Que croire ?
Charles Delhez, s.j.
Que croire ? Questions sensibles autour de la foi chrétienne
fidélité/SALVATOR
Imprimi potest : P. Daniel Sonveaux, s.j., Provincial BML, 5 septembre 2007.
© Éditions Fidélité • 7, rue Blondeau • BE-5000 Namur • Belgique info@fidelite.be • www.fidelite.be © Éditions Salvator • 103, rue Notre-Dame-des-Champs • FR-75006 Paris • France editions.salvator@wanadoo.fr • www.editions-salvator.com ISBN belge : 978-2-87356-386-8 ISBN français : 978-2-7067-0511-3 Dépôt légal belge : D/2007/4323/26 Dépôt légal français : octobre 2007 Couverture : Isabelle de Senilhes © Illustration de couverture : PhotoAlto Maquette intérieure et mise en page : Jean-Marie Schwartz Imprimé en France
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Introduction
On nous a tout changé! « On nous a tout changé ! » Ce reproche est parfois adressé haut et clair à certains théologiens, certains prêtres ou à des fidèles « modernistes ». Souvent, cependant, lorsqu’on poursuit la conversation, on s’attarde à ce qui n’est finalement que des détails. Or, ce ne sont pas des détails qui ont changé. Il s’agit d’un changement radical de perspective.
L’homme au centre Notre culture — et pas seulement religieuse — est totalement différente. On lui donne souvent le nom de modernité. Ce qui a changé, c’est la place de l’homme. Il est maintenant au centre de tout. Jadis, il se situait sous Dieu dont l’existence était une évidence partagée par tous, à quelques exceptions près. Il était également dominé par la nature dont les lois étaient implacables. La marge de manœuvre était réduite, l’homme étant loin de connaître les lois de cette nature et donc de pouvoir les infléchir. Au sein même de la société humaine, la hiérarchie était quasi inflexible. Celle-ci structurait tant l’espace religieux que civil, militaire ou familial.
Aujourd’hui, l’être humain est devenu le centre. Il est la mesure de toute chose. L’existence de Dieu est désormais à option, la nature est domestiquée, et nous vivons dans une république d’égaux (même quand le système politique est celui d’un royaume constitutionnel). Ajoutons à cela que les siècles précédents ont vécu dans l’angoisse du lendemain : aurons-nous quelque chose à manger ? Les guerres, les intempéries, la fragilité de la vie rendaient chaque instant problématique. Aujourd’hui, nous sommes à l’époque de l’abondance, de la surabondance — pas pour tous, il est vrai. On parle de société d’hyperconsommation.
Les aînés et les jeunes C’est donc toute la mentalité qui, ainsi, s’est transformée. Pour beaucoup, la religion est devenue inutile. Ils n’en ont pas perçu la pertinence. Ceux qui ont gardé la foi, quant à eux, cherchent un langage adapté à cette nouvelle culture. Les personnes plus âgées, cependant, ont encore un pied dans l’ancienne mentalité. Qui pourrait le leur reprocher ? Mais elles vivent aussi dans le temps présent et entendent toutes les idées qui circulent. Chaque jour, c’est le grand écart. Prenons l’exemple du péché originel. Comment concilier cette croyance profondément ancrée dans les têtes catholiques avec la théorie de l’évolution ? Voilà une question qui fait souvent couler beaucoup d’encre d’autant que les grands-parents y sont régulièrement confrontés lorsqu’ils voient leurs petits-enfants ou leurs arrière-petitsenfants ne pas être baptisés à temps ou même pas du tout. Ne sont pas concernés que les seuls aînés. Certains jeunes, accrochés avec raison à leur foi, en reviennent parfois aux conceptions de jadis, sans doute par peur de voir leurs croyances s’étioler. Le nouveau langage religieux, en effet, se cherche, les repères font défaut. Voilà qui est insécurisant. Pourquoi ne pas reprendre les anciens ? On voit ce-
pendant le danger : tenir un langage complètement coupé de la civilisation d’aujourd’hui et ne pas pouvoir rejoindre ceux qui sont immergés dans la nouvelle culture.
Un essentiel à retrouver Beaucoup de jeunes, cependant, font le chemin inverse : ils n’ont « plus rien à cirer » avec le christianisme. Combien de fois, par exemple, n’aurai-je pas entendu dans leur bouche : « Le Christ, oui, mais les miracles, non ! » Et, à partir de là, ils condamnent tout le reste de l’édifice religieux. La prise trop au pied de la lettre de ces récits, l’ignorance du langage symbolique ou une absence de celui-ci dans la transmission de la foi est sans doute un des obstacles les plus grands. Ne confondons pas l’Évangile avec des récits merveilleux. Les évangélistes, il est vrai, ont volontiers utilisé ce registre. Mais l’important, c’est le cœur du message, et non son emballage. Il y a donc un essentiel à retrouver ou à ne pas perdre de vue… Restent cependant toutes ces questions plus précises qui embarrassent les croyants et ceux qui veulent « recommencer » ou tout simplement découvrir. Ce sont celles-ci qui seront abordées dans ce livre. Ne nous a-t-on pas raconté des sornettes ? Que faut-il encore croire pour ne pas aller dans le sens inverse de la route qu’indique la foi chrétienne depuis vingt siècles ? Ne mettons cependant pas la foi là où elle n’est pas. Être chrétien, ce n’est pas d’abord « croire aux miracles » jusqu’au dernier détail, mais modeler notre vie sur celle du Christ. Ce qui nous manque le plus, ce n’est sans doute pas des exégètes — classiques ou révolutionnaires —, mais des hommes et des femmes — laïcs ou prêtres — habités par la radicalité de l’Évangile. Si l’on veut que le message passe à la génération suivante et touche ceux qui ne l’ont pas encore entendu, il faudra donner à la foi des
formes radicalement neuves. « Si le catholicisme doit retrouver les chemins de la vitalité au xxie siècle, estime Jean-Pierre Moisset dans sa récente Histoire du catholicisme, ce sera au prix d’une reconfiguration en profondeur. » C.D.
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Il n’y aura jamais moyen de donner la preuve par A + B de l’existence de Dieu. La foi en Dieu est affaire d’amour plus que de raison. « La foi, c’est Dieu sensible au cœur », disait le grand penseur Pascal. Quand on assiste à un rassemblement de croyants, on sent qu’il y a là quelque chose de vrai. Est-il possible que tant de gens croient s’il n’y a rien ? Il y a aussi les beautés de la nature qui nous invitent à croire. Tout cela existerait-il sans qu’il y ait un Dieu ? Pourtant, certains le disent. Et il n’y a pas moyen de leur « prouver » le contraire, sinon par une joie profonde. La joie du chrétien est de pouvoir dire merci à ce Dieu qui lui a tout donné. Il sait qu’il n’est pas né par hasard, que le soleil ne s’est pas allumé inopinément. Dieu lui a offert tout cela en cadeau d’amour. On ne peut cependant pas prouver Dieu comme on démontrerait un théorème de mathématiques. Mais cela ne veut pas dire pour autant qu’il soit contraire à la raison. Pour le croyant, il y a quelque chose de raisonnable et de conforme à notre intelligence d’affirmer son existence. Et même plus que raisonnable. Il serait en effet dommage que Dieu se réduise à notre raison et soit juste à sa mesure. Il est encore bien plus grand.
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1. Dieu existe-t-il vraiment ? Peut-on prouver son existence ? N’estce pas nous qui l’avons fait à notre image ?
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1. Dieu
La foi ne va pas à l’encontre de la raison, elle va beaucoup plus loin. Si elle allait à l’encontre de la raison, je ne pourrais être croyant. Il n’y aurait en effet pas de sens à ce que Dieu m’ait donné l’intelligence pour me dire : « Oublie cette intelligence et crois bêtement ! » Les théologiens disent que la foi est « trans-rationnelle », elle respecte la raison, mais elle la dépasse. Pour un athée, comment justifier ce phénomène religieux universel sinon en parlant de projection : ce qui se passe dans ma tête, je l’imagine vrai dans les cieux ? Le croyant, lui, y voit le « symptôme d’une bienheureuse et incurable maladie, l’inquiétude métaphysique et religieuse » (Alain Woodrow, journaliste au Monde). La meilleure preuve du pain, disait Claudel, c’est qu’il nourrit. La balle est donc renvoyée dans le camp des croyants. La meilleure preuve de la foi, c’est qu’elle fait vivre. Les chrétiens témoignerontils de Dieu par la qualité de leur vie ? À chacun de répondre en faisant son examen de conscience.
2. Où demeure-t-il ? Au ciel ou à l’intérieur de nous-mêmes ? Pour le croyant, Dieu est une « réalité ». Il est même à la source de toute réalité. Il est « celui qui est » (Exode 3, 4). Il n’est cependant pas d’ordre matériel, mais surnaturel. Dès lors, les notions d’intériorité ou d’extériorité sont en porte-à-faux. Notre esprit humain, en effet, situe toujours tout selon l’espace et le temps. Dieu n’étant pas « de ce monde », il échappe à ces coordonnées. Et pourtant, il faut bien en parler. C’est une exigence de notre esprit. Nous utilisons donc des expressions spatiales ou temporelles, même si elles ne sont pas adéquates. Spontanément, quand nous évoquons Dieu avec les enfants, nous leur disons qu’il est soit « au ciel » — et le voilà extérieur — soit « dans notre cœur » — et le voilà intérieur. Ces deux images di-
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sent quelque chose du mystère de Dieu. Jésus les utilise aussi. Souvent, dans les évangiles synoptiques (Matthieu, Marc, Luc), on peut trouver l’expression « votre Père des cieux ». Chez saint Jean, Jésus parle de demeurer : « Nous viendrons à lui et nous établirons chez lui notre demeure » (Jean 14, 3). Dieu est au ciel : il n’est pas un petit morceau de nous-mêmes, il est plus grand que nous. Il enveloppe toute réalité comme le ciel surplombe la terre. Il est tout autre que moi. Pour aller à sa rencontre, il faut, comme Abraham, « quitter ton pays », sortir de soimême, marcher vers lui. Le Dieu de la Bible est souvent présenté en termes d’extériorité. Et pourtant, d’une certaine façon, il n’est pas ailleurs que là où je suis. Dieu est dans mon cœur : il n’est pas nécessaire que je quitte ma condition humaine pour rencontrer Dieu. En « descendant » au plus profond de moi-même, je peux boire à la source de celui qui est « plus intime à moi-même que moi-même » (saint Augustin). Et pourtant, lui que je rencontre à l’intime de moi-même, il ne se réduit pas à être « mon » Dieu. Il est le Dieu de tout homme. Le risque d’une pure intériorité (« dans mon cœur ») est de mettre Dieu à ma mesure. Le risque d’une pure extériorité (« tout autre que moi ») est de le mettre hors de portée. Or Dieu est partout, disait le catéchisme de mon enfance. Il est tout autant « intérieur » qu’« extérieur ». Quand on pousse l’intériorité trop loin, on arrive facilement au panthéisme : tout est Dieu. Quand on pousse trop loin la transcendance, on s’éloigne de l’originalité chrétienne : Dieu s’est fait proche au point de se faire l’un d’entre nous. Puisque Dieu est transcendant, échappant à l’espace et au temps, ne pourrait-on pas dire aussi que nous lui sommes intérieurs ? Aux philosophes d’Athènes, Paul expliquait : « En lui nous avons la vie, le mouvement et l’être » (Actes 17, ). Finalement, c’est Jean peutêtre qui a la meilleure formule quand il dit dans sa première lettre :
« Dieu est amour. Qui demeure dans l’amour demeure en Dieu et Dieu demeure en lui » ( Jean 4, 6). Dès qu’il y a amour, Dieu est donc rencontré, même si son nom n’est pas connu. « Quand tu aimes, ne dis pas : Dieu est dans mon cœur, mais je suis dans le cœur de Dieu » (Khalil Gibran). N’oublions pas que les chrétiens parlent de Dieu en termes trinitaires. Dieu est Père, certes, créateur du ciel et de la terre, mais il nous a envoyé son Fils, Jésus Christ, Dieu fait homme. Comme tout être humain, il se manifeste ainsi « extérieur » à moi. Mais ressuscité, il vient faire sa demeure en nous. Quant à l’Esprit Saint, parler de lui en termes d’intériorité convient mieux : il « habite en nous » ( Timothée 1, 4). Dieu à la source de notre être, à nos côtés et en nous.
3. Dieu a-t-il besoin des religions ? Et les autres religions ? Je crois que Dieu n’a pas besoin des religions. C’est l’homme qui cherche Dieu et essaie de le rejoindre par elles. Qu’il y ait dans les religions, comme dans toutes les activités humaines, des déviances, c’est certain. Hélas ! Mais si quelqu’un joue mal du violon, le violon n’est pas un mauvais instrument pour autant ! Qu’il n’y ait qu’une vérité, c’est tout aussi certain. Mais chacun en voit une facette différente. Pourquoi Dieu laisse-t-il subsister ces différents chemins vers le sommet de la montagne ? Je ne sais. Mais je veux croire que Dieu se sert de toutes ces religions pour se donner à rencontrer par les hommes. Je crois aussi — c’est bien pour cela que je suis chrétien — que Jésus est le chemin privilégié. En lui, nous croyons que Dieu s’est donné à toute l’humanité. Jésus étant de notre race, tous ceux qui partagent avec lui la condition humaine sont sauvés par lui. Dieu invite donc tous les humains, quelle que soit leur religion. Le chrétien, au nom de sa foi, croit que Dieu s’intéresse à chacun.
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4. L’amour et Dieu, une seule et même chose ? L’amour n’existe pas en tant que tel. C’est un mot abstrait, c’està-dire construit pour désigner ce que l’on a pu observer dans les faits. Ce qui existe, ce sont des personnes qui s’aiment. L’amour est le qualificatif idéal de toute relation et peut prendre bien des formes : amicales, parentales, conjugales… Lorsque saint Jean, dans sa première lettre, dit que Dieu est amour (n’est-ce pas la plus belle manière de parler de lui ?), cela signifie tout simplement que Dieu nous aime, que sa relation à nous se résume en cela. En effet, l’évangéliste a pu constater cet amour dans la vie de Jésus : « Dieu a tellement aimé le monde qu’il lui a donné son Fils unique » (Jean 3, 6). En Jésus, nous nous sentons aimés par Dieu. Pour le chrétien, Dieu n’est pas un être abstrait, mais une personne qui aime. Il restera toujours difficile d’exprimer cette foi en des mots humains. Lorsqu’on dit que Dieu est une personne, cela signifie précisément cela : il est capacité d’aimer, il aime. L’amour n’est-il pas ce qu’il y a de plus personnel en nous ? N’est-ce pas ce qui personnalise ceux que nous rencontrons ? Grâce à l’amour, en effet, un individu
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Nouveauté absolue à laquelle nous n’avons peut-être pas toujours été fidèles. Ce que la foi chrétienne a donc apporté de plus, c’est la prise de conscience de cette universalité de l’amour de Dieu. Et cela change profondément notre conception du divin et notre regard sur l’homme. Tous ensemble, nous pouvons donc dire : Notre Père… Ajoutons enfin que si Dieu n’a pas besoin des religions, il a voulu « avoir besoin » des hommes, tout simplement parce qu’il les aime. « Dieu a tant aimé le monde, dit Jésus dans l’évangile de Jean, qu’il lui a donné son Fils unique… » (3, 6). Il y a en Dieu un désir de l’homme. Voilà pourquoi il nous a créés et sauvés.
(que l’on peut classer et numéroter dans des recensements et autres statistiques) devient une personne et se met à compter à nos yeux. L’audace de la foi chrétienne va encore plus loin. Non seulement Dieu aime les hommes, mais s’il les aime, c’est parce qu’il est amour depuis toujours et pour toujours. Il est partage, dialogue, communion, échange… Il est espace de relation. À l’origine de tout, il n’y a donc non pas une énergie, une force aveugle, une puissance anonyme, mais une relation d’amour entre le Père et le Fils dans l’unité de l’Esprit Saint, selon ce qu’a révélé le Nouveau Testament. Les théologiens ont mis sur cette relation le mot abstrait de Trinité, tout comme nous mettons le mot abstrait d’amour sur la relation entre deux êtres qui s’aiment. Il ne faut donc pas dire que l’amour est Dieu, mais que Dieu est amour, que l’amour est la manière dont il existe. Dieu n’est qu’amour, insistait le père Varillon. Et l’amour appelle l’amour. Quand nous aimons à notre tour, nous faisons l’expérience de la manière divine d’exister, nous connaissons Dieu. Dès qu’il y a amour, en effet, Dieu est rencontré, même si celui qui aime ne veut pas entendre parler de religion.
5. L’existence de Dieu est-elle compatible avec la liberté de l’homme ? Le chrétien essaye de tenir ensemble deux éléments : et la liberté de l’homme et l’amour de Dieu. Dieu est créateur, mais il est surtout Père. Le Credo dit : « Je crois en Dieu le Père tout-puissant… » La toute-puissance de Dieu est donc paternelle. C’est parce qu’il est père qu’il est créateur. Le monde est créé en vue de l’homme, pour que l’homme l’habite et puisse y vivre librement. « Le monde a commencé parce que Dieu
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6. Aurions-nous trois dieux ? Le christianisme n’est pas un monothéisme classique. Là où l’islam, par exemple, parle d’un Dieu tout-puissant et absolument
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a voulu la liberté. S’il n’avait pas voulu la liberté, il n’y aurait pas eu le processus du monde », écrit le philosophe Berdiaev. Tout l’art d’un père n’est-il pas de réussir à faire de son enfant un être libre, avec qui il puisse dialoguer et vivre une relation d’amour ? « Le don le plus grand que Dieu, dans sa largesse, a fait en créant, c’est le don de la volonté libre », disait le poète Dante. ( 6 – 3 ). Dieu agit dans le monde par la liberté humaine. Il est vrai que pendant un temps, on a insisté davantage sur sa toute-puissance que sur sa paternité, une toute-puissance impassible, à la manière des dieux grecs. Pourtant, dès les premiers siècles chrétiens, on a osé parler de la souffrance de Dieu. Qui dit amour dit en effet vulnérabilité, donc possibilité de souffrir. Aimer, c’est volontairement renoncer à sa toute-puissance, se refuser à utiliser la puissance pour faire fléchir l’autre. Quelqu’un a pu dire qu’il fallait plus de puissance à Dieu pour créer un être libre que pour créer le monde, c’est-à-dire pour créer un être dont la liberté est capable de s’opposer à sa toute-puissance. C’est parce qu’on aime quelqu’un qu’on lui donne la liberté, qu’on refuse d’en faire une marionnette. Et si l’on aime quelqu’un en lui donnant la liberté, on l’aime encore lorsqu’il en use mal. « Sans la liberté d’adhérer à l’autre ou de le répudier, il n’y a pas d’amour. Dieu aurait pu faire de nous des êtres assujettis à Sa volonté, nous aurions pu alors, comme les autres créatures, contribuer à Sa gloire, nous n’aurions pas participé à Son amour » (Général Morillon, Mon Credo, Presses de la Renaissance, p. 3). Le sommet de la liberté, en effet, c’est l’amour.
unique, dans le sens solitaire du terme, créateur du ciel et de la terre, les chrétiens proclament que ce qui est à l’origine de tout est un Dieu d’amour. Et qui dit amour dit partage, échange, relations. Comme il faut bien utiliser des mots, l’habitude a été prise de parler de « personnes » en Dieu et, s’inspirant du langage même de Jésus, de les nommer, Père, Fils et Esprit. Jésus est venu sur terre pour nous révéler que Dieu est une communion d’amour entre son Père et lui dans l’unité du Saint-Esprit. Toute son existence, en effet, est vécue en profonde communion avec son Père (« Le Père et moi, nous sommes un ») et animée par l’Esprit Saint que Jean Baptiste témoigne avoir vu demeurer sur lui (Jean 1, 33). Y a-t-il une source à tout ce qui existe ? Par-delà le commencement, quelle est l’origine ? Pour répondre à cette question, les chrétiens parlent donc de Trinité, c’est-à-dire une relation, un dialogue, une communion. Dieu est un, mais il ne s’agit pas du chiffre arithmétique. C’est l’unité dans l’amour. Peut-on être plus heureux que lorsque, avec celui ou celle qu’on aime, on ne fait plus qu’un ? Pourtant, on reste deux. Le vœu de tout amour, c’est de devenir un en restant deux. Voilà ce que Dieu vit au cœur de son éternité : l’unité respectueuse de la différence. Le Père aime le Fils ; le Fils aime le Père. Et s’« aimer, ce n’est pas se regarder l’un l’autre, mais regarder ensemble dans la même direction », dit la célèbre phrase de Saint-Exupéry. C’est dans la direction de l’Esprit — qui les unit — que le Père et le Fils regardent. Le mot Trinité (Tri-Unité) traduit cette nature relationnelle de Dieu. La notion de Trinité ne viole pas le mystère de Dieu en le mettant en mots et en formules. Elle nous dit simplement que Dieu est amour et donc communion. Le registre de la relation (et non de la puissance ou de la morale) est donc le meilleur pour en parler, pour évoquer son mystère sans l’épuiser.
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Le Saint-Esprit est le grand inconnu. Lorsque nous étions petits, on nous parlait du « petit Jésus ». Si notre foi a mûri, nous avons découvert que Jésus nous révélait le Père et qu’il nous mettait en relation avec lui. Il nous a appris à dire « Notre Père » quand nous prions. Mais l’Esprit Saint, qui est-il sinon celui dont on demande l’aide avant un examen ou dans un moment difficile… ? Dieu est amour, un amour réussi. Une relation parfaite est toujours triangulaire. Dieu est amour fécond. Le Père et le Fils ne passent pas leur éternité à se contempler l’un l’autre. L’Esprit Saint est donc le débordement de l’amour du Père et du Fils. « Au commencement, l’Esprit de Dieu planait sur les eaux » (Genèse 1, ). L’Esprit, dans la Bible, est en effet de tous les commencements : la création, la vocation des prophètes, l’incarnation de Jésus, la Pentecôte… Il est Seigneur et il donne la vie, proclame le Credo. Plutôt que de le définir, j’évoquerai l’Esprit Saint par quelques phrases, quelques images… Ainsi, pour les enfants, on prend souvent comme illustration, pour parler de la Trinité, trois bougies dont la flamme est unique. Ne serait-il pas plus juste de dire : deux bougies dont la flamme est unique ? Cette flamme, c’est l’Esprit Saint. L’Esprit Saint fait donc l’unité entre le Père et le Fils. Il est « le baiser mutuel du Père et du Fils », disait François Varillon. Il est, selon Christian Duquoc, « l’entre-deux du Père et du Fils », celui qui se met entre eux. Il maintient ainsi la distance pour que l’unité entre eux ne soit pas une fusion, mais un éternel dialogue. On pourrait dire qu’il est non pas une troisième personne du singulier, mais la première personne du pluriel. C’est ainsi que Jésus dira : « Le Père et moi nous sommes un » (Jean 14, 3). Puisque l’Esprit nous a été donné dès notre baptême, il nous rend partie prenante de ce dialogue éternel d’amour entre le Père et le Fils. Grâce à l’Esprit, nous pouvons dire à Dieu : « Père ». Saint
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7. Quel est donc le rôle de l’Esprit Saint ?
Paul ne dit-il pas : « Dieu a envoyé dans nos cœurs l’Esprit de son Fils, qui crie Abba, Père » (Galates 4, 6) ? Il nous fait donc redire le mot même utilisé par Jésus. Il met dans notre cœur ses propres sentiments filiaux. Rappelons-nous l’icône de la Trinité : Jésus, au milieu, regarde vers son Père. Le Père regarde vers l’Esprit Saint pour nous l’envoyer. Et l’Esprit tourne les yeux vers la table, comme pour nous dire : « Viens t’asseoir, partage avec nous la coupe. » Disons enfin que l’Esprit Saint est celui qui nous rassemble en un seul corps, l’Église, comme on le demande dans la prière eucharistique. L’expression semble-t-il la plus ancienne du Credo est : « Je crois au Saint-Esprit dans l’Église pour la vie éternelle. » L’Église est comme la visibilité du Saint-Esprit, elle lui donne corps. Le père Philippe Verhaegen, qui fut aumônier du roi Baudouin de Belgique, raconte comment un jour il a vu quelqu’un faire du deltaplane. Il ne pouvait prendre son envol. Puis le vent a soufflé, et le spectacle a été merveilleux. Ainsi l’Esprit Saint. Il est celui qui permet de prendre notre envol, de vivre de manière divine.
8. Peut-on faire l’expérience de l’amour de Dieu ? Comment nous aime-t-il concrètement ? Tout simplement, et de manière tellement évidente que l’on n’y pense plus, en nous donnant la vie. Ce n’est pas seulement à l’origine que Dieu a pensé à nous. À chaque instant, il est à la racine même de notre existence. La joie que nous pouvons parfois ressentir d’exister, d’aimer et d’être aimés, telle est certainement la première expérience de l’amour de Dieu. L’attitude religieuse par excellence sera donc l’émerveillement. Pour qui a les yeux de la foi, tout devient alors signe de cet amour concret de Dieu. Le coucher de soleil ou un sourire, l’immensité
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des océans ou la petite attention d’un de mes proches, la beauté du printemps ou la présence discrète d’un ami à mes côtés. Il y a des signes extérieurs, mais il y en a d’autres intérieurs. Cette paix et cette joie qui m’envahissent lorsque je prie, ou lors d’une célébration, l’émotion ressentie à la lecture de la vie d’un témoin, ou cette expérience indicible où je suis « en présence » de l’Ineffable, de Celui qui est au-delà de tous les mots et de toutes les représentations. La littérature des « convertis », de ceux qui après un temps de non-croyance ont trouvé ou retrouvé le Dieu d’amour, abonde d’exemples. Jean-Marie Pelt, ce botaniste français, raconte que dans sa vie, il a connu une période de deuil, de solitude, de dépression grave. « J’ai été jusqu’au fond de la piscine et là, une parole m’a fait rebondir. J’ai alors été saisi par Jésus. Il y a des moments de grâce que l’on ne commande pas comme on choisirait un menu au restaurant. » Cette parole au plus fort de l’angoisse, c’est celle d’un ami au téléphone : « Même ainsi prostré, Dieu t’aime infiniment. » Et Jean-Marie Pelt raccrocha aussitôt. Ce fut un « éclair fulgurant ». Ou encore Éric-Emmanuel Schmitt, romancier et dramaturge bien connu, qui, à l’âge de vingt-huit ans, lors d’un voyage dans le Hoggar (Sahara), s’est perdu : « Cette nuit-là, j’ai eu le sentiment que tout était justifié, tout. Et lorsqu’on a ce sentiment une fois dans sa vie, cela suffit ! Tout est justifié, il y a un Ordre et une Présence en ce monde… » Qui peut dire que jamais il n’a eu dans sa vie un moment d’illumination intérieure ? Mais, peut-être s’est-on empressé de l’oublier ou n’y a-t-on pas donné les suites qui convenaient. Dans toute vie spirituelle, il y a aussi ces moments que l’on nomme de « désolation ». Dieu semble absent. La vie en devient absurde. Ces périodes, parfois angoissantes, nous font comme découvrir que la vie sans Dieu est vidée de tout sens. C’est comme une « preuve par l’absurde » de son amour.
Lorsque nous sommes entourés d’amis et de personnes qui nous aiment, nous vivons heureux. Même si la guigne s’acharne, la paix règne au plus profond de nous-mêmes. C’est le jour où l’on perd ses amis, où l’on entre en dispute que l’on découvre le manque. L’amitié et l’amour sont comme un air que l’on respire, sans même plus y penser. Il en va de même pour Dieu. N’oublions cependant pas que, pour le chrétien, c’est dans le Christ que l’amour de Dieu s’est surtout manifesté : « Il m’a aimé et s’est livré pour moi » (Galates 2, ), dira saint Paul après sa conversion sur le chemin de Damas.
