compréhension humaine. Prêts à vivre l’indicible, nous y entrons puis nous voyons. Nous sommes invités non pas à regarder mais à voir, c’est-à-dire à percevoir l’événement par le sens de la vue et du cœur, car nous ressentons que nous sommes en présence de quelque chose qui nous dépasse. Le tombeau où le Christ a été déposé, est loin d’être vide. Il est plutôt rempli de la lumière de la Résurrection. Parce que, par notre foi, nous sommes devenus, les disciples que Jésus aimait, nous voyons et nous croyons. Oui, nous croyons que le Fils de Dieu est ressuscité et que par cet événement, il nous fait entrer dans la vie éternelle. Toutefois, reconnaissons-le, parler de la résurrection, c’est entrer dans un monde où tous les mots se mettent à trembler. Parce que la résurrection est le seul mot dont nous ne connaissions rien par définition. Il explose dans un silence qui ne peut s’entendre nulle part ailleurs si ce n’est en Dieu. Par là, nous découvrons que la résurrection n’a rien à voir avec le doute ni avec la certitude. C’est une simple affaire de confiance. En effet, la résurrection ne s’explique pas. Elle est un mystère et comme tout mystère, pour le comprendre, nous devons le vivre. Heureusement pour nous, par l’événement de Pâques, nous avons vu et nous avons cru. S’il en est vraiment ainsi, dès aujourd’hui, vivons avec cette espérance du partage de la vie divine. En pleine confiance, entrons dans le mystère de la résurrection ; ne coupons pas le fil qui nous relie à Dieu, car comme le dit le dicton populaire : « Il faut le voir pour le croire. »


74

PROMESSES DE BONHEUR

La dynamique trinitaire Sainte Trinité (Jn 3, 16-18)

C’est quand même fou que pour une fête comme celle d’aujourd’hui la liturgie nous propose juste dix versets de la Bible. Dix versets pour trois lectures. À ce rythme-là, nous pourrions presque fêter la Trinité tous les jours. Dix versets dont seulement trois pour l’évangile. Étonnant, surprenant : si peu de mots pour un si grand mystère. En fait, en méditant ces versets, nous pouvons constater que tout y est dit, qu’il n’y a rien à ajouter. Pas de chance pour vous, mais je me refuse à entrer dans ce type d’exercice de synthèse quant à mon sermon. Dix versets. Dix minutes de prédication. Je me réjouis déjà de la prochaine prédication : il y a soixante-sept versets ! Revenons à ces textes d’abord. Chacun d’eux exprime à sa manière une des personnes de la Trinité. De manière concise, de manière précise. Commençons par l’évangile : en une phrase, toute l’Écriture est résumée : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique : ainsi tout homme qui croit en lui ne périra pas, mais il obtiendra la vie éternelle ». Dieu nous aime, Dieu m’aime. Qui sommes-nous, que valons-nous de si précieux pour que Dieu, oui Dieu, nous aime ? Comme le rappelle, André Sève, dès que quelqu’un pense à nous, nous voilà heureux. Heureux de vivre, heureux d’exister parce que tout simplement aimé. Mais alors, comment se fait-il que nous ne ressentions pas le même bonheur, et un million de fois plus encore, lorsque nous découvrons que Dieu, Lui aussi, nous aime. La réponse est facile, poursuit notre auteur, ceux que nous aimons ont un visage, leurs yeux nous sourient, leur voix nous émeut, nous les reconnaissons à leur pas. Mais Dieu ? Comment nous regarde-t-il ? Il est si difficile à imaginer, et tellement silencieux. Il est impossible à ap-


ÉTERNITÉ

75

préhender, à saisir. De Lui, nous ne savons presque rien, si ce n’est qu’il est Dieu. À la fois, ce n’est rien et c’est tout en même temps. Et voilà, c’est aussi simple que cela. Dieu, le Père, se donne à nous en se révélant à Moïse : « Dieu tendre et miséricordieux, lent à la colère, plein d’amour et de fidélité. » Dieu est Père et Tendresse est un de ses nombreux noms. Un nom qui exprime à la fois la beauté, la fragilité, la vulnérabilité, l’accessibilité divine. On nous avait dit que Dieu était loin de nous, qu’il vivait à des kilomètres-lumière sur son petit nuage et voilà qu’il se révèle à nous tout proche, tout près, tout en douceur puisqu’il est tendresse. Son visage est pour nous tendresse, c’est-à-dire une vibration de sentiments au plus intime de notre être. Elle nous effleure sans bruit, sans cri, comme une caresse que nous ne nous lassons jamais de recevoir. Vient ensuite le deuxième visage de Dieu. Dieu le Fils, Dieu notre frère en humanité. En son Fils, il a ce visage qui récapitule tous les visages de la terre. Toutes et tous, nous sommes de par notre humanité, icône du Christ. Et voilà, cette fois, que Dieu le Fils, se révèle à nous dans le visage de ceux que nous rencontrons. Mais Dieu notre frère se donne aussi par l’exemple de sa vie, par ses moments passés parmi nous et les Écrits qui en témoignent. Dieu le Fils s’est fait homme pour que l’homme devienne Dieu, c’est cela le sens premier de son Incarnation, c’est cela obtenir la vie éternelle. Et nous voyons, que peu à peu, même avec seulement dix versets, le visage de Dieu se précise, se dévoile à nous. Mais pour que cette image soit parfaite, il nous manque encore la troisième personne de la Trinité. Elle est la communion entre Dieu le Père et Dieu le Frère mais aussi entre le Dieu Trinitaire et son humanité. Cette communion porte le nom de la fleur de la Tendresse, c’est-à-dire l’amour. L’amour, ce quelque chose que les mots ne peuvent véritablement exprimer,


76

PROMESSES DE BONHEUR

est signe de la présence divine. Là où il y a de l’amour, il y a l’Esprit Saint. C’est de cette manière qu’il se dévoile à nous et révèle ainsi une autre dimension du visage de Dieu. Trois parties d’un même visage, trois personnes d’une même divinité. Normal qu’il n’ait fallu que dix versets pour l’exprimer, car Dieu n’est pas fait pour être appréhendé, mais plutôt pour être médité, prié.

La promesse de la vie éternelle La Croix glorieuse (Jn 3, 13-17)

Depuis quelque temps déjà, elle commençait à s’ennuyer dans les entrailles de la terre. Elle décida alors un jour de partir à la conquête du monde. Voilà comment commence l’histoire de la petite goutte d’eau. Elle quitta alors la source et devint ruisseau. Avec l’appui d’autres, au fil des kilomètres, elle parvint au rang de rivière. Le voyage n’était pas toujours aussi paisible qu’elle l’avait imaginé au départ. Elle traversa quelques torrents, même une cascade qui se jetait dans un lac. Elle poursuivit sa route et continua de grandir pour devenir fleuve n’ayant aucune idée de la mer vers laquelle elle se dirigeait. Après quelques tempêtes sur cette dernière, elle prolongea son voyage jusqu’au milieu de l’océan où elle vit aujourd’hui encore, heureuse de sa vie accomplie. L’histoire de cette petite goutte d’eau ne serait-elle pas celle de nos vies ? En effet, nous aussi, nous avançons sur le chemin de nos existences, portés par les flots des temps que nous traversons, parfois à tâtons, parfois en fonçant. Nous marchons à notre rythme vers l’accomplissement de la destinée à laquelle tous nous sommes appelés et qui se vivra un jour dans le partage de la vie divine puisque telle est la promesse laissée par le


ÉTERNITÉ

77

Fils à ses disciples. Nous sommes ainsi appelés à devenir Dieu (saint Irénée). Non pas pour réaliser nos fantasmes de toute puissance et de rêver à contrôler le monde et les gens autour de nous comme nous l’entendons. Loin s’en faut. La toute puissance divine ne se révèle pas dans la domination mais plutôt dans la douceur. Devenir Dieu, c’est être Un avec Lui, vivre avec cette conviction intime qu’il est en nous lors de notre pèlerinage terrestre et que nous serons en Lui lors notre vie céleste. Par notre foi, nous sommes entrés dans un lien indéfectible avec Lui. Un lien qui rien ne saurait arracher, tellement nous sommes intimement liés l’un à l’autre. Il ne s’agit ni d’une fusion, encore moins d’une confusion, mais bien d’une union qui transforme l’identité même de notre humanité. Le principe de cette union est mieux connu sous le nom du principe de l’omelette. Quand je casse un œuf, je peux séparer le jaune du blanc. Quand je casse un être humain, je peux séparer son humanité de sa divinité. Lorsque je mélange les deux parties de l’œuf, je fais une omelette et il m’est impossible de revenir en arrière. Lorsque je fais l’expérience de la divinité au cœur de mon humanité, il m’est également impossible de revenir en arrière. Nous sommes au plus profond de nous-mêmes devenus intimement liés. Plus rien ne peut nous arracher à cette union, même si parfois, nous pouvons traverser un torrent de doutes lorsque l’épreuve de la vie nous atteint et vient perturber le cours paisible de nos existences. Le torrent peut nous sembler devenir cascade et nous conduire ainsi dans un état de vertige, car nous ne savons pas vers où nous allons. La parole de Jésus est là pour nous rassurer, pour nous convier à entrer dans un chemin de confiance et d’espérance : « Tout homme qui croit en lui ne périra pas mais obtiendra la vie éternelle. » Me revient à l’esprit l’histoire de cet homme qui, ratant un virage, tomba dans un ravin et par miracle, se retrouva


78

PROMESSES DE BONHEUR

accroché à une branche. À ce moment précis, il trouva l’idée de Dieu à nouveau intéressante dans sa vie. Il cria vers le Ciel : « Il y a quelqu’un là-haut ? » Une voix répondit : « Oui, mon fils bien-aimé, je suis là. — Que dois-je faire ? » demanda l’automobiliste. « Lâche la branche et laisse-toi tomber dans le vide », reprit la voix. L’homme, toujours accroché à l’arbre, réfléchit un instant puis cria de nouveau vers le Ciel : « N’y aurait-il pas quelqu’un d’autre là-haut ? » Il est vrai qu’il n’est pas toujours facile de faire confiance à cette partie divine en nous, d’accepter de lâcher prise, de s’en remettre à cette promesse de la vie éternelle offerte que nous souhaitons souvent vivre le plus tard possible. Pourtant, une fois encore, l’évangile nous invite à écouter la voix du Fils. Il nous conduit sur les sentiers parfois escarpés de nos existences. Une voix s’adresse à nous aujourd’hui encore. Elle nous convie à vivre notre destinée nous conduisant vers le partage de la vie divine. Cette voix vit au plus intime de nousmêmes, là où Dieu se noue en nous pour ne plus faire qu’un avec nous-mêmes. Partons alors à la rencontre de ce Dieu en nous. Comme la petite goutte d’eau, faisons confiance, nous sommes promis à vivre éternellement dans un océan mais pas n’importe lequel. Il s’agit de l’océan de l’Amour.

Le don continu de la vie 27e dimanche ordinaire (Mt 21, 33-43)

Puis-je vous inviter à imaginer la situation cocasse suivante : tout à coup, chacun d’entre vous êtes pris d’un désir immense de m’offrir un cadeau. Comme vous souhaitez que celui-ci me plaise, vous vous renseignez sur mes goûts, sur ce que je n’ai pas encore. Au terme de cette recherche, vous prenez ensuite le


ÉTERNITÉ

79

temps d’aller dans un magasin pour acheter ce que vous avez choisi de m’offrir. Et tout heureux de cet achat, vous venez vers moi avec votre cadeau. Vous me l’offrez et je vous remercie chaleureusement et je vous montre à quel point je suis touché de cette attention. Devant vous, je l’ouvre et je me réjouis de ce que je viens de recevoir. Puis, soudainement, je prends votre cadeau et je le remets à la personne qui se trouve à côté de moi et que vous ne connaissez même pas en lui disant : « Regarde ce que je viens de recevoir, c’est un cadeau merveilleux. Je l’aime tellement qu’en signe d’amitié, je te le donne. » Vous risquez, non seulement d’être ébahis de mon geste, mais sans doute aussi un peu déçus. Vous aviez tellement réfléchi et pris votre temps et voilà que ce cadeau ne reste pas plus de quelques secondes entre mes mains. Pourtant, puisque vous me l’avez donné, il est à moi. J’en fais donc ce que je veux. Vous ne pouvez pas le reprendre. Comme le souligne l’adage : « Donner, c’est donner ; reprendre, c’est voler. » Je n’aurais donc pas de compte à vous rendre. Rationnellement sans doute, émotionnellement, je crois que c’est plus compliqué, car entre le donneur et celui qui reçoit, il existe une relation. Tout cela n’est pas neutre. Dépenser beaucoup pour quelqu’un que nous aimons, nous dérange souvent moins que dépenser peu pour un cadeau d’obligation. La valeur mise dans l’objet dépend souvent de l’intensité de nos sentiments. S’il en est ainsi pour nous, qu’en est-il de Dieu ? Lui aussi nous a offert quelque chose de merveilleux : la Création, la possibilité d’offrir la vie et ensuite de la vivre pleinement, intensément. Et Dieu semble tellement aimer ce qu’il nous a donné, qu’il met tout en œuvre pour que son bien soit protégé au mieux en l’entourant d’une clôture, en y creusant un pressoir et en y bâtissant une tour de garde. Non seulement, il nous fait don de cette vie reçue, mais il cherche à nous offrir le meilleur environnement


80

PROMESSES DE BONHEUR

possible pour que nous puissions à notre tour porter des fruits. Nous pourrions, à son égard, attendre que puisqu’il nous a donné tout cela, au nom de notre liberté personnelle, nous en fassions ce que nous voulons. Cela nous appartient maintenant et lui n’a plus qu’à se retirer sur la pointe des pieds. Un peu comme lorsque le facteur nous apporte notre courrier le matin. Il le dépose et puis, il poursuit sa route, car il a accompli son devoir. Une différence cependant existe, la Création et la Vie ne sont pas des dons instantanés ; ils sont plutôt continus. Chaque seconde de temps m’est donnée à vivre tant que je vis. Puisque ces dons sont continus, Dieu ne cesse d’être à nos côtés et à nous accompagner dans l’Esprit Saint pour que nous prenions soin de ce que nous avons reçu. C’est aussi simple que cela mais pour le comprendre, cela nécessite que nous aussi nous soyons ou nous entrions en relation avec le Père, que nous acceptions que Dieu n’est pas simplement une entité qui a donné quelque chose puis qui s’en est allé vaquer à ses propres occupations sans se soucier de ce qu’il nous a laissé. Dès l’instant de la création de l’humanité, le Père et le Fils dans l’Esprit cherchent à entrer en relation avec nous. Une relation qui se transcende dans nos relations d’amour et d’amitié vécues en vérité. Une relation qui se dévoile au plus intime de notre intime dans la prière qui est cette conversation avec Dieu en qui nous posons nos préoccupations, nos joies et nos bonheurs. Dieu nous a donné quelque chose de merveilleux et il souhaite que nous en profitions. Il est devenu la pierre angulaire de nos vies. C’est cela l’œuvre du Seigneur, une merveille sous nos yeux. Il est vrai que la vie nous surprend parfois et nous sommes alors confrontés à l’expérience de la souffrance physique, mentale ou encore émotionnelle. Nous nous sentons intimement lier à celle-ci comme si le « Je pense donc je suis » de Descartes était


ÉTERNITÉ

81

devenu en nous « Je souffre donc je suis ». Dieu ne veut pas notre souffrance, il ne nous l’impose pas comme une punition ou un chemin vers Lui. Elle est la conséquence pour certains de notre nature humaine faillible, pour d’autres de nos histoires personnelles blessées. Et, le Père vient surgir au cœur de cette réalité en nous proposant un sacrement de la vie, un sacrement où l’Esprit se donne à ceux qui le souhaitent pour les aider à traverser ce qui est actuellement lourd et douloureux à vivre. Le sacrement des malades est par excellence ce sacrement de l’humilité où nous laissons Dieu venir en nous pour qu’il nous accompagne sur notre chemin de vie. Ce sacrement est le don continu de la vie.

Ni mortels, ni immortels mais éternels Veillée pascale (Mt 28, 1-10)

Pour comprendre ce que nous vivons en cette nuit pascale, permettez-moi de vous lire l’extrait suivant : « Je t’ai placé au milieu du monde afin que tu puisses plus facilement promener tes regards autour de toi et mieux voir ce qu’il renferme. En faisant de toi un être qui n’est […] ni mortel ni immortel, j’ai voulu te donner le pouvoir de te former et de te vaincre toi-même ; tu peux descendre jusqu’au niveau de la bête et tu peux t’élever jusqu’à devenir un être divin. En venant au monde, les animaux ont reçu tout ce qu’il leur faut, et les esprits d’un ordre supérieur sont dès le principe, ou du moins bientôt après leur formation, ce qu’ils doivent être et rester dans l’éternité. Toi seul tu peux grandir et te développer comme tu le veux, tu as en toi les germes de la vie sous toutes ses formes. » Passage d’une étonnante actualité alors qu’il a été écrit au XVe siècle par Jean Pic de la Mirandole, l’auteur d’un des plus grands textes sur la dignité de l’homme.


82

PROMESSES DE BONHEUR

D’après ce penseur, nous, les êtres humains, ne serions ni mortels, ni immortels mais des êtres capables de nous élever jusqu’à devenir des êtres divins appelés à rester dans l’éternité. À première vue, cette phrase peut paraître étonnante, et pourtant, elle dévoile quelque chose du mystère de la résurrection. Tout d’abord, prétend Pic de la Mirandole, nous ne sommes pas mortels. Il me semblerait plus adéquat d’affirmer que nous ne sommes plus mortels. Par la résurrection du Fils de Dieu, nous sommes entrés dans une nouvelle ère, celle de la mort de la mort. Une mort qui n’a plus de prise sur l’être humain. Il est vrai que nous en ferons tous l’expérience puisque, comme le disent les juristes — et ils ne s’engagent pas beaucoup avec une telle affirmation : la mort est un événement futur et certain. Toutefois, dans la foi, la mort n’est plus un état mais une traversée de la vie terrestre à la vie céleste. Un peu comme si par la mort, nous entrions dans le temps de l’éternité. Nous ne sommes donc plus des êtres mortels. Et encore moins immortels. En effet, toutes les traditions philosophiques ou religieuses qui affirment l’immortalité voient celle-ci comme étant automatique, une sorte de retour continu à une situation originelle. Dans cette perspective, nous serions des êtres déterminés à l’immortalité qui n’est qu’une simple prolongation de notre existence. Dans la mort, je retourne à un état antérieur. Ce qui signifie que la mort ne serait que la continuation infinie d’une situation déjà connue, puisque l’immortalité est toujours tournée vers un passé qu’il s’agit de conserver et d’améliorer. En comprenant l’immortalité de cette manière, elle me paraît profondément ennuyeuse et je crains qu’elle risque de durer vraiment très très très très longtemps. Revivre constamment le déjà vu, le déjà vécu. Quelle horreur ! La mort ayant été vaincue par le Fils, nous ne sommes plus mortels. Créés créateurs par le Père, nous participons à la créa-


ÉTERNITÉ

83

tion de l’humanité entière par le don de la liberté reçue. Nous sommes des créateurs et non pas de simples recopieurs immortels. Mais des créateurs capables de nous élever jusqu’à devenir un être divin appelé à rester dans l’éternité. L’éternité est par définition l’opposé de l’immortalité. En effet, l’éternité est offerte à chacun de nous en une proposition que nous avons la liberté d’accepter ou de refuser. Elle est d’abord et avant tout un don. De plus, par le don de la résurrection, l’éternité nous conduit dans une situation nouvelle, celle du partage de la vie de l’Éternel. L’éternité est donc bien un projet, la proposition d’une destinée offerte à notre liberté par les choix que nous posons. De la sorte, l’éternité est toute tournée vers un avenir, vers un inconnu, vers une véritable nouveauté vécue en Dieu. L’éternité sauve notre avenir. C’est pour toutes ces raisons que l’éternité promise est plus qu’un au-delà de la vie, qu’un au-delà de la mort. Par sa mort et sa résurrection, le Christ vient nous dire que la foi en la vie éternelle signifie de prendre la vie au sérieux et de la vivre jusqu’au bout et ce, malgré les blessures intérieures qui marquent nos existences de cette empreinte à jamais gravée en nous. Notre vie n’est pas une roue qui tourne sans fin mais une flèche qui maintient une espérance. Ni mortels, ni immortels mais éternels et l’éternité commence dès maintenant, car en Dieu, la vie est si vivante que c’est la mort qui est mortelle et la vie éternelle aura toujours le dernier mot.


84

PROMESSES DE BONHEUR

Tous appelés à l’éternité Mercredi des Cendres (Mt 6, 1-6.16-18)

Son cynisme était connu de tous. Il faut dire qu’il avait toujours eu un esprit très vif. Certains en arrivaient même à avoir un peu peur de lui, car souvent, voire trop souvent, ses paroles étaient comme des flèches acérées. Il pouvait faire mal, très mal et ne s’en rendait pas compte. Il était même étonné lorsque quelques-uns se risquaient à le lui faire savoir. Quant à lui, rien ne semblait le toucher. On pouvait tout lui dire. Et lorsque des paroles étaient dures, elles semblaient glisser sur une carapace invincible. Puis un jour, tout a basculé. Il a rencontré sa douce et heureuse moitié. En quelques mois, celle-ci l’a littéralement transformé. Il en était presque méconnaissable tellement il était devenu attentif, aux petits soins. Le ton sec avait quitté ses propos pour faire place à la douceur des mots. Les changements furent profonds et si vous le croisez aujourd’hui, vous vous émerveillerez de la manière dont il se comporte avec ses propres enfants. C’est un papa attentionné, calme et doux. Si une femme a pu opérer un tel miracle sur un homme. Je me dis que dans l’Esprit, Dieu doit pouvoir faire de même avec tous les êtres humains. C’est frappant de voir à quel point le salut est proposé à tout être humain, quel qu’il soit, quelle que soit sa condition sociale, intellectuelle, émotionnelle. Un peu comme si en Dieu, il n’y a pas de différence : tout être humain de par le simple fait de sa condition est invité à prendre part au Royaume des Cieux. L’éternité n’est pas un lieu de présence divine où quelques êtres exceptionnels, des saints connus et inconnus, auront le plaisir de passer tout leur temps avec Dieu. Il semble donc qu’au Ciel, il n’y aura pas une business class pour ceux qui auraient accompli au mieux leurs vies terrestres. Tous nous avons


ÉTERNITÉ

85

notre place, mais seulement si nous acceptons de répondre à cette invitation unique qui nous est faite. Dieu nous prend tels que nous sommes. Dieu nous aime tels que nous sommes. Il n’a pas besoin d’artifices. Il nous convie à vivre notre foi dans la simplicité, loin des projecteurs du succès facile. Il attend en fait le don de nous-mêmes au projet qu’il s’est fixé pour son humanité : le salut de tout être humain. Rien de moins que cela. Dieu a de l’ambition pour nous. Il souhaite que nous nous réjouissions, que nous exultions, que nous nous réalisions pleinement dès maintenant. En lui, nous espérons et lui, il nous sauve. Telle est la promesse de l’Incarnation. Dans le Christ Jésus, nous sommes tous sauvés. Le salut de Dieu est un salut d’accomplissement de l’être en Lui. Nous sommes déjà sur ce chemin. Il ne s’agit pas de quelque chose qui se vit à l’instant de notre mort, passage de la vie terrestre à la vie éternelle. Non, c’est aujourd’hui que se vit le salut de Dieu : dans la manière dont nous nous comportons les uns avec les autres, dans la façon dont nous nous laissons transformer dans nos relations d’amour et d’amitié, dans le temps que nous prenons pour vivre une relation personnelle avec le Père et le Fils dans l’Esprit. Une rencontre divine ne s’improvise pas. Elle se prépare dans le silence de notre être, dans l’amplitude de notre cœur. L’Esprit de Dieu œuvre en chacun de nous. Il ne fait pas de différence. Toutefois, Dieu respecte à ce point notre humanité, qu’il ne s’autoriserait pas à s’imposer à nous en allant contre notre liberté intérieure. Dieu ne s’impose pas, il s’invite en nous invitant à le rejoindre là où il se révèle à tous de manière permanente. Ayons alors l’audace et l’humilité de nous laisser transformer par le Christ dans l’Esprit pour que nous participions pleinement à notre salut. Cette transformation est une dynamique dans laquelle nous pouvons entrer si nous le souhaitons. Elle com-


86

PROMESSES DE BONHEUR

mence par l’aumône, c’est-à-dire l’attention aux autres, puis par le temps de l’intimité de la prière pour enfin se terminer dans l’expérience du jeûne, c’est-à-dire du manque. Un manque non pas vide de sens mais rempli de la présence divine qui s’offre à nous dans l’intime de notre cœur. L’aumône, la prière et le jeûne sont devenus ainsi trois moyens parmi d’autres pour donner à nos vies une autre couleur, celle de la lumière divine. Une lumière qui ne s’éteint jamais et qui brillera de toute éternité. Une lumière qui éclaire le chemin de notre vie pendant ce merveilleux temps de Carême.


Éthique

Des conseils aux questions Transfiguration (Mt 17, 1-9)

Ah, les bons conseils. Il semble que la majorité des êtres humains ont toujours été très friands des bons conseils. Il est vrai qu’un bon conseil ne coûte rien, juste un peu de notre réflexion, juste un peu de notre temps. Hélas, les bons conseils ne sont pas toujours aussi bons, aussi judicieux que cela. En effet, certains bons conseils peuvent facilement devenir soit des projections de nos histoires personnelles, soit des reproches détournés. En agissant de la sorte, nous sommes alors un peu comme Pierre, un des disciples de Jésus dans cet épisode de l’évangile : « Seigneur, il est heureux que nous soyons ici ! Si tu le veux, je vais dresser ici trois tentes ». Comme nous pouvons le constater, il joue le rôle du « bon » conseiller. N’en va-t-il pas souvent ainsi dans nos vies personnelles ? Conseillons-nous véritablement ceux qui viennent à nous en demandant un service, une aide, un conseil ou sommes-nous plutôt en train de pointer leurs failles, leurs erreurs, leurs manquements. C’est sans doute une des raisons pour lesquelles le Christ ne conseille jamais ceux à qui ils s’adressent. Il propose un chemin de liberté qui conduit à la vie éternelle. À chacun de décider de le suivre ou non. Il ne conseille pas, il ne force pas. Le Christ nous interroge et nous convie à répondre à ses questions de manière personnelle, car il sait pertinemment bien que toutes les réponses sont en nous. Laissons-nous alors inspirer par l’Es-


88

PROMESSES DE BONHEUR

prit Saint pour qu’il nous guide sur la route de la vie. Le Fils de Dieu ne conseille donc pas. Peut-être parce qu’il a compris que le conseil s’enracine souvent dans la vie de celui qui le donne plutôt que dans celle de celui qui le demande. Or il n’est pas possible d’universaliser une situation singulière. Ce qui est ou a été bon pour nous, ne l’est peut-être pas pour un autre. Puissionsnous aussi quitter le chapelet des conseils pour entrer dans la dynamique des questions. Il n’y a jamais de réponse certaine, sauf évidemment pour les questions sans intérêt. À chaque conseil demandé, apprenons à répondre par une question pour que la personne qui se trouve face à nous trouve en elle la réponse à sa propre demande. Et cette réponse, dans la mesure du possible, sera plurielle pour qu’elle puisse choisir, ce qui dans sa situation sera la meilleure solution, c’est-à-dire celle qui apportera le plus d’amour. Tel est le sens de notre liberté d’enfants de Dieu : « Celui-ci est mon Fils bien aimé en qui j’ai mis tout mon amour, écoutez-le ! » C’est en lui, et uniquement en lui, qu’on trouve la solution. S’il en va ainsi pour le Fils de Dieu, il en va de même pour nous autres. N’ayons pas peur. Partons à la recherche de la Vérité, éclairés par cette parole divine incarnée en Jésus. Elle est une parole de vie, une parole qui nous conduit au cœur de notre montagne intérieure tout en nous transfigurant. Chacun d’entre nous est invité à vivre ce chemin de conversion, ce chemin de transfiguration. Il se vit en se laissant tout simplement interpeller par la parole du Fils qui conduit toujours au Royaume du Père. Telle est notre destinée inscrite dans la foi qui nous habite.


