La vie en plénitude

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Marc Rotsaert Marc Rotsaert est né en 1942, en Belgique. Jésuite, il a été maître des novices de Flandres et des Pays-Bas, à deux reprises provincial de la Province belge septentrionale, et directeur du centre spirituel Godsheide. Depuis 2000, il est président de la Conférence des Provinciaux européens.

ISBN 978-2-87356-384-4 Prix TTC : 13,95 €

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Marc Rotsaert

« L’évangile de Jean nous introduit dans le monde caché de la foi, de l’amour et de la prière. Pourquoi s’étonnerait-on alors de ce que quelqu’un d’aussi familier de la tradition priante ignatienne, Marc Rotsaert, se tourne vers Jean pour apprendre à prier ? Ce livre n’est donc pas une introduction à la lecture et à l’intelligence de Jean, mais plutôt un vade-mecum qui permet d’apprendre à prier avec lui. » Le commentaire est simple, clair, concis, permettant à merveille de faire silence et de prier. De plus, il est passionnant de constater comment l’auteur révèle à chaque fois des détails nouveaux qui rendent en quelque sorte le récit tridimensionnel : le récit lui-même, son enracinement dans la Première Alliance et son aboutissement dans la vie de Jésus, surtout son mystère pascal. » On a beaucoup écrit sur Jean, mais des livres comme celui-ci, qui apprennent à prier avec Jean, ne sont pas nombreux. Quel qu’en soit d’ailleurs le nombre, ce type de livre répond à un véritable besoin » (cardinal Danneels, extrait de la préface).

La vie en plénitude Prier avec l’évangile de Jean

PRÉFACE DU CARDINAL DANNEELS

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Marc Rotsaert



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Marc Rotsaert

La vie en plĂŠnitude


Édition originale en flamand : © NV Uitgeverij Altiora Averbode, Mark Rotsaert, s.j., Leven in overvloed. Bidden met het Johannesevangelie, 2007. Édition en français : © Éditions Fidélité • 7, rue Blondeau • BE-5000 Namur • Belgique info@fidelite.be • www.fidelite.be Traduction : Jacques Weishaupt, s.j. ISBN : 978-2-87356-384-4 Dépôt légal : D/2007/4323/22 Maquette et mise en page : Jean-Marie Schwartz Imprimé en Belgique


Liminaire ean est un évangéliste très particulier. Il parle du même Jésus que les trois autres, mais d’une façon bien différente. Les autres évangélistes — Marc en particulier — font état de faits, souvent avec beaucoup de couleurs et de tension dramatique. Jean, quant à lui, recherche le sens caché derrière les faits. Il est l’évangéliste de l’intériorité. En effet, derrière chaque fait se trouve une réalité plus profonde : un sens caché. Il fait éclater la bogue et nous laisse goûter le fruit. Jean nous introduit au cœur de la foi, bien au-delà des faits, dans le monde caché de la foi, de l’amour et de la prière. Pourquoi s’étonner dès lors de ce que quelqu’un d’aussi familier de la tradition priante ignatienne, Marc Rotsaert, se tourne vers Jean pour nous apprendre à prier ? Ce livre n’est donc pas une introduction à la lecture et à l’intelligence de Jean, c’est bien plutôt un vade-mecum qui permet d’apprendre à prier avec lui. L’introduction en est une petite « pédagogie de la prière » : claire, progressive et menant au cœur de la prière chrétienne. L’auteur s’exprime à partir de sa riche expérience et de son grand désir d’en aider d’autres sur le chemin de la prière. Le choix des péricopes du quatrième évangile témoigne d’une connaissance éprouvée de la personnalité de Jean, de son projet et de son style. À chaque fois, le passage choisi permet de découvrir combien l’évangile de Jean repose tout entier sur un double niveau de sens. Il y a ce que l’on voit et entend, et il y a ce que l’on doit com-

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prendre. Derrière chaque récit s’en trouve un second : l’eau de la Samaritaine n’est pas l’eau du puits de Jacob, mais l’eau vive qui étanche la soif pour toujours. Le pain de la multiplication n’a pas grandi sur le champ, il est Pain du ciel. La lumière dans les yeux de l’aveugle-né ne vient pas du soleil, mais de Jésus lui-même. Le commentaire est simple, clair, concis ; il permet à merveille de faire silence et de prier. De plus, il est passionnant de constater comment l’auteur révèle à chaque fois des détails nouveaux qui rendent en quelque sorte le récit tridimensionnel : le récit lui-même, son enracinement dans la Première Alliance et son aboutissement dans la vie de Jésus, surtout son mystère pascal. On a déjà beaucoup écrit sur saint Jean, mais des livres comme celui-ci, qui apprend à prier avec Jean, ne sont pas si nombreux. Quel qu’en soit d’ailleurs le nombre, un livre de cette qualité répond à un véritable besoin. + Godfried Cardinal Danneels Archevêque de Malines-Bruxelles Malines, le 22 août 2006


Avant-propos et ouvrage n’est pas un commentaire de l’évangile de Jean. Ce n’est pas non plus un livre de méditations élaborées. Ce livre se propose d’amener le lecteur à prier avec l’évangile de Jean pour goûter ainsi quelque chose de la spiritualité de son évangile. On n’y traite que d’un nombre limité de textes d’évangile, ils sont déployés en vue de la prière personnelle, de la méditation et de la contemplation. Les textes sélectionnés ici pour être médités essayent cependant de faire comprendre le contenu et la dynamique de tout l’évangile. Ce sont surtout les parties narratives du quatrième évangile qui sont présentées et, dans une moindre mesure, les discussions explicites ou de longues considérations méditatives. Ce livre ne se penche pas sur la question de savoir si les récits se sont réellement passés de la manière dont ils sont décrits dans l’évangile, question que l’évangéliste lui-même ne se pose pas. À chaque fois, l’évangéliste nous amène au sens du récit, à sa profondeur. C’est de cette profondeurlà qu’il s’agit dans le présent ouvrage. Dans la prière, nous pouvons nous y ouvrir. Dans la prière, nous découvrons que seul l’Esprit de Jésus peut nous révéler le mystère de Jésus. En priant avec l’évangile, en regardant Jésus — longuement, intensément — on perçoit que l’histoire de Jésus devient source de vie (19, 34) et que s’accomplit la promesse qu’en nous s’écoulent des fleuves d’eau vive (7, 37-39). Quand je prie avec l’évangile de Jean et pendant que j’écrivais ce livre, j’ai réalisé tout ce que je dois à feu Luc Geysels, s.j. Je suis sa traduction de l’évangile, telle qu’elle parut pour la première fois dans

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De Evangeliën en de Handelingen van de Apostelen. Uit de grondtekst vertaald. Vertaling in opdracht van de Katholieke Bijbelstichting, Boxtel, 1987. Les textes tellement familiers à de nombreux croyants s’y trouvent renouvelés dans cette traduction. De plus, les nombreuses notes du traducteur conduisent le lecteur dans la profondeur du texte. À divers endroits de mon livre, je me suis contenté de les reprendre. J’ai également été aidé, dans la rédaction du présent ouvrage, par les nombreux articles de Luc Geysels, parus dans De Nieuwe Boodschap — la revue dont il fut le dernier rédacteur en chef — et dans De Heraut. J’exprime aussi ma reconnaissance aux auteurs de différents commentaires néerlandais des dix dernières années, comme ceux de Jan Nieuwenhuis, o.p., Herman Servotte, Joop Smit, Nico Terlinden. Le livre récent, tout en finesse, du cardinal Godfried Danneels, Si tu connaissais le don de Dieu, a encore fortifié mon attachement à l’évangile de Jean. Enfin, je dois mentionner aussi deux œuvres classiques concernant l’évangile de Jean, celle, en quatre parties, de Xavier-Léon Dufour, Lecture de l’Évangile selon Jean (1988 à 1996), et celle de Raymond E. Brown, en deux parties, The Gospel According to John (1966 et 1970), qui m’ont toutes deux suivi dans ma formation. Autre guide sûr : le commentaire — avec traduction originale — d’Yves Simoens, Selon Jean (1997). Mais celui qui, le premier, m’a ouvert à la richesse de l’évangile de Jean est Ferdinand Lambert, s.j., dans son cours sur saint Jean donné aux jeunes jésuites à La Pairelle (Wépion) en 1966. Pour la rédaction du chapitre introductif à propos de la prière, je me suis laissé inspirer par Jean Laplace, De la lumière à l’amour (1984). Enfin, je remercie Jacques Weisshaupt, s.j., qui a traduit cet ouvrage avec une grande finesse. Mark Rotsaert, s.j.


Prier avec l’évangile de Jean l nous faut tout d’abord noter que nous ne pouvons pas isoler l’évangile de Jean de l’ensemble de l’Écriture. L’évangile de Jean est entièrement immergé dans la tradition juive : le récit de la Création, Abraham qui quitte tout, Moïse et la Loi, le récit de l’Exode, le livre de la Sagesse, les Psaumes, le Cantique des cantiques, les Prophètes, le Temple, &c. Sans ce contexte, nous ne comprendrons jamais correctement le quatrième évangile. En outre, l’évangéliste suppose que nous connaissons les évangiles synoptiques. Enfin, la liturgie nous aide à prier l’évangile de Jean dans et avec l’Église. C’est ainsi que nous entendons proclamer, les dimanches du Carême, quelques grands récits extraits du quatrième évangile ; le Vendredi saint, nous entendons le récit de la Passion dans l’évangile de Jean et, durant le temps pascal, cet évangile est régulièrement présenté. Suit un certain nombre de suggestions pour aider à la prière avec l’évangile de Jean : 1. Ouvrir et fermer l’évangile. Après avoir lu le texte à prier, ferme le livre de l’évangile et prends le temps de faire silence. Laisse-toi pénétrer par les paroles que tu as lues et qui résonnent dans ton cœur, et répète ces paroles. Ne cherche pas à aller vite. La parole de l’évangile peut également faire son chemin en toi dans le vide. Les paroles que tu as lues t’invitent à une rencontre. Prépare-toi à cette rencontre. Regarde avec les yeux de la foi, regarde avec un cœur confiant.

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2. Rejoins ton désir profond. Laisse le désir de te laisser toucher par la parole de Dieu remplir ton cœur. Tu peux le faire en répétant régulièrement une parole de l’évangile, comme : « Maître, où demeures-tu ? » (1, 38), ou : « Nous voudrions voir Jésus » (12, 21) ou : « Montre-nous le Père » (14, 8). Ce désir doit être purifié. C’est l’évangile lui-même qui nous montre comment le faire : auprès de Nicodème dans le troisième chapitre, auprès de la Samaritaine dans le quatrième, auprès de l’aveugle-né dans le neuvième, &c. L’obstacle à cette purification, c’est toute forme d’autosatisfaction ou d’autosuffisance. L’évangéliste démasquera à chaque fois cette attitude chez les docteurs de la loi et les pharisiens. Il s’agit de demeurer dans la vérité, et « la vérité vous fera libres » (8, 32). 3. Aller au-delà des paroles. Les paroles de l’évangile johannique sont comme des fruits coriaces qui ne libèrent leur cœur savoureux qu’au moment où tu as brisé leur écorce dure, comme pour une noix de coco. Petit à petit, les paroles livrent leur secret. Apprendsles donc par cœur. By heart, disent les Anglais. Cela demande de l’attention, une attention toujours renouvelée. L’évangile de Jean ne comporte pas tellement d’adjectifs, mais davantage de substantifs et de verbes. Beaucoup de mots importants reviennent régulièrement, comme : parole, commencement, vie, lumière, ténèbre, vérité, le pain de vie, le chemin, le fils unique, la gloire du Père, le bon berger, la vigne ; et des verbes tels que témoigner, reconnaître, accueillir, &c. Il s’agit de goûter peu à peu ces paroles, de mesurer leur portée intérieure. Tu peux te composer progressivement ta propre litanie de paroles qui se rapportent à Jésus, pour pouvoir les répéter inlassablement. Tu peux aussi essayer de t’approprier des questions ou des expres-


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sions lapidaires, sans les forcer ni te faire violence : « Maître, où demeures-tu ? (1, 38), « Rabbi, tu es le Fils de Dieu » (1, 49), « Mon Seigneur et mon Dieu ! » (20, 28), « À qui irions-nous ? » (6, 68), « Personne ne peut venir à moi si le Père ne l’attire » (6, 44), « Sans moi, vous ne pouvez rien faire » (15, 5). 4. Savoir observer les « signes » que Jésus accomplit. L’auteur du quatrième évangile ne raconte que sept miracles et il les appelle « signes ». Le signe fait référence à autre chose qu’à lui-même. Chaque fois, il s’agit d’une réalité plus grande. Ce que fait Jésus invite à porter le regard au-delà de ce que tu vois. L’essentiel n’est pas ce que je vois avec mes yeux — la face extérieure — mais bien l’intérieur. C’est ainsi qu’à Cana le vin dans les cruches devient le signe du vin de la joie, qui est Jésus lui-même. C’est ainsi que le temple d’où il chasse les marchands devient le signe de son corps glorifié, de sa résurrection. Des réalités de la vie de tous les jours, comme le vin, l’eau, le pain, la lumière, &c., reçoivent une signification nouvelle. C’est ainsi que ta prière va également se jouer sur deux registres simultanément : le récit que tu vois se dérouler et le mystère que tu ne vois pas, si ce n’est dans la foi. Chaque fois, tu es invité à regarder avec les yeux de la foi. Croire d’abord, puis voir ! 5. Apprendre à regarder à partir de Pâques, avec le Seigneur ressuscité. Tous les événements racontés dans l’évangile trouvent leur signification dans le mystère pascal. C’est également ainsi que l’auteur du quatrième évangile raconte : à partir de Pâques et orienté vers Pâques. C’est le fil rouge qui maintient l’ensemble et qui permet à chaque récit d’aider à comprendre le suivant. Pour un bon observateur, chaque événement de la vie de Jésus fait déjà ré-


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férence à l’événement pascal. C’est ainsi, par exemple, que l’humble geste de Jésus lors du lavement des pieds en reçoit une profondeur insoupçonnée. Prier avec les gestes significatifs posés par Jésus et avec tous les autres événements de sa vie — à la lumière de Pâques — va également éclairer ta propre vie. De cette façon, ta vie à toi va progressivement s’insérer dans la vie de Jésus, le Seigneur ressuscité. 6. Prier pour connaître Jésus intimement. Comme je l’ai déjà noté, dans l’évangile de Jean les mêmes paroles, les mêmes symboles reviennent souvent. Il n’y a pas de place pour abondance de paroles et d’images ; au contraire, le même mystère est toujours approfondi : dans chaque péricope sur Jésus, Dieu se révèle toujours un peu plus. Si, en priant, tu regardes Jésus, Il te sera de plus en plus proche, de plus en plus concret aussi. Dans de nombreux petits détails, tu peux ressentir quelque chose de la profonde humanité de Jésus. Cette humanité profonde fait en même temps référence à son Père. Autrement dit, tu es à chaque fois invité à voir en Jésus plus que Jésus, à savoir le Père, le Fils et l’Esprit. Il travaille aux œuvres du Père. Il nous montre le Père. Il nous envoie son Esprit. Mais, chaque fois aussi, tu dois cesser de Le retenir, comme Marie Madeleine au matin de Pâques. Tu ne peux pas mettre la main sur Lui, ni Le saisir. Tu dois Le laisser s’en aller, afin que Lui — toujours à nouveau — puisse te retenir. Voilà comment tu apprends à Le connaître — pas seulement avec ton intelligence, mais aussi avec ta sensibilité. Tes sens aussi sont recréés par l’Esprit. Comment pourrais-tu autrement voir l’invisible ? Et l’Esprit qui te recrée est un Esprit d’amour. Cet amour te change, te renouvelle.


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Tu te mets à regarder et à voir autrement, tu te mets à entendre autrement, à parler autrement, à embrasser autrement. 7. En toi, laisse Jésus parler, agir. Prier avec l’évangile de Jean ne rend pas seulement Jésus présent dans ton cœur, dans ta conscience, mais cela Lui permet aussi de prendre de plus en plus vie en toi. Jésus devient ton intériorité. Il est plus qu’un modèle à suivre ou un ami près de qui t’attarder. Jésus est en nous comme Il est dans le Père. Dès lors, ta prière n’est pas seulement une prière à Jésus, elle devient la prière de Jésus en toi. Laisse Jésus parler et agir en toi ! Quand tu pries Jésus et que tu pries avec Lui, tu peux être sûr qu’Il prie aussi pour toi, comme on peut le voir durant la belle prière à la fin de la Dernière Cène. Sa prière nous constitue, avec beaucoup, en son Église. Sa prière devient la nôtre et nous introduit dans l’intimité de Dieu et dans le monde des hommes.



Jean 1, 1-18 1 Au commencement était le Verbe, la Parole de Dieu,

et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu. 2 Il était au commencement auprès de Dieu. 3 Par lui, tout s’est fait, et rien de ce qui s’est fait ne s’est fait sans lui. 4 En lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes ; 5 la lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas arrêtée. 6 Il y eut un homme envoyé par Dieu. Son nom était Jean. 7 Il était venu comme témoin, pour rendre témoignage à la Lumière, afin que tous croient par lui. 8 Cet homme n’était pas la Lumière, mais il était là pour lui rendre témoignage. 9 Le Verbe était la vraie Lumière, qui éclaire tout homme en venant dans le monde. 10 Il était dans le monde, lui par qui le monde s’était fait, mais le monde ne l’a pas reconnu. 11 Il est venu chez les siens, et les siens ne l’ont pas reçu. 12 Mais tous ceux qui l’ont reçu, ceux qui croient en son nom, il leur a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu.


13 Ils ne sont pas nés de la chair et du sang,

ni d’une volonté charnelle, ni d’une volonté d’homme : ils sont nés de Dieu. 14 Et le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire, la gloire qu’il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité. 15 Jean Baptiste lui rend témoignage en proclamant : « Voici celui dont j’ai dit : Lui qui vient derrière moi, il a pris place devant moi, car avant moi il était. » 16 Tous nous avons eu part à sa plénitude, nous avons reçu grâce après grâce : 17 après la Loi communiquée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus Christ. 18 Dieu, personne ne l’a jamais vu; le Fils unique, qui est dans le sein du Père, c’est lui qui a conduit à le connaître.


. Parmi nous e Prologue de l’évangile de Jean est parfois comparé à l’ouverture d’une grande symphonie. Différents thèmes de la symphonie y sont déjà annoncés. Il en va de même du texte qui ouvre le quatrième évangile. Les thèmes les plus essentiels de l’évangile sont déjà exprimés ici. Le message central de l’évangile est qu’en Jésus Dieu est venu habiter parmi nous. Il est devenu l’un de nous. Certains L’ont rejeté, d’autres L’ont accueilli. Les uns restent dans les ténèbres, les autres — grâce à leur foi en Jésus — sont devenus enfants de Dieu : ils marchent dans la lumière. Le thème de la lumière et des ténèbres traverse tout le quatrième évangile. Implicitement, la passion, la mort et la résurrection sont déjà présentes dans ce Prologue. Dès le début, c’est évident : « Les ténèbres ne l’ont pas arrêtée ». Personne n’a jamais vu Dieu, mais Lui s’est montré, Il s’est fait connaître en Jésus Christ. La réalité de Dieu — son mystère et sa proximité — se manifeste à celui qui adhère à Jésus Christ. Dans la première lettre de Jean, la réalité de Dieu est désignée par cet unique mot : amour (4, 8, 16). L’amour se déploie à travers tout l’évangile. Aussi l’objectif le plus fondamental de l’évangile est-il bien : que nous aussi, nous adhérions à Jésus Christ et que nous croyions à l’amour que Dieu a pour nous. De ce Jésus, il est dit, de plus, qu’Il est plein de grâce et de vérité (v.14). L’évangéliste répète cela quelques versets plus loin (v.17). Ce qui veut dire : être rempli de Dieu. L’amour de Dieu habite en Lui

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et, par Lui, se rend humainement proche de nous. C’est le don que Dieu nous fait en Jésus. Aussi Jésus apporte-t-il également la vérité qui donne à l’homme une assise définitive : la réalité divine, plénitude et source de vie. Outre quelques thèmes que l’évangile éclairera plus loin, l’évangéliste nous offre aussi l’attitude intérieure qui convient pour lire l’histoire de Jésus et pour nous l’approprier. La figure de Jean Baptiste nous y précède : accueil et humilité sont les chemins d’accès à la présence de Dieu en Jésus Christ. Ce n’est pas nous qui avons inventé la lumière, elle vient à nous et nous éclaire de l’intérieur. Si quelqu’un est plein de lui-même et de sa propre justice, il n’y a plus place chez lui pour quelque chose ou pour quelqu’un de plus grand et qui le sera toujours. Ainsi, nous ne devenons nous-mêmes chrétiens que parce que nous rencontrons des personnes qui témoignent de Jésus Christ. Nous aussi, nous sommes appelés à rendre témoignage devant les autres de l’amour de Dieu que nous avons appris à reconnaître en Jésus. Le texte du Prologue n’est pas un exposé théorique. Il ne s’agit pas d’une théorie, mais d’une personne vivante, Jésus, le Christ. Ce texte peut se transformer en prière, si nous ne nous mettons pas à faire des raisonnements, mais si nous essayons de nous insérer dans le mouvement du texte, dans sa visée. Une parole, une phrase du texte peut suffire. Il s’agit de nous laisser saisir, de sentir et de goûter intérieurement le message sous-jacent.


Jean 1, 19-34 19 Et

voici quel fut le témoignage de Jean, quand les Juifs lui envoyèrent de Jérusalem des prêtres et des lévites pour lui demander :« Qui es-tu ? » 20 Il le reconnut ouvertement, il déclara :« Je ne suis pas le Messie. » 21 Ils lui demandèrent : « Qui es-tu donc ? Es-tu le prophète Élie ? » Il répondit : « Non. — Alors es-tu le grand Prophète?» Il répondit:«Ce n’est pas moi.» 22 Alors ils lui dirent:«Qui es-tu ? Il faut que nous donnions une réponse à ceux qui nous ont envoyés. Que dis-tu sur toi-même ? » 23 Il répondit :« Je suis la voix qui crie à travers le désert : Aplanissez le chemin du Seigneur, comme a dit le prophète Isaïe. » 24 Or, certains des envoyés étaient des pharisiens. 25 Ils lui posèrent encore cette question : « Si tu n’es ni le Messie, ni Élie, ni le grand Prophète, pourquoi baptises-tu ? » 26 Jean leur répondit : « Moi, je baptise dans l’eau. Mais au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas : 27 c’est lui qui vient derrière moi, et je ne suis même pas digne de défaire la courroie de sa sandale.» 28 Tout cela s’est passé à Béthanie-de-Transjordanie, à l’endroit où Jean baptisait. 29 Le lendemain, comme Jean Baptiste voyait Jésus venir vers lui, il dit : « Voici l’Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde ; 30 c’est de lui que j’ai dit : Derrière moi vient un homme qui a sa place devant moi, car avant moi il était. 31 Je ne le connaissais pas ; mais, si je suis venu baptiser dans l’eau, c’est pour qu’il soit manifesté au peuple d’Israël. » 32 Alors Jean rendit ce témoignage : « J’ai vu l’Esprit descendre du ciel comme une colombe et demeurer sur lui. 33 Je ne le connaissais pas, mais celui qui m’a envoyé baptiser dans l’eau m’a dit : « L’homme sur qui tu verras l’Esprit descendre et demeurer, c’est celui-là qui baptise dans l’Esprit Saint. » 34 Oui, j’ai vu, et je rends ce témoignage : c’est lui le Fils de Dieu. »



2. L’attitude qui convient près le Prologue commence l’histoire de Jésus. Mais, auparavant, l’évangéliste décrit le contraste entre Jean le Baptiste et les envoyés du cercle des pharisiens, comme cela avait été annoncé dans le Prologue. Ces envoyés viennent faire une enquête sur Jean le Baptiste. Ils ont leurs idées et leurs critères et ils s’en serviront pour juger. Ils sont enfermés dans leur système. Ils ne sont absolument pas intéressés par l’idée de devenir éventuellement disciples de Jean. Ils ne sont pas près d’accueillir la nouveauté qui vient à leur rencontre. Ils restent extérieurs à la nouvelle réalité. L’évangéliste fait sentir comment leur autosuffisance les rend incapables d’adhérer à Jésus — car c’est bien de Lui qu’il s’agit. Jean le Baptiste est totalement différent. Il est accueillant à ce qui vient. Il y aspire, même s’il ne Le connaît pas encore. Il est entièrement tourné vers Jésus. Il est au service de celui qui doit venir. Il n’est qu’un précurseur. L’enjeu, c’est Jésus. Jean s’efface. Il se sent tout petit devant celui qui doit venir. C’est précisément cette attitude intérieure de Jean qui le rend capable de reconnaître Jésus. Il reconnaîtra Dieu en Jésus, qui vient planter sa tente parmi nous. Ce n’est qu’au moment du baptême qu’il reconnaît Jésus. L’esprit qui descend et qui repose sur Jésus fait référence à son origine. En Jésus, la réalité de Dieu se rend présente : « C’est lui le Fils de Dieu ». Et cet esprit de Dieu, il va le communiquer aussi à celui qui croit en Lui : « C’est celui-là qui baptise dans l’Esprit Saint. » Dans le contexte de ce premier chapitre où il est toujours question de cette

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découverte que Jésus est le Messie — celui qui est envoyé par Dieu —, l’expression « Agneau de Dieu » peut être considérée comme synonyme de l’expression « Fils de Dieu », tandis que « celui qui enlève le péché du monde » est parallèle à « celui qui baptise dans l’Esprit Saint ». À la fin de l’évangile de Jean, le jour de Pâques, Jésus va donner l’Esprit Saint à ses disciples et leur confier la mission de pardonner les péchés (20, 22-23). Jean le Baptiste désigne toujours quelqu’un d’autre, Jésus. Il le désignera aussi à quelques-uns de ses disciples (1, 36). Dans le troisième chapitre (3, 22-30), Jean le Baptiste apparaîtra à nouveau sur la scène, comme « l’ami de l’époux » ; mais alors, ce sera pour se retirer entièrement. Plus nous nous approprions l’attitude intérieure de Jean le Baptiste, plus nous dégageons dans notre cœur un espace pour reconnaître Jésus et lui donner notre adhésion. C’est une grâce que nous pouvons demander dans la prière.