9. Jésus est-il essentiel sur le chemin de Dieu ? Depuis que l’homme est homme, il y a en lui une dimension religieuse qui lui fait lever les yeux vers le ciel, traditionnelle demeure des divinités. Même si certains ont eu peur que le ciel leur tombe sur la tête, Dieu a souvent été perçu comme bon, donnant la vie aux gens, veillant à leur subsistance. Alors, qu’apporte Jésus ? Peut-être, aujourd’hui, ne nous rendons-nous plus suffisamment compte de ce que Jésus et son Évangile ont profondément transformé notre conception naturelle et spontanée du divin. Jésus est celui qui a « évangélisé » Dieu. Par ses paroles et surtout par son attitude, on peut percevoir cette puissance « au-dessus de nous » comme étant uniquement d’amour. Jésus l’appelait du nom de père, il vivait de manière filiale et donc fraternelle. La nuit était le temps du cœur à cœur dans la prière. Le jour, il se faisait accueil à tous. Le prophète de Nazareth nous a aussi permis de comprendre que la loi n’était ni le dernier mot de Dieu ni le dernier mot sur lui. S’il est amour, il ne peut être que miséricordieux. Spontanément, nous ferions de Dieu un justicier (et il est bien vrai que nous avons be-
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soin de repères), mais Jésus, sans nier la loi, qui se résume en l’amour, parlait de pardon. Les Égyptiens, par exemple, n’allaient pas plus loin que la pesée des âmes. La foi chrétienne pousse l’audace encore plus loin. Elle dit que ce Jésus est l’Emmanuel, Dieu avec nous, le Fils de Dieu. Si cela est vrai, Dieu s’est donc engagé lui-même dans une histoire d’homme. En lui, Dieu est incroyablement proche et les humains apparaissent bien grands puisque Dieu peut se « déranger » pour eux et se faire l’un d’eux. Il y aurait ici beaucoup à ajouter. Mais l’on peut percevoir d’emblée que cette « incarnation » de Dieu change tout dans les rapports entre l’homme et le divin. Il ne faudrait bien sûr pas oublier la résurrection, point de départ de la foi en Jésus Christ. Une révolution dans l’histoire des religions. Dieu et l’homme sont ici encore concernés. La Résurrection, en effet, nous révèle un Dieu qui prend parti pour les exclus, relève l’humilié, met l’homme debout. Certes, il n’est pas intervenu dans la mort de son prophète, mais Pâques nous dévoile un « ailleurs » où sera moissonné tout l’amour qui a été semé ici-bas. Pour l’homme, l’horizon est singulièrement élargi. Les désirs les plus forts qu’il porte en lui seront accomplis. Comment ? C’est une autre question (voir questions 35 à 42), mais au matin de Pâques, toute espérance ressuscite.
Forcément, aux yeux de la foi chrétienne, le Coran n’est pas un livre inspiré, tout comme aux yeux de l’islam, la Bible ne traduit pas parfaitement la parole de Dieu. Il y a donc quelque chose d’incompatible. Mais il faut aller plus loin. Dans la manière dont les croyants de ces deux religions parlent de leur livre sacré, il y a une différence essentielle. Selon la foi musulmane, il existe dans le ciel, de toute éternité, auprès de Dieu, un livre sacré, le Coran, écrit en arabe. L’archange Gabriel l’a dicté à Mahomet. Celui-ci a proclamé oralement ces révélations et des scribes les ont mises par écrit. Cela donne 4 fragments ou sourates. La foi des chrétiens à propos de leurs livres sacrés est toute différente. La Bible est la bibliothèque d’un peuple. Celle-ci comprend 3 livres, 46 pour le Premier Testament, et pour le Nouveau. La rédaction de ces différents ouvrages a pris environ dix siècles. Ni les juifs ni les chrétiens ne parleront à propos de ces écrits d’une dictée, mais d’une inspiration : l’Esprit Saint (ou l’Esprit de Yahvé) éclaire l’écrivain sacré.
Bible
Dieu 10. La Bible, vraiment la parole de Dieu ? Bible et Coran, deux livres inspirés ?
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2. Bible, création du monde
Si l’on peut prendre cette image qui vaut ce qu’elle vaut, selon les juifs et les chrétiens, Dieu est intérieur à celui qui écrit et il respecte entièrement sa liberté. Pour les musulmans par contre, Dieu demeure extérieur : par son ange, il dicte à l’oreille de l’écrivain ce qu’il doit redire fidèlement. Certes, il y a une profonde unité dans la Bible. Les chrétiens diront que c’est en Jésus de Nazareth, l’Envoyé de Dieu, que tous ces textes prennent leur sens. Mais, en même temps, il y a une grande diversité. La « théologie » de certains auteurs est différente de celle d’autres. C’est que Dieu respecte le cheminement de chacun et fait de la diversité une richesse. Mais, bien sûr, c’est une même foi et un même Dieu qui anime chacun de ces écrivains. Dans le Coran par contre, même si une analyse plus fine pourra distinguer différentes périodes avec des accents différents, il y a une plus grande unité apparente, puisque son écriture n’a pris que quelques années et est le fait d’un seul homme qui a communiqué fidèlement ce qu’on lui dictait. Dans cette différence entre les deux livres sacrés, on peut entrevoir une différence entre les deux religions. L’islam est la religion de la toute-puissance de Dieu. Pour la tradition judéo-chrétienne, Dieu s’efface pour laisser toute place à l’homme. Et voici une illustration de cette différence : selon la Bible, c’est l’homme qui donne leur nom aux animaux (Genèse 2, ) ; selon le Coran, c’est Dieu lui-même.
11. La Bible au pied de la lettre ou lecture symbolique ? Dans la Bible, il y a de nombreuses manières de parler. On y rencontre différents « genres littéraires » : les mythes, les paraboles, les poèmes, les proverbes, les récits historiques, les exhortations… Par
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1. Nous nous permettons de renvoyer à notre livre Apprendre à lire la Bible, Namur, Fidélité, 2007, écrit avec Jean Radermakers.
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exemple, le récit d’Adam et Ève appartient au genre du « mythe ». Ce n’est pas une divagation, mais plutôt une manière imagée de dire une vérité abstraite. Le mythe est tout autre chose qu’une légende. Il ne vise pas le passé, mais l’essentiel. Il s’agit de poser un regard de foi sur l’aventure humaine, et non de remplacer la science. Dans la Bible, il n’est pas toujours facile de dégager le fait historique du genre littéraire. En effet, certains détails ont un côté merveilleux et ne sont pas à prendre au pied de la lettre. Il ne faut pas tout rejeter en bloc pour autant. Il y a toujours un enracinement dans l’histoire vécue par le peuple d’Israël, puis par les communautés chrétiennes, même si la base historique — au sens moderne du terme — peut être parfois plus réduite que les textes ne le laissent apparaître. Ceux qui lisent toute la Bible de manière littérale sont appelés fondamentalistes. Pour eux, le monde a été créé en six jours de vingt-quatre heures et Ève, fabriquée avec une côte d’Adam. Ce type de lecture était fréquent au xixe siècle. C’est à cette époque que la critique scientifique fit son apparition. Actuellement encore, certains groupes religieux refusent d’accepter les découvertes que l’étude scientifique des textes bibliques a permises. Espérer qu’un jour tout sera expliqué, dans la Bible comme dans notre vie, est une illusion. Et heureusement ! Cela produirait un monde désenchanté. Le mystère n’est pas une énigme à résoudre, mais un monde à habiter. Ce qui prouve la vérité de la Bible, c’est l’amour qu’elle suscite, l’expérience spirituelle qu’elle induit. Au cœur de ce livre saint, il y a Jésus le Christ. Il est venu vivre Dieu parmi nous jusque sur la croix. Et il est ressuscité. Voilà le vrai « prodige » qui ne sera jamais expliqué. Là s’enracine la foi chrétienne, réponse libre à l’amour de Dieu 1.
12. Faut-il des dogmes ? Quels sont-ils ? D’où viennent-ils ? Dans le langage courant, un dogme est une croyance importante dans une religion, qui, s’articulant avec d’autres croyances, forme un ensemble cohérent. Au Moyen Âge, on préférait l’expression article de foi. C’est évidemment dans les écritures saintes que l’on trouve l’expression la plus pure du « dogme » chrétien. Selon la foi chrétienne, ces Écritures sont orientées vers le Christ. Le mystère du Christ a été scruté, en Église, au cours des siècles chrétiens, souvent en réaction à d’autres manières de comprendre l’identité profonde de celui qui, pour le croyant, est Dieu fait homme. L’histoire chrétienne, en effet, pullule de sectes et d’hérésies qui ont interprété autrement ce mystère. Parmi les dogmes ou articles de foi, certains sont plus fondamentaux. On pourrait ici en retenir trois : la Trinité (Dieu est amour), l’Incarnation (Dieu s’est fait homme) et la Rédemption (c’est-à-dire le salut de tous les hommes dans la mort et la résurrection de Jésus). À l’heure actuelle, les dogmes sont très décriés. Peut-être avaientils pris trop de place par le passé. Or, ils doivent toujours rester d’humbles serviteurs et non des maîtres que l’on sert. Ne peut-on donc pas voir dans ce rejet des dogmes un signe de santé, un sursaut de vitalité, même maladroit ? Les croyants d’aujourd’hui cherchent à être plus vrais, à ne pas s’abriter trop facilement derrière des formules, à retrouver une expérience spirituelle. Bien sûr, l’excès nuit en tout. Le rejet absolu des « dogmes » pourrait faire courir le danger d’une pensée sauvage et d’une religion « libre-service » où chacun croit ce qui l’arrange. Dans une société où la foi chrétienne était une relative évidence, il était peut-être normal que l’on insiste sur la juste formulation pour maintenir la tradition. Cependant, comme le dit Benoît Lobet, le dogme est une invitation à penser, une direction, et non des rails. En ces temps où la société n’est plus chrétienne, ou de
13. À quoi sert-il de lire l’Ancien Testament ? Les lectures du Premier Testament ne sont pas toujours faciles à comprendre. Ce texte a été écrit il y a entre deux et trois mille ans. Ajoutez à cela l’évolution rapide de nos société et leur « sécularisation ». Il n’en reste pas moins que de nombreux textes de l’Ancien Testament ont encore toute leur valeur aujourd’hui. Ils sont une véritable « pédagogie » de l’expérience spirituelle, de la rencontre de Dieu. Les grandes questions de l’homme sont en effet posées dans ces vieux livres : celles de la souffrance, de l’amour, du péché, de la prière… Lorsqu’on lit le « Premier Testament », certaines pages peuvent sembler en contradiction avec le Nouveau Testament. Je crois qu’il n’y a pas moyen d’en sortir si nous n’acceptons pas que l’originalité judéo-chrétienne est la révélation d’un Dieu au rythme même de l’histoire des hommes. La Bible est sans cesse une relecture du passé
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Le paradoxe est que les dogmes qui devaient être une aide à l’expérience de foi sont devenus, pour beaucoup, un obstacle. Or, le but est la relation avec le Christ. Il est donc urgent de s’interroger : n’at-on pas fait trop de place aux dogmes ? Ne les a-t-on pas figés dans le langage de l’époque qui les a vus naître ? Or, ceux-ci ont été élaborés précisément pour adapter le langage de la foi à leur époque. Qu’il faille harmoniser la foi avec notre intelligence, c’est évident. Mais il ne faudrait pas que cela nous fasse oublier que la foi est d’abord une façon de vivre, une audacieuse espérance.
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moins en moins, il est important de repartir de nos aspirations les plus profondes et de mettre en avant l’expérience que chacun peut faire de ces réalités spirituelles plutôt que de se contenter de dogmes à croire.
à la lumière du présent où Dieu continue à se révéler. Il y a des passages de l’Ancien Testament qui sont à relire autrement, mais qui donnent des racines au présent. L’Évangile lui-même n’est-il pas à relire sans cesse en fonction de notre histoire où Dieu ne cesse de nous faire signe ? Une autre réponse à votre question serait de rappeler, sans rien nier de ce qui vient d’être dit, qu’il y a dans l’Ancien Testament des pages qui sont des chefs-d’œuvre spirituels. L’attitude d’Abraham lors de sa vocation est à revivre par chacun des croyants. La scène de Moïse au buisson ardent reste très actuelle ; la manière dont les prophètes lisent les signes des temps nous invite à faire de même… L’Ancien Testament nous rappelle que la découverte de Dieu, par l’humanité et par nous-mêmes, est progressive et nous permet de refaire ce cheminement.
14. Dieu a-t-il créé le monde et pourquoi ? Les Grecs, qui n’avaient pas la notion du Big bang, croyaient que la matière était éternelle. Nous retrouvons encore cette conception en Orient, en Inde par exemple. Étonnamment, la Bible, bien avant les autres civilisations, a parlé d’un commencement. Et avant ce commencement, il y a Dieu. Le monde est là, je peux le constater. Mais quelle est son origine ? Ou bien j’estime qu’il n’y a pas moyen de répondre à cette question, ou bien je pose un acte de foi et je reconnais que celui que nous appelons Dieu est créateur de cet univers visible. Nous ne serons jamais en mesure d’étayer cela par des preuves ou des expériences scientifiques. La foi consiste donc à dire que Dieu est à la source du monde matériel. N’étant pas matière, il n’est pas repérable dans l’espace
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Ceux qui ont composé la Bible n’ont pas hésité à mettre l’un à côté de l’autre deux textes totalement différents : Genèse 1 – 2, 4a et Genèse 2, 4b- . Ce sont deux évocations de la « Création » : l’une en
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et dans le temps et je ne puis poser à son propos la question d’un avant et d’un après. Le temps et l’espace n’existaient pas à l’origine. Ils sont nés ensemble, lors du Big Bang. Nous appelons Dieu l’être qui existe par lui-même, qui n’a pas besoin de quelqu’un d’autre pour exister, contrairement à tout ce que nous voyons, qui a besoin d’une origine. Si la théorie de l’évolution était déjà dans la Bible, il suffirait pour les savants de bien la comprendre et ils seraient dispensés de leurs recherches. Or, la Bible n’est pas là pour prendre la place des scientifiques, mais pour conduire l’homme à Dieu, ce qui contribue à son humanisation. Le chrétien croit que Dieu, avant d’être créateur, est amour. C’est parce qu’il est amour qu’il est créateur. Telle est la vérité centrale de la foi chrétienne : au cœur de tout, il n’y a pas une énergie, mais une relation ; à l’intérieur même de son mystère, Dieu est un amour réussi, une relation nouée de toute éternité. Il est Trinité. S’il a fait exister ce qui n’existait pas, c’est pour qu’un jour, au cœur même de ce monde qu’il a créé, la relation d’amour entre des créatures créées à son image et à sa ressemblance soit possible. Et en s’aimant entre elles, les créatures font alliance avec le Créateur. Pour aimer, la liberté est essentielle. On pourrait donc dire que, pour Dieu, créer consiste à donner la liberté : d’autres peuvent exister en dehors de lui. « Dieu crée le monde comme la mer les continents : en se retirant », a dit le poète Hoelderlin. Dieu (on entend ici Dieu non au sens du Père seul, mais du Dieu Trinité) est donc Créateur, son œuvre est bonne, et il veut tisser avec l’homme et la femme une relation privilégiée. Tout nous est donné pour qu’un jour nous connaissions la plénitude du bonheur et que nous parvenions au Royaume.
sept jours, l’autre avec l’image du jardin et de la glaise. Il est impossible de les prendre toutes les deux au pied de la lettre, car elles ne concordent pas !
15. Dieu n’aurait-il pas raté sa création au vu du mal qui existe ? Faire de Dieu celui qui sait tout à l’avance mène au scandale. À partir du moment où l’on donne la liberté à quelqu’un, on ne sait pas ce qu’il en fera. Je crois qu’il en va de même pour Dieu lorsqu’il crée. Et je pense que cette idée de liberté doit être aussi étendue d’une certaine façon à la nature. Qu’est-ce que la liberté ? C’est le fait que tout n’est pas joué d’avance : ni l’homme ni la nature ; l’univers s’est formé progressivement. En parlant ainsi, je ne résous pas le problème de la souffrance des innocents, mais je n’accable pas inutilement Dieu. Prenons une comparaison : les parents, en mettant au monde un enfant, savent bien qu’il lui arrivera de souffrir. Malgré tout, ils le mettent au monde parce qu’ils pensent que les beautés et les joies qu’il connaîtra surclassent les souffrances qu’il traversera. Dieu a parié sur un bonheur possible qui, finalement, fera oublier toute souffrance. N’oublions pas que la religion chrétienne est la seule qui ait l’audace de dire que quand Dieu se révèle, il est lui-même du côté des victimes. Dieu n’a pas commis de faute, mais il a cependant été sanctionné. Si la promesse qu’est la vie n’est pas tenue, nous dit le récit d’Adam et Ève (voir question suivante), c’est parce que l’homme a voulu se faire lui-même source du bien et du mal. Croire en Dieu ne nous explique pas tout, ni sur lui, ni sur nous. Mais si nous n’y croyons pas, nous perdons notre seul point d’espérance. L’abbé Pierre a cette formule suggestive : « Dieu est amour, malgré tout. »
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« Adam et Ève » sont les noms que la Bible donne à nos premiers parents, car ils doivent bien avoir existé. Adam, l’homme, vient du sol, il est le « terreux ». Ève signifie « mère des vivants ». Ils n’entrent pas en concurrence avec la science. Ces récits sont comme des paraboles — les exégètes nous parlent de « mythes » (voir question 11) — qui nous disent ce que la science ne peut pas nous dire. Le problème est que nous avons souvent figé ces récits en quasi-dogmes, les prenant au pied de la lettre. Or, nous ne trouverons jamais Adam et Ève dans nos fouilles archéologiques. Le premier couple symbolise l’unité biologique de toute l’humanité et donc l’égalité foncière de tous les hommes. Il s’agit peutêtre du premier document antiraciste de l’histoire. On peut voir aussi dans le récit de la création d’Ève à partir d’une côte d’Adam le symbole de l’unité essentielle de l’homme et de la femme. Il s’agit également d’aborder la question si difficile du mal qui restera toujours un mystère, le récit du premier couple se contentant de donner des pistes de réflexion en lien avec la foi en Dieu. Il y a une manière caricaturale de voir le péché originel : Adam et Ève ont commis une faute et ils ont ainsi compromis toute leur descendance. Le baptême nous apporterait alors le pardon pour ce péché dont nous portons les conséquences, mais dont nous ne sommes pas responsables. C’est souvent ainsi que l’on a présenté les choses. Mais dans la mentalité d’aujourd’hui, c’est peu compréhensible. D’autant que depuis lors, la science s’est mise à parler d’évolution et qu’on n’arrive plus à situer ce fameux péché des origines. Ce qu’on entend par péché originel, ce n’est pas une dette envers Dieu, ni une salissure qui vous tache, ni un boulet à traîner. C’est une manière de parler de notre condition humaine. Saint Paul l’a bien évoquée : « Le bien que je veux faire, je ne le fais pas, et le mal que je ne voudrais pas faire, je le fais » (Romains 7, ).
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16. Adam et Ève, mythe ou réalité ? Qu’en est-il du « péché originel » ?
Il y a en l’être humain comme une fracture. D’où vient-elle ? La foi chrétienne nous dit qu’il s’agit d’un accident qui aurait pu être évité et non d’une fatalité. Ce que ce récit veut nous faire comprendre, c’est que s’il y a du mal, ce n’est pas de Dieu qu’il vient, mais de la liberté humaine. L’homme aurait pu faire un autre choix. Adam et Ève représentent donc l’humanité pécheresse qui a besoin d’être sauvée par le Christ et, paraboliquement, le premier pécheur (car le péché a bien dû commencer un jour !). Y a-t-il donc eu un paradis ? Il faudrait en fait inverser la perspective. Le « paradis » est le symbole de notre vocation plutôt que de notre passé merveilleux. Le péché est alors la résistance à notre humanisation, la peur de Dieu et de la liberté qu’il nous donne. Il serait intéressant de comparer ce récit à celui d’autres cultures. Dans toutes les cultures, en effet, nous trouvons des mythes pour répondre à ces éternelles questions. La réponse, elle, n’est pas toujours la même.
17. Les Hébreux ont-ils vraiment passé la mer Rouge ? Dans tout texte biblique semblable, il faut distinguer l’événement historique réel et la manière dont il est rapporté. Quel est l’ancrage historique ? Un peuple était esclave d’un autre et a pu s’en libérer, profitant d’une fête de printemps et d’une catastrophe s’abattant sur le pays (les fameuses « dix plaies d’Égypte »). Nous sommes en Égypte, dans les années – 3 av. J.-C., sous le règne du pharaon Ramsès II ou de son successeur Merneptha. Le peuple — ou peut-être le petit groupe — qui fuit est de race sémite, ce sont les Hébreux. Lointains descendants d’immigrés araméens, ils avaient été soumis à un dur esclavage pour réaliser les projets de construction de la xixe dynastie des Pharaons. Une figure
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« charismatique », Moïse, a été le catalyseur de cette révolte, un peu comme Gandhi le fut pour le peuple de l’Inde. Moïse était sans doute un de ces interprètes dont les Pharaons avaient besoin pour pouvoir traiter avec les peuples asiatiques. Autre chose certaine : ils étaient en Égypte, ils sont maintenant en Palestine. Or, entre les deux, il y a la mer Rouge. Ils ont pu passer, profitant sans doute de conditions météorologiques favorables et les Égyptiens n’ont pu les suivre, s’étant enlisés dans les sables mouvants qui font le danger de cette région. À cet événement capital de son histoire, le peuple donnera le nom de Pâque, c’est-à-dire passage. Il est profondément gravé dans sa mémoire. Chaque époque l’a médité, chaque génération l’a commenté. Dans le livre de l’Exode, nous trouvons la trace de trois récits différents qui ont été fondus en un seul texte, sans doute vers 4 av. J.C. par Esdras : Exode 13, – 14, 3 . À chacune des couches rédactionnelles, on donne le nom de tradition. Dans ces textes, une double relecture s’opère alors. Tout d’abord, comme tous les peuples qui relisent leur passé, on amplifie les événements glorieux. C’est le genre littéraire « épopée ». « L’épopée, c’est de l’histoire que l’art a changée en poésie et que l’imagination a changée en légende », a dit un spécialiste de la littérature africaine. La deuxième relecture est théologique. Dans tous ces concours de circonstances et dans la personnalité du chef charismatique, on voit l’intervention de Dieu. Ici, nous sommes au niveau de la foi. Lors de l’Exode, Israël a commencé à découvrir qui est son Dieu, quel est son nom. Il ne s’agit plus d’un dieu soleil, comme en Égypte, ni d’un dieu de la nature comme en avaient tous les peuples d’agriculteurs. Il s’agit d’un Dieu de l’histoire, un libérateur et un sauveur. Il est pour toujours Celui qui a vu la misère de son peuple (Exode 3, ) et qui l’a tiré de la maison de servitude (Deutéronome 5, 6). Et il n’en est pas resté là. Il continue à accompagner son peuple. Il est « Je suis qui je serai » (Exode 3, 4 – traduction TOB) comme il l’a dit
à Moïse du sein du buisson ardent. Cela signifie : vous découvrirez qui je suis en me voyant me manifester à vos côtés au cours des âges. C’est dans votre histoire à venir que vous saurez qui je suis. Mais Dieu ne serait-il le Dieu que d’un seul peuple ? C’est ici qu’il faut resituer ces événements dans l’ensemble de la Bible. Progressivement, en effet, le peuple élu découvrira que son Dieu est le Dieu de toutes les nations. L’exil à Babylone sera un moment important de cette réflexion (son retour est d’ailleurs présenté comme un second exode). Un jour, Jésus proposera l’Alliance à toutes les nations, les appelant à entrer dans son Royaume. Il constatera même que les premiers appelés sont parfois les derniers à répondre…
18. Et Satan ? N’explique-t-il pas nos malheurs ? Dans le récit biblique de la Genèse, le serpent semble suggérer que le mal vient de plus loin et que l’homme ne peut pas en être le principe absolu. Adam et Ève ont commis une faute, mais ils ont aussi succombé à une suggestion qui leur était étrangère. Est-ce à dire qu’en dehors de l’humanité il existe un principe personnel du mal, celui que nous appelons Satan, démon ou diable ? Le récit de la Genèse autorise une réponse positive, mais sans l’imposer. Voir Satan partout, c’est souvent un manque de sagesse, mais ne le voir nulle part est peut-être un manque de prudence et de lucidité. Derrière tout le diabolique et toute l’horreur — Hitler, Staline, Ceausescu, le Rwanda, mais aussi autour de nous dans tout acte de haine pure, de division, de mensonge systématique — il y a, je le crois, « quelqu’un ». L’Église s’est contentée d’affirmer que les démons se sont rendus eux-mêmes mauvais (concile de Latran IV, ). Ils ne sont pas d’autres dieux, mais des créatures qui librement ont choisi de se dé-
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personnaliser. Car il ne suffit pas d’être libre et intelligent pour être une personne. Seul l’amour nous personnalise. Ces « démons » avaient reçu l’amour, mais librement ils l’ont rejeté. La tradition chrétienne nous parle d’une liberté créée par Dieu et qui a choisi de se révolter contre lui, c’est-à-dire de refuser le bien. Du coup, le mal est apparu. Cette liberté créée, direz-vous, c’est l’homme. Sans doute. Mais cette tradition dit encore que l’homme lui-même a été tenté par « quelqu’un » qui avait choisi le mal avant lui. C’est celui que nous appelons Satan et qui est symbolisé dans le récit de la Genèse par le mystérieux serpent. Le diable est donc une mystérieuse explication au mystère du mal, mais une explication quand même. Si nous la refusons et que nous croyons en un Dieu bon, il nous reste à faire porter le poids du mal uniquement sur l’homme. Mais a-t-il une telle puissance ? Peut-il, à lui seul, faire échouer toute la création ? Que peut-on dire de plus ? Rien. Le mal se cache toujours et ne décline jamais son identité. L’Église a dit quantité de choses sur Dieu sans épuiser son mystère, mystère qui est excès de lumière. Elle n’a presque rien dit sur Satan parce que son mystère est excès de ténèbres. De même, l’Église a proclamé saintes certaines personnes ; jamais elle n’en a déclaré damnées. Elle a reconnu des miracles, jamais des possessions. Quand nous voulons cerner Satan, nous nous promenons dans une zone de turbulence. Pas moyen d’y voir clair. Il vaut mieux se tenir à l’écart. Ne remplissons donc pas notre imagination et surtout celle des enfants par des images qui feraient oublier que le vrai combat se situe au cœur de notre liberté. Certains ont dit que la grande victoire de Satan était de s’être fait oublier. Peut-être. Mais ne s’est-il pas surpassé en détournant le regard de certains des vraies questions morales et leur faisant oublier la victoire du Christ pour les paralyser dans la peur et la magie ? Le regain actuel de sorcellerie et de satanisme nous dit la détresse de tant d’hommes et de femmes d’aujourd’hui qui connaissent l’an-
goisse et la peur. Ils souffrent. Rencontreront-ils des frères sur leur route ? Croiseront-ils des regards de tendresse et de paix ? Trouveront-ils une foi vive ? « Ayez confiance : moi, je suis vainqueur du monde », disait Jésus avant de mourir (Jean 16, 33).
19. Les exorcismes existent-ils toujours ? L’exorcisme est la prière de l’Église pour les gens possédés par le Diable. En quoi consiste son rituel ? Comme pour les sacrements et les bénédictions (de maisons, etc.), l’Église a composé une mise en forme liturgique de la mission reçue du Christ lui-même : « Chassez les démons » (Mt 10, ). C’est une prière d’autorité qui s’exerce le plus souvent sous la forme d’une simple prière de délivrance ou, s’il s’agit d’un cas extrême (c’est-à-dire d’une véritable possession), de la prière d’exorcisme à proprement parler. Durant des siècles, on a utilisé le Rituel composé en 6 4, au temps du pape Paul V. Depuis lors, un nouveau rituel est utilisé grâce au développement des sciences humaines. Les exorcistes nommés par les évêques sont aujourd’hui de plus en plus nombreux parce que la demande augmente. Les exorcismes, eux, sont rares. Souvent, en effet, on peut expliquer les troubles par des maladies psychiques, par la peur, par les relations humaines détériorées. Un exorciste me disait qu’il y a trois choses importantes dans son ministère : écouter ; démêler les faits et leur interprétation (car ils sont toujours mêlés : les gens viennent avec une interprétation toute faite de leur malheur) ; être attentif aux petits détails insignifiants, mais qui peut-être expliquent tout. Un jour, un prêtre est appelé dans une ferme où les cochons sont pris de frénésie. Sorcellerie ? Il fait plusieurs fois le tour de la porcherie et remarque que les soupiraux sont fermés. L’air malsain avait mis les cochons en état d’épilepsie. Il provoqua un courant d’air, et les cochons se calmèrent.