ÉTHIQUE

89

La bonne liberté 8e dimanche ordinaire (Mt 6, 24-34)

Ils se réunissaient toujours au même endroit et à la même heure. Chaque semaine, ils prenaient ce temps ensemble pour discuter de l’évolution du monde. Étaient présents : le dieu de la télévision, le dieu de l’Internet, le dieu de la téléphonie, le dieu de l’ordinateur, le dieu de la technologie. Leurs réunions étaient évidemment présidées par le dieu de l’électricité. Deux dieux étaient cependant absents tant ils étaient occupés par ailleurs : il s’agissait du dieu de la course après le temps et du dieu de la course effrénée après l’argent. Et voilà que ce jour-là, en pleine réunion, le Dieu de l’électricité eut une crise cardiaque. Personne ne parvint à le sauver. Il mourut sur place entraînant dans sa suite tous les autres dieux qui n’avaient d’existence que par lui sauf bien évidemment les deux dieux toujours absents qui aujourd’hui encore continuent de courir après leur propre divinité je pense. En un instant, dû à une rupture éternelle d’électricité, la terre avait perdu presque tous ses dieux. Les gens étaient consternés. Ils ne savaient plus à quel saint se vouer. Cela faisait tellement longtemps qu’ils étaient devenus les esclaves de ces différents dieux. Toutefois, après quelques jours, certains eurent le sentiment de recouvrer une certaine liberté n’étant plus tenus de lier leurs vies à de telles divinités. Cela peut paraître étonnant et pourtant, contrairement à ce que certains pensent, croire au Dieu de Jésus Christ ne nous conduit pas à entrer dans une dynamique d’esclavage, de perte de son autonomie. Non, croire au Dieu de Jésus Christ, un seul Dieu révélé à nous en trois Personnes, est pour chacun de nous une chance unique de ne lier sa vie qu’à un seul Dieu et non plus à plusieurs. Croire au Dieu de Jésus Christ fait de nous des êtres


90

PROMESSES DE BONHEUR

libres, profondément libres, car nous acceptons que c’est à sa suite et uniquement à la sienne que nous marchons sur le chemin de notre vie. En d’autres termes, croire au Dieu de Jésus Christ, c’est accepter de n’avoir qu’un seul guide nous ouvrant la voie au bonheur, qu’une seule lumière éclairant nos existences. Croire au Dieu de Jésus Christ nous permet ainsi d’écrire nos vies au rythme de l’évangile qui nous propose toujours un chemin nous conduisant vers la divinisation de notre propre humanité. Y a-t-il plus grande expérience de liberté que celle-là ? Je ne le crois pas. C’est cela, chercher d’abord son royaume et sa justice. Et ce Dieu en qui nous croyons est notre lien commun. Entre nous, il existe des différences culturelles, sociales, intellectuelles, physiques et d’autres encore. Mais croire en Dieu, tel qu’il nous est révélé dans les Écritures, nous permet, par-delà ces différences qui existent, de d’abord voir ce qui nous rassemble, ce qui nous ressemble. Sans doute que vu de la terre, il existe des diversités, des rivalités mais nous pouvons espérer que vu du Ciel notre foi commune est belle à voir, un peu comme les lys des champs. Entre nous, nous formons une certaine unité. Toutes les religions du monde partagent des valeurs similaires, même si parfois l’intensité de ces dernières varie de l’une à l’autre. Il en va également de la sorte quant à notre unité de foi en tant que chrétiens. Les différentes branches de cette foi précisent et dévoilent à leur manière une partie du mystère divin. Chacune cherche à donner des réponses possibles à l’accomplissement de notre destinée en Dieu. Le Dieu de Jésus Christ s’adresse au plus profond de nous en nous souhaitant « une bonne liberté », c’est-à-dire cette liberté d’enfant de Dieu de croire en Lui, car le Royaume des cieux est tout proche. Toutefois, notre bonne liberté de croire, don de Dieu par excellence, n’est pas quelque chose de statique. Elle est


ÉTHIQUE

91

plutôt dynamique, en mouvement. En fait, toute bonne liberté a besoin de s’exprimer pour exister. Nous sommes d’abord là pour annoncer cet évangile qui nous rassemble pour que nous lui ressemblions. L’annoncer tout simplement, à partir des êtres que nous sommes, avec les dons que nous avons reçus. Ce n’est pas pour rien que les premiers disciples de Jésus étaient des pêcheurs. Dieu le Fils n’a que faire de belles phrases bien construites, agréables à entendre. Il attend de nous de prêcher son évangile avec des paroles sans dorures, des paroles vraies qui viennent du tréfonds de notre âme. Au risque de me répéter, Dieu a besoin de chacun de nous. La révélation aux autres du mystère du Tout Autre passe par nous. C’est avec nos mots, nos gestes que nous devenons, en tant que baptisés, prêcheurs de sa bonne nouvelle. Chacun à sa manière. Telle est la liberté de l’évangile. Telle est la liberté des enfants de Dieu. Puisse alors résonner en nous cette parole adressée par Dieu : « Bonne liberté, mon enfant. Vis ta foi. Annonce-moi. »

L’accueil 13e dimanche ordinaire (Mt 10, 37-42)

J’aimerais parfois pouvoir sonner à la porte d’une maison dont je ne connais pas les habitants. Je la choisirais au hasard et j’irais m’asseoir dans leur cuisine. Là je leur demanderais de quoi ils ont peur dans cette vie, ce qu’ils espèrent le plus réaliser et surtout s’ils comprennent quelque chose à notre présence commune sur cette terre. Ayant reçu un minimum d’éducation, je sais que ce genre de chose ne peut pas se faire alors que cet élan me semble le plus naturel du monde. Quand bien même je braverais ces limites qui m’ont été imposées tout au long de mon


92

PROMESSES DE BONHEUR

enfance, à raison, je craindrais les réactions des personnes chez qui j’irais sonner. Elles me prendraient sans doute pour un fou, un être à interner. Il y aurait beaucoup de méfiance dans la rencontre en tout cas. Cette méfiance est devenue un peu le ciment de ce début de troisième millénaire. Il n’est pas évident de donner sa confiance. Tout nous pousse à nous méfier par crainte du regard de l’autre, par peur d’être tout simplement abusé dans notre crédulité, ou encore par malaise de ce que cet autre pourra découvrir de nous et que nous ne gérons pas bien. Les images et les titres des médias ne nous aident effectivement pas toujours à entrer dans le risque du pari de la confiance, c’est-à-dire d’un optimisme à la vie. Et sans doute que l’Évangile à quelque chose à nous dire. L’accueil est une dimension essentielle de nos existences. Nous avons en nous ce besoin d’accueillir, de rencontrer pour aimer mais également ce plaisir de nous sentir accueillis, reconnus et acceptés tels que nous sommes. L’accueil ne demande pas grand-chose. Il suffit d’un simple verre d’eau fraîche, nous dit le Christ. Trop souvent nous nous encombrons de projections sur ce qu’il y a lieu de faire et d’offrir pour bien accueillir alors que l’accueil véritable est une disposition du cœur en vue de rencontrer l’autre en vérité. Pour cela, pas besoin de biscuits, ni de champagne frappé. Plutôt un simple regard soutenu épris de tendresse et de disponibilité. Plusieurs d’entre nous, ont sans doute, au cours de leurs voyages, rencontré des cultures où l’accueil était une priorité, un élément essentiel de leur tradition. Avec pas grand-chose, presque rien, ils nous donnent l’impression qu’à leurs yeux nous sommes importants, comme si nous étions Dieu à leur table. Me revient en mémoire ce petit morceau de pain tartiné d’une sardine écrasée, le tout recouvert de confiture de fraises.


ÉTHIQUE

93

Vous me l’offririez maintenant, j’aurais quelque réticence à l’accepter, mais ce morceau, je l’avais reçu de quelqu’un qui avait tout perdu. C’était dans un camp de réfugiés. Il y a déjà quelques années et pourtant, je n’ai jamais oublié. Au plus profond de son indigence, il offrait au riche que j’étais tout ce qu’il avait trouvé. Lorsque cela nous arrive, après l’étonnement, l’émerveillement, vient le temps du doute, de la méfiance : que veut-il de moi, qu’attend-elle en retour ? La gratuité de ce geste n’est pas possible. Nous nous méfions. Or pourtant, l’accueil véritable se vit dans la confiance. Toutes et tous, par l’évangile, nous sommes conviés à lâcher prise, c’està-dire à faire ce travail intérieur d’être bien avec nous-mêmes. En nous, les choses se mettent ou remettent à leur place et nous devenons fidèles et en lien avec qui nous sommes. En faisant cette démarche, nous enlevons beaucoup de choses inutiles dans nos vies. Désencombrés de toutes nos méfiances, nos suspicions, Dieu peut alors se rapprocher de nous pour voir ce qui se passe. Remettant Dieu au cœur de nos vies, nos regards peuvent alors se transformer. Nous ne sommes plus sous l’influence d’une société qui se méfie, mais nous nous enracinons dans un évangile qui nous rappelle que chaque fois que nous accueillons l’un des nôtres, aussi éloigné soit-il de nous, c’est Dieu que nous accueillons. De la sorte, l’accueil n’est pas seulement humain mais bien divin. C’est dans ma manière d’accueillir l’autre, de lui faire confiance, en fait de permettre à ce qu’une relation s’établisse que Dieu peut surgir et vivre parmi nous. Dieu vit en chacun de nous. Il est vrai que parfois, pour diverses raisons, nous avons l’impression que Dieu se cache dans l’autre et que nous ne le trouvons pas, tellement cet autre nous énerve. Pourtant, cet autre, tout autre qu’il soit, est également lieu de Dieu. Tout comme nous le sommes. Puissions-nous alors au nom de cette foi qui


94

PROMESSES DE BONHEUR

nous anime, oser à nouveau faire confiance en chacun, dépasser nos méfiances respectives pour permettre à ce Dieu en nous d’exister parmi nous.

L’activisme tue la vie 28e dimanche ordinaire (Mt 22, 1-14)

À de nombreuses occasions, il était invité. Un peu trop peutêtre au goût de ses parents. Certains se demandaient comment cela se faisait. Il faut reconnaître qu’il prenait le temps de répondre. Non seulement de répondre mais ses cartons étaient toujours envoyés avant la date demandée. Cela lui paraissait tellement naturel. En quelque sorte, l’invité idéal. Tout allait bien jusqu’à ce fameux jour où le facteur lui glissa deux invitations dans la boîte aux lettres. Rien d’extraordinaire me direz-vous, mais il était prié à deux événements à la même date et il n’arrivait pas à choisir. Quittant légèrement le chemin qu’il s’était tracé, puisqu’il ne pouvait se décider, il répondit positivement aux deux invitations, tout en précisant qu’il serait légèrement en retard étant retenu par ailleurs. Ce n’était pas des plus polis, il est vrai, mais il souriait de son astuce. Le jour prévu, connaissant quelques-uns des convives à qui il aurait demandé de laisser leurs téléphones portables allumés, il attendrait chez lui patiemment puis grâce aux nouvelles technologies, il leur téléphonerait pour découvrir la soirée où il y aurait le plus d’ambiance et partirait aussitôt après. Et voilà que nous aussi nous recevons une invitation… Par l’enveloppe, nous savons qu’il s’agit de noces. Mais pas n’importe lesquelles ? Les noces du Royaume de Dieu. Il est évidemment difficile de décliner une telle invitation. Ce serait blessant puisque, par le baptême, nous sommes un peu


ÉTHIQUE

95

comme les premiers invités. Nous avons le privilège de faire partie des enfants de Dieu. Nos noms sont inscrits dans son cœur. C’est pourquoi il ne doute pas de notre réponse positive. Il ne lui vient même pas à l’esprit qu’il pourrait en être autrement. Et voilà que Dieu, par-dessus le marché, ne semble pas se contenter de notre simple présence, il attend de nous que nous revêtions les vêtements de la noce. Qu’est-ce à dire ? Pourquoi une telle exigence ? Nombreux sont ceux qui aujourd’hui se plaignent, au moins de temps en temps, d’être débordés de travail et d’activités diverses. Nous sommes dans une société où celui qui avouerait avoir du temps passerait presque pour un original ou alors pour un exclu du système. Alors que nous nous sentons parfois dépassés, voire débordés. Un peu comme ces premiers invités de la parabole. Et c’est vrai qu’il nous arrive, des fois, d’être traversés de ce sentiment, comme si nous n’avions plus suffisamment de temps pour nous, trop pris par le flot des événements, par le cours de la vie et cela semble de plus commencer de plus en plus tôt. Un peu comme si nous ne vivions plus. Trop souvent, nous courons après le temps pour le combler plus encore de mille et une choses à faire. C’est pourquoi, le temps est devenu une valeur si précieuse à conserver. Mais à vouloir tant courir après ce temps, ne jouonsnous pas quelque peu à Dieu. Ne nous croyons-nous pas toutpuissants, capable de tout vivre, de tout résoudre, comme si nous étions une des solutions aux problèmes causés par notre système. S’il en est ainsi nous pouvons alors comprendre pourquoi Dieu montre si peu de compassion face à nos débordements. Il n’a que faire de telles excuses, car il sait pertinemment bien que l’essentiel n’est pas là. L’activisme tue la vie. L’activisme tue l’amour. Le trop plein ne nous donne plus du temps et surtout du temps pour aimer.


96

PROMESSES DE BONHEUR

Or, par définition, l’amour a besoin de temps pour se vivre et s’épanouir. Et c’est précisément dans l’amour que Dieu se révèle à sa création. Être débordé est quelque part le fruit de notre volonté même si ce n’est pas aisé de l’accepter. Dieu s’en moque, il nous invite à sa noce et à revêtir cet habit de lumière, l’habit du cœur pour participer au festin. Invités à la fête de Dieu, c’est être conviés à la vie. Et Dieu nous demande de choisir. Mais pressés par les contraintes de notre société, nous avons alors envie de retarder la réponse à l’invitation, d’attendre jusqu’à la dernière minute pour décider. Ne devenons pas comme ce jeune qui avait décidé d’utiliser son téléphone portable pour voir quelle serait la meilleure soirée. Au plus profond de nous-même, nous savons que la raison de notre vie s’inscrit dans la participation au festin du Royaume de Dieu, un royaume de bonheur. Ce royaume n’est pas pour demain. Il est là, ici et maintenant. Le carton d’invitation est dans notre cœur, il suffit d’y répondre positivement. Dieu n’attend que cela. Quittons nos débordements, revêtons l’habit de noces pour mieux redécouvrir la vie.

Le choix du « plus d’amour » 14e dimanche ordinaire (Mt 11, 25-30)

Merveilleux ou éclair au chocolat ? Misérable ou javanais ? Soupe de fruits rouges ou nougatine au coulis de framboise ? Duo de mousses ou boule de glace aux amandes sur une pêche confite au sirop d’orgeat ? Régime ou assortiment de desserts ? Expresso ou Irish coffee ? Tant de questions où nous aimerions pouvoir rester sans réponse pour goûter à « un petit peu de tout ». Tant de questions qui ne peuvent se résoudre que par un choix à poser. Mais pourquoi faut-il si souvent choisir ?


ÉTHIQUE

97

Choisir, choisir, toujours choisir ! N’est-ce pas cela le signe même de notre liberté humaine ? En effet, cette dernière se caractérise d’abord et avant tout par notre capacité de poser des choix. S’il n’y a pas d’alternatives, si aucune possibilité n’est proposée, s’il n’y a donc pas de choix, il n’y a tout simplement plus liberté. Et en l’absence de liberté, nous quittons le champ de l’éthique, c’est-à-dire le champ de nos actions enracinées dans l’amour puisque la loi est de l’ordre de la morale, tandis que l’éthique inscrit nos actes dans l’amour, souligne un philosophe contemporain. Que nous le voulions ou non, choisir est essentiel dans toute vie humaine. Et c’est tellement important que si nous décidons de ne pas choisir, eh bien, d’une certaine manière, nous choisissons quand même et ce choix nous intègre à nouveau dans le champ de l’éthique. Nos choix sont donc essentiels et vont guider nos existences même si certains prétendent que dans la vie de tout être humain, nous ne faisons que cinq ou six choix qui vont nous marquer de façon indélébile. Cette dernière affirmation est sans doute vraie : choix du partenaire amoureux ou d’un autre type de vie, choix d’un type d’études ou de métier, choix d’un lieu d’habitation. Je vous laisse la liberté de choisir pour compléter cette liste de manière plus personnelle. Puis, il y a aussi cette multiplicité de choix qui ont également toute leur pertinence : choix des valeurs à transmettre aux générations futures, choix des mots à dire ou ne pas dire, choix des relations, etc. Nous sommes donc conviés, par la vie, à toujours poser des choix. Et heureux sommes-nous, car ils nous rappellent chaque fois ô combien nous sommes des êtres libres. Mais comment être certain de ne pas se tromper ? Quelle est la voie à suivre ? Le frère Gareth Moore, dans un article traitant de cette question, affirmait, il y a quelques années déjà, que l’être


98

PROMESSES DE BONHEUR

humain devait toujours, parmi les différentes possibilités qui s’offraient à lui, choisir la solution qui apportera « le plus d’amour ». Dans cette perspective, il n’y aurait donc plus qu’un seul et unique critère : celui du « plus d’amour ». Si ce dernier guide nos choix, nous ne pouvons plus nous tromper et nous découvrirons que même si aujourd’hui nous aurions fait d’autres choix que ceux que nous avions posés à l’époque, nous pouvons reconnaître que, puisqu’ils ont été posés dans l’amour, ils gardent toute leur pertinence et leur validité à l’heure actuelle. Le choix du « plus d’amour » nous conduit toujours dans la bonne direction puisque c’est ce que Dieu semble attendre de chacun de nous. En effet, vivre selon la chair, c’est-à-dire selon la logique de la domination, de la violence, de l’écrasement, du profit direct est un choix qui nous éloigne de Dieu. Par contre, vivre selon l’Esprit, c’est-à-dire ayant comme objectif de mettre en ce monde de la douceur, de la tendresse et surtout du respect vis-à-vis de chaque être humain, quelle que soit sa condition sociale, culturelle, intellectuelle est un choix qui non seulement nous rapproche de Dieu mais nous fait participer activement à la construction de son Royaume ici-bas et dès maintenant. Il est toutefois vrai qu’il y a parfois des choix difficiles à faire et nous pouvons aussi avoir l’impression que même s’ils sont nécessaires, ils restent pénibles à vivre. Nous pourrions entrer de la sorte dans une spirale de désespérance. Il nous reste alors comme solution de poser ces choix en Dieu, de nous laisser guider par le Christ afin que l’Esprit nous guide à trouver la solution qui apportera une fois encore le « plus d’amour ». De cette manière, nos actes, nos paroles, nos attitudes s’enracinent dans le Christ et ils deviennent légers. Dieu, le Fils, dans l’Esprit, les porte avec nous. Cela nous semblait au départ impossible, insurmontable et voilà qu’à la lumière de la foi, tout s’éclaire :


ÉTHIQUE

99

« Oui, mon joug est facile à porter et mon fardeau, léger. » S’il en est vraiment ainsi, alors que ce soit « merveilleux ou éclair au chocolat », peu importe, je les aime tous les deux. Il me suffit de poser le choix du « plus d’amour », c’est-à-dire un pour vous, un pour moi.

Le rejet des ragots Sainte Marie, Mère de Dieu (Lc 2, 16-21)

Que de contradictions au début de la vie de Jésus ! Nous découvrons que Marie avait été accordée en mariage à Joseph. En termes modernes, nous dirions qu’elle est sa fiancée. Celui-ci décide de la répudier, mais pour faire cela, ils devaient être mariés et enfin, l’ange lui dit : ne crains pas de prendre chez toi Marie ton épouse. Alors fiancée ou épouse ? Tournons-nous vers la culture juive de l’époque. Pour eux, les fiançailles étaient le temps qui commençait au moment où les parents avaient décidé que leurs enfants se marieraient. Vient ensuite le temps du mariage, c’est-à-dire l’année avant le mariage où les jeunes fiancés ratifiaient l’engagement de leurs parents respectifs. D’ailleurs, durant les douze mois précédant la célébration, si le fiancé mourait, la fiancée était appelée « une vierge qui est veuve ». Une séparation équivalait à un divorce. Et le mariage clôturait cette année. Comme nous le voyons, dans la culture juive, il n’y a pas de contradiction dans le début de la vie de Jésus. Pourtant, l’histoire a vraisemblablement dû faire scandale dans le petit village de Nazareth : une fiancée enceinte avant le mariage ! Les commentaires ont dû aller bon train dans les chaumières. Et je crois qu’il y a deux manières de recevoir et de vivre un tel événement aujourd’hui encore. La première est de nous enfermer dans le côté sen-


100

PROMESSES DE BONHEUR

sationnel et soi-disant scandaleux de l’événement. Nous entrons de la sorte dans le processus de la calomnie, du ragot qui va alimenter nos conversations. Nous discutons en étant persuadés que nous avons en main tous les éléments pour évaluer la situation, la juger et surtout la condamner. Cet épisode de la vie du Christ nous invite à oser faire un retour sur nous-mêmes : combien de fois dans nos vies n’entrons-nous pas dans une telle dynamique, comme si le cancan mondain était quelque chose de vital. Comment se fait-il que médire fait tellement partie de la vie ? Le ragot permet parfois de se sentir mieux que les autres ; il est un moyen de dépasser une certaine jalousie, une occasion de ne pas devoir se remettre en question, un outil pour se rassurer par rapport à ses propres failles, ou encore une façon pour se rencontrer sans se dire et sans être vulnérable. Pourtant, le ragot est quelque chose de lâche et signe de médiocrité humaine. En effet, nous pensons que nous savons. Alors qu’en fait, nous ne savons rien, nous ne connaissons pas tous les tenants et aboutissants de la situation. Dès lors, lorsque nous nous sentons envahir par une telle dynamique, faisons en nous l’exercice d’humilité de reconnaître qu’il nous manque trop d’éléments pour vraiment comprendre. Que l’histoire de Joseph nous rappelle que nous ne comprenons pas tout, qu’il y a souvent de l’exceptionnel qui nous dépasse et qui ne nous regarde pas. Notre bonheur fondé sur le « dire du mal des autres » restera toujours éphémère et se retournera un jour contre soi. Pour nous, Joseph a pris le risque de la condamnation parce que nous susurre-t-il, il y a une autre manière de recevoir l’événement. Une manière qui fait grandir et fait avancer. Sans comprendre, sans avoir la prétention de tout saisir, Joseph dont on sait si peu de choses, nous invite, chacun dans son for intérieur à faire l’expérience de la confiance. La confiance d’abord en l’autre. Trop d’éléments échappent à notre compréhension pour saisir la


ÉTHIQUE

101

grandeur du mystère qu’il vit. Ce que Joseph a vécu est incompréhensible, est de l’ordre de l’indicible mais il a fait confiance, il a bravé la médiocrité humaine pour laisser advenir un mystère, le plus beau mystère de la création : laisser à Dieu le moment d’être avec nous. Par la confiance de Joseph en l’Esprit, Dieu-avec-nous, l’Emmanuel peut se donner et se célébrer. Que nous puissions fermer en nous l’espace aux ragots pour vivre à jamais de cette confiance et à l’instar de Marie « garder tout dans notre cœur ». Les regards que nous nous porterons les uns aux autres se transformeront et deviendront signes de Dieu-avec-nous. Alors notre communauté vivra. C’est pourquoi l’histoire du début de la vie de Jésus, au-delà de son mystère, est école de vie.

Les heureuses tentations 1er dimanche de Carême (Mt 4, 1-11)

Une véritable bombe. Quand vous passez à côté d’elle, le monde s’arrête et les gens la regardent. Vu sa forme éblouissante, elle peut, je crois, facilement susciter une certaine jalousie. Il est vrai que, même à mes yeux, elle est juste comme il faut et surtout comme je les aime. Et puis avec cette rondeur légèrement câline, elle doit en rendre des gens heureux. Vous comprenez alors mieux pourquoi je vous parle d’une véritable bombe. Elle est là dans sa vitrine, entièrement recouverte de cacao amer qui tapisse une croûte de pur chocolat enfermant une délicieuse mousse au chocolat le tout sur une base chocolatée. Quelle tentation. Quelle joie pour les yeux. Quel plaisir pour le palais. Merci mon Dieu pour une telle création. Mais vais-je y succomber ou bien être capable de résister par l’exercice de ma simple volonté ?


102

PROMESSES DE BONHEUR

Au fait, est-il vraiment nécessaire de se priver, de ne pas entrer en tentation ? Pour être tout à fait honnête, j’adore les tentations et ce qui me rend le plus heureux, c’est lorsque « je craque » et que je me laisse aller à vivre intensément ce plaisir auquel je viens de succomber volontairement. « Ce n’est pas bien, quel manque de volonté, ô triste faiblesse humaine qui n’arrive pas à résister », se diront peut-être quelques-uns. Et dans certaines situations, ils ont sans doute raison, car certains passages d’évangile nous ramènent au cœur de toutes ces tentations auxquelles nous sommes confrontés constamment. Les envisager comme un bloc monolithique à rejeter à tout prix nous conduira immanquablement à une certaine désespérance. En effet, sur notre petite terre, il y a des tentations, de très bonnes tentations offertes à notre liberté. Ces tentations sont positives. Elles nous font grandir ou grossir comme ma bombe au chocolat de tout à l’heure. Se laisser tenter n’est pas négatif en soi. Se laisser tenter, c’est parfois partir à la découverte de l’inconnu, de nouvelles choses. C’est également se donner du plaisir à soimême et ne sommes-nous pas sur terre pour d’abord être heureux ? La tentation d’un livre qui me nourrira l’esprit, la tentation d’une rencontre d’amitié où se vivra le partage de nos vulnérabilités, la tentation d’un bon repas, la tentation d’un certain type d’études, la tentation de vivre sa foi en assemblée, et je pourrais continuer d’allonger la liste, sont de belles tentations. Certaines d’entre elles nous obligent parfois même à nous dépasser pour qu’elles se réalisent. Ces tentations-là ont dès lors toutes leurs raisons d’être. À leur manière, elles participent à la construction de l’être humain, elles réjouissent le cœur de tout un chacun. Laissons-nous alors tenter par elles et succombons joyeusement, car elles nous font avancer sur notre propre chemin d’humanité. Et cela se vit en toute liberté.