Jean 1, 35-51 35 Le lendemain, Jean Baptiste se trouvait de nouveau avec deux

de ses disciples. 36 Posant son regard sur Jésus qui allait et venait, il dit:«Voici l’Agneau de Dieu.» 37 Les deux disciples entendirent cette parole, et ils suivirent Jésus. 38 Celui-ci se retourna, vit qu’ils le suivaient, et leur dit : « Que cherchez-vous ? » Ils lui répondirent : « Rabbi (c’est-à-dire : Maître), où demeures-tu ? » 39 Il leur dit : « Venez, et vous verrez. » Ils l’accompagnèrent, ils virent où il demeurait, et ils restèrent auprès de lui ce jour-là. C’était vers quatre heures du soir. 40 André, le frère de Simon-Pierre, était l’un des deux disciples qui avaient entendu Jean Baptiste et qui avaient suivi Jésus. 41 Il trouve d’abord son frère Simon et lui dit : « Nous avons trouvé le Messie (autrement dit : le Christ). 42 André amena son frère à Jésus. Jésus posa son regard sur lui et dit : « Tu es Simon, fils de Jean ; tu t’appelleras Képha » (ce qui veut dire : pierre). 43 Le lendemain, Jésus décida de partir pour la Galilée. Il rencontre Philippe, et lui dit:«Suis-moi.» 44 (Philippe était de Bethsaïde, comme André et Pierre.) 45 Philippe rencontre Nathanaël et lui dit : « Celui dont parlent la loi de Moïse et les Prophètes, nous l’avons trouvé : c’est Jésus, fils de Joseph, de Nazareth. » 46 Nathanaël répliqua:«De Nazareth! Peut-il sortir de là quelque chose de bon?» Philippe répond : « Viens, et tu verras. » 47 Lorsque Jésus voit Nathanaël venir à lui, il déclare : « Voici un véritable fils d’Israël, un homme qui ne sait pas mentir.» 48 Nathanaël lui demande:«Comment me connais-tu ? » Jésus lui répond : « Avant que Philippe te parle, quand tu étais sous le figuier, je t’ai vu. » 49 Nathanaël lui dit : « Rabbi, c’est toi le Fils de Dieu ! C’est toi le roi d’Israël ! » 50 Jésus reprend :« Je te dis que je t’ai vu sous le figuier, et c’est pour cela que


tu crois ! Tu verras des choses plus grandes encore. » 51 Et il ajoute : « Amen, amen, je vous le dis : vous verrez les cieux ouverts, avec les anges de Dieu qui montent et descendent au-dessus du Fils de l’homme. »


3. À la suite de Jésus ous connaissons l’histoire de la vocation des quatre premiers disciples au début de l’évangile de Marc. Il s’agit de quatre pêcheurs occupés à nettoyer leurs filets au bord du lac. Ou nous avons devant les yeux le récit de l’appel de Pierre et des premiers disciples au chapitre cinq de Luc. Dans les deux récits, il est dit que Jésus veillera à faire d’eux des pêcheurs d’hommes. La question n’est pas de savoir lequel des deux raconte ce qui s’est vraiment passé. Chaque évangéliste poursuit un objectif propre dans le récit qu’il fait. Quel est donc le message de l’auteur du quatrième évangile ? Dans cette belle relation de la rencontre des cinq premiers disciples avec Jésus, l’auteur de l’évangile de Jean se propose de dépeindre la dynamique présente dans toute foi chrétienne. Cette dynamique comprend trois étapes importantes. Au centre, il y a la rencontre avec Jésus. C’est là que tout se passe. Voilà le fondement. L’évangéliste reste extrêmement sobre à propos de la rencontre elle-même. C’est une affaire toute personnelle. Ils apprennent bien sûr à connaître Jésus dans cette rencontre. C’est bien ce qu’ils cherchaient. Ce jour-là, ils restèrent près de Lui. Ils ont eu quelque expérience de l’intimité de Jésus, de son identité propre. Mais, en même temps, il se révèle quelque chose de leur propre vie : c’est Lui qui est la réalisation de leurs rêves et de leur attente. En Lui, ils découvrent la réalisation du sens de leur vie. Cette découverte va donner à leur vie une tournure toute nouvelle. Autrement dit, ils se sont laissé toucher par ce Jésus jusqu’au plus profond de leur être. Leur cœur déborde. N’est-ce pas là le fonde-

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ment de toute vocation à la foi chrétienne : se laisser saisir par Quelqu’un, par Jésus — avant même que cela ne se transforme en une mission ou une tâche ? Ils sont à ce point touchés par Jésus qu’ils ne peuvent plus se taire. Ils ne s’enferment pas dans leurs sentiments, non, ils doivent aller raconter, ils doivent parler de Lui. C’est la deuxième étape dans la dynamique de la foi chrétienne. André va raconter immédiatement son expérience à son frère Simon, de même que Philippe va raconter à son ami Nathanaël la découverte de sa vie. En effet, toute rencontre avec Jésus implique aussi une annonce. On ne peut faire autrement. Cependant, la dynamique interne de la foi chrétienne va encore plus loin. André amène son frère Simon à Jésus ; Philippe amène son ami Nathanaël à Jésus. Chacun des deux désire que son ami puisse rencontrer Jésus et être touché par Lui au point qu’à son tour il ne puisse taire cette expérience et en amène d’autres à Jésus. C’est comme une réaction en chaîne, qui se prolonge encore aujourd’hui. Un jour, quelqu’un t’a parlé de Jésus pour la première fois. Pourquoi ? Sans doute parce que cette personne — un parent, un instituteur, un prêtre, une religieuse — a trouvé que Jésus était tellement important dans sa vie qu’elle a voulu le transmettre à d’autres, à toi. Ces personnes également t’ont amené près de Jésus, elles te l’ont fait connaître. Et toi ? Tu as toujours besoin d’un autre qui t’amène auprès de Jésus ou qui te montre le chemin : comme Jean le Baptiste pour les deux premiers disciples, André pour son frère Simon, Philippe pour Nathanaël. Pour chacun d’eux, cela s’est passé différemment. Il en sera sans doute de même pour nous. Lors de sa rencontre avec Jésus, Simon reçoit un nouveau nom. Cela nous permet également de sentir combien cette rencontre a été importante pour Simon. Dans la culture de l’époque de Jésus, un nom


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signifie aussi une tâche, une mission. Simon reçoit le nom de Pierre, rocher. Il devra devenir un roc. D’après l’évangile, nous savons que Pierre n’est pas un rocher, mais il devra le devenir. Il a un grand cœur, et aussi « une grande gueule ». Mais il ne comprendra pas toujours son maître et ne pourra pas toujours le suivre. Il va le renier et l’abandonner. Pierre n’est pas encore un roc. C’est le Seigneur ressuscité qui fera de lui un roc, comme nous le verrons à la fin de l’évangile de Jean. Jésus nous prend tels que nous sommes. De même, Il prend aussi Nathanaël, le sceptique du groupe, tel qu’il est. Pour Philippe, l’appel fut court et fort : un mot a suffi. Il a fallu davantage à Nathanaël. Quoi qu’il en soit, Philippe ne peut taire sa rencontre avec Jésus et il va trouver son ami Nathanaël. Ce dernier est manifestement fort en Bible, très familier des livres saints. Voilà pourquoi Philippe dit : « Celui dont parlent la loi de Moïse et les Prophètes, nous l’avons trouvé : c’est Jésus, fils de Joseph, de Nazareth. » Cette dernière précision était de trop. De Nazareth ? C’est impossible, crois-moi, je connais les Écritures ! Mais Philippe ne commence pas à discuter, il ne veut rien prouver, il dit tout simplement — précisément comme Jésus l’avait dit aux deux premiers disciples : « Viens, et tu verras. » Tu dois le voir par toi-même, tu dois en faire l’expérience. Vient ensuite cet admirable dialogue entre Jésus et Nathanaël. Jésus le connaît — tout comme Il te connaît — et il touche Nathanaël à un point sensible : lui, Nathanaël, un véritable Israélite — dit Jésus — « un homme qui ne sait pas mentir. » Mais le sceptique ne s’avoue pas encore vaincu. « Comment me connais-tu ? » Et puis cette réponse de Jésus à propos de ce figuier… C’est comme si Jésus lui disait : tandis que tu étais là, seul, en silence, à lire l’Écriture, j’étais là, avec toi… Quoi qu’il en soit, la réponse de Jésus est tellement claire pour Nathanaël que celui-ci renonce à se battre et exprime immédiatement son acte de foi : « Rabbi, c’est toi le Fils de Dieu ! C’est toi le roi d’Israël ! »


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Même Jésus semble étonné de cette reddition soudaine, lisonsnous dans le verset 50. Le premier chapitre de l’évangile de Jean se termine par un acte de foi bref et fort. Le dernier chapitre se termine également par un acte de foi puissant, celui de Thomas : « Mon Seigneur, mon Dieu ! » (20, 28). Les grandes choses que les disciples verront — les « signes » dans le quatrième évangile — feront apparaître au grand jour combien Jésus était en contact étroit avec le ciel, avec Dieu, et plus encore : comment la personne de Jésus est le lieu même de la rencontre avec Dieu. Si la dynamique de la foi chrétienne consiste en ces trois étapes décrites ici dans l’évangile, il y a, dans la logique de l’évangile de Jean, deux manières de manquer de fidélité à cette dynamique. Il y a d’abord Pierre, qui renie son maître (18, 17-27). Il refuse de témoigner et il bloque ainsi la dynamique. En deuxième lieu, il y a Thomas, qui refuse de croire ses frères, qui, eux, témoignent bien de Lui (20, 24-29).


Jean 2, 1-12 Trois jours plus tard, il y avait un mariage à Cana en Galilée. La mère de Jésus était là. 2 Jésus aussi avait été invité au repas de noces avec ses disciples. 3 Or, on manqua de vin ; la mère de Jésus lui dit : « Ils n’ont pas de vin. » 4 Jésus lui répond : « Femme, que me veux-tu ? Mon heure n’est pas encore venue. » 5 Sa mère dit aux serviteurs : « Faites tout ce qu’il vous dira. » 6 Or, il y avait là six cuves de pierre pour les ablutions rituelles des Juifs ; chacune contenait environ cent litres. 7 Jésus dit aux serviteurs : « Remplissez d’eau les cuves. » Et ils les remplirent jusqu’au bord. 8 Il leur dit : « Maintenant, puisez, et portez-en au maître du repas. » Ils lui en portèrent. 9 Le maître du repas goûta l’eau changée en vin. Il ne savait pas d’où venait ce vin, mais les serviteurs le savaient, eux qui avaient puisé l’eau. 10 Alors le maître du repas interpelle le marié et lui dit : « Tout le monde sert le bon vin en premier, et, lorsque les gens ont bien bu, on apporte le moins bon. Mais toi, tu as gardé le bon vin jusqu’à maintenant. » 11 Tel fut le commencement des signes que Jésus accomplit. C’était à Cana en Galilée. Il manifesta sa gloire, et ses disciples crurent en lui. 12 Après cela, il descendit à Capharnaüm avec sa mère, ses frères et ses disciples, et ils y restèrent quelques jours. 1



4. Le vin nouveau n peut lire ce récit à deux niveaux fort différents. Jésus et Marie qui, par leur intervention, « sauvent » la noce. Brusquement, il n’y eut plus de vin, et, grâce à Marie qui le remarque et lance un appel à son fils, la fête pourra continuer sans que personne d’autre n’ait remarqué qu’il y avait un problème. Personne ne nous interdit de lire ce récit de cette manière. Mais la question est naturellement de savoir si telle a été l’intention de l’évangéliste. Quand l’évangéliste raconte cette histoire à ses chrétiens, plus de soixante ans après la mort et la résurrection de Jésus, quelle peut bien en être la signification ? Les chrétiens de l’époque du quatrième évangile n’ont plus connu Jésus. Ils ne le connaissent que dans la foi, comme nous. Pourquoi l’auteur nous raconte-t-il cette histoire ? Que veut-il nous dire ? Quel est le message de ce récit ? Quel est le rapport entre ce signe et notre foi ? L’évangile de Jean ne parle pas de miracles, mais toujours de « signes ». Un signe se réfère toujours à autre chose que lui-même. Nous allons le constater à chaque fois dans les douze premiers chapitres, que l’on appelle aussi le « Livre des signes ». Comme c’est manifestement le cas dans la plupart des signes que l’auteur du quatrième évangile met en scène, ici aussi, dans le présent récit — de l’eau qui devient du vin — Jésus occupe la place centrale. C’est de Lui qu’il s’agit dans cette histoire. Ici, Jésus révèle sa gloire. De plus, cet événement étonnant se passe le « troisième jour ». La référence à Pâques, au Seigneur ressuscité, n’échappe pas au lecteur attentif. Au début, on a l’impression que Marie joue le rôle principal :

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elle prend l’initiative. Mais, nulle part dans le récit, elle n’est appelée par son nom. Elle est, par trois fois, « la mère de Jésus », et ce n’est pas par hasard. Jean veut ici laisser pressentir qu’il ne s’agit plus d’une relation de lien familial. L’évangéliste le laisse à nouveau apparaître clairement dans la réponse que fait Jésus à la constatation de sa mère : « Ils n’ont pas de vin. » « Femme, que me veux-tu ? Mon heure n’estelle pas encore venue ? 1 » Jésus met de la distance, Il se place à un autre niveau. Jésus n’est plus l’enfant de sa mère, Il est le Seigneur et Il va manifester sa gloire. Il s’agit bien de Jésus, c’est Lui qui est au centre. Marie va rapidement s’effacer. Que dit, au fond, la mère de Jésus ? Elle ne dit pas : « Ils n’ont plus de vin », elle dit : « Ils sont sans vin. » La mère de Jésus dit ici plus qu’elle ne dit. Dans sa remarque, il ne s’agit pas de pénurie de vin ou de la situation embarrassante des mariés. Ce que Marie exprime ici, ce n’est pas le besoin d’avoir davantage de vin, mais le besoin d’une autre sorte de vin. Les hommes ont besoin de vin nouveau, qui est Jésus. Les hommes ont besoin de Jésus. Jésus est le « bon » vin (kalos, en grec), le vin de grande classe — tellement différent du vin ordinaire. Chez les prophètes, le manque de vin est une mise à l’épreuve, une image de désolation dans laquelle le peuple s’est mis par son infidélité. Tandis que la noce est une image du temps messianique, un temps d’abondance — les cuves sont remplies jusqu’au bord —, un temps d’intégrité et de paix pour chacun. Dans ce récit, l’évangéliste fait clairement sentir que Jésus est le vin du temps messianique. On peut le voir, par exemple, dans la question que pose Jésus à sa mère : « Mon

. Forme interrogative, selon une autre traduction grammaticalement possible, cf. note x de Jn 2, 4 dans la Traduction Œcuménique de la Bible (TOB), Paris, Cerf, 0e édition, 2004.


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heure n’est-elle pas encore venue ? » En effet, à Cana, l’heure est arrivée où Jésus va opérer souverainement, en toute indépendance. Il y révèle sa gloire. Le lecteur de l’évangile de Jean sait naturellement que l’heure de Jésus par excellence, c’est la pleine révélation de la gloire de Jésus sur la croix. Voilà l’heure de Jésus. Le miracle du vin, ce premier signe, fait déjà référence à l’heure de la croix, le signe plénier. Comme pour d’autres signes dans l’évangile de Jean, nous voyons ici aussi comment Jésus donne un ordre et comment cet ordre est exécuté avec promptitude. Lors de la guérison du fils du fonctionnaire royal : « Va, ton fils vit. » Et l’homme s’en alla (4, 50). Lors de la multiplication des pains : « Faites asseoir les gens. » Ils s’assirent (6, 10-11). Voilà encore une manière de mettre l’accent sur la souveraineté de Jésus, mais cela fait aussi référence à la foi de celui qui exécute l’ordre donné. C’est ce qui arrive à Cana, jusqu’à deux fois : « Remplissez d’eau les cuves. » Et ils les remplirent jusqu’au bord (2, 7). « Maintenant, puisez, et portez-en au maître du repas. » Ils lui en portèrent (2, 8). Pour exécuter un pareil ordre, il faut tout autant de foi que pour enlever la pierre tombale derrière laquelle Lazare est inhumé depuis quatre jours ! À Cana, l’exécution croyante de l’ordre donné est préparée par Marie : « Faites tout ce qu’Il vous dira. » Et ils le font, soutenus par la foi de Marie. Et nous voici de nouveau près de Marie, la mère de Jésus. Marie n’est pas du tout présentée par l’évangéliste comme si elle voulait de quelque façon forcer son fils. Au contraire, Marie ne veut qu’offrir sa médiation, en toute discrétion. Elle ne donne pas d’ordre à son fils, elle ne dit pas qu’Il doit faire quelque chose, elle se contente de dire : « Ils n’ont pas de vin. » C’est ainsi qu’au chapitre onze, Marthe et Marie font savoir à Jésus, par un simple message, que leur frère est malade : « Celui que tu aimes est malade. » Marie, la mère de Jésus, est totalement humble, et totalement admirable : elle encaisse la dure ré-


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ponse de Jésus, mais elle ne se laisse pas décourager. Elle dit aux serviteurs : « Faites tout ce qu’Il vous dira. » Dans cette recommandation, il y a une telle foi (elle sait qu’Il le fera !) et en même temps la disposition à s’effacer. Marie est ainsi. Au début de l’évangile de Jean, on peut comparer Marie à la figure de Jean le Baptiste : un précurseur, une voix qui désigne le Messie, l’ami de l’époux qui s’efface quand son intervention n’est plus nécessaire (3, 29-30). À Cana, Marie ne prononce que deux phrases, si pleines de sens. Tout d’abord : « Ils n’ont pas de vin. » Marie est la première à l’avoir vu. Mais qu’a-t-elle vu ? Que les gens ont besoin de Jésus. C’est ainsi qu’ici, Marie est le porte-parole du peuple de Dieu qui aspire au vin nouveau de la promesse, Jésus. Ici déjà, Marie est représentée comme la « Mère de l’Église », la Mère de tous ceux qui désirent Jésus et qui croiront en Lui. Cette première parole de Marie exprime surtout son attente. Sa deuxième parole, « Faites tout ce qu’il vous dira », exprime surtout la confiance et la disponibilité à servir. Après quoi, Marie se retire dans l’ombre. Sa première apparition est en même temps son retrait. Nous ne la reverrons qu’au pied de la croix, là aussi comme « image de l’Église ».


Jean 4, 5-42 Il arrive ainsi à une ville de Samarie, appelée Sykar, près du terrain que Jacob avait donné à son fils Joseph, 6 et où se trouve le puits de Jacob. Jésus, fatigué par la route, s’était assis là, au bord du puits. Il était environ midi. 7 Arrive une femme de Samarie, qui venait puiser de l’eau. Jésus lui dit : « Donne-moi à boire. » 8 (En effet, ses disciples étaient partis à la ville pour acheter de quoi manger.) 9 La Samaritaine lui dit : « Comment ! Toi qui es Juif, tu me demandes à boire, à moi, une Samaritaine?» (En effet, les Juifs ne veulent rien avoir en commun avec les Samaritains.) 10 Jésus lui répondit : « Si tu savais le don de Dieu, si tu connaissais celui qui te dit : « Donne-moi à boire », c’est toi qui lui aurais demandé, et il t’aurait donné de l’eau vive. » 11 Elle lui dit : « Seigneur, tu n’as rien pour puiser, et le puits est profond ; avec quoi prendrais-tu l’eau vive? 12 Serais-tu plus grand que notre père Jacob qui nous a donné ce puits, et qui en a bu lui-même, avec ses fils et ses bêtes ? » 13 Jésus lui répondit : « Tout homme qui boit de cette eau aura encore soif ; 14 mais celui qui boira de l’eau que moi je lui donnerai n’aura plus jamais soif ; et l’eau que je lui donnerai deviendra en lui source jaillissante pour la vie éternelle.» 15 La femme lui dit : « Seigneur, donne-la-moi, cette eau : que je n’aie plus soif, et que je n’aie plus à venir ici pour puiser. » 16 Jésus lui dit : « Va, appelle ton mari, et reviens. » 17 La femme répliqua:«Je n’ai pas de mari.» Jésus reprit:«Tu as raison de dire que tu n’as pas de mari, 18 car tu en as eu cinq, et celui que tu as maintenant n’est pas ton mari : là, tu dis vrai. » 19 La femme lui dit : « Seigneur, je le vois, tu es un prophète. Alors, explique-moi: 20 nos pères ont adoré Dieu sur la montagne qui est là, et vous, les Juifs, vous dites que le lieu où il faut l’adorer est à Jé5


rusalem. » 21 Jésus lui dit : « Femme, crois-moi : l’heure vient où vous n’irez plus ni sur cette montagne ni à Jérusalem pour adorer le Père. 22 Vous adorez ce que vous ne connaissez pas ; nous adorons, nous, celui que nous connaissons, car le salut vient des Juifs. 23 Mais l’heure vient — et c’est maintenant — où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et vérité : tels sont les adorateurs que recherche le Père. 24 Dieu est esprit, et ceux qui l’adorent, c’est en esprit et vérité qu’ils doivent l’adorer. » 25 La femme lui dit : « Je sais qu’il vient, le Messie, celui qu’on appelle Christ. Quand il viendra, c’est lui qui nous fera connaître toutes choses. » 26 Jésus lui dit : « Moi qui te parle, je le suis. » 27 Là-dessus, ses disciples arrivèrent ; ils étaient surpris de le voir parler avec une femme. Pourtant, aucun ne lui dit : « Que demandes-tu ? » ou : « Pourquoi parles-tu avec elle ? » 28 La femme, laissant là sa cruche, revint à la ville et dit aux gens : 29 « Venez voir un homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait. Ne serait-il pas le Messie ? » 30 Ils sortirent de la ville, et ils se dirigeaient vers Jésus. 31 Pendant ce temps, les disciples l’appelaient : « Rabbi, viens manger. » 32 Mais il répondit :« Pour moi, j’ai de quoi manger : c’est une nourriture que vous ne connaissez pas. » 33 Les disciples se demandaient : « Quelqu’un lui aurait-il apporté à manger ? » 34 Jésus leur dit : « Ma nourriture, c’est de faire la volonté de celui qui m’a envoyé et d’accomplir son œuvre. 35 Ne dites-vous pas : « Encore quatre mois et ce sera la moisson » ? Et moi je vous dis : Levez les yeux et regardez les champs qui se dorent pour la moisson. 36 Dès maintenant, le moissonneur reçoit son salaire : il récolte du fruit pour la vie éternelle, si bien que le semeur se réjouit avec le moissonneur. 37 Il est bien vrai, le proverbe : « L’un sème, l’autre moissonne. » 38 Je vous ai envoyés moissonner là où vous n’avez pas


pris de peine, d’autres ont pris de la peine, et vous, vous profitez de leurs travaux. » 39 Beaucoup de Samaritains de cette ville crurent en Jésus, à cause des paroles de la femme qui avait rendu ce témoignage:«Il m’a dit tout ce que j’ai fait. » 40 Lorsqu’ils arrivèrent auprès de lui, ils l’invitèrent à demeurer chez eux. Il y resta deux jours. 41 Ils furent encore beaucoup plus nombreux à croire à cause de ses propres paroles, 42 et ils disaient à la femme : « Ce n’est plus à cause de ce que tu nous as dit que nous croyons maintenant ; nous l’avons entendu par nous-mêmes, et nous savons que c’est vraiment lui le Sauveur du monde. »