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Il y a pourtant des cas, rares, de possession satanique, reconnaissent de nombreux exorcistes. Si Dieu porte notre liberté au meilleur d’elle-même, Satan, lui, peut nous la ravir. C’est une situation extrême. Le « grand exorcisme » existe toujours, mais il faut l’accord de l’évêque. L’exorciste accueille fraternellement celui qui s’adresse à lui et, par la prière, l’aide à rencontrer le Christ qui seul peut nous rendre une vraie liberté. Ce ne sont pas des rites qui chassent Satan, mais la foi de l’Église s’exprimant par ces rites. Là où l’Église est fervente, Satan recule.
Peut-on affirmer l’existence historique de Jésus de Nazareth 2 ou doit-on y voir une fable, un personnage inventé comme l’est le Père Noël ? Chez les historiens sérieux, cette question ne se pose plus : Jésus est un personnage historique, au même titre que Napoléon ou Jules César. En dehors de la littérature chrétienne, nous en avons des témoignages très anciens, aussi bien juifs que romains. Ainsi dans la littérature juive, la mention la plus ancienne se trouve chez Flavius Josèphe, un historien juif de la fin du ier siècle. Dans ses Antiquités juives, il y a deux passages qui font allusion à Jésus. Le premier est reconnu authentique par les critiques. Il mentionne « Jésus, dit le Christ », sans prendre parti. En revanche, il existe, au livre , un passage d’un ton très différent, étonnamment favorable à Jésus et évoquant même sa résurrection. Ce texte-là est, lui, reconnu comme une « interpolation », c’est-à-dire un ajout postérieur, sans doute d’un copiste chrétien. Le plus ancien document romain est un rapport à l’empereur Trajan de Pline le Jeune (vers
2. Pour ce chapitre, nous nous permettons de renvoyer au Jésus des chrétiens. Après le Da Vinci Code, Namur, Fidélité, 2006, écrit avec Jacques Vermeylen (coll. « Que penser de… ? » no 67).
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20. Jésus a-t-il vraiment existé ? Comment le connaît-on ?
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3. Jésus et lesÉvangiles
), qui parle de l’existence de chrétiens qui « chantent entre eux des hymnes au Christ comme à un dieu. » La croyance en Jésus et son existence historique sont donc bien attestées dès la seconde moitié du ier siècle. Outre quelques mentions dans des textes non chrétiens, la vie de Jésus nous est surtout connue par les évangiles « canoniques » (reçus officiellement par l’Église) et d’autres écrits chrétiens, tels les lettres des apôtres. Il y a aussi les fameux évangiles « apocryphes » (voir question suivante). Jésus a bien existé, mais on ne peut historiquement rien dire de plus à propos de sa divinité et de sa résurrection. Libre cependant au croyant d’aller plus loin, à condition qu’il ne se réclame pas de preuves historiques, mais d’une expérience spirituelle.
21. Les évangiles apocryphes contiennent-ils une part de vérité ? Nous apprennent-ils des choses cachées ? Les évangiles apocryphes — tous publiés — sont des écrits qui cherchent à compléter les récits des quatre évangiles : ainsi l’évangile de Pierre, l’évangile de omas, le protévangile de Jacques, l’évangile de Nicodème… Les premiers chrétiens n’y ont pas reconnu leur foi. Origène, au début du iiie siècle, disait : « L’Église possède quatre évangiles ; l’hérésie en a une multitude… » Outre les évangiles apocryphes, il y a des actes, des épîtres, des apocalypses (au total une soixantaine de textes divers). Ils ont été écrits entre le iie et le viie siècle. La plupart ne sont connus que par des fragments ou des citations faites pour les réfuter. Les évangiles apocryphes supposent l’existence des quatre évangiles qu’ils veulent imiter et compléter. On n’y trouve cependant qu’une pincée d’informations nouvelles. Les textes apocryphes sont des textes qui n’ont pas été reçus dans
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22. Faut-il prendre les évangiles au pied de la lettre ? Il faut distinguer une approche « scientifique » du texte et une lecture dans la foi. Pour le croyant, en effet, ce texte est parole de Dieu, c’est-à-dire le lieu où Dieu veut le rencontrer, l’interpeller. Pour rejoindre ce niveau, il faut passer dans une « naïveté seconde ».
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la liste officielle de l’Église (le « canon »), soit qu’ils en aient été exclus, soit que, à l’époque, ils n’étaient pas connus. À leur égard, il y a deux attitudes opposées. Certains déprécient cette littérature, la réduisant à des fables et des hérésies. D’autres, par contre, en sont friands et espèrent, par elle, atteindre des vérités que l’Église aurait cachées. Deux attitudes excessives. En fait, certains textes sont très proches des Évangiles officiels et d’autres s’en éloignent sensiblement. Quelle confiance peut-on leur accorder ? Postérieurs et peu fiables historiquement, ils sont les témoins d’une foi ardente en la divinité du Christ, souvent imaginée comme une toute-puissance magique. En d’autres termes, ils ne prennent pas au sérieux l’épaisseur humaine de Jésus. Ainsi on le voit, enfant, façonner un oiseau en terre glaise, et souffler sur lui pour qu’il s’envole. Ajoutons que certains se situent dans la ligne de la Gnose, un courant religieux rival du christianisme dans les premiers siècles. De nos jours, on voit fleurir toute une littérature sur Jésus de Nazareth. L’Église ne reconnaît pas pour autant sa foi dans ces livres. Certains auteurs déclarent d’ailleurs eux-mêmes faire œuvre romanesque. Cette maladie de l’étrange n’est pas nouvelle. Le merveilleux a toujours séduit et rendu les plumes alertes. Le Da Vinci Code en est une parfaite illustration. Mais où est encore l’esprit critique ?
La naïveté première serait de tout prendre au pied de la lettre. Il s’agirait d’un reportage en direct, sans les yeux de la foi. Une simple comparaison entre les différents récits évangéliques interdit une telle lecture. La « naïveté seconde » prend le texte tel qu’il m’est donné. Je me laisse alors interpeller, lui permettant de retentir dans ma sensibilité, mon intelligence, mon imagination, et de mouvoir ma volonté. Je n’y cherche plus des renseignements historiques. Chaque évangile — il y en a quatre différents : Matthieu, Marc, Luc et Jean — se présente comme un récit. Il est le fruit de la relecture de la mission de Jésus, opérée par la communauté chrétienne (à la lumière de la résurrection de Jésus), et du travail de rédaction de l’évangéliste. Il y a un réel soubassement historique, mais on ne peut prendre ces textes au pied de la lettre. Il ne s’agit pas pour autant de fiction, mais de reconstruction. Entre la culture d’alors et la nôtre, il y a parfois un immense fossé. Chaque époque devra donc traduire ce message de l’Évangile dans sa propre culture (ainsi que l’a fait avec beaucoup de bonheur un Éric-Emmanuel Schmitt, dans l’Évangile selon Pilate, Albin Michel). Mais il faut revenir au texte originel pour préserver l’unité de la foi. Tel est le travail des exégètes. Une lecture théologique permet le dialogue avec la culture de notre temps et ceux qui ne partagent pas notre foi. La lecture davantage spirituelle est nourriture pour ma vie personnelle. Ces deux démarches sont bien sûr appelées à se féconder mutuellement. Mais l’essentiel est la rencontre avec le Christ. Elle restera toujours au-delà des mots, des élaborations théologiques, des discussions exégétiques. « Dans les évangiles, nous trouvons des témoignages historiques, écrit le cardinal Danneels, mais ceux-ci ne visent pas seulement ni d’abord à décrire avec précision tout ce qui est arrivé. Ils n’en sont pas moins fiables pour autant. Mais ils abordent tout du point de vue de la foi, qu’ils cherchent à éveiller et à soutenir. Les faits que rapporte un évangile sont au service d’une prédication qui veut inciter à la conversion
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Le mot « évangile » signifie « message de bonheur », « heureuse nouvelle ». Celle-ci a été vécue et proclamée par Jésus, un juif de Galilée, une province de Palestine éloignée de la ville sainte de Jérusalem et assez méprisée. Les communautés chrétiennes utilisent quatre évangiles : autant de manières de raconter la vie du Maître, de faire comprendre son mystère. Jésus n’a écrit aucun texte. Nous ne pouvons saisir Jésus « en direct » : nous n’avons accès à lui qu’à travers le témoignage laissé par celles et ceux qui ont mis en lui leur confiance. Nous manquerait-il donc des textes objectifs ? Oui, et heureusement. Si Jésus avait remis un texte précis, on se disputerait sur son interprétation et l’on retomberait de toute façon dans le subjectif. Au moins, avec les quatre évangiles, les choses sont d’emblée claires : la foi sera toujours une affaire personnelle, un chemin unique pour chacun. L’histoire de Jésus de Nazareth est rapportée en quatre livrets attribués par la tradition à Matthieu, Marc, Luc et Jean. Que pouvons-nous dire des origines des quatre évangiles ? Selon l’avis général des spécialistes, ils ont été écrits dans les années 6 ou (Marc), dans les années (Matthieu et Luc) et aux abords de l’an (Jean), sur la base de traditions orales ou d’écrits partiels plus anciens encore. Les évangélistes ne sont pas des journalistes qui nous transmettent les faits et gestes de Jésus, mais des
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23. Pourquoi y a-t-il quatre évangiles et non pas un seul ?
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au Christ. On dit trop facilement : “Certaines choses ne sont pas historiques, donc rien, dans la Bible, ne peut être considéré comme historique.” Non ! Chaque passage doit être examiné pour lui-même. Les généralisations sont tout aussi peu scientifiques et injustifiées que le fait de tout considérer béatement comme historique. »
croyants qui ont mis par écrit ce que leur communauté vivait et enseignait au nom de Jésus. Marc a écrit pour les communautés persécutées de Rome, Matthieu pour des chrétiens issus du judaïsme, Luc pour des chrétiens d’origine grecque et Jean pour des communautés d’Asie Mineure (la Turquie actuelle). Et s’il y a quatre évangiles « officiels », il y en a toujours un cinquième, celui-là que nous seuls pouvons écrire avec notre vie quotidienne. « La vie des croyants est l’évangile des incroyants », a dit quelqu’un.
24. La vie de Jésus a-t-elle été prédite à l’avance ? Un peu partout dans le Nouveau Testament, nous rencontrons les expressions : « il fallait » (Matthieu 16, ), « il faut » (Luc 17, ), « il fallait que l’Écriture s’accomplît » (Luc 24, ), « pour que l’Écriture soit accomplie… » (Jean 19, ). Nous risquons d’être induits en erreur et de croire que Jésus a été « obligé » de réaliser les prophéties le concernant. Dans ce cas, il n’aurait pas été vraiment libre. L’Ancien Testament apparaîtrait alors comme un programme d’ordinateur dont Jésus aurait dû respecter mot à mot toutes les instructions. Il suffirait de bien connaître l’Ancien Testament pour faire le « portraitrobot » du Messie et prédire la vie de Jésus. Dieu est toujours surprenant. Il n’y a pas moyen de l’enfermer dans des textes, fussent-ils ceux de l’Écriture. Satan s’y est essayé en proposant à Jésus quelques phrases de la Bible à exécuter sur place : « Jette-toi du haut du temple, car il est écrit… » (voir Matthieu 4, 6). Pierre également, au nom d’un messie glorieux, a voulu détourner Jésus de son chemin de souffrance. En réponse, Jésus l’a traité de Satan (Matthieu 16, - 3). Remarquez que ceux qui méditaient l’Écriture à longueur de journée, les scribes et les pharisiens,
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n’ont pu reconnaître le Christ lorsque les temps furent accomplis. Il faut donc inverser la relation. Un chrétien ne déduit pas le Nouveau Testament de l’Ancien, mais il relit l’Ancien à la lumière du Nouveau, comme Jésus l’a fait le premier. À ses débuts en Galilée, Jésus rencontra le succès auprès des foules. Ses disciples eux-mêmes reçurent des éclats de sa gloire. Bientôt l’heure du tournant sonna : il fallait aller à Jérusalem, la capitale religieuse du pays. Jésus savait que la souffrance et la mort l’y attendaient, car il connaissait le cœur de l’homme. Les apôtres s’opposèrent à ce départ (Marc 8, 3 -33). Mais, grâce à la méditation de l’Écriture et particulièrement des chants du Serviteur Souffrant d’Isaïe, Jésus comprit qu’il devait, par fidélité à la mission que le Père lui avait confiée, poursuivre la route. L’Écriture lui a permis de trouver un sens aux événements tragiques qui se dessinaient. Il se découvrit dans la ligne des prophètes. La parabole des vignerons qui tuent le fils du propriétaire de la vigne traduit cette méditation de Jésus (Matthieu 21, 33-46). Les disciples ont poursuivi cette interprétation amorcée par Jésus. Après coup, au fil des versets bibliques, ils ont retrouvé des correspondances avec la vie de Jésus et ont relu sa mission à la lumière des Écritures. Matthieu, qui s’adresse aux Juifs, est particulièrement attentif à montrer la cohérence du dessein de Dieu. Lorsque le Nouveau Testament écrit « il fallait que… », il nous indique la mystérieuse unité du projet de Dieu que Jésus a déchiffré au long de son existence. Aujourd’hui encore, nous pouvons, à la lumière de l’Écriture, trouver un sens à notre quotidien. Cela ne veut pas dire que tout soit écrit à l’avance dans un livre, mais qu’à la lumière de celui-ci, nous pouvons trouver le « fil d’or » qui relie chacun de nos instants.
25. Jésus a-t-il été conçu virginalement ? Avait-il des frères et sœurs ? Pour dire la divinité du Christ, les évangélistes Matthieu et Luc ont mis en récit la conception virginale de Jésus. La tradition chrétienne, à leur suite, est unanime : la naissance de Jésus n’est pas due à l’initiative de Joseph, mais de Dieu, par l’Esprit Saint. C’est ce que signifie l’expression « conception virginale de Jésus ». La foi constante de l’Église a toujours été de dire que la totalité de l’existence humaine de Jésus a été assumée par Dieu, et donc que la vie de l’homme est entièrement sauvée. S’il faut faire venir l’Esprit Saint après la conception, par exemple au moment du baptême, comme certains le disent, il y a donc une période de la vie de Jésus qui échappe à l’emprise de l’Esprit Saint. Jésus n’est plus totalement Dieu parmi nous. Jésus aurait été un homme qui, à un moment donné, a été adopté comme Fils de Dieu. Il serait davantage un prophète parlant de Dieu que la révélation du don que Dieu fait de lui-même. On peut cependant concevoir que Jésus a progressivement perçu, dans sa conscience d’homme, sa filiation divine. Mais il vivait celle-ci dès le commencement, un peu comme un enfant est déjà humain avant de pouvoir formuler cette identité. La question de l’acte charnel entre Marie et Joseph n’a donc rien à voir avec la sexualité. Il s’agit d’une vérité théologique et non pas d’un mépris ou d’un oubli de la sexualité. Par la conception virginale de Marie, Dieu signifie que c’est lui qui a l’entière initiative dans l’événement du salut. Une existence humaine dans sa totalité, de A à Z, est pour nous révélation du mystère de Dieu. Du coup, toute existence, du premier jour de sa conception et jusqu’à son dernier souffle, est divinisable. Jésus a pris chair de la Vierge Marie. Catholiques et protestants partagent cette foi. Que Marie, ensuite, soit restée vierge et qu’elle n’ait pas eu d’autre fils que Jésus, les textes nous permettent de le croire sans pourtant nous l’imposer. Quelle que soit la position
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26. Que sait-on de l’enfance de Jésus ? Est-il né à Bethléem ? Les récits de la Nativité ne sont-ils pas plus des symboles que des récits historiques ? Reconnaissons-le sans difficulté, il n’y a pratiquement rien d’historique (au sens moderne du terme) dans les récits de l’enfance de Jésus. Ils sont un remarquable concentré symbolique de tout le Nouveau Testament et d’une partie de l’Ancien, une excellente préface à la lecture des évangiles. Prenons par exemple les deux premiers chapitres de l’Évangile de Matthieu. Tout comme les deux premiers chapitres de Luc, il s’agit d’un genre littéraire particulier. Il est aisé de remarquer que le style est tout différent de la suite de l’Évangile. Les conclusions tirées à propos de ces deux premiers chapitres ne peuvent donc être appliquées à l’ensemble. Les évangiles de l’enfance ne sont cependant pas une parabole à la manière du Petit Prince, car Jésus, lui, est un personnage historique. Que sait-on de lui ? Qu’il est mort sur la croix et que ses disciples le disent vivant. Les Évangiles sont un témoignage de cet acte de foi. C’est déjà cette foi qui se profile derrière les chapitres de l’en-
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adoptée, chacun pourra reconnaître que là n’est pas l’essentiel. Il n’est cependant pas hors de propos d’admettre que Marie ait choisi de vivre dans la continence. Tant d’hommes et de femmes l’ont fait depuis et ont été par là signe de l’absolu du Royaume. Marie n’aurait-elle pas pu vivre ce qu’un saint François ou une sainte Claire, une sainte érèse ou une Mère Teresa, ont vécu, ce que les religieux et religieuses vivent aujourd’hui encore ? Que Marie ait eu, ou non, d’autres enfants, elle demeure celle qui nous a offert Jésus Christ, le Fils unique de Dieu. Tel est le cœur de la foi chrétienne.
fance. Si vous les lisez attentivement, vous y trouverez quantité d’allusions à la Passion et à la Résurrection. On pourrait dire que dans ces textes transparaît un événement qui, pour les disciples, est réel : la pâque de Jésus. Il s’agit donc d’un petit traité de théologie en histoires et en symboles. Certains éléments historiques servent cependant de fondement à ces textes. Un recensement de tout l’empire sous Auguste (3 av. J.-C. à 4 ap. J.-C.) est certes inconnu. Il y en eut cependant un, d’après Flavius Josèphe, en 6 ap. J.-C., quand Quirinius était légat de Syrie, mais il ne concerna que la Judée. Sans doute Luc transpose-t-il une affaire locale à l’échelle mondiale. Hérode, quant à lui, était bel et bien un roi sanguinaire. On trouve donc des événements réels, mais transposés de manière symbolique. Par ailleurs, il n’est pas impossible que Jésus soit né à Bethléem. Deux Évangiles nous le rapportent : Matthieu et Luc. Or ils sont fort différents quant au reste. L’un parle des bergers, l’autre des mages. L’un de Marie, l’autre de Joseph. Mais tous les deux convergent sur Bethléem. Un auteur sérieux comme John P. Meier (Un certain juif Jésus, Cerf), cependant, estime peu probable la naissance à Bethléem. Aux yeux des sceptiques, il faut maintenir qu’il y a sans doute plus de vrai qu’on ne le pense et, aux yeux des fondamentalistes, qu’il y a en a moins ! Étant admis que tout n’est pas à prendre au pied de la lettre, il faut pouvoir se dégager du questionnement historique et exégétique pour relire ces textes avec des yeux de croyants et en percevoir tout le message. Ainsi, les bergers nous rappellent que ce sont ceux qui « ne sont pas en règle au point de vue religieux » à qui est adressé en premier lieu le message. Les mages, quant à eux, ces païens idolâtres aux yeux des juifs, ont trouvé dans leur propre religion une étoile qui les conduisait à l’Enfant-Dieu, Celui qui est venu accomplir les écrits des prophètes d’Israël.
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Dans les évangiles, les miracles de Jésus occupent une place très importante. Dans notre culture rationaliste, cependant, ils apparaissent à beaucoup de gens comme impossibles. Ne faut-il pas considérer ces récits comme des inventions de la communauté chrétienne ? Il faut distinguer ici deux types de miracles : les guérisons et les « miracles de la nature ». Jésus a-t-il vraiment guéri des aveugles, des lépreux, des boiteux, des gens paralysés ? Dans la société de son temps, cela ne paraissait pas impossible ; de tels actes étaient attribués à un certain nombre d’autres personnages. Une analyse rigoureuse des textes permet d’affirmer que, historiquement parlant, Jésus a dû réaliser des actes extraordinaires considérés comme miracles par ses contemporains et par lui-même. Il a eu une pratique thérapeutique qui a attiré les foules. Faut-il comprendre ses guérisons comme des interventions divines ? Pour le croyant, sans doute. Mais cela dépend fortement des conceptions que l’on se fait des relations entre Dieu et le monde, des options philosophiques et théologiques. Dans les récits évangéliques, on peut voir Jésus chasser les démons. Il ne faut pas nécessairement imaginer ces démons comme des êtres personnels : ce peut être une manière de dire les forces de mort qui habitent le cœur humain et l’empêchent de vivre vraiment. Beaucoup de nos maladies sont en effet psychosomatiques : le physique et le mental sont intimement liés. L’être humain aux prises avec les puissances de mort qui disloquent déjà son corps : voilà qui suscite la compassion de Jésus et le pousse à agir (voir Matthieu 9, 3 -3 ). En tout cas, Jésus porte sur les personnes un regard dont nous dirions aujourd’hui qu’il est chargé de confiance, d’estime, de profond respect. Ceux qui croisaient Jésus devaient se sentir compris, rejoints, aimés sans condition. Ils pouvaient ainsi renaître à eux-mêmes. Tout à coup, ce devait être comme une révélation merveilleuse : ils n’étaient
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27. Que penser des miracles de Jésus ?
donc pas l’être haïssable ou méprisable, incapable de fidélité à la Loi, que la société leur renvoyait ! Pour la première fois peut-être, ils prenaient conscience de leur propre dignité. Et, du coup, les symptômes de leur maladie disparaissaient : enfin, ils se sentaient bien dans leur peau, leur vie prenait sens ! Peut-être est-ce ainsi que nous pouvons comprendre la phrase que Jésus leur adresse alors : « Ta foi t’a guéri ! » Non pas l’adhésion intellectuelle à un credo, mais la confiance à laquelle ils ont pu s’abandonner. La puissance divine est à l’œuvre dans la force de l’amour, avant de l’être dans des actes réputés « impossibles ». Si l’on peut affirmer sans problème que Jésus a eu une activité de guérisseur et qu’il avait la réputation, de son vivant déjà, de rendre la vue aux aveugles, par exemple, ou de chasser les esprits mauvais, on ne peut affirmer le même fondement historique pour les miracles dits de la nature, comme l’épisode du figuier desséché (Marc 11, - 4 ; - ) ou la marche sur la mer (Marc 6, 4 - ). Ces miracles sont sans doute des affirmations théologiques présentées sous forme d’un récit apparemment historique. Dans ses guérisons, fait remarquer John P. Meier dans son livre un Certain juif Jésus (Cerf), Jésus apparaît toujours comme celui qui vient en aide aux autres et se décentre de lui-même. Les « miracles de la nature » sont manifestement tournés vers Jésus, pour affirmer son identité divine et son statut. Un texte comme la marche sur la mer ressemble davantage aux manifestations de Dieu dans l’Ancien Testament (par exemple dans le livre de Job) qu’à ce que le reste des évangiles nous fait percevoir du prophète de Nazareth. L’origine de pareils récits est donc plutôt à trouver dans la théologie de la première communauté chrétienne que dans l’activité de Jésus lui-même. Pour ce qui est de la « multiplication des pains », le même John P. Meier maintient l’existence d’un repas particulièrement mémorable au bord du lac, avec du pain et du poisson, comme fondement au récit de la multiplication des pains. Cet évé-
Jésus était-il marié ou célibataire ? Étonnamment, les évangiles n’en disent rien ! Ni dans un sens, ni dans l’autre. En tant qu’homme, Jésus procédait de la culture juive. Si donc il avait voulu se lier par le mariage à une femme, son crédit messianique n’en eût pas souffert le moins du monde. Les prophètes n’avaient jamais annoncé un messie célibataire. Pierre était un homme marié, et pas mal d’apôtres devaient l’être aussi. Si Jésus avait été marié, pourquoi n’en aurait-on rien dit ? Et lui prêter une « sexualité libre » à la manière d’aujourd’hui serait un anachronisme. Dans une culture qui considérait que tout adulte « normal » doit être marié, Jésus a valorisé le choix du célibat : « Il y en a qui se sont faits eunuques pour le royaume » (Matthieu 19, ), le mot « eunuque » étant ici à prendre dans un sens symbolique. Une telle option était d’ailleurs recommandée par certains groupes juifs comme celui des Esséniens, et on connaît d’autres maîtres spirituels célibataires. Selon toute probabilité, Jésus était donc célibataire. Certains estiment que, pour vivre complètement la condition humaine, il aurait dû être marié. Il faudrait en déduire que ceux qui n’ont pas voulu ou pu vivre le mariage sont des sous-humains. Chacun ne serait donc qu’une « moitié de couple ». Ce choix de Jésus a du sens
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28. Jésus était-il marié ? Avait-il des enfants ?
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nement a été relu à la lumière des miracles d’Élisée, de la Dernière Cène et de la célébration eucharistique dans l’Église primitive. Le miracle est un signe, non une preuve. La preuve ne laisse pas place à la liberté, le signe la suscite : « À toi de répondre au bouquet que je t’offre par un signe d’amour. Mais rien ne t’y oblige. Seulement si tu m’aimes… »
parce qu’il était, n’ayons pas peur des mots, passionnément amoureux de son Père. Les Évangiles sont traversés par cet amour. Si importante et si belle que soit la relation conjugale, le célibat voulu n’est pas une automutilation, à condition qu’il vise un amour plus large. En contraste avec Da Vinci Code de Dan Brown, on pourrait citer un autre roman, l’Évangile selon Pilate d’Éric-Emmanuel Schmitt, un chef-d’œuvre. Manifestement, cet auteur a compris que le célibat de Jésus pouvait avoir du sens, notamment en donnant à son amour une dimension d’universalité. « L’amour, je devais en garder pour le vieillard et l’enfant affamés, fait-il dire à Jésus au moment où il rompt ses fiançailles avec Rébecca. L’amour, je devais en garder pour ceux qui n’étaient ni assez beaux, ni assez drôles, ni assez intéressants pour l’attirer naturellement, de l’amour pour les gens non aimables » (Albin Michel, p. 33). Pour être des humains à part entière, nous ne pouvons pas nous passer de relations humaines vraies, chaleureuses, sincères, mais cellesci peuvent prendre d’autres formes que la relation conjugale ou celle qui unit parents et enfants. Nous ne sommes pas tous des conjoints, mais nous sommes tous appelés à vivre une fraternité authentique. Ceux qui, selon une longue tradition spirituelle, ont fait le choix du célibat pour témoigner du Royaume de Dieu peuvent l’attester.
29. Pourquoi Jésus est-il mort ? Cette question est essentielle pour un chrétien. Mais remarquez que si Jésus n’était pas ressuscité, on ne se la poserait pas. Le cœur de la foi chrétienne est donc la résurrection. Toute notre foi tient là : enfin, sur notre Terre, quelqu’un a été plus fort que la mort. C’est librement que Jésus est allé au-devant de la mort. Il aurait pu se taire, faire marche arrière, et on lui aurait laissé la vie sauve.
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30. Et si on avait retrouvé son corps ? Le tombeau est-il toujours vide ? Le février , James Cameron et Simcha Jabovici ont présenté à la presse américaine leur documentaire intitulé : « La tombe perdue de Jésus ». Celui-ci concerne dix petits coffrets découverts en à Talpiot (à plusieurs kilomètres de Jérusalem). Certains de ces cercueils portent les noms hébreux de Yehoshoua Ben Yossef (« Jésus fils de Joseph »), de Yéhouda Bar Yehoshoua (« Judas fils de Jésus ») et de Mariamnè qui, dans les textes chrétiens primitifs, est le nom de Marie Madeleine. Une coïncidence ? Selon certains, la probabilité de trouver tous ces noms au même endroit serait forte ; selon d’autres, elle serait faible.
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Mais il a voulu être témoin jusqu’au bout. À la messe, au moment de la consécration, le prêtre dit : « Au moment d’être livré et d’entrer librement dans sa passion… » Jésus a voulu faire de sa vie un don d’amour : « Ceci est mon corps livré pour vous », « Ceci est mon sang versé pour vous ». Le tombeau est trouvé vide parce que pareil amour, qui vient de Dieu, est plus fort que la mort. Ce n’est donc pas Dieu le Père qui a envoyé Jésus à la mort. Dieu ne veut pas la mort de son Fils, il ne le destine pas à la croix. Ce sont les hommes qui n’ont pas été capables d’écouter la voix de la vérité sans la faire taire, parce qu’elle les remettait en question. Même lorsque les humains sont si cruels, il y a encore moyen de tracer un chemin d’amour et de faire du don de sa vie un geste d’espérance. Tel est le choix de Jésus. Il a assumé dans l’amour le mal qu’on lui infligeait. Par la résurrection, Dieu a pris parti pour lui et pour tous ceux qui se mettent à sa suite. Jésus est mort, mais le plus important est qu’il est ressuscité : il est vivant.