ÉTHIQUE

103

En effet, notre liberté se caractérise par notre capacité de choisir. S’il n’y a pas de choix, il n’y a pas de liberté et nous quittons le champ de l’éthique. C’est donc en toute liberté que nous pouvons exercer notre capacité de choix afin de vivre de toutes ces tentations qui nous permettront de devenir plus nous-mêmes. En succombant de la sorte, nous participons pleinement à la réalisation de cette destinée qui, contrairement au destin, ne s’impose pas à moi de manière arbitraire. Sur terre, si nous mettons nos pas dans les traces de Jésus Christ, Dieu attend de chacune et de chacun de nous d’accomplir notre destinée. Cette dernière n’est pas déjà inscrite au Ciel dans un grand livre dont saint Pierre tournerait jour après jour les pages. Non, notre destinée, c’est à nous, non seulement, de la trouver mais également d’en vivre. Il est vrai que dans ce superbe projet divin de vie, il y a un ensemble d’obstacles qui pourront nous empêcher de devenir pleinement nous-mêmes. Il y a ces tentations qui vont à l’encontre même de notre liberté, voire de notre destinée. Nous avons alors à les combattre, car elles nous empêchent de nous réaliser humainement, de nous réaliser divinement. Elles sont des entraves à ce chemin de bonheur tel qu’il m’est dicté en toute liberté par cette vérité personnelle vivant au plus profond de mon être. Ces tentations-là sont donc à rejeter à tout prix, car elles nous font passer à côté de notre propre vie et à moyen ou long terme, nous risquons de souffrir et peut-être même d’entrer dans une certaine paralysie de vie, un peu à l’instar d’Adam et Ève qui ont refusé de devenir eux-mêmes dans l’espoir d’atteindre de manière simpliste le statut de Dieu. Se détourner de sa destinée, trébucher de la sorte sur notre chemin, nous conduit immanquablement à entrer dans une dynamique du désajustement. Je serai désajusté vis-à-vis de moi-même, désajusté vis-àvis des autres et pire encore, désajusté vis-à-vis de Dieu.


104

PROMESSES DE BONHEUR

En conséquence, en ce temps de Carême, ajustons nos vies en acceptant les tentations qui participent à l’accomplissement de nos destinées en Dieu et rejetons avec force celles qui feraient de nous des désajustés, car la foi, la vie pour soi, pour les autres et pour Dieu passe par l’ajustement de nos actes à cette destinée vécue en vérité au nom de la liberté inscrite à jamais par le Christ en chacun de nous.

Les oubliés 3e dimanche ordinaire (Mt 4, 12-23)

Il y a dans cette assemblée, plusieurs personnes qui m’ont avoué que lorsqu’elles étaient adolescentes elles priaient beaucoup. Oh, non pas pour réussir tel ou tel examen mais surtout pour ne pas recevoir l’appel de Dieu. J’en connais même une qui au pensionnat se cachait sous ses couvertures pour être certaine de ne pas entendre cette voix qui l’invitait à rejoindre la congrégation des Sœurs de « je ne sais plus quoi ». L’appel de Dieu est une expression, voire une expérience qui a déjà fait couler beaucoup d’encre, alors que certains, dont je fais partie, reconnaissent n’avoir reçu aucun mail ou téléphone de Jésus. Par rapport à cette question de l’appel ou plutôt du choix de vivre sa vie pour la réaliser, il y a une expérience commune que partagent de nombreux frères dominicains. Pas tous. Cette réalité vécue concerne l’annonce de notre choix de vie à nos parents. Dans un premier temps, c’est un choc pour tous les deux mais la mère semble souvent s’en remettre plus facilement. Il n’en va pas de même pour beaucoup de nos pères. Cela prend un peu plus de temps. Qu’ils puissent se réconforter en méditant l’évangile de ce jour. Si nous quittons le nid familial pour entrer dans une autre famille, notre


ÉTHIQUE

105

Ordre, nous ne laissons pas tout tomber en un instant comme les disciples de Jésus, car comme l’écrit Luc : « Aussitôt, laissant leur barque et leur père, ils le suivirent. » Pauvre père finalement qui se retrouve tout seul. L’appel de ses deux fils a dû bousculer tous ses projets. Peut-il continuer seul son entreprise familiale ? Pourra-t-il subvenir à ses propres besoins sans ses fils ? L’évangile ne nous dit rien. Ce père passe presque de manière inaperçue. Il est à peine mentionné. Il n’apparaît qu’un instant sur le chemin de Jésus. Puis on ne sait plus rien. On l’oublie. Il fait partie de ceux que nous pourrions nommer les « oubliés de l’évangile ». Et ils sont à ce point nombreux ces « oubliés de l’évangile » qu’ils ont même été le titre d’un livre, il y a déjà quelques années. L’avions-nous remarqué, ce père, en écoutant le texte de ce soir ? Certains oui, d’autres sans doute non. Il y a les « oubliés de l’évangile » comme il y a les « oubliés de la vie ». C’est vrai, beaucoup de personnes traversent nos chemins et nous ne les voyons pas. Les raisons sont nombreuses : je suis passé à côté de lui, car j’étais dans mes pensées, j’essaye d’oublier celle-là, car son souvenir me fait mal, ou encore, au moment de la rencontre j’étais trop stressé, pressé. Parfois certains sont « oubliés » pour des raisons politiques peu avouables. Pour d’autres, nous n’avons pas de temps à leur donner, nous n’avons pas d’affinités, voire pas de liens. D’autres encore, nous énervent à ce point que nous préférons les oublier. Il y a aussi ceux qui sont tellement évidents, ils font tellement partie de notre environnement que nous oublions par exemple de les inviter. Enfin, il y a tous ceux et celles que nous oublions parce que nous avons le sentiment qu’ils ne nous apportent rien, qu’ils ne nous feront pas grandir dans notre humanité. Pourtant, les oubliés de la vie existent, ils sont là. Et certains en souffrent, car ils ont toujours l’impression que leur présence a peu d’importance,


106

PROMESSES DE BONHEUR

au point de croire que personne ne se rendrait compte de leur absence. Terrible sentiment. Si je suis oublié, je ne suis pas reconnu pour qui je suis, peut-être alors que je n’existe pas vraiment. Me revient en mémoire cette phrase d’une femme rwandaise, un an après le génocide : « Quand vous rentrez chez vous, je n’ai qu’une seule chose à vous demander : dites à vos concitoyens de prier pour nous, s’il vous plaît, ne nous oubliez pas. » Il n’y a rien de pire que l’oubli. La mémoire est essentielle. En effet, dans une société sans mémoire, il n’y a plus de transmission du passé. Et sans passé, il n’y a pas de présent pour construire notre avenir. Surtout dans une vie comme la nôtre où nous sommes tellement sollicités qu’il peut même nous arriver d’en oublier Dieu. Je peux passer des journées sans Dieu, je peux prendre des décisions sans Dieu. Je peux vivre sans Dieu. Puissions-nous entendre les paroles du Christ : « Venez derrière moi. » Jésus ne se satisfera cependant jamais d’une relation désincarnée de son propre Père. Le Fils nous ramène toujours au Père. Il n’est pas une fin en lui-même. Il ne veut pas que nous oubliions le Père par qui tout fut créé. L’appel du Christ est un appel à la Vie, un appel à la mémoire. Ne l’oublions pas, car l’oubli, trop souvent, tue la vie.

Les territoires de l’intimité 4e dimanche de l’Avent (Mt 1, 18-24)

Depuis quelques années, ceux, en quête de sensations diverses, peuvent enfin, de chez eux, bien au chaud dans leur salon, et ce, grâce à certaines émissions télévisées, entrer dans l’intimité d’autres personnes de manière tout à fait naturelle, sans se poser aucune question.


ÉTHIQUE

107

En effet, des gens, triés sur le volet, acceptent d’être filmés quasi en permanence pendant une durée déterminée et feront ainsi la joie de ces spectateurs avides de détails croustillants de tout genre. Non seulement éthiquement inacceptables, je vois un danger certain dans la prolifération de ce type de programmes : celui de s’imaginer qu’il est tout à fait normal d’entrer dans l’intimité de toute personne au nom d’une fausse transparence de vérité. L’intimité n’aurait plus de frontières. L’intimité n’aurait plus de raison d’être. Tout peut être montré, dévoilé, voire étalé au grand jour. Pétris de ce type d’émissions, nous pourrions interpeller tout le monde, en tout sens, en tout lieu puisque l’intimité aurait disparu de notre paysage de vie. Quelle société aurions-nous alors créée ? Il est essentiel de se hérisser devant cette nouvelle culture, car tout être humain se construit à partir de trois territoires d’intimité : intimité du corps, intimité de l’espace et intimité de la pensée. Et lorsque d’autres s’autorisent à y entrer de manière intempestive, nous avons le devoir de les remettre à leur place en leur rappelant de se mêler de leurs affaires et de leur faire savoir que cela ne les regarde pas. L’intimité de l’être est trop importante pour pouvoir être bradée par un certain type de culture télévisuelle. En effet, dans nos vies, il y a des choses qui ne regardent que nous. Elles nous appartiennent. Ce n’est pas qu’elles soient scandaleuses, elles forment notre jardin secret personnel, familial ou communautaire. Ces réalités définissent notre appartenance et n’ont pas à se partager. Certaines seront même inavouables. Toutefois, contrairement à ce que d’aucuns imaginent, l’inavouable n’est pas toujours lié à la faute, au péché. Il existe des choses qui sont inavouables, car elles doivent rester secrètes, cachées. Ce n’est tout simplement pas le moment de les dévoiler. Les autres ne sont peut-être pas à même de les entendre, de les recevoir.


108

PROMESSES DE BONHEUR

Et il en va de la sorte pour l’évangile de ce jour. L’intimité de Marie et de Joseph ne peut se dévoiler. La conception de l’enfant est à ce moment précis de leur histoire personnelle, inavouable. Ils taisent l’événement et acceptent ainsi de prendre le risque d’entendre les remarques, les critiques de leur environnement social qui croyait savoir alors qu’en réalité, ce dernier ne savait rien. Puissions-nous nous nourrir de cet épisode de la vie de Jésus pour nous rappeler que très souvent, nous non plus nous ne savons pas. En effet, nous n’avons pas tous les éléments en main lorsqu’une situation précise touche l’intimité des êtres qui nous entourent. Marie et Joseph ont eu raison de protéger de la sorte leur intimité. En effet, de cette manière, ils ont pu assumer ce qui s’est imposé à eux. En assumant l’histoire de Marie, d’une certaine manière, Joseph veut le non-voulu, qui pourrait se traduire par ce nouveau mot : l’invoulu. Il n’avait rien demandé. L’événement de la maternité de Marie est soudain, il contrecarre ses plans. Il aurait pu, comme souvent nous pourrions en être tentés, décider de le subir : « C’est ainsi. Je ne peux rien faire. Tel est mon destin. Je n’ai pas d’autre possibilité que de m’incliner ». Subir sa vie, prendre conscience de cette absence de liberté, rend notre traversée terrestre pénible. Or, comme le dit le poète, ce n’est pas l’événement qui fait la vie mais la manière dont je le vis. En d’autres termes, soit je choisis de subir l’invoulu qui s’impose à moi, soit je décide de vouloir cet invoulu, c’est-à-dire que je veux entrer dans une démarche. Une démarche proactive où décidant de vouloir l’invoulu, je me mets à l’assumer. Au départ, je n’ai pas désiré cet invoulu. Il m’est tombé dessus. Mais mon désir de liberté intérieure étant telle que cet invoulu, je le fais mien. Je l’assume en confiance. Je l’inscris dans mon histoire. Or, une telle démarche ne peut se réaliser dans la solitude. C’est


ÉTHIQUE

109

à deux que Marie et Joseph assument leurs nouvelles responsabilités. C’est avec ceux qui m’entourent, à qui je me suis confié, en qui j’ai confiance, que je peux entrer dans une démarche en vue d’assumer l’invoulu parfois tout aussi inavouable. Alors si, à certaines occasions, dans nos vies, nous sommes confrontés à des invoulus inavouables, remémorons-nous l’évangile de ce jour pour nous rappeler que l’invoulu inavouable de Marie et de Joseph a conduit l’humanité à entrer dans cet événement merveilleux de ce Dieu qui s’est fait proche de son humanité. L’invoulu inavouable de Marie et Joseph, assumé en toute confiance, nous permet ainsi, à notre tour, d’entrer dans cette mystérieuse démarche d’attente qui éclatera au cours de la nuit de Noël.

Les victimisés 26e dimanche ordinaire (Mt 21, 28-32)

Un principe fondamental de notre droit belge, c’est que toute personne est présumée innocente tant qu’elle n’a pas été condamnée. En lisant les journaux et périodiques, j’ai plutôt l’impression que toute personne est présumée coupable. Et peu importe si elle est innocentée après. Il reste pour se justifier les dictons tels que : il n’y a pas de fumée sans feu, je reste sur ma première idée et je refuse de changer d’avis. Ces phrases sont pour moi signes d’imbécillité entendue au sens de manque d’intelligence. Il y a des innocents qui restent condamnés toute leur vie parce qu’un jour, ils ont été accusés de quelque chose qu’ils n’avaient pas fait ; il y a des coupables qui ont vécu un moment d’égarement et se sont repentis, mais ils restent coupables quoi-


110

PROMESSES DE BONHEUR

qu’ils fassent ensuite. Puis il y a cette nouvelle catégorie de personnes : les victimisés. Ces derniers ne sont pas des victimes. Les vraies victimes suscitent un profond respect, elles demandent compassion et accompagnement. Les victimisés, quant à eux, sont ceux qui se mettent en situation de victimes alors que, le plus souvent, ils sont les responsables de ce qui leur arrive. Ils ont manqué de jugement, ils ont triché et ils perdent. Alors plutôt que de reconnaître leur erreur, ils se victimisent, car ils ont compris qu’en agissant de la sorte d’autres se tourneront vers eux, les prendront en pitié et plus personne ne se souciera de savoir où se trouve la vérité. En utilisant ce type de procédé, les victimisés créent de vraies victimes, des gens innocents qui sont accusés par ces autres de quelque chose dont ils ne sont pas responsables. La victimisation est dès lors un processus lâche qu’il y a lieu de dénoncer. Il est possible de trouver de belles caricatures de victimisés aux États-Unis : ce sont ces gens qui après avoir fumé pendant trente ans attaquent les fabricants de cigarettes, c’est cet homme qui poursuit McDonald’s, Burger King et Kentucky Fried Chicken parce qu’il est obèse aujourd’hui. Ces exemples peuvent nous faire sourire. Mais des victimisés, il en existe aussi autour de nous. Ils sont parfois très proches. S’il y a lieu de les dénoncer, c’est parce que la victimisation est contraire à l’esprit de l’évangile. Ce dernier nous invite à vivre en cohérence avec nous-mêmes. Il est évident qu’en chacun de nous cohabitent des « oui » et des « non » dans cette zone obscure de vulnérabilité, de fragilité, voire même de faiblesse. Il y a de la nocturnité en chaque être humain, mais il est essentiel de ne pas se mettre à dériver. Si nos paroles s’enracinent dans nos pensées, dans notre cœur, elles doivent alors être en cohérence avec nos actes.


ÉTHIQUE

111

C’est de cette manière que nous pouvons déjà, ici sur terre, goûter au bonheur qui nous est promis. Le bonheur est à la portée de tout un chacun. Il trouve sa source dans cet esprit de vérité qui nous anime. Il permet ainsi d’être en harmonie avec soimême. Étant bien avec moi-même, je peux l’être avec les autres et surtout avec le Tout Autre. Et c’est vrai, sur ce chemin, il peut m’arriver de trébucher par fatigue, par surcharge, par mauvaise volonté. Les raisons sont innombrables. Soit nous nous victimisons, mais nous aggravons notre cas, car nous entrons dans le champ du mensonge, soit nous intégrons ces moments de notre passé pour mieux construire notre présent afin de vivre un futur possible et heureux. Et ce qui est prodigieux dans le message du Christ, c’est que pour Dieu, il n’y a pas de fatalité. Nous autres, êtres humains, nous pouvons figer nos contemporains en leur collant des étiquettes sans aucun appel possible. Elles ont été données une fois pour toutes. Nous les jugeons, les condamnons et les enfermons dans un passé à jamais révolu. Agir de la sorte c’est pécher, car notre attitude est synonyme de manque d’amour. Dieu, quant à lui, porte sur chacun de nous un tout autre regard. Son espérance est infinie. Il ne nous enferme pas, il nous tend toujours une main que notre repentir peut saisir en toute liberté. Puissions-nous à jamais vivre en cohérence avec nous-mêmes et lorsque nous trébuchons, prenons la main que Dieu nous tend pour assumer nos actes et non pas tomber dans la lâcheté de nous victimiser. Dieu nous offre l’espérance et la vie, ne choisissons pas la mort.


112

PROMESSES DE BONHEUR

Principes et valeurs 6e dimanche ordinaire (Mt 5, 17-37)

« Je ne suis pas venu abolir la loi mais bien l’accomplir », nous dit Jésus, mais qu’est-ce à dire ? N’y a-t-il pas une contradiction dans les propos de Jésus ? En quoi vient-il accomplir la loi, alors que ce qu’il demande semble aller bien au-delà de ce que les juifs devaient vivre pour respecter la loi ancienne ? Comme si la loi nouvelle de Jésus était beaucoup plus exigeante que la loi de Moïse. Il y a une différence entre la loi de l’Ancien Testament et la loi nouvelle proposée par Jésus. La loi ancienne se vit par devoir, la loi nouvelle se vit par amour. En accomplissant la loi, souligne André Comte-Sponville dans un article passionnant, le Christ libère ses disciples de la loi, c’est-à-dire qu’il l’inscrit à jamais au fond des cœurs. Le Christ inscrit la loi au fond des cœurs, parce qu’il dit à ses disciples que ce qu’ils faisaient auparavant par respect de la loi, c’est-à-dire par devoir, par soumission, tristement, ils le feront dorénavant par amour, c’est-à-dire librement. Par exemple : le respect de la vie était, dans la loi de Moïse, une contrainte, un impératif, un commandement : « Tu ne tueras point. » Cette loi devient, dans la bouche de Jésus, l’affirmation joyeuse de l’amour de l’autre, le respect de sa liberté, de la justice… « Vis, heureux es-tu. » Un peu comme dans cette formule de saint Augustin : « Aime et fais ce que tu veux. » Si tu vis dans l’amour et par l’amour, tu n’as que faire des lois puisque tu aimes. L’amour devient ainsi la valeur par excellence. En effet, lorsqu’une vie est fondée sur des valeurs, elle s’enrichit et grandit. Les valeurs ouvrent le chemin de la tolérance, de la rencontre et du respect de la différence, même lorsque nous ne la comprenons pas. Il y a alors lieu de refuser les principes, ces derniers sont signes de mort


ÉTHIQUE

113

et tuent la relation. Immanquablement, ils conduisent à l’intolérance et ils enferment l’être humain dans sa prison intérieure. Tristes principes que nous utilisons bien souvent, mais en fait pour nous protéger de nos propres angoisses. Tandis que ces valeurs qui nous habitent et font notre richesse sont portées par cette vertu qu’est l’amour de l’autre au nom de l’amour du Tout Autre. Et là, c’est la vie qui jaillit en vous et autour de vous. Ceci revient à dire que nous pourrions appeler « principe » tout ce que nous faisons par devoir et « valeur » tout ce que nous faisons par désir ou par amour, affirme une fois encore cet auteur contemporain. C’est pourquoi les valeurs nous libèrent des principes. Quelle mère nourrit son enfant par devoir, par principe ? On ne le fait pas par devoir mais par amour. L’amour y suffit et vaut mieux, poursuit-il. D’ailleurs, tant qu’il y a de l’amour, tant qu’il y a du désir, nous n’avons pas besoin de devoir. L’amour libère des principes, l’amour libère de la loi. En nous disant qu’il est venu accomplir et non abolir, Jésus tente de nous montrer que la loi et l’amour ne s’opposent pas, mais sont deux moments dans un même processus : on commence par se soumettre à la loi puis on comprend qu’il est encore mieux de faire par amour ce qu’on nous a appris à faire par devoir. La loi et l’amour sont donc deux choses différentes mais pas opposées au sens où on devrait choisir entre les deux. La vérité, c’est que nous avons besoin des deux : quand l’amour est là, on n’a plus besoin de loi : nous n’avons besoin de loi que faute d’amour. C’est bien pourquoi nous avons hélas aujourd’hui encore terriblement besoin de lois parce que le plus souvent l’amour n’est pas là, le plus souvent l’amour brille par son absence. Un peu comme si Jésus nous disait, dans toutes les situations où nous ne sommes pas capables de vivre à la hauteur de l’amour, c’est-à-dire à suivre le Nouveau Testament, il nous reste à respecter au moins l’Ancien


114

PROMESSES DE BONHEUR

Testament, c’est-à-dire à nous soumettre à la loi, conclut André Comte-Sponville. L’abolition de la loi conduit immanquablement à l’anarchie, au drame. Par contre, l’accomplissement de la loi conduit à l’amour inscrit dans le cœur de chacun. Principes ou valeurs ? Loi ou amour ? À nous de choisir ce qui conduit à la vie, mais à une vie en abondance.


Foi

Ciel de la Terre 5e dimanche ordinaire (Mt 5, 13-16)

Absence totale de culture ou bêtise humaine profonde ? Peut-être même les deux. Nous pouvons en tout cas nous le demander quand nous constatons qu’ils dénomment le fleuron de la gastronomie belge : des French fries. Comment les Américains osent-ils nous retirer ce qui devrait s’appeler des Belgian fries et ils n’ont pas d’excuse puisqu’ils parlent bien des Belgian chocolates ou encore des Belgian wafels. Mon sang ne fait qu’un tour lorsque je les entends prononcer, avec leur voix nasillarde, ces mots French fries. Toutefois, je ne devrais pas m’énerver, car il semblerait que French fries ne signifie nullement des frites françaises. L’expression viendrait d’un vieux verbe anglais, to french, qui signifierait « couper en bâtonnets ». Ce ne sont donc plus des frites françaises, mais des bâtonnets frits, en traduction correcte. Notre honneur et notre « belgitude » sont donc sauvés grâce à cette précision. Quoi qu’il en soit, qu’elles soient nommées de la sorte ou non, on dira ce qu’on veut, mais sans sel, c’est vraiment pas bon. Et dans les aliments, c’est comme dans la vie, quand il en manque, cela se sent, cela se goûte. Du sel sur ses frites, il n’en faut pas beaucoup. Juste assez pour l’assaisonnement. À raison alors, Jésus nous dit : « Vous êtes le sel de la terre. » Il n’a pas dit : « Vous êtes les frites de la terre », car il sait que là c’est plutôt la quantité et non la qualité qui importe.


116

PROMESSES DE BONHEUR

Or, l’important n’est pas le nombre mais la manière dont nous nous investissons. Nous sommes donc, d’après le Fils de Dieu, le sel de la terre. Étonnante analogie. C’est peut-être l’indication d’une direction à suivre, d’une tâche à accomplir, voire d’une responsabilité à vivre. En étant le sel de la terre, nous prenons conscience qu’avec nos moyens, aussi fragiles soient-ils, nous pouvons faire de grandes choses. Le sel ne se suffit pas à lui-même, il peut remplir différentes fonctions. En fait, il accompagne toujours. Il en est également pour tout être humain, pour tout croyant. Si notre foi en Dieu est vraie, si elle donne sens à nos existences, si elle donne du goût à notre vie, alors nous ne pouvons plus la garder pour nous. Une foi cachée, par définition, se meurt. Aujourd’hui, le Christ insiste : vous êtes le sel de la terre ou en d’autres mots : vous êtes le Ciel de la terre, c’est-à-dire que Dieu fait de chacun de nous des messagers de sa Parole. Nous sommes ses représentants sur cette terre, c’est pourquoi nous pouvons nous reconnaître comme étant ce Ciel de la terre. Sans nous, Dieu ne peut plus se transmettre, se faire connaître. Il a besoin de nous. Baptisés dans l’Esprit Saint, nous avons ce bonheur et cette joie d’offrir à ceux que nous croisons ce qui nous fait vivre au plus profond. Cela ne peut pas se faire de n’importe quelle manière. Nous ne sommes pas là pour transmettre un savoir, une connaissance livresque. Notre mission divine est de partager cette saveur de la foi. Nous l’apprécions tellement, que nous souhaitons que d’autres puissent également la découvrir et surtout en vivre. Croire en Dieu, n’est pas de l’ordre de l’obligation. Non, croire en Dieu est la conséquence d’un choix heureux. Il nous comble de sa présence mystérieuse. Par l’expérience propre de notre foi, nous avons pris conscience que Dieu appelait chacun de nous à la vie, à l’abondance de la vie. Il nous


FOI

117

convoque à vivre pleinement chaque instant offert. Et cela se fait dans la contagion. Mais sommes-nous vraiment des contagieux de Dieu ? Sommes-nous réellement cette lumière du monde ? Éclaironsnous dans la douceur de nos vies ceux de qui nous nous faisons proches ? Nos actes, nos paroles et nos gestes illuminent-ils nos existences d’une telle beauté que cette lumière arrive à se propager de manière naturelle autour de nous ? Peut-être pas tous les jours lorsque nous sommes pris dans le tourment du temps, mais telle est pourtant notre vocation. Aujourd’hui encore, le Christ nous fait une déclaration d’amour en nous rappelant ces mots : « Vous êtes le sel de la terre, vous êtes la lumière du monde. » Telle est notre tâche, telle est notre mission. Donner du goût à la vie, rayonner de cette joie intérieure qui nous façonne. Et lorsque nous y parvenons, nous pouvons alors nous redire : oui vraiment, nous sommes le ciel de la terre.

Des diffuseurs de joie 9e dimanche ordinaire (Mt 7, 21-27)

« Mon Père qui es aux cieux », phrase que nous connaissons tous puisqu’elle introduit la prière que nous récitons à chacune de nos eucharisties. « Notre Père qui es aux cieux », si nous croyons qu’il est vraiment aux cieux, cela signifie quelque part qu’il n’est plus sur terre. Dieu, aux cieux, les créatures sur la terre. Telle est bien notre situation. C’est parce qu’il est aux cieux que Dieu, non pas nous complimente, mais nous rappelle aujourd’hui encore qui nous sommes si nous croyons en lui sur cette terre. Un peu comme si Dieu nous disait : vous voyez, moi, je suis ici au ciel, ce n’est que par vous que je peux vivre sur terre.