5. La source de vie ans cette belle histoire, l’évangéliste relate la rencontre entre Jésus et une Samaritaine. C’est une rencontre pendant laquelle on parle beaucoup. Peu d’autres passages de l’évangile mettent en scène un tel dialogue. Mais c’est en même temps une conversation étrange, avec des malentendus. On y converse à deux niveaux, sans se rencontrer. Jésus et la femme parlent d’eau — l’eau de source et l’eau de puits. Jésus et les disciples parlent de nourriture. Les deux niveaux nous orientent vers la signification plus profonde du texte, tout comme nous avons trouvé dans le récit du miracle de Cana deux niveaux distincts de lecture. Il y a le niveau des choses banales de la vie quotidienne : avoir soif et boire, avoir faim et manger. Et il y a le niveau de la foi, l’intériorité de la réalité. Dans ce récit également, l’évangéliste veut nous faire passer de l’extérieur — ce que nous voyons — vers l’intérieur : « D’abord croire et puis voir ! » De plus, ce qui est propre à ce récit, c’est que Jésus lui-même prend l’initiative d’engager la conversation. Jésus demande à boire à une femme, à une Samaritaine. La plupart du temps, c’est l’inverse et l’on vient à Jésus avec une demande comme, par exemple, Nicodème au chapitre troisième. Dans l’évangile johannique, il n’y a qu’un autre passage où Jésus demande quelque chose de matériel pour lui-même. C’est sur la croix, peu avant sa mort : « J’ai soif » (19, 28). Là aussi, Il demande à boire. Jésus prend l’initiative de la conversation, mais il est clair aussi que c’est Lui qui mène tout l’échange. Dans la rencontre avec Jésus s’ac-

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complit le miracle. Dans la rencontre, la Samaritaine fait peu à peu la connaissance de Jésus. Celui-ci se révèle petit à petit. Mais, au cours de la conversation, la vie de la femme aussi s’éclaire. La conversation avec Jésus la renouvelle et, en fin de compte, elle devient « disciple » de Jésus : pleine de Lui, elle va parler de Lui à ses concitoyens et elle les amène à Jésus. Dans la rencontre avec Jésus, la foi et la confession de foi prennent corps : « C’est vraiment Lui le Sauveur du monde » (v. 42). Nicodème n’était pas arrivé aussi loin… Cette conversation a également quelque chose d’inhabituel : Jésus entre en conversation avec une femme — ce que ne fait pas un rabbi, d’où l’étonnement des disciples lorsqu’ils reviennent de la ville. Mais Jésus n’est pas seulement en conversation avec une femme, Il parle à une Samaritaine. Or, des siècles de confrontations religieuses opposaient les Juifs et les Samaritains. Les ancêtres des Samaritains étaient des populations des cinq villes qui avaient été déportées vers la Palestine par le roi d’Assyrie. Certes, ils adoraient le Seigneur — l’Unique — mais en même temps, ils servaient aussi leurs propres dieux (2 Rois 17). La Samaritaine du quatrième chapitre de l’évangile de Jean « représente » les Samaritains. Elle défend le point de vue des Samaritains et elle va amener ses concitoyens à Jésus. Nicodème (3, 1-21) représente les Juifs. Lui-même Juif pieux, il vient trouver Jésus nuitamment, tandis que la Samaritaine rencontre Jésus en plein jour, au puits de Jacob ! La confusion sémantique autour de l’« eau », dans la première partie du récit, semble bien être une stratégie de Jésus pour amener la conversation à un point culminant. Jésus emploie le mot « eau » au sens figuré. La femme, elle, pense qu’il s’agit d’eau ordinaire, l’eau du puits — de l’eau de puits — de l’eau que l’on retire du puits à l’aide d’un seau. Or, Jésus parle d’une autre sorte d’eau — l’eau de source — une source intérieure de vie, qui jaillit à l’intérieur de la


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personne quand celle-ci adhère à Jésus de tout son cœur et de toute son âme. Dans la première partie de la conversation, il y a trois affirmations de Jésus et trois réactions de la femme. Dans la deuxième partie également, où Jésus touche soudain à des questions personnelles (« Va, appelle ton mari »), on est proche de la confusion sémantique : de quel mari s’agit-il ? Mais Jésus veut aider la femme à venir à la vérité, et la vérité va la libérer. La manière dont Jésus dirige la conversation ne l’a pas humiliée. Elle ne se sent aucunement rejetée par Jésus, au contraire. Maintenant, elle peut venir à la lumière. Quelqu’un qui vous parle de cette façon-là, ce ne peut être qu’un prophète ! Et avec un prophète — un homme de Dieu — il est possible de parler de prière. À un moment, la femme prend l’initiative : « Nous adorons Dieu sur le mont Garizim, et vous, à Jérusalem. Qu’en est-il ? » Voilà qui permet à Jésus d’aller au cœur de la question. Ces vieux différends n’ont plus cours maintenant que Jésus est là. Avec la venue de Jésus commence une ère nouvelle : « L’heure vient, et c’est maintenant. » Jésus est le lieu de la rencontre avec Dieu, et non plus cette montagne ou ce temple (le lecteur sait déjà — après 2, 21 — que Jésus est le nouveau temple). Le « lieu » où Dieu est adoré, c’est la nouvelle existence dont Jésus nous rend participants, une vie en esprit et en vérité. L’esprit est la présence active de Dieu dans les hommes et le monde. La vérité est la pleine révélation de Dieu en Jésus — source de la vie. Prier en esprit et en vérité suppose que l’on se laisse déterminer par la force de Dieu venue jusqu’à nous en Jésus. La conversation sur la prière et l’adoration fait encore progresser la Samaritaine d’un pas dans la foi. Elle éveille en elle le désir d’un Messie : « Je sais qu’il vient, le Messie, celui qu’on appelle Christ. » Alors Jésus se fait tout à fait connaître : « Moi qui te parle, je le suis. »


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« Je le suis. » Cela peut nous sembler tout normal ; mais pour les Juifs, c’est chose inouïe. Car Jésus emploie ici une expression qui, dans le Premier Testament, ne pouvait se rapporter qu’à Dieu seul. C’est l’expression que nous lisons dans le livre de l’Exode, quand Dieu parle à Moïse dans le buisson ardent : « Je suis celui qui suis » (3, 14). C’est de cette façon que Dieu se révèle à Moïse, ou encore : « “Il est” m’envoie vers vous ». Dans le prophète Isaïe, nous lisons : « Vous devez comprendre que je suis… Seul moi, je suis le Seigneur et il n’y a pas de sauveur en dehors de moi » (Is 43, 10). Autrement dit, l’expression que Jésus emploie ici a une grande force de suggestion : c’est une expression qui se rapporte uniquement à Dieu. Jésus s’exprime ici très fort. Il s’identifie avec Dieu. Pour beaucoup de Juifs, c’est intolérable. La conversation avec les disciples commence, elle aussi, par une confusion sémantique, cette fois-ci autour du « manger » et de la « nourriture ». Ici aussi, Jésus veut mener plus loin ses interlocuteurs. Ce qui rend Jésus fort, ce qui le remplit de joie, c’est son attachement au Père. Le Père signifie tout pour Lui. Il vit de Lui. Et quel est pour Jésus le sens de l’image de la moisson ? La moisson est l’image du peuple de Dieu rassemblé de tous les horizons du monde. Jésus est venu rassembler — c’est aussi le sens premier du mot grec « église » — et ce rassemblement a déjà commencé. « Levez les yeux et regardez les champs qui se dorent pour la moisson. Dès maintenant, le moissonneur reçoit son salaire… » La moisson dorée, ce sont les Samaritains qui viennent à Jésus. Jésus rassemble. La dernière partie du récit nous amène à la dernière phrase, et c’est précisément cette dernière phrase, cette profession de foi, qui est l’enjeu final de l’évangéliste : « C’est vraiment Lui le Sauveur du monde. » Nous voyons ici à l’œuvre la même dynamique de la foi chrétienne que dans le récit de la vocation des premiers disciples, au chapitre pre-


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mier. Tout commence par la rencontre entre la Samaritaine et Jésus. Elle apprend peu à peu à connaître Jésus, et vérité et liberté entrent dans sa vie. Cette rencontre la touche si profond qu’elle ne peut garder le silence et va tout raconter à ses concitoyens. Sur sa parole, ils se rendent eux-mêmes auprès de Jésus, et après cette rencontre, ils croient et professent leur foi.



Jean 6, 1-15 1 Après cela, Jésus passa de l’autre côté du lac de Tibériade (appe-

lé aussi mer de Galilée). 2 Une grande foule le suivait, parce qu’elle avait vu les signes qu’il accomplissait en guérissant les malades. 3 Jésus gagna la montagne, et là, il s’assit avec ses disciples. 4 C’était un peu avant la Pâque, qui est la grande fête des Juifs. 5 Jésus leva les yeux et vit qu’une foule nombreuse venait à lui. Il dit à Philippe : « Où pourrions-nous acheter du pain pour qu’ils aient à manger ? » 6 Il disait cela pour le mettre à l’épreuve, car luimême savait bien ce qu’il allait faire. 7 Philippe lui répondit:«Le salaire de deux cents journées ne suffirait pas pour que chacun ait un petit morceau de pain. » 8 Un de ses disciples, André, le frère de Simon-Pierre, lui dit : 9 « Il y a là un jeune garçon qui a cinq pains d’orge et deux poissons, mais qu’est-ce que cela pour tant de monde ! » 10 Jésus dit :« Faites-les asseoir. » Il y avait beaucoup d’herbe à cet endroit. Ils s’assirent donc, au nombre d’environ cinq mille hommes. 11 Alors Jésus prit les pains, et, après avoir rendu grâce, les leur distribua ; il leur donna aussi du poisson, autant qu’ils en voulaient. 12 Quand ils eurent mangé à leur faim, il dit à ses disciples :« Ramassez les morceaux qui restent, pour que rien ne soit perdu. » 13 Ils les ramassèrent, et ils remplirent douze paniers avec les morceaux qui restaient des cinq pains d’orge après le repas. 14 À la vue du signe que Jésus avait accompli, les gens disaient : « C’est vraiment lui le grand Prophète, celui qui vient dans le monde. » 15 Mais Jésus savait qu’ils étaient sur le point de venir le prendre de force et faire de lui leur roi ; alors de nouveau il se retira, tout seul, dans la montagne.



6. Le pain pour vivre ucun récit de miracles n’a été aussi souvent raconté dans l’évangile que celui du miracle des pains ou du repas miraculeux. Jusqu’à six fois (deux fois en Marc, deux fois en Matthieu, une fois en Luc et une fois en Jean). Le miracle des pains est encore toujours interpellant. De la guérison d’un malade racontée par l’évangile, on peut encore penser qu’il est toujours possible de donner l’une ou l’autre explication plausible. La maladie est souvent psychosomatique — touchant à la fois le corps et l’esprit — et l’on peut ainsi traiter d’une guérison sous son aspect spirituel, comme Jésus le fait. Mais le miracle des pains, on ne peut l’expliquer immédiatement par un froid raisonnement intellectuel. On peut, bien sûr, en tirer une leçon : nous sommes appelés à partager avec autrui ce que nous avons, et nous aurons encore des restes. Mais on peut se demander si c’est bien cela que l’évangéliste voulait nous dire. L’auteur du quatrième évangile veut continuellement nous faire voir plus loin que ce que nos yeux peuvent voir. Nous pouvons toujours voir plus que ce que nous voyons. Cela vaut aussi pour ce célèbre miracle des pains. Si on se limite à l’aspect extérieur de l’événement, on rate l’essentiel. Le lecteur attentif trouve dans ce récit un grand nombre d’indices qui invitent à ne pas rester à la surface de l’événement. Il y a ainsi des indications de lieu qui disent plus que simplement des endroits localisables sur une carte de Palestine. « Jésus passa de l’autre côté du lac de Tibériade (appelé aussi mer de Galilée) », écrit l’auteur

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de l’évangile. Pourquoi parle-t-il de la « mer » de Galilée ? Il renvoie sans doute à la mer des Roseaux. Et l’« autre côté » de la mer fait penser à la traversée de la mer des Roseaux sous la conduite de Moïse, mais aussi à la traversée à pied sec pour entrer dans la Terre Promise. Et quand Jésus monte sur la « montagne », il est comme Moïse qui a pu contempler Dieu sur la montagne. Autrement dit, « mer » et « montagne » ne sont pas d’abord des lieux géographiques, mais plutôt des indications pour la foi. L’évangéliste veut faire comprendre qu’en Jésus, un nouveau Moïse est à l’œuvre, le Moïse définitif. Les indications temporelles ont également une signification plus profonde. Nous lisons : « C’était un peu avant la Pâque, qui est la grande fête des Juifs. » Seul le quatrième évangile fait cette mention. Pareille indication a une portée nettement théologique. Selon le rituel de la Pâque juive, le père de famille prend du pain, dit une prière d’action de grâce et le distribue à ses familiers. C’est ce que Jésus fera au cours de la Dernière Cène. Sans aucun doute, ce récit doit nous faire penser à Pâques — la Pâque du Seigneur. Comme ailleurs dans le quatrième évangile, c’est Jésus qui prend ici l’initiative. (Chez les synoptiques, ce sont les disciples qui veulent que Jésus renvoie les gens.) Jésus demande à Philippe : « Où pourrions-nous acheter du pain pour qu’ils aient à manger ? » Il pose la question, dit le texte, pour mettre Philippe à l’épreuve — comme Abraham fut mis à l’épreuve, comme Moïse aussi dans le désert. De quelle épreuve s’agit-il ? Que faut-il vérifier chez Philippe ? Rien d’autre que la question récurrente dans le quatrième évangile : « D’où ? » Cette question se retrouve jusque dans le récit de la passion, où Pilate demande : « D’où es-tu ? » (19, 9). C’est l’origine qui détermine l’identité. D’où le pain doit-il venir ? Telle est la question ici posée. À Cana, personne ne savait d’où venait le bon vin. Au puits de Jacob, la Sa-


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maritaine ne savait pas où elle pouvait puiser cette eau qui ne lui donnerait plus jamais soif. Du pain, du vin, de l’eau : à chaque fois, il s’agit de Jésus lui-même. Quel examen Philippe doit-il passer ? Non pas de connaître l’adresse d’un boulanger des environs, mais bien de savoir reconnaître le Messie, de voir que Jésus est le pain de vie. Il s’agit somme toute de l’identité même de Jésus. Mais Philippe ne le comprend pas encore, pas plus qu’André ou les autres disciples. Qu’est-ce qu’ils ne comprennent pas ? Ils ne voient pas (encore) que Jésus, quand il nourrit la foule, répète ce que Dieu a fait pour son peuple dans le désert. Car c’est bien cela qu’accomplit Jésus : les œuvres du Père. Les disciples ne voient pas (encore) que Jésus est le salut providentiel de Dieu pour les hommes. S’ils l’avaient vu, ils n’auraient pas, dans la tempête qui a suivi le miracle des pains, été aussi effrayés de voir Jésus se diriger vers eux, obligé qu’il fut de prononcer l’expression unique du Premier Testament : « Je suis » (6, 20). Ce n’est pas non plus par hasard qu’il s’agit de pains d’orge — le pain des pauvres. Les pains d’orge rappellent l’histoire du prophète Élisée, qui distribue vingt pains d’orge à cent hommes. Ils en mangèrent et il y eut encore des restes (cf. 2 Rois 4, 42-44). Ce qui va se passer ici, dans les collines qui entourent la mer de Galilée, est une extension du récit ancien d’Élisée. Il n’y a pas seulement ici un nouveau Moïse, il y a aussi un nouvel Élisée. Jésus fait asseoir les gens. Il prend les pains, il dit la prière d’action de grâce et il distribue lui-même le pain. Paroles et gestes font penser au rituel pascal, mais aussi à la Dernière Cène et à l’eucharistie. C’est bien à dessein que l’évangéliste emploie ici le mot grec eucharisteo — dire la prière d’action de grâce. Il est clair que les premiers chrétiens voient dans ce récit du miracle des pains sur la montagne une préfiguration de ce qu’ils célèbrent dans l’eucharistie. C’est l’eucharistie avant la lettre.


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Ce récit fait en outre référence à la manne dans le désert. Dans le discours de Jésus après le miracle des pains, Il fait explicitement référence à la manne donnée par Dieu. Il fallait être économe de la manne du désert, mais le pain de la montagne peut être consommé sans limites. Car là où est Jésus, il y a abondance. Tout comme à Cana le vin s’était mis à couler tout à coup et sans fin, ainsi y a-t-il ici du pain en abondance. Chacun mange à sa faim. Il reste douze corbeilles de morceaux, signe de la prodigalité de Dieu. Seul le quatrième évangile mentionne que Jésus donne explicitement l’ordre de rassembler dans des corbeilles les morceaux qui restent. Et il ajoute : « Pour que rien ne soit perdu. » Peut-être pouvonsnous comprendre cela à partir du verset 39 : « La volonté de celui qui m’a envoyé, c’est que je ne perde aucun de ceux qu’il m’a donnés… » Rassembler les morceaux dans douze corbeilles montre le souci de Jésus pour ses disciples — les douze. Cette préoccupation de Jésus pour les siens s’exprime tout aussi clairement dans la prière d’adieu à la fin de la Dernière Cène. Sans doute le peuple comprend-il quelque chose de ce qui se passe ici sur la montagne : le miracle de la manne est dépassé, tout comme celui d’Élisée. Jésus est sans doute bien le prophète, celui qui était annoncé. Mais leurs pensées s’orientent vers quelqu’un qui leur apportera bien-être et prospérité — abondance. Jésus craint qu’ils ne Le proclament roi, Il s’enfuit dans la montagne — tout seul cette fois. Ce qui avait commencé comme une grande fête se termine dans la déception. Le signe ne pouvait être mal compris, et cependant le peuple — et aussi les disciples — parviennent à se méprendre sur le sens de l’événement. Ils n’ont pas encore compris que Jésus n’est pas un roi temporel, mais le pain qui fait vivre. Les paroles prononcées par Jésus à l’occasion du miracle des pains sont fort claires. « Moi, je suis le pain de la vie. Celui qui vient à moi


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n’aura plus jamais faim ; celui qui croit en moi n’aura plus jamais soif » (6, 35). Et plus loin : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi je demeure en lui. De même que le Père, qui est vivant, m’a envoyé, et que moi je vis par le Père, de même aussi celui qui me mangera vivra par moi » (6, 56-57). La participation à l’eucharistie — partager le pain et le vin, manger le corps et boire le sang de Jésus — fait participer les croyants à sa vie, à son histoire et à son engagement jusqu’à la fin. Ici apparaît pour la première fois le mot « demeurer, être uni » : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi je demeure en lui. » L’union à Jésus sera thématisée dans le dixième chapitre et développée dans les discours de Jésus au cours de la Dernière Cène.



Jean 9, 1-41 Jésus vit sur son passage un homme qui était aveugle de naissance. 2 Ses disciples l’interrogèrent : « Rabbi, pourquoi cet homme est-il né aveugle ? Est-ce lui qui a péché, ou bien ses parents ? » 3 Jésus répondit:«Ni lui, ni ses parents. Mais l’action de Dieu devait se manifester en lui. 4 Il nous faut réaliser l’action de celui qui m’a envoyé, pendant qu’il fait encore jour ; déjà la nuit approche, et personne ne pourra plus agir. 5 Tant que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde. » 6 Cela dit, il cracha sur le sol et, avec la salive, il fit de la boue qu’il appliqua sur les yeux de l’aveugle, 7 et il lui dit:«Va te laver à la piscine de Siloé» (ce nom signifie: Envoyé). L’aveugle y alla donc, et il se lava ; quand il revint, il voyait. 8 Ses voisins, et ceux qui étaient habitués à le rencontrer — car il était mendiant — dirent alors : « N’est-ce pas celui qui se tenait là pour mendier ? » 9 Les uns disaient :« C’est lui. » Les autres disaient : «Pas du tout, c’est quelqu’un qui lui ressemble.» Mais lui affirmait: « C’est bien moi. » 10 Et on lui demandait : « Alors, comment tes yeux se sont-il ouverts ? » 11 Il répondit : « L’homme qu’on appelle Jésus a fait de la boue, il m’en a frotté les yeux et il m’a dit : « Va te laver à la piscine de Siloé.» J’y suis donc allé et je me suis lavé; alors, j’ai vu. » 12 Ils lui dirent : « Et lui, où est-il ? » Il répondit : « Je ne sais pas. » 13 On amène aux pharisiens cet homme qui avait été aveugle. 14 Or, c’était un jour de sabbat que Jésus avait fait de la boue et lui avait ouvert les yeux. 15 À leur tour, les pharisiens lui demandèrent : « Comment se fait-il que tu voies ? » Il leur répondit : « Il m’a mis de la boue sur les yeux, je me suis lavé, et maintenant je vois.» 16 Certains pharisiens disaient :«Celui-là ne vient pas de Dieu, puisqu’il n’observe pas le repos du sabbat. » D’autres répliquaient : 1


« Comment un homme pécheur pourrait-il accomplir des signes pareils ? » Ainsi donc ils étaient divisés. 17 Alors ils s’adressent de nouveau à l’aveugle : « Et toi, que dis-tu de lui, puisqu’il t’a ouvert les yeux ? » Il dit : « C’est un prophète. » 18 Les Juifs ne voulaient pas croire que cet homme, qui maintenant voyait, avait été aveugle. C’est pourquoi ils convoquèrent ses parents 19 et leur demandèrent : « Cet homme est bien votre fils, et vous dites qu’il est né aveugle ? Comment se fait-il qu’il voie maintenant ? » 20 Les parents répondirent : « Nous savons que c’est bien notre fils, et qu’il est né aveugle. 21 Mais comment peut-il voir à présent, nous ne le savons pas ; et qui lui a ouvert les yeux, nous ne le savons pas non plus. Interrogez-le, il est assez grand pour s’expliquer. » 22 Ses parents parlaient ainsi parce qu’ils avaient peur des Juifs. En effet, les Juifs s’étaient déjà mis d’accord pour exclure de la synagogue tous ceux qui déclareraient que Jésus est le Messie. 23 Voilà pourquoi les parents avaient dit :« Il est assez grand, interrogez-le ! » 24 Pour la seconde fois, les pharisiens convoquèrent l’homme qui avait été aveugle, et ils lui dirent : « Rends gloire à Dieu ! Nous savons, nous, que cet homme est un pécheur. » 25 Il répondit : « Estce un pécheur ? Je n’en sais rien ; mais il y a une chose que je sais : j’étais aveugle, et maintenant je vois. » 26 Ils lui dirent alors :« Comment a-t-il fait pour t’ouvrir les yeux ? » 27 Il leur répondit :« Je vous l’ai déjà dit, et vous n’avez pas écouté. Pourquoi voulez-vous m’entendre encore une fois ? Serait-ce que vous aussi vous voulez devenir ses disciples ? » 28 Ils se mirent à l’injurier :« C’est toi qui es son disciple ; nous, c’est de Moïse que nous sommes les disciples. 29 Moïse, nous savons que Dieu lui a parlé ; quant à celui-là, nous ne savons pas d’où il est. » 30 L’homme leur répondit : « Voilà bien ce qui est étonnant ! Vous ne savez pas d’où il est, et pourtant il m’a


ouvert les yeux. 31 Comme chacun sait, Dieu n’exauce pas les pécheurs, mais si quelqu’un l’honore et fait sa volonté, il l’exauce. 32 Jamais encore on n’avait entendu dire qu’un homme ait ouvert les yeux à un aveugle de naissance. 33 Si cet homme-là ne venait pas de Dieu, il ne pourrait rien faire. » 34 Ils répliquèrent : « Tu es tout entier plongé dans le péché depuis ta naissance, et tu nous fais la leçon ? » Et ils le jetèrent dehors. 35 Jésus apprit qu’ils l’avaient expulsé. Alors il vint le trouver et lui dit:«Crois-tu au Fils de l’homme?» 36 Il répondit:«Et qui est-il, Seigneur, pour que je croie en lui ? » 37 Jésus lui dit :« Tu le vois, et c’est lui qui te parle.» 38 Il dit:«Je crois, Seigneur!», et il se prosterna devant lui. 39 Jésus dit alors : « Je suis venu en ce monde pour une remise en question : pour que ceux qui ne voient pas puissent voir, et que ceux qui voient deviennent aveugles. » 40 Des pharisiens qui se trouvaient avec lui entendirent ces paroles et lui dirent :« Serionsnous des aveugles, nous aussi ? » 41 Jésus leur répondit : « Si vous étiez des aveugles, vous n'auriez pas de péché ; mais du moment que vous dites : “Nous voyons !” votre péché demeure.