Nombreux sont ceux qui ne prennent pas cette découverte au sérieux. D’aucuns soulignent combien il est facile de tricher en archéologie, rappelant l’exemple, il y a quelques années, du sarcophage de Jacques, fils de Joseph et frère de Jésus. L’étude des paléographes avait vite conclu que ces lettres avaient été ajoutées. De plus, Jésus, Marie et Joseph étaient des noms très répandus. Et qui dit que Marie est Madeleine et que Judas est le fils du Jésus de Nazareth ? Le test ADN ne pourrait que prouver la filiation du nommé Judas et non l’identité de Jésus. Notons également que seules des familles riches pouvaient s’offrir de pareils ossuaires, ce qui n’était pas le cas de celle de Jésus. La logique commerciale ne serait-elle pas l’explication « scientifique » la plus recevable ? Quoi qu’il en soit, le tombeau vide n’est pas une preuve de la résurrection. On pourrait même admettre que la découverte du squelette de Jésus ne changerait rien à la foi en la résurrection (tout comme notre corps tombant en poussière dans un cercueil ne m’empêche pas de croire que, par-delà la mort, je suis invité à participer à la vie même de Dieu). Ce sont les « apparitions » (voir question suivante) qui font naître la foi pascale. Mais qu’entendre par là ? Remarquons tout d’abord que Jésus n’est pas apparu à Pilate. Ce sont ses disciples, c’est-à-dire des croyants, qui le « voient ». Ils vivent une expérience tellement forte qu’ils vont pouvoir se mettre en route à la suite de celui qui a terminé sa vie, condamné par les instances religieuses et politiques. Il faut du cran, reconnaissons-le. C’est leur conviction qui séduit et qui traverse les siècles. Si le canular n’est pas d’aujourd’hui, mais de l’époque, alors tout devient une histoire de fous. Je pense cependant que l’événement pascal est difficile à justifier sans le tombeau ouvert et vide. Cette tradition est bien attestée dans le Nouveau Testament. Les quatre évangélistes sont formels, et les évangiles apocryphes aussi. Il fallait bien qu’un signe — tout négatif d’ailleurs — soit donné. Certains diront qu’ils l’ont in-
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Les apôtres ne voulaient pas croire. C’était trop beau pour être vrai. Les apparitions, en effet, c’est l’irruption d’un autre monde dans celui-ci. Jésus ressuscité ne joue pas les prolongations sur la terre, mais partage enfin dans son humanité, la plénitude de la vie divine. Il est « monté au ciel » et « assis à la droite du Père ». Manière imagée de dire qu’il a fait passage en Dieu (voir Jean 13, ). Pour que ses apôtres puissent le comprendre, deux signes sont donnés : un tombeau vide (parce que le Royaume n’est pas de ce monde) et les apparitions (parce l’événement nous concerne). Les apôtres ne reconnaissent pas Jésus tout de suite. Laissonsleur le temps de sortir de leur étonnement… Il y a des éléments qui ne trompent pas et qui ont emporté leur adhésion : la trace des clous, la blessure de la lance… Il s’agit du même Jésus, celui qui est mort sur la croix et qui a été enseveli, mais il est transfiguré. Les disciples peuvent faire appel à tous leurs souvenirs pour le reconnaître. Ainsi, les yeux des pèlerins d’Emmaüs s’ouvrent-ils lors de la fraction du pain. Et pourtant, il faut un acte de foi. Ils l’avaient vu sur la croix. Il était mort, c’est certain. Et il est à nouveau au milieu d’eux alors que toutes les portes sont fermées. Pour se faire reconnaître de ses disciples, Jésus a sans doute dû prendre les moyens nécessaires, adaptés à leur condition terrestre.
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31. Jésus est-il réellement apparu ? Jésus est-il ressuscité physiquement ?
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venté et qu’ils ont eux-mêmes fait disparaître son corps, hypothèse déjà suggérée par l’évangéliste Matthieu. Comment expliquer alors que l’on trouve une tombe repérable par tous ? L’annonce de la résurrection n’aurait pas pu tenir à Jérusalem si le vide du tombeau n’avait pas été un fait bien assuré pour les disciples comme pour leurs contradicteurs.
Les récits de Pâques qui nous sont parvenus sont des reconstructions théologiques (et non des reportages journalistiques) en vue d’attester le caractère réel (et non imaginaire ou hallucinatoire) de la Résurrection de Jésus. Je crois donc bel et bien que Jésus est ressuscité d’entre les morts et est « apparu » à ses disciples, mais j’accepte que cette réalité échappe à mes sens et même à ma compréhension. La résurrection, en effet, transcende et dépasse l’histoire. Jésus participe dorénavant au monde de Dieu, il vit dans la « condition divine » qui n’est pas « matérielle » au sens terrestre. Son corps ne tombe plus sous les sens. Il n’est pas comme le nôtre en deçà de la mort, il est d’un autre ordre (voir question 40). Dire que les apparitions sont intérieures — une expérience de foi — plutôt que matérielles, ce n’est pas nier leur réalité. Il n’y a pas que le matériel qui soit réel. Jésus ressuscité a l’initiative de ces apparitions. C’est bien lui qui apparaît et non les apôtres qui imaginent. Ce n’est pas un rêve : ils étaient éveillés. C’est leur foi qui était endormie. L’argument le plus fort en faveur de la réalité des apparitions est qu’elles ont changé profondément la vie de ces hommes et de ces femmes. Ils nous ont traduit ce bouleversement dans les récits que nous rapportent les quatre évangiles. Des effets réels demandent des causes réelles. Pour ceux qui croient à la réincarnation (voir question 41), l’âme reçoit un autre corps. Les chrétiens — qui croient en la profonde unité de l’âme et du corps — parlent de la résurrection de la chair pour dire qu’il ne s’agit pas d’un autre corps, mais de ce corps devenu autre. Saint Paul dira : « On est semé dans la corruption, on ressuscite incorruptible, le corps semé comme psychique ressuscite comme corps spirituel » ( Corinthiens 15, 3 -4 ).
L’Écriture appelle aussi ce séjour Shéol ou Hadès. Ce langage des enfers se réfère à la vision du monde partagée par les peuples de l’Antiquité. On voyait la divinité résider dans les espaces supérieurs, le ciel et ses nuées ; les puissances du mal, le séjour des morts, se trouvaient dans les espaces inférieurs.
L’image du rachat — ou rédemption — est utilisée tout au long du Nouveau Testament, mais il ne faut pas pousser trop loin la comparaison. Il ne s’agit, en effet, que d’une métaphore. Payer une rançon, c’est libérer, faire passer de l’esclavage à la liberté, acquérir quelqu’un. Il s’agit donc de dire le prix que Jésus a payé pour cela — le don de sa vie —, et non à qui il l’a payé, le diable par exemple. Aujourd’hui, bien sûr, il faut explorer d’autres registres. Le thème de la libération est sans doute plus adapté et l’on peut reprendre, ici, une image des pères de l’Église, celle des oiseaux pris dans les filets de l’oiseleur. L’un d’eux réussit, au prix d’un effort ensan-
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Le Credo proclame que Jésus est descendu aux enfers. Il s’agit de répondre à une question bien compréhensible : est-ce seulement ceux qui sont nés après le Christ qui seront sauvés par lui, ou bien le Christ sauve-t-il toute l’histoire humaine ? C’est le deuxième membre de cette alternative qui est le bon. Les enfers, en effet, dans le langage biblique, sont le séjour des morts. Jésus y est « descendu » puisqu’il est mort, mais il y a pénétré en sauveur, proclamant la Bonne Nouvelle aux esprits qui y étaient détenus, commente le Catéchisme de l’Église catholique, s’inspirant de saint Pierre : « La Bonne Nouvelle a également été annoncée aux mort » ( Pierre 4, 6). Par sa résurrection, Jésus est bien « le premier né d’entre les morts », ouvrant à tous la vie. Une belle icône de Pâques illustre cela. On y voit Jésus debout sur les portes de la mort, brisées, tendant la main à Adam et aux Patriarches.
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32. Le Christ descendu aux enfers, de quoi s’agit-il ? Qu’entend-on par la Rédemption ?
glanté, à déchirer une des mailles du filet et à faire ainsi une brèche par laquelle il s’est envolé, entraînant les autres à sa suite.
33. Jésus Christ savait-il qu’il était Dieu ? Jésus est-il un humain réussi ou le Fils de Dieu ? Que Jésus Christ ait réellement existé, nul historien ne met encore cela en doute (voir question 20). Mais quelle relation entretenait-il avec Dieu ? Là commence l’aventure de la foi. Pour les chrétiens, Jésus non seulement est un prophète (quelqu’un qui vient de la part de Dieu et qui parle en son nom), mais il appartient au mystère même de Dieu. Il entretient, avec lui, une relation plus intime que celle qu’un être humain peut avoir. Il s’est permis des choses que seul Dieu peut faire, comme pardonner les péchés. Et puis, surtout, par-delà la mort, il est apparu vivant : « Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps » (Matthieu 28, ). N’est-ce pas une parole que Dieu seul peut dire ? Parfaitement homme, il semble donc habité par un mystère plus qu’humain. Jésus ne se prenait pas pour autant pour Dieu à lui tout seul, vidant le ciel de toute présence, mais il menait sa vie en intime relation avec lui. Il l’appelait « Père », utilisant le mot « Abba » de sa langue maternelle, mot des enfants pour parler à leur papa. D’autres phrases dans l’Évangile traduisent cette relation : « Le Père et moi sommes un » ; « Qui m’a vu a vu le Père » ; « Le Père demeure en moi et moi je demeure dans le Père ». Les disciples mesureront progressivement toute la stature de leur rabbi galiléen. À la lueur de l’aube pascale, ils ont compris que, en cet homme, Dieu lui-même s’était dit de manière unique. En Jésus de Nazareth, l’amour de Dieu a fait battre le cœur d’un homme. En lui, Dieu s’est révélé humain. En 4 , à Chalcédoine, les évêques se sont
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34. Le Christ doit-il revenir un jour ? Le retour du Christ fait partie de la foi chrétienne : « Ce Jésus qui vous a été enlevé pour le ciel viendra de la même manière que vous l’avez vu s’en aller vers le ciel », disent les anges lors de l’Ascension (Actes 1, ). Pour employer un mot savant, il s’agit de l’espérance de la « Parousie ». Ce mot vient du grec et signifie étymologiquement « présence ». Nous attendons la totale présence du Christ à l’univers. Cette venue sera moins un retour que la manifestation finale de sa présence permanente. Ce ne sera pas un moment de l’histoire, mais sa fin. Ici apparaît une différence avec le judaïsme.
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Si l’on reconnaît à Jésus une identité divine (qui ne nie pas son identité humaine), il faut revoir la conception que l’on se fait de Dieu. C’est ici qu’intervient la notion de Trinité (voir question 6). Les chrétiens ont compris que Dieu était un mystère de relation : le Père et le Fils dans l’unité du Saint-Esprit, et non pas une solitude éternelle. Dieu est amour, disait saint Jean. Si Dieu, en Jésus, s’est fait homme, c’est pour nous faire entrer dans ce mystère de relation qu’il est. Il nous a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu, proclame encore saint Jean dès le début de son évangile (1, ). Compliqué, direz-vous. Oui et non. Il est sans doute difficile de mettre des mots sur le mystère de Dieu, mais il suffit, pour en vivre, d’aimer en vérité.
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mis d’accord sur la formulation suivante : « vrai homme et vrai Dieu ». Pas l’un plus que l’autre. Les deux en équilibre. À dérégler la balance, le beau visage du Christ en est défiguré. Jésus est solidaire de Dieu son Père — de toute éternité, le Père lui dit : « Tu es mon Fils bien-aimé » — et solidaire des hommes — avec eux, il peut dire : « Notre Père ». Il est humainement Dieu et divinement homme. Il est une fenêtre que Dieu a ouverte sur son propre Mystère.
Celui-ci estimait que la venue du messie correspondrait à la fin des temps. Pour les chrétiens, le Christ est bien le messie, mais l’histoire continue jusqu’à son avènement final, son « retour en gloire ». Au début de l’Église, l’attente de la venue de Jésus était vive. On croyait ce retour imminent, à tel point que saint Paul dut rappeler aux essaloniciens qu’il fallait quand même travailler ( essaloniciens 3, - 3). Quand, au début du ive siècle, l’Église est reconnue par Constantin et ses successeurs et qu’elle s’installe à ciel ouvert dans la société, les chrétiens confondent de plus en plus ce retour du Seigneur avec le jour de la mort de chacun. Or, cet avènement concerne toute l’histoire des hommes. Il s’agit, disait Teilhard de Chardin, d’une refonte de notre terre. Ce jour-là, « Dieu sera tout en tous » ( Corinthiens 15, ). Le monde sera renouvelé selon l’Esprit du Christ. L’Écriture identifie en effet ce retour du Christ avec la dissolution du monde actuel. La venue glorieuse du Christ marquera donc le début du « siècle à venir ». « Nous attendons, selon sa promesse, des cieux nouveaux et une terre nouvelle où habitera la justice. C’est pourquoi, mes amis, dans cette attente, faites effort pour qu’il vous trouve dans la paix, nets et irréprochables. Et dites-vous bien que la longue patience du Seigneur, c’est votre salut ! » ( Pierre 3, 3 ). La Bible se termine par le livre de l’Apocalypse, et celui-ci se clôt sur l’invocation liturgique : « Viens, Seigneur Jésus ! » Les deux derniers chapitres sont la description, en termes symboliques, de ce monde nouveau et de la Jérusalem nouvelle habitée par la présence de Dieu et de son Christ. Chaque eucharistie est vécue dans l’espérance de ce rendez-vous, de ce jour encore à l’horizon de nos vies et du monde présent : « Nous proclamons ta mort, Seigneur Jésus, nous célébrons ta résurrection, nous attendons ta venue dans la gloire. »
Beaucoup, aujourd’hui, s’accordent à dire que notre société est en perte de sens. Cet au-delà, vu comme une plénitude et non comme une récompense, n’est-il pas capable de rendre ce sens ? Estce si étonnant que la perte de foi en l’au-delà soit contemporaine de l’augmentation de consommation de drogue, de la multiplication de croyances irrationnelles, de la prolifération des sectes ? On ne peut se contenter de l’instant présent. L’être humain cherche toujours quelque chose de plus vaste, de plus profond et de plus ample et, paradoxalement, ce sont souvent ceux qui l’ont trouvé qui peuvent habiter leur vie quotidienne sans la fuir dans la drogue, les plaisirs faciles et superficiels ou autres évasions… Croire en l’au-delà permet de prendre au sérieux la tâche humaine : construire une société fraternelle appelée à l’éternité au cœur même de Dieu. Nous ne travaillons pas en vain. Connaissezvous l’histoire des tailleurs de pierre ? Cela se passe au Moyen Âge. Au cœur d’une ville, un immense chantier. Dans un lieu à l’écart, des tailleurs de pierre, sous un soleil de plomb, vaguement abrités par une toile. Un passant pose la même question à trois des artisans : « Alors, ça va ? Qu’est-ce que tu fais ? » Il entend trois réponses, bien différentes : « Tu ne vois donc pas ? grogne le premier. Je peine et sue par cette maudite chaleur… — Oui, ça va bien, dit
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35. Y a-t-il un au-delà après la mort ?
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4. L’au-delà
le second, je suis content. En taillant ces pierres, je gagne ma vie et celle de ma famille. » Le troisième semble tout joyeux. Il répond, les yeux brillants : « Je construis une cathédrale ! » Comme l’a très bien montré l’historien Jean Delumeau, les croyants ont tenté, durant les siècles passés, de se figurer l’au-delà avec les représentations de l’ici-bas. La science a contribué — et c’est heureux — à « dématérialiser le paradis ». Il faut aujourd’hui le considérer en termes de relations. Le paradis, c’est les autres, proclame-t-il. « À la question “Que reste-t-il du paradis ?”, la foi chrétienne continue de répondre : grâce à la résurrection du Sauveur, un jour nous nous donnerons tous la main et nos yeux verront le bonheur » (Que reste-t-il du paradis ? Fayard, , p. 46 ). Certes, la croyance à l’au-delà est en perte de vitesse, même chez les chrétiens. Pourtant, ne touche-t-on pas ici à l’essentiel de la foi ? Croire à l’au-delà, ce n’est pas croire en un Dieu gendarme qui récompense et punit, mais en un Dieu fidèle qui ne reprend pas son amour, pas même à l’heure de notre mort. Pour la Bible, la mort n’était pas prévue. « Dieu n’a pas fait la mort, dit le Livre de la Sagesse. Il a tout créé pour que tout subsiste » (Sagesse 1, 3- 4). Alors, d’où vient la mort ? Le même livre répond « … de la jalousie du démon » (Sagesse 2, 4). Peu importe ici la question de l’existence de Satan, ce qu’il faut croire, c’est que la mort n’est pas première. Nous sommes nés pour la vie, une vie éternelle, et la « grande faucheuse » semble une intruse dans ce programme. Ainsi que le disait une jeune fille lors d’une retraite : « Je ne crois pas à l’au-delà, je crois en Dieu qui est fidèle, même lorsque je traverserai la mort. » Manière lapidaire de dire que le ciel n’est pas un lieu, mais l’épanouissement, grâce à Dieu, de ce que je porte déjà en moi. Un jour, la cathédrale sera achevée pour tous…
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À une époque aussi troublée que la nôtre, on devrait aisément comprendre qu’il faut que Dieu juge. Tout n’est pas acceptable. Vouloir qu’il ne juge pas, c’est se faire complice du mal. Le jugement est en effet un tri entre le bien et le mal. Dans la scène du Jugement dernier (Matthieu 25, 3 -46), Jésus place à sa droite ceux qui ont donné un verre d’eau à ceux qui avaient soif et à sa gauche, ceux qui l’ont refusé. Ce qu’il est peut-être bon de se rappeler, c’est que la frontière entre le bien et le mal ne passe pas entre moi et mon voisin, mais au milieu de moi. Il y a en effet une part de nous-même qui ne mérite vraiment pas le ciel. Notre tempérament un peu acariâtre, nos rancunes, notre égoïsme, notre orgueil… Tout cela, nous devrons nous en séparer comme le fils prodigue a renoncé à sa vie de plaisirs superficiels et à son orgueil pour retrouver son père. Ne peut-on voir dans la dureté de certaines paroles de Jésus, son insistance à ce que nous nous convertissions ? Dieu, en effet, ne prend pas plaisir à la mort du pécheur, mais « il désire que celui qui commet le mal se convertisse et vive », dit le prophète Ézéchiel (18, 3). Jésus le dira à Nicodème : « Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour condamner le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui » (Jean 3, 6). Et quand aura lieu ce jugement ? Rappelons que, du point de vue de Dieu, le temps n’existe pas. Mais du nôtre, les choses vont autrement. Il s’agissait de répondre à la question de ce que deviennent les morts tandis que nous continuons à vivre. On a donc distingué le jugement « particulier » et le jugement « dernier ». Le premier a lieu à l’heure de la mort. Une orientation a été prise et est devenue irréversible. Le second nous insère dans l’histoire de l’humanité enfin achevée. Les fruits que nous avons portés ainsi que notre responsabilité dans le mal qui gangrène l’humanité peuvent être enfin évalués.
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36. Y a-t-il un jugement lors de notre mort ?
Par son jugement, Dieu sauvera tout ce qui peut être sauvé. J’aime l’imaginer avec sa grosse loupe, passant en revue toute notre vie, dans les moindres détails. Dès qu’il tombe sur un acte d’amour — un simple verre d’eau parfois — il arrête sa loupe et grossit ce geste en éternité.
37. L’enfer est-il compatible avec Dieu ? Je crois qu’il faut maintenir la « possibilité » théorique de l’enfer (notre pensée a ses exigences logiques), non pas comme un lieu que Dieu aurait préparé à toutes fins utiles, mais comme l’échec toujours possible, inhérent à toute liberté. L’enfer n’est en effet pas une punition. C’est Dieu qui nous respecte jusqu’au bout, parce qu’il nous aime. La liberté nous est laissée de refuser Dieu en refusant d’aimer, en choisissant le mal pour le mal. Heureusement, sinon nous serions obligés de vivre avec Dieu pour l’éternité, que nous le voulions ou pas. Nous serions alors des marionnettes dans sa main. Si enfer il y a, c’est la souffrance de l’homme certes, mais d’abord celle de Dieu : il n’a pas réussi à faire notre bonheur. Cela dit, je crois que Dieu n’échouera pas. Telle est mon espérance. Mais ce n’est pas en supprimant la possibilité de l’enfer que je résous la question, c’est en croyant en l’immensité de l’amour de Dieu qui aura raison de toutes nos résistances sans écorner notre liberté. Mère Teresa, par exemple, aurait tout fait pour aller rechercher un frère malheureux. C’est précisément ce que Dieu a fait en Jésus Christ. Dans la parabole de l’enfant prodigue, le frère aîné refuse d’entrer, parce qu’il se croit meilleur que le plus jeune. Jésus, lui, le Fils éternel, le premier-né de toute créature, contrairement au frère aîné de la parabole, ne s’est pas drapé dans sa supériorité, mais il est
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38. On a fermé les limbes. Et le purgatoire ? Effectivement, l’hypophèse théologique des limbes (jamais définies comme un article de foi) vient d’être officiellement abandonnée. La commission romaine a estimé que cette notion relevait d’une « vision restrictive excessive du salut », bref, d’une vision trop étroite. Cette idée était née à la suite de la théologie de saint Augustin à propos du péché originel, élément qu’il a sans doute hypertrophié. Un enfant qui n’a pas été baptisé, mais qui n’a pas non plus commis de péchés personnels pourrait-il être condamné à des peines éternelles ? Saint omas d’Aquin parla pour eux d’un lieu de béatitude naturelle, sans châtiment, mais privé de la vision de Dieu acquise par le Christ. Quant à la notion de purgatoire, elle répond à la question : ne serait-il pas juste que nous réparions le mal que nous avons fait ? Pensez à l’enfant qui accepte une punition pour se réconcilier avec ses parents. Dans l’Écriture, il est question de purification. Chez saint Paul, on trouve le texte suivant : « Il sera sauvé, mais comme à travers le feu » ( Corinthiens 3, ). Cette manière de parler risque de nous faire croire qu’il faudra « payer » le pardon de Dieu. Or,
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allé rechercher ses frères aînés aussi loin qu’ils s’en étaient allés, il s’est identifié à eux, les invitant à revenir vers le Père. Sur la croix, il a été fait péché, nous dit saint Paul ( Corinthiens 5, ). Il a vécu la solidarité jusqu’au bout avec toutes les victimes du péché. Or ces victimes, c’est chacun de nous. Pour ce qui est des « paroles dures » de Jésus, celles où il parle de pleurs et de tourments, elles sont là pour nous éviter cet échec de la liberté. Mais chaque fois que Jésus est devant quelqu’un qui a échoué, un pécheur, il parle de miséricorde.
une chose est certaine, nous n’arriverons jamais à payer une éternité de bonheur avec le peu de bien que nous avons fait sur cette terre. Le Royaume sera toujours un don gratuit, un pardon, c’està-dire un don par-delà notre indignité. Le père Bernard Sesboüé essaye une autre approche : « Dans notre état actuel, nous vivons tous dans une certaine “bulle”, qui comporte une part d’illusions sur nous-mêmes : nous ne pouvons pas entendre ce que les autres disent de nous, nous ignorons des choses que tout le monde connaît à notre sujet. […] Le purgatoire, c’est ce devenir de transparence qui nous fait sortir de notre bulle et découvrir ce que les autres pensent de nous : la voilà, la souffrance ! Nous avons besoin d’en passer par là, d’accueillir le regard des autres — purifié lui aussi — et celui de Dieu. » Ne demandez pas combien de temps cela durera. Ce sera l’espace fulgurant d’un éclair d’amour. Quelle douleur n’aurons-nous pas en constatant à quel point nous avons peu aimé. Mais cette douleur fera place aussitôt à la joie d’un tel pardon. Une autre conviction s’exprime dans cette notion de purgatoire : il y a une solidarité entre les hommes qui ne prend pas fin avec la mort. Cette solidarité peut se traduire dans la prière. Les vivants qui sont encore plongés dans le fleuve du temps peuvent continuer à prier pour ceux qui ont quitté nos rivages pour rejoindre Dieu. Ainsi, ils ne font pas le passage seuls, mais enveloppés par notre tendresse et notre affection priantes. Prier pour les défunts signifie : « Seigneur, leur salut me concerne. Je les confie à ton amour miséricordieux. Avec eux, j’accueille ton pardon purificateur. Ainsi, nous nous retrouverons un jour auprès de toi pour nous aimer enfin en toute transparence. » Les hommes ayant besoin de représentations, toute une imagerie est venue mettre en couleur cette notion de purgatoire. Mais il y a derrière ce mot une vérité toute simple : nous ne serons pas prêts en arrivant « là-haut », mais le pardon de Dieu — qui purifie comme
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Oui, nous pouvons « espérer revoir nos défunts dans l’éternité ». Mais, bien sûr, nous ne trouverons jamais les termes exacts pour parler de ces « retrouvailles ». Disons-le de manière négative : rien de ce que nous avons vécu ici-bas ne sera perdu. Les liens que nous avons tissés demeureront, mais transfigurés. Peut-on, à propos d’un fruit, utiliser le même vocabulaire que pour la fleur qu’il était ? Dans son livre Un peu de mort sur le visage, Gabriel Ringlet écrit : « Oui, nos visages vont disparaître, et nos oreilles, et nos lèvres, et nos yeux… Mais nos sourires, mais nos écoutes, mais nos regards, mais nos baisers… nous n’allons pas les enterrer. » Au lieu de parler en termes de vision — revoir nos défunts —, je préférerais parler en termes de communion, d’amour partagé pour l’éternité. Il ne nous faut cependant pas attendre le ciel pour vivre cette communion. On peut donc dire qu’ils « entendent » notre prière dès maintenant, même si les mots sont toujours à mettre entre guillemets lorsqu’on parle de l’au-delà. Notre relation est transformée, intériorisée, mais elle n’est pas perdue pour autant. Voici un texte du chanoine Henry Scott Holland, souvent lu lors des funérailles : « Ce que nous étions l’un pour l’autre, nous le sommes toujours. Donne-moi le nom que tu m’as toujours donné. Parle-moi comme tu l’as toujours fait. N’emploie pas un ton dif-
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39. Nous reverrons-nous ?
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un feu — nous rendra dignes de Lui éternellement. Il est en effet bien évident qu’à l’heure de notre mort, nous ne serons pas en mesure de recevoir ce don. C’est le pardon de Dieu généreusement accordé qui nous purifiera de notre égoïsme, de nos manques d’amour. Et « cela fera mal », comme chaque fois que nous renonçons à notre petit moi pour nous tourner vers les autres.
férent. Ne prends pas un air solennel ou triste. Continue à rire de ce qui nous faisait rire ensemble. Prie, souris, pense à moi. » Ici-bas, ne pouvons-nous pas être en communion avec certaines personnes que nous ne voyons pas ou que nous n’entendons pas, parce qu’ils sont partis en voyage, par exemple ? « Pourquoi seraisje hors de ta pensée, simplement parce que je suis hors de ta vue ? Je t’attends, je ne suis pas loin, juste de l’autre côté du chemin », interroge le même chanoine Nos corps et tous nos sens sont au service de nos relations. Mais celles-ci n’en sont pas totalement dépendantes. Le poète libanais Khalil Gibran disait : « Quand tu aimes, ne dis pas Dieu est dans mon cœur, mais je suis dans le cœur de Dieu. » Quand nous nous aimons, nous sommes donc tous dans le cœur de Dieu. C’est là que nous nous retrouverons pour l’éternité.