118

PROMESSES DE BONHEUR

C’est par vous, avec l’aide de l’Esprit évidemment, que le monde me connaîtra, que le monde m’aimera. Et c’est pourquoi tout simplement vous devez construire votre vie sur le roc. L’image de ce fameux roc est là pour définir ce qu’est la vie chrétienne, une vie de foi. La foi, en tout cas pour Dieu d’après les dires de son propre Fils, n’est pas quelque chose d’incolore, d’inodore et d’insipide. La foi est cette touche qui donne un tout autre goût à la vie, un goût merveilleux puisqu’il est celui du bonheur. Mais est-ce si vrai que cela : la foi nous donne-t-elle vraiment le bonheur. Sommes-nous signes et témoins de notre foi dans nos gestes, nos actes et nos paroles ? Un homme écrivait un jour, dans son journal intime, un événement qui lui semblait bien extraordinaire : « Aujourd’hui, je suis allé à l’église et je n’ai pas été déprimé. C’est vrai, je croirais plus facilement en ce Dieu d’Amour et de Bonté si tous ces gens qui se prétendent croyants n’étaient pas habillés en couleur de tristesse et n’avaient pas des têtes et des comportements de croque-morts. » Ce ne sont évidemment que quelques phrases tirées d’un journal intime qui n’engagent que leur auteur. Pourtant, elles me semblent trop souvent encore criantes de vérité, comme si notre foi se résumait au bois de la Croix. Limiter le combat de la vie au combat de la croix est une erreur, car la Croix à laquelle nous croyons est une croix fleurie, une croix brillante, une croix de lumière, celle de la résurrection. Nous sommes signes de Dieu, signes de Jésus lorsque nous faisons transparaître cette lumière qui nous habite plutôt que la pénombre de nos inquiétudes et de nos questions. La foi est avant tout confiance. Une confiance en un mystère qui dépasse toute compréhension, une confiance en une vie qui va au-delà de notre vie, et une espérance que le bonheur est déjà à vivre sur cette terre. Dieu a besoin de nous pour continuer à exister sur cette terre. Il n’attend pas de nous, me semble-t-il, que nous soyons de


FOI

119

simples enseignants, transmetteurs d’un savoir d’une génération à l’autre. Dieu attend de nous que par notre bonheur de vivre, par notre épanouissement, notre manière d’être nous donnions aux autres le goût et le désir de croire en ce Dieu qui nous accompagne sur nos chemins même s’il nous semble parfois bien silencieux. Si la foi éclaire nos routes, elle doit également éclairer celles des autres. C’est bien la multitude des lampes que nous sommes qui doit éclairer le monde dans lequel nous vivons. Ni plus, ni moins. Être lumière du monde, c’est accepter d’être des diffuseurs de joie. Voilà à quoi se résume notre vocation baptismale : être des diffuseurs de joie. Mais pas n’importe quelle joie ! La joie que nous sommes appelés à diffuser prend sa source dans la pureté de nos intentions, de nos paroles et de nos actes. Elle prend source dans cette pureté de Dieu qui vit au plus profond de nous-mêmes.

L’habit de la foi Toussaint (Mt 5, 1-12a)

Aussi compétents qu’ils soient, les grands couturiers de notre époque n’arriveront jamais à réaliser les vêtements dont le Christ nous parle tout au long de son pèlerinage terrestre. En effet, il n’existe à ce jour aucun tissu qui permet de confectionner les habits de la foi pour participer à la noce des Béatitudes. Un vêtement spécifique que nous revêtons pour dire l’aujourd’hui de notre bonheur de croire. Il est cousu avec les plus beaux fils invisibles entrelacés d’amour et de douceur. Nous sommes invités à le porter tout le temps, à chaque instant. Et c’est là que les choses se compliquent un tant soit peu. Vivre et croire ne vont pas toujours très bien ensemble. C’est tellement facile pour nous


120

PROMESSES DE BONHEUR

d’être pris par les choses de la vie, que nous en arrivons parfois à oublier les choses de l’éternité, de nous limiter à ce que l’on voit plutôt qu’à ce que nous ne voyons pas, d’entendre les appels de plus en plus pressants du monde plutôt que la douceur de la voix du Christ. Nous pouvons être à ce point préoccupés de gagner notre vie que nous en arrivons à la perdre en passant à côté d’elle comme si l’organisation, la gestion de cette dernière nous faisait presque oublier son existence. Je ne vis plus, je survis dans un monde qui me demande de plus en plus et j’en arrive presque à me noyer dans cet océan sans fond, sans îlot pour me reposer ne fût-ce qu’un petit temps au cours de cette course folle. Courir, toujours courir, mais après quoi finalement ? Un bien-être terrestre, des désirs à combler, des plaisirs à fredonner ? Au risque de se perdre soi-même. C’est vrai, il est souvent bien difficile à porter cet habit de foi, de vivre en accord avec soi au nom des valeurs auxquelles nous adhérons, au nom du Dieu auquel nous croyons et qui, par son Fils, nous promet le bonheur. Alors, c’est vrai, parfois nous nous déshabillons, nous retirons cet habit et nous succombons à certaines tentations qui ne nous font pas grandir, qui parfois nous blessent nous ou ceux qui croisent nos chemins. Et ces fameuses tentations font, elles aussi, partie de la vie mais nous gardons en nous l’espérance que si nous ne portons pas toujours l’habit de la foi, il en reste toujours la trace, comme s’il était imprimé sur notre corps. Même si Dieu n’est pas omniprésent dans nos existences, dans nos gestes quotidiens, la foi a ancré en nous des marques précises. Celles-ci parfois de manière inconsciente nous permettent de ne pas nous trahir, de continuer à avancer avec les valeurs de l’éternité que sont le respect, la tolérance de soi, des autres, du Tout Autre. Parce que dans le miroir de l’amour nous revient toujours l’image de l’être que nous souhaitons devenir malgré nos errances, nos trébu-


FOI

121

chements. Comme le disait un ingénieur : « Une flamme doit toujours rester comme dans le boiler de la salle de bain. » C’est une image peut-être un peu terre à terre mais elle nous rappelle que l’éphémère ne doit jamais l’emporter sur l’éternel. Le vêtement de la noce à laquelle tous nous sommes conviés est un habit divin. Il se porte, en tout temps, en tout lieu, avec douceur et en tendresse. Ne l’abîmons pas, ne le négligeons pas, il est souffle de vie. Il nous accompagne dans les plaines, sur des sentiers escarpés et même lorsque la vie nous semble devenir une montagne infranchissable. L’habit de la foi, revêtons-le, au-delà des couleurs qu’il apporte, il donne un tout autre goût à la vie. Heureux serons-nous alors.

La contagion de la foi Baptême du Seigneur (Mt 3, 13-17)

Et si cette histoire nous arrivait aujourd’hui ? Imaginez-vous un instant au bord d’une rivière. Et voilà qu’au moment où un homme sort de l’eau, des cieux vous entendiez une voix proclamant : Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui j’ai mis toute ma confiance. Diverses réactions sont possibles : la peur d’abord, ensuite certains chercheraient à trouver la supercherie, le truc, les haut-parleurs, ou encore la fuite face à un tel mystère. Après l’étonnement, certains d’entre nous accepteront peut-être une telle déclaration en provenance des cieux. Honnêtement, je dois reconnaître que je ne ferais sans doute pas partie de leur groupe ; mon scepticisme étant bien accroché. Peur, suspicion, doute, sentiments qui nous traverseraient face à un tel événement aujourd’hui alors que, lorsque nous lisons le texte de l’évangile que nous venons d’entendre, nous le recevons sans trop de difficulté.


122

PROMESSES DE BONHEUR

Cela s’est passé de la sorte et puis voilà. C’est merveilleux, c’est également énigmatique mais c’est tout à fait possible puisque Dieu est Dieu. Hésitation pour aujourd’hui ; conviction parce que cela s’est produit hier. Pourquoi une telle différence ? Sans doute, pouvons-nous affirmer : la foi se reçoit par révélation, elle se vit et se confirme par la contagion. Permettez-moi de reprendre cette dernière phrase. La foi se reçoit par révélation, elle se vit et se confirme par la contagion. D’abord, la foi se reçoit par révélation. Comme Jésus, nous aussi, lors de notre baptême, et ce quelle que soit notre confession chrétienne, nous avons reçu l’Esprit de Dieu. Cet Esprit, dans sa discrétion et son silence, depuis cet instant, croyons-nous, nous façonne et nous construit. C’est cet Esprit qui nous fait croire que tout cela s’est réellement passé comme l’évangéliste nous le rapporte. Par Lui, nous lisons le baptême de Jésus avec les yeux des croyants. C’est une croyance, une espérance et non une certitude. La foi ne peut pas se prouver. Par le baptême nous entrons dans une dynamique de vie, dans une dynamique divine. L’Esprit de Dieu, reçu au baptême, nous pousse et nous conduit à aller à la rencontre du Fils Jésus. Et ce dernier, nous ramène toujours au Père. Il ne se complaît pas dans sa divinité, il invite à ce retour incessant vers le Père. Jésus, Fils de Dieu, né dans une crèche, reconnu comme tel par des bergers et des mages et puis oublié des siens pendant une trentaine d’années. Il est maintenant à même de commencer sa mission, celle qui nous ouvre une voie de salut, un chemin de bonheur. Mais pour mener à bien une telle tâche, il fallait qu’il se donne et se découvre comme Fils de Dieu. Jésus n’avait pas besoin du baptême de Jean comme tel. Son baptême était important parce qu’il était lieu de révélation, d’une autre forme d’épiphanie. Pourtant, souvent, notre foi ne peut se contenter de la révélation. Pour se vivre, se confirmer et gran-


FOI

123

dir, elle a besoin de contagion. Notre foi n’est pas seulement lieu d’une relation privilégiée et personnelle entre nous et le divin. Elle se nourrit également de la rencontre avec ceux qui nous entourent. Notre foi doit être contagieuse au point d’en devenir l’une des plus grandes et merveilleuses épidémies de l’humanité. Dieu attend de nous des êtres en chemin et heureux de vivre parce qu’ils trouvent au plus profond d’eux-mêmes les échos de leur raison d’être. Notre foi ne peut s’emprisonner, elle nous a été donnée comme un flambeau à passer, à partager. C’est la manière dont nous la vivons, c’est le bonheur que nous en retirons qui nous rend crédible et qui nous permet de devenir contagieux les uns pour les autres. C’est tout simplement cela, inviter l’autre à entrer dans l’eau. Dans la foi, la contagion n’est pas un mal, mais une nécessité. Ne craignons pas de contaminer ceux que nous croisons sur nos chemins. Si la foi nous fait vivre et nous rend heureux, notre contagion sera douce et agréable. Révélation et contagion, deux dynamiques de notre baptême. L’une nous est donnée, l’autre, nous en sommes responsables. Par la contagion, la foi n’est pas un symptôme mais un syndrome de bonheur. Ne l’oublions jamais.

La foi des tout-petits 20e dimanche ordinaire (Mt 15, 21-28)

« Aie pitié de moi Seigneur, fils de David ». Tellement plus facile à dire qu’à vivre surtout lorsque nous avons l’impression que tout nous tombe dessus, un peu comme si le ciel nous tombait sur la tête, pour reprendre l’expression de la grande peur de la tribu d’Astérix et Obélix. Mais nous n’avons pas la chance de ces derniers de boire de la potion magique pour vaincre nos peurs,


124

PROMESSES DE BONHEUR

sauf pour Obélix qui comme vous le savez, était tombé dedans quand il était petit. Non, nous n’avons pas de potion, nous avons plus que cela : une foi, une confiance en ce Dieu qui se révèle en Jésus Christ et qui nous affirme : « Ta foi est grande, que tout se fasse pour toi comme tu le veux. » Me revient en mémoire, cette vielle histoire. Un jour, un homme voit un petit enfant qui porte sur son dos un autre enfant qui était estropié. Il avait l’air de peiner sous le poids et avançait lentement, très lentement. Et malgré cela, les deux enfants souriaient, riaient. Ils ne semblaient pas heureux, ils l’étaient et tout leur être rayonnait de ce bonheur. « C’est un bien lourd fardeau que tu portes sur toi », dit l’homme à l’enfant. « Non, monsieur, ce n’est pas un fardeau répondit l’enfant, c’est mon petit frère. » La sagesse de l’enfant, de ce tout-petit, laissa notre homme pantois. Dans ses mots à lui, l’enfant nous rappelle que ce qui peut nous sembler lourd à porter de manière rationnelle et réelle, est souvent léger lorsque c’est vécu dans l’amour, un peu à l’image de cette femme de l’évangile. Quand l’amour est au cœur de nos efforts, des défis que nous nous imposons pour grandir, parfois même pour survivre, le fardeau n’est plus fardeau mais expérience de vie. Seuls nous ne sommes pas capables de tout porter, c’est vrai. Nous avons besoin les uns des autres, c’est-à-dire que nous nous portions les uns les autres. Et ce à quoi le Christ nous invite c’est d’accepter de poser en lui les fardeaux qui nous semblent insurmontables. Si ton souci est trop lourd, pose-le en ceux que tu aimes. En le posant dans leur cœur, tu l’offres à Dieu qui le portera dorénavant avec toi. Bonheurs ou malheurs se posent en Dieu. Si nous le faisons au nom de l’amour, notre fardeau deviendra léger. Sur la croix, Dieu a pris tous nos fardeaux. Il les porte avec nous. Ce que je vous affirme est clairement de l’ordre de l’irra-


FOI

125

tionnel. Nous sommes au cœur d’un mystère. Et ce dernier est le cœur de notre foi au cœur de nous-mêmes. Heureusement pour nous, d’ailleurs, qu’il reste une part de mystère et d’inconnu dans nos vies. Il y a en effet un danger, un grand danger à vouloir tout comprendre. Le désir de connaissance nous honore, mais je ne pense pas qu’il soit pour autant bon que nous nous y enfermions. Nous sommes et resterons toujours des questionneurs de vie, des chercheurs de Dieu. À force de vouloir tout comprendre, nous risquons de tomber dans le piège suivant : celui de penser que nous savons tout et entrer dans l’ère des certitudes qui nous enfermeront à jamais. Or, si nous savons, comme le faisait remarquer à juste titre saint Augustin, nous n’avons plus besoin de croire puisque nous avons acquis la connaissance. Pourtant, vivre sa foi, c’est passer sa vie à tenter de comprendre ce que nous croyons mais en reconnaissant que ce qui habite au plus profond de notre être est d’abord et toujours un mystère. Un mystère qui ne peut se résoudre uniquement par les clés de notre raison rationnelle. Ce mystère se vit d’abord et avant tout au cœur de nos émotions, de nos intuitions, c’est-à-dire de cette autre intelligence que les sciences humaines retrouvent aujourd’hui. Le mystère de la foi se découvre, se dévoile, se révèle peu à peu, pas à pas dans le temps d’une rencontre, d’une relation et pas seulement dans les livres. Comme si Jésus nous disait que le mystère de la foi passe aussi par le cœur de l’être humain. Et c’est normal, puisque c’est à cet endroit précis que Dieu vit en nous. Le cœur est le cœur de la foi. Si ce que je vous dis est vrai, il ne me reste plus qu’à me taire pour que chacun entre en soi pour vivre de cette foi.


126

PROMESSES DE BONHEUR

La légende du mage belge Épiphanie (Mt 2, 1-12)

Est-il encore besoin de les nommer ? Gaspard, Balthasar et Melchior. Un Africain, un Européen et un Asiatique. Un jeune, un d’âge moyen et un plus âgé. À trois, ils représentent tant de choses : l’annonce de la venue dans notre monde pour toutes les cultures et pour tous les âges. Sans discrimination aucune. L’incarnation du Fils de Dieu n’est pas révélée à un petit nombre. Elle vaut pour toutes les nations, de tout temps et en tout lieu. Le tout résumé dans les trois personnages venus à la crèche. Chiffre d’ailleurs étonnant, puisqu’il n’est même pas cité dans l’évangile. Seule est mentionnée l’expression « des mages venus d’Orient ». Ils étaient peut-être finalement plus nombreux. Nous n’en savons rien et cela n’a aucune importance. Alors permettez-moi de vous parler du quatrième mage. Celui dont l’évangile ne parle pas. Une légende russe et un conte persan en ont fait leur héros. Le roi de Perse partit avec les trois autres mages et il emporta comme cadeau trois belles perles précieuses, chacune de la taille d’un œuf de pigeon. Mais, en chemin, il les donna. La première lui servit à payer des soins à un vieil homme malade. Avec la deuxième, il sauva une femme de la violence de brigands. Et enfin, avec la troisième, il monnaya la vie d’un enfant qui allait être tué par les soldats et rendit celui-ci à sa mère. Il arriva les mains vides à la crèche et s’excusa auprès de Jésus de n’avoir plus rien à lui offrir. L’enfant le regarda et son visage rayonnait. Il étendit ses deux petites mains vers les mains vides. Et l’enfant Jésus sourit, conclut le conte. En ce qui concerne la légende russe, il s’agit d’un roi qui, ayant vu l’étoile, quitta son pays et s’en alla par les chemins.


FOI

127

Mais ce roi était tellement généreux qu’en cours de route, il s’arrêta à de multiples occasions pour aider ceux en détresse qui croisaient sa route. En conséquence, quand il arriva à la crèche, Marie, Joseph et l’enfant étaient déjà partis. Il poursuivit sa marche durant une bonne trentaine d’années pour se retrouver un jour à Jérusalem face à une colline où se dressaient trois gibets. Voyant l’homme du milieu, il sut tout de suite que c’était celui qu’il avait cherché toute sa vie. Il n’était donc pas arrivé trop tard. Cette légende et ce conte concernant le quatrième mage, certains d’entre nous les ont déjà peut-être entendus. Mais connaissez-vous l’histoire belge du quatrième mage. C’est celle qui a ma préférence. Un Belge, bon vivant et heureux de vivre dans son plat pays, vit lui aussi un jour l’étoile de Noël et partit à sa rencontre. À plusieurs reprises, il s’arrêta sur la nationale 4 pour profiter des bons produits de son terroir. Et puis, en bon Belge, il n’était pas habitué aux distances tellement son pays était petit, c’est pourquoi il prit tout son temps, rencontra et aida plein de gens, ayant cette conviction intime que depuis deux mille ans, Dieu l’attend à sa crèche. Lorsqu’il arriva à l’endroit tant cherché, il se prosterna devant l’enfant Jésus et choisit de lui offrir le plus cadeau qu’il n’ait jamais possédé : la vie qui lui avait été donnée. Le mage belge déposa aux pieds de Dieu tout ce qu’il était : ses richesses et ses zones d’ombre, ses espérances et ses désespoirs, ses convictions et ses doutes. Et l’enfant Jésus l’accepta tel qu’il était et le regardant droit dans les yeux, il lui sourit de tout son être. En fait, ce quatrième mage de ma dernière histoire bien belge, c’est vous, c’est moi, c’est nous. Et avec Dieu, il n’est jamais trop tard. Nous sommes nous aussi conviés à partir à la recherche de cette étoile qui nous conduit à l’enfant-Dieu pour nous prosterner devant la divinité de celui qui s’agenouille face à notre humanité. Dieu n’a pas besoin de


128

PROMESSES DE BONHEUR

cadeaux achetés ou récoltés, il attend que nous nous donnions nous-mêmes à lui et ce, à chaque souffle de l’Esprit. Les dons des mages que nous sommes ne sont pas extérieurs à nous. Ils sont en nous. Ils viennent de nous. À nous alors de choisir de nous donner entièrement au mystère de la foi non seulement dans la rencontre intime de la prière, lieu de dialogue par excellence où se nouent en nous l’humain et le divin, mais également dans la manière dont nous conduisons nos vies, c’est-à-dire par le don de notre temps aux autres. Ceux qui font partie de nos vies ou qui croisent nos routes. Ceux qui nous rappellent la présence de Dieu en chacun de nous. Si vous aussi vous souhaitez vous déposer aux pieds de Dieu et donner au Seigneur ce que vous êtes, alors ensemble, partons à la recherche de cette étoile de Noël. Elle brille à jamais au fond de nous.

La prière 7e dimanche ordinaire (Mt 5, 38-48)

Un jour, des religieux venaient dénoncer à leur supérieur le comportement scandaleux d’un des leurs. Ce dernier parlait très, voire trop souvent avec une belle femme, mais paraît-il de mauvaise vie. Le supérieur, soucieux de ce religieux en perdition le convoqua et lui expliqua ce qui lui avait été rapporté. Père, répondit sereinement l’intéressé, n’est-il pas mieux de parler à une belle créature de Dieu en pensant à lui, que de le prier en pensant sans cesse à une belle femme ? Tellement vraie, cette légende et tellement proche de notre réalité de prière. Non pas que nous pensions tous à de belles femmes, mais plutôt de cette facilité avec laquelle nous pouvons nous distraire dans la prière. Lorsque cela nous arrive, nous avons l’impression que nous prions mal.


FOI

129

La prière est d’ailleurs souvent vécue comme quelque chose de difficile, d’inaccessible, réservé à quelques initiés. Ce n’est pas nouveau, en effet, Jean de la Croix, pas le carme bien connu mais un dominicain inconnu du XVIe siècle défiait déjà ses contemporains qui, par leurs écrits, avaient tendance à exalter la prière au-delà la portée humaine, et qui parlaient de la contemplation dans un esprit élitiste et exclusif. C’est ainsi qu’avec une pointe d’humour, il déclara : « Si en effet, seuls les contemplatifs peuvent aller au ciel, eh bien, quant à moi, je dirais : Prends ton échelle et grimpe au ciel par tes propres moyens si tu en es capable, car nous autres nous ne sommes que des pécheurs ! » Pour ce thème de la prière, je m’inspire de quelques réflexions proposées par le frère Timothy Radcliffe. Cette anecdote en rappelle une autre non moins colorée et même amusante arrivée à un dominicain américain, il y a quelques années. Une fois, ne se sentant pas bien, il alla voir son médecin qui lui dit : « Je crains, mon père, que la meilleure chose pour vous maintenant serait que vous cessiez complètement de boire de l’alcool ». Le dominicain, avec l’humilité qu’on leur reconnaît, lui répondit : « Docteur, je ne suis pas digne du meilleur. Quel est le deuxième choix ? » Derrière l’invective de Jean de la Croix ou l’humour du frère Buzz se cache une affirmation importante. La voici : la prière n’est pas une chose qu’on atteint seulement par l’effort humain, tout bien intentionné ou acharné qu’il soit. Elle n’est pas réservée aux meilleurs. La prière est une grâce. Elle est un don qui nous élève au-delà de tout ce que nous pourrions atteindre par nous-mêmes à travers des pratiques ascétiques ou des techniques de méditation. La prière est temps d’apaisement, de ressourcement. Elle est le lieu où nous pouvons nous confier, tout dire, nous montrer tel que nous sommes, car nous avons l’intime conviction de ne jamais être jugé. Avec


130

PROMESSES DE BONHEUR

Dieu, il n’y a pas de jardin secret, nous sommes en pleine vérité. La prière nous permet alors de remettre nos pendules à l’heure, retrouver nos priorités, prendre ce temps pour nous, pour nous arrêter et créer un lien plus fort avec Dieu. Avec nos mots, nos émotions tout simplement. Il n’y a pas d’école de prière. Un simple chemin d’évangile. La prière est donc une tâche si facile à réaliser ! Cette affirmation peut peut-être paraître naïve. Mais elle puise son autorité, sa vérité, dans l’Évangile lui-même. Car n’est-il pas vrai que dans l’Évangile nous sommes encouragés par le Christ à prier avec la plus grande franchise et simplicité de cœur ? Lorsqu’au fil du temps, depuis la fondation de notre Ordre, les frères dominicains ont été confrontés à des méthodes et des techniques détaillées de méditation et à de longues listes de choses à faire ou à ne pas faire en méditation, leur réaction a presque toujours été la même : d’instinct, ils sentent que quelque chose ne tourne pas rond. En effet, la prière est un dialogue, une conversation avec Dieu. En toute simplicité. Elle nous permet de rencontrer Dieu, de le connaître. En le connaissant, nous entrons dans le temps de la vie éternelle, dès ici et maintenant. C’est pourquoi, confiant en une telle promesse, un novice demanda un jour à un vieux frère : « Quel est le secret de la contemplation dominicaine ? » Le frère hésita un instant. Il lui sourit, puis il dit : « Frère, ne le dis jamais aux carmes ni aux jésuites, mais nous n’avons pas d’autre secret que le secret de l’Évangile ! Cependant, continua-t-il, en tant que dominicain, je peux te révéler deux grandes lois de la contemplation. » Avec enthousiasme, le novice prit tout de suite un papier et un crayon. Et le vieux frère lui dit : « La première loi, c’est de prier. Et la deuxième loi, c’est de continuer ! » Tout simplement. Entrer dans la vie éternelle n’est pas plus compliqué que cela. Parole d’évangile.