7. La lumière pour voir Première approche du texte L’auteur du quatrième évangile est un excellent narrateur. Ce récit de la guérison d’un aveugle-né est construit comme une pièce de théâtre en six tableaux, avec une introduction et une conclusion. Avant même que Jésus ne guérisse l’aveugle, il y a une courte conversation entre Jésus et ses disciples ; la signification de ce qui va arriver s’y trouve indiquée : Jésus veut faire savoir clairement qu’il est la lumière du monde. Suivent six petits tableaux : 1. Jésus et l’aveugle. L’aveugle-né ne demande pas à être guéri. Jésus ne lui pose aucune question pour lui demander s’il veut être guéri. Non, de façon souveraine, Jésus prend l’initiative. Cependant, il ne guérit pas immédiatement l’aveugle. Il fait de la boue et l’applique sur les yeux de l’aveugle qui doit lui-même collaborer : « Va te laver à la piscine de Siloé. » 2. Les voisins et l’aveugle. Les voisins ne comprennent pas que cet homme, qu’ils connaissent comme l’aveugle de naissance, puisse subitement voir. L’aveugle raconte fidèlement les faits. Et celui qui l’a guéri, il le décrit comme « l’homme qu’on appelle Jésus ». 3. Les pharisiens et l’aveugle. Les pharisiens entrent en scène parce que Jésus a guéri l’homme un jour de sabbat. La Loi l’interdit. Cependant, ils ne sont pas d’accord entre eux : si Jésus était de Dieu, ils respecterait le repos du sabbat ; par ailleurs, comment quelqu’un pourrait-il ouvrir les yeux d’un aveugle s’il n’était pas de Dieu ? Aussi


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demandent-ils à l’aveugle ce qu’il en pense : « Et toi, que dis-tu de lui, puisqu’il t’a ouvert les yeux ? » Il dit : « C’est un prophète. » 4. Les pharisiens et les parents de l’aveugle-né. Nous voyons que les parents ont peur, qu’ils ne veulent pas se mouiller. Ils reconnaissent que l’homme qui était aveugle et qui maintenant voit est leur fils. Mais ils ne se risquent pas plus loin. Ils ne veulent pas se compromettre. « Interrogez-le, il est assez grand pour s’expliquer. » 5. Les pharisiens et l’aveugle. Au cours de cette seconde confrontation, les positions sont radicalisées — aussi bien du côté des pharisiens que du côté de l’homme qui a recouvré la vue. Il tient bon : « Si cet homme-là ne venait pas de Dieu, il ne pourrait rien faire. » En voilà trop ! Les pharisiens l’expulsent de la synagogue. 6. Jésus et l’aveugle. À la fin du récit, les voici maintenant face à face. Ce n’est que maintenant qu’il « voit » Jésus. Au cours de la rencontre avec Jésus, sa foi devient adulte : il reconnaît que Jésus est le Fils de l’homme. Tout le récit culmine dans cette profession de foi : « Je crois, Seigneur ! », et il se prosterna devant lui. » Le récit se termine par les paroles de Jésus sur l’aveuglement spirituel : les pharisiens croient voir et cependant ils ne veulent pas voir qui est Jésus.

À l’essentiel Le puissant récit de la guérison de l’aveugle-né pourrait nous faire croire que cette guérison est centrale. Il n’en est rien. L’aveugle-né n’est pas amené auprès de Jésus avec une demande de guérison, comme à d’autres endroits de l’évangile. L’aveugle-né ne demande rien non plus. Et Jésus non plus ne lui demande pas s’il souhaite être guéri de sa cécité.


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À travers ce récit, c’est nous qui sommes invités à ouvrir les yeux ! Voilà de quoi il s’agit. Et que devons-nous voir ? Que Jésus est la lumière du monde. L’évangéliste veut à chaque fois nous faire regarder plus loin que l’aspect extérieur des choses — que ce que nous voyons de visu. Il y a davantage à voir que ce que nous voyons. Voilà le message de la foi. C’est le sens de tous ces récits. À Cana, il ne s’agissait pas simplement de Marie et de Jésus sauvant une noce. Ce que Jésus a réalisé à Cana doit nous amener à croire en Jésus, le vin nouveau du festin messianique. Et dans la rencontre avec la Samaritaine, près du puits, il ne s’agit pas simplement d’une eau potable. L’important est de voir que Jésus est l’eau vive où nous puisons la vie. Et la multiplication des pains dépasse de loin la simple invitation à partager entre nous le peu de pain que nous avons. Le but, là aussi, est de nous inviter à voir que Jésus est le pain qui nous donne vraiment la vie. Dans le récit de la guérison de l’aveugle-né, ils s’agit de voir que Jésus est la lumière du monde. Il est la lumière dans les ténèbres. Sa lumière donne sens et cohésion à notre vie. Au début du récit, Jésus dit à ses disciples pourquoi il veut guérir l’aveugle-né : « L’action de Dieu devait se manifester en lui. » Voilà encore un thème récurrent dans l’évangile de Jean. C’est ce que nous devons voir quand nous entendons ou lisons ce récit. Ce que l’auteur espère, c’est que — avec les yeux de la foi — nous puissions reconnaître Dieu dans l’activité de Jésus. C’est dans cette foi-là que l’aveugle-né nous précède. Il se met à croire progressivement. Au début, il sait seulement que l’homme qui lui a ouvert les yeux est « l’homme qu’on appelle Jésus », ensuite il prend conscience qu’il s’agit bien d’un prophète qui est à l’œuvre. Et lors de la deuxième confrontation avec les pharisiens, il en vient à être persuadé que cet homme doit bien être de Dieu, et, finalement, dans la rencontre avec Jésus, il en vient à croire en Jésus, le Fils de l’homme.


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Mais tous n’arrivent pas à croire en Jésus. Les pharisiens doutent un instant, mais finalement refusent de croire en Jésus. Ils sont aveugles. Ils ne voient pas que Jésus est « de Dieu ». Ils refusent de reconnaître son origine divine. Ils s’obstinent dans leur aveuglement, dans leur autosuffisance et leurs certitudes. Déjà dans le premier chapitre de l’évangile, on trouve la description de l’attitude spirituelle qui fait obstacle à la foi — l’autosuffisance. Celui qui ne veut pas soumettre à critique ses certitudes demeure enfermé en lui-même. Croire en Jésus est un choix, un choix devant lequel nous sommes placés nous aussi.

Quelques caractères typiques de l’évangile de Jean - La dynamique de la foi, telle que décrite dans le récit de la vocation des premiers disciples au chapitre premier, ou dans la rencontre de la Samaritaine au chapitre quatre, se retrouve semblablement dans le chapitre neuf. L’aveugle-né, guéri par Jésus, arrive peu à peu à voir qui est Jésus. Il arrive à la foi, mais aussi à la profession de foi. Alors que ses parents ont peur des Juifs, il prend toujours plus clairement la défense de celui qui l’a guéri. Mais, contrairement aux Samaritains du chapitre quatre, les pharisiens, ici, refusent de croire. - Jésus est le vin nouveau qui donne la joie, Il est l’eau qui fait vraiment vivre quand on la boit, Il est le pain de la vie, Il est la lumière du monde (8, 12). À la fin du chapitre huit, Jésus a failli être lapidé pour avoir dit à nouveau : « Je suis ». « Amen, amen, je vous le dis : avant qu’Abraham ait existé, moi, “Je Suis”. Alors ils ramassèrent des pierres pour les lui jeter. Mais Jésus, en se cachant, sortit du Temple. » Ce sont les deux derniers versets du chapitre huit. Jésus, la lumière du monde, occupe aussi la place centrale dans le chapitre neuf. Un


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aveugle verra qui est Jésus. Entre-temps, le lecteur aura compris que le verbe « voir » est pris ici dans deux sens. Il voit Jésus, tout comme il voit les gens, les choses et les couleurs, mais, ce qui est plus important encore, il voit qui est Jésus ! - Dans le récit de la guérison de l’aveugle-né aussi, c’est Jésus qui prend l’initiative. L’aveugle n’a rien demandé et Jésus ne lui demande pas non plus s’il désire voir. Autre chose est en jeu : « L’action de Dieu devait se manifester en lui. » C’est un thème récurrent dans l’évangile de Jean. L’important pour le lecteur, c’est que dans l’activité de Jésus il puisse voir Dieu à l’œuvre. - Déjà dans le Prologue il était question du thème de la lumière et des ténèbres. Il s’agissait « des ténèbres qui n’ont pas arrêté la lumière ». Dans le chapitre neuf, il s’agit de bien plus que de la guérison d’un aveugle qui n’a jamais pu voir et qui voit soudain grâce à Jésus. La guérison devient le signe d’autre chose : « voir » que Jésus est la lumière du monde. La guérison de l’aveugle-né doit nous faire voir que Jésus est la lumière qui éclaire nos ténèbres. L’opposition entre « voir » et « croire » et refuser de « voir et de « croire » est de plus en plus manifeste. Lorsque vous rencontrez Jésus, vous ne pouvez demeurer indifférent. Vous devez choisir : pour ou contre. C’était déjà clair à la fin du discours de Jésus après le miracle des pains : « À partir de ce moment, beaucoup de ses disciples s’en allèrent et cessèrent de marcher avec lui. Alors Jésus dit aux Douze [pour la première fois, ils sont désignés ici comme les « douze »] : “Voulez-vous partir, vous aussi ?” Simon Pierre lui répondit : “Seigneur, vers qui pourrionsnous aller ? Tu as les paroles de la vie éternelle. Quant à nous, nous croyons, et nous savons que tu es le Saint, le Saint de Dieu” » (6, 6669). - Dans ce récit de guérison, nous entendons encore la question lancinante : « D’où ? » « Moïse, nous savons que Dieu lui a parlé ;


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quant à celui-là, nous ne savons pas d’où il est. » L’homme leur répondit : « Voilà bien ce qui est étonnant ! Vous ne savez pas d’où il est, et pourtant il m’a ouvert les yeux. Comme chacun sait, Dieu n’exauce pas les pécheurs, mais si quelqu’un l’honore et fait sa volonté, il l’exauce. Jamais encore on n’avait entendu dire qu’un homme ait ouvert les yeux à un aveugle de naissance. Si cet hommelà ne venait pas de Dieu, il ne pourrait rien faire » (9, 29-33). L’origine de Jésus est la question centrale dans l’évangile de Jean. La prétention de Jésus à son origine divine devient sa condamnation à mort.


Jean 10, 1-21 1 «Amen, amen, je vous le dis: celui qui entre dans la bergerie sans

passer par la porte, mais qui escalade par un autre endroit, celuilà est un voleur et un bandit. 2 Celui qui entre par la porte, c’est lui le pasteur, le berger des brebis. 3 Le portier lui ouvre, et les brebis écoutent sa voix. Ses brebis à lui, il les appelle chacune par son nom, et il les fait sortir. 4 Quand il a conduit dehors toutes ses brebis, il marche à leur tête, et elles le suivent, car elles connaissent sa voix. 5 Jamais elles ne suivront un inconnu, elles s’enfuiront loin de lui, car elles ne reconnaissent pas la voix des inconnus.» 6 Jésus employa cette parabole en s’adressant aux pharisiens, mais ils ne comprirent pas ce qu’il voulait leur dire. 7 C’est pourquoi Jésus reprit la parole : « Amen, amen, je vous le dis: je suis la porte des brebis. 8 Ceux qui sont intervenus avant moi sont tous des voleurs et des bandits ; mais les brebis ne les ont pas écoutés. 9 Moi, je suis la porte. Si quelqu’un entre en passant par moi, il sera sauvé ; il pourra aller et venir, et il trouvera un pâturage. 10 Le voleur ne vient que pour voler, égorger et détruire. Moi je suis venu pour que les hommes aient la vie, pour qu’ils l’aient en abondance. 11 Je suis le bon pasteur, le vrai berger. Le vrai berger donne sa vie pour ses brebis. 12 Le berger mercenaire, lui, n’est pas le pasteur, car les brebis ne lui appartiennent pas : s’il voit venir le loup, il abandonne les brebis et s’enfuit ; le loup s’en empare et les disperse. 13 Ce berger n’est qu’un mercenaire, et les brebis ne comptent pas vraiment pour lui. 14 Moi, je suis le bon pasteur ; je connais mes brebis, et mes brebis me connaissent, 15 comme le Père me connaît, et que je connais le Père ; et je donne ma vie pour mes brebis. 16 J’ai encore d’autres


brebis, qui ne sont pas de cette bergerie : celles-là aussi, il faut que je les conduise. Elles écouteront ma voix : il y aura un seul troupeau et un seul pasteur. 17 Le Père m’aime parce que je donne ma vie pour la reprendre ensuite. 18 Personne n’a pu me l’enlever : je la donne de moimême. J’ai le pouvoir de la donner, et le pouvoir de la reprendre : voilà le commandement que j’ai reçu de mon Père. » 19 De nouveau les Juifs se divisèrent à cause de ces paroles. 20 Beaucoup d’entre eux disaient : « C’est un possédé, il est fou. Pourquoi l’écoutez-vous ? » 21 D’autres disaient : « On ne parle pas ainsi quand on est possédé du démon. Est-ce qu’un démon pourrait ouvrir les yeux à des aveugles ? »


8. Jésus, le bon berger

La figure du berger Dans les dix-huit premiers versets du chapitre dix, un nouveau thème est développé : la relation à Jésus. Au chapitre six, Jésus avait déjà dit : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi je demeure en lui » (6, 56). Certes, les paroles du chapitre dix sont fortement centrées sur la personne de Jésus — « Je suis la porte » et « Je suis le bon berger » — mais ici, il s’agit explicitement de Jésus et des siens. À partir du chapitre treize, cette relation va apparaître de plus en plus nettement. L’image utilisée ici par Jésus pour exprimer cette relation, c’est celle du berger et de ses brebis. Dans notre culture, le berger est devenu une réalité peu connue, si ce n’est dans la littérature. Il s’agit souvent d’une vision idyllique. La réalité est différente : la vie du berger à l’époque de Jésus était dure et rude. Peu à peu, le concept de « berger » a pris un sens nouveau en Israël. Abel est le premier berger, tandis que son frère Caïn représente tout ce qu’un berger n’est pas : il refuse d’être le gardien de son frère. Plus tard, dans l’histoire d’Israël, nous voyons comment de grands personnages ont été appelés derrière leur troupeau : Abraham, Lot, Isaac, Rachel, Jacob, Joseph et ses frères, Moïse. Moïse est le berger par excellence : il précède son peuple, il aide le peuple à traverser la mer des Roseaux, il lui trouve de la nourriture dans le désert.


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Et lorsque Israël s’est établi dans la Terre Promise et qu’il demande un roi, nous voyons comment celui-ci est appelé dans la campagne, au milieu du troupeau. Saul, qui part à la recherche des ânesses de son père ; David, qui n’est pas à la maison au moment de sa vocation parce qu’il est en train de garder les moutons. Surtout à partir de Moïse et de David, le mot « berger » est utilisé pour désigner les dirigeants du peuple. C’est à eux que la vie du peuple est confiée. Progressivement, le métier de berger devient une fonction et un sacrement. Aussi le concept de « berger » a-t-il une grande densité religieuse, au point même qu’il devient un attribut de Dieu lui-même : « Le Seigneur est mon berger, rien ne saurait me manquer » (Psaume 23). De plus en plus, le mot « berger » devient une sorte de titre réservé à Dieu, Lui qui donne la vie et qui veille sur elle. S’il y a un vrai berger, c’est bien Dieu. Cette conviction vient de l’expérience que, parmi les dirigeants du peuple, il y a aussi de mauvais bergers, qui abandonnent leurs brebis et ne veillent pas sur elles. Pareille plainte s’entend surtout chez les prophètes. Ainsi Ézéchiel au chapitre trente-quatre de son livre : il reproche aux chefs d’Israël d’être de mauvais bergers ; au lieu de mener paître leurs brebis, ils ne sont préoccupés que d’eux-mêmes ! Alors Dieu se fait-il entendre : « Je vais m’occuper moi-même de mes brebis et prendre soin d’elles. Et moi, je serai un bon berger. » Et lorsque Jésus dit : « Je suis le bon berger », c’est une provocation. Qui a l’audace de dire cela ? Dieu seul est le bon berger !

Entrer et sortir par la porte Quand un berger partait avec son troupeau de moutons, c’était pour plusieurs jours. Avant la tombée de la nuit, il faisait une clô-


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ture à l’aide de grosses pierres trouvées dans les collines. La clôture était suffisamment haute pour empêcher les moutons de la franchir. Il laissait bien sûr une ouverture pour permettre aux moutons d’entrer et de sortir de l’enclos. Lui-même, ou un portier (s’ils étaient plusieurs), se postait dans l’entrée — la porte — de sorte que les moutons étaient obligés de passer par lui. À quoi reconnaît-on le berger des moutons ? Lui, il entre dans l’enclos en passant par la « porte », dit Jésus. Celui qui passe par-dessus la clôture ne peut être qu’un voleur, un brigand. Ses intentions diffèrent évidemment de celles du berger. Il y a une deuxième caractéristique du berger : les brebis lui appartiennent, il les appelle chacune par leur nom. Il existe une relation entre le berger et ses brebis, une relation qui n’existe pas entre un voleur et les brebis. Le berger est un guide et les brebis, qui connaissent sa voix, le suivent. Mais les auditeurs de Jésus — les pharisiens et les autres personnes présentes lors de la guérison de l’aveugle-né — ne comprennent pas l’allégorie. C’est un langage crypté intentionnellement par Jésus. Et pourtant Jésus veut être compris. Aussi donne-t-il quelques explications.

Je suis la porte À deux reprises, Jésus dira : « Je suis la porte. » Il donne l’accès à la vie. Il assure la sécurité dans la ferme, mais, en même temps, il fait que tous ceux qui vivent en relation avec lui puissent se sentir partout libres et chez eux. La vraie vie vient de Lui et de Lui seul. Dans toute la péricope résonne avec force la prétention que c’est Lui la porte et personne d’autre. Lui seul donne la vie, et la vie en abondance. Croire, c’est adhérer à Lui, le donateur de tout bien.


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Je suis le bon berger Chaque fois que Jésus utilise un titre qui, dans l’Écriture, s’applique de plus en plus à Dieu seul, il est clair que pareille affirmation de Jésus, par deux fois, est perçue comme un blasphème. À nouveau, Jésus prétend à un titre divin, à son origine divine. Lors de la noce de Cana, l’évangéliste parlait de « bon » vin, de vin de grande classe ; ici, il utilise aussi le même mot grec kalos : le « beau » berger, l’unique berger. Jésus est quelqu’un d’exceptionnel. Voici encore une figure en contraste : le mercenaire, celui dont les services sont loués. Sa devise, la voici : plutôt sauver sa vie que celle des brebis. Car ce ne sont pas ses brebis à lui. Le bon berger, au contraire, aime ses brebis et il est prêt à donner sa vie pour elles. C’est une première caractéristique du bon berger. La deuxième est liée à la connaissance mutuelle. Il s’agit d’une relation personnelle et amoureuse. « Connaître » veut bien dire ici « aimer ». Il y a clairement dans le texte une connotation affective. Mais il y a davantage encore. Jésus compare l’amour mutuel entre Lui et ceux qui croient en Lui à l’amour qui existe entre Lui et le Père. À la Dernière Cène, Jésus ira encore plus loin et dira que celui qui reste attaché à Lui participera aussi à sa relation avec le Père. C’est avec l’image du berger et des brebis qu’est abordé pour la première fois dans l’évangile de Jean le thème de la relation. Jusqu’ici, croire c’était voir et entendre — et adhérer. Mais croire est aussi relationnel, d’une relation où Jésus est le centre. Il y a la relation avec le Père — le fondement de la vie de Jésus — et il y a la relation de Jésus avec les siens, avec les croyants que nous sommes appelés à être. C’est une relation amoureuse, d’un amour qui est prêt à donner sa vie. Cela ne se limite cependant pas au petit groupe des disciples de Jésus. Le cercle qui entoure Jésus est étendu à tous les hommes : « J’ai


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encore d’autres brebis que celles de ce bercail. » Jésus est venu rassembler, mettre ensemble, même ceux qui ne font pas partie du peuple élu — comme les Samaritains au chapitre quatre. La péricope se termine en des termes forts. Jésus ne parle pas seulement de façon voilée de sa mort et de sa résurrection : « Je donne ma vie pour ensuite la reprendre », Il exprime aussi la liberté avec laquelle Il donne sa vie : « Personne ne me la prend, je la donne librement. J’ai en effet le pouvoir, aussi bien de la donner que de la reprendre. » Jésus dit cela parce que sa volonté correspond parfaitement à celle du Père. « Moi et le Père, nous sommes un, « dit Jésus, un peu plus loin dans le chapitre dix. Voilà que surgit un nouveau désaccord entre les Juifs. Pour les uns, Jésus est un possédé ; pour d’autres, il s’agit de bien plus. L’évangéliste a écrit originellement un récit suivi, sans chapitres ni numérotation de versets — cela s’est fait bien plus tard. La division en chapitres pourrait donner au lecteur l’impression qu’au chapitre dix quelque chose de nouveau commence. En réalité, la conversation avec les pharisiens à la fin du chapitre neuf ne fait que se poursuivre.