40. Va-t-on ressusciter physiquement ? Qu’est donc un corps spirituel ? Nous ne serons pas réduits à une simple idée, un souvenir, un esprit comme les fantômes. Il s’agira bien de nous, avec tout ce que notre corps nous a permis de vivre, c’est-à-dire avec tous les liens que nous avons tissés. Le corps est ce qui nous permet de nous rendre présents aux autres, de les rencontrer. Mais le corps est aussi ce qui nous limite. Je suis ici, et pas en même temps là-bas. Je suis d’aujourd’hui, et pas d’hier. Tout cela, parce que ce corps est matière. Actuellement, nous avons l’esprit de notre corps. Notre esprit est conditionné par notre corps. Si j’ai mal à la tête, mes idées sont moins claires. Il y a un moment où il faut aller au lit parce que nous sommes fatigués. Si je suis malade, il m’est plus difficile d’entrer en relation avec les autres.
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Dans le Royaume, nous aurons le corps de notre esprit : le corps — à ne pas prendre au sens matériel et terrestre, répétons-le — sera la parfaite expression de ce que nous sommes, de ce que nous voulons, de ce que nous désirons, plutôt que d’être ce qui nous limite. Déjà maintenant, avec notre esprit, nous sommes plus libres qu’avec notre corps. Tandis que je suis assis dans cette chambre, mon esprit voyage peut-être ailleurs. Ce jour-là, notre liberté sera totale, mais uniquement pour le bien. La meilleure manière de répondre est peut-être de relire le texte des apparitions de Jésus. Ressuscité, son corps n’est plus limité. Jésus est maintenant présent à ses apôtres, même lorsque les portes sont fermées ou qu’Emmaüs est loin. Il participe totalement à la manière d’être de Dieu puisqu’il peut rejoindre ses disciples de tous les temps et de tous les lieux. Un corps spirituel est donc un corps qui n’est plus limité par l’espace et par le temps. Il sera toujours impossible de décrire l’au-delà. Il faut alors se contenter des mots qui essaient de dire le cœur de notre espérance : un jour, nous aimerons comme Dieu aime. Nous partagerons sa vie totalement. Aux yeux de la foi chrétienne, le corps qui est le nôtre aujourd’hui n’est donc pas encore achevé. Un autre mode d’existence l’attend, celui de la résurrection, qui n’est pas pour autant le prolongement immédiat et matériel de notre corps actuel. Il serait donc vain de vouloir se le représenter. Quand la foi chrétienne parle de la résurrection de la chair, ce mot n’a pas une signification matérielle, mais personnelle. Le mot « chair », dans la culture hébraïque, signifie la fragilité de notre existence. Parler de la résurrection de la chair traduit que Dieu assume en lui tout ce que nous avons vécu dans notre condition mortelle et lui donne une dimension d’éternité. La résurrection de la chair signifie donc que l’homme en tant que personne, dans son intégralité, connaîtra enfin l’incorruptibilité et l’immortalité. Pour exprimer ce qu’est la résurrection de la chair, le plus simple
serait peut-être de le dire de manière négative. Après la mort, ce n’est pas le néant. Après la mort, ce n’est pas non plus la réincarnation : un autre corps, une autre aventure terrestre. Après la mort, il ne reste pas seulement un vague souvenir, quelque chose de spirituel. De manière positive, cela signifie que, par-delà la mort, nous restons irréductiblement nous-mêmes, avec toutes les relations que nous avons tissées, avec toute l’histoire que nous avons vécue. Croire en la résurrection de la chair comprise ainsi a une conséquence sur la manière dont nous vivons ici-bas. Pour le chrétien, le corps a une dignité. Il y a une manière de valoriser le spirituel au détriment du corporel qui n’est pas chrétienne. Les sacrements eux-mêmes s’adressent au corps : le pain, le vin, l’huile, l’eau, l’imposition des mains… Le cœur du christianisme n’est-il pas que le Verbe s’est fait chair, qu’il a rejoint notre condition humaine dans toute sa réalité (Jean 1, 4) ? Voilà qui nous invite à prendre au sérieux cette vie-ci et donne à nos corps humains une incroyable dignité.
41. La réincarnation, une croyance à option ? Cette croyance en la réincarnation nous est venue dans les bagages de l’Orient. Dans cette culture, notons-le, la réincarnation n’est pas un prolongement souhaité, un plus, mais une punition : l’homme n’est pas encore ce qu’il devrait être. Dans une existence suivante, il pourra progresser dans la purification (ou, hélas, reculera). Le cycle des réincarnations est ce dont il faut au plus tôt se libérer. La doctrine des vies antérieures, reconnaît Denise Desjardins, une tenante de la réincarnation, est une partie intégrante d’une vision de l’homme et du monde difficile à intégrer dans la vision chrétienne. L’Orient et le christianisme, en effet, sont deux voies absolument différentes et inconciliables sur bien des points. La ré-
La foi en la résurrection offre une espérance bien plus vive, me semble-t-il, que la croyance en la réincarnation. Au lieu de la loi du karma, l’évangile nous parle de la loi de la miséricorde. Dieu est pardon et il s’en va à la recherche de la brebis perdue. Pour lui, rien n’est jamais perdu, même après la mort. À sa manière pourtant, la foi chrétienne parle « d’étapes successives ». La notion classique de purgatoire traduisait cela. Grâce au pardon divin, cette purification que d’autres recherchent dans les vies terrestres réitérées.
42. On ne parle plus du salut ? Le salut est, avec Dieu, le mot religieux par excellence. Il ne vient pas du verbe saluer, mais sauver. Toutes les religions visent à assurer le salut de l’être humain par des voies qui sont les leurs. Elles diffèrent précisément par la conception qu’elles se font du salut et des voies pour y parvenir. Dans le christianisme, ce salut se veut total (corps et âme), en relation avec un Dieu personnel. Voici des expressions qui, chez les chrétiens, désignent ce salut : vie éternelle,
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incarnation contredit notamment la résurrection de Jésus, point essentiel du christianisme. Il a vaincu la mort ; sur lui elle n’a plus aucun pouvoir (Romains 6, ). Il nous en a libérés. Or, précisément, la loi de la réincarnation nous fait affronter plusieurs fois la mort puisqu’elle n’est jamais vaincue et se présente toujours au terme de toute nouvelle vie. Pour le chrétien, par contre, il n’y a d’autre existence que la présente qui s’épanouit en vie éternelle. La croyance en la réincarnation n’est pas sans danger : celui d’une démobilisation, puisque de toutes façons, il y aura encore une chance ; celui d’une indifférence à la douleur d’autrui, « puisqu’il l’a bien méritée ». Il s’agit de payer son « karma ». En Inde, le système des castes est la conséquence de cette croyance.
résurrection des corps (ou de la chair), royaume de Dieu, ciel, paradis, repos éternel, béatitude éternelle… Dans le bouddhisme, pour prendre une comparaison facile, le salut est le nirvâna, c’està-dire l’extinction de tous désirs, ceux-ci étant source de souffrance. « Salut » est de même racine que « santé ». Pour le dire de manière toute simple, il s’agit de l’être humain enfin réalisé, achevé, « parfait ». Il n’est en effet pas difficile de constater que l’homme n’est pas encore ce qu’il pourrait ou ce qu’il devrait être. La souffrance en est le symptôme. « Aujourd’hui, le salut est entré dans cette maison », dit Jésus lors de sa visite à Zachée, le publicain, le pécheur. Dans son évocation de cette scène évangélique, Didier Decoin (Jésus, le Dieu qui riait, Stock, p. ) commente : « Ce mot “salut” veut dire bonheur éternel. Jésus, lui, sait en quoi ça consiste, le bonheur éternel. Mais il sait aussi que ce bonheur est trop éblouissant pour le regard de l’homme, trop assourdissant pour les oreilles de l’homme, trop bouleversant pour la sensibilité de l’homme, et qu’il est tel, en somme, qu’aucun homme ne sera jamais capable de seulement le concevoir. C’est pourquoi Jésus n’en dit pas plus. Alors, il regarde la table du festin. C’est très bon, tout ce que Zachée a préparé pour lui. Et Jésus a faim. C’est la joie qui lui donne faim. Il mange et rit de bon cœur. Comme chaque fois qu’il ouvre à quelqu’un les portes du Ciel. » Une question importante est de savoir à qui est destiné le salut. Trop souvent, les religions succombent à la tentation de le limiter exclusivement à leurs membres. Que l’on se souvienne de la fameuse phrase « Hors de l’Église, pas de salut ». Était-ce fidèle à la phrase de saint Paul à Tite : « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés » ( Tite 2, 4) ? Le concile Vatican II a, à ce sujet, opéré un tournant important, reconnaissant qu’il y a des traces de Dieu dans toutes les religions. Aujourd’hui, on ose dire que tous les hommes peuvent être sauvés (si du moins leur liberté y consent), non pas mal-
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gré leur religion, mais au cœur même de leur propre religion. Il y a donc, disait le père Jacques Dupuis, quelque chose de sacramentel dans ces religions. Et ceci, notons-le, ne s’oppose pas au fait que, selon la foi chrétienne, c’est en Jésus que tout homme trouve ce salut en plénitude. Le Christ est le Sauveur universel, mais il ne réserve pas son salut aux seuls chrétiens.
Pour nos contemporains, de plus en plus nombreux, l’Église fait difficulté. Et l’on peut comprendre, car elle n’est pas parfaite. Mais n’oublie-t-on pas, lorsqu’on voudrait s’en désolidariser, que soimême, on n’est guère plus parfait ? Peut-être connaissez-vous cette répartie de Mère Teresa : « Qu’est-ce qui ne va pas dans l’Église ? lui demandait-on. Vous et moi », répondit-elle ! Claire, une convertie, s’exprimait ainsi : « À partir du moment où j’ai compris que j’étais dedans, j’ai changé mon regard sur l’Église. » Au xve siècle, un grand humaniste nommé Érasme a pu écrire ceci : « En attendant de trouver une meilleure Église, je vais me contenter de cellelà. Et l’Église, elle, va devoir se contenter de moi en attendant que je devienne meilleur. » Il s’adressait à Luther qui, lui, à cause des défauts de l’Église, l’avait quittée. Lorsque nous récitons, dans le Credo, « Je crois en l’Église, une sainte, catholique et apostolique » (foi partagée par toutes les Églises chrétiennes), nous proclamons non pas un état de fait, mais un idéal auquel il faut sans cesse tendre. Nous croyons, en effet, que l’Église est plus que la somme de ses membres. Il faudrait reprendre ici les différentes images utilisées par le Nouveau Testament pour en parler : la Vigne, le Corps du Christ, son Épouse… Elle est sainte, d’une sainteté qui ne vient pas d’elle-
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43. Faut-il vraiment une Église ?
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5. Égliseet sacrements
même, mais de Celui qui a donné sa vie pour elle : le Christ. Si nous aimons l’Église, ce n’est pas tant parce qu’elle est parfaite, mais parce que le Christ l’aime et veut, par son amour, la purifier sans cesse. Elle est une, car il n’y a qu’un Christ et catholique, c’est-à-dire universelle, parce qu’ouverte à tous comme le Christ. Si vous relisez l’Évangile, vous verrez combien les apôtres étaient peu à la hauteur. Or, ils sont les racines de l’Église (apostolique signifie « fondée sur les apôtres »). Le Jeudi saint, cependant, c’est à eux que Jésus a lavé les pieds et c’est pour eux qu’il a livré sa vie. On peut dire, avec le dominicain Timothy Radcliffe, qu’à ce momentlà, la communauté semble se désintégrer. Et c’est pourtant alors que l’Église est née, « en pleine crise de l’espérance » (Pourquoi donc être chrétien ? p. 6). Sans nier les difficultés qu’il peut y avoir de croire en l’Église, je me demande parfois si la distance prise aujourd’hui par rapport à l’institution ne s’explique pas aussi par l’individualisme contemporain. De nos jours, toutes les institutions ont mauvaise presse. Loin de moi de prétendre qu’elles sont parfaites. Mais ne sont-elles pas quand même un « mal nécessaire » ? L’Église elle-même serait donc « un mal nécessaire, parce que sans elle il n’y aurait pas “d’affaire Jésus” ; mais un mal nécessaire, parce que toute institution ecclésiale, même la meilleure, reste désespérément en retard sur le royaume de Dieu, que tout dogme, même le plus paradoxal, ne saisit qu’insuffisamment la plénitude de la Révélation divine, que les saints aussi, même les plus purs, restent toujours des hommes et donc des pécheurs » (Heinz Zahrnt, théologien protestant, Jésus de Nazareth. Une vie, Seuil, p. ). Sans institution, on tombe dans l’individualisme et très vite des sectes apparaissent. Soyons franc : il y a des pages de l’histoire de l’Église qui n’auraient jamais dû être écrites. Lorsqu’on considère les graves lacunes de cette institution, nous avons deux possibilités : la quitter ou y rester et la transformer de l’intérieur. Je pense que la deuxième so-
Voilà l’exemple d’une phrase tirée de son contexte et souvent citée sans aucune connaissance historique. Il semble que ce soit Origène, vers 4 , qui ait été le premier à utiliser pareille formule reprise vers par saint Cyprien. Le contexte est un peu semblable à celui d’aujourd’hui. Des chrétiens quittent l’Église pour des sectes qui véhiculent les idées nouvelles. Origène, suivi de Cyprien, mettent en garde ces fidèles : « N’allez pas chercher en dehors de l’Église ce que vous ne trouvez qu’en elle, le salut. » Réaction que l’on peut comprendre. Il est normal que les chrétiens convaincus estiment que ce n’est pas en quittant l’Église que cela ira mieux ! « Si quelqu’un abandonne l’Église du Christ, il n’aura pas accès aux récompenses du Christ. […] On ne peut avoir Dieu pour Père quand on n’a pas l’Église pour mère », écrit saint Cyprien. Il s’agit d’une situation particulière dans l’histoire de l’Église (qui s’est d’ailleurs répétée au cours des siècles). Cette formule ne voulait donc pas régler le sort de ceux qui n’étaient pas chrétiens, qu’ils soient bouddhistes ou musulmans, ni traiter de la division entre catholiques et protestants, question qui se pose différemment aujourd’hui. (Voir également question 44.) Même si saint Cyprien ne l’avait pas prononcée dans ce sens-là, on se répète volontiers cette phrase, oubliant que le Royaume n’est pas de ce monde tandis que l’Église est bien d’ici-bas. Elle ne peut donc pas être ce Royaume, mais seulement et modestement, une
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44. Hors de l’Église pas de salut ? N’est-ce pas un peu dépassé ?
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lution est la bonne, car, malgré tous ses défauts, l’Église reste quand même celle qui, depuis deux mille ans, transmet ce qui, paradoxalement, nous permet de la critiquer, c’est-à-dire l’Évangile que nous voudrions lui voir vivre davantage.
invitation à y entrer. L’Église n’est pas sa propre fin, elle n’œuvre pas pour elle-même. Le Royaume est son horizon et celui de tout homme, il est sa destinée ultime. Appelons cet avenir bonheur, humanité réussie, salut, éternité, ciel ou paradis, l’essentiel est d’être en marche vers un au-delà de soi-même… Bref, le Royaume est une espérance pour tous et non un diplôme pour les baptisés. Aujourd’hui, heureusement, on ne parlerait plus comme cela. Nous avons davantage appris le dialogue, le respect de la démarche d’un chacun. N’empêche que le chrétien reste convaincu que c’est dans l’Église que, personnellement, il trouve davantage le « salut ». Celle-ci doit cependant veiller à ne pas se prendre pour le Royaume.
45. Quelle est la différence entre être catholique et être chrétien ? Les Églises qui ne sont pas en communion avec l’Église catholique romaine sont des centaines. Elles se veulent cependant toutes chrétiennes, comme les catholiques d’ailleurs. J’aime cette phrase du pasteur protestant Leplay : « Tout ce qu’il y a de chrétien dans le catholicisme, je le prends ! » C’est dire que chaque Église a sans cesse à se convertir. Essayons d’y voir un peu plus clair en rassemblant ces Églises en différentes familles (à l’intérieur desquelles il y a encore énormément de nuances et de différences). Côté orthodoxe, il n’y a pratiquement aucun dogme qui fait la différence d’avec les catholiques. On cite souvent le purgatoire (mais du côté catholique, on en parle beaucoup moins qu’avant) et le fameux « Filioque », c’est-à-dire une manière de comprendre le rapport entre le Père, le Fils et le Saint-Esprit dans la Trinité. Ces deux « dogmes » ne compromettent pas l’essentiel de notre foi. La différence avec les orthodoxes se situe surtout au niveau de l’organisation
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de l’Église, le Pape ayant, à leurs yeux, une place trop importante dans « l’ecclésiologie » catholique. Le point de départ de la rupture ne fut d’ailleurs pas théologique, mais culturel et politique : c’est un schisme entre l’Orient et l’Occident du temps où politique et religion étaient intimement mêlées. Quant au monde protestant, on pourrait le diviser en trois grandes branches : les anglicans, surtout la « Haute Église », sont assez proches des catholiques. Les différences doctrinales avec les Églises issues de la Réforme du xvie siècle, deuxième branche, sont plus importantes : le rapport à l’Écriture Sainte, le lien entre la foi et les œuvres, la conception des sacrements, le culte des saints et le culte marial, les « ministères » (Pape, évêques, prêtres…). Il y a enfin, troisième branche, les Églises nées à partir du xixe siècle et que l’on appelle souvent « évangéliques » ou « pentecôtistes ». Cette branche est éclatée en d’innombrables petites Églises plus ou moins organisées. Elles pratiquent souvent une lecture fondamentaliste de l’Écriture et sont relativement peu institutionnalisées. Elles sont autant à distance des Églises protestantes historiques que de l’Église catholique. Ces Églises sont également souvent très opposées à l’œcuménisme, particulièrement avec les catholiques. Si le dialogue avec les Églises historiques (les luthériens, les calvinistes, les anglicans…), progresse, celui avec les Églises évangéliques et pentecôtiste est au point mort tant du côté catholique que du côté protestant classique. On pourrait enfin ajouter un certain nombre d’Églises orientales, parfois issues de vieux schismes du er siècle, notamment autour de la question de la divinité du Christ. Des rapprochements sont en cours. L’unité des chrétiens est d’une grande urgence. Nous ne sommes plus au temps où les Églises étaient soutenues par le pouvoir politique. Seule, aujourd’hui, la qualité de notre témoignage peut nous assurer la survie. Si nous sommes divisés, qui nous croira
encore ? Le dialogue, cet « échange de dons », comme le dit JeanPaul II, devrait permettre d’arriver à cette unité par le respect des différences. Cela suppose « charité envers l’interlocuteur, humilité devant la vérité que l’on découvre et qui pourrait demander la révision de certaines affirmations ou de certaines attitudes » (Ut unum sint, 36).
46. L’Église ne devrait-elle pas être plus démocratique ? L’Église n’est certes pas une démocratie. Cette notion est en effet d’ordre politique. Or, l’Église est une institution religieuse. Ce concept ne s’applique donc pas à elle. Si l’Église n’est pas une démocratie au sens politique du terme, ni d’ailleurs une monarchie, elle ne peut cependant faire fi d’un fonctionnement démocratique. Nous ne pouvons aller à contre-courant des valeurs positives de la société dans laquelle nous avons à vivre, valeurs qui viennent d’ailleurs de l’Évangile lui-même. Il est bien évident cependant que la vérité, elle, n’est pas à mettre aux voix. Les chrétiens croient que Dieu a pris la parole. Il s’est révélé. Il n’est donc pas question de majorité, mais de libre accueil, de foi. Si l’Église n’est pas une démocratie, il lui est cependant demandé d’avoir un fonctionnement davantage démocratique, comme elle l’a eu dès les origines. Il ne s’agit donc pas de réduire l’Église à une institution humaine, mais de croire que l’Esprit Saint est donné à tous en vertu de leur baptême. « Vous êtes le corps du Christ », dit saint Paul ( Corinthiens 12, ). Le concile a parlé de l’Église en termes de communion, et non pas en termes de structure pyramidale. Une communion, c’est plus qu’une démocratie. Ce n’est donc sûrement pas moins. Le pape est au service de la communion entre les Églises et n’est pas un intermédiaire entre le Christ et l’Église.
47. Le pape, chef suprême de l’Église ? Le pape est un évêque, et pas plus qu’un évêque ! Parler ainsi, ce n’est pas le diminuer, mais faire de lui le pasteur d’une Église particulière bien concrète. Et c’est à ce titre là qu’il peut être signe et instrument de l’unité entre tous ceux qui, chacun dans leur Église particulière, sont pasteurs. Le pape est le serviteur de la communion universelle. C’est ce que les voyages de Jean-Paul II, tout au long de son pontificat, ont manifesté. En passant d’une Église à l’autre, il a veillé à la communion de toutes entre elles. Le Catéchisme de l’Église catholique le dit clairement : « Le pape, évêque de Rome et successeur de Pierre » (no ). C’est parce que cette Église de Rome a été fondée par Pierre et par Paul que l’évêque successeur de Pierre est, comme Pierre, signe d’unité dans le collège épiscopal, c’est-à-dire l’ensemble des évêques. Dans l’Évangile, Pierre est cité parmi les douze apôtres, mais en tête. Il fait donc partie du groupe. Il n’a pas un titre spécial, même si un jour Jésus lui dira : « Tu es Pierre et sur cette pierre, je bâtirai
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Dès les premiers temps chrétiens, les croyants ont trouvé une pratique démocratique. « Élisez-vous donc des évêques et des diacres dignes du Seigneur », demande la Didachè (vers ). La Tradition apostolique d’Hippolyte de Rome (vers 3 ) prévoit « qu’on ordonne comme évêque celui qui a été choisi par tout le peuple ». Au cours des siècles, l’Église s’est progressivement centralisée et a eu des allures monarchiques. Elle prend toujours un peu l’air du temps, et c’est normal puisque Jésus n’en a pas écrit les constitutions. Il l’a confiée à des hommes qu’il n’a pas retirés du monde. Les valeurs démocratiques étant aujourd’hui au-devant de la scène, ne devrait-elle pas se souvenir de son passé démocratique ?
mon Église » (Matthieu 16, ). Souvent, c’est vrai, Pierre exprime la foi du groupe, mais comme porte-parole et non comme l’« employeur ». C’est Jésus, et non pas Pierre, qui a appelé chacun des apôtres. À la fin de l’évangile de Jean, cependant, il s’est vu confier par Jésus les brebis de son troupeau. Dans le « collège apostolique » (l’équipe des apôtres), il n’y a pas deux niveaux, celui de Pierre et celui des autres. Ils sont tous de même rang. De même, pour les chrétiens, chaque croyant n’a pas deux évêques, celui de son diocèse et le pape, fait remarquer Henri Bourgeois, théologien de Lyon, mais un seul. Celui-ci est en communion avec l’évêque de Rome. L’image serait donc moins celle d’une pyramide que celle d’une roue au moyeu duquel tous les rayons sont rattachés.
48. Le pape infaillible ? « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église et les portes de l’enfer ne tiendront pas contre elle » (Matthieu 16, ). Le mot « infaillibilité » traduit cette phrase. Le concile Vatican I n’a fait que préciser la foi de l’Église à ce propos et la proclamer solennellement. L’infaillibilité pontificale n’est pas une décision interne à l’Église qui concernerait le pape, mais un acte de foi qui nous tourne vers Dieu. Il n’est pas possible que Dieu, qui nous a donné son Esprit, nous laisse errer. Nous lui faisons confiance, il n’abandonne pas son Église. Le pape vient en quelque sorte personnifier cette fidélité de Dieu à notre endroit. Certes, les papes n’ont pas toujours été parfaits, mais je crois profondément que pour tout ce qui touche à l’essentiel de notre foi, ils ont gardé le dépôt, comme dit saint Paul à Timothée ( Tim 6, ). L’infaillibilité ne concerne que ce qui touche aux fondements de la
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Notons que, depuis , le pape n’a fait usage de son infaillibilité que pour définir le dogme de l’Assomption ( ) : Marie participe déjà pleinement — « corps et âme » — à la victoire du Christ sur la croix. Rien de neuf ici. Le concile d’Éphèse avait déjà proclamé
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foi et de l’agir chrétiens. Cette question s’est posée au moment de la réforme protestante, au xvie siècle, à propos de l’Écriture et de son interprétation. Catholiques et protestants étaient d’accord pour reconnaître à l’Écriture un caractère « infaillible » puisqu’elle est « inspirée » par Dieu. Mais, en réaction contre les dérives du jugement privé dont étaient soupçonnés les protestants, les catholiques vont considérer l’Église comme le « seul interprète infaillible » de ce texte inspiré. En effet, seule l’Écriture sainte fait loi pour les chrétiens. Mais, reconnaissons-le, elle n’est pas toujours facile à comprendre puisque la Parole de Dieu s’est exprimée dans une culture différente de la nôtre et au long de plusieurs siècles. L’infaillibilité est une espèce de cour d’appel en cas de difficulté d’interprétation. L’Église catholique estime que c’est dans le pape et le collège des évêques unis au pape que s’exerce cette infaillibilité, en s’appuyant sur la parole du Christ à Pierre : « J’ai prié pour toi afin que ta foi soit indéfectible » (Luc 22, 3 ). La formulation de Vatican I avait quelque chose d’un petit peu abrupt. Le concile Vatican II va apporter des correctifs importants. Le Concile a rappelé clairement la relation entre l’infaillibilité du pape et l’Écriture. L’infaillibilité a aussi été présentée comme une propriété qui, avant de se traduire dans la fonction du pape et des conciles, appartient à la totalité des croyants, laquelle ne peut se tromper dans la foi (Lumen Gentium, ). Récemment, la commission Réformés et catholiques romains a attiré l’attention sur une nuance importante : « Vatican I n’a pas enseigné que le pape “est” infaillible, comme on l’imagine généralement. Il enseigne plutôt que le pape peut “exercer” officiellement l’infaillibilité divinement accordée à l’Église dans son ensemble. »
Marie sancta (sainte, donc sans péché) et gloriosa (glorieuse, donc participant à la gloire du Christ).
49. Des prêtres, pour quoi faire ? Le prêtre n’est pas un intermédiaire entre Dieu et les hommes, car, nous dit le Nouveau Testament, Jésus est le seul médiateur entre Dieu et les hommes ( Tite 2, ). Le prêtre est là pour aider la communauté chrétienne à se centrer autour du Christ. Il est un collaborateur de l’évêque au service du peuple de Dieu. Pour comprendre son rôle, il faut donc regarder celui de l’évêque. Le « ministère » des évêques est triple : enseigner, sanctifier, gouverner (voir Catéchisme de l’Église catholique, - 6). Enseigner : il annonce la parole de Dieu. Cela implique la catéchèse, la prédication, l’étude des problèmes d’aujourd’hui à la lumière de l’Écriture, avec le recours à tous les moyens de communication actuels. Ensuite, gouverner : c’est la fonction « pastorale ». Il est au service de la formation et de la croissance d’une communauté chrétienne vraiment croyante, engagée et missionnaire. Enfin, par les sacrements, il contribue à la sanctification du peuple de Dieu, il l’aide à accueillir la vie de Dieu. Célébrer l’eucharistie et les autres sacrements est donc une des trois missions de l’évêque. Aujourd’hui, on est de plus en plus attentif à articuler cette responsabilité du prêtre avec celle des laïcs. Il n’y a, en effet, jamais eu autant de chrétiens à se former en théologie et à s’engager dans l’animation des paroisses, des mouvements, des associations chrétiennes. La préparation des parents au baptême de leur enfant est souvent assurée par une petite équipe. La catéchèse de la première communion, de la profession de foi et de la confirmation est également prise en charge par des laïcs, et parfois même par des jeunes. Nous ne sommes plus au temps où, pour reprendre une image clas-
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L’ordination — du diacre, du prêtre, de l’évêque — est comme une marque indélébile, ainsi que le baptême et la confirmation (les théologiens parlent d’un « caractère »). Désormais, même au plus profond du péché, cet homme est associé au Christ, tête de son Église.