FOI

131

Les étonnements Nativité de saint Jean Baptiste (Lc 1, 57-66.80)

Le mois de juin de chaque année est un moment très dense pour toute une partie de la population de notre pays. Les jeunes générations sont touchées par ce phénomène puisqu’il s’agit du temps des examens. D’ici quelques jours, certains se réjouiront de leur période de vacances alors que d’autres se remettront à étudier. Quand nous sommes de l’autre côté de la barrière, comme professeurs, nous entendons parfois quelques belles petites perles. Je me permets de vous en livrer une qui m’a été offerte durant cette session-ci lorsqu’une étudiante présenta son travail en éthique à l’occasion de son examen. À un moment donné, elle affirma que le plus bel exemple du pardon se trouve dans l’évangile lorsque « Jésus sauva cette jeune musulmane de la lapidation ». Je me permis de l’interrompre et de lui demander : « Êtes-vous bien certaine que c’est une jeune musulmane que Jésus sauva de la lapidation ? » Étonnée de mon propre étonnement, elle me répondit par l’affirmative tout en s’étonnant elle-même de ma question. Je lui ai demandé comment Jésus avait pu sauver une jeune musulmane alors que l’islam est une religion qui a été fondée six siècles après Jésus-Christ ? Une fois encore, étonnée de mon propos, elle me dit : « Vous êtes sûr de ce que vous dites ? Parce que c’est mon papa qui m’a donné cet exemple et lui, il a fait son catéchisme. » L’argument de l’autorité paternelle mit fin à la discussion sur ce point et me laissa tout surpris, tout étonné de tant de crédulité. L’étonnement n’est d’ailleurs pas quelque chose d’anodin. Il fait partie de nos existences. Et il est bon de pouvoir s’étonner de temps à autre sinon la vie ne serait qu’une succession de séquences prévisibles. L’étonnement peut nous mettre du baume


132

PROMESSES DE BONHEUR

au cœur, de la joie profonde en nous lorsque nous sommes confrontés à des situations merveilleuses telles qu’une surprise, la beauté d’un lieu, l’inattendu d’une rencontre ou d’une situation et que sais-je encore. L’étonnement donne une autre couleur à la vie, un peu comme une suite de notes sur une portée dont on changerait de temps à autre la clé de sol en clé de fa ou en clé d’ut pour offrir une tonalité différente. L’étonnement crée d’une certaine manière une forme de scission dans le lot de notre quotidien. Il peut s’agir d’un éclair ou d’une lumière nouvelle. Il s’inscrit dans notre histoire subitement, sans que l’on puisse s’y attendre. Il y a toutefois lieu de reconnaître que nous pouvons aussi faire l’expérience d’étonnements moins heureux lorsque le cours normal de l’existence est traversé par une rupture douloureuse telle que la confrontation à l’injustice de la maladie, la perte d’un être cher, un changement subit de situation professionnelle, une remise en question difficile. Il n’y a ici plus de place pour l’émerveillement et les réjouissances. Nous sommes confrontés à la découverte pénible que notre vie ne suit pas le cours normal que nous avions espéré. Notre musique intérieure ne sonne plus juste, voire pire, la mélodie nous semble tout à fait fausse. Nous risquons alors de nous enfermer dans une spirale dont nous pouvons avoir l’impression qu’il est quasi impossible de nous libérer, tellement nous nous sentons liés à la situation nouvelle qui ne fait plus qu’un avec nous. Pourtant, les forces de vies en nous nous convient à chercher, à l’instar de Zacharie dans l’évangile, à nous délier de ce qui nous emprisonne, à trouver en nous la voie qui nous permettra non pas de donner sens à l’insensé mais de chercher à comment vivre autrement notre propre existence, c’est-à-dire à permettre à ce qu’une fleur puisse à nouveau éclore au plus profond de nos entrailles. Nous sommes face à la question existentielle du « Que sera donc cet enfant ? » ou en d’autres


FOI

133

termes « Qui vais-je devenir ? » ou « Comment advenir à l’être que je suis devenu ? » Le destin étonnant qui nous a frappés a transformé la poursuite de notre destinée. Il n’y a pas de réponse toute faite, juste une espérance qui prend le temps de se découvrir. Pour ce faire, nous sommes invités, comme Jean le Baptiste, à entrer dans notre désert intérieur : un désert non pas vide et voué à une vaine solitude mais un désert rempli de tout ce qui a fait la richesse et la beauté de notre être, un désert plein de la présence divine se révélant dans la tendresse de ceux qui croisent notre route, un désert qui nous permettra peut-être un jour d’être à nouveau étonnés, mais cette fois étonnés de Dieu dans le regard d’amour de nos proches. Et cet étonnement-là, nous remettra sur le chemin de notre vie.

Les souvenirs 3e dimanche de Pâques (Lc 24, 13-35)

Puisqu’il existe de superbes contes de Noël, permettez-moi de vous en conter un de Pâques. Il était une fois, au sommet d’une haute montagne, un tout petit sapin qui s’était mis à rêver de grand matin. Il se demandait ce qu’il voulait devenir. Quand je serai grand, dit-il, j’aimerais rester ici toujours et toujours. Je grandirais tellement que ma cime frôlerait le ciel. Ce qui fait que chaque fois que les hommes, les femmes et les enfants de la vallée regarderont vers moi, leurs yeux iront jusqu’au ciel et ils penseront à Dieu. Les années passent et le petit sapin devient bien grand. Jusqu’au jour où des bûcherons grimpent la montagne en provenance de la vallée. Le sapin se rappelle son rêve et se met à trembler à l’idée d’être coupé. En quelques coups de hache, il est par terre. Quelques larmes coulent le long de son tronc, il ne sera


134

PROMESSES DE BONHEUR

jamais celui qu’il aurait aimé être. Et les gens de la vallée regarderont moins vers le Ciel et vers Dieu. Les bûcherons le vendirent à une fabrique de bois. Quelques années plus tard, alors qu’il était devenu de simples planches, on vint le chercher pour en faire une croix. Et horreur, des hommes clouent un homme sur lui. Notre sapin a mal face à tant d’inhumanité et dire qu’il y participe sans le vouloir. La tristesse l’envahit à ce point qu’il a maintenant lui aussi envie de mourir. Quelques jours plus tard, quelle n’est pas sa joie d’apprendre que l’homme qui était mort sur le bois de la croix est ressuscité, vivant éternellement. Et le sapin devenu croix se rappelle son rêve de petit sapin : depuis ce jour, chaque fois qu’un homme, une femme, un enfant de la vallée et d’ailleurs regarde une croix, ils pensent à Dieu. Son rêve s’est réalisé. La croix du conte et la fraction du pain de l’évangile, ont un point commun : grâce à eux, nous nous souvenons de quelque chose, d’un événement qui nous a marqués à jamais. Et ils sont nombreux les exemples que nous trouvons dans nos vies : des objets, des odeurs, des lieux, des musiques, des phrases, des dates, des textes aussi parfois. Chaque fois qu’un de ceux-ci resurgit dans notre vie, il nous rappelle un souvenir important, heureux ou malheureux d’ailleurs. Parfois ces souvenirs sont tellement enfouis en nous que nous croyons les avoir oubliés et il suffit alors d’une note, d’un mot pour qu’ils refassent tout d’un coup surface. Bien souvent, tout cela est possible parce que derrière chacune de ces petites choses qui peuvent apparaître bien anodines aux autres, il y a le souvenir d’un moment passé avec quelqu’un d’autre. Ces petites choses nous rappellent une relation vécue, un bonheur partagé, un moment d’amitié. Un peu comme si nous investissions ces différents objets, temps, bruits ou odeurs d’une dimension affective qui redonne du baume au cœur lorsqu’ils traversent à nouveau notre histoire.


FOI

135

L’histoire de l’évangile de ce jour est également une invitation à rendre un souvenir vivant, à ne pas l’enfermer dans les vestiges d’un passé à jamais révolu. C’est vrai, il suffit parfois d’un petit rien pour reprendre contact, pour dépoussiérer une relation qui s’était quelque peu endormie au fil des années. Le souvenir est important, surtout s’il est vivant, c’est-à-dire s’il nous donne l’occasion de redonner vie à la vie lorsque c’est encore possible. Si c’est vrai entre nous, il doit en être de même visà-vis de Dieu. L’eucharistie est l’occasion de rendre le souvenir du Christ vivant. Ce souvenir s’éclaire à la fraction du pain, à la méditation des lectures proposées, à la prière silencieuse. Ce souvenir donne la vie. S’il en est véritablement ainsi, quelle est véritablement l’intensité de ce dernier, sommes-nous invités à nous demander ? Est-ce le souvenir d’un acte historique qui s’est passé il y a bientôt deux mille ans ou bien est-ce le rappel heureux d’un repas partagé avec ce Dieu qui s’est fait homme pour que nous devenions Dieu ? Comme les disciples d’Emmaüs nous sommes en marche sur la route de la foi, sur la route de la vie. Cette route est parsemée de rencontres, de relations à vivre et Dieu y a toute sa place. Ils étaient deux lorsqu’ils l’ont reconnu, un peu comme si c’est dans la relation que Dieu se laisse découvrir à nous. Puissions-nous en créer de suffisamment nombreuses pour que nous aussi, parce que nous continuons à être pleinement en Dieu, nous puissions le reconnaître à la fraction du pain et nous en nourrir ensuite. C’est cela aussi, la merveille de l’Eucharistie.


136

PROMESSES DE BONHEUR

Notre berger : le pain et le vin 11e dimanche ordinaire (Mt 9, 36 – 10, 8)

Permettez-moi de faire un petit détour en vous racontant une histoire vraie, l’histoire de Jessica, petite fille aveugle qui il y a quelques mois a participé à un spectacle donné ici à Rixensart. Durant les répétitions, tout le monde s’occupait de Jessica. On la guidait, on était toujours près d’elle. Elle ne voyait pas, il fallait donc l’aider. Elle était celle qui avait le plus besoin des autres. Et on se sent tellement fort quand on voit. Puis vint le soir du spectacle, les enfants devaient rester en silence dans les coulisses. Et dans les coulisses, il faisait noir, très noir. Et souvent, quand on est un enfant, on a peur du noir. Plus encore, quand on ne peut pas faire de bruit. Jessica, elle, elle n’avait pas peur du noir puisque sa vie était une longue nuit. Ce soir-là, dans les coulisses, elle prit un livre écrit en braille et elle se mit à le lire doucement aux autres enfants. Elle n’avait pas besoin de lumière. Et voilà que soudainement, celle qui était la plus faible, devient par l’absence de lumière, la plus forte. Les autres enfants étaient émerveillés. Ils n’avaient plus peur du noir, Jessica leur racontait une histoire. L’enfant fragilisée par la vie, aux yeux des autres, était devenue leur berger au cœur de leur nuit éphémère dans les coulisses d’un théâtre. Elle était une source de force pour chacun. Le Christ s’est lui aussi fragilisé au point d’en mourir. Dieu a trébuché sur le bois de la Croix. Dieu ne s’est pas révélé dans la gloire mais dans une vulnérabilité qui dépasse toute compréhension. Jésus, en mourant sur la croix, en ressuscitant et en montant au Ciel savait que nous ne pourrions nous en sortir tout seul. Il nous a alors envoyé l’Esprit mais ce dernier n’est pas toujours aisé à déceler, à rencontrer. Il faut une disposition spéciale


FOI

137

du cœur. C’est pourquoi, Jésus nous offrit sa chair et son sang. C’est ce que nous célébrons et nous nous rappelons chaque dimanche. Au cours de nos eucharisties, nous attachons beaucoup d’importance à la qualité du sermon. Nous estimons, à raison, que celui-ci doit nous nourrir pour la semaine. Le reste de la messe peut sembler être un simple rite répétitif. Pourtant, au risque de porter à mal notre ego de prédicateur, l’essentiel n’est pas l’homélie, mais bien ce qui va suivre : l’eucharistie. Si notre esprit se nourrit du sermon, notre âme et nos sentiments ont besoin d’une autre nourriture, celle du Corps et du Sang de Jésus. Par ce biais, aujourd’hui encore, il est notre berger. Cette nourriture ne nourrit pas physiquement et pourtant, le Christ s’est bien livré à nous de la sorte. En se livrant, il s’est fragilisé et depuis ce jour, nous puisons et trouvons force de vie en communiant ensemble à l’eucharistie. Le pain et le vin consacrés vont au-delà du rite, du souvenir d’un dernier repas. Ils sont les moyens donnés par Dieu pour nous nourrir ici sur terre. Ils sont donc plus qu’un symbole. Pain et vin, devenus corps et sang de Jésus, sont une nourriture qui donne force à l’âme. Par la communion, nous trouvons en nous les ressources nécessaires pour continuer d’avancer sur le chemin de la vie. Le corps du Christ vient se poser en notre cœur, lieu de rencontre avec le divin. Mais ce n’est pas seulement un geste individuel de rencontre entre Dieu et chacun d’entre nous. Il est aussi un geste communautaire à la fois dans le mouvement de communion, mais également dans la prière eucharistique, dite par un ou plusieurs, mais toujours à la première personne du pluriel pour rappeler que cette prière est prière de la communauté. Pain et vin sont des signes tout simples, rappelant la fragilité du don. Mais de leur vulnérabilité naît une force qui nous dépasse et nous fait participer à la communion divine. Celle-ci fait de chacun d’entre


138

PROMESSES DE BONHEUR

nous une image du Pain vivant que nous devenons par ce simple geste. Nous pouvons ainsi répondre par l’affirmative à la question initiale. Puissions-nous rester dignes de cette confiance de Dieu qui, par la communion, fait de nous ces « tenant lieu » de Dieu sur terre.

Ouranopolites et théographes 7e dimanche de Pâques (Jn 17, 1b-11a)

Imaginez-vous un instant, que demain matin, en allant acheter votre journal, votre regard se porte sur les étagères où sont rangés les magazines. Et quelle n’est pas votre surprise de voir ma photo en couverture de toutes les revues qui sont exposées. Je serais à la une de tous les magazines « people », et même sur celle de Foot magazine, alors que certains d’entre vous savent pertinemment bien que je déteste ce sport. Et vous vous demandez : mais qu’a-t-il encore bien pu faire pour avoir droit à une telle publicité ? À cette question, je ne puis vous donner de réponse, car je suis en plein rêve pour le moment. Mais si c’était vrai. Vous vous rendez compte. Quel succès ! Quelle gloire ! Et je me sens d’autant plus à l’aise que Jésus n’arrête pas de nous parler de gloire, à l’heure où il passe de ce monde à son Père. Mais peutêtre n’ai-je pas bien compris le sens de la gloire, se disent sans doute les plus impertinents d’entre vous. Alors s’il en est ainsi, que signifie-t-elle ? Il ne s’agit certainement pas d’une gloriole passagère et éphémère. Non, la gloire à laquelle le Christ fait référence, est le poids réel d’un être, c’est-à-dire sa valeur profonde, celle que tout homme, toute femme acquiert au fil des années et qu’il recevra en plénitude lorsqu’il aura accompli sa destinée. Ni plus, ni


FOI

139

moins. Au terme de sa mission terrestre, le Fils pouvait alors être glorifié dans le Père puisqu’il avait atteint la mission qui lui avait été confiée de toute éternité. Cette gloire n’est donc pas réservée à une des personnes de la Trinité. Chacun de nous sommes appelés à entrer dans la gloire de Dieu. De par notre naissance, nous sommes devenus citoyens de la terre. La vie nous a été donnée et elle fait de nous, des cosmopolites. Par notre baptême, nous sommes entrés dans une nouvelle citoyenneté, celle du Ciel. Ce sacrement fait de nous des ouranopolites, c’est-à-dire des citoyens du Royaume de Dieu. Cosmopolites par notre naissance, ouranopolites par notre baptême, telle est notre condition aujourd’hui. En suivant librement le Christ, inspiré par l’Esprit Saint, nous acceptons de partir à la rencontre du Père et d’établir dès à présent son Royaume là où nous sommes. Cela se fait tout simplement en vivant pleinement l’amour de ceux dont je me fais proche ici-bas tout en étant habité par l’espérance de cette vie d’en haut. Le chemin est simple. Il suffit de croire en Dieu. Et chaque fois que nous croyons en Lui, il existera un peu plus. Et si nous persistons, il existera complètement, souligne Éric-Emmanuel Schmitt dans son livre Oscar et la dame rose. Il y va encore de notre responsabilité personnelle. À nous, et à nous seuls, de décider de faire exister Dieu au cœur de notre monde en lui donnant la place qui lui revient dans nos vies. Cosmopolites, citoyens de la terre, nous le sommes en étant les biographes de nos existences. Nous écrivons nos vies par les choix que nous posons, par les paroles et gestes que nous offrons. Être cosmopolite est une certitude qui s’impose à nous par le fait même que nous existons. Que je le veuille ou non, cela s’impose à moi. Je ne l’ai pas décidé. À moi, en lien avec les autres, de réussir ma citoyenneté terrestre pour ne pas passer à


140

PROMESSES DE BONHEUR

côté de ma vie. Par contre, ouranopolites, citoyens du Ciel, nous ne le sommes pas au départ, nous le devenons. Il s’agit cette fois d’une décision personnelle dans la foi. Je choisis de devenir ouranopolite. Depuis mon baptême, inspiré par l’Esprit, je vis ma vie autrement. Je suis non seulement biographe de mon existence mais également théographe. La théographie est une calligraphie divine. L’ouranopolite que je suis, choisit de devenir un théographe, c’est-à-dire d’écrire sa vie avec l’encre de Dieu. Une encre indélébile qui marque tous nos faits et gestes d’une couleur particulière, celle de l’arc-en-ciel, signe de l’alliance entre Dieu et son humanité. Cette fois, nous avons quitté le champ des certitudes pour entrer dans celui de l’espérance. L’espérance que tout ce que nous vivons aujourd’hui s’inscrit à jamais dans un au-delà. L’espérance de recevoir la vie éternelle. En résumé, mon état de citoyen terrestre s’impose à moi et c’est à moi de décider d’écrire ma biographie. Mon état de citoyen du Ciel est un don auquel je réponds librement dans la foi pour écrire ma vie avec cette calligraphie divine qui rend la vie plus belle encore puisqu’elle nous ouvre les portes de la vie éternelle. Cosmopolite et biographe seulement ou plutôt cosmopolite et biographe tout en étant ouranopolite et théographe ? Nous seuls pouvons le décider. Mais le second choix donnera une couleur toute particulière à la vie, celle d’avoir la conviction de la réussir puisqu’elle s’inscrit en Dieu.

Participer à la construction du monde 2e dimanche de l’Avent (Mt 3, 1-12)

Un patron belge d’une grande société à capitaux disait un jour : « Dans une réunion d’une quinzaine de personnes, lors-


FOI

141

qu’il faut discuter d’un investissement de plusieurs milliards, seulement trois ou quatre prendront la parole. Par contre, quand il faut décider de la couleur du tapis-plain qui va être changé au troisième étage de l’immeuble, là, chacun dit son mot. » Plus les décisions sont complexes, plus elles nous dépassent. Plus elles s’éloignent de nous, moins nous nous sentons concernés. Phénomène intéressant, quand on nous parle de décisions au niveau de la Commission européenne, de mondialisation, de globalisation, nous sentons que notre prise sur la réalité se distancie. Tout s’éloigne de nous comme si, inexorablement, nous ne pouvions rien faire. Peut alors s’installer en nous un sentiment de découragement, voire de déprime, et nous entrons alors dans la philosophie des « à quoi bon ». Comme si le fatalisme était notre réponse. En effet, du fait que tout est dépersonnalisé, nous pouvons nous rassurer en regardant l’absence de réaction chez les autres. Si personne ne bouge pourquoi n’en ferais-je pas autant ? Allons-nous inexorablement vers un monde mauvais, où tout finira par s’écrouler ? La peur devient-elle moteur de nos existences ? Si tel est le cas, il est plus que temps de nous tourner à nouveau vers les évangiles. Notre monde n’a pas été créé pour aller vers une catastrophe cosmique ; nous sommes sur terre pour découvrir le bonheur. Et si nous nous sentons seuls face à l’immensité de l’évolution de notre humanité, rappelons-nous que les juifs vivaient la même chose à l’époque de Jésus. Depuis plus de quatre siècles déjà, la voix prophétique s’était tue. Et voilà qu’aujourd’hui une voix à nouveau crie dans le désert. Cette voix s’adresse à nous dans nos déserts. Au cœur de notre société que je crois polluée par tant de bruits inutiles, Dieu nous invite à retrouver la route du silence et du calme. N’est-ce pas dans la brise légère qu’il se révèle à nous ? Dans nos déserts intérieurs, nous sommes conviés à oser prendre le temps de nous


142

PROMESSES DE BONHEUR

arrêter, à faire taire tous ces bruits qui nous protègent de nousmêmes et nous empêchent de réfléchir. Dans nos silences intérieurs une voix crie : « Préparez le chemin du Seigneur, aplanissez sa route. » Un homme a transformé le monde il y a deux mille ans. Nous aussi, osons croire, osons faire ce pari que nous pouvons transformer le monde dans lequel nous sommes. Tel est d’ailleurs le thème de cette superbe bande dessinée de Van Hamme, SOS bonheur, que je vous invite à lire. Alors que tout semble à ce point nous échapper, l’espérance permet de prendre part à la construction de notre monde. À nous de décider, quel type de société nous léguerons aux générations ultérieures. Et cette construction se vit maintenant. Chacun y a sa place. Ce chemin à préparer, cette venue à célébrer, Jean l’adresse à chacun d’entre nous. L’invitation est lancée dans nos silences intérieurs. À nous d’y répondre avec ce que nous sommes, avec les moyens dont nous disposons. Ce ne sera peut-être qu’une petite goutte dans un océan. N’oublions jamais que celui-ci est formé de la somme de ces petites gouttes. Si nous nous mettons tous à préparer ce chemin, les solidarités naîtront, l’autre que nous croisons prendra un autre visage, celui d’un frère ou d’une sœur à aimer. Alors que beaucoup étaient désespérés, certains ont écouté, il y a près de deux mille ans, cette voix qui criait. Et c’est grâce à eux que nous croyons. La route qui nous est donnée de vivre est belle, empreinte de douceur et de tendresse, respectueuse des différences et s’enrichissant de celle-ci. Une route qui nous conduit à un monde de paix. Vous ne me croyez pas ? Pourtant, ce n’est pas moi qui le dis mais Isaïe. Rappelez-vous : « Le loup habitera avec l’agneau, le nourrisson s’amusera sur le nid du cobra. » C’est cela, la paix de Dieu, le monde que nous sommes invités à construire. Il n’y a plus de temps à perdre, préparons le chemin du Seigneur.


FOI

143

Se reconnaître pour se connaître Saint-Sacrement (Jn 6, 51-58)

Un jour, quelqu’un me raconta que récemment, au cours d’une réception de mariage, il vit quelqu’un s’approcher de lui et cette personne lui dit à peu près ceci : « Nous nous connaissons par la messe à la paroisse mais jusqu’à présent nous n’avons qu’échangé la paix du Christ. Puisqu’aujourd’hui nous avons un peu plus de temps, je viens vers vous pour prendre ce temps afin de vous rencontrer. » Je trouve personnellement cette démarche tout à fait sacramentelle. Elle s’inscrit dans le prolongement de cette prière dominicale partagée ensemble. En effet, de dimanche en dimanche, en fonction de notre pratique, nous nous retrouvons en ce lieu pour entendre la Parole de Dieu, célébrer l’eucharistie et prier ensemble. Nous ne nous connaissons pas tous, c’est vrai, mais nous nous reconnaissons. D’ailleurs, très souvent, nous sommes assis à la même place, ce qui me permet — soit dit en passant — de « prendre les présences ». Se reconnaître sans pour autant se connaître, telle est une réalité à laquelle nous sommes confrontés. Toutefois, vivons-nous cela comme un simple constat ou plutôt comme le début d’une démarche ? Je m’explique : est-ce que je viens dans cette église uniquement pour rencontrer Dieu dans l’intime de mon cœur me souciant peu de savoir qui sont les autres membres de cette assemblée ou bien est-ce que je me réjouis de me trouver avec d’autres pour partager ce qui est au fil des années devenu un des fondements de mon être et de ma vie, c’est-à-dire ma foi ? Comment le savoir ? Assez simplement, je crois. Si Dieu est important dans nos existences, lorsque nous reconnaissons certains avec qui nous avons prié le dimanche, les ignorons-nous si nous les croi-


144

PROMESSES DE BONHEUR

sons en rue, au marché ou encore ailleurs, ou bien suis-je assez à l’aise avec ma foi et confiant en cette autre personne qui partage également quelque chose de si existentiel que, par un petit geste de la tête, un sourire, un simple bonjour, je lui fais savoir que je l’ai reconnue ? Suis-je assez franc pour m’arrêter quelques instants et partager peut-être quelques mots ? Ces questions, je me permets de vous les livrer. Pourtant, je crois que « se reconnaître sans se connaître » ne peut être que la première étape dans une démarche de foi. Nous ne sommes pas un troupeau de gens qui se rassemblent en un lieu précis. Non, le sacrement de l’Eucharistie que nous célébrons et partageons fait de nous une communauté de croyants qui communient ensemble au même mystère. Nous vivons et partageons ici quelque chose de divin. Cette communion est alors sacrement de la rencontre du Christ. Par le simple fait de ce geste, nous devenons également sacrements les uns pour les autres puisqu’en mangeant son corps et en buvant son sang, Dieu demeure en nous et nous en lui, souligne l’évangile. Nous ne pouvons donc pas nous contenter de nous reconnaître sans nous connaître. Dieu semble attendre plus de nous. Notre eucharistie n’est pas un self service où je viens chercher juste ce dont j’ai envie. Elle est un véritable repas où se partagent le corps et le sang du Christ, un véritable repas qui nous transforme et fait de chacun de nous des frères et sœurs dans la foi. Un peu comme s’il ne pouvait y avoir un sacrement de l’eucharistie sans que celui-ci ne soit préalablement précédé d’un sacrement du frère ou de la sœur. Communier ensemble à ce mystère est une invitation permanente à partir à la rencontre de l’autre, celle ou celui en qui Dieu inhabite également, car ma relation à tout être humain renforce ma relation à Dieu. L’un et l’autre sont inséparables. S’il en est ainsi, la fête du corps et du


FOI

145

sang du Christ n’est pas le mémorial d’un événement passé que nous célébrons chaque année. Non cette fête est notre fête, car en communiant véritablement ensemble nous devenons les uns pour les autres et pour Dieu le corps et le sang du Christ sur cette terre. Il ne s’agit pas d’une fête à laquelle nous assistons. Il s’agit de notre fête. « Se reconnaître sans se connaître » ne peut alors être que la première étape de toute démarche de foi, car dans l’eucharistie nous puisons la force pour accepter que notre présence en ce lieu signifie plutôt « se reconnaître pour mieux se connaître ». Puissions-nous ne jamais l’oublier chaque fois que nous communions ensemble.