Conclusion Celui qui appartient à la communauté rassemblée par Jésus sait que tout leadership dans cette communauté doit se mesurer au rôle de pasteur de Jésus. Et tout chrétien n’est-il pas un berger pour ceux et celles qui lui sont confiés ? Ce n’est qu’à partir de l’expérience que, pour tout croyant, Jésus est le bon pasteur qu’il devient possible de devenir soi-même un bon pasteur pour les autres. •



Jean 11, 1-44 Un homme était tombé malade. C’était Lazare, de Béthanie, le village de Marie et de sa sœur Marthe. 2 (Marie est celle qui versa du parfum sur le Seigneur et lui essuya les pieds avec ses cheveux. Lazare, le malade, était son frère.) 3 Donc, les deux sœurs envoyèrent dire à Jésus : « Seigneur, celui que tu aimes est malade. » 4 En apprenant cela, Jésus dit : « Cette maladie ne conduit pas à la mort, elle est pour la gloire de Dieu, afin que par elle le Fils de Dieu soit glorifié. » 5 Jésus aimait Marthe et sa sœur, ainsi que Lazare. 6 Quand il apprit que celui-ci était malade, il demeura pourtant deux jours à l’endroit où il se trouvait ; 7 alors seulement il dit aux disciples : « Revenons en Judée. » 8 Les disciples lui dirent : « Rabbi, tout récemment, les Juifs cherchaient à te lapider, et tu retournes là-bas ? » 9 Jésus répondit : « Ne fait-il pas jour pendant douze heures ? Celui qui marche pendant le jour ne trébuche pas, parce qu’il voit la lumière de ce monde ; 10 mais celui qui marche pendant la nuit trébuche, parce que la lumière n’est pas en lui. » 11 Après ces paroles, il ajouta : « Lazare, notre ami, s’est endormi ; mais je m’en vais le tirer de ce sommeil. » 12 Les disciples lui dirent alors : « Seigneur, s’il s’est endormi, il sera sauvé. » 13 Car ils pensaient que Jésus voulait parler du sommeil, tandis qu’il parlait de la mort. 14 Alors il leur dit clairement:«Lazare est mort, 15 et je me réjouis de n’avoir pas été là, à cause de vous, pour que vous croyiez. Mais allons auprès de lui ! » 16 Thomas (dont le nom signifie : Jumeau) dit aux autres disciples : « Allons-y nous aussi, pour mourir avec lui ! » 17 Quand Jésus arriva, il trouva Lazare au tombeau depuis quatre jours déjà. 18 Comme Béthanie était tout près de Jérusalem — à une demi-heure de marche environ — 19 beaucoup de Juifs étaient 1


venus manifester leur sympathie à Marthe et à Marie, dans leur deuil. 20 Lorsque Marthe apprit l’arrivée de Jésus, elle partit à sa rencontre, tandis que Marie restait à la maison. 21 Marthe dit à Jésus : « Seigneur, si tu avais été là, mon frère ne serait pas mort. 22 Mais je sais que, maintenant encore, Dieu t’accordera tout ce que tu lui demanderas. » 23 Jésus lui dit : « Ton frère ressuscitera. » 24 Marthe reprit : « Je sais qu’il ressuscitera au dernier jour, à la résurrection. » 25 Jésus lui dit : « Moi, je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ; 26 et tout homme qui vit et qui croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ? » 27 Elle répondit : « Oui, Seigneur, tu es le Messie, je le crois ; tu es le Fils de Dieu, celui qui vient dans le monde. » 28 Ayant dit cela, elle s’en alla appeler sa sœur Marie, et lui dit tout bas : « Le Maître est là, il t’appelle. » 29 Marie, dès qu’elle l’entendit, se leva aussitôt et partit rejoindre Jésus. 30 Il n’était pas encore entré dans le village ; il se trouvait toujours à l’endroit où Marthe l’avait rencontré. 31 Les Juifs qui étaient à la maison avec Marie, et lui manifestaient leur sympathie, quand ils la virent se lever et sortir si vite, la suivirent, pensant qu’elle allait au tombeau pour y pleurer. 32 Elle arriva à l’endroit où se trouvait Jésus ; dès qu’elle le vit, elle se jeta à ses pieds et lui dit : « Seigneur, si tu avais été là, mon frère ne serait pas mort. » 33 Quand il vit qu’elle pleurait, et que les Juifs venus avec elle pleuraient aussi, Jésus fut bouleversé d’une émotion profonde. 34 Il demanda :« Où l’avez-vous déposé ? » Ils lui répondirent :« Viens voir, Seigneur. » 35 Alors Jésus pleura. 36 Les Juifs se dirent : « Voyez comme il l’aimait ! » 37 Mais certains d’entre eux disaient : « Lui qui a ouvert les yeux de l’aveugle, ne pouvait-il pas empêcher Lazare de mourir ? »


38 Jésus, repris par l’émotion, arriva au tombeau. C’était une grot-

te fermée par une pierre. 39 Jésus dit :« Enlevez la pierre. » Marthe, la sœur du mort, lui dit : « Mais, Seigneur, il sent déjà ; voilà quatre jours qu’il est là. » 40 Alors Jésus dit à Marthe : « Ne te l’ai-je pas dit ? Si tu crois, tu verras la gloire de Dieu. » 41 On enleva donc la pierre. Alors Jésus leva les yeux au ciel et dit :« Père, je te rends grâce parce que tu m’as exaucé. 42 Je savais bien, moi, que tu m’exauces toujours; mais si j’ai parlé, c’est pour cette foule qui est autour de moi, afin qu’ils croient que tu m’as envoyé. » 43 Après cela, il cria d’une voix forte : « Lazare, viens dehors ! » 44 Et le mort sortit, les pieds et les mains attachés, le visage enveloppé d’un suaire. Jésus leur dit : « Déliez-le, et laissez-le aller. »



9. Je suis la résurrection et la vie Première approche Dans cette longue relation, l’objectif n’est nullement braqué sur Lazare, mais sur Jésus qui en est le centre. L’évangéliste a ici une double intention. Il veut d’abord montrer à quel point Jésus a pouvoir sur la vie et la mort. Pour la première fois dans l’évangile de Jean, il est question de manière explicite de foi en la résurrection. En second lieu, la résurrection de Lazare est comme le prélude de la mort et de la résurrection de Jésus lui-même, une sorte de préambule au récit de la passion de Jésus lui-même. C’est une prédiction, une prophétie de la mort et de la résurrection de Jésus. Beaucoup de détails font, en effet, référence au récit de la mort et de la résurrection de Jésus : les pleurs, les spectateurs incrédules, les femmes près du tombeau, la question : « Où l’avez-vous déposé ? », la pierre déplacée, le rappel à la vie, les linges funéraires et le suaire mentionné à part, la « nécessité » de la mort pour Lazare — et plus tard pour Jésus. Comme en un miroir, Jésus est témoin de ce qui va Lui arriver bientôt. L’évangéliste nous fait comprendre qu’une chose est claire : cet éveil à la vie par l’action de Jésus devient le motif immédiat de sa propre mort. Par la résurrection de Lazare, Jésus signe son arrêt de mort. Comme dans le récit de la guérison de l’aveugle-né, on trouve ici, au début, la motivation de ce qui va arriver, et, en finale, une explication qui doit éclairer le lecteur quant à la manière de lire et de com-


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prendre le récit : « Cette maladie ne conduit pas à la mort, elle est pour la gloire de Dieu afin que, par elle, le Fils de Dieu soit glorifié. » « Ne te l’ai-je pas dit ? Si tu crois, tu verras la gloire de Dieu… Si j’ai parlé, c’est pour cette foule qui est autour de moi, afin qu’ils croient que tu m’as envoyé. » L’idée principale se trouve au milieu du récit, dans le dialogue entre Jésus et Marthe : « Moi, je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ; et tout homme qui vit et qui croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ? — Oui, Seigneur, tu es le Messie, je le crois ; tu es le Fils de Dieu, celui qui vient dans le monde. »

État des lieux Marthe et Marie font savoir à Jésus que son ami Lazare est malade. Au fond, elles ne demandent rien. Elles espèrent sans doute que Jésus viendra. À Cana, Marie ne demande rien non plus ; elle se contente de constater : « Ils n’ont pas de vin. » À Cana, Marie a reçu une réponse déroutante, une réponse qui crée de la distance. L’événement devait être mis à un autre niveau. Ici aussi, dans le récit de la résurrection de Lazare, il se passe quelque chose de semblable : Jésus ne se rend pas immédiatement à Béthanie. Les chapitres précédents de l’évangile de Jean ont rendu les lecteurs familiers du fait que, souvent, Jésus lui-même prend l’initiative. Sauf pour la guérison du fils du fonctionnaire royal (4, 46 ss.), Jésus ne se laisse pas déterminer par une demande des hommes, mais par la volonté de Dieu. Il en est également ainsi maintenant, Jésus l’indique d’emblée quand il montre dans quel sens il faut interpréter l’ensemble de l’événement : « Cette maladie ne conduit pas à la


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mort, elle est pour la gloire de Dieu, afin que par elle le Fils de Dieu soit glorifié. » Une autre idée apparaît aussitôt, qui donne une coloration particulière au récit, l’idée de la passion toute proche de Jésus lui-même. Les disciples ne comprennent pas que Jésus veuille retourner en Judée (et donc à Jérusalem) : cela pourrait lui coûter la vie, pensent-ils. Et voilà que, comme dans le récit de la guérison de l’aveugle-né, Jésus parle à nouveau de lumière et de ténèbres, de jour et de nuit. Lorsque, au cours de la Dernière Cène, Judas quitte la chambre haute pour livrer Jésus aux chefs religieux, l’évangéliste écrit : « Il faisait nuit. » Les disciples se méprennent sur le sens des paroles de Jésus à propos du sommeil de Lazare. Cette manière de parler de Jésus leur pose problème. Il est obligé de leur dire clairement : Lazare est mort. Et Il ajoute : « Je me réjouis de n’avoir pas été là, à cause de vous, pour que vous croyiez. » Jésus veut soutenir la foi de ses disciples en les confrontant à sa propre attitude face à la mort — la mort de Lazare et sa propre mort. Et c’est bien ainsi que les disciples le comprennent : « Allons-y, nous aussi, pour mourir avec lui ! » Cela ne se passera pas immédiatement ; le préambule de la passion, de la mort et de la résurrection de Jésus est pourtant clairement esquissé.

Jésus auprès de Marthe et de Marie Quand les deux sœurs rencontrent Jésus — Marthe d’abord, puis Marie — on perçoit clairement la déception dans leurs paroles. Elles disent précisément la même chose, avec les mêmes mots : « Seigneur, si tu avais été là, mon frère ne serait pas mort. » Elles croient cependant à la résurrection au dernier jour. L’affirmation de Marthe est l’oc-


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casion pour Jésus de révéler qui Il est : « Je suis la résurrection et la vie. » Et celui qui croit en Jésus, celui qui adhère à Lui — de tout son cœur — vivra. Les paroles de Jésus lui ouvrent le cœur de Marthe. Elle dit : « Oui, Seigneur, tu es le Messie, je le crois ; tu es le Fils de Dieu, celui qui vient dans le monde. » Dans les synoptiques, pareille proclamation de foi est la prérogative de Pierre : « Tu es le Messie ! » (Mc 8, 29) Dans l’évangile de Jean, c’est Marthe qui peut prononcer cette proclamation de foi essentielle. Toutefois, Pierre aussi fait une proclamation semblable dans le quatrième évangile : « Seigneur, vers qui pourrions-nous aller ? Tu as les paroles de la vie éternelle. Quant à nous, nous croyons, et nous savons que tu es le Saint, le Saint de Dieu. » (6, 68-69). Cependant, après la conversation avec Jésus, il semble que la foi de Marthe ne soit pas arrivée à pleine maturité : elle doute au moment où Jésus demande que l’on enlève la pierre de la tombe — c’est tellement humain ! « Le maître est là, Il t’appelle. » On ne trouve nulle part dans le récit que Jésus ait demandé à Marthe d’appeler Marie… Mais, d’après ce que le lecteur connaît de l’évangile de Jean, on peut interpréter cela comme suit : celui qui est arrivé à la foi au cours d’une rencontre avec Jésus désire aussi amener Jésus à d’autres, afin qu’eux aussi arrivent à la foi. Aussi faut-il ici que Marie rencontre elle-même le Seigneur pour arriver à la plénitude de la foi.

La résurrection de Lazare Quand Jésus dit : « Enlevez la pierre », Marthe réagit de façon bien humaine — trop humaine, selon l’évangéliste. Aussi Jésus fait-il un dernier appel à croire : « Ne te l’ai-je pas dit ? Si tu crois, tu verras la gloire de Dieu. »


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Ce qui frappe dans ce récit d’une grande portée théologique, c’est sa charge affective. La plupart du temps, les évangélistes ne font guère attention aux émotions et aux sentiments. Ils ne font pas de psychologie. Dans la culture du temps de Jésus, pareil intérêt n’existait pas. Il est donc intéressant de constater que l’évangéliste du quatrième évangile y porte, dans son récit de la résurrection de Lazare, une attention soudaine : « Seigneur, celui que tu aimes est malade. » « Jésus aimait Marthe et sa sœur, ainsi que Lazare. » « Notre ami Lazare est mort. » « Jésus fut bouleversé d’une émotion profonde. » « Alors Jésus pleura. Les Juifs se dirent : “Voyez comme il l’aimait !” » « Jésus, repris par l’émotion, arriva au tombeau. » D’une part, l’évangéliste montre à quel point Jésus aussi était un homme, avec ses émotions et ses sentiments, un homme qui avait besoin d’amitié. Cependant, en soulignant ainsi cette dimension humaine, il veut révéler — en contraste — que la véritable dimension de Jésus se situe ailleurs. Les pleurs de Marie et des Juifs expriment l’impuissance face au pouvoir de la mort, et donc aussi le manque de foi. C’est bien pourquoi Jésus est bouleversé d’une émotion profonde. Ce que Jésus veut, c’est justement que les spectateurs arrivent à croire. Aussi prie-t-Il pour être exaucé. « “Lazare, viens dehors !” Et le mort sortit. » La parole de Jésus est puissante, elle fait vivre. Le récit, enfin, passe à l’action, mais nous sommes forcés de laisser Lazare s’en aller ! Les spectateurs ne lui demandent rien, et lui-même ne se met pas à raconter ce qui se passe au-delà de la mort… Toute l’attention se porte sur Jésus, dont l’action manifeste la gloire de Dieu.


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C’est le dernier « signe » avant la mort sur la croix, le signe par excellence.

La condamnation à mort de Jésus (11, 45-57) « Les nombreux Juifs, qui étaient venus entourer Marie et avaient donc vu ce que faisait Jésus, crurent en lui. Mais quelques-uns allèrent trouver les pharisiens pour leur raconter ce qu’il avait fait. » Les grands prêtres et les pharisiens convoquent une réunion et estiment qu’ils ne peuvent pas laisser Jésus continuer ainsi. Ecoutons Caïphe, le grand prêtre cette année-là : « Vous n’y comprenez rien ; vous ne voyez pas quel est votre intérêt : il vaut mieux qu’un seul homme meure pour le peuple, et que l’ensemble de la nation ne périsse pas. » Et l’évangéliste de commenter : « Ce qu’il disait là ne venait pas de lui-même ; mais, comme il était grand prêtre cette annéelà, il fut prophète en révélant que Jésus allait mourir pour la nation. Or, ce n’était pas seulement pour la nation, c’était afin de rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés. » Jésus est venu pour rassembler et unifier. Le thème du rassemblement est déjà apparu un certain nombre de fois dans le quatrième évangile, de même que celui de l’unité. Ce dernier va encore revenir de façon explicite dans la prière de Jésus au cours de la Dernière Cène, dans le chapitre dix-sept. Le texte continue : « À partir de ce jour-là, le grand conseil fut décidé à le faire mourir. » La condamnation à mort est décidée. Pas moyen d’y échapper. Seuls devront encore être déterminés la manière et le moment. La Pâque Juive approchait et il y avait beaucoup de monde à Jérusalem. Jésus allait-il oser se rendre à la fête ? En tous cas, les grands prêtres et les pharisiens « avaient donné des ordres : qui-


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conque saurait où il était devait le dénoncer, pour qu’on puisse l’arrêter ». Judas donnera suite à cet ordre…



Jean 13, 1-20 Avant la fête de la Pâque, sachant que l’heure était venue pour lui de passer de ce monde à son Père, Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout. 2 Au cours du repas, alors que le démon a déjà inspiré à Judas Iscariote, fils de Simon, l’intention de le livrer, 3 Jésus, sachant que le Père a tout remis entre ses mains, qu’il est venu de Dieu et qu’il retourne à Dieu, 4 se lève de table, quitte son vêtement, et prend un linge qu’il se noue à la ceinture ; 5 puis il verse de l’eau dans un bassin, il se met à laver les pieds des disciples et à les essuyer avec le linge qu’il avait à la ceinture. 6 Il arrive ainsi devant Simon-Pierre. Et Pierre lui dit:«Toi, Seigneur, tu veux me laver les pieds!» 7 Jésus lui déclara:«Ce que je veux faire, tu ne le sais pas maintenant ; plus tard tu comprendras. » 8 Pierre lui dit : « Tu ne me laveras pas les pieds ; non, jamais ! » Jésus lui répondit : « Si je ne te lave pas, tu n’auras point de part avec moi. » 9 Simon-Pierre lui dit : « Alors, Seigneur, pas seulement les pieds, mais aussi les mains et la tête!» 10 Jésus lui dit:«Quand on vient de prendre un bain, on n’a pas besoin de se laver : on est pur tout entier. Vous-mêmes, vous êtes purs… mais non pas tous. » 11 Il savait bien qui allait le livrer ; et c’est pourquoi il disait : « Vous n’êtes pas tous purs. » 12 Après leur avoir lavé les pieds, il reprit son vêtement et se remit à table. Il leur dit alors : « Comprenez-vous ce que je viens de faire ? 13 Vous m’appelez « Maître » et « Seigneur », et vous avez raison, car vraiment je le suis. 14 Si donc moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. 15 C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous. 16 Amen, 1


amen, je vous le dis : le serviteur n’est pas plus grand que son maître, le messager n’est pas plus grand que celui qui l’envoie. 17 Si vous savez cela, heureux êtes-vous, pourvu que vous le mettiez en pratique. 18 Je ne parle pas pour vous tous. Moi, je sais quels sont ceux que j’ai choisis, mais il faut que s’accomplisse la parole de l’Écriture : Celui qui partageait mon pain a voulu me faire tomber. 19 Je vous dis ces choses dès maintenant, avant qu’elles n’arrivent ; ainsi, lorsqu’elles arriveront, vous croirez que moi, JE SUIS. 20 Amen, amen, je vous le dis : recevoir celui que j’envoie, c’est me recevoir moimême ; et me recevoir, c’est recevoir celui qui m’envoie. »


0. Un esclave en majesté Remarques préliminaires La deuxième partie de l’évangile de Jean commence au chapitre treize. La première partie, les douze premiers chapitres, constitue une sorte de catéchèse sur le sens de « croire ». Croire, c’est adhérer à Jésus, le Christ. La première partie s’appelle aussi « le Livre des signes ». L’évangéliste décrit les signes qui montrent qui est Jésus, les signes qui révèlent que l’œuvre de Dieu s’accomplit en Lui, que la gloire de Dieu se donne à contempler en Lui. Mais les signes ne sont compris que de peu de personnes : « Malgré tous les signes qu’il avait accomplis devant eux, ils ne croyaient pas en lui » (12, 37). La deuxième partie de l’évangile de Jean, des chapitres treize à dixsept, est une catéchèse sur l’amour. Au cours de ces cinq chapitres, Jésus est seul avec le petit groupe de ceux qui croient en Lui, ses disciples. Il est à table avec eux pour le repas de la Cène — la Dernière Cène avec ses disciples — le repas pascal. Durant cinq chapitres, Jésus va expliciter les conséquences de la foi en Lui — en paroles et en actes. Croire en Jésus, adhérer à sa personne de tout son cœur, de tout son être, cela se vérifie dans l’amour. Désormais, l’évangéliste parle d’agapè, l’amour avec lequel Il nous a aimés — jusqu’à l’extrême. Le don que Jésus fait de lui-même, son amour jusqu’à la fin, est un chemin de vie. L’évangile de Jean se termine par les chapitres dix-huit, dix-neuf et vingt : le récit de la passion et les récits d’apparitions — la troisième


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partie. Il s’agissait de la toute première annonce : ce Jésus, si honteusement mis à mort, est maintenant le Seigneur vivant parmi nous ! La deuxième et la troisième partie s’appellent aussi le « Livre de la glorification ». (Le chapitre vingt et un, avec un dernier récit d’apparition, a été ajouté ultérieurement, mais il appartient bien à l’évangile de Jean). Dans ce « Livre de la glorification », l’évangéliste montre comment Jésus donne sa vie jusqu’à l’extrême. « Donner sa vie » doit être compris de deux manières : Jésus qui donne sa vie, qui se donne lui-même, entièrement, jusqu’à la fin, jusqu’à la mort. Mais cela signifie aussi que Jésus fait don de sa vie à ceux qui croient en Lui.

Prologue au lavement des pieds L’auteur du quatrième évangile fait commencer la deuxième partie de son livre par le récit du lavement des pieds. Ce récit, lui aussi, fait référence à bien plus que le lavement des pieds. Il y a à voir bien plus que ce que l’on voit. Le lavement des pieds est un signe du don de Jésus aux siens. Les premiers versets de cette deuxième partie peuvent être appelés prologue, le prologue d’un nouveau commencement. La situation est nouvelle : Jésus est seul avec ses disciples ; la thématique est propre à cette partie : être uni dans l’amour ; un mot nouveau est au centre : agapè. Déjà dans le premier verset il est question de la mort de Jésus : son heure est venue, l’heure où on se saisira de Lui et où il sera mis à mort. Dans sa passion, l’amour de Jésus va jusqu’à l’extrême, son amour pour ceux qui Lui appartiennent. En contraste, il est immédiatement fait référence à Judas, qui le livrera. Dans ce récit du lavement des pieds, il sera encore deux fois question de Judas.


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Aussi bien dans le verset 1 que dans le verset 3, la dignité de Jésus est affirmée. Jésus est le Seigneur. Il apparaît en majesté. Il « connaît » et il « aime sans mesure, jusqu’à l’extrême ». Il prend, ici aussi, l’initiative, Il sait ce qu’Il fait, Il dirige les événements, Lui qui dit : « Je suis. » Il choisit librement le chemin où le mène son amour pour les siens. Ce Jésus en majesté se lève de table et enlève son vêtement pour faire le travail des esclaves ! Laver les pieds des hôtes au moment de leur arrivée était effectivement un travail réservé aux esclaves. Au point qu’à certaines époques, en Palestine, il était même interdit à des esclaves juifs de faire ce travail, réservé aux esclaves étrangers. Un Juif ne fait pas cela. Jésus, Lui, le Seigneur, fait le travail d’un homme sans caste.

Jésus et Pierre La réaction de Pierre est compréhensible. Il n’est pas possible qu’en tant que Juif il puisse être d’accord que Jésus lave les pieds de ses disciples. Mais Pierre ne comprend pas le signe. Il en reste à l’aspect extérieur. Jésus se situe à un autre niveau. Ce qu’il est en train de faire — laver les pieds de ses disciples — est un signe de son amour jusqu’à l’extrême, jusqu’à la mort. Tu ne peux pas encore le comprendre maintenant, dit Jésus à Pierre, tu comprendras plus tard. Après la mort de Jésus, après la résurrection, Pierre comprendra que le lavement des pieds faisait référence à cet amour jusqu’à l’extrême. Par ailleurs, se laisser laver les pieds est une condition pour appartenir à Jésus : « Si je ne te lave pas, tu n’auras point de part avec moi. » C’est donc un signe d’appartenance à Jésus. Pierre ne résiste plus. Il est à ce point saisi par Jésus qu’il ne peut s’imaginer un ins-


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tant être séparé de Lui, même s’il ne comprend pas encore toutes les conséquences de son appartenance à Jésus. Ce que Jésus fait ici, c’est un geste d’amour gratuit. Il n’y avait pas de règles de purification exigeant un lavement des pieds. De plus, dans le cas présent, le lavement des pieds ne se situe pas au moment de leur entrée dans la salle haute — on pourrait encore le comprendre. D’ailleurs, ils sont purifiés et n’ont pas besoin de se laver. Jésus montre un amour qui s’efface complètement dans le service d’autrui. Ici encore, l’évangéliste joue sur deux registres, il se sert des deux niveaux en même temps : « Quand on vient de prendre un bain, on n’a pas besoin de se laver : on est pur tout entier… » C’est à comprendre littéralement. « Vous-mêmes, vous êtes purs… mais non pas tous », ce qu’il faut évidemment comprendre au figuré. Pour la deuxième fois dans cette péricope, il est fait allusion à Judas. Ce que Pierre ne comprend pas encore, c’est que ce travail d’esclave du lavement des pieds est un signe de l’humiliation qui attend Jésus, un signe de sa passion par amour. Ce n’est qu’au moment où vous êtes prêt à vous laisser toucher par l’amour prévenant de Jésus, que vous pouvez participer à la vie nouvelle qu’Il apporte — la vie en abondance. Au chapitre douze, l’évangéliste raconte un autre lavement des pieds. Marie, la sœur de Marthe et de Lazare, oint les pieds de Jésus avec un parfum précieux et elle les essuie avec ses cheveux. Là aussi, ce « lavement des pieds » fait référence à la mort de Jésus : « Il fallait qu’elle garde ce parfum pour le jour de mon ensevelissement » (12, 7).