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50. Le célibat des prêtres, une règle sans avenir ? Il n’y a aucun fondement théologique au célibat sacerdotal, mais une convenance spirituelle et pastorale. En effet, rien dans l’Écriture n’oblige les prêtres au célibat sacerdotal. La preuve en est que les autres Églises chrétiennes, par exemple l’Église orthodoxe, très soucieuse de la Tradition, ordonne aussi des hommes mariés. Convenance spirituelle donc. Dans toutes les Églises chrétiennes, le célibat, à la suite de saint Paul, est tenu en honneur (n’était-ce pas l’état de Jésus lui-même ? — voir question 28), ce qui ne veut pas dire que le mariage est méprisé. Chez les orthodoxes, il y a des moines, et c’est souvent parmi eux que l’on choisit les évêques. Ceux-ci, en effet, ne peuvent être mariés. Chez les protestants, certaines communautés — Taizé, par exemple — ont redécouvert le
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sique, le troupeau se laissait mener par le bout du nez. Les communautés chrétiennes sont en train de devenir adultes et responsables de leur propre vitalité. « Le rôle des prêtres n’est pas de tout faire, mais de veiller à ce que tout se fasse », dit Alphonse Borras, vicaire général du diocèse de Liège (Belgique). Cette évolution pose cependant question : ne fait-on pas du laïc un bouche-trou parce qu’il y a moins de prêtres ? Autrement dit, l’Église ne devrait-elle pas revoir sa manière de choisir des « ministres ordonnés » (évêques, prêtres, diacres), mais aussi à mieux définir le rôle des laïcs : leur coresponsabilité ecclésiale, leur prise de parole, leur participation aux décisions ?
sens du célibat consacré. Le célibat est un certain type d’expérience de Dieu et d’ouverture à l’universel de l’humanité. Une convenance pastorale aussi. Il est évident que le célibat permet une disponibilité plus grande à la communauté, et notamment aux esseulés, aux pauvres, aux marginaux… Mais peut-être une autre organisation de la communauté permettrait à des hommes mariés de célébrer les sacrements en proclamant la Parole, ce qui est le rôle premier du prêtre. Peut-être, en effet, va-t-on vers des communautés plus petites et mieux prises en charge par ses membres, où le célibat ne devra plus être l’unique règle. Quoi qu’il en soit, il y aura toujours, comme chez les orthodoxes, un clergé célibataire. La convenance pastorale ne s’imposant plus, cela ne supprimerait pas la convenance spirituelle, voire mystique. On entend dire aujourd’hui que « la crise des vocations » serait due au célibat. Notons cependant que, dans nos pays, la « crise des vocations » chez les protestants classiques est assez semblable. Leurs pasteurs peuvent pourtant être mariés. Il s’agit donc davantage d’une crise de la foi et de l’Église que du célibat. S’engager dans une vocation pastorale suppose en effet d’avoir perçu l’importance de la dimension communautaire (ecclésiale) de la vie chrétienne. Or, aujourd’hui, les observateurs s’accordent à dire que nous traversons une crise de l’institution. L’individualisme caractéristique de notre modernité met à mal toute institution.
51. Les diacres, une nouveauté ? À quoi servent-ils ? À côté des prêtres, il existe dans l’Église une autre catégorie de ministres chargés de tâches et de charismes spécifiques. C’est le cas du diacre, lui aussi adjoint de l’évêque. Il est signe du Christ venu non pour être servi mais pour servir, un signe particulièrement adressé aux
À la fin du ier siècle, la place du diacre est bien établie comme degré dans la hiérarchie ministérielle. Au ve siècle, le diaconat tombe peu à peu
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pauvres pour manifester et actualiser l’amour de Dieu pour chaque homme. Il n’est, théoriquement, pas ordonné pour remédier au manque de prêtres dans nos communautés. Beaucoup d’évêques misent sur les diacres, car ils sont quotidiennement au contact des hommes grâce à leur situation familiale et professionnelle. Ils peuvent ainsi témoigner en pleine vie du service que le peuple de Dieu doit rendre aux hommes. Il faut donc que les diacres puissent exercer leur ministère dans les secteurs clés de l’évolution du monde. Le diacre ordonné reçoit de l’évêque une mission en relation avec ses aptitudes personnelles ou son engagement professionnel. Dans la liturgie, le diacre est habilité à baptiser, bénir le mariage au nom de l’Église, célébrer les funérailles, présider un temps de prière dominicale en l’absence du prêtre, lire l’Évangile, distribuer la Communion et encore bien d’autres responsabilités. C’est donc un homme de service branché sur la vie quotidienne des hommes. Il est le reflet du visage du Christ dans les joies et les peines de tous ceux qu’il rencontre chaque jour… Il s’agit d’une vocation : soit par l’appel de l’évêque, soit par le désir personnel de répondre à un appel de Dieu. Les deux mouvements doivent se rencontrer pour qu’il y ait une ordination. Actuellement, dans l’Église catholique romaine, seul un homme (le plus souvent marié) de plus de trente-cinq ans, dont la situation familiale et professionnelle est stable, peut poser sa candidature. (Si le candidat est marié, l’accord de son épouse est obligatoire.) Son engagement de vie s’exprimera en trois « domaines ». Celui de la famille d’abord, tant dans le couple que dans la relation paternelle ; celui de la vie professionnelle qui, à travers ses exigences, met en relation directe avec les problèmes humains vécus au quotidien ; celui de l’exercice du ministère enfin, dans le respect des deux précédents et intimement intégré à ceux-ci…
en déclin dans l’Église occidentale et n’est plus considéré que comme une étape vers l’ordination sacerdotale. Le concile Vatican II affirme de manière claire la nécessité de rétablir le diaconat comme un degré spécifique et permanent de la hiérarchie de l’Église. Le pape Paul VI a mis en œuvre les documents décisifs de cette restauration.
52. À quoi servent les rites ? Pourquoi les sacrements ? « C’est en forgeant que l’on devient forgeron », dit le proverbe. La foi, en effet, n’est pas qu’une série de vérités à croire, que l’on apprendrait dans les livres. Elle est d’abord une attitude profonde de l’être, un regard posé sur le monde. Pour nous en faire prendre conscience et pour la manifester à l’extérieur, il y a notamment des « rites ». Un jour, un enfant qui voulait devenir prêtre rencontra le « grand vicaire », l’assistant de l’évêque, passant dans son village. Il lui exprima son désir. Le vicaire général voulut vérifier la foi du jeune homme et lui demanda ce qu’il en savait. L’enfant se contenta de faire lentement, bien solennellement, un signe de croix. Le prêtre fut convaincu. Dans ce simple geste, il avait dit l’essentiel de la foi. On pourrait, évidemment, dire la même chose à propos de tous les rites qui constituent l’Eucharistie. Il serait aisé de montrer comment tous ces gestes et toutes ces prières disent, mieux qu’un traité de théologie, ce qu’est être chrétien. Un rite est toujours fait d’éléments d’avance fixés, mais doit laisser place à la créativité, sinon il se sclérose. Les éléments invariants nous rattachent à la tradition. La créativité est notre manière personnelle et actuelle d’habiter le rite. Ainsi, on peut espérer que chaque année le sapin de Noël sera un peu différent, mais on ne pourra jamais le remplacer par un saule pleureur ! S’il y a un danger de tomber dans l’intellectualisme, il y en a un
53. Ne faudrait-il pas que le baptême soit un sacrement reçu à l’âge adulte ? « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés », dit la première lettre de saint Paul à Timothée (2, 4). Traduisez : il veut entretenir avec tous les humains un rapport de père à fils. Dans le baptême, nous acceptons cette offre. En ce sens, nous pouvons dire que
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autre : tomber dans le ritualisme (le geste pour lui-même). L’un et l’autre, coupés de l’amour fraternel et de l’attention à l’humanité en détresse, feraient de la religion un opium du peuple. Que l’on soit préoccupé des vérités dogmatiques ou particulièrement attentif à la liturgie ne peut jamais être une excuse pour oublier le seul commandement : l’amour. « C’est à cet amour que vous aurez les uns pour les autres que l’on vous reconnaîtra pour mes disciples » (Jean 13, 3 ). Un rite permet aussi aux personnes de l’extérieur de nous situer. Quand on voit quelqu’un aller à la messe, on sait qu’il est chrétien. Quand il se signe avant le repas, de même. Il y a eu une époque d’inflation des rites. Ne serions-nous pas parfois tombés dans l’excès inverse ? Les rites et autres signes qui nous identifient comme chrétiens doivent être discrets (pour ne pas s’imposer), mais suffisamment visibles pour ne pas réduire notre foi à une simple opinion privée que nous gardons pour nous. Quant aux sacrements, ils sont des dons de Dieu, des signes qui nous sont offerts pour baliser notre chemin vers lui. Ce sont des grâces, c’est-à-dire des cadeaux gratuits, un « supplément ». Quand on les a découverts, il serait bien triste de les refuser. On ne meurt pas d’avoir connu un anniversaire sans cadeaux, mais on n’a jamais vu quelqu’un qui refusait ceux qu’on lui offrait.
nous devenons enfants de Dieu, non pas que Dieu ait attendu ce moment pour nous « adopter » (selon l’expression de saint Paul), mais parce que, par ce geste, nous (ou nos parents) accueillons cette offre divine et rejoignons la communauté qui en vit. Il ne faut pas oublier que c’est en Jésus Christ que nous sommes vraiment enfants de Dieu, lui qui est le Fils unique, le premier-né d’une multitude de frères, comme dit le Nouveau Testament (Romains 8, ). Lors du baptême, nous sommes plongés dans sa mort et sa résurrection, nous sommes associés à son passage, à sa Pâque vers le Père. Aujourd’hui, bien souvent, le baptême ne correspond plus à une adhésion à l’Église, communauté des croyants. Il demeure une tradition familiale, une fête de la naissance, mais n’est plus ce rite de « re-naissance », tel qu’aux origines chrétiennes. Combien de jeunes, baptisés enfants, ne rejetteront-ils pas explicitement la foi, ou tout au moins la pratique ! Cela s’explique peut-être par le sentiment — inconscient, sans doute — d’avoir déjà tout reçu comme un « kit » de départ. À l’âge où l’on devient plus personnel, ils n’ont plus rien à acquérir. Ne faudrait-il donc pas en revenir à une initiation progressive et considérer l’enfance et l’adolescence comme un temps de cheminement ? La démarche serait ainsi inversée. Il ne s’agirait plus d’essayer de susciter ou d’entretenir la foi chez ceux qui ont reçu les sacrements, mais de donner les sacrements à ceux qui, au terme d’un sérieux cheminement de foi, peuvent dire qu’ils veulent poursuivre cette route en communion avec l’Église. Et ceux qui ne sont pas baptisés seront-ils sauvés ? Ils sont aussi enfants de Dieu, puisque Dieu est le Père de tous les hommes. Ce qui leur manque peut-être, c’est précisément la reconnaissance de cette filiation, mais pas nécessairement le « salut », mot religieux qui désigne l’accomplissement de l’homme dans toutes ses dimensions, y compris sa relation avec Dieu. « Dieu n’est pas prisonnier de ses sacrements. Leur nécessité s’impose à nous (quand nous le pou-
54. Qu’est-ce que la confirmation ? La confirmation est un des trois sacrements de « l’initiation chrétienne », c’est-à-dire de l’entrée dans la communauté des chrétiens : le baptême, la confirmation et l’eucharistie. La confirmation est l’accueil de l’Esprit Saint pour pouvoir participer pleinement à la mission de l’Église. Il y a vingt ou trente ans (et encore dans certaines paroisses aujourd’hui), ce sacrement apparaissait comme un appendice de la Communion solennelle. Aujourd’hui, dans notre société occidentale où la foi n’est plus une évidence, on a tendance à étaler « l’initiation chrétienne » pour la vivre plus à fond : le baptême dans les premiers mois si l’on naît dans une famille chrétienne qui désire donner une éducation religieuse ; la première communion (après la première confession) vers les huit
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Rappelons cette phrase de Vatican II : « En outre, l’action salvifique de Jésus Christ, avec et par son Esprit, s’étend à toute l’humanité, audelà des frontières visibles de l’Église. » Traitant du mystère pascal, où le Christ associe déjà maintenant le croyant à sa vie dans l’Esprit et lui donne l’espérance de la résurrection, le Concile affirme : « Et cela ne vaut pas seulement pour ceux qui croient au Christ, mais bien pour tous les hommes de bonne volonté, dans le cœur desquels, invisiblement, agit la grâce. En effet, puisque le Christ est mort pour tous et que la vocation dernière de l’homme est réellement unique, à savoir divine, nous devons tenir que l’Esprit Saint offre à tous, d’une façon que Dieu connaît, la possibilité d’être associé au mystère pascal » (Gaudium et Spes, ).
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vons), mais non à Lui, qui est le Tout-Puissant », écrit l’évêque de Namur, Monseigneur André-Mutien Léonard (La mort et son audelà, Presses de la Renaissance).
ans ; deux ans de préparation à la profession de foi (douze ans) ; et, parfois cinq ou six ans plus tard, la confirmation. Vers dix-sept ou dix-huit ans, le jeune commence à être capable d’un choix vraiment personnel et mûri. À douze ans, il faisait tout naturellement ce que ses parents lui disaient ; à quinze ou seize ans, âge des conflits, il n’ose pas encore s’affirmer en toute liberté et est fort influencés par ses copains (que ce soit pour choisir d’être confirmé ou pour y renoncer) ; à dix-sept ou dix-huit ans, il peut faire des choix vraiment personnels. Il fait son entrée, comme adulte, dans la communauté chrétienne. Il est désormais prêt à y prendre ses responsabilités. Voici ce que des jeunes de cet âge-là ont proclamé le soir de leur confirmation : « Le sacrement de confirmation représente pour nous un pas en avant dans notre cheminement personnel. En effet, c’est dans une totale liberté que nous décidons de franchir ce cap qui nous a été révélé par nos parents lors de notre baptême. C’est à la fois le signe d’un aboutissement, celui de l’enseignement que nous avons reçu, et un pas que nous franchissons, celui d’un désir de donner sens à notre vie et d’être nous-mêmes acteurs de ce que nous avons découvert. C’est surtout le signe d’un départ. Nous nous engageons dès à présent à être acteurs de l’Église, témoignant ainsi de notre foi. »
55. Le Christ est-il réellement présent dans l’eucharistie ou est-ce un symbole ? Pour parler de l’eucharistie, il faut toujours partir de la mort et de la résurrection du Christ. Il vient revivre ce passage avec nous. L’eucharistie en est le signe le plus fort. En sa pâque, il s’est totalement donné lui-même. Il ne s’agit évidemment pas d’une présence physique, mais symbolique, au sens fort du terme. Cette présence
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n’est donc pas matérielle, c’est-à-dire tombant sous les sens. En effet, les apparences demeurent. C’est bien du pain et du vin que nous voyons, que nous mangeons et buvons, mais c’est le corps et le sang du Christ que nous recevons. Un symbole fait plus que représenter, il rend présent, il participe à la réalité qu’il signifie. Quand Jésus dit : « Ceci est mon corps livré pour vous », c’est une manière de dire : « C’est tout moi-même. » Ce pain et ce vin sont le don qu’il fait de lui-même. J’essaye de l’accueillir comme le plus beau cadeau qui soit. Dans chaque cadeau, on se donne un peu soi-même. Mais l’amour du Christ étant total, sa présence dans le pain et le vin est également totale. L’adjectif « symbolique » tend à remplacer aujourd’hui — dans un autre registre théologique — le mot de transsubstantiation devenu incompréhensible. Un autre adjectif qualifie peut-être encore mieux cette présence : elle est de type « sacramentel ». Il ne faudrait pas oublier la dimension communautaire. Jésus se donne à chacun, mais nous le recevons tous ensemble. Il fait ainsi notre unité. Impossible de communier au Christ sans communier à tous ceux qui reçoivent ce don. En communiant au Christ, nous communions les uns aux autres et, dans la foi, nous devenons un seul corps. En conclusion donc, le Christ est présent dans l’eucharistie, au sens le plus fort du terme : une présence qui se donne, qui se fait présent. Il est aussi présent dans la communauté qui se rassemble et qui communie au don que Jésus fait de lui-même. L’eucharistie n’est donc pas un simple signe de la présence de Jésus dans nos cœurs. Elle est à la fois une dimension objective : Jésus se donne, et une dimension sociale : il nous rassemble. Jésus, en effet, n’est pas une idée, mais Quelqu’un. Lors de l’adoration de l’hostie exposée, c’est de tout cela que nous sommes invités à prendre conscience. C’est un moment de contemplation aimante. Mais il ne faut jamais oublier que l’eucharistie se situe dans une célébration
qui commémore une action : le dernier repas de Jésus au cours duquel il annonce sa Pâque.
56. On parlait du sacrifice de la messe. Qu’est-ce à dire ? Dans l’univers religieux, le mot sacrifice a toujours tenu une grande place. Il s’agit, par des rites — souvent sanglants, car le sang représente la vie —, de mettre l’homme en communion avec les dieux. Le mot sacrifice a donc pu servir pour traduire le sens de la vie de Jésus et le salut qu’il nous a offert. La lettre aux Hébreux, par exemple, a présenté la mort du Christ en croix comme le sacrifice par excellence, celui qui rend inutile tous les autres. Jusque là, les prêtres de l’Ancienne Alliance devaient offrir chaque année un sacrifice pour l’expiation des péchés. L’offrande de Jésus, son sacrifice, c’est son obéissance d’amour à la volonté du Père. L’Eucharistie commémore la mort et la résurrection du Christ. Elle nous permet de nous unir au sacrifice du Christ offert une fois pour toutes (Hébreux 7, ). Elle n’est donc pas un nouveau sacrifice, c’est-à-dire un nouveau don que le Christ ferait de luimême à Dieu et aux hommes, mais le même auquel nous nous rendons présents. Le soleil se lève chaque jour, dit-on. En fait, c’est nous qui nous nous levons chaque jour à l’heure où la terre présente à nouveau au soleil la face où nous dormions. Personne n’a jamais prétendu que chaque jour on remettait le feu au soleil ! C’est Jésus lui-même qui a choisi le pain et le vin : « Ceci est mon corps livré pour vous. Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang versé pour vous. Faites ceci en mémoire de moi » (voir Luc 22, ). L’Église obéit à cet ordre en célébrant la messe qui rend présent le sacrifice éternel et unique du Christ et nous permet de nous offrir en même temps que lui en disant au Père :
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« Voici, je viens » (Psaume 40, ; voir Hébreux 10, - ). « Je vous exhorte donc, frères, au nom de la miséricorde de Dieu, à vous offrir en sacrifice vivant, saint et agréable à Dieu : ce sera là votre culte spirituel » (Romains 12, ). La messe est donc un double sacrifice : celui du Christ fait une fois pour toutes et rendu présent (Hébreux 7, 3- ) et celui que le chrétien est invité à refaire chaque jour en lui (Romains 12, ).
La notion d’obligation telle que vécue jadis, a aussi porté des fruits, mais la mentalité a changé. L’obligation, dans le domaine de la religion, n’est plus un argument « payant ». C’est, au contraire, un reproche adressé à l’Église. Imaginez un prêtre qui dirait en « chaire de vérité » : Je vous oblige à venir à la messe tous les dimanches ! Un tel langage ne passe plus. On ne force pas tous les jours un enfant à manger. Il découvre très vite que c’est vital pour lui. Mais il s’agit d’un instinct et pas de liberté. Pour ce qui est de la Messe, le découvrir prend peut-être plus de temps. Il faut d’ailleurs reconnaître que l’obligation est un argument de bas étage. La motivation est de loin préférable. J’aime parfois dire : de nos jours, la messe n’est plus obligatoire, elle est devenue vitale ! Vitale pour qui ? Pour le chrétien individuel et pour l’Église. Pour le chrétien. Notre société ne respire plus la tradition chrétienne. Pour beaucoup, le rassemblement du dimanche devient le seul lieu où est transmise la foi. Il est donc vital, si je veux rester un croyant et croître dans ma foi, de rejoindre la communauté chrétienne. Le rythme hebdomadaire me semble heureux. Beaucoup peuvent le vérifier dans leur vie : quand les liens avec la communauté se sont relâchés, leur foi s’est étiolée.
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57. L’obligation dominicale dépassée ?
Pour l’Église. La foi chrétienne est communautaire. Elle n’est pas une petite conviction privée, à usage domestique. Dès le début, les chrétiens se sont rassemblés « le premier jour de la semaine ». Ainsi sont nées ces communautés dont on disait : « Voyez comme ils s’aiment. » Si nous voulons que l’Église continue à vivre dans nos pays, le rassemblement du dimanche est vital. On pourrait ajouter que le rassemblement dominical fait la joie du Dieu qui est Père. Dieu attend ce rassemblement pour nous nourrir de sa parole et du pain de vie. Pour un chrétien qui a intériorisé sa foi, l’eucharistie est un bien précieux, le signe privilégié de l’amour de Dieu pour nous et l’offrande de nous-mêmes à Dieu.
58. Le péché n’est-il pas une notion inutilement culpabilisante ? S’il y a bien un mot qui ne passe plus aujourd’hui — sinon avec un sourire —, c’est celui de péché. Sans doute en a-t-on abusé. Plus que jamais, on parle de déculpabilisation, accusant le judéo-christianisme d’être responsable du sentiment de culpabilité. L’homme de la fin du xxe siècle semble avoir retrouvé l’innocence. Le paradoxe est que ce siècle a été le plus meurtrier de l’histoire. Mais personne ne plaide coupable. Le mal règne partout autour de nous — les médias le rappellent chaque jour —, mais chacun s’en réfère à une morale « légère » avec laquelle on peut s’arranger facilement et qui laisse indemne de toute culpabilité, du moins le croit-on. Puisque mal il y a — pas moyen de le nier — et que je ne le trouve pas en moi, il faut que je le situe à l’extérieur. C’est donc l’autre qui est coupable. Actuellement, pour exorciser les maux de la société, on multiplie les procès et l’on ne cesse d’accuser le passé. Nous serions enfin arrivés au faîte de l’histoire et l’on pourrait convoquer au tri-
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bunal de notre jugement les époques passées, voire les autres civilisations, sans oublier les religions. L’homme serait-il si innocent ? Cette culpabilité est un donné constant de notre humanité. Dans toutes les civilisations et les littératures, on retrouve des récits de faute originelle. Ainsi les hindous parlent-ils de karma : nous payons implacablement les fautes de nos existences passées. Une des originalités du récit biblique, c’est que la chute d’Adam et Ève est aussitôt assortie d’une promesse de « salut » (voir question 42). Oui, il y a du mal en l’homme, mais Dieu s’est juré d’en venir à bout. Le péché, en régime chrétien, est finalement une bonne nouvelle : le mal que tu fais est pardonnable et pardonné ! Le chrétien en effet croit non au péché, mais à la rémission des péchés, ainsi qu’il est dit dans le Credo. Bonne nouvelle, vraiment ! « Je ne savais pas que j’étais tant aimé », s’exclame le pécheur pardonné. Le péché — cette adoration qui se trompe d’objet, selon le mot de Marguerite Yourcenar — était devenu une infraction à un règlement, à une liste d’obligations. Or, il est de l’ordre de la relation : se couper de Dieu et des autres, ceci entraînant cela et réciproquement. Se reconnaître pécheur, c’est d’abord prendre conscience de la « désorientation » profonde de notre vie : nous sommes tournés vers nous-mêmes et non vers les autres. « J’ai eu un grand amour, fait dire Camus à Clamence dans la Chute, et ce grand amour, c’est moi-même ! » Certains actes viennent alors comme matérialiser notre péché, ce « désordre » de notre vie, cette déconstruction de nous-mêmes. Devant qui donc vais-je me reconnaître pécheur ? Devant Dieu, bien sûr. « Contre toi et toi seul, j’ai péché », dit le Psaume . Ma conscience, elle, serait mauvais juge ou bourreau impitoyable et l’humanité est prisonnière des mêmes maux que moi. Face à la croix du Christ, nous découvrons que le « juge » devant lequel nous plaidons coupables est aussi notre victime et qu’il pardonne, car il n’est qu’amour. Le péché devient alors une occasion — oh ! para-
doxe — de se rapprocher de Dieu, comme lorsqu’on fait un nœud dans une corde coupée : les extrémités sont alors plus proches. Le fils prodigue ne s’était jamais senti si bien dans les bras de son père que lorsqu’il revint après des mois d’errance et de galère (voir Luc 15, -3 ).
59. Faut-il encore se confesser ? Mais qu’est-il est donc arrivé au péché pour qu’on ne puisse plus utiliser ce mot sans une certaine gêne ? Une certaine pratique routinière de la confession n’y est sans doute pas pour rien. N’a-t-on pas trop centré, consciemment ou non, toute la « pastorale du péché » sur la peur de la punition plutôt que sur l’appel à la conversion, confondant deux mots latins : poenitentia (« punition ») et paenitentia (« conversion ») ? Le premier réflexe de celui qui a commis une faute est de se trouver des excuses, à ses propres yeux et aux yeux des autres. Mais ce n’est pas à ce petit jeu-là qu’on se libère. Se reconnaître pécheur est un acte d’humilité, a-t-on parfois insisté. Certes. Mais surtout de liberté et de responsabilité. Plaider coupable, c’est reconnaître que si le monde n’est pas tel que je le voudrais, j’y ai ma part de responsabilité. Le mal ne s’impose pas à moi. Il est du registre de la liberté. Le but n’est pas d’avouer pour se mettre en règle, mais pour se remettre en route, pour ré-ordonner notre vie, la ré-orienter. Il s’agit de passer du « je n’aurais pas dû… » au « je suis appelé à… » Le chrétien est habité par la certitude que Dieu est plus grand que sa faute et que son pardon aura toujours le dernier mot. Encore faut-il que cette expérience intérieure soit confirmée de l’extérieur. C’est ici qu’intervient le sacrement. « Seul, tu ne sauras jamais vraiment si c’est la grâce de Dieu qui t’a touché ou ton émotion, si tu
Rappelons cependant que cette démarche n’est obligatoire, selon la tradition catholique, qu’en cas de péché grave (voir question suivante), c’est-à-dire lorsqu’il y a matière grave, plein consentement et intention d’agir contre Dieu, ce qui est plutôt rare, estime le moine thérapeute Anselm Grün. La plupart des péchés et des fautes que nous confessons n’appellent pas d’absolution, mais plutôt « un travail de purification déterminé », ajoute-t-il. La possibilité nous est cependant offerte de « faire dans la confession l’expérience de l’affection et du pardon de Dieu ». Après une vie de désordre, Philippe, connu maintenant sous le nom de Tim Guénard, fit la connaissance d’un prêtre. Des liens étroits se tissèrent entre eux. Dans cette ren-
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t’es pardonné toi-même ou si c’est Lui qui t’a pardonné », a pu écrire l’évêque italien Bruno Forte. Et tout commence par l’écoute. J’étais prisonnier de mon colloque intérieur avec moi-même, remuant mes excuses et ma peur d’être coupable, et voici quelqu’un qui m’écoute, sans me juger. La confession n’est pas un rite magique qui effacerait des taches. Elle est une relation avec quelqu’un. Le péché isole, de Dieu et des autres. Une confession bien vécue me remet en relation et avec Dieu et avec les autres. Je ne suis plus seul à porter ma faute. « Si les sentiments de culpabilité nous dépriment, écrit le chanoine Guelluy, l’aveu est presque toujours à l’origine des grands progrès humains. » « Quiconque est dans l’impossibilité de parler de sa faute sera intérieurement rongé en permanence par la peur que quelqu’un puisse la découvrir, explique le moine allemand Anselm Grün. Parler de sa faute le libère de cette angoisse » (Se pardonner à soi-même, DDB, p. ). La faute nous enferme en nous-mêmes. Nous ressassons sans cesse le mal dont nous nous sommes rendus coupables. Le sacrement de réconciliation nous permet de sortir de ce colloque solitaire avec nous-mêmes. La grâce du pardon divin passe donc par la vérité de cette relation sacramentelle. Dieu, en effet, veut nous faire signe par nos semblables. Pourquoi s’en priver ?
contre humaine, il découvrit un Dieu que, jusque-là, il ne connaissait pas : « Puisque, m’a-t-il confié, un homme m’avait ainsi pardonné, je me suis dit que Dieu aussi m’avait pardonné. »
60. Y a-t-il encore des péchés mortels ? Le péché n’est pas une question de catalogue, mais une affaire personnelle entre Dieu et moi. Seul le croyant parle de péché. À un niveau purement humain, il est question de mal ou de faute. Le mal est ce qui détruit ; la faute est ma part de responsabilité dans le mal. En employant le mot péché, le croyant reconnaît que, lorsqu’il fait librement le mal, il fait souffrir Dieu. L’alliance avec lui est abîmée. Sera donc péché grave ce qui compromet sérieusement l’alliance entre Dieu et le croyant. Pour évaluer la gravité d’un péché, il y a trois éléments dont il faut tenir compte. Objectivement, il faut que le fait soit lui-même grave : tuer, voler une somme importante, commettre une grave injustice sociale, tromper son conjoint, abuser d’un enfant, renier sa foi, se parjurer… Mais encore faut-il, deuxième élément, que ce soit librement et sans circonstances atténuantes. Enfin, troisième élément, il faut que je le fasse en toute connaissance de cause. Si j’ignore qu’il y a là un mal objectif, je ne puis commettre un péché. Notez que parfois notre ignorance peut être pécheresse, parce que nous ne faisons rien pour former notre conscience. C’est la conscience qui, en dernier ressort, détermine la gravité du péché. En morale chrétienne, le dernier mot est toujours à la conscience et non à la loi, même si je ne puis ignorer ce point de repère. Pécher gravement, c’est donc poser volontairement un acte important que je sais être mauvais et qui me coupera des autres — ou me mettra dans une relation perverse avec eux — et de Dieu. Le
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Dans les lettres du cardinal Danneels, par exemple, on ne rencontre plus cette expression de péché mortel. Les chrétiens ont volontiers parlé dans ce registre-là. Je pense qu’à la longue, cela n’a pas été bénéfique. Je crains que ce langage n’ait donné l’image d’un Dieu comptable et justicier, ce qui a éloigné les gens de la religion chrétienne. Parfois aussi, cela a engendré des angoissés et des scrupuleux. Il est cependant trop facile de critiquer le passé. Ne nous attardons donc pas. Veillons quand même à ne pas abuser de ce langage daté d’une certaine période de la vie de l’Église.