Peur

Je me quitte 2e dimanche de Carême (Mt 17, 1-9)

La valise est là, au milieu du hall. Elle est prête depuis plusieurs heures déjà. Et lui, il tourne autour. Vérifiant si tout y est. N’a-t-il rien oublié ? Une dernière fois, une main se glisse dans le petit sac, oui, le passeport, le billet et l’argent sont à leur place. Oui, il a bien le numéro de téléphone pour prévenir les gens qui l’attendent de l’autre côté. Il vérifie et sait déjà au fond de lui qu’il reviendra vérifier une fois encore et encore. Et ce, tant que la voiture ne le conduira pas au lieu d’embarquement. Il est content de partir, léger, dit-il pour se rassurer, mais avec un certain stress quand même. Il est vrai qu’il part pour quelques semaines dans un pays étranger, tellement différent du sien. Il ne connaît pas leur langue, leur culture mais avec le peu d’anglais qu’il possède, il devrait pouvoir s’en sortir. En tout cas, c’est ce que certains lui ont affirmé. Les départs vers des contrées inconnues de nous-mêmes, nous laissent rarement indifférents. Des sentiments mixtes nous traversent : à la fois le plaisir de partir à la découverte de la différence, de nous prouver que nous sommes capables de nous débrouiller seul, que la solitude ne nous effraye pas trop. Puis il y a aussi, la crainte du choc brutal, une peur à dépasser parce que nous espérons que nous en sortirons grandis. Il y a également ces questions : si nous partons pour longtemps, allons-nous changer, perdre certains de nos repères ? Le départ est donc tou-


148

PROMESSES DE BONHEUR

jours quelque part un dépassement, un risque. Et sans risque, il n’y a pas de vie. En effet, constate un auteur contemporain, le plus grand danger dans la vie, c’est de ne rien risquer du tout. Celui qui ne risque rien, n’a rien ; celui qui ne risque rien, n’est rien. Seuls ceux qui risquent sont libres. Si la liberté est le prix du risque, en amont de celle-ci nous sommes conviés à vivre l’expérience de la confiance. En effet, lorsque nous partons, vers cet ailleurs qui nous est inconnu, nous sommes parfois amenés à faire ou refaire le pari de la confiance. Il n’y a pas d’autre possibilité. Nous sommes seuls et la confiance en l’autre, en cet inconnu, nous permet de retrouver certains repères et en découvrir de nouveaux, se rendre compte qu’ils fonctionnent tout autant et surtout apprécier la joie de la différence. Un peu comme si notre lumière intérieure s’illuminait pour rayonner de bonheur au travers de notre visage. Ces expériences sont multiples au cours d’une vie et il n’est certainement pas nécessaire de voyager des milliers de kilomètres pour les vivre. Il suffit parfois de se tourner vers soi, tout simplement. Et Dieu nous enjoint, à l’instar d’Abraham, de partir, de quitter les contrées de nos certitudes pour repartir vers des horizons moins connus, voire inconnus. Ce départ-là se vit d’abord au plus profond de notre être, à l’endroit précis où Dieu aime venir se poser, se reposer, là où se nouent l’humain et le divin. Nous devons, ici aussi, oser faire confiance, prendre le risque de prendre Dieu au sérieux. « Pars, ne crains pas, je suis avec toi jusqu’à la fin des temps », susurre-t-il dans une brise légère au cœur de notre désert. Un peu comme si nous étions invités à nous quitter pour mieux le rencontrer. Tout au long de notre existence, nous avons reçu de ceux qui ont croisé notre chemin et aujourd’hui, c’est à nous de partir et de marcher vers les desti-


PEUR

149

nées sinueuses de nos histoires. Cette démarche commence par chacun d’entre nous, là où nous sommes. Je pars de qui je suis. Pour se faire, je dois connaître mes repères intérieurs, ceux qui me rassurent et ceux qui me donnent des ailes pour voler dans la vie. Fort de cette connaissance, je pars, je me quitte, sans pour autant jamais me nier ; je me quitte tout simplement pour partir à la rencontre de Dieu en moi ou chez l’autre. Avec cette conviction d’en revenir transfiguré. Ayant dépassé mes propres peurs, je fais l’expérience lumineuse, merveilleuse d’un dépassement, d’une autre manière de regarder la vie et le monde. Mon regard s’illumine de lumière divine. Ayant quitté mes certitudes et pris la main de Dieu tout en confiance, je découvre à nouveau ce bonheur de croire en celui qui se transfigure sous nos yeux. L’expérience de la transfiguration devient ainsi l’invitation constante à quitter la plaine de nos raisonnements pour grimper la montagne de Dieu. Au sommet de celle-ci, au sommet de nos vies, Dieu se donne en lumière pour éclairer nos départs incertains. Que la lumière du Transfiguré nous ouvre la route de cette destinée à accomplir, à réaliser. Pourquoi ? Tout simplement parce que de la nuée, une voix disait : « Celui-ci est mon Fils bien aimé, en qui j’ai mis tout mon amour ; écoutez-le. »

Les peurs 33e dimanche ordinaire (Mt 25, 14-30)

Dans ma vie, je n’ai jamais eu aussi peur qu’une nuit alors que j’étais louveteau. Nous étions venus de ma ville passer un week-end dans cette charmante commune du Brabant wallon. C’était au cours d’un jeu de nuit terrifiant. Nous étions dans les bois et nous avions tous peur, très peur. Du groupe, j’étais sans


150

PROMESSES DE BONHEUR

doute celui qui a eu le plus peur. Je me suis d’abord caché pour être certain de ne pas être attrapé. Mais ma peur était toujours là. Alors, j’ai pris mon courage à deux mains, le courage d’un enfant de dix ans et je suis sorti du bois. Je suis allé sonner à une maison où il y avait encore de la lumière. Et là, j’ai demandé de pouvoir appeler la police. Ce que le propriétaire a gentiment fait puis, avec moi, sur le parking en face de l’église du village nous avons attendu le combi de la gendarmerie. C’était un jeu de nuit, un simple jeu de nuit. Et j’ai eu tellement peur. J’en ris aujourd’hui quand je revois la tête paniquée des animateurs à la vue du gyrophare. C’était au départ leur jeu, avec les gendarmes, il était devenu le mien. Pourquoi vous racontez cette histoire, me direz-vous ? Parce que, je crois que l’histoire des Talents est d’abord et avant tout l’histoire d’une peur. Et des peurs, nous en avons tous. La première chose à faire, est d’abord de se l’avouer, de ne pas crâner sinon notre agressivité sera signe de cette peur intérieure. Ayant pris conscience de celle-ci, il y a lieu d’agir nous dit le Christ. À force d’avoir peur, nous risquons de ne plus rien faire à l’image de l’homme qui n’avait qu’un seul talent. Cet homme a manqué d’audace et de confiance. Il n’a pas pris ses responsabilités. Nous ne sommes pas sur terre pour subir la vie mais pour la vivre à fond et pour ce faire, il y a parfois des risques à prendre. Refuser d’agir au nom de la peur, c’est donner un terrible pouvoir à l’autre et c’est ne pas utiliser sa liberté. Si je ne fais rien à quinze ans parce que j’ai peur d’être renvoyé alors que j’assiste à une injustice. Si je ne fais rien à quarante ans, parce que j’ai peur de perdre mon emploi. Ou encore, quand j’ai vu quelque chose qui m’a choqué et que j’ai failli réagir, mais que je n’ai rien fait. Des si, si, et si et des j’ai failli jalonnent nos vies. Mais alors quand serais-je libre ? À soixante-cinq ans ? Non parce qu’à ce moment-


PEUR

151

là je commencerai à avoir peut-être peur de la mort ? Malgré nos fragilités, nos peurs sont à dépasser. Elles ne doivent pas guider nos vies. Un être qui a peur, enterre sa vie parce qu’il a trop peur de la perdre. Or, une seule vie nous a été donnée, ne passons pas à côté de celle-ci. Elle vaut tellement la peine d’être vécue en plénitude. Pour ce faire, il nous suffit de repartir des talents, des dons que chacun nous avons reçus. Peu importe leur nombre, exploitons ce que nous avons, même si cela nous semble tout petit. De toute façon, nous avons toujours l’impression que ce que les autres ont, c’est mieux que ce que nous possédons et nous en arrivons à oublier ce qui est nôtre, comme si c’était rangé au fond d’une caisse de notre être. Pourtant, pour exister, pour vivre pleinement, le Seigneur attend de nous de faire fructifier les talents qu’Il nous a donnés. Rien de plus, rien de moins. C’est à partir de nos dons que nous pouvons construire la vie que nous souhaitons vivre. Gandhi ne disait-il déjà pas : « Sois toi-même le changement que tu veux pour le monde. » Soyons d’abord nousmêmes. Reconnaissons ce que nous avons puis aimons-nous. Oui, aimons-nous. C’est dans le « je m’aime » que je peux trouver les forces nécessaires pour être moi en vérité, utiliser ma propre créativité pour exister. C’est vrai qu’il y a des lieux qui nous empêchent de développer nos richesses personnelles. À nous de les transformer pour qu’ils deviennent eux aussi des lieux invitant à la simplicité, à la spontanéité et donc au refus de posséder ce qui ne nous a pas été donné. Il faut alors arrêter en nous cette machine infernale de passer son temps à tenter d’acquérir les dons des autres. Certains prétendent qu’améliorer ce que nous avons, c’est trop facile. Je crois sincèrement qu’ils se trompent en disant cela. Nous ne sommes pas sur terre pour souffrir mais pour grandir et vivre. Essayons d’abord de prendre ce temps qui


152

PROMESSES DE BONHEUR

nous est donné pour faire fructifier ce qui est à nous, ou plutôt ce qui est nous. Alors et alors seulement nous pourrons devenir qui nous sommes et au retour, de notre voyage, sans peur, nous pourrons répondre à la question de Dieu : « Qu’as-tu fait des dons que je t’ai faits ? »


Réconciliation

Être désaveuglé ! 4e dimanche de Carême (Jn 9, 1-41)

Il était difficile de trouver plus ponctuel que lui. Toujours à l’heure, jamais en retard. Comme s’il avait un annuaire de chemins de fer dans le cerveau. Et s’il le pouvait, il ferait encore tout pour être même un peu en avance. D’où mon étonnement de le voir systématiquement arriver quelques minutes après le début de la célébration dominicale. À l’heure pour les humains, en retard pour Dieu. Telle devait être sa devise. Poussé par une certaine curiosité, je lui demandai un jour la raison d’une telle attitude. Il me répondit très simplement que pour lui, la messe commençait vraiment avec les lectures, que le début de la célébration était ennuyeux, tellement répétitif avec cette phrase du Kyrie : « Seigneur prends pitié », qu’il préférait arriver au moment où il pouvait commencer à se nourrir spirituellement. Je lui dédie alors cette méditation. Pour comprendre le sens de ce que nous vivons à chaque célébration eucharistique en invoquant au début de celle-ci la tendresse et la miséricorde de Dieu par le chant du Kyrie, je nous invite à entrer dans le mystère de l’Incarnation. Tous, dans le Christ, nous sommes appelés à devenir des fils de la Lumière. Voilà, l’espérance de Dieu pour sa création. Dieu s’est fait homme pour que l’homme devienne Dieu, écrivit il y a bien longtemps saint Irénée. Nous sommes tous, de par notre humanité inscrite en Dieu, invités à participer à la vie divine. Une vie


154

PROMESSES DE BONHEUR

de Lumière, une vie éclairée d’un Amour indicible. Telle est notre destinée. Elle s’offre à nous et se vit par l’ensemble des choix que nous posons chaque jour pour un peu plus nous accomplir, nous réaliser et nous rapprocher de la sorte de cette divinité inscrite au cœur de notre humanité. Toutefois, pour vivre de la tendresse de Dieu, nous devons, nous aussi, aller nous baigner dans la piscine de Siloé. Sommes-nous finalement si différents de l’aveugle-né ? Je ne le pense pas. Nous avons également nos propres aveuglements. En effet, tant de choses peuvent nous aveugler et ce, qu’elles soient heureuses ou non. Ne dit-on pas que l’amour rend aveugle ? Même si certains affirmeront que le mariage rend la vue. Mais audelà de cette dernière remarque perfide, je dois reconnaître que, dans la vie, il y a tant de choses qui peuvent participer à mon propre aveuglement : je peux, par exemple, subir l’influence du groupe auquel j’appartiens et qui peut m’empêcher de dire ce que je pense en vérité par peur d’être rejeté alors que les attitudes de ce même groupe sont peu respectueuses d’autres personnes. Je peux aussi être aveuglé par le rythme fou de la vie qui m’empêche de penser et donc de voir la réalité en face. La quête du pouvoir, la recherche effrénée de plaisirs immédiats, une volonté d’ignorance, une certaine routine, toutes ces attitudes peuvent également participer à notre aveuglement quotidien. Alors aujourd’hui Jésus, tout comme dans l’évangile, vient vers nous et nous invite à aller nous laver à la piscine de Siloé, c’est-à-dire à accepter d’entrer dans une démarche de « désaveuglement ». Être désaveuglés de tout ce qui nous empêche de devenir nous-mêmes, être désaveuglés de toutes ces petites limites qui nous constituent et qui font partie intégrante de notre être. Ces limites sont, d’une certaine manière, tous nos petits travers, nos distractions, nos énervements, nos ronchonnements qui iront


RÉCONCILIATION

155

jusqu’à parfois faire sourire les autres de nous voir capables de nous encombrer l’esprit de tant de petits détails inutiles. Au fil de la vie, ils deviennent comme des écailles venant se placer sur nos yeux et peu à peu, ils nous aveuglent. D’une certaine façon, ils constituent les zones ténébreuses de notre cœur, c’est-à-dire ce que nous repoussons dans nos coins intérieurs en essayant de les oublier. Ce sont tous ces petits faits et gestes, souvent anodins, qui traversent nos existences et qui nous encombrent. Il ne s’agit pas comme tel des manques d’amour, appelés communément péchés, qui conduisent à nous exclure de l’Alliance avec Dieu et qui demandent de notre part un véritable chemin de réconciliation. Non, il s’agit plutôt de nos petits travers de tous les jours qui peuvent nous empoisonner l’existence et dont il est bon de nous débarrasser de temps en temps en allant les déposer au pied de la Croix du Christ. Et c’est tout simplement cela que nous faisons chaque fois que nous célébrons l’eucharistie : nous invoquons la tendresse de Dieu pour que celui-ci nous désaveugle de nos limites personnelles afin que nous puissions nous ouvrir à l’intelligence de sa Parole. S’il en est vraiment ainsi, n’est-il pas dommageable pour notre propre foi de ne pas se donner ce temps de miséricorde avec Dieu. Que notre ponctualité nous permette à jamais de vivre ce moment de tendresse divine exprimée dans le Kyrie. Quant à nous, il ne nous reste qu’à aller nous plonger dans la piscine de Siloé pour nous désaveugler et entrer ainsi dans la Lumière promise.


156

PROMESSES DE BONHEUR

La miséricorde 10e dimanche ordinaire (Mt 9, 9-13)

Cela fait maintenant quelques années déjà que je suis en procès avec mes parents. Je les accuse d’avoir quelque peu bâclé le travail de ma conception. Ils auraient quand même pu me faire parfait. Je suis certain que s’ils avaient pris un peu plus de temps, je n’aurais pas aujourd’hui tous les défauts que je dois supporter et que je fais subir aux autres par ailleurs. Puisque mes parents ne voulaient rien entendre des récriminations que je leur imputais, j’ai été dans l’obligation de déposer plainte devant la justice divine. Le pire vient de se produire : le verdict est tombé vendredi dernier et j’ai perdu. Vous vous rendez compte ? J’ai perdu, alors qu’à mes yeux, ils sont les premiers responsables. Je n’avais pas demandé à naître. La vie, ils me l’ont donnée. En fait, le juge céleste qui doit encore être un de ces grands naïfs existentiels, a estimé tout à fait normal que je sois né imparfait pour que je puisse mieux encore participer à ma propre perfection. Et il a en plus eu le culot de me traiter de pharisien et de me condamner à méditer l’évangile en m’invitant à prendre plutôt le rôle du publicain dans la vie. On dira ce qu’on voudra, mais avec un jugement pareil, je me dis que « tout fout le camp ». Où est le temps des beaux principes ? Où se situe cette époque où il suffisait de remplir un certain nombre d’obligations et de prescrits pour avoir la conscience tranquille ? Il semble que ce soit avant Jésus Christ, en tout cas avant qu’il ne proclame cette phrase : « C’est la miséricorde que je désire, et non les sacrifices ». Dieu le Fils n’a que faire de nos actes, de nos sacrifices, de nos aumônes si celles-ci ne s’incarnent pas dans notre être et ne s’inscrivent pas dans l’amour. Nos sacrifices ne peuvent pas être de simples prescriptions que nous accomplissons comme s’ils avaient


RÉCONCILIATION

157

une existence en eux-mêmes. Ils ne peuvent être dissociés de ceux qui les posent. Un geste ou une parole pourra être un manque d’amour pour l’un et un moyen de grandir pour l’autre alors qu’il s’agit du même acte. Nous n’avons pas tous la même destinée à accomplir. Ce qui est toutefois certain, c’est qu’un sacrifice sans amour n’a aucune valeur pour Dieu. Il ne les voit même pas. En effet, tous nos actes s’enracinent dans nos personnalités, c’est-àdire qu’ils se réalisent à partir de toutes les forces et les faiblesses qui nous composent. Et cette réalité humaine ne semble nullement effrayer le Christ. Reprenons l’extrait d’évangile : Jésus ne reproche rien à ce publicain qu’il rencontre. Au contraire, il l’appelle à le suivre tel qu’il est, car il sait au fond de lui-même que cet homme, tout fautif qu’il puisse être, est beaucoup plus grand aux yeux de Dieu que les actes qu’il commet. Jésus ne se laisse jamais arrêter par les traces de nos manques d’amour, de nos ruptures d’alliance, signes de notre finitude. Il voit d’abord et avant tout le cœur de l’homme et il sait que ce qu’il y trouvera est quelque chose de beau, de merveilleux : l’humanité de l’être humain dans toute sa divinité. Dieu connaît la condition de ses créatures. Non seulement, il la connaît mais il semble l’apprécier puisqu’il a fait de chacune et de chacun de nous des co-créateurs de sa propre création. Il attend que nous participions de manière responsable non seulement à l’achèvement de sa création mais également à l’accomplissement de notre propre être et ce, non pas par des sacrifices mais par la manière dont nous sommes miséricordieux les uns vis-à-vis des autres. En effet, la miséricorde est indissociable de notre vie de foi. C’est d’ailleurs ce que chaque frère dominicain demande avant de prononcer ses vœux lorsqu’il se couche en croix sur le sol. À la question du Provincial : « Que demandes-tu ? », il ré-


158

PROMESSES DE BONHEUR

pond : « La miséricorde de Dieu et la vôtre ». Non pas seulement celle de son supérieur, mais celle de tous ses frères avec qui il choisit de vivre sa vie. La miséricorde est une qualité proactive. Elle se définit par cette sensibilité que nous pouvons avoir les uns pour les autres vis-à-vis de la finitude de tout être humain. Elle se refuse de condamner et d’enfermer quelqu’un dans un acte et préfère développer une attitude de compassion et de douceur face à la souffrance ou à la blessure. La miséricorde que Dieu attend de nous est une attitude d’humilité, car nous reconnaissons que tout homme, toute femme est toujours plus grand que ce qu’il fait et que nous n’aurons jamais la prétention de croire que nous savons pourquoi l’autre a agi de la sorte. La miséricorde est une manière de reconnaître, dans la tendresse, que tout être est également un mystère même si dans la foi, nous avons acquis la conviction que Dieu est plus grand que notre cœur et il connaît toute chose. De la sorte, à l’image du Livre d’Osée, nous pourrons nous aussi connaître le Seigneur.

Le désencombrement du cœur Dédicace de la basilique du Latran (Jn 2, 13-22)

« Vous êtes simplement encombrée, lui dit le médecin au terme de la visite. Je vais vous prescrire un sirop et des gouttes et tout sera remis en ordre dans une bonne dizaine de jours », conclut-il. Le pauvre n’avait pas saisi que le corps de sa patiente dévoilait également quelque chose de beaucoup plus profond. Sa maladie n’était que l’expression extérieure d’un mal qui l’habitait depuis plusieurs mois et dont elle n’arrivait pas à se débarrasser. Elle se souciait tellement pour son propre enfant qui s’enfermait dans une spirale d’où il lui semblait de plus en plus


RÉCONCILIATION

159

difficile de sortir. Au départ, elle était très préoccupée mais aujourd’hui elle se sent véritablement encombrée. Elle ne pense plus qu’à la situation et ne parvient pas à trouver le repos et encore moins une paix intérieure. Toutes et tous à notre manière, nous pouvons nous aussi être « plein » de tout ce qui peut nous encombrer et qui nous empêche de nous tourner vers l’essentiel, vers l’existentiel. Notre cerveau, notre mémoire et parfois aussi notre cœur, peuvent être encombrés de tant de choses futiles et qui peuvent nous détourner de notre destinée. Nous avons en nous un grand grenier où nous stockons non seulement nos souvenirs heureux mais également nos blessures, nos énervements, nos paroles dures, nos frustrations. Pris par le tourbillon de la vie, nous oublions parfois de prendre le temps de monter quelques étages en nous pour aller faire un peu de rangement. Un peu comme si nous étions des conservateurs ou des nostalgiques qui n’arrivent pas à se séparer de certains souvenirs qui peuvent nous empoisonner l’existence. Les marchands du temple avaient trop d’avoirs matériels et ils ne pouvaient s’en passer pour vivre. Nous ne sommes pas à l’abri d’être confrontés à un même type de réalité même s’il se situe à un autre niveau. Nous avons, nous aussi, en nous, un ensemble de richesses qui sont belles et qui nous font grandir mais nous sommes également riches de choses qui nous encombrent et peuvent nous empoisonner l’existence en envahissant notre temple intérieur. Ces dernières peuvent devenir tellement encombrantes qu’elles se mettent insidieusement à recouvrir toutes les perles d’amour, de douceur et de tendresse qui sont en nous. Faut-il que nous soyons confrontés à un événement douloureux tel que la maladie, la perte d’emploi, le deuil ou tout autre type de souffrances pour commencer une remise en ordre et pourquoi pas de se débarrasser de ce qui est accessoire pour revenir à l’essentiel,


160

PROMESSES DE BONHEUR

c’est-à-dire là où le Christ nous attend. Si nous pouvons le faire, alors toute expérience, aussi douloureuse fût-elle, a déjà quelque chose de bénéfique puisque nous prenons le risque de remettre de l’ordre en nous. Chaque jour, sur chacun de nous, le Fils de Dieu pose son regard et se met à nous aimer lorsque dans le silence de notre âme nous souhaitons mettre nos pas dans les siens. Puissions-nous au cœur de nos fragilités, de nos vulnérabilités respectives, prendre le temps de laisser le Souffle de Dieu agir en nous pour qu’il nous désencombre de tout ce qui nous empêche de devenir nous-mêmes. Laissons le Fils de Dieu entrer dans notre temple intérieur pour nous débarrasser du trop-plein de nousmêmes afin de revenir à ce qui donne pleinement sens à nos existences. Que l’expérience de la maladie, de la prise de conscience de notre fragilité, nous permette de prendre le temps de nous libérer de nous-mêmes afin de participer dès maintenant à l’avènement du Royaume. Nous pourrions nous sentir esseulés dans une telle tâche. Détrompons-nous, le Fils de Dieu nous accompagne sur notre route et l’Esprit est à l’œuvre dès à présent en nous, car « tout est possible pour Dieu ».

Le fruit de la miséricorde 24e dimanche ordinaire (Mt 18, 2-35)

Il suffit parfois d’un seul homme pour changer une tradition séculaire. Puis, laissant le temps au temps, quelques siècles plus tard, presque plus personne ne connaît la raison de ce changement opéré auparavant. Telle est bien l’histoire d’Antonio Ghislieri. Combien d’entre nous savent encore qui il fut. Jusqu’à son accession au poste de pontife de l’Église catholique, tous les papes étaient habillés de la même couleur que les cardinaux,


RÉCONCILIATION

161

c’est-à-dire en rouge. Antonio Ghislieri décida de prendre le blanc pour l’habit du pape. Certains pourraient croire que, dans une vie antérieure, il avait été un couturier italien très connu et qu’il voulait montrer la différence avec ses pairs. D’autres encore peuvent s’imaginer que le blanc était un signe de pureté qui symboliserait mieux sa fonction. La raison est pourtant beaucoup plus simple : Antonio Ghislieri, mieux connu sous le nom de Pie V, était un religieux qui a voulu, alors qu’il accédait aux plus hautes fonctions de l’Église, garder l’habit reçu au moment de son noviciat. Et l’habit de son Ordre était le blanc, puisqu’il était un frère dominicain. Il voulait rester à sa place, un frère parmi ses frères. Son identité première de religieux devait primer sur le poste qui lui avait été demandé d’occuper. Décider de garder son habit était une certaine forme d’humilité. « Voilà d’où je viens, voilà qui je suis et voici comment j’espère pouvoir vous servir en toute vérité », semblait-il vouloir dire à ses proches. Il suffit parfois d’une couleur pour vivre l’humilité. Il suffit aussi parfois d’une petite lettre pour ne pas comprendre le sens de l’humilité, qualité nécessaire afin de pouvoir entrer dans une démarche de pardon. Être humble, c’est être capable de s’abaisser et non de se rabaisser. Un simple petit « r » fait toute la différence. En effet, contrairement à ce que d’aucuns peuvent croire, l’humilité ne demande pas de se dénigrer, de s’écraser, de se diminuer, de se rabaisser. Bien au contraire, elle demande tout un chemin intérieur de prise de conscience de sa propre réalité. Être humble, c’est être capable, comme le souligne la racine latine de ce mot, de revenir « à la terre », c’est-à-dire au lieu même de sa propre vérité. Nous sommes conviés à nous abaisser pour mieux appréhender notre être. Parfois, nous rêvons d’être comme ceci ou cela, nous aurions aimé avoir tel don plutôt que tel autre. Hélas ! penser de cette façon, c’est vouloir être quelqu’un d’autre. Or, chaque


162

PROMESSES DE BONHEUR

être humain a sa place ou, mieux encore, il y a, pour chaque être humain, une place. Cette place ne nous est pas définie comme telle. À nous de la découvrir. Pour ce faire, nous sommes conviés à redonner le temps au temps, de telle sorte que nous acceptions de nous abaisser sur la route de notre propre existence. Cet abaissement nous demande d’entrer sur un chemin d’acceptation de notre vérité intérieure là où se mêlent en nous les qualités merveilleuses que nous avons héritées ainsi que les vulnérabilités qui font la richesse de nos personnalités. L’humilité se vit donc d’abord par rapport à soi. Je suis humble vis-à-vis de moi-même, c’est-à-dire que j’accepte de prendre cette place que j’ai choisie afin de réaliser ma propre destinée. Je prends conscience de mes zones d’ombre et de lumière. Mieux encore, je m’en réjouis, car je sais à quel point cette acceptation participe à la richesse de ma singularité. Heureux d’être qui je suis devenu, je peux alors permettre à toute autre personne qui croise mon histoire de trouver sa propre place, celle qu’il lui revient dans la vie, car elle est ellemême entrée dans une démarche de vérité profonde. En agissant ainsi, en aucune manière je me rabaisse, je me diminue ou je m’amoindris. Loin s’en faut. En effet, très souvent, dans la vie, la société nous prescrit de rabaisser, voire parfois d’écraser l’autre pour mieux exister soi-même. Cette fausse appréhension de l’existence est épuisante, car elle demande constamment de rester sur un qui-vive sans fin. Je ne peux me reposer puisque je dois toujours rester attentif à écraser afin de ne pas l’être moi-même. Par contre, l’abaissement dans l’humilité est une philosophie de vie qui invite toujours l’autre à partir à la rencontre du meilleur de lui-même, même s’il n’arrête pas de trébucher sur le chemin de sa propre vie. Une telle attitude permet alors à tout être humain de s’abaisser soi-même pour découvrir son chemin intérieur de vérité même lorsque celui-ci passe par l’épreuve de l’errance et de


RÉCONCILIATION

163

l’incapacité à se relever. D’après l’Évangile, ce qui semble être sûr, c’est qu’il y a pour chacun une place dans le Royaume de Dieu. Celle-ci se découvre tout simplement chaque fois que je donne plus de place à l’autre pour qu’il trouve en lui plus d’espace, tant mon propre regard lui aura permis de se recentrer sur la source de l’humilité qu’est l’amour vécu dans le don du pardon. S’il en est vraiment ainsi, puissions-nous ne jamais oublier que la mesure de l’amour se découvre dans sa démesure.