L’explication de Jésus Après le lavement des pieds, Jésus explique ce qu’Il a fait et pourquoi Il l’a fait. Il donne aux siens un exemple, même s’il ne faut pas


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le comprendre de manière moralisante. Ce qu’il demande à ses disciples, c’est qu’ils mènent une vie d’amour et de service, un amour qui les rend capables de donner leur vie pour leurs amis, une vie comme celle de Jésus, une vie pleine d’agapè. Le disciple ne doit pas s’estimer meilleur que le maître. Le disciple de Jésus ne se contente pas d’annoncer la bonne nouvelle de Jésus, il s’efforce aussi de Le suivre dans sa manière de vivre : être un homme donné, jusque dans les plus petits détails. Voilà la véritable grandeur. Ses disciples ne sont pas plus que leur maître, ils ne sont pas non plus moins que leur maître. En tant que disciple, vous partagez en tout la vie de Jésus. Jésus s’identifie à ses disciples, tout comme Il s’identifie au Père. Dans ses discours pendant la Dernière Cène, Jésus approfondit tout cela. « Si vous savez cela, heureux êtes-vous, pourvu que vous le mettiez en pratique. » C’est la première béatitude dans l’évangile de Jean et elle se rapporte à l’amour, l’agapè. Donner sa vie : voilà ce qui rend un homme heureux, voilà ce qui fait vivre — vivre en abondance. Nous lisons la seconde béatitude du quatrième évangile au chapitre vingt, lors de l’apparition à Thomas du Seigneur ressuscité : « Parce que tu m’as vu, tu crois. Heureux ceux qui croient sans avoir vu » (20, 29). Cette deuxième béatitude concerne donc la foi. La foi et l’amour, les deux grands thèmes de l’évangile de Jean.

Judas Dans les vingt premiers versets du treizième chapitre, il est fait trois référence à Judas. L’évangéliste veut nous montrer clairement que Jésus savait. Jésus n’est pas la victime de la trahison de Judas. Jésus dirige les événements, comme cela sera souligné nettement dans le récit de la passion. Pour décrire Judas, à table avec Jésus pour le


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repas pascal, il est fait usage du Psaume 41. Le verset intégral dit : « Même l’ami à qui je faisais le plus confiance, celui qui mangeait de mon pain, a levé le talon contre moi. » Même si Jésus savait ce qui allait advenir, il ressent très douloureusement la trahison de Judas.


Jean 13, 21-30 21 Après avoir ainsi parlé, Jésus fut bouleversé au plus profond de

lui-même, et il attesta : « Amen, amen, je vous le dis : l’un de vous me livrera. » 22 Les disciples se regardaient les uns les autres, sans parvenir à comprendre de qui Jésus parlait. 23 Comme il y avait à table, tout contre Jésus, l’un de ses disciples, celui que Jésus aimait, 24 Simon-Pierre lui fait signe de demander à Jésus de qui il veut parler. 25 Le disciple se penche donc sur la poitrine de Jésus et lui dit:« Seigneur, qui est-ce ? » 26 Jésus lui répond : « C’est celui à qui j’offrirai la bouchée que je vais tremper dans le plat. » Il trempe la bouchée, et la donne à Judas, fils de Simon l’Iscariote. 27 Et, quand Judas eut pris la bouchée, Satan entra en lui. Jésus lui dit alors : « Ce que tu fais, fais-le vite. » 28 Mais aucun des convives ne comprit le sens de cette parole. 29 Comme Judas tenait la bourse commune, certains pensèrent que Jésus voulait lui dire d’acheter ce qu’il fallait pour la fête, ou de donner quelque chose aux pauvres. 30 Quand Judas eut pris la bouchée, il sortit aussitôt ; il faisait nuit.



. La nuit de Judas Trois disciples — autrefois et aujourd’hui Après la triple allusion à Judas, l’attention se porte un moment vers lui. Deux autres disciples vont y contribuer, Pierre et le disciple que Jésus aimait. Ces sont trois figures de l’évangile de Jean, trois façons d’être disciple de Jésus. Même si Judas, dans le quatrième évangile, est décrit de façon plutôt négative, la réaction à la remarque de Jésus que l’un d’eux Le livrerait n’est pas dirigée contre Judas. Au contraire, ils se regardent tous et se demandent à qui Il fait allusion. Chez les synoptiques également la réaction va dans le même sens : « Serait-ce moi ? » Personne n’ose dire qu’il ne l’est certainement pas. Tous, ils se sentent quelque peu mal à l’aise.

Judas Judas est un disciple de Jésus. Jésus l’a appelé et Judas a tout quitté pour le suivre et devenir son disciple. Trois années durant, il a cheminé avec Jésus en compagnie des autres disciples. Judas a donc dû avoir été interpellé fortement par le message de Jésus, un message de justice, de paix et d’amour. Et il a payé de sa personne pour le projet de Jésus. C’est surtout l’attention de Jésus pour les petits et les pauvres qui l’a interpellé. Dans le groupe des disciples, Judas est chargé du soin des pauvres et il tient la comptabilité. On ne confie son argent qu’à une personne


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digne de confiance. Ce qui lui manque, c’est sans doute un amour profond pour Jésus. Manifestement, durant ces années, aucun lien d’amour personnel ne s’est développé en lui. Cela s’est déjà manifesté durant le repas de fête organisé par Marthe et Marie en remerciement pour la résurrection de Lazare. Lorsque Marie verse sur les pieds de Jésus le parfum précieux — d’une valeur correspondant au salaire annuel d’un ouvrier de l’époque — c’en est trop pour Judas : « Pourquoi n’a-t-on pas vendu ce parfum pour trois cents pièces d’argent, que l’on aurait données à des pauvres ? » (12, 5). Il ne peut comprendre ni supporter de la part de Marie ce geste d’amour qui est un gaspillage. Il ne comprend pas de quoi l’amour est capable. Il n’a donc pas peur d’exécuter l’ordre des grands prêtres et des pharisiens : « Quiconque saurait où il était devait le dénoncer, pour qu’on puisse l’arrêter » (11, 57). C’est avec ses remords que Judas ira à la mort…

Pierre Pierre, qui, dès le début de l’évangile, occupe une place particulière parmi les disciples — déjà dans le chapitre premier, il s’entend dire de la bouche de Jésus qu’il devra devenir un roc —, est tout aussi faible que les autres disciples qui abandonneront Jésus. Il reniera son maître (18, 16-27), malgré la claire affirmation de Jésus lors de la Dernière Cène (13, 38). Mais Pierre aime Jésus de toute son âme. Et quand il s’agit de rester relié à Lui et de Lui appartenir, il accepte que Jésus lui lave les pieds. Le reniement de Pierre est certainement un moment de faiblesse dans la vie de celui qui devrait être un roc, mais cela n’a pas détruit son amour pour son Seigneur et maître. Des larmes de repentir lui coulent sur le visage lorsque son regard croise celui de Jésus, Jésus qui est tout entier pardon. Pierre comprendra


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plus tard combien son amour est encore fragile et vulnérable (21, 1519).

Le disciple que Jésus aime À partir de cet endroit dans l’évangile de Jean, ce disciple est toujours appelé, jusqu’à la dernière page, le disciple que Jésus aimait. Son nom n’est jamais cité. La tradition a toujours interprété cela comme une allusion au disciple Jean, qui serait aussi le rédacteur du quatrième évangile. Serait-ce un signe de modestie ? Il y a sans doute un motif beaucoup plus profond pour expliquer pourquoi l’évangéliste ne mentionne plus, à partir de maintenant, le nom du disciple que Jésus aimait. Ne serait-ce pas parce que l’auteur de l’évangile veut dire par là que le disciple que Jésus aime, est le disciple — chaque chrétien — qui comprend le message de Jésus et qui essaie de le mettre en pratique, qui ne s’arrête pas à l’extériorité du récit mais qui pénètre tout au fond, dans un profond attachement à Jésus ? Autrement dit : Le disciple que Jésus aime, c’est vous, cher lecteur ou cher auditeur de mon évangile, semble nous dire l’auteur. Si l’évangéliste voulait, par cette formulation, désigner tout véritable disciple de Jésus, il est plus que probable que l’auteur du quatrième évangile aura pu se l’appliquer à lui-même.



Jean 14, 1-14 Ne soyez donc pas bouleversés : vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi. 2 Dans la maison de mon Père, beaucoup peuvent trouver leur demeure ; sinon, est-ce que je vous aurais dit : Je pars vous préparer une place ? 3 Quand je serai allé vous la préparer, je reviendrai vous prendre avec moi ; et là où je suis, vous y serez aussi. 4 Pour aller où je m’en vais, vous savez le chemin. » 5 Thomas lui dit : « Seigneur, nous ne savons même pas où tu vas ; comment pourrions-nous savoir le chemin ? » 6 Jésus lui répond : « Moi, je suis le Chemin, la Vérité et la Vie ; personne ne va vers le Père sans passer par moi. 7 Puisque vous me connaissez, vous connaîtrez aussi mon Père. Dès maintenant vous le connaissez, et vous l’avez vu. » 8 Philippe lui dit : « Seigneur, montre-nous le Père ; cela nous suffit. » 9 Jésus lui répond :« Il y a si longtemps que je suis avec vous, et tu ne me connais pas, Philippe ! Celui qui m’a vu a vu le Père. 10 Comment peux-tu dire : “Montre-nous le Père” ? Tu ne crois donc pas que je suis dans le Père et que le Père est en moi ! Les paroles que je vous dis, je ne les dis pas de moi-même ; mais c’est le Père qui demeure en moi, et qui accomplit ses propres œuvres. 11 Croyez ce que je vous dis : je suis dans le Père, et le Père est en moi; si vous ne croyez pas ma parole, croyez au moins à cause des œuvres. 12 Amen, amen, je vous le dis : celui qui croit en moi accomplira les mêmes œuvres que moi. Il en accomplira même de plus grandes, puisque je pars vers le Père. 13 Tout ce que vous demanderez en invoquant mon nom, je le ferai, afin que le Père soit glorifié dans le Fils. 14 Si vous me demandez quelque chose en invoquant mon nom, moi, je le ferai. 1



2. Les adieux près le lavement des pieds et le départ de Judas, Jésus donne à ses disciples un nouveau commandement : « Je vous donne un commandement nouveau : c’est de vous aimer les uns les autres. Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres. Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c’est l’amour que vous aurez les uns pour les autres » (13, 34-35). Outre le nouveau commandement, on trouve, dans le discours d’adieu de Jésus, un certain nombre de thèmes qui ont déjà été touchés plus tôt dans l’évangile. Ces paroles reçoivent maintenant une densité particulière, parce qu’elles sont prononcées dans le cercle restreint des disciples et parce que Jésus vit consciemment sa mort à venir. Ce sont comme les paroles d’un testament. Quelques-unes de ces paroles seront commentées plus loin.

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Des paroles contre la peur Les paroles d’adieu de Jésus font naître une confiance sans bornes : tout ce que tu as été par amour dépasse la mort. La mort n’est pas la fin, elle est un passage, une traversée en direction de Dieu même, c’est un retour à la maison paternelle près de Celui qui n’est qu’amour. Et c’est pourquoi « vos cœurs ne doivent pas être accablés à ce point ». Jésus veut ôter la peur du cœur des siens. Et il leur indique un chemin : mener une vie à partir de Dieu, une vie qui part de cette certitude


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confiante que l’amour de Dieu est plus fort que toute infidélité, plus fort que toute trahison, plus fort que la mort. Voilà la certitude que Jésus offre, pas seulement en paroles, mais plus encore par toute sa vie — jusqu’à la fin. Ce que tu as été par amour n’est pas anéanti par la mort ; ce que tu as édifié en solidarité et en amitié ne fait que renforcer ton appartenance à Dieu. C’est ainsi que dans tout moment, si infime soit-il, de sollicitude, de patience, de pardon, de magnanimité, de proximité, un sillon a été tracé qui mène à la vie en plénitude, là où Jésus a préparé une place pour chacun des siens.

Jésus et le Père Au cœur de la vie de Jésus se trouve le Père. C’était déjà évident dans la première partie de l’évangile de Jean, cela prend davantage de relief encore dans son discours d’adieu aux disciples. Jésus vient du Père et il va vers le Père. Ils sont un. « Qui m’a vu a vu le Père. » Ce que fait Jésus, ce n’est rien d’autre que les œuvres du Père. Et lorsque le Fils est glorifié, le Père aussi est glorifié. Jésus vit à partir de cette confiance fondamentale en Dieu, qui n’est qu’amour, miséricorde, pitié. Cette confiance, Il veut la communiquer aux siens, à chaque fois. En suivant le chemin de Jésus, cette confiance grandit — en chaque disciple de Jésus. C’est bien la question que se pose tout disciple de Jésus, à un moment donné : « Jésus est-il vraiment pour moi le chemin, la vérité et la vie ? » Cette question va bien au-delà de l’exemple donné par Jésus, du chemin qu’Il a tracé, de la vérité qu’Il a proclamée. Jésus — le Seigneur vivant — est celui qui rend le disciple capable de suivre ce chemin, de faire cette vérité, de vivre cette vie.


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Jean 15, 1-17 1 Moi, je suis la vraie vigne, et mon Père est le vigneron. 2 Tout sar-

ment qui est en moi, mais qui ne porte pas de fruit, mon Père l’enlève ; tout sarment qui donne du fruit, il le nettoie, pour qu’il en donne davantage. 3 Mais vous, déjà vous voici nets et purifiés grâce à la parole que je vous ai dite: 4 Demeurez en moi, comme moi en vous. De même que le sarment ne peut pas porter du fruit par lui-même s’il ne demeure pas sur la vigne, de même vous non plus, si vous ne demeurez pas en moi. 5 Moi, je suis la vigne, et vous, les sarments. Celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là donne beaucoup de fruit, car, en dehors de moi, vous ne pouvez rien faire. 6 Si quelqu’un ne demeure pas en moi, il est comme un sarment qu’on a jeté dehors, et qui se dessèche. Les sarments secs, on les ramasse, on les jette au feu, et ils brûlent. 7 Si vous demeurez en moi, et que mes paroles demeurent en vous, demandez tout ce que vous voudrez, et vous l’obtiendrez. 8 Ce qui fait la gloire de mon Père, c’est que vous donniez beaucoup de fruit : ainsi, vous serez pour moi des disciples. 9 Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez dans mon amour. 10 Si vous êtes fidèles à mes commandements, vous demeurerez dans mon amour, comme moi, j’ai gardé fidèlement les commandements de mon Père, et je demeure dans son amour. 11 Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous, et que vous soyez comblés de joie. 12 Mon commandement, le voici : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. 13 Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. 14 Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande. 15 Je ne vous appelle plus serviteurs, car le

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serviteur ignore ce que veut faire son maître ; maintenant, je vous appelle mes amis, car tout ce que j’ai appris de mon Père, je vous l’ai fait connaître. 16 Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis et établis afin que vous partiez, que vous donniez du fruit, et que votre fruit demeure. Alors, tout ce que vous demanderez au Père en mon nom, il vous l’accordera. 17 Ce que je vous commande, c’est de vous aimer les uns les autres.

La vigne et les sarments La plupart des images que Jésus emploie dans le quatrième évangile pour parler de lui-même sont des images qui se retrouvent aussi dans les récits centraux du Premier Testament : le pain, l’eau, la lumière, la vie, le berger, le chemin, la vérité, la vigne. Dans le Premier Testament, on rencontre l’image de la vigne. Et la vigne y est habituellement l’image du peuple d’Israël. Chez les prophètes, la vigne est souvent représentée comme une vigne qui ne donne pas de fruits ou qui en donne de mauvais. Le vigneron — Dieu — se demande ce qu’il aurait bien pu faire de plus pour sa vigne (Is 5, 1-7). Ou le psalmiste se demande pourquoi Dieu a abandonné sa vigne — Israël — à son triste sort et il appelle au secours (Ps 80, 9-17). Jésus à son tour — dans les évangiles synoptiques — utilise l’image de la vigne et des vignerons, souvent sur un ton menaçant, comme les prophètes. Dans l’évangile de Jean, il ne s’agit plus de la vigne et du vigneron, d’Israël et son Dieu, mais de la vigne et des sarments, de Jésus et des siens. C’est ainsi que l’accent est mis sur la relation. La nouvelle communauté entre Jésus et les siens demande une nouvelle image. De cette relation, il avait déjà été question dans le discours de Jésus après


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le miracle des pains : « Qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui » (6, 56). Et dans la péricope sur le bon berger, cette relation a déjà été thématisée une première fois. Dans le chapitre quinze, Jésus développe encore davantage.

Partager l’intimité de Jésus La relation avec Jésus est propre à la vie du disciple de Jésus. Sans cette relation, il n’est même pas question d’être disciple, d’être chrétien. « Seul celui qui est relié à moi — comme moi à lui — porte beaucoup de fruit, car sans moi, vous ne pouvez rien faire. » C’est une relation réciproque : « Restez unis à moi — comme Moi à vous… » La fécondité du disciple ne vient pas de lui-même, mais de Jésus. « … car de lui-même un sarment ne porte pas de fruit, mais seulement s’il reste attaché à la vigne. » En restant attaché à Jésus, le disciple a également part à l’intimité de Jésus : l’amour du Père : « Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez dans mon amour. » Jésus révèle à ses disciples son plus profond secret, son attachement au Père : « Si vous êtes fidèles à mes commandements, vous demeurerez dans mon amour, comme moi, j’ai gardé fidèlement les commandements de mon Père, et je demeure dans son amour. » L’amour, l’agapè, trouve sa source auprès du Père, et, à partir de Jésus, cet amour rejoint les siens et les unit entre eux : « Mon commandement, le voici : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. » C’est ce qui fait d’eux des amis, des amis dans le Seigneur. L’initiative de cette amitié vient de Jésus : « Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis. » Les amis de Jésus sont, d’abord, ses disciples, les Douze, mais aussi, après eux, tous ceux qui


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croient en Lui. S’aimer les uns les autres de l’amour que Jésus a eu pour les siens, cela s’applique clairement à l’amour au sein de la communauté de foi. Mais c’est précisément cet amour qui sera fécond : « C’est moi qui vous ai choisis et établis afin que vous partiez, que vous donniez du fruit, et que votre fruit demeure. » Un fruit qui demeure : que d’autres aussi puissent croire en Jésus !


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Jean 16, 12-22 12 J’aurais encore beaucoup de choses à vous dire, mais pour l’ins-

tant vous n’avez pas la force de les porter. 13 Quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité, il vous guidera vers la vérité tout entière. En effet, ce qu’il dira ne viendra pas de lui-même : il redira tout ce qu’il aura entendu ; et ce qui va venir, il vous le fera connaître. 14 Il me glorifiera, car il reprendra ce qui vient de moi pour vous le faire connaître. 15 Tout ce qui appartient au Père est à moi ; voilà pourquoi je vous ai dit : Il reprend ce qui vient de moi pour vous le faire connaître. 16 D’ici peu, vous ne me verrez plus; et, encore un peu après, vous me reverrez. 17 Alors, certains de ses disciples se dirent entre eux: « Que signifie ce qu’il nous dit là : “D’ici peu, vous ne me verrez plus; et, encore un peu après, vous me reverrez.” Et cette autre parole:“Je m’en vais auprès du Père”?» 18 Ils disaient donc:«Que signifie ce peu de temps? Nous ne savons pas de quoi il parle.» 19 Jésus comprit qu’ils voulaient l’interroger, et il leur dit: «Vous discutez entre vous parce que j’ai dit: D’ici peu, vous ne me verrez plus; et, encore un peu après, vous me reverrez. 20 Amen, amen, je vous le dis: vous allez pleurer et vous lamenter, tandis que le monde se réjouira. Vous serez dans la peine, mais votre peine se changera en joie. 21 La femme qui enfante est dans la peine parce que son heure est arrivée. Mais, quand l’enfant est né, elle ne se souvient plus de son angoisse, dans la joie qu’elle éprouve du fait qu’un être humain est né dans le monde. 22 Vous aussi, maintenant, vous êtes dans la peine, mais je vous reverrai, et votre cœur se réjouira ; et votre joie, personne ne vous l’enlèvera.

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L’esprit de vérité Au chapitre seizième, Jésus parle à divers endroits de l’Esprit qu’Il va envoyer. Jésus va vers le Père, mais Il ne laisse pas les siens orphelins. Il leur envoie un nouveau guide, qui va donner aux disciples — et aux croyants après eux — une compréhension toujours plus profonde de la personne et du message de Jésus — la vérité tout entière. Il veillera aussi à ce qu’ils annoncent Jésus de manière adaptée aux besoins des situations nouvelles au cours des temps. Cet Esprit n’opérera pas seul, comme Jésus n’a jamais agi seul, mais Il a toujours accompli les œuvres du Père. C’est ainsi que l’Esprit continuera l’œuvre de Jésus. Le Père, le Fils et l’Esprit sont, d’une manière toute particulière reliés l’un à l’autre, tissés l’un dans l’autre. C’est dans ces passages, entre autres, du seizième chapitre que naît une première vision — une théologie — du Père, du Fils et de l’Esprit.

La nouvelle existence en Jésus: paix et joie La discussion à propos du « peu de temps » durant lequel ils ne verront plus Jésus, puis le reverront, est une sorte d’introduction pour la suite. Jésus va vers le Père. Cela attriste les disciples. Au cours de la Dernière Cène, Jésus a plusieurs fois laissé entendre que les disciples rencontreront beaucoup de difficultés dans un monde qui leur sera souvent hostile. Ils ne se sentent pas en sécurité. Ils craignent de ne pouvoir tenir sans la proximité de Jésus. Jésus les encourage : Je vous reverrai — Il prend l’initiative — et alors, votre joie sera parfaite. C’est une joie que personne ne peut vous enlever. Ce revoir, c’est déjà la rencontre


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de Pâques, mais aussi, d’autre part, — et plus en profondeur — l’expérience durable de la vie de foi. Au chapitre quatorzième, Jésus avait déjà promis sa paix à ses disciples : « C’est la paix que je vous laisse, c’est ma paix que je vous donne ; ce n’est pas à la manière du monde que je vous la donne. Ne soyez donc pas bouleversés et effrayés. Vous avez entendu ce que je vous ai dit : Je m’en vais, et je reviens vers vous. Si vous m’aimiez, vous seriez dans la joie puisque je pars vers le Père, car le Père est plus grand que moi » (14, 27-28). Paix et joie font partie de la nouvelle existence en Jésus. C’est ce qu’apporte une vie unie à Lui. Les difficultés et les contrariétés de la vie ne peuvent les anéantir.