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61. Quel est le sens du mariage à l’Église ? L’amour entre un homme et une femme est, dans la foi, un signe et une expression de l’alliance que Dieu a conclue avec l’humanité. Cette relation entre, d’une part, l’amour du Christ pour l’Église et, d’autre part, l’amour d’un homme pour son épouse, se trouve chez saint Paul, dans l’Épître aux Éphésiens (5, 3 ). N’est-ce pas cela un sacrement ? Des gestes bien humains prennent, en référence à Jésus Christ, un sens plus profond.
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péché est un mauvais choix à la suite d’une illusion : la tentation me fait croire que ce qui est mal (c’est-à-dire ce qui détruit l’homme) est un bien, au moins pour moi. Ainsi Adam et Ève crurent-ils que le fruit défendu leur apporterait le bonheur. Nous ne sommes cependant pas toujours en face d’un bien évident et d’un mal absolu. Les situations que nous rencontrons sont souvent dans les teintes du gris. La conscience, qui accepte de se laisser éclairer, doit alors choisir ce qui est le moins gris, ce qui est plus proche du blanc. L’homme pécheur, quant à lui, n’aura comme unique point de repère que son avantage personnel ou, plus exactement, égoïste, égocentrique.
Quand un homme et une femme « se marient à l’église », ils acceptent, en s’engageant devant Dieu, d’offrir leur couple à la communauté chrétienne comme parabole de la fidélité de Dieu luimême. Et c’est désormais en tant que couple qu’ils participeront à la construction de l’Église, le Corps du Christ. À l’origine, semble-t-il, l’Église se contentait de reconnaître l’existence de ce nouveau couple. Le mariage avait été, au préalable, réglé entre les familles. L’évêque ou le prêtre, à l’eucharistie du dimanche qui suivait les noces familiales, félicitait les jeunes époux, prononçait une parole à leur égard. Ensuite, il les admettait à la Sainte Table. L’accession à l’eucharistie était donc le rite essentiel. L’échange des consentements se faisait hors de l’église. La communauté chrétienne ne se substituait pas à la société, mais reconnaissait ce qui se vivait au sein de celle-ci. L’auteur anonyme de l’épître à Diognète (iie siècle) ne disait-il pas : « Les chrétiens se marient comme tout le monde » ? Le sacrement de mariage donne donc un sens supplémentaire à une institution sociale et humaine très riche qui, bien sûr, préexistait au christianisme. C’est ce qu’on pourrait appeler le mouvement d’incarnation : à l’image du Fils de Dieu qui s’est fait homme et a assumé notre humanité, l’Église a assumé concrètement la réalité de la vie des hommes pour l’investir d’une signification de foi. Notons quand même, comme l’a fait remarquer l’historien René Rémond, de l’Académie française, que les sociétés chrétiennes ont été les premières, et longtemps les seules, à faire du mariage un contrat fondé sur l’accord de deux volontés libres (Le nouvel anti-christianisme, Desclée de Brouwer, p. 4 ). Ce n’est que peu à peu que l’Église va trouver ses rites propres. Ainsi, du côté de Milan et de Rome, apparut le rite du voile, avec différentes variantes ; en Orient, celui des couronnes. Parfois, c’est devant l’église que se célébrait le mariage chrétien ou bien il consistait en une bénédiction des époux dans la chambre nuptiale. Certains rites concer-
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naient l’anneau. Voici un autre exemple, particulièrement intéressant : un rituel de mariage du diocèse de Sens (France) prévoyait que le prêtre tienne ensemble les deux mains droites des époux tandis qu’après lui, ils répétaient les paroles de l’engagement. Le prêtre n’était pas seulement témoin, mais, au nom de l’Église, partie prenante. C’est en effet dans un même mouvement que les époux se lient l’un à l’autre et à l’Église.
L’Église continue à proclamer sa foi en la fidélité conjugale, à l’heure où les divorces sont de plus en plus fréquents. L’accélération de la procédure juridique explique en partie les chiffres du divorce. Mais il y a aussi la suridéalisation de l’amour. On vit aujourd’hui du mythe de l’amour idyllique. Or, il n’existe pas d’amour idéal, conforme à nos rêves d’adolescents. Il n’existe pas non plus de couple parfait. Il y a des couples heureux, c’est-à-dire qui ont fait le deuil d’une perfection imaginaire. Aimer, c’est vouloir ton bonheur à toi et je sais qu’il me rendra heureux. Cela supposera, bien sûr, certains renoncements. La fidélité sera toujours une valeur qui mérite d’être encouragée. Son absence est source de trop de souffrances. Il ne faudrait cependant pas oublier la miséricorde. L’Église catholique officielle semble ne pas accepter qu’un mariage puisse être irrémédiablement cassé. Faut-il alors rester rivé au passé ou remettre celui-ci à la miséricorde de Dieu et se tourner vers l’avenir ? Quand un homme et une femme, après divorce, fondent un nouveau couple, deux solutions religieuses sont en effet possibles : soit, comme chez les orthodoxes, admettre qu’à partir d’un certain moment, il n’y a plus moyen de faire marche arrière et accorder
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62. Quel accueil pour les divorcés remariés ?
l’absolution, le pardon (sans pour autant que le second mariage soit pleinement sacramentel) ; ou bien, estimer que cette situation reste irrémédiablement contraire à l’Évangile et donc considérer les divorcés remariés comme pécheurs « impénitents ». La hiérarchie catholique, jusqu’ici, a pris la seconde position et n’accueille ni à la réconciliation sacramentelle ni à la communion eucharistique les personnes divorcées qui se seraient remariées. Certes, ceux qui sont passés par le divorce et se remarient n’ont pu vivre totalement la fidélité (même si la part de responsabilité varie). Mais cela veut-il dire pour autant que, désormais, il n’y aura plus de fidélité possible dans leur vie ? Tout amour, fût-il imparfait, a quelque chose de divin. Il y a donc dans cet engagement nouveau, même s’il a été rendu possible par une infidélité précédente, quelque chose qui peut être béni par Dieu. Dieu ne souhaite pas l’échec de ce nouvel amour. Au contraire. Dans tout amour vrai, en effet, Dieu peut être rencontré. Par la bénédiction que, en accord avec leur évêque, certains prêtres acceptent de donner à l’occasion d’un « remariage », l’Église manifeste qu’elle n’est pas indifférente à la peine et aux espérances de ceux qui ont suivi un chemin tortueux et qu’elle fait sienne l’espérance de Dieu. Ne devrait-elle pas aussi, après discernement de chacune des situations, accueillir à la communion ceux qui le demandent ? L’Eucharistie n’est pas d’abord une récompense. Elle est un pain pour notre route souvent difficile, marquée par le péché, mais aussi par la grâce. Sur le terrain, de plus en plus de croyants ne tiennent plus compte de ces règles. Il y a une distorsion entre ce qui est prescrit et la pratique. L’Église ne devrait-elle pas pouvoir reconnaître que, parfois, il n’y a plus moyen de vivre ensemble et qu’il fallait donc se séparer ? Ne peut-elle comprendre qu’« il n’est pas bon que l’homme soit seul » et que ce nouvel amour peut être porteur de valeurs positives, même si le passé ne peut jamais être gommé comme n’ayant pas
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Pour le sacrement des malades, jadis appelé « extrême onction », on peut lire dans l’évangile de Marc que les disciples chassaient beaucoup de démons, faisaient des onctions d’huile aux malades et les guérissaient. Saint Jacques écrira aux premières communautés chrétiennes : « Quelqu’un parmi vous est-il malade, qu’il appelle les anciens de l’Église et que ceux-ci prient sur lui en l’oignant d’huile au nom du Seigneur. La prière de la foi sauvera le malade ; le Seigneur le relèvera et, s’il a commis des péchés, ils lui seront remis. Confessez donc vos péchés les uns aux autres et priez les uns pour les autres, afin d’être guéris » (5, 4- 6). Il s’agit d’abord d’une démarche de foi : le Christ me rejoint au cœur même de la maladie. Celle-ci n’est pas, comme dans certaines religions, une impureté, le signe d’un châtiment divin. Remarquez enfin que l’effet de ce sacrement est bien le pardon des péchés. Le fidèle peut toutefois, s’il le désire, demander préalablement le sacrement de réconciliation. L’onction des malades a une dimension communautaire, comme tout sacrement. Il ne s’agit pas d’un acte magique, mais d’un geste privilégié de la communauté — et du Christ — pour ceux et celles qui traversent un moment difficile du point de vue de la santé du corps (celle de l’âme étant le fait du sacrement de réconciliation). Il y a des maladies que l’on pourrait appeler ordinaires, mais d’autres marquent une étape dans la vie. Il faudra mener un
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63. Que sont devenus les derniers sacrements ?
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existé ? Les humains ont toujours de la peine à honorer simultanément plusieurs valeurs ensemble. Dans l’Église catholique, l’insistance sur la fidélité prend le pas sur la miséricorde. Ne peut-on souhaiter que la miséricorde soit davantage mise en avant ?
combat intense et, sans doute, se retrouvera-t-on bien différent après avoir franchi le cap. Certaines aussi risquent d’inaugurer la dernière étape. Dans ces deux cas, le sacrement des malades vient manifester que Dieu est avec moi dans cette passe difficile et que la communauté, loin de m’abandonner, m’entoure de sa présence priante et fraternelle. Il s’agit de proposer au croyant de vivre cette épreuve comme une étape spirituelle, une rencontre avec Dieu, et de les assurer du soutien de la communauté. Rappelons que le « dernier sacrement » est, quand cela est possible, la communion donnée en viatique. Il s’agit de mourir en communiant déjà à la résurrection du Christ. « Je suis la résurrection et la Vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra » (Jean 11, ). En 3, à la suite d’une évolution peu heureuse, le sacrement appelé « huile des malades » ou « huile sanctifiée » prit le nom de « extrême onction ». Il fut alors associé à la confession et à l’Eucharistie reçue en viatique (c’est-à-dire comme Nourriture sainte pour la dernière étape). Cet ensemble était appelé « les derniers sacrements ». Depuis le concile Vatican II, l’onction des malades est conférée aux personnes marquées par la maladie ou par le vieillissement afin de vivre cette expérience de manière chrétienne. N’arrivant plus à la dernière minute, elle peut donc être célébrée de manière communautaire. On peut la recevoir plusieurs fois.
64. Où en sont le culte marial et le culte des saints ? Le culte marial tient une « place très noble » (Paul VI) dans l’ensemble du culte chrétien. Il y a sans doute un risque de pratiques purement extérieures et de sentimentalisme stérile, mais on peut y voir aussi l’expression d’une foi profonde et une manière, par la méditation du rosaire, par exemple, de rejoindre l’Évangile.
« Marie doit toujours être présentée comme une créature de Dieu, rappelle Bernard Sesboüé, comme notre sœur en humanité, comme la fille d’Israël, la femme juive qui a vécu de la foi et de l’espérance de son peuple, comme celle qui a assumé, avec tous ses risques, la maternité d’un fils. Marie est aussi le grand exemple de la foi dans le Nouveau Testament, comme Abraham l’était dans l’Ancien. Enfin, nous ne devons jamais oublier que Marie a été servante (Luc 1, 3 ) avant d’être reine. Comme son Fils, elle a volontairement choisi l’abaissement lié à sa mission et c’est bien pourquoi toutes les générations la proclament bienheureuse » (Marie. Ce que dit la foi, Bayard, p. - 3).
Quant aux saints, si vous les interrogiez, ils vous répondraient : « Il n’y a qu’un nom par lequel nous avons été sauvés : Jésus Christ ! » Nous ne croyons pas que les saints peuvent nous sauver, mais qu’ils sont des sauvés. Les saints nous montrent ce que peut devenir l’homme quand il se laisse faire par Jésus Christ. Ils sont
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La phrase évangélique la plus suggestive est sans doute celle que Jésus adresse au disciple bien aimé : « Voici ta mère. » Et il est dit qu’à partir de ce jour-là, le disciple la prit chez lui. Marie est la mère de Jésus ; on peut comprendre que le disciple bien aimé ait eu de l’affection pour cette femme. Toute la dévotion mariale (qui est affection et non pas adoration) me semble prendre sa source ici. Et chacun exprime son affection selon sa culture, sa sensibilité, son éducation. Une autre phrase résume le rôle de Marie aux yeux des chrétiens. Au serviteur des Noces de Cana, elle dit : « Faites tout ce qu’il vous dira » (Jean 2, ). Marie est donc invitation à vivre l’Évangile, « sans glose », comme disait saint François. Notons enfin que les catholiques, quand ils ont bien compris le culte marial, ne prient pas Marie. Ce verbe est en effet réservé à Dieu. Ils la « saluent » et lui demandent de prier avec eux. Marie est en effet notre mère, elle est « de notre côté » face au mystère de Dieu, et elle nous donne la main pour l’approcher de plus près, elle pour qui « le Seigneur a fait des merveilles » (Luc 1, 4 ).
de notre race, mais ont déjà abordé au rivage divin. Ils restent cependant nos compagnons d’humanité et nous offrent des modèles. Lire leur vie — qui est à l’Évangile ce qu’une musique chantée est à une musique notée, disait saint François de Sales —, les invoquer, c’est faire un bout de chemin avec eux.
65. Marie apparaît-elle encore aux humains ? Les apparitions — hormis celle du Ressuscité, dans la quarantaine de jours après Pâques — n’ont jamais été un article de foi pour les catholiques. Elles sont de l’ordre non du « dogme », mais du signe. Nous en avons tous besoin, dans notre vie, pour nous inviter à aimer, à croire, à espérer… Mais un événement qui fait signe pour quelqu’un ne le fait peut-être pas pour un autre. Les apparitions, par exemple, ont aidé les uns et pas les autres. Un signe est toujours personnel. Certains faits peuvent cependant être illusoires. C’est là que les pasteurs de l’Église ont à être vigilants et à rendre aux croyants le service du « discernement ». Il ne faut pas pour autant pécher par excès de rationalisme. Non que Dieu puisse nier les règles de notre raison, mais parce qu’il va beaucoup plus loin et, ainsi, surprend les sécurités que nous nous étions données. Ce que Dieu ne peut cependant pas faire, c’est se contredire. Tel est le discernement que font les pasteurs de l’Église : le message est-il cohérent avec l’ensemble de la Révélation ou non ? S’il y a contradiction, ce ne peut donc être un signe divin. Ajoutons deux autres critères : le voyant est-il crédible ? Quels sont les fruits de cette révélation (critère qui ne suffit pas à lui seul) ? La déclaration d’authenticité est donc le fruit d’une convergence d’indices. Le rôle de l’Église n’est évidemment pas de sans cesse mettre en
Les écrivains chrétiens ont très tôt souligné l’importance de Marie dans l’histoire de Jésus. Sans son oui, rien n’aurait pu se faire. En 43 , le concile d’Éphèse l’a proclamée Mère de Dieu : Marie a vraiment mis Dieu au monde. (C’était encore une manière de dire que Jésus est vrai Dieu et vrai homme.) Très vite on a tiré la conclusion qu’elle n’avait pas connu la souillure du péché (Immaculée Conception). Comme tout humain, cependant, elle a eu besoin d’être « rachetée », même si, selon la foi catholique, son « rachat » a pris la forme d’une préservation et non d’une purification du péché (Bernard Sesboüé). Marie est la première bénéficiaire de la croix du Christ, la première sauvée et non pas celle qui n’a pas eu besoin d’être sauvée. Ce qui est initial en elle est une promesse pour nous : un jour, nous serons désolidarisés du mal qui mine notre monde. « Ce n’est pas Marie qui a la chance de ne pas être comme nous, mais nous qui avons le malheur de ne pas être comme elle » (Roger Guyaut). C’est en 4 que Pie IX proclama le dogme de l’Immaculée Conception. On ignore ce qu’a pu être la vie de Marie après la Pentecôte. Une tradition plausible mais invérifiable la situe à Éphèse, dans la Turquie actuelle, avec Jean. On y vénère les restes de la maison où elle serait morte. À partir du ve siècle, en Palestine, et du vie siècle, à Antioche, on célèbre la fête de la Dormition de la Vierge. En Occident, on célébrera la même réalité sous le mot d’Assomption, qui
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66. Qu’entend-on par l’Immaculée Conception ? Marie est-elle montée au ciel avec son corps ?
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garde. Elle sait aussi encourager. La reconnaissance des apparitions de Lourdes, Fatima, Pontmain, La Salette, Banneux, Beauraing… est de cet ordre.
signifie qu’elle a été entièrement « assumée » par Dieu, élevée par lui dans la gloire du Ciel. Là où se trouve le Christ, là se trouve Marie. Mais on pourrait ajouter : là où se trouve Marie, nous nous trouverons un jour. Le er novembre , le pape Pie XII a confirmé cette foi en l’Assomption de la Vierge Marie. Ce dogme n’avait donc rien de nouveau, mais, solennellement, Pie XII le présentait comme partie intégrante de la foi des catholiques. (Une fois de plus, il ne faut pas voir cela de manière physique et matérielle. Voir question 40.) Il semble que la date du août ait été choisie en Orient par un empereur pour commémorer l’inauguration d’une église dédiée à la Vierge montée au Ciel. Le août fut longtemps le jour de la fête nationale en France et Louis XIII, consacrant la France à Notre Dame, demanda qu’on fît ce jour-là, dans chaque paroisse, une procession en l’honneur de la Vierge Marie. En , un accord anglican-catholique a été signé à propos de l’Assomption : « Étant donné la compréhension à laquelle nous sommes parvenus sur la place de Marie dans le mystère de l’espérance et de la grâce, nous pouvons affirmer ensemble que l’enseignement disant que Dieu a pris la bienheureuse Vierge Marie, dans la plénitude de sa personne, dans la gloire, est en consonance avec l’Écriture. »
Rappelons d’abord qu’il y a deux commandements du Décalogue qui touchent à la « morale sexuelle » : « Tu ne commettras pas l’adultère ; tu ne convoiteras pas la femme de ton voisin » (Exode 20, 4. ). Le Livre de la foi des évêques de Belgique les a reformulés ainsi : « Tu ne commettras pas d’adultère ; tu aimeras fidèlement. Que ton désir d’aimer soit entièrement pur. » C’est indéniable : on ne parle plus guère aujourd’hui des sixième et neuvième commandements. Il faut reconnaître que, voici quelques décennies, on a exagérément centré la morale chrétienne et évangélique sur les questions de sexualité avec, parfois, un soupçon jeté sur le plaisir. La révolution sexuelle est passée par là. Par ailleurs, la sensibilité chrétienne a évolué. En attendant, l’insistance sur la « chose » a parfois engendré des scrupuleux et des traumatisés. La société et les médias nous le rappellent bien : ils réduisent souvent la position de l’Église aux questions de morale sexuelle. Beaucoup de croyants, cependant, ont repris conscience de l’importance de toutes les questions de justice sociale qui occupent autant de place dans la Bible, sinon plus. Dans le domaine de la « morale sexuelle », nous sommes peutêtre passés dans un excès inverse : on n’ose plus, avec les héritiers de la révolution sexuelle, aborder les questions d’affectivité (et pas seu-
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67. Où en est la morale sexuelle ?
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6. Morale
lement de sexualité). Ils sont les otages d’une société où tout est « hyper » et « méga ». Jean-Claude Guillebaud a parlé de la tyrannie du plaisir. Peut-être cette génération joue-t-elle trop facilement avec les sentiments et a-t-elle banalisé la sexualité. Les jeunes ne comprennent pas suffisamment que les relations amoureuses ont la fragilité de leur beauté et qu’il faut donc y aller prudemment, sans forcer le rythme du temps. Les adultes, quant à eux, craignent d’apparaître ringards. Échaudés par les excès d’hier, ils sont trop souvent silencieux. Or, leur expérience pourrait parfois être précieuse. Le résultat en est la crise de beaucoup de couples aujourd’hui (même si ce n’est pas la seule explication). Il faudrait donc trouver une manière neuve — non culpabilisante et qui donne du souffle — pour parler de ces questions. Les jeunes ont besoin d’entendre des adultes qui croient à la beauté de l’amour et qui partagent cet idéal. En effet, s’il n’y a pas d’amours idéales, il y a un idéal de l’amour.
68. L’Église est-elle contre les homosexuels ? La Bible ne parle pas beaucoup de l’homosexualité. Toutefois, les passages où elle l’évoque sont sévères. Ainsi en est-il de la condamnation des habitants de Sodome qui ont cherché à abuser de deux envoyés de Dieu (Genèse 19). Le Lévitique dénonce l’homosexualité comme une « abomination » (Lv 18, ; 20, 3) et la punit de mort. N’oublions cependant pas que le contexte culturel était tout autre et que ces textes ne nous permettent pas de répondre aux questions posées aujourd’hui. Il ne faudrait donc pas s’appuyer sur eux pour justifier une homophobie. De plus, la science a reconnu que cette orientation sexuelle était rarement libre et qu’elle est le fait d’une part relativement importante de la société (huit à dix pour cent).
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Un homosexuel peut être bien meilleur et bien plus proche de Dieu qu’un hétérosexuel. La religion n’est pas une question d’équilibre psychologique, mais de foi et d’amour. L’attitude de l’Église consistera donc toujours à tenir ensemble l’accueil de l’homosexuel et le refus d’ériger l’homosexualité en forme alternative et équivalente de la sexualité. On parle aujourd’hui de couples homosexuels qui pourraient adopter un enfant. La non-fécondité charnelle serait compensée par une fécondité légale. Or, les homosexuels ont de la peine à se situer vis-à-vis de la différence sexuelle — et ce pour des motifs encore mal expliqués. Quelle éducation et, partant, quel équilibre psychologique, pourront-ils donner à l’enfant qui ne peut se constituer comme personne que dans la reconnaissance de la différence entre son père et sa mère ? C’est en effet un des acquis majeurs de la psychologie moderne. La paternité n’est pas d’abord un droit, mais une responsabilité : je donne la vie à un enfant et je mets toutes les chances de son côté pour qu’il réussisse cette existence et qu’elle ne lui apparaisse jamais comme un fardeau imposé, mais comme un cadeau. L’évolution de la question homosexuelle n’est-elle pas une illustration de l’évolution de la mentalité sexuelle ? La sexualité est de plus en plus vue comme un mode de relation intense, mais ne signifiant plus un don absolu et si possible définitif de soi. Les partenaires peuvent être multiples. La procréation n’y est plus nécessairement associée. Or, dans la vision chrétienne, trois dimensions demeurent intimement enlacées : l’expression de l’amour, le plaisir et la fécondité. La fidélité y est essentielle : ce qui a été donné à une personne ne peut être repris, ce qui est scellé dans la chair l’est définitivement. « L’homme quitte son père et sa mère et s’attache à sa femme, et ils deviennent une seule chair » (Genèse 2, 4). En conclusion, si l’hétérosexualité est tenue en haute estime dans la vision chrétienne, c’est parce qu’elle est un chemin vers l’autre,
différent de moi — heteros signifie « autre » ; homoios, « semblable » — et qu’ainsi nous nous ouvrons au Tout Autre.