Nos foules intérieures 19e dimanche ordinaire (Mt 14, 22-33)

Dans une vie antérieure, lorsque j’étais aumônier de prison, j’étais toujours frappé par la parole des détenus qui allaient quitter ce lieu soit parce qu’ils arrivaient au bout de leur peine, soit parce qu’ils étaient libérables sous condition. Peu de temps avant leur départ, je m’autorisais à leur poser la question suivante : « et vous, qu’allez-vous faire en premier lieu en quittant le milieu carcéral ? » Ce qui m’étonnait toujours, c’était que la majorité des détenus avaient la même réponse. « Quand je sortirai, Monsieur l’aumônier, j’irai voir la mer ». Et oui, la mer. Mais pourquoi la mer ? leur demandai-je. « Parce que la mer offre un grand sentiment de liberté. Il n’y a pas de murs dans la mer. Il n’y a plus de frontières visibles dans les océans. Seulement l’horizon, à perte de vue. Sur la mer, nous partons au large. » Je nous invite alors à nous poser la même question. Et si j’étais, moi, dans cette situation, après avoir été enfermé, dans mon corps ou dans mon âme, pendant plusieurs mois, voire des années, que ferais-je à l’instant de ma propre libération ? À chacun d’entre nous d’y répondre. Reconnaissons que si nous n’avons pas fait l’expé-


164

PROMESSES DE BONHEUR

rience du monde carcéral, nous pouvons malgré tout être également enfermés en nous-mêmes par une foule d’éléments, certains très préoccupants, d’autres plus anodins. Nous pouvons, nous aussi, avoir le sentiment d’être envahis, submergés par notre propre petit monde. Il y a parfois tant de mondes différents qui habitent en nous que nous n’avons plus l’impression d’exister par nous-même, comme si notre prénom était devenu « foule » : F.O.U.L.E. Foule d’événements difficiles à vivre, foule de souffrances et de maladies qui n’en finissent pas, foule d’énervements et d’impatiences. Tant de foules foulent aux pieds de nos existences. Heureusement, pour nous, il y en a d’autres plus heureuses : les foules de moments d’amour et d’amitié, les foules de gestes de tendresse et de parole de réconfort, les foules de regards de douceur offerts. Et avec le temps laissé au temps, nous ne les voyons plus toujours. Nous sommes trop pris par l’événement de l’instant présent. Pour nous retrouver, nous devons oser prendre le risque de quitter toutes ces foules qui nous compressent en nous-mêmes. Nous sommes conviés à partir au large de nos histoires respectives. À l’instar de Jésus, dans l’extrait d’évangile que nous venons d’entendre. Lui aussi ressent le besoin de quitter la foule un instant. Non pas pour s’en éloigner à jamais mais plutôt pour reprendre une certaine distance qui lui permet de mieux voir, de mieux percevoir la réalité de leurs désirs et de leurs attentes. En effet, même pour l’ascensionniste, une montagne est souvent plus claire vue de la plaine. S’il en est ainsi, alors éloignons-nous aussi de nos foules intérieures qu’elles soient joyeuses ou encombrantes. Prenons le large de notre cœur pour mieux nous réapproprier ce qui fait à la fois la richesse de nos vies et la dureté de certaines périodes à traverser. Quittons ces diverses foules et prenons quelques instants ce large pour partir à la rencontre de nos profondeurs. Dans la profondeur de nos existences, au large de nos foules person-


RÉCONCILIATION

165

nelles, nous pouvons alors découvrir ou redécouvrir la richesse et l’essence même de nos existences. Dans les eaux profondes de nos mers intérieures, nous traversons des tempêtes apaisées et des moments de grand calme. Dieu le Fils nous invite à remonter sur les barques de nos vies et de partir vers cet horizon en toute confiance comme ses disciples ont pu en faire l’expérience. Tout comme eux, offrons notre confiance à Dieu et naviguons avec Lui sur les mers de nos histoires blessées. En plongeant dans la profondeur de notre âme et de notre cœur, nous retrouverons un ensemble de richesses qui font la beauté de notre pèlerinage terrestre. En nous, jetons les filets de la mémoire et de l’espérance pour trouver ou retrouver les énergies nécessaires qui nous permettront à la fois d’affronter nos expériences présentes, mais aussi d’être à nouveau capable de nous réjouir de ces multitudes de petits bonheurs qui parsèment nos journées lorsque nous prenons le temps de nous arrêter pour nous en rendre compte. Tout comme les disciples, cette mise au large de nos foules personnelles ne se fait plus seul. Nous sommes accompagnés par le Fils qui nous guide dans cette voie au cœur de nos plus profondes profondeurs. Que l’Esprit de Dieu souffle en nous pour que nous partions sans crainte et en toute confiance vers ce lieu intérieur où se noue la rencontre entre Dieu et nous. Que la mise au large éclaire nos vies d’une lumière nouvelle vers un horizon sans frontières avec l’espérance que le Seigneur s’est embarqué avec nous dans l’aventure de la vie.

Seul à seul pour se gagner 23e dimanche ordinaire (Mt 18, 15-20)

Cela faisait des années qu’ils se connaissaient et ils avaient décidé d’unir leurs destinées. Elle était vraiment aux anges et lui


166

PROMESSES DE BONHEUR

semblait relativement heureux d’avoir pris une telle décision. Ils avaient chacun choisi de nombreux témoins. Un peu comme s’ils voulaient noyer le poisson dans l’eau. Plus ils sont nombreux, moins il y aura de chance de se faire interpeller. Ses amis à lui, même sa famille proche redoutaient cet événement. Ils parlaient ensemble très souvent de lui. Il était presque devenu leur unique sujet de conversation au fur et à mesure que le plus beau jour arrivait. Ils parlaient de lui, mais jamais à lui. Pas un n’avait le courage de l’affronter, alors qu’ils avaient tous l’impression qu’il allait à la catastrophe. Il avait tellement changé depuis qu’il la connaissait. Il ne voyait plus personne. C’était trop fusionnel pour qu’il puisse vraiment respirer. Et ils se lamentaient de plus belle sur cette vie gâchée. Il fallait lui parler, il faudrait lui parler. Mais personne n’osait. Quand quelques années plus tard, ils se sont séparés malgré leurs enfants : famille et amis ont vivement regretté de s’être tu. Qui d’entre nous, d’une manière ou une autre, ne se reconnaît pas dans cette histoire ? Combien de fois dans nos vies, des pensées, des intuitions nous traversent et nous n’avons pas le courage et la franchise de le dire à la personne concernée. Pourtant, les paroles du Christ sont limpides : « Si ton frère a commis un péché… » Ça vaut aussi pour les sœurs, vous n’y échappez pas, mesdames. Si ton frère a commis un péché, c’est-à-dire si ton frère a fait ou va faire quelque chose qui va à l’encontre de lui-même, qui l’empêche d’advenir, de devenir ce à quoi il est appelé, va lui parler seul à seul. Un péché, c’est donc tout obstacle qui entrave notre épanouissement, tout acte qui nous dévie du chemin qui conduit au bonheur. Ces actes parsèment nos vies et ralentissent notre réalisation personnelle. Si tu vois que ton frère trébuche, ne convoque pas une réunion pour discuter, parler de ce qu’il a fait, mais prends ton courage à deux mains


RÉCONCILIATION

167

et va lui parler seul à seul. « Seul à seul », c’est-à-dire tout en finesse, tout en tendresse. Dans cette rencontre, nous ne sommes pas là pour juger, voire condamner mais pour aider un être aimé à se relever. Un peu comme si nous lui disions, presqu’en s’excusant : « Ce que tu vis, je ne peux pas rester indifférent. Ne te formalise pas de la manière maladroite dont je vais te parler, entends seulement mon souci de toi, je t’aime. » Parler « seul à seul » tel que le Christ nous le demande, c’est être capable de se rencontrer tout en tendresse. Nos mots, si durs soient-ils sont portés par l’amour que nous avons pour l’autre, par notre désir profond de ne plus le voir tomber. Oser parler en vérité est une des nombreuses manifestations de l’amitié. Cela n’est pas aisé. Nous avons peur de nous tromper, de blesser la personne aimée. C’est vrai nous sommes suffisamment intelligents pour trouver toutes les excuses qui nous permettront d’éviter une telle confrontation. Mais ça, c’est tout à fait contraire à l’évangile de ce jour. Aimer, c’est aussi aider l’autre à avancer sur le chemin de sa destinée. Et ce, quel qu’en soit le prix à payer ! Cela risque effectivement de nous coûter. Mais quelle récompense si nous y parvenons. En effet, nous dit Jésus, « s’il t’écoute, tu auras gagné ton frère. » Qu’est-ce à dire : gagner son frère ? Gagner, verbe devenu presque indécent parce qu’il suppose souvent le fait d’écraser l’autre pour y arriver. Dans l’exemple du Christ, le combat est avec soi-même. Il n’est au détriment de personne d’autre. Je dois donc tout faire pour y arriver. Mais c’est vrai que pour gagner, il faut d’abord se battre. Et cela fait parfois mal, si mal. Cependant, si l’être aimé sort victorieux de cette lutte avec lui-même, il n’aura pas gagné une médaille ; il se sera gagné. Il deviendra un peu plus luimême. Si c’est cela que nous pouvons espérer, cela ne vaut-il pas vraiment pas la peine d’aller lui parler seul à seul pour le gagner ?



Salut

Devenir qui je suis Présentation du Seigneur (Lc 2, 22-40)

Il y a quelques jours, j’ai fait un rêve, un superbe rêve. Un de ces rêves que vous n’êtes pas près d’oublier lorsqu’il vous arrive de le rêver. Oh, ce rêve était tout simple et tellement merveilleux. J’ai rêvé que je devenais qui je suis. Oui, aussi étonnant que cela puisse vous paraître, j’ai rêvé que je devenais qui je suis. Rêve difficile à atteindre, car il y a tant d’encombrements et de traverses sur le chemin qui me conduit à mon être. Devenir qui je suis mais n’est-ce pas le rêve de tout être humain ici sur terre, comme l’avait été celui du Christ malgré l’annonce de Syméon. Toutes et tous nous avons des désirs de cette sorte. Mais il n’est pas aisé de nous les avouer surtout dans notre société où nous avons appris à conjuguer le verbe avoir plutôt que celui d’être. Les messages des médias sont assez clairs et vont en ce sens, si vous voulez être heureux, il faut que vous ayez ceci ou cela et votre bonheur sera comblé. Avoir, avoir, toujours avoir jusqu’à ne plus pouvoir se passer de posséder, comme si l’épanouissement de ma vie dépendait à ce point de ce que j’ai. Hélas pour nous mais les bonheurs de l’avoir sont toujours éphémères et nous en voulons toujours plus. Et si, au lieu d’avoir, nous essayions plutôt d’être. Verbe difficile à conjuguer et à vivre tant il nous engage sur le chemin de nos vies. Pour pouvoir être, il faut oser arrêter la course folle dans laquelle nous nous sommes inscrits. S’arrêter pour prendre le temps de savoir qui nous sou-


170

PROMESSES DE BONHEUR

haitons « être » dans notre for intérieur, là où se vit la rencontre entre le divin et l’humain. Devenir qui je suis, voilà ce que Jésus nous propose. Et ça, cela ne dépend que de moi, avec l’aide des autres et du Tout Autre bien entendu mais la décision initiale m’appartient. Mais pour oser devenir qui je suis je dois moi aussi me désencombrer, me « désaveugler » de tout ce qui m’empêche d’atteindre un tel objectif. Toutes et tous nous sommes appelés à être filles et fils de lumière. Notre destinée s’épanouit dans la réalisation, le bonheur. Comment y arriver ? Certains prétendent qu’il y a trop de choses sur terre qui tuent le bonheur : la cigarette, l’alcool, la télé, l’ordinateur, les jeux, la voiture, le chocolat. Un peu comme si ces choses étaient mauvaises par essence, en elles-mêmes. Je ne le crois pas. Ce qui nous aveugle et nous empêche de devenir c’est l’utilisation excessive de chacun de ces exemples et la liste n’était évidemment pas exhaustive. L’excès en toute chose nous éblouit au point qu’il nous empêche d’avancer. Il n’y a pas lieu de tout supprimer mais de mieux équilibrer pour que l’excès ne soit jamais la conduite de nos vies. Dans cette quête, dans cette conquête de soi, dans ce désaveuglement, il y a lieu de prendre conscience qu’il n’y a pas que les choses qui nous encombrent mais parfois aussi les personnes. Nous sommes parfois trop conscients de ce que l’autre va penser, de ce qu’il ou elle risque d’être déçu par nos choix et nos comportements et nous nous enfermons dans une spirale du non-être. Que résonne en nous, cette certitude que Dieu ne s’occupe pas des apparences mais de ce qui se vit au fond de notre cœur. L’autre m’a été donné pour grandir et devenir et non pas pour reculer et diminuer. Aveugles, nous le sommes un peu tous sur le chemin du devenir de notre être. Une lumière nous a un jour été offerte, à


SALUT

171

nous de la suivre si nous le souhaitons. Nous avons reçu la Loi, les Prophètes et Dieu qui s’est fait l’un de nous. Puissions-nous au travers de ce qui nous a été donné ouvrir les yeux de notre cœur pour devenir ceux que nous sommes appelés à être.

La logique divine du salut 25e dimanche ordinaire (Mt 20, 1-16a)

Un soir, réunis pour le simple plaisir d’être ensemble, ces trois amis décidèrent de partager une même expérience de vie. Le premier d’entre eux avait passé une dizaine de jours sur l’Antarctique, un désert de glace, une mer figée d’une beauté rare, pour reprendre ses mots. De la blancheur à perte de vue, se plaisaitil à dire. Le deuxième, quant à lui, avait été frappé par cette semaine passée au cœur d’un désert de sable. Il suffisait d’une rafale de vent pour effacer les traces de ses pas enfouis dans le sol. Des kilomètres de grains de sable, des dunes dont le mouvement ressemblait à des vagues, le tout baigné dans un grand sentiment de paix intérieure. Quant au troisième, il revenait d’avoir été marcher sur les plaines d’un désert de rocailles et de poussières. Çà et là, il y avait quelques arbres qui souvent semblaient sans vie. Il avait marché, marché au gré de sa boussole. En se racontant leurs récits respectifs, ces trois amis découvrirent que leurs déserts avaient un point commun : aucun n’avait de route toute tracée. Ils se rappelaient simplement les impressionnantes étendues de sable, de rocailles ou encore de glace mais ni sentiers, ni chemins. N’est-ce d’ailleurs pas une des caractéristiques de nombreux déserts ? En nous, tout comme dans les déserts, il n’y a pas de route toute tracée comme si nous étions obligés de suivre un seul et


172

PROMESSES DE BONHEUR

unique chemin. Nous avons tous nos routes intérieures, tout comme le Maître a une logique qui dépasse parfois notre entendement. Nos routes sont sinueuses de nos blessures, voire tortueuses de nos maladresses, parfois parsemées des nids-de-poule de nos hésitations, sans doute glissantes de nos trébuchements, de temps à autre endurcies par nos entêtements. D’autres ont été usées par le cours de la vie ou blessées par les souffrances endurées de la maladie. D’autres encore sont comme des boulevards de bonheur parsemés de douceur et de tendresse, d’avenues bordées d’empathie et de compassion. Nombreuses et différentes sont donc nos routes intérieures. Aucune carte ne peut les décrire avec précision, aucun GPS ne peut nous guider. Elles sont inscrites, gravées dans le désert de nos existences. Il n’y a pas de chemin tout tracé, mais plutôt une voix à entendre et à suivre. Cette voix-là est également unique et nous l’empruntons à partir de ce que nous sommes, c’est-à-dire avec nos forces et nos fragilités, nos souffrances et nos maux, nos joies et nos amours. La voix de Dieu s’adresse personnellement à nous aujourd’hui encore. Si l’essence du message est bien évidemment le même, la manière dont il est délivré tient compte de notre réalité et de l’âge de nos vies. Dieu ne nous demande pas l’impossible. Il n’exige jamais que nous allions au-delà de nos propres forces. Nous aimant tels que nous sommes, il nous invite au cœur de notre désert intérieur à suivre sa voix. Il est le chemin, la vérité et la vie. En fait, la voie divine par excellence. Il suffit de mettre nos pas dans ses propres traces. Il est à nos côtés et nous accompagne dans la manière dont nous nous regardons, dans les gestes que nous offrons, dans les mots que nous échangeons lorsque tous ceux-ci trouvent leur source dans l’amour. Dieu est avec nous et il nous presse de nous mettre ou remettre debout au plus intime de nous-mêmes pour partir à sa


SALUT

173

rencontre et découvrir que la seule et unique voie de vie est celle de son Fils. Avec Lui, nous ne marchons pas à l’aveuglette. En effet, Dieu le Fils nous accompagne comme s’il nous tenait par la taille et nous conduit, si nous acceptons librement de nous laisser guider, vers une destination de rêve : notre salut. Une voix crie en nous pour que nous partions vers l’accomplissement de notre destinée, celle qui se réalise lorsque nous écrivons notre vie avec l’encre divine, une encre lumineuse et indélébile. Une encre d’éternité. La voie du salut offert n’est pas l’apanage de quelques privilégiés. Tout ouvrier est invité et ce, quelle que soit l’heure à laquelle le Maître l’appelle. Ce salut nous est offert. Il n’est pas une promesse qui se vivra plus tard. Le salut divin se vit et se concrétise dès à présent dans l’aujourd’hui de nos vies. Il est ce don merveilleux qui nous permet de ne pas passer à côté de nos existences. Le salut offert à chacun d’entre nous est ce chemin intérieur que nous seuls pouvons tracer avec l’aide de l’Esprit Saint à l’œuvre en notre monde pour participer à la construction du Royaume de Dieu où seul l’amour régnera.

Le salut 4e dimanche de Pâques (Jn 10, 1-10)

En ce dimanche des vocations, me revient à l’esprit l’histoire suivante : un jour, saint Vincent de Paul reçut une lettre d’une responsable de formation, celle-ci dit au saint : « Cher père, nous avons actuellement chez nous deux novices. La première est très pieuse, elle passe son temps à prier à la chapelle, mais son regard est tellement mélancolique, elle semble si triste. La deuxième est une “indomptable”, mais dont la joie se lit sur le visage, elle est toujours de bonne humeur. Que dois-je faire ? » demanda la


174

PROMESSES DE BONHEUR

sœur ? La réponse du saint fut cinglante : « Débarrassez-vous de la mélancolique et gardez l’indomptable. » Voilà de quoi remettre un peu les pendules à l’heure. Tout comme les textes de ce jour d’ailleurs puisque tous trois nous parlent de « salut ». Salut ? Être sauvé ? Mais qu’est-ce à dire ? La réponse se trouve dans l’évangile. Être sauvé, c’est tout simplement avoir la vie en abondance. Voilà le sens premier, le sens principal du salut tel que le Christ nous propose de le vivre. Vivre sa vie en abondance, aller jusqu’au bout de soi-même, c’est-à-dire s’accomplir, se réaliser. Nous pourrions même dire s’épanouir. En fait, tout simplement, être heureux. Voilà le sens du salut, cette abondance de vie à laquelle nous sommes tous appelés. Jésus, Fils de Dieu, s’est incarné d’abord et avant tout pour nous montrer un chemin précis d’humanité, une porte par laquelle passer. Même s’il n’y avait pas eu le péché, Dieu se serait incarné. Il n’a pas eu besoin de nos manquements d’amour pour venir vivre notre vie d’homme. Dieu attend donc bien de nous que nous allions jusqu’au bout de nous-mêmes. En effet, nous sommes par définition des êtres inachevés, vivant dans un monde inachevé. Nous sommes toujours en quête d’un plus-être, d’un mieux vivre. Un peu comme si nous avions en nous cette certitude que nous ne sommes jamais pleinement arrivés. Pour se réaliser, pour être sauvé, il faut prendre le temps de s’arrêter, prendre le temps de vivre. Je crois même pouvoir affirmer qu’il faut attendre pour pleinement s’atteindre. Notre vocation d’hommes et de femmes, en tant qu’êtres humains, est donc de ne jamais nous arrêter dans notre quête incessante de l’épanouissement. Voilà le sens premier du salut. L’expérience de nos vies, nous montre, nous démontre que ce n’est pas quelque chose de facile. Que de fois, nous trébuchons sur le chemin de nos vies, nous nous égarons dans les méandres tortueux de nos pensées. Nous devons alors,


SALUT

175

aussi être sauvé de tout ce qui nous empêche de devenir nousmêmes. Et voilà le second sens du salut. Hélas pour nous, mais au cours des siècles, ce second sens est devenu premier quitte même à en oublier le salut d’accomplissement au profit du salut des péchés. Jésus est également mort pour nos péchés, nos manques d’amour. Trop de choses encombrent nos routes pour être ce que nous sommes appelés, par vocation humaine, à être. Mais en quoi Jésus est-il mort pour nos péchés, puisque nos livres d’histoires, mais également nos journaux, nous rappellent chaque jour des actes de violence, de mépris, d’absence de tendresse et d’amour. En quoi Jésus nous sauve-t-il donc ? Venant du pays de la bande dessinée, permettez-moi d’illustrer ce deuxième sens du salut par ce que j’oserais appeler une parabole moderne. Il était une fois un homme qui mourut. Il arriva au ciel dans une immense salle de cinéma. Très confortable, d’ailleurs. Il était là. Seul. Terriblement seul, avec tous ces fauteuils vides. Et voilà que, tout à coup, de par derrière l’écran, arrive un ange qui lui souhaite la bienvenue et lui fait savoir qu’il va assister à la projection du film de sa vie. C’est-à-dire que tout ce qu’il a dit, fait, voire même pensé, va apparaître à l’écran. Vous imaginez bien qu’au terme de la projection, notre homme est tout à fait effondré dans son fauteuil et heureux de voir apparaître le mot « fin ». Et voilà que, toujours par derrière l’écran, notre ange revient pour lui dire : « Nous espérons que tu as apprécié la projection. Tu t’es sans doute demandé pourquoi il y avait autant de fauteuils dans cette salle alors que tu es tout seul. Eh bien voilà ! nous allons projeter à nouveau le film de ta vie, mais cette fois, tous ceux qui sont acteurs dans ton film vont venir te rejoindre dans la salle. » Vous imaginez l’horreur ! Eh bien, de manière imagée, c’est cela, le deuxième sens du salut. Dieu le Fils


176

PROMESSES DE BONHEUR

nous sauve de cette deuxième projection. Par sa mort, elle n’aura jamais lieu. Et le Christ vient nous retrouver dans l’intime de notre être par les mots de saint Jean. Oui, j’ai pris sur moi le poids de vos manquements ; oui, je continue à prendre sur moi, comme si je vivais un vendredi saint éternel, tout ce qui vous encombre, tout ce qui vous empêche de devenir ce à quoi vous êtes appelés, c’està-dire vous-mêmes. Tout cela est bien vrai, mais c’est second, car dans le cœur de Dieu, dans la venue de son Fils parmi nous, le salut, c’est tout simplement, tout tendrement, recevoir la vie, mais la recevoir en abondance. Que jamais, ô combien jamais, nous ne gaspillions un tel cadeau. Il vient du ciel. Et cette vie en abondance nous ne la recevons qu’une seule fois. Ne passons pas à côté, nous convie Jésus.

La promesse du bonheur au présent 4e dimanche ordinaire (Mt 5, 1-12)

À quelques kilomètres de chez moi, en pleine campagne, se trouve une délicieuse chocolaterie artisanale. J’aimerais personnellement pouvoir y passer de temps en temps mais mes finances ne me le permettent pas. Alors je me mets à rêver d’une de leurs pralines : ma préférée. Lorsque vous la croquez vous vous émerveillez de cette mousse au chocolat tendrement posée sur une fine tranche de massepain et surplombée d’une petite noisette, le tout enrobé de chocolat fondant. Je répète : une mousse au chocolat tendrement posée sur une fine tranche de massepain et surplombée d’une petite noisette, le tout enrobé de chocolat fondant. Le bonheur ! Le vrai bonheur. Une béatitude vécue ici et maintenant.


SALUT

177

Mais en est-il vraiment ainsi ? Est-ce véritablement le vrai bonheur ? Celui que nous espérons tous. Hélas, je ne le crois pas. Et tant pis pour ma pauvre praline. Le bonheur auquel nous sommes conviés est un bonheur éternel, ou dit autrement, un bonheur qui perdure à jamais dans le temps. Ce qui n’est pas le cas de ma praline. Quand j’y goûte, peu de temps après, j’en désire une seconde, puis une troisième et comme elles sont si délicieuses, j’en mangerais à l’infini. Le bonheur de ma praline se doit de se répéter pour subsister. Ma praline n’est plus signe de bonheur par excellence, elle reste, en tout cas à mes yeux, étincelle de bonheur, préfigurant une dimension du bonheur, celle d’une plénitude acquise pour toujours. Mais pour cela, il faut laisser le temps au temps. Si la mort est l’entrée dans un état de bonheur, il n’en est pas de même de notre vie. Nous n’avons pas encore atteint cet état. En tout cas pas de manière permanente. Mais pour vivre un jour cette promesse, le Christ, par ses béatitudes, renversant de la sorte les dix commandements, non pas en les abolissant mais en les inscrivant dans le cœur de chacun, nous convie à entrer dans un chemin précis, celui de la dynamique du bonheur. Quel plus beau projet de vie, aurions-nous pu espérer ? Voilà donc que s’inscrivent en nous, non plus des Tables de la loi, mais des béatitudes c’est-à-dire des souhaits manifestant le dessein de Dieu pour son humanité. Dieu nous convie à être heureux. Un peu comme si l’accomplissement de notre bonheur était son propre bonheur. Un bonheur qui ne se vit pas seul, mais qui se partage, s’offre dans la rencontre avec l’autre pour mieux être signe du Tout Autre. Le bonheur des béatitudes est bien une dynamique du bonheur que nous retrouvons dans notre texte où nous passons presque constamment du présent au futur. Heureux sommes-nous ici et maintenant si nous vivons d’une certaine manière, le bonheur nous est pro-


178

PROMESSES DE BONHEUR

mis dans le futur. Promesse ultime de Dieu nous conviant à écrire personnellement notre histoire. Écrire sa vie est essentiel. Chacun de nous a besoin de laisser une trace, une marque de notre passage, écrit Martin Gray. La vie nous a été donnée. Nous n’avons rien demandé. Chacun nous sommes invités à la réussir, à lui donner vie, à construire un projet pour que jamais nous ne regrettions d’être passé à côté de celle-ci. Je crois personnellement qu’il n’y a rien de pire pour une personne que de passer à côté de sa vie. C’est pourquoi il est tellement important de prendre sa plume et de se mettre à écrire sa propre vie. L’homme est né pour s’élever au-dessus de lui-même pour être lui-même, écrivit un jour Bernard de Clairvaux. La vie humaine apparaît donc bien comme un beau risque à réaliser, une aventure d’une destinée que nous nous donnons à nous-mêmes. C’est à nous de faire de notre vie une histoire qui dit oui à l’existence et que nous allons conduire et prendre par la main pour lui donner sens et forme à chaque instant. Toutes et tous, à l’image des béatitudes, nous nous déclinons au futur de ce que nous avons reçu. Notre vie est vie lorsque nous la jouons, c’est-à-dire lorsqu’elle devient une histoire, celle que j’écris moi-même. Comme si être, c’est s’écrire. S’il en est ainsi, quel bonheur avons-nous de faire de nos vies une écriture, celleci à son tour s’inscrivant dans les Écritures. Oui, heureux sommesnous de recevoir et méditer ses béatitudes, car elles nous offrent ce chemin où je choisis de faire de la vie, l’écriture de ma destinée, avec les autres et fondée sur le Tout Autre. C’est de la sorte qu’au cœur de ma vie je creuse mon sillon.