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Jean 17, 1-26 Ainsi parla Jésus. Puis il leva les yeux au ciel et pria ainsi : « Père, l’heure est venue. Glorifie ton Fils, afin que le Fils te glorifie. 2 Ainsi, comme tu lui as donné autorité sur tout être vivant, il donnera la vie éternelle à tous ceux que tu lui as donnés. 3 Or, la vie éternelle, c’est de te connaître, toi, le seul Dieu, le vrai Dieu, et de connaître celui que tu as envoyé, Jésus Christ. 4 Moi, je t’ai glorifié sur la terre en accomplissant l’œuvre que tu m’avais confiée. 5 Toi, Père, glorifie-moi maintenant auprès de toi : donne-moi la gloire que j’avais auprès de toi avant le commencement du monde. 6 J’ai fait connaître ton nom aux hommes que tu as pris dans le monde pour me les donner. Ils étaient à toi, tu me les as donnés, et ils ont gardé fidèlement ta parole. 7 Maintenant, ils ont reconnu que tout ce que tu m’as donné vient de toi, 8 car je leur ai donné les paroles que tu m’avais données : ils les ont reçues, ils ont vraiment reconnu que je suis venu d’auprès de toi, et ils ont cru que c’était toi qui m’avais envoyé. 9 Je prie pour eux ; ce n’est pas pour le monde que je prie, mais pour ceux que tu m’as donnés : ils sont à toi, 10 et tout ce qui est à moi est à toi, comme tout ce qui est à toi est à moi, et je trouve ma gloire en eux. 11 Désormais, je ne suis plus dans le monde ; eux, ils sont dans le monde, et moi, je viens vers toi. Père saint, garde mes disciples dans la fidélité à ton nom que tu m’as donné en partage, pour qu’ils soient un, comme nous-mêmes. 12 Quand j’étais avec eux, je les gardais dans la fidélité à ton nom que tu m’as donné. J’ai veillé sur eux, et aucun ne s’est perdu, sauf celui qui s’en va à sa perte de sorte que l’Écriture soit accomplie. 13 Et maintenant que je viens à toi, je parle ainsi, en ce monde, pour qu’ils aient en eux ma joie, et qu’ils en soient comblés. 14 Je leur ai fait don de ta pa1


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role, et le monde les a pris en haine parce qu’ils ne sont pas du monde, de même que moi je ne suis pas du monde. 15 Je ne demande pas que tu les retires du monde, mais que tu les gardes du Mauvais. 16 Ils ne sont pas du monde, comme moi je ne suis pas du monde. 17 Consacre-les par la vérité : ta parole est vérité. 18 De même que tu m’as envoyé dans le monde, moi aussi, je les ai envoyés dans le monde. 19 Et pour eux je me consacre moi-même, afin qu’ils soient, eux aussi, consacrés par la vérité. 20 Je ne prie pas seulement pour ceux qui sont là, mais encore pour ceux qui accueilleront leur parole et croiront en moi. 21 Que tous, ils soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi. Qu’ils soient un en nous, eux aussi, pour que le monde croie que tu m’as envoyé. 22 Et moi, je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée, pour qu’ils soient un comme nous sommes un: 23 moi en eux, et toi en moi. Que leur unité soit parfaite; ainsi, le monde saura que tu m’as envoyé, et que tu les as aimés comme tu m’as aimé. 24 Père, ceux que tu m’as donnés, je veux que là où je suis, eux aussi soient avec moi, et qu’ils contemplent ma gloire, celle que tu m’as donnée parce que tu m’as aimé avant même la création du monde. 25 Père juste, le monde ne t’a pas connu, mais moi je t’ai connu, et ils ont reconnu, eux aussi, que tu m’as envoyé. 26 Je leur ai fait connaître ton nom, et je le ferai connaître encore, pour qu’ils aient en eux l’amour dont tu m’as aimé, et que moi aussi, je sois en eux.»

Jésus en prière Les évangélistes montrent régulièrement Jésus en prière — seul dans un endroit désert ou dans la montagne — mais nous ne l’entendons que rarement dans sa prière. Jésus, qui, dans l’évangile de


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Jean, a tant parlé du Père — son Père —, se tourne maintenant directement vers Lui. La situation donne à cette prière une tonalité particulière : à la fin de la vie de Jésus, au cours de ce repas pascal si important — avec la mort en perspective. Cette prière prend valeur de remarquable testament. Certes, le contenu de la prière n’est pas surprenant — il ne s’y introduit guère de nouveaux éléments — mais l’insistance avec laquelle Jésus prie pour lui-même, pour ses disciples et pour tous les croyants après eux, fait de cette prière un sommet dans le quatrième évangile.

La vie en abondance « L’heure est venue », c’est ainsi que Jésus commence sa prière, l’heure de l’accomplissement de sa mission. La glorification que demande Jésus n’est rien d’autre que ceci : que sa mort, par laquelle il va sceller sa mission et qui va Le conduire dans le gloire du Père, soit la glorification du Père, comme aussi l’achèvement de sa mission de porteur de vie éternelle, la vie en plénitude, la vie en abondance. Ceux qui connaissent et aiment le seul Dieu véritable et son Fils Jésus Christ, trouvent la vie éternelle — la vie authentique. Le lien de réciprocité entre Jésus et le Père est souligné dans le premier paragraphe.

Jésus prie pour ses disciples À partir du verset 6, l’accent est également mis sur la relation de Jésus avec ses disciples et sur celle des disciples avec le Père. C’est comme si Jésus lui-même se mettait à l’arrière-plan et attirait l’at-


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tention sur les disciples. C’est leur foi en Jésus, l’envoyé du Père, qui est centrale dans ces versets. Jésus n’est qu’un médiateur entre le Père et les disciples. Il a accompli les œuvres du Père. C’était sa mission. À partir du verset 9, Jésus prie pour ses disciples. Dans les paroles de Jésus, l’unité entre le Père et le Fils est accentuée. Mais les disciples sont introduits au sein de cette unité — « le Père et Moi nous sommes un » —, car ils sont du Père, comme Jésus aussi est du Père. Dans cette puissante expression « en eux ma gloire a été rendue visible », l’évangéliste veut dire que Dieu était réellement avec Jésus. Ensuite, Jésus prie pour les disciples — ceux qui demeurent dans le monde — qu’ils soient gardés dans le nom du Père. Qu’Il les garde du péché du monde, dans et par la force de son amour. « Garde-les en ton nom, en sorte qu’ils soient un. » Jésus prie pour l’unité dans le petit groupe des disciples. Il s’agit alors de l’unité qui se fait quand ils s’aiment les uns les autres de l’amour que Jésus a eu pour eux. « Aucun d’entre eux ne s’est perdu, sauf un seul, cet homme perdu… » Judas, dont le comportement ne pouvait aboutir qu’à l’exclusion du salut, de la vie véritable. Jésus a accompli sa mission ; maintenant il retourne au Père. Il prie le Père de fortifier et encourager les disciples qui sont envoyés dans le monde, mais qui ne sont pas du monde. « Consacre-les par la vérité ; ta parole est vérité. » Il s’agit d’une élection, prendre à son service en vue d’une mission. Pour cette mission, les disciples sont armés de la vérité : la réalité de Dieu révélée en Jésus. « Je me consacre Moi-même en Toi. » Jésus se consacre lui-même au Père dans la mesure où il se consacre entièrement à la mission que le Père lui a confiée, et où, dans une souveraine liberté, il scelle cette mission par sa mort.


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Jésus prie pour tous les croyants Les fruits qui demeurent, dont il a été question dans la péricope de la vigne et les sarments, ce sont « ceux qui, par l’intermédiaire de leur parole, croiront en Jésus ». Déjà dans le premier chapitre de l’évangile de Jean, la dynamique de la foi est décrite : rencontrer Jésus et te laisser toucher par Lui, ne pas pouvoir te taire et en amener d’autres à Jésus, dans l’espoir qu’eux aussi se laissent toucher, et ainsi de suite. Lorsque tu adhères à Jésus, tu reçois la vie en abondance — la vraie vie — pour la partager avec beaucoup. Jésus prie pour tous ceux qui croient en Lui : « Qu’ils soient un. » Cette unité ne grandira que dans la mesure où ils s’aiment les uns les autres de l’amour que Jésus a eu pour ses disciples. L’éclat de l’amour mutuel, pour lequel l’évangéliste fait prier Jésus avec tant d’insistance — était-ce déjà quelque peu problématique à son époque ? — n’est pas seulement une mission, c’est aussi un don que les croyants accueillent. La prière se termine à nouveau par l’expression de la relation intime entre Jésus et les disciples — et les croyants après eux — entre Jésus et le Père et entre tous les croyants et le Père. Celui qui croit que Jésus est envoyé par le Père reçoit la vie éternelle, la vie auprès de Dieu, la vie en abondance.


Jean 19, 17-30 Jésus, portant lui-même sa croix, sortit en direction du lieu dit : Le Crâne, ou Calvaire, en hébreu: Golgotha. 18 Là, ils le crucifièrent, et avec lui deux autres, un de chaque côté, et Jésus au milieu. 19 Pilate avait rédigé un écriteau qu’il fit placer sur la croix, avec cette inscription : « Jésus le Nazaréen, roi des Juifs. » 20 Comme on avait crucifié Jésus dans un endroit proche de la ville, beaucoup de Juifs lurent cet écriteau, qui était libellé en hébreu, en latin et en grec. 21 Alors les prêtres des Juifs dirent à Pilate : « Il ne fallait pas écrire : « Roi des Juifs' ; il fallait écrire : « Cet homme a dit : Je suis le roi des Juifs ». » 22 Pilate répondit : « Ce que j’ai écrit, je l’ai écrit. » 23 Quand les soldats eurent crucifié Jésus, ils prirent ses habits ; ils en firent quatre parts, une pour chacun. Restait la tunique ; c’était une tunique sans couture, tissée tout d’une pièce de haut en bas. 24 Alors ils se dirent entre eux : « Ne la déchirons pas, tirons au sort celui qui l’aura. » Ainsi s’accomplissait la parole de l’Écriture : Ils se sont partagé mes habits ; ils ont tiré au sort mon vêtement. C’est bien ce que firent les soldats. 25 Or, près de la croix de Jésus se tenait sa mère, avec la sœur de sa mère, Marie femme de Cléophas, et Marie Madeleine. 26 Jésus, voyant sa mère, et près d’elle le disciple qu’il aimait, dit à sa mère : «Femme, voici ton fils.» 27 Puis il dit au disciple:«Voici ta mère.» Et à partir de cette heure-là, le disciple la prit chez lui. 28 Après cela, sachant que désormais toutes choses étaient accomplies, et pour que l’Écriture s’accomplisse jusqu’au bout, Jésus dit:«J’ai soif.» 29 Il y avait là un récipient plein d’une boisson vinaigrée. On fixa donc une éponge remplie de ce vinaigre à une branche d’hysope, et on l’approcha de sa bouche. 30 Quand il eut pris le vinaigre, Jésus dit: «Tout est accompli.» Puis, inclinant la tête, il remit l’esprit. 17



3. Jésus, le roi crucifié ans « son » récit de la passion, l’auteur du quatrième évangile met un certain nombre d’accents qui font le lien avec l’ensemble de la vie de Jésus. La manière dont Jésus assume sa passion et meurt sur la croix est dans la ligne de sa manière de vivre depuis le commencement.

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Jésus dirige lui-même les événements « Jésus, portant lui-même sa croix, sortit en direction du lieu dit : Le Crâne, ou Calvaire, en hébreu : Golgotha… » « Portant lui-même sa croix… » Simon de Cyrène n’intervient pas dans le récit johannique. Jésus dirige lui-même les événements, comme on l’a déjà remarqué plusieurs fois dans le quatrième évangile. C’est Lui qui prend l’initiative. C’est Lui qui choisit — en toute liberté. Jésus n’est pas la victime d’un quelconque destin ou d’un traître. Jésus « n’est » pas tué, il donne sa vie. Trois textes de l’évangile le montrent clairement. Après avoir parlé du bon pasteur, Jésus dit : « Le Père m’aime parce que je donne ma vie pour la reprendre ensuite. Personne n’a pu me l’enlever : je la donne de moi-même. J’ai le pouvoir de la donner, et le pouvoir de la reprendre : voilà le commandement que j’ai reçu de mon Père » (10, 17-18). Au moment de ses adieux, au cours de la Dernière Cène, nous entendons Jésus dire à ses disciples : « Désormais, je ne parlerai plus beau-


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coup avec vous, car le prince du monde va venir. Certes, il n’y a rien en moi qui puisse lui donner prise, mais il faut que le monde sache que j’aime mon Père, et que je fais tout ce que mon Père m’a commandé » (14, 30-31). Et lorsque Judas vient arrêter Jésus avec une escorte militaire et un certain nombre de serviteurs des grands prêtres et des pharisiens, on lit : « Alors Jésus, sachant tout ce qui allait lui arriver, s’avança et leur dit : « Qui cherchez-vous ? » Ils lui répondirent : « Jésus le Nazaréen. » Il leur dit : « C’est moi. » Judas, qui le livrait, était au milieu d’eux. Quand Jésus leur répondit : « C’est moi », ils reculèrent, et ils tombèrent par terre » (18, 4-6). Jésus doit disparaître parce que les chefs religieux du peuple ne peuvent tolérer plus longtemps son message. Sa prétention à son origine divine est, depuis longtemps, la pierre d’achoppement. Pilate Lui pose la question : « D’où es-tu ? » (19, 9). Même quand la menace d’une mort violente talonne Jésus, Il continue résolument à révéler l’amour du Père. Fidèle à sa mission, Il maintient ce choix. Voilà pourquoi l’évangéliste souligne avec force que Jésus choisit souverainement la route de la passion. Sa mort scandaleuse est une conséquence de sa fidélité à la mission que le Père Lui avait confiée.

Un roi sans honneur, sans pouvoir, sans violence Dans les douze premiers chapitres de l’évangile de Jean, nous lisons par trois fois que Jésus sera « élevé » : - dans le dialogue avec Nicodème : « De même que le serpent de bronze fut élevé par Moïse dans le désert, ainsi faut-il que le Fils de l’homme soit élevé, afin que tout homme qui croit obtienne par lui la vie éternelle » (3, 14-15) ;


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- dans la discussion avec les Juifs qui ne veulent pas comprendre : « Jésus leur déclara : « Quand vous aurez élevé le Fils de l’homme, alors vous comprendrez que moi, JE SUIS, et que je ne fais rien par moi-même, mais tout ce que je dis, c’est le Père qui me l’a enseigné » (8, 28) ; - et à la fin de la première partie de l’évangile : « et moi, quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes. Il signifiait par là de quel genre de mort il allait mourir » (12, 32-33) « Être élevé » doit se comprendre à deux niveaux. Littéralement : Jésus est élevé sur la croix. Mais également au sens figuré : sur la croix, Jésus est élevé, hautement honoré. La croix est le lieu de la glorification. L’image du roi crucifié est sans nul doute une image paradoxale. Jésus est roi, mais un roi sans pouvoir, sans honneur, sans violence. Sa royauté se situe dans le service. Jésus crucifié est roi parce qu » Il se donne jusqu’à l’extrême par amour pour les siens. Il est vraiment roi, mais, comme il le dit à Pilate : « Mon royaume n’est pas de ce monde » (18, 36).

Jésus est venu rassembler La croix devient « le lieu du rassemblement » : « Je dois être élevé de terre, mais ainsi j’attire tout le monde à moi. » C’est aussi le sens de l’inscription en trois langues au-dessus de la croix : « Pilate avait rédigé un écriteau qu’il fit placer sur la croix, avec cette inscription : “Jésus le Nazaréen, roi des Juifs.” Comme on avait crucifié Jésus dans un endroit proche de la ville, beaucoup de Juifs lurent cet écriteau, qui était libellé en hébreu, en latin et en grec. Alors les prêtres des Juifs dirent à Pilate : « Il ne fallait pas écrire : “Roi des Juifs” ; il fal-


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lait écrire : “Cet homme a dit : Je suis le roi des Juifs.” » Pilate répondit : “Ce que j’ai écrit, je l’ai écrit.” » Non seulement les Juifs pouvaient lire l’écriteau dans leur propre langue, mais aussi l’occupant romain et les nombreux pèlerins de culture grecque, également dans leur propre langue. Jésus est le sauveur du monde (4, 42), il n’est pas venu seulement pour le peuple Juif, Il est venu rassembler dans l’unité. L’unité et la solidarité deviennent dès lors le signe par excellence de la nouvelle communauté autour de Jésus : « Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c’est l’amour que vous aurez les uns pour les autres » (13, 35). Jésus est venu rassembler. Les Samaritains aussi sont concernés. Ils sont les champs mûrs pour la moisson : « Ne dites-vous pas : « Encore quatre mois et ce sera la moisson » ? Et moi je vous dis : Levez les yeux et regardez les champs qui se dorent pour la moisson. 36 Dès maintenant, le moissonneur reçoit son salaire : il récolte du fruit pour la vie éternelle, si bien que le semeur se réjouit avec le moissonneur » (4, 35-36). Rassembler : le même terme revient aussi dans le commentaire que fait l’évangéliste de l’affirmation prophétique de Caïphe : « Alors, l’un d’entre eux, Caïphe, qui était grand prêtre cette annéelà, leur dit : « Vous n’y comprenez rien ; vous ne voyez pas quel est votre intérêt : il vaut mieux qu’un seul homme meure pour le peuple, et que l’ensemble de la nation ne périsse pas. » Ce qu’il disait là ne venait pas de lui-même ; mais, comme il était grand prêtre cette annéelà, il fut prophète en révélant que Jésus allait mourir pour la nation. Or, ce n’était pas seulement pour la nation, c’était afin de rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés » (11, 49-52). Dans la péricope du bon berger, nous entendons Jésus dire : « J’ai encore d’autres brebis, qui ne sont pas de cette bergerie : celles-là aussi, il faut que je les conduise. Elles écouteront ma voix : il y aura un seul troupeau et un seul pasteur » (10, 16).


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La communauté rassemblée « Or, près de la croix de Jésus se tenait sa mère, avec la sœur de sa mère, Marie femme de Cléophas, et Marie Madeleine. 26 Jésus, voyant sa mère, et près d’elle le disciple qu’il aimait, dit à sa mère : « Femme, voici ton fils. » 27 Puis il dit au disciple : « Voici ta mère. » Et, à partir de cette heure-là, le disciple la prit chez lui. » Quand il mentionne la présence, près de la croix, de la mère de Jésus et du disciple que Jésus aimait, l’évangéliste veut dire plus qu’un simple fait dont il a été témoin. La mère de Jésus et le disciple que Jésus aimait se trouvent ici au nom de la communauté, réunie au nom de Jésus. La mère de Jésus est la figure d’un peuple nouveau rassemblé par Jésus, et dont font également partie les Samaritains et les païens. La mère de Jésus est l’image de la communauté des croyants, de la communauté ecclésiale. Lorsque Jésus confie sa mère au disciple qu’Il aimait, le disciple reçoit une mission importante : au disciple que Jésus aimait est confiée la communauté ecclésiale avec la demande instante de la garder unie. Dans son discours d’adieu, Jésus avait prié intensément pour l’unité. Au moment de la rédaction du quatrième évangile, cette unité n’est plus tellement évidente. Ce n’est pas par hasard que l’évangéliste écrit « la mère de Jésus » et « le disciple que Jésus aimait ». Il n’indique pas de noms. C’est comme si l’évangéliste voulait que ce paragraphe s’étende davantage. Il s’agit de bien plus que simplement Marie et Jean. Le disciple que Jésus aime est l’image du disciple parfait, de tout disciple qui croit que Jésus est le Christ et qui le suit dans son amour extrême. De ce disciple Marie est la mère.


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La glorification de Jésus Jésus, qui savait que son heure était venue, Jésus, qui savait que Judas allait le trahir, Jésus, qui demande lui-même à boire : « J’ai soif » — c’est Lui qui dirige les événements, c’est Lui qui les détermine. Dans l’évangile de Jean, nous n’avons pas cet arrière-fond obscur, angoissant, que l’on trouve dans l’évangile de Marc au moment de la mort de Jésus. Dans l’évangile de Jean, la mort de Jésus est présentée comme l’accomplissement, le sommet qui couronne le tout. La mort de Jésus est consciente et sereine : « Jésus, qui savait que tout était accompli… ». De même, ses dernières paroles : « C’est accompli. » L’amour de Jésus a atteint maintenant toute sa mesure. Maintenant encore, l’amour de Jésus est une force créatrice. En Lui agit le souffle de vie du Dieu qui donne vie. Quand l’évangéliste écrit : « Puis, inclinant la tête, il remit l’esprit », il ne dit pas seulement que Jésus a expiré et est mort, mais aussi qu’à ce moment-même Jésus donne l’Esprit, le Saint-Esprit, l’Esprit qui donne vie. La mort de Jésus sur la croix est sa glorification. Et cette glorification devient source de vie : « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et qu’il boive, celui qui croit en moi ! Comme dit l’Écriture : Des fleuves d’eau vive jailliront de son cœur. » En disant cela, il parlait de l’Esprit Saint, l’Esprit que devaient recevoir ceux qui croiraient en Jésus. En effet, l’Esprit Saint n’avait pas encore été donné, parce que Jésus n’avait pas encore été glorifié par le Père » (7, 37-39). Ces paroles de Jésus à la fête des Tentes à Jérusalem se réalisent au moment de sa mort : « Un des soldats avec sa lance lui perça le côté ; et aussitôt, il en sortit du sang et de l’eau » (19, 34).


Jean 20, 1-18 1 Le premier jour de la semaine, Marie Madeleine se rend au tom-

beau de grand matin, alors qu’il fait encore sombre. Elle voit que la pierre a été enlevée du tombeau. 2 Elle court donc trouver Simon-Pierre et l’autre disciple, celui que Jésus aimait, et elle leur dit: « On a enlevé le Seigneur de son tombeau, et nous ne savons pas où on l’a mis. » 3 Pierre partit donc avec l’autre disciple pour se rendre au tombeau. 4 Ils couraient tous les deux ensemble, mais l’autre disciple courut plus vite que Pierre et arriva le premier au tombeau. 5 En se penchant, il voit que le linceul est resté là ; cependant il n’entre pas. 6 Simon-Pierre, qui le suivait, arrive à son tour. Il entre dans le tombeau, et il regarde le linceul resté là, 7 et le linge qui avait recouvert la tête, non pas posé avec le linceul, mais roulé à part à sa place. 8 C’est alors qu’entra l’autre disciple, lui qui était arrivé le premier au tombeau. Il vit, et il crut. 9 Jusque-là, en effet, les disciples n’avaient pas vu que, d’après l’Écriture, il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts. 10 Ensuite, les deux disciples retournèrent chez eux. 11 Marie Madeleine restait là dehors, à pleurer devant le tombeau. Elle se penche vers l’intérieur, tout en larmes, 12 et, à l’endroit où le corps de Jésus avait été déposé, elle aperçoit deux anges vêtus de blanc, assis l’un à la tête et l’autre aux pieds. 13 Ils lui demandent : « Femme, pourquoi pleures-tu ? » Elle leur répond : « On a enlevé le Seigneur mon Maître, et je ne sais pas où on l’a mis. » 14 Tout en disant cela, elle se retourne et aperçoit Jésus qui était là, mais elle ne savait pas que c’était Jésus. 15 Jésus lui demande : « Femme, pourquoi pleures-tu ? Qui cherches-tu ? » Le prenant pour le gardien, elle lui répond : « Si c’est toi qui l’as emporté, dismoi où tu l’as mis, et moi, j’irai le reprendre. » 16 Jésus lui dit alors :


«Marie!» Elle se tourne vers lui et lui dit:«Rabbouni!» ce qui veut dire :« Maître » dans la langue des Juifs. 17 Jésus reprend:« Cesse de me tenir, je ne suis pas encore monté vers le Père. Va plutôt trouver mes frères pour leur dire que je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu. » 18 Marie Madeleine s’en va donc annoncer aux disciples :« J’ai vu le Seigneur, et voilà ce qu’il m’a dit. »


4. Au-delà du point mort La tristesse infinie de Marie Madeleine La découverte du tombeau vide a pour Marie Madeleine quelque chose de traumatisant. Elle se dirige, toute triste, vers le tombeau pour embaumer par piété le corps mort de son bien-aimé Jésus, et subitement elle s’aperçoit que la pierre devant le tombeau a été retirée et que le corps mort de Jésus a disparu. « Ils » ont assassiné son bon Jésus, et maintenant « ils » ont encore dérobé son cadavre. La seule chose qui lui restait de Lui, elle en est privée. Dans son désarroi, elle court chez Pierre et chez le disciple que Jésus aimait. Ceux-ci se hâtent immédiatement vers le tombeau. Pierre entre dans le tombeau et constate à quel point tout est rangé, mais le corps de Jésus n’y est pas. Ensuite, le disciple que Jésus aimait entre à son tour : « Il vit et il crut. » Sa relation intime à Jésus lui ouvre les yeux de la foi. Croire dépend du cœur, croire est lié à l’amour. Cependant, ni Pierre ni le disciple que Jésus aimait ne deviendront les premiers témoins du Seigneur ressuscité, mais bien Marie Madeleine. Elle devient le témoin privilégié, la première qui rencontre le Seigneur et qui va annoncer aux disciples la joyeuse nouvelle.

Au-delà du point mort De retour au tombeau, elle laisse couler ses larmes. Une seule chose la préoccupe : retrouver son cher disparu, Jésus. Sa tristesse est si grande,


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ses yeux tellement noyés de larmes, qu’elle n’est pas capable de reconnaître Jésus, le Ressuscité. Elle le reconnaîtra à sa voix. Lorsque Jésus prononce son nom, « Marie » — le nom qu’elle avait reçu tout au début de son existence — c’est comme si elle naissait à nouveau, comme si elle était à nouveau appelée à la vie. Le Ressuscité la fait ressusciter de sa tristesse, de son désarroi. Il a l’initiative. Il lui fait dépasser le point mort de cette tristesse infinie où elle était enlisée. Il lui ouvre les yeux de la foi. Il remet en marche la dynamique de sa foi.