SALUT

179

Un trésor à dilapider 22e dimanche ordinaire (Mt 16, 21-27)

Mozart écrivit un jour à son père les mots suivants : « Nous n’avons pas besoin d’épouser une femme riche pour le devenir nous-mêmes, car cette richesse-là, elle est éphémère. Elle reste sur terre. Nous ne l’emportons pas avec nous. Quant à nous, père, notre richesse, elle est dans notre tête. » La richesse dont parle Mozart est éternelle et aujourd’hui encore nous pouvons nous réjouir de pouvoir entendre ses œuvres jouées un peu partout dans le monde. Si la richesse de cet enfant prodige de Salzbourg se situait au niveau de la tête, notre richesse, dans la foi, se situe au niveau de notre cœur. Dieu le Père, par son Fils et dans l’Esprit, a choisi d’élire sa résidence en cet endroit précis. Le cœur, lieu de nos sentiments, de nos émotions, est devenu par excellence l’habitation de Dieu sur notre terre. Il vit en chacun de nous. Nous sommes sa propre résidence. Et lorsque Dieu a choisi d’emménager en nous, il n’est pas venu les mains vides. Il avait apporté ses propres caisses et cartons. Ils contiennent une bonne dose de tendresse, des regards d’amour, des gestes tout en douceur, des mains tendues à la fragilité, des paroles où les mots ne riment qu’avec l’amitié divine. En chacun de nous, par le biais de l’Incarnation, Dieu a déposé un énorme trésor. Non pas un trésor humain, c’est-à-dire un trésor à amasser puis à cacher, tellement nous aurions peur de nous le faire voler. La logique de Dieu va bien au-delà de la nôtre. Le trésor divin de la foi ne s’accroît qu’en se donnant. Plus nous le dilapiderons, plus il deviendra important. Voilà ce à quoi, tous nous sommes appelés. Donner ce que nous avons reçu. La foi ne se contente pas de se laisser enfermer en nous


180

PROMESSES DE BONHEUR

pour devenir une manne secrète à laquelle nous seuls aurions accès. Non, la foi est un trésor reçu. Il sommeille en chacun de nous et n’attend qu’une seule chose : que nous le réveillions. Ce trésor brille de sa lumière éclatante chaque fois qu’il s’offre aux autres et au Tout Autre. Tel est le sens du salut dont le Christ nous parle dans l’évangile. Ce salut ne se réalisera que si nous acceptons de vivre notre vie pleinement, passionnément, intensément. Donc, une vie passionnante, une vie trépidante, une vie où chaque seconde est toujours bien dépensée puisque le temps passé est dépassé à jamais. Toutes et tous, en Dieu, nous sommes conviés à vivre ce type de vie. Tel est le sens premier du salut même si nous l’avons parfois un peu oublié. Une vie passionnante ou trépidante ne signifie pas une vie vécue dans la grandeur, dans l’extraordinaire. Non ! la vie que le Christ nous propose de vivre est une vie où nous profitons de chaque seconde qui nous est donnée pour dilapider ce trésor intarissable qui se trouve au plus profond de nous-même. Vivre la vie avec le regard de Dieu, vivre sa vie avec les yeux de Dieu. Et voilà que celle-ci devient autre. Je ne vis pas que pour moi. Je ne me réalise que dans toutes ces relations qui me façonnent et m’entourent. Je prends conscience à quel point j’ai besoin des autres et qu’ils ont besoin de moi, puisque je suis également une parcelle de divinité sur cette terre. Par mes actes, mes gestes, mes paroles, mes regards inspirés par l’Esprit Saint, je permets à Dieu d’œuvrer en notre monde. Nous sommes non seulement images de Dieu mais mains de Dieu, yeux de Dieu sur terre. Dieu passe par chacun de nous pour être à l’œuvre en notre monde. Dieu a besoin de nous. Le Salut de sa création passe dès lors également par nous. Nous ne pouvons nous sauver qu’en dépensant, dilapidant ce que nous avons reçu. Plus nous dépenserons, plus nous recevrons à dépenser. C’est une histoire sans fin et c’est normal


SALUT

181

puisqu’il s’agit de l’éternité, notre éternité. Celle qui a commencé par l’événement de la Croix, de la mort et de la résurrection du Fils. En ce sens, perdre sa vie, c’est la gagner. La logique divine est tellement éloignée de la nôtre. C’est en dépensant le trésor reçu que je gagnerai ma vie, que je la sauverai. C’est en dépensant le trésor reçu que je permettrai à d’autres de gagner leur vie, de la sauver. S’il en est ainsi, redescendons au plus profond de nous, partons à la recherche de cette croix intérieure plantée là où se nouent en nous notre humanité et notre divinité. La croix du Christ est une croix glorieuse, une croix de résurrection, une croix de salut. Elle nous conduit à l’espérance, à la promesse d’un bonheur sans fin auprès de Dieu. Et pour ce faire, c’est tout simple. Il suffit de dépenser ce trésor de la foi en nous. Ne perdons plus de temps. Chaque seconde participe à notre salut. Offrons, partageons, vivons. Tel semble être le désir de Dieu pour son humanité. Il veut notre bonheur. Un bonheur qui s’enracine et se réalise en Lui par tous les actes et les paroles de tendresse que nous nous offrons les uns aux autres.



Vérité

Dévoileurs de vérité 3e dimanche de l’Avent (Mt 11, 2-11)

Depuis quelques semaines déjà, elle avait tellement besoin de lui dire la vérité. Ne pouvant plus la lui cacher, une après-midi, de désespoir, elle lui avoua ce qui s’était passé. Dans les larmes. Tout simplement. Ses mots avaient complètement anéanti celui qui l’écoutait. Il ne s’attendait pas à cela. Il n’avait jamais cru que l’être qu’il aimait depuis si longtemps avait pu lui faire une chose pareille. Les yeux emplis de larmes également, il lui écrivit ces quelques mots : « Grâce à toi, j’avais découvert que moi aussi je pouvais aimer et être aimé pour qui j’étais, sans être jugé. Je pleure aujourd’hui tout ce que j’ai perdu. Je pleure d’avoir été trahi de la sorte par l’être que j’ai le plus aimé dans ma vie. Jamais un instant je n’aurais pu imaginer que ce serait toi l’auteur de ma destruction. Mon amour, ma vie, tu m’as assassiné en me trahissant de la sorte. Il y a en moi une ouverture béante, un gouffre de souffrances. Je suis actuellement assis sur les ruines de ma vie. J’ai tout perdu : la confiance, la foi en l’amour. Je suis par terre, écrasé par la douleur. Je n’ai rien vu venir alors que je te faisais une confiance totale. Et je me dis et me redis : pas toi, mon amour, ma vie, pas toi ! Pourquoi m’as-tu brisé de la sorte ? Je t’avais tout donné. Et toi, tu m’as menti, tu m’as trahi. Tu m’as assassiné. Était-il nécessaire de voler mon âme pour la détruire ? Si tu savais combien je souffre. Dieu sait comme je t’ai aimée et je t’aime. Je ne comprends pas. Je ne crois pas que tu aurais pu me faire plus mal que


184

PROMESSES DE BONHEUR

ce qui vient de se passer. Il est venu pour moi le temps de fermer le livre de la Vie. Je te demande pardon. Pardon de t’avoir rencontrée. Pardon de t’avoir aimée. Pardon d’avoir existé. » En entendant l’extrait de cette lettre, je me suis demandé si toute vérité est toujours bonne à dire. L’expression de la vérité peut parfois conduire à vivre l’expérience d’une telle souffrance morale, qu’il est bon de se poser cette question. Toutefois, souligne Marie de Hennezel dans son livre Mourir les yeux ouverts, il ne s’agit pas tant de « dire la vérité » que d’« être vrai ». On voit alors combien la question de la vérité est une question qui doit se résoudre au sein d’une relation de confiance lorsque l’amour ou l’amitié sont le ciment de la rencontre entre deux êtres. Une confiance à retrouver lorsque celle-ci a été bafouée par l’être aimé et cela peut prendre du temps. Le temps qu’il faudra pour se reconstruire et faire à nouveau le pari d’une confiance retrouvée. Au fil des années, par les petites trahisons, l’être humain n’a plus confiance, il apprend à faire confiance, car cette dernière se donne à vivre. Malgré la douleur vécue, conscients qu’une relation ne peut exister sans la confiance, nous pouvons la retrouver en l’autre en reconnaissant qu’il a cherché à être vrai et qu’il s’engage à toujours l’être. En ce sens, « être vrai » permet à quelqu’un de dire ce qu’il vit afin de partager avec lui ce qu’il sait, même si c’est douloureux. De cette manière, nous découvrons que la vérité ne consiste pas toujours à « dire la vérité » mais à laisser l’autre venir à sa vérité, à permettre à l’autre de retrouver sa seule et unique manière d’être vrai. Heureusement, dans la foi, sur ce chemin de vie, nous ne sommes pas seuls. L’Esprit de Dieu, l’Esprit de Vérité nous accompagne. Et comme le dit saint Jean dans son évangile : « Si vous demeurez dans ma parole, vous serez vraiment mes disciples, vous connaîtrez alors la vérité et la vérité fera de vous des


VÉRITÉ

185

êtres libres. » L’Esprit de Vérité inspire chacun d’entre nous pour que nous puissions « être vrais ». Étant vrais, nous pouvons alors faire l’expérience de cette liberté divine à laquelle nous sommes conviés. Cette inspiration divine dans l’Esprit vaut pour nous mais aussi pour les autres. L’Esprit de Dieu, l’Esprit de Vérité passe par nous également pour permettre à ceux qui croisent notre chemin de devenir des êtres vrais. D’une certaine manière, dans l’Esprit, tout comme Jean Baptiste a révélé la vérité du Fils de Dieu, nous pouvons être des « dévoileurs » de vérité pour les autres. Nos actes, nos paroles, nos gestes, notre vie tout entière peuvent être porteurs de vérité pour les autres et ce, sans que nous nous en rendions compte. « Dévoileurs » de vérité, telle est notre vocation humaine et divine. Un peu comme si Dieu attendait de chacun de nous, là où nous sommes, que nous fassions éclore la vérité, cette vérité qui nous rend libre, car nous savons que c’est par elle que nous pourrons vivre des commandements du Fils qui ne se réalisent que dans l’amour du Père. Chercheurs de vérité, semeurs de vérité, « dévoileurs » de vérité, « accomplisseurs » de vérité : différentes voies pour permettre à tout être humain d’être vrai, de le laisser venir à sa vérité. S’il en est vraiment ainsi que l’Esprit de Dieu inspire chacun de nous à chaque instant de nos vies pour que nous soyons toujours des « êtres vrais ».

Semeurs de vérité 29e dimanche ordinaire (Mt 22, 15-21)

Berceuse assassine, une bande dessinée en trois tomes, écrite et dessinée par Tome et Ralph. Berceuse assassine, une bande dessinée qui nous confronte à la complexité de la vérité. Dans le pre-


186

PROMESSES DE BONHEUR

mier tome, nous découvrons un chauffeur de taxi, épris d’un sentiment de vouloir tuer son épouse qui lui rend la vie impossible. Lorsque nous refermons ce premier volume, sans pour autant nous rendre complice de son désir, nous pouvons comprendre ses ressentiments et nous serions peut-être même prêts à l’excuser. Dans le second volume, les auteurs nous présentent la même histoire mais cette fois racontée par l’épouse. Elle a sa propre version des faits. Des détails importants avaient été sciemment omis par le chauffeur de taxi. En refermant ce second tome, nous prenons conscience que la vérité n’était pas l’apanage du seul mari. Il ne mentait pas pour autant mais il racontait sa version de la vérité. Page après page, dans le troisième tome, nous pouvons être frappés par un ensemble de détails essentiels qui étaient déjà présents dans les deux premiers mais que nous n’avions pas vus tellement nous étions pris par l’intrigue. Par l’image et par le texte, Berceuse assassine démontre à quel point la vérité est un mystère qui se laisse difficilement approcher. Comme croyants, nous sommes des êtres en recherche constante de la vérité. Lors de l’événement de la Pentecôte, l’Esprit de vérité nous a été envoyé. C’est sans doute pour cela que beaucoup d’entre nous n’aimons pas les affirmations certaines qui nous semblent souvent signes d’une prétention et parfois aussi d’un manque d’intelligence. Les certitudes sont ennuyeuses ou encore, elles ne sont que la réponse à des questions sans intérêt, c’est-à-dire ces questions qui ne participent pas à l’édification de l’être humain et à la construction d’un monde plus juste. Nous sommes conviés à remettre les certitudes, voire les questions, en question pour pouvoir mieux les appréhender. Nous cherchons, car nous aimons comprendre par nous-mêmes. Cela exige de chacun de reconnaître qu’en fait, il ne sait pas grandchose même s’il a passé beaucoup d’années à étudier. En effet, la


VÉRITÉ

187

vérité s’approche avec humilité. Un peu comme si ces deux vertus se donnaient constamment la main. Vérité et humilité ne font plus qu’un en nous. Tout simplement parce que, pour nous, croyants, la vérité s’enracine et se réalise d’abord et avant tout en Dieu. Elle nous rend alors pleinement libres de poursuivre notre route humaine. La vérité est cette visée à laquelle nous tendons lorsque nous sommes en recherche de Dieu. Nous espérons et nous croyons tout en avançant à tâtons. Toutefois, la vérité ne peut uniquement s’enraciner dans notre raison. En effet, c’est également dans l’amour que la vérité se recherche, car l’amour nous donne l’occasion d’être plus libre encore, car dans l’amour et l’amitié, nous avons le bonheur de ne pas craindre l’autre, de ne pas avoir peur de ses réactions puisque le ciment de cette relation s’épanouit dans la confiance. La richesse des questions qui se résolvent dans l’amour donne également à la vérité toute sa chaleur et toutes ses couleurs. En effet, il y a toute une part d’indicible dans cette quête incessante de tout être humain pour trouver en lui et en l’autre cette part divine qui ne demande qu’à être dévoilée. Ne soyons pas des chercheurs de vérité pour la vérité en elle-même. Devenons plutôt des chercheurs de vérité, car nous vivons avec cette espérance folle que Dieu a choisi de venir inhabiter chacune de ses créatures. Par l’Esprit Saint, nous sommes devenus Dieu à l’œuvre en notre monde. Que nous soyons couchés, assis ou debout, en pleine santé ou atteint par la malade, là où nous en sommes, dans la foi, nous continuons d’être des semeurs de vérité, des semeurs d’éternité et ce, par le simple fait de notre présence aux autres et au Tout Autre. S’il en est vraiment ainsi alors réjouissons-nous d’être ces acteurs divins au cœur de notre humanité et rendons grâce à chaque instant du bonheur que nous avons d’être ces êtres humains en quête constante de ce qui nous dépasse et nous


188

PROMESSES DE BONHEUR

transcende. Puissions-nous alors participer au détricotage des certitudes et au requestionnement des questions pour le bien du Royaume de Dieu. L’Esprit nous y convie à la suite du Christ qui est toujours vrai. Vivons une liberté inscrite en Dieu, une liberté non pas enfermée en nous-mêmes mais pour que, là où nous sommes, nous devenions de véritables témoins de cette foi qui habite au plus profond de nous.


Table des matières Préface de Timothy Radcliffe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5

AMOUR Chahuteurs d’amour, chahuteurs de tendresse . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 34e dimanche ordinaire (Mt 25, 31-46) Dans l’amour, la foi se comprend . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 2e dimanche de Pâques (Jn 20, 19-31) La famille . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12 La Sainte Famille (Mt 2, 13-23) Les regards . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15 2e dimanche ordinaire (Jn 1, 29-34) Qui est mon prochain ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17 30e dimanche ordinaire (Mt 22, 34-40) Serviteurs de l’Amour. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19 Jeudi saint (Jn 13, 1-15) Une relation ne se prête pas, ne se donne pas. . . . . . . . . . . . . . . . . . 22 32e dimanche ordinaire (Mt 25, 1-13) Une rencontre divine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24 21e dimanche ordinaire (Mt 16, 13-20)

DÉSIR « L’attente du désir » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27 1er dimanche de l’Avent (Mt 24, 37-44) Le temps du désir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29 5e dimanche de Carême (Jn 11, 1-45)

DIEU Belle-maman plutôt que belle-mère . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33 Ascension (Mt 28, 16-20) Dieu est à l’œuvre par nous . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36 6e dimanche de Pâques (Jn 14, 15-21)


190

PROMESSES DE BONHEUR

Dieu s’invite à l’improviste . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38 Assomption de la Vierge Marie (Lc 1, 39-56) Étonnés de Dieu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41 Nativité du Seigneur (messe de la nuit) (Lc 2, 1-14) Enfants par adoption . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43 3e dimanche de Carême (Jn 4, 5-42) Gourmet et gourmand de Dieu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45 18e dimanche ordinaire (Mt 14, 13-21) L’Esprit de Dieu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48 Pentecôte (Jn 20, 19-23) Le château de Dieu. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50 5e dimanche de Pâques (Jn 14, 1-12) Le choix de Dieu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53 Saints Pierre et Paul (Mt 16, 13-19) Le trésor de Dieu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55 17e dimanche ordinaire (Mt 13, 44-52) Mise au monde de Dieu et mise à Dieu de l’humain . . . . . . . . . . . . 57 Nativité du Seigneur (messe du jour) (Jn 1, 1-18) Nous sommes la bonne terre de Dieu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60 15e dimanche ordinaire (Mt 13, 1-23) Tu es précieux aux yeux de Dieu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62 12e dimanche ordinaire (Mt 10, 26-33) Un lieu de Dieu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64 31e dimanche ordinaire (Mt 23, 1-12) Une puissance de douceur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67 16e dimanche ordinaire (Mt 13, 24-43)

ÉTERNITÉ Des êtres résurrectionnels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69 Dimanche de Pâques (Jn 20, 1-9) Il faut le voir pour le croire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71 Commémoration de tous les fidèles défunts (Mc 15, 33-46) La dynamique trinitaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 74 Sainte Trinité (Jn 3, 16-18) La promesse de la vie éternelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 76 La Croix glorieuse (Jn 3, 13-17)


TABLE DES MATIÈRES

191

Le don continu de la vie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78 27e dimanche ordinaire (Mt 21, 33-43) Ni mortels, ni immortels mais éternels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81 Veillée pascale (Mt 28, 1-10) Tous appelés à l’éternité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 84 Mercredi des Cendres (Mt 6, 1-6.16-18)

ÉTHIQUE Des conseils aux questions. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 87 Transfiguration (Mt 17, 1-9) La bonne liberté . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 89 8e dimanche ordinaire (Mt 6, 24-34) L’accueil . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91 13e dimanche ordinaire (Mt 10, 37-42) L’activisme tue la vie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 94 28e dimanche ordinaire (Mt 22, 1-14) Le choix du « plus d’amour » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 96 14e dimanche ordinaire (Mt 11, 25-30) Le rejet des ragots. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 99 Sainte Marie, Mère de Dieu (Lc 2, 16-21) Les heureuses tentations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 101 1er dimanche de Carême (Mt 4, 1-11) Les oubliés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 104 3e dimanche ordinaire (Mt 4, 12-23) Les territoires de l’intimité. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 106 4e dimanche de l’Avent (Mt 1, 18-24) Les victimisés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 109 26e dimanche ordinaire (Mt 21, 28-32) Principes et valeurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 112 6e dimanche ordinaire (Mt 5, 17-37)

FOI Ciel de la Terre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 115 5e dimanche ordinaire (Mt 5, 13-16) Des diffuseurs de joie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 117 9e dimanche ordinaire (Mt 7, 21-27) L’habit de la foi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 119 Toussaint (Mt 5, 1-12a)


192

PROMESSES DE BONHEUR

La contagion de la foi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 121 Baptême du Seigneur (Mt 3, 13-17) La foi des tout-petits . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 123 20e dimanche ordinaire (Mt 15, 21-28) La légende du mage belge . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 126 Épiphanie (Mt 2, 1-12) La prière . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 128 7e dimanche ordinaire (Mt 5, 38-48) Les étonnements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 131 Nativité de saint Jean Baptiste (Lc 1, 57-66.80) Les souvenirs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 133 3e dimanche de Pâques (Lc 24, 13-35) Notre berger : le pain et le vin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 136 11e dimanche ordinaire (Mt 9, 36 – 10, 8) Ouranopolites et théographes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 138 7e dimanche de Pâques (Jn 17, 1b-11a) Participer à la construction du monde . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 140 2e dimanche de l’Avent (Mt 3, 1-12) Se reconnaître pour se connaître . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 143 Saint-Sacrement (Jn 6, 51-58)

PEUR Je me quitte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 147 2e dimanche de Carême (Mt 17, 1-9) Les peurs. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 149 33e dimanche ordinaire (Mt 25, 14-30)

RÉCONCILIATION Être désaveuglé ! . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 153 4e dimanche de Carême (Jn 9, 1-41) La miséricorde . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 156 10e dimanche ordinaire (Mt 9, 9-13) Le désencombrement du cœur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 158 Dédicace de la basilique du Latran (Jn 2, 13-22) Le fruit de la miséricorde . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 160 24e dimanche ordinaire (Mt 18, 2-35) Nos foules intérieures. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 163 19e dimanche ordinaire (Mt 14, 22-33)


TABLE DES MATIÈRES

193

Seul à seul pour se gagner . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 165 23e dimanche ordinaire (Mt 18, 15-20)

SALUT Devenir qui je suis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 169 Présentation du Seigneur (Lc 2, 22-40) La logique divine du salut . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 171 25e dimanche ordinaire (Mt 20, 1-16a) Le salut . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 173 4e dimanche de Pâques (Jn 10, 1-10) La promesse du bonheur au présent . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 176 4e dimanche ordinaire (Mt 5, 1-12) Un trésor à dilapider . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 179 22e dimanche ordinaire (Mt 16, 21-27)

VÉRITÉ Dévoileurs de vérité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 183 3e dimanche de l’Avent (Mt 11, 2-11) Semeurs de vérité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 185 29e dimanche ordinaire (Mt 22, 15-21)

Table des matières . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 189 Table des dimanches . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 195



Table des dimanches 1er dimanche de l’Avent . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27 2e dimanche de l’Avent . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 140 3e dimanche de l’Avent . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 183 4e dimanche de l’Avent . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 106 Nativité du Seigneur (messe de la nuit) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41 Nativité du Seigneur (messe du jour) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57 La Sainte Famille . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12 Sainte Marie, Mère de Dieu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 99 Épiphanie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 126 Baptême du Seigneur. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 121 2e dimanche ordinaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15 3e dimanche ordinaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 104 Présentation du Seigneur. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 169 4e dimanche ordinaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 176 5e dimanche ordinaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 115 6e dimanche ordinaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 112 7e dimanche ordinaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 128 8e dimanche ordinaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 89 Mercredi des Cendres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 84 1er dimanche de Carême . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 101 2e dimanche de Carême . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 147 3e dimanche de Carême . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43 4e dimanche de Carême . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 153 5e dimanche de Carême . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29 [Dimanche des Rameaux et de la Passion (pas d’homélie)] Jeudi saint . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19 Veillée pascale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81 Dimanche de Pâques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69 2e dimanche de Pâques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 3e dimanche de Pâques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 133 4e dimanche de Pâques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 173


196

PROMESSES DE BONHEUR

5e dimanche de Pâques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50 6e dimanche de Pâques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36 Ascension. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33 7e dimanche de Pâques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 138 Pentecôte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48 Sainte Trinité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 74 Saint-Sacrement. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 143 9e dimanche ordinaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 117 10e dimanche ordinaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 156 11e dimanche ordinaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 136 12e dimanche ordinaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62 Nativité de saint Jean Baptiste. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 131 Saints Pierre et Paul . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53 13e dimanche ordinaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91 14e dimanche ordinaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 96 15e dimanche ordinaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60 16e dimanche ordinaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67 17e dimanche ordinaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55 18e dimanche ordinaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45 Transfiguration . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 87 19e dimanche ordinaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 163 Assomption de la Vierge Marie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38 20e dimanche ordinaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 123 21e dimanche ordinaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24 22e dimanche ordinaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 179 23e dimanche ordinaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 165 La Croix glorieuse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 76 24e dimanche ordinaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 160 25e dimanche ordinaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 171 26e dimanche ordinaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 109 27e dimanche ordinaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78 28e dimanche ordinaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 94 29e dimanche ordinaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 185 30e dimanche ordinaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17 Toussaint . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 119 Commémoration de tous les fidèles défunts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71 31e dimanche ordinaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64


TABLE DES DIMANCHES

197

32e dimanche ordinaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22 Dédicace de la basilique du Latran . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 158 33e dimanche ordinaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 149 Christ, Roi de l’univers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7




Promesses de bonheur Homélies pour l’année A

« À fréquenter continûment l’Évangile, on vérifie qu’on est invité

Philippe Cochinaux, dominicain, est licencié en droit (Louvain), licencié (Oxford) et docteur en théologie (Louvain). Depuis octobre 2002, il est le Vicaire général des dominicains de Belgique-Sud. À l’Université catholique de Louvain, il est chargé de cours invité à la Faculté de Psychologie. Il prêche également des retraites ainsi que des week-ends pour fiancés et pour couples. Il est l'auteur, aux mêmes éditions, de Chemins vers le bonheur (2005) et Fragments de bonheur (2006). ISBN belge : 978-2-87356-380-6

ISBN français : 978-2-7067-0529-8

Promesses de bonheur

(Timothy Radcliffe)

Promesses Couverture : Isabelle de Senilhes / © Photo : Tous droits réservés

en permanence à considérer le monde, les autres et soi-même d’une manière nouvelle. L’Évangile ne nous fournit pas une somme de données sur Dieu. C’est la nouveauté éternelle de Dieu qui nous saute à la figure. Ces homélies nous touchent tout simplement parce que Philippe Cochinaux est profondément véridique. Il manifeste que les hommes et les femmes sont appelés à devenir des ”dévoileurs de vérité”. […] Il ne prend pas de gants pour nous appeler à la responsabilité active devant les souffrances que nous rencontrons. Il se garde de nous dire ce qu’il nous revient de faire. Comme Jésus dans les Évangiles, il pose des questions et dit tout de go : “À toi de jouer !” À nous de décider ou pas d’empoigner la joie et la liberté que Dieu nous donne en cadeau. Lecteur, lis ce livre, tu vas y trouver le courage qu’il te faut. »

de bonheur

Homélies pour l’année A


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.