Une mission, un message Marie Madeleine « doit » aller dire qu’Il est à nouveau vivant ; elle ne peut faire autrement. Impossible de le garder pour elle seule. Dans la rencontre avec le Seigneur ressuscité, la dynamique de la foi se met à l’œuvre. Et Jésus lui confie un message. D’après le contenu du message, on peut voir que la relation entre Jésus et ses disciples a atteint toute sa plénitude : Jésus appelle ses disciples : « mes frères ». Ils ont suivi Jésus comme disciples ; plus tard, ils seront envoyés par Jésus comme apôtres. Au cours de la Dernière Cène, Jésus les appelait « mes amis », au matin de Pâques, il les appelle « mes frères ». Celui qui vit en relation étroite avec Jésus participe à sa relation étroite avec le Père. C’est ainsi que Dieu, que Jésus avait appelé jusque là « mon Père », devient aussi « leur Père » : « Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu. » C’est que Jésus lui-même est appelé le Seigneur à partir du matin de Pâques. Et tandis que Marie Madeleine, au début du chapitre, apporte son histoire incroyable : « Ils ont enlevé le Seigneur du tombeau », à la fin du premier récit d’apparition, elle apporte une bonne nouvelle : « J’ai vu le Seigneur ! »


Jean 20, 19-31 19 Ce même soir, le premier jour de la semaine, les disciples avaient

verrouillé les portes du lieu où ils étaient, car ils avaient peur des Juifs. Jésus vint, et il était là au milieu d’eux. Il leur dit: «La paix soit avec vous!» 20 Après cette parole, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples furent remplis de joie en voyant le Seigneur. 21 Jésus leur dit de nouveau:«La paix soit avec vous! De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie.» 22 Ayant ainsi parlé, il répandit sur eux son souffle et il leur dit: «Recevez l’Esprit Saint. 23 Tout homme à qui vous remettrez ses péchés, ils lui seront remis; tout homme à qui vous maintiendrez ses péchés, ils lui seront maintenus.» 24 Or, l’un des Douze, Thomas (dont le nom signifie:Jumeau) n’était pas avec eux quand Jésus était venu. 25 Les autres disciples lui disaient: «Nous avons vu le Seigneur!» Mais il leur déclara: «Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt à l’endroit des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, non, je ne croirai pas!» 26 Huit jours plus tard, les disciples se trouvaient de nouveau dans la maison, et Thomas était avec eux. Jésus vient, alors que les portes étaient verrouillées, et il était là au milieu d’eux. Il dit: «La paix soit avec vous!» 27 Puis il dit à Thomas:«Avance ton doigt ici, et vois mes mains; avance ta main, et mets-la dans mon côté: cesse d’être incrédule, sois croyant.» 28 Thomas lui dit alors: «Mon Seigneur et mon Dieu!» 29 Jésus lui dit:«Parce que tu m’as vu, tu crois. Heureux ceux qui croient sans avoir vu.» 30 Il y a encore beaucoup d’autres signes que Jésus a faits en présence des disciples et qui ne sont pas mis par écrit dans ce livre. 31 Mais ceux-là y ont été mis afin que vous croyiez que Jésus est le Messie, le Fils de Dieu, et afin que, par votre foi, vous ayez la vie en son nom.



5. D’abord croire, puis voir Paix, joie, pardon Le soir de Pâques, Jésus est soudain au milieu de ses disciples — ses frères. La paix et la joie remplissent les cœurs des dix disciples, qui, par peur de représailles, ont verrouillé l’endroit où ils se trouvent. Il leur montra ses mains et son côté — les signes qui font reconnaître son amour jusqu’à l’extrême. Jésus n’est reconnaissable qu’à partir d’une relation intime dans l’amour — même imparfait. Ici aussi, le Seigneur prend l’initiative pour les libérer de leur peur et de leur angoisse. Eux aussi vont être envoyés : « Comme le Père m’a envoyé, moi aussi Je vous envoie. » Voilà la force intérieure qui fait vivre chaque disciple de Jésus : de même que le Père agit en Jésus, ainsi Jésus — le Christ, le Seigneur — agit dans ses disciples, dans tous ceux qui croient en Lui. Jésus n’avait-il pas dit, à la Dernière Cène : « Moi en eux comme Toi en Moi » (17, 23) ? Et la mission qu’ils reçoivent, c’est une mission de pardon et de réconciliation. Ce qu’ils reçoivent gratuitement — le pardon de leur infidélité — ils doivent le donner à d’autres. S’ils ne le font pas, l’autre reste en quelque sorte enfermé dans son péché. Il faut le sortir de là !

Thomas Le soir de Pâques, Thomas n’était pas là. Lorsque ses frères, tout joyeux, lui racontent qu’ils ont vu le Seigneur, il ne les croit pas. Il ne


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peut pas (encore) les croire. Thomas est profondément blessé. La vie de son seigneur et maître s’était terminée par un échec. Avec d’autres disciples, il avait lié sa vie à celle de son maître. Mais cette fin scandaleuse, c’en était trop. Ils ont décroché pour ne pas crouler. Ils avaient raté leur vie. Quelque chose s’était cassé dans la vie de Thomas et cette brisure se manifeste par le doute et l’incrédulité, par la méfiance aussi. Il n’en est pas encore sorti, loin de là. Jésus va l’aider à franchir le point mort où il se trouve bloqué. L’apparition de Jésus à Thomas a quelque chose de tendre, de délicat. Jésus apparaît avec ses plaies ouvertes et il invite Thomas à déposer ses propres blessures intérieures dans les plaies ouvertes de Jésus. C’est là que sa blessure intérieure guérira et se fermera, laissant une cicatrice. C’est précisément cette cicatrice qui devient un signe d’appartenance, un signe d’attachement. Ce que Thomas, comme les autres disciples, avait brisé lors de la scandaleuse exécution de Jésus, se trouve restauré — par Jésus, le Seigneur vivant. C’est comme si, dans chacun des récits d’apparition, il y avait un moment profond de pardon. Très discrètement, sans beaucoup de paroles, Jésus pardonne à ses amis leur infidélité et leur découragement. Dans cette rencontre de miséricorde et de guérison avec le Seigneur ressuscité se prépare l’Église, qui, à la Pentecôte, ouvrira largement ses portes. Maintenant que la relation avec Jésus est restaurée, Thomas se réconcilie avec son passé et un nouvel avenir va s’ouvrir pour lui. De cet événement à la fois intense et tendre surgira la plus courte et la plus belle des professions de foi : « Mon Seigneur ! Mon Dieu ! » Après cette profession de foi qui vient droit du cœur, Jésus — qui pense à ceux qui viendront à la foi après eux — dit : « Heureux ceux qui croient sans avoir vu. » Croire d’abord, voir ensuite !


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L’évangéliste termine son récit sur Jésus — le chapitre 21 est un ajout plus tardif — en expliquant pourquoi il a écrit ce livre : afin que toute personne qui entend lire ou lit elle-même l’évangile après les disciples, puisse, à la fin de l’histoire de Jésus, exprimer la même profession de foi : « Mon Seigneur ! Mon Dieu ! »



Jean 21, 1-14 1 Après cela, Jésus se manifesta encore aux disciples sur le bord du

lac de Tibériade, et voici comment. 2 Il y avait là Simon-Pierre, avec Thomas (dont le nom signifie : Jumeau), Nathanaël, de Cana en Galilée, les fils de Zébédée, et deux autres disciples. 3 Simon-Pierre leur dit : « Je m’en vais à la pêche. » Ils lui répondent : « Nous allons avec toi.» Ils partirent et montèrent dans la barque; or, ils passèrent la nuit sans rien prendre. 4 Au lever du jour, Jésus était là, sur le rivage, mais les disciples ne savaient pas que c’était lui. 5 Jésus les appelle : « Les enfants, auriez-vous un peu de poisson ? » Ils lui répondent : « Non. » 6 Il leur dit : « Jetez le filet à droite de la barque, et vous trouverez. » Ils jetèrent donc le filet, et cette fois ils n’arrivaient pas à le ramener, tellement il y avait de poisson. 7 Alors, le disciple que Jésus aimait dit à Pierre : « C’est le Seigneur ! » Quand Simon-Pierre l’entendit déclarer que c’était le Seigneur, il passa un vêtement, car il n’avait rien sur lui, et il se jeta à l’eau. 8 Les autres disciples arrivent en barque, tirant le filet plein de poissons ; la terre n’était qu’à une centaine de mètres. 9 En débarquant sur le rivage, ils voient un feu de braise avec du poisson posé dessus, et du pain. 10 Jésus leur dit : « Apportez donc de ce poisson que vous venez de prendre. » 11 Simon-Pierre monta dans la barque et amena jusqu’à terre le filet plein de gros poissons: il y en avait cent cinquante-trois. Et, malgré cette quantité, le filet ne s’était pas déchiré. 12 Jésus dit alors:«Venez déjeuner.» Aucun des disciples n’osait lui demander : « Qui es-tu ? » Ils savaient que c’était le Seigneur. 13 Jésus s’approche, prend le pain et le leur donne, ainsi que le poisson. 14 C’était la troisième fois que Jésus ressuscité d’entre les morts se manifestait à ses disciples.



6. Avec la force de Jésus Déjeuner au bord du lac L’apparition du lac situe l’événement dans la vie quotidienne de ces sept pêcheurs : au bord de la mer de Galilée. Le Seigneur ressuscité veut être reconnu dans les occupations habituelles. Cette histoire fait penser à deux récits des évangiles. Il y a d’abord une grande ressemblance avec le récit de la pêche miraculeuse dans l’évangile de Luc (5, 1-11). Chez Luc, cela se passe au début de la vie publique de Jésus et le miracle se termine par la vocation de Pierre : « Désormais, c’est des hommes que tu pêcheras. » Mais le récit de notre chapitre vingt et un de l’évangile de Jean rappelle aussi le récit du miracle des pains (6, 115) — et l’eucharistie de la première communauté chrétienne : « Avezvous quelque chose pour accompagner le pain ? » Lors du déjeuner, qui suit la pêche miraculeuse, Jésus a préparé du pain et du poisson : « Alors Jésus prit le pain et le leur donna, ainsi que le poisson. » La grande quantité de poisson fait sans doute référence au rassemblement de nombreux peuples au nom de Jésus. Et le fait que le filet ne se rompt pas suggère l’image de l’unité au sein de la communauté croyante. C’était sans doute aussi le sens de la tunique de Jésus, « c’était une tunique sans couture, tissée tout d’une pièce de haut en bas » (19, 23). L’unité au sein de la communauté rassemblée autour du Seigneur ressuscité est évidemment un motif puissant dans le quatrième évangile.


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Par la force de Jésus Dans ce récit d’apparition, c’est à nouveau le disciple que Jésus aimait qui reconnaît le Seigneur ressuscité. Il reconnaît le ressuscité avec son cœur. Et à la parole de ce seul disciple : « C’est le Seigneur », le cœur impétueux de Pierre déborde à son tour et rien ne peut plus le retenir. Jésus, qui a tout préparé pour un repas, invite ses disciples à apporter une part des poissons qu’ils viennent eux-mêmes de pêcher. Le repas devient ainsi le signe de la collaboration entre Jésus et les disciples. Et même plus qu’une collaboration, c’est un jeu subtil, car les poissons qu’ils viennent de pêcher, c’est grâce à l’intervention de Jésus qu’ils les ont pris, lui qui leur avait suggéré de jeter les filets à droite de la barque. C’est comme cela que se déroule la vie chrétienne au quotidien : les efforts humains du disciple de Jésus demeurent infructueux, sauf s’il garde le contact avec Jésus. « Sans Moi, vous ne pouvez rien faire » (15, 5).


Jean 21, 15-25 15 Quand ils eurent déjeuné, Jésus dit à Simon-Pierre : « Simon, fils

de Jean, m’aimes-tu plus que ceux-ci ? » Il lui répond : « Oui, Seigneur, je t’aime, tu le sais. » Jésus lui dit : « Sois le berger de mes agneaux. » 16 Il lui dit une deuxième fois : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu?» Il lui répond:«Oui, Seigneur, je t’aime, tu le sais.» Jésus lui dit : « Sois le pasteur de mes brebis. » 17 Il lui dit, pour la troisième fois :« Simon, fils de Jean, est-ce que tu m’aimes ? » Pierre fut peiné parce que, pour la troisième fois, il lui demandait : « Est-ce que tu m’aimes ? » et il répondit : « Seigneur, tu sais tout : tu sais bien que je t’aime. » Jésus lui dit : « Sois le berger de mes brebis. 18 Amen, amen, je te le dis : quand tu étais jeune, tu mettais ta ceinture toi-même pour aller là où tu voulais ; quand tu seras vieux, tu étendras les mains, et c’est un autre qui te mettra ta ceinture, pour t’emmener là où tu ne voudrais pas aller. » 19 Jésus disait cela pour signifier par quel genre de mort Pierre rendrait gloire à Dieu. Puis il lui dit encore : « Suis-moi. » 20 En se retournant, Pierre aperçoit, marchant à leur suite, le disciple que Jésus aimait. (C’est lui qui, pendant le repas, s’était penché sur la poitrine de Jésus pour lui dire : « Seigneur, quel est celui qui va te livrer ? ») 21 Pierre, voyant ce disciple, dit à Jésus : « Et lui, Seigneur, que lui arrivera-t-il?» 22 Jésus lui répond:«Si je veux qu’il reste jusqu’à ce que je vienne, est-ce ton affaire ? Mais toi, suismoi. » 23 Ainsi se répandit parmi les frères l’idée que ce disciple ne mourrait pas. Or, Jésus n’avait pas dit à Pierre : « Il ne mourra pas », mais : « Si je veux qu’il reste jusqu’à ce que je vienne, est-ce ton affaire ? » 24 C’est lui, le disciple qui rend témoignage de tout cela, et qui l’a rapporté par écrit, et nous savons que son témoignage est vrai. 25


Il y a encore beaucoup d’autres choses que Jésus a faites ; et s’il fallait rapporter chacune d’elles, je pense que le monde entier ne suffirait pas pour contenir les livres que l’on écrirait ainsi.


7. L’unique critère de l’amour M’aimes-tu? La conversation entre Jésus et Pierre après le déjeuner au bord du lac est un moment saisissant dans la vie de la jeune Église. Au moment où Jésus confie à Pierre le soin de cette jeune Église, Il ne pose qu’une question : « M’aimes-tu ? » Ce n’est pas un examen sur ses connaissances de la Loi et des Prophètes ; ce n’est pas un sondage sur des formes de perfection. L’amour pour le Seigneur est le critère par excellence. L’évangéliste utilise ici deux mots différents pour dire « aimer » (agapan — philein). En grec, la différence entre les deux verbes est claire, mais on peut difficilement l’exprimer en français. Jésus demande : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu plus que ceuxci ? » En grec, il est écrit à peu près ceci : « M’aimes-tu de cette agapè que j’ai eue pour vous ? » M’aimes-tu avec cet amour entièrement gratuit, complètement oublieux de soi, prêt à donner sa vie — comme j’en ai donné l’exemple ? Et puis encore : « … plus que ceux-ci ? » La réponse positive de Pierre laisse entendre autre chose : « Oui, Seigneur, Tu sais que je t’aime. » Ici, l’auteur utilise le mot grec habituel pour amour et amitié. Au fond, Pierre répond : « Oui, Seigneur, tu sais que je t’aime, mais tu sais aussi que mon amour est encore si humain, si tourné vers soi, fragile et vulnérable. » Le oui de Pierre est un « oui » humble et modeste. Il aime effectivement son Maître de tout son cœur, mais il sait


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aussi qu’il l’a renié par trois fois. Pour Jésus, cette réponse suffit — Il connaît Pierre — pour lui confier le soin du troupeau. Mais Jésus répète sa question : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu — de cette agapè avec laquelle je t’ai aimé ? » Jésus ne fait plus maintenant de comparaison avec les autres. Pierre lui fait la même réponse : « Oui, Seigneur, je t’aime et tu sais combien mon amour est encore fragile et vulnérable, mais, malgré tout : je t’aime. » Et Pierre reçoit la même confiance et la même mission qu’après la première question : « Sois le berger de mes brebis. » La troisième fois, Jésus ne parle plus d’agapè, mais il reprend le verbe de Pierre : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ? » Jésus est venu se placer à côté de Pierre, Il le prend là où il est (encore). Certes Pierre aime beaucoup Jésus, mais son amour est encore très égocentrique et fragile. Alors, Pierre est attristé, car il sent bien que Jésus préfère ne plus aborder la question de l’agapè. Et Pierre ne peut que répéter ce qu’il a déjà dit à deux reprises : « Seigneur, tu sais tout, tu sais donc bien que je t’aime ? » Pour la troisième fois, Pierre se voit confier le troupeau.

Dans la force du ressuscité Les paroles qui suivent nous permettent de comprendre la triple question de Jésus. Dans la première rencontre avec Jésus, Simon, fils de Jean, avait reçu un nouveau nom : Pierre (1, 42). Pierre reçoit la mission d’être un roc. L’évangile montre que Pierre — avec son grand cœur et sa témérité — n’est pas encore un roc. De lui-même, Pierre ne peut pas devenir un roc. Mais le Seigneur ressuscité le transformera en roc. « “Quand tu seras vieux, tu étendras les mains, et c’est un autre qui te mettra ta cein-


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ture, pour t’emmener là où tu ne voudrais pas aller.” Jésus disait cela pour signifier par quel genre de mort Pierre rendrait gloire à Dieu. » De lui-même, Pierre n’arrive pas à l’agapè. Son amour a quelque chose de beau, de grand ; mais, en même temps, c’est un amour encore assez centré sur soi. Mais le Seigneur ressuscité va amener Pierre à cette agapè que Jésus a eue pour lui et pour tous les disciples. En effet, plus tard, attaché à une croix, Pierre donnera sa vie pour son Seigneur. Il a fait ce que le Seigneur lui a demandé : « Suis-moi. »

Le disciple que Jésus aimait En finale, l’auteur de ce dernier chapitre nous fait comprendre que le martyre — le chemin suivi par Pierre — n’est pas la seule manière de suivre Jésus. Le disciple que Jésus aimait témoignera d’une autre manière de son amour pour le Seigneur. Il continuera à vivre dans le témoignage qu’est son évangile. C’est avec cet évangile qu’il a rendu possible que, nous aussi, nous puissions devenir le disciple que Jésus aime.



Table des matières Liminaire .....................................................................................5 Avant-propos ...............................................................................7 Prier avec l’évangile de Jean..........................................................9 Jean 1, 1-18 ..........................................................................................................................15

. Parmi nous............................................................................. 7 Jean 1, 19-34 ........................................................................................................................19

2. L’attitude qui convient...........................................................2 Jean 1, 35-51 ........................................................................................................................23

3. À la suite de Jésus...................................................................25 Jean 2, 1-12 ..........................................................................................................................29

4. Le vin nouveau.......................................................................3 Jean 4, 5-42 ..........................................................................................................................35

5. La source de vie......................................................................39 Jean 6, 1-15 ..........................................................................................................................45

6. Le pain pour vivre ..................................................................47


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Jean 9, 1-41 ..........................................................................................................................53

7. La lumière pour voir ..............................................................57 Première approche du texte................................................................57 À l’essentiel ......................................................................................58 Quelques caractères typiques de l’évangile de Jean ..............................60 Jean 10, 1-21 ........................................................................................................................63

8. Jésus, le bon berger ................................................................65 La figure du berger ..........................................................................65 Entrer et sortir par la porte................................................................66 Je suis la porte ..................................................................................67 Je suis le bon berger ..........................................................................68 Conclusion ......................................................................................70 Jean 11, 1-44 ........................................................................................................................71

9. Je suis la résurrection et la vie.................................................75 Première approche ............................................................................75 État des lieux ..................................................................................76 Jésus auprès de Marthe et de Marie....................................................77 La résurrection de Lazare..................................................................79 La condamnation à mort de Jésus (11, 45-57) ......................................80 Jean 13, 1-20 ........................................................................................................................83

0. Un esclave en majesté...........................................................85 Remarques préliminaires ..................................................................85 Prologue au lavement des pieds ..........................................................86 Jésus et Pierre ..................................................................................87 L’explication de Jésus ........................................................................88 Judas ..............................................................................................89


table des matières

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Jean 13, 21-30 ......................................................................................................................91

. La nuit de Judas ...................................................................93 Trois disciples — autrefois et aujourd’hui ..........................................93 Judas ..............................................................................................93 Pierre ..............................................................................................94 Le disciple que Jésus aime..................................................................95 Jean 14, 1-14 ........................................................................................................................97

2. Les adieux ............................................................................99 Des paroles à l’encontre de la peur ....................................................99 Jésus et le Père ................................................................................100 Jean 15, 1-17 ......................................................................................................................101

La vigne et les sarments ..................................................................102 Partager l’intimité de Jésus..............................................................103 Jean 16, 12-22 ....................................................................................................................105

L’esprit de vérité ............................................................................106 La nouvelle existence en Jésus : paix et joie ......................................106 Jean 17, 1-26 ......................................................................................................................108

Jésus en prière ................................................................................110 La vie en abondance ......................................................................110 Jésus prie pour ses disciples ..............................................................111 Jésus prie pour tous les croyants ........................................................112 Jean 19, 17-30 ....................................................................................................................113

3. Jésus, le roi crucifié............................................................. 5 Jésus dirige lui-même les événements ................................................115 Un roi sans honneur, sans pouvoir, sans violence ..............................116 Jésus est venu rassembler..................................................................117 La communauté rassemblée ............................................................119 La glorification de Jésus ..................................................................120


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la vie en plénitude

Jean 20, 1-18 ......................................................................................................................121

4. Au-delà du point mort ....................................................... 23 La tristesse infinie de Marie Madeleine ............................................123 Au-delà du point mort ....................................................................123 Une mission, un message ................................................................124 Jean 20, 19-31 ....................................................................................................................125

5. D’abord croire, puis voir .................................................... 27 Paix, joie, pardon ..........................................................................127 omas..........................................................................................127 Jean 21, 1-14 ......................................................................................................................131

6. Avec la force de Jésus ......................................................... 33 Déjeuner au bord du lac ................................................................133 Par la force de Jésus ........................................................................134 Jean 21, 15-25 ....................................................................................................................135

7. L’unique critère de l’amour ................................................ 37 M’aimes-tu ? ..................................................................................137 Dans la force du ressuscité ..............................................................138 Le disciple que Jésus aimait ............................................................139

Table des matières.................................................................... 4

Achevé d’imprimer le 5 décembre 2007 sur les presses de l’imprimerie Bietlot, à 6060 Gilly (Belgique).



Marc Rotsaert Marc Rotsaert est né en 1942, en Belgique. Jésuite, il a été maître des novices de Flandres et des Pays-Bas, à deux reprises provincial de la Province belge septentrionale, et directeur du centre spirituel Godsheide. Depuis 2000, il est président de la Conférence des Provinciaux européens.

ISBN 978-2-87356-384-4 Prix TTC : 13,95 €

9 782873 563844

Marc Rotsaert

« L’évangile de Jean nous introduit dans le monde caché de la foi, de l’amour et de la prière. Pourquoi s’étonnerait-on alors de ce que quelqu’un d’aussi familier de la tradition priante ignatienne, Marc Rotsaert, se tourne vers Jean pour apprendre à prier ? Ce livre n’est donc pas une introduction à la lecture et à l’intelligence de Jean, mais plutôt un vade-mecum qui permet d’apprendre à prier avec lui. » Le commentaire est simple, clair, concis, permettant à merveille de faire silence et de prier. De plus, il est passionnant de constater comment l’auteur révèle à chaque fois des détails nouveaux qui rendent en quelque sorte le récit tridimensionnel : le récit lui-même, son enracinement dans la Première Alliance et son aboutissement dans la vie de Jésus, surtout son mystère pascal. » On a beaucoup écrit sur Jean, mais des livres comme celui-ci, qui apprennent à prier avec Jean, ne sont pas nombreux. Quel qu’en soit d’ailleurs le nombre, ce type de livre répond à un véritable besoin » (cardinal Danneels, extrait de la préface).

La vie en plénitude Prier avec l’évangile de Jean

PRÉFACE DU CARDINAL DANNEELS

La vie en plénitude

La vie en plénitude

Marc Rotsaert


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