69. Y a-t-il encore des règles alimentaires pour les chrétiens ? Dans certains pays, l’abstinence du vendredi (ne pas consommer de viande) est toujours de règle ; partout dans l’Église, le mercredi des Cendres et le Vendredi saint sont jours de jeûne (se contenter d’un seul repas complet et réduire substantiellement les autres). Mais il n’est plus question, dans la tradition de l’Église, de s’abstenir du sang et de la viande non saignée, comme il était écrit dans les Actes des Apôtres (15, ). Jésus nous a tout simplement laissé deux commandements : l’amour de Dieu et l’amour du prochain. Alors pourquoi, dans les Actes des Apôtres, cette règle ? Tout simplement pour permettre la convivialité entre les Juifs devenus chrétiens (les « judéo-chrétiens ») et les païens devenus chrétiens (les « pagano-chrétiens »). C’est donc une question d’amour au sein de la communauté. Pour que ces deux groupes de chrétiens puissent partager la même table — ce qui était essentiel pour les premières communautés chrétiennes —, il était donc bon de demander aux païens de respecter cette tradition des Juifs. Sinon ces derniers n’auraient pas accepté de repas commun. C’est Jésus qui avait indiqué la voie à son Église en prenant position contre un certain nombre d’interdits. Au début du chapitre , saint Marc rapporte une discussion sur les traditions des pharisiens (versets - 3). Jésus y déclare : « Ce qui sort de l’homme, voilà ce qui souille l’homme » (verset ). Et saint Marc commente : « Ainsi il déclarait purs tous les aliments » (verset ). Quant au jeûne, c’est un geste vieux comme l’homme et ses religions. Nous sommes recentrés sur l’essentiel : l’homme ne vit pas
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70. L’Église est-elle vraiment contre l’euthanasie et l’avortement ? Un chrétien ne pourra jamais accepter l’avortement, mais il est bon de rappeler que nous ne sommes plus dans une société chrétienne. Ce n’est donc pas l’Église qui dicte la loi. Celle-ci est le résultat d’un débat démocratique. On peut cependant estimer que la loi, en ne défendant pas les plus faibles, c’est-à-dire les enfants à naître, se contredit elle-même. Elle manque aussi à son rôle pédagogique qui est d’indiquer aux citoyens ce qui est bien et ce qui est mal, quitte à ne pas le condamner quand des circonstances atténuantes peuvent, non pas justifier, mais expliquer un acte délictueux. Comment réagir alors ? Tout d’abord en vivant nous-mêmes ce que nous voulons promouvoir. Ce n’est pas seulement en refusant
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seulement de pain. Lorsque nous nous abstenons de nourriture, nous ressentons un vide et aspirons à le combler. Ce manque volontaire peut symboliser notre attente de Dieu qui, seul, rencontre la profondeur du désir humain. L’absence de repas vient briser le rythme de notre journée et nous invite à emboîter le pas de danse de notre Dieu pour nous mettre à son rythme. Ces dernières années, la pratique du jeûne complet, notamment en communauté, retrouve vigueur. « Dans le jeûne, écrit le moine allemand Anselm Grün, nous renonçons à la satiété, nous nous tournons avec amour vers notre aspiration profonde. Et celle-ci nous conduit à dépasser ce monde. Elle s’adresse, en fait, à Dieu qui, seul, peut apaiser notre faim » (Invitation à la sérénité du cœur, Albin Michel, p. 44- 4 ). Le jeûne est aussi une manière de communier avec ceux et celles qui n’ont pas le nécessaire vital et de ressentir dans sa propre chair la faim qui tenaille notre humanité.
l’avortement, mais aussi en trouvant un autre style de vie, ce que le pape Jean-Paul II appelait la civilisation de l’amour, que nous résoudrons le problème. La pratique banalisée de l’avortement fait en effet partie d’une culture qui se donne une hiérarchie de valeurs certes contestable. Si les chrétiens souhaitent que l’Évangile imprègne davantage la société, ne faut-il pas qu’ils soient davantage partie prenante du débat politique ? En démocratie, chacun peut faire entendre sa voix. Voici des extraits d’une lettre ouverte d’une équipe de foyers chrétiens : « Le message de l’Église doit également être un message de pardon et de réconciliation. Il ne doit être ni une condamnation d’une loi votée démocratiquement ni, surtout, une condamnation des personnes confrontées au drame de l’avortement. Nous pensons à la parole de Jésus : “Va et désormais ne pèche plus.” Jésus est venu “sauver celui qui était perdu”. Quelle que soit la faute, l’Amour de Dieu est plus grand. Sans transiger sur les principes, le message de l’Église doit être accueillant aux personnes en détresse qui ne savent plus à qui s’adresser pour prendre en charge leur désarroi. Surtout ne leur fermons pas la porte de l’Église. Ne les “renvoyons pas les mains vides”. » À propos de l’euthanasie, il est peut-être bon de préciser le vocabulaire. Étymologiquement parlant, euthanasie signifie « bonne mort ». On ne peut que la souhaiter. Mais dans les débats actuels, ce mot prend différentes significations qui prêtent à confusion. S’agit-il, par des analgésiques, de soulager les dernières souffrances ? C’est alors un devoir de la médecine. Même si, parfois, la dose finit par écourter la vie. Cette thérapie s’appelle actuellement « soins palliatifs » et exclut l’acharnement thérapeutique. Rien n’oblige en effet moralement une société ou une famille à mettre en route des soins disproportionnés et sans espoir suffisant de guérison. Vient un moment où il est raisonnable d’arrêter. Mais de là à vouloir donner la mort à un moment précis et pour cela administrer une dose
71. L’impôt est-il dû en conscience ? Toute société humaine se structure dans l’inégalité. Il y a déjà une inégalité de départ due aux différences d’intelligence, d’inventivité, de santé et aussi de milieu social. Bref, on ne part pas tous de la même ligne. Mais la liberté intervient également et peut influencer, en positif ou en négatif, la trajectoire de chacun. Tous, en effet, ne s’investissent pas de la même façon dans l’effort de la course. L’inégalité n’est donc pas uniquement une fatalité. La richesse est aussi le fruit du travail, de l’investissement personnel, de la façon dont on se situe par rapport au risque (que l’on se rappelle la parabole des talents — Matthieu 25, 4-3 ). Ces inégalités, qui créent une dynamique économique positive, ont tendance à s’accentuer jusqu’à l’intolérable. Les Misérables de Victor Hugo l’ont si bien illustré. Or, l’Évangile nous a appris à ne pas pouvoir supporter que quelqu’un ait faim, ou soif, qu’il soit nu… sans venir à son aide. Bien sûr, on peut le faire de manière individuelle et parfois, dans l’urgence, il le faut. Mais nous sommes à présent dans un État de droit dont le rôle est précisément de tem-
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délibérément mortelle, soit sur demande du malade, soit à l’initiative de l’entourage ou du corps médical… Il s’agit alors d’un suicide assisté ou d’une action volontaire de tuer, avec préméditation. Seule la mort délibérément provoquée va à l’encontre du respect absolu de la vie et est éthiquement inacceptable. Accompagner nos frères et sœurs en humanité jusqu’au seuil de la mort, dans le respect de leur mystère et de leur dignité inaliénable, n’est-ce pas, comme le disent les évêques français dans une déclaration déjà ancienne ( ), « une des formes les plus hautes de la fraternité humaine » ?
pérer les inégalités sociales pour qu’elles ne deviennent pas inhumaines. Telle est la fonction de l’impôt. Le but, comme il est dit dans la description de la communauté chrétienne faite par les Actes des Apôtres (4, 34), est que personne ne soit dans le besoin. Nous ne pouvons pas tolérer, dirait Jésus, qu’un pauvre meure sur les marches du palais tandis que nous faisons bombance (Luc 16, 3 ). L’impôt a pour but de créer une solidarité sans pour autant supprimer la dynamique sociale générée par une certaine inégalité. Peut-on en conscience s’y soustraire, même si, comme toute réalité humaine, il ne fonctionne pas toujours parfaitement ? Déjà, l’Ancien Testament avait réfléchi à ces questions-là et avait mis des mécanismes en place. Ce sont toutes les « lois sociales » du Lévitique et du Deutéronome, notamment, celle de l’année sabbatique et de l’année jubilaire. Il y avait une obligation de libérer le frère du droit que l’on avait sur lui et de renvoyer les esclaves libres. « Qu’il n’y ait donc pas de pauvres chez toi » (Deutéronome 15, 4). En effet, les bénéfices s’accumulent, mais aussi les dettes. Il s’agit, à un certain moment, de ramener les choses à notre condition native : une égalité foncière entre tous les êtres humains. Sinon, la vie n’est plus que fatalité, les pauvres devenant plus pauvres et les riches plus riches. Il faut pouvoir permettre aux ascenseurs sociaux de fonctionner à nouveau. Le communisme a voulu créer l’égalité sans respecter la dynamique de l’inégalité. Il a engendré ainsi une pauvreté collective et a conduit les gens à se trouver des systèmes parallèles d’inégalité. Au passage, il avait supprimé la liberté. Bref, il ne restait pas grand-chose.
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Bien sûr, il y a encore des règles dans l’Église. Mais ces règles ne sont pas des instruments pour juger la conduite des autres. Elles sont là pour éclairer la nôtre. Jésus reprochait aux pharisiens de tellement bien respecter les lois qu’ils en arrivaient à étouffer la voix de leur conscience qui parlait de miséricorde. « Ce n’est pas les sacrifices que je veux, mais la miséricorde » (Matthieu 12, ). Mais pourquoi y a-t-il parfois une différence entre la voix de la conscience et les règles de la morale ? Dieu se contredirait-il quand il suggère à l’Église des règles et quand il parle à la conscience ? Il n’y a bien sûr pas contradiction objective. Mais notre vie est souvent moins simple qu’il n’y paraît. Bien souvent, l’agir moral ne consiste pas à choisir entre le bien et le mal mais, dans une situation compliquée, de choisir le moindre mal. C’est ici qu’intervient la conscience. Depuis vingt siècles, l’Église réfléchit et propose aux croyants des règles, non pas pour contraindre leur conscience, mais pour l’éclairer de l’expérience des autres et de la sagesse de l’Évangile médité en communauté au souffle de l’Esprit. Il peut arriver cependant que la conscience mûrement réfléchie soit en opposition avec ces lois, morales ou civiles. Il faut alors choisir la conscience. Sophocle, dans Antigone, l’a fait clairement comprendre : il y a des lois mises en nous par les dieux. Le Concile le dit aussi explicitement : « Au fond de sa conscience, l’homme découvre la présence d’une loi qu’il ne s’est pas donnée lui-même, mais à laquelle il est tenu d’obéir. La conscience est le sanctuaire où l’homme est seul avec Dieu » (Gaudium et Spes, 6). La loi de Dieu ne passe pas après la conscience, elle passe par la conscience. Il faut cependant être prudent et ne pas trop vite affirmer que notre conscience voit clair et que les lois se trompent. N’oublions pas, en effet, que cette conscience peut être manipulée par la publicité,
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72. Faut-il suivre sa conscience ou les règles de l’Église ?
l’opinion publique, l’air du temps si changeant, le groupe… Il y a aussi, inscrit à l’intérieur même de la conscience, l’exigence de continuer à la former, à l’affiner, c’est-à-dire à se disposer à toujours mieux entendre la loi que Dieu y a inscrite, mais qui a été obscurcie par notre péché et celui du monde. Pourtant, une flamme vive demeure au plus profond de chacun. août
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Annexe
L’essentiel chrétien Nous sommes entrés dans la modernité. Et certains parlent même déjà de postmodernité. L’on pourrait caractériser cette modernité par le rejet de l’argument d’autorité. Autrement dit, l’individu devient adulte et veut vérifier par lui-même ce qu’on lui dit. Ce n’est plus le groupe, mais la personne humaine qui est au centre de la société. Les sociologues parleront d’individuation avec, bien sûr, le risque d’individualisme. La société et la culture sont maintenant devenues autonomes par rapport à la religion. C’est la sécularisation, dans le sens positif du terme. Ce mot, en effet, ne signifie pas d’abord disparition de la religion, mais son déplacement. Elle n’est plus ce qui structure l’ensemble de la société et impose un sens. Elle suppose désormais un choix personnel. Mais elle est de plus en plus reléguée dans la sphère privée, cantonnée à elle. Ici, le risque sera l’indifférence religieuse et la perte de toute pertinence sociale pour la foi. C’est la sécularisation au sens négatif. Individuation et sécularisation sont donc les deux caractéristiques de cette modernité. La personne et la société deviennent adultes. C’est bien sûr positif. Mais près d’un trésor, il y a toujours des dragons…
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Feu la chrétienté La chrétienté est cette longue période de l’histoire européenne où sociétés civile et religieuse tendaient à se confondre. Ce temps est bien fini. Déjà en , le penseur Emmanuel Mounier la déclarait défunte. « Le christianisme est devenu dorénavant culturellement évitable », constate Michel Molitor. Le religieux n’est plus englobant — ni pour les individus ni pour les institutions — comme il le fut jadis chez nous dans sa version chrétienne. La distance est en effet très grande, aujourd’hui, entre la culture héritée du christianisme et celle de la modernité. La matrice chrétienne de notre société semble se défaire rapidement, observe la sociologue des religions Danièle Hervieu-Léger. • L’Église avait mis en place une prédication qui nous rendait attentifs à tous les manques de l’existence et parlait d’un au-delà où ceuxci seraient comblés. Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, nous connaissons une période où la plupart des citoyens de nos pays n’ont plus à se poser la question de ce qu’ils mangeront demain. Consommation et surconsommation sont entrées dans les mœurs. L’inquiétude pour la moisson n’est plus notre souci quotidien. On ne s’étonnera pas dès lors d’assister à la disqualification de la croyance en l’au-delà au profit de la valorisation de l’ici et maintenant. • La nature apparaissait comme le grand livre dans lequel on pouvait lire la volonté de Dieu, puisqu’il en était le créateur. Aujourd’hui, la nature est ce que l’homme domine, transforme, utilise. Et des comités d’éthique sont mis en place afin de trouver, par le consensus et le débat démocratique, des règles de gestion sans trop de dommages humains. L’homme n’est plus devant la nature comme devant un grand livre ouvert, mais au-dessus d’elle, comme un manager. • Depuis la Révolution française, la société essaye d’éliminer toute hiérarchie pour faire de nos groupes humains des « républiques d’égaux ». Même la famille est concernée : les parents sont souvent
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tentés d’être davantage copains qu’éducateurs. L’Église, elle, est encore une société fortement hiérarchisée et dont le fonctionnement est peu démocratique. Le sens de l’obéissance y est encore demandé, car l’argument d’autorité y reste souvent utilisé. Par ces trois exemples, on voit la distance infinie qu’il y a entre deux mentalités, deux cultures. Et, dans ce contexte, la crise que traverse le christianisme dans nos régions apparaît davantage être une crise de la foi elle-même, qu’une crise de l’institution. Si l’on est croyant, on peut s’accommoder des limites humaines et les déficiences de l’institution. Mais quand la culture rend la foi difficile, les crises institutionnelles sont des pierres d’achoppement dont on se passerait volontiers.
L’animal européen On a dit que l’homme est un animal religieux. Les premiers restes humains sont en effet associés à des traces de religion. Est-ce encore vrai de l’Européen ? Ce n’est en tous les cas plus si évident. L’Européen est avant tout scientifique et humaniste, la religion étant devenue à option (même si les croyances foisonnent et que certains rites profanes, comme le football par exemple, fonctionnent de manière quasi religieuse). Restent, bien sûr, les grandes valeurs qui plongent leurs racines dans l’héritage judéo-chrétien, mais elles ne sont plus rattachées à une divinité. Jadis, donner sa vie pour Dieu et au nom de Dieu donnait sens à l’existence. Aujourd’hui, si certains sont encore prêts à donner leur vie pour l’homme, il n’y a plus guère de transcendance divine qui y appelle et couronne ce don. La question est alors radicale : le christianisme peut-il se dire dans la modernité ? Il faut ici distinguer la foi de son expression religieuse. Ainsi, le christianisme s’est dit par exemple dans la brillante culture religieuse du Moyen Âge comme dans celle du Baroque. Mais ceci est
maintenant du passé. Notre présent, c’est la modernité. La foi, le chemin de Jésus Christ pourront-ils s’exprimer dans ce contexte nouveau ? La réponse est, selon moi, affirmative, parce que le christianisme n’est pas d’abord une religion, mais une voie comme disaient les premiers chrétiens, c’est-à-dire un chemin pour réussir notre humanité. Et qui oserait dire que la tâche est achevée ?
Trois convictions font l’identité chrétienne À force d’avoir baigné, pendant des siècles, dans le christianisme, on ne sait plus très bien ce qu’il dit. Soit on est de ceux qui y adhèrent, et l’on manie une quantité de formules un peu hermétiques. Soit on est de ceux qui le combattent, et l’on se contente de caricatures. De plus — et on l’a bien vu lors du débat à propos du préambule de la Constitution européenne —, qui sait encore d’où viennent toutes ces valeurs qui font notre quotidien ? De la raison grecque, du droit romain, de la tradition judéo-chrétienne, de la présence de l’Islam, du siècle des Lumières ? Quelle que soit la position de chacun, force est de constater que le christianisme fait entendre une note singulière dans le concert des religions. Tentons de redire les grandes intuitions de la voie biblique renouvelée par Jésus de Nazareth. . L’être humain est un projet à réussir dans une communion fraternelle avec les autres humains. La notion de liberté est donc au cœur du christianisme. L’homme n’est ni le jouet des dieux ni une résultante des forces aveugles de la nature. Il est un être qui peut prendre son avenir en main et forger sa propre identité. Mais il ne peut s’humaniser qu’en lien avec d’autres libertés, car il est essentiellement communautaire. Il s’agit, au fil de nos choix quotidiens, en relation avec ceux qui croisent notre chemin, de sculpter notre propre visage à nul autre pareil. C’est la liberté qui fait de chacun de nous un être unique
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et imprévisible. L’homme s’arrache donc progressivement à la nature (à ce qu’il y a en lui du règne animal) pour s’humaniser. « Le maillon manquant entre le singe et l’homme, c’est nous » (Konrad Lorenz). . Jésus, une existence réussie. La foi chrétienne commence lorsqu’on estime que Jésus a choisi le bon chemin, et même le seul, pour réussir son humanisation : l’amour radical et total qui, pour lui, a pris la forme d’une croix. « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime » (Jean 15, 3) : telle est la vérité qui résume sa vie. C’est ici que se situe la bonne nouvelle de Pâques : le chemin de l’amour n’a rien à craindre de la mort, car Jésus est ressuscité. Rien de notre amour n’est perdu. Le mot « résurrection » — passé dans notre vocabulaire le plus ordinaire — risque d’apparaître mythologique. Il est pourtant un de ceux par lesquels les apôtres ont traduit leur étonnante expérience. Ils s’étaient lancés à corps perdu dans le compagnonnage avec ce petit prophète galiléen, croyant qu’il avait une parole révolutionnaire, celle que tout le monde attendait. Et ils ont bien dû constater qu’il avait lamentablement échoué : il a été crucifié par les Romains, entre deux malfaiteurs, sur dénonciation de leurs propres autorités religieuses. Le Vendredi saint mettait fin à leurs rêves et à leur amitié avec Jésus. Désespérance. Non-sens. Petit à petit, pourtant, ils comprennent qu’il n’y a plus de quoi pleurer. Une expérience forte qui leur permet de découvrir, au plus profond d’eux-mêmes, que le chemin suivi par Jésus est le seul vrai et que la mort n’a pas cassé les liens qu’ils avaient tissés avec lui. Tout cela nous est relaté dans les évangiles par les récits du tombeau vide et des apparitions (qui disent dans notre langage humain, une expérience que les mots ne peuvent qu’approcher). Après la débandade du Vendredi saint, les disciples se rassemblent donc à nouveau. Des communautés fraternelles naîtront dans tout le bassin méditerranéen pour mettre en application ce message laissé
par le Ressuscité : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. » L’aventure chrétienne est née d’un échec apparent : la mort du prophète de Nazareth. « Le christianisme est né du renom d’un crucifié » (Yves Burdelot, Devenir humain, Cerf). Aux yeux de ceux qu’on appelle désormais chrétiens, Jésus apparaît comme le Vivant, celui qui, par le réalisme et la force de son amour, a définitivement vaincu la mort. Et tous ceux qui suivent sa voie participent à sa victoire. Jésus est donc « la promesse que nous réussirons à devenir complètement hommes » (Anselm Grün). Son aventure se termine en effet en Dieu où il nous donne rendez-vous. Lui, le Fils de Dieu, est venu parmi nous pour que nous puissions participer à sa vie divine. 3. Et le secret de la vie de Jésus ? Une relation intense et libre avec un Dieu personnel 3. Ce Dieu, il l’appelait « mon Père » — les évangiles nous ont même rapporté le mot araméen qu’utilisait Jésus dans sa prière : Abba ! — et il nous a invités à faire de même en nous apprenant à dire tous ensemble : « Notre Père ». Ce Père lui parlait avec les accents d’une Mère, comme le dit Éric-Emmanuel Schmitt, dans l’Évangile selon Pilate. Jésus a mis sa confiance en lui et nous invite à en faire autant. Si, en effet, les lys des champs sont si magnifiquement habillés et si les oiseaux du ciel trouvent chaque jour leur nourriture, pourquoi avoir peur ? Ne sommes-nous pas les fils et filles de Dieu ? Le Dieu de Jésus Christ n’est pas légaliste, tatillon, faisant le compte de nos réussites et de nos échecs, mais il est le père de l’enfant prodigue, guettant au bout du chemin le retour du fils qui s’en est allé au loin. Et s’il est Père, nous sommes tous frères et sœurs. La « voie chrétienne » pourrait se résumer ainsi : une fraternité humaine sans
3. Dieu est dit personnel non pas parce qu’il est physique, mais parce qu’il est capable d’entrer dans une relation de personne à personne avec nous.
frontière au nom de l’amour sans limite de Dieu. L’unique commandement que Jésus nous ait laissé est en effet : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » (Jean 13, 4). Ce comme est tout autant une invitation à l’imitation et un « puisque ». L’amour fraternel ne fait aucune exception, pas même celle des ennemis, et il va jusqu’au pardon, ce don toujours renouvelé par-delà les fautes des autres et les déceptions qu’ils nous apportent. Cet amour n’est pas démarche sentimentale, mais engagement de vérité et de justice.
Un christianisme plus dépouillé Dans un monde spontanément religieux, Jésus a fait entendre son Évangile. L’Église en a fait une religion (car l’homme a besoin de religion comme il a besoin d’art et de fêtes). Le défi est aujourd’hui de redire l’originalité chrétienne dans un paysage nouveau. Car l’homme reste un projet à réussir et le rêve d’un monde nouveau et meilleur continue à hanter les cœurs. Pour le chrétien, Jésus en trace le chemin. Son Évangile est un précieux levier d’humanisation. Aux chrétiens non seulement de le dire, mais d’en vivre. Oui, la « chrétienté » est morte. Mais pas le christianisme, du moins si nous lui prêtons notre vie. Il ne fait que commencer, a pu écrire le théologien orthodoxe Olivier Clément (La Croix, 6 janvier ). Les Églises viennent en effet seulement d’être libérées de la collusion avec le pouvoir civil. Un christianisme pauvre va pouvoir apparaître, libre et capable de porter un témoignage plus dépouillé de l’Évangile. L’heure est sans doute à la radicalité plus grande, sans sectarisme, et dans la joie. C.D.
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OrdredeslivresdanslaBible (traduction de la TOB)
Le Pentateuque La Genèse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Gn L’exode . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ex Le Lévitique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Lv Les nombres . . . . . . . . . . . . . . . . . nb Le Deutéronome. . . . . . . . . . . . . . . Dt Les Livres ProPhétiques
Les Prophètes premiers Le livre de Josué . . . . . . . . . . . . . . . Jos Le livre des Juges . . . . . . . . . . . . . . . Jg Premier livre de samuel . . . . . . . . 1 s Deuxième livre de samuel . . . . . . 2 s Premier livre des rois . . . . . . . . . . 1 r Deuxième livre des rois . . . . . . . . 2 r
Les Prophètes derniers isaïe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . es Jérémie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Jr
ézéchiel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ez osée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . os Joël . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Jl amos . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . am abdias . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ab Jonas . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Jon Michée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Mi nahum. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . na habaquq . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ha sophonie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . so aggée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ag Zacharie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Za Malachie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Ml Les « autres écrits » Les Psaumes. . . . . . . . . . . . . . . . . . . Ps Le livre de Job . . . . . . . . . . . . . . . . . Jb Les Proverbes. . . . . . . . . . . . . . . . . . Pr Le livre de ruth . . . . . . . . . . . . . . . . rt Le cantique des cantiques . . . . . . ct qohélet (ou l’ecclésiaste) . . . . . . . qo Les Lamentations . . . . . . . . . . . . . Lm
3
Le livre d’esther . . . . . . . . . . . . . . . est Daniel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Dn Le livre d’esdras . . . . . . . . . . . . . . esd Le livre de néhémie. . . . . . . . . . . . ne Premier livre des chroniques . . 1 ch Deuxième livre des chroniques 2 ch
Les Livres deutérocanoniques (ou apocryphes) Le livre d’esther (grec) . . . . . . . est gr Le livre de Judith . . . . . . . . . . . . . . Jdt Le livre de tobit . . . . . . . . . . . . . . . tb Premier livre des Maccabées. . . . 1 M Deuxième livre des Maccabées. . 2 M Le livre de la sagesse. . . . . . . . . . . . sg Le livre du siracide . . . . . . . . . . . . . si Le livre de Baruch. . . . . . . . . . . . . . Ba La lettre de Jérémie. . . . . . . . . . . Lt-Jr
Première aux corinthiens . . . . . . 1 co Deuxième aux corinthiens . . . . 2 co aux Galates . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Ga aux éphésiens. . . . . . . . . . . . . . . . . . ep aux Philippiens . . . . . . . . . . . . . . . . Ph aux colossiens . . . . . . . . . . . . . . . . col Première aux essaloniciens . . . 1 Deuxième aux essaloniciens . . 2 Première à timothée. . . . . . . . . . 1 tm Deuxième à timothée. . . . . . . . . 2 tm À tite. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . tt À Philémon . . . . . . . . . . . . . . . . . . Phm épître aux hébreux . . . . . . . . . . . . . he épître de saint Jacques . . . . . . . . . . . Jc Première épître de saint Pierre . . . 1 P Deuxième épître de saint Pierre . . 2 P Première épître de saint Jean . . . . 1 Jn Deuxième épître de saint Jean . . . 2 Jn troisième épître de saint Jean . . . 3 Jn épître de saint Jude. . . . . . . . . . . . Jude
Le nouveau testaMent L’apocalypse. . . . . . . . . . . . . . . . . . . ap L’évangile selon saint Matthieu . . Mt L’évangile selon saint Marc. . . . . . Mc L’évangile selon saint Luc . . . . . . . . Lc L’évangile selon saint Jean. . . . . . . . Jn Les actes des apôtres . . . . . . . . . . . ac
Les Épîtres de saint Paul aux romains. . . . . . . . . . . . . . . . . . rm
***
Index
(les numéros renvoient aux pages)
A Abba 20, 60, 128 absolu 49 Adam et Ève 27, 32, 33, 34, 36, 99,
103 Adam 59 adoration 95, 99, 109 alliance 31 Alliance 36, 96, 102, 103 âme 23, 58, 73, 85, 107 Ancien Testament 29, 30, 46, 52, 120, 135 ange 26 anges 61 anglicans 81, 112 animal 125, 127 Apocalypse 62 apocalypses 42 apocryphes 42, 56
apostolique 77, 78, 83, 84 apôtres 42, 47, 53, 57, 58, 71, 78, 83, 84, 127 araméen 34, 128 Ascension 61 Assomption 85, 111, 112 athée 12 au-delà 63, 64, 69, 71, 80, 124 avortement 117, 118, 138
B Babylone 36 Banneux 111 baptême 19, 33, 48, 82, 86, 87, 91, 92, 93, 94 baptisé 8, 67, 80, 92 baptiser 89
33
béatitude 67, 74 Beauraing 111 bénédiction 104, 106 bénir 89 Bethléem 49, 50 Bible 13, 19, 25, 26, 27, 29, 30, 31, 33, 36, 45, 46, 62, 64, 113, 114 Big Bang 31 bonheur 31, 32, 44, 45, 64, 66, 68, 74, 80, 103, 105 bouddhisme 74 bouddhistes 79
C calvinistes 81 Noces de Cana 109 canon 43 canonique 42 catéchèse 86 catéchisme 13
Catéchisme 59, 83, 86 catholique 8, 48, 59, 77, 78, 79, 80, 81, 83, 85, 86, 89, 101, 105, 106, 107, 109, 110, 111, 112 Ceausescu 36 célébrer 86, 88, 89, 111 célibat 53, 54, 87, 88 célibataire 53, 88 Cendres 116 chair 48, 58, 71, 72, 74, 115, 117 Chalcédoine 60 charismatique 35 charismes 88 charité 82 charnel 48, 115 Christ 9, 14, 22, 23, 27, 28, 29, 34, 37, 38, 39, 41, 42, 43, 44, 45, 47, 48, 49, 59, 60, 61, 62, 66, 67, 75, 77, 78, 79, 81, 82, 85, 86, 87, 88, 89, 92, 93, 94, 95, 96, 97, 99, 103, 104, 107, 108, 109, 111, 112, 126, 128 clergé 88
communauté 27, 44, 45, 46, 51, 52, 78, 86, 87, 88, 89, 92, 93, 94, 95, 97, 98, 104, 107, 108, 116, 117, 120, 121, 127 communier 95, 117 communion 16, 18, 69, 70, 80, 82, 83, 84, 86, 92, 93, 95, 96, 106, 108, 126 Communion solennelle 93 communisme 120 compassion 51 concile 36, 74, 82, 84, 85, 90, 108, 111 confession 93, 100, 101, 108 confirmation 86, 87, 93, 94 conscience 12, 15, 48, 52, 90, 95, 99, 102, 103, 113, 119, 120, 121, 122 consécration 55 continence 49 conversion 22, 44, 100 converti 21, 77 Coran 25, 26
34
corps 20, 51, 55, 56, 57, 58, 70, 71, 72, 73, 74, 82, 85, 95, 96, 107, 111 création 19, 25, 31, 32, 33, 37 Credo 16, 17, 19, 20, 59, 77, 99 croire 9, 11, 14, 29, 32, 46, 48, 56, 57, 63, 64, 67, 72, 78, 82, 90, 103, 110
D Décalogue 113 défunt 68, 69, 124 démon 36, 37, 38, 51, 64, 107 Dernière Cène 53 désir 15, 89, 94, 113, 117 deuil 21 diable 36, 37, 38, 59 diaconat 89, 90 diacre 83, 87, 88, 89 Didachè 83 divorcé 105, 106 dogme 28, 29, 33, 78, 80, 85, 110, 111, 112 dominical 89, 97, 98 Dormition 111
drogue 63
E Écriture 28, 46, 47, 59, 62, 67, 81, 85, 86, 87, 112 Église 20, 28, 36, 37, 38, 39, 42, 43, 48, 53, 59, 62, 74, 77, 78, 79, 80, 81, 82, 83, 84, 85, 86, 87, 88, 89, 90, 92, 93, 94, 96, 97, 98, 103, 104, 105, 106, 107, 110, 113, 114, 115, 116, 117, 118, 121, 124, 125, 129 enfer 66, 84 enfers 59 Éphèse (concile) 85, 111 espérer 69, 90, 110 Esprit Saint 14, 16, 18, 19, 20, 25, 48, 82, 93 (voir aussi Saint-Esprit)
Esséniens 53 eucharistie 62, 86, 90, 93, 94, 95, 96, 98, 104, 106, 108 euthanasie 117, 118
Évangile 9, 22, 30, 41, 43, 44, 49, 50, 54, 60, 78, 79, 82, 83, 89, 106, 108, 109, 110, 118, 119, 121, 129 (voir aussi Nouveau Testament)
évêque 38, 39, 60, 81, 83, 84, 85, 86, 87, 88, 89, 90, 93, 101, 104, 106, 113, 119 exégète 9, 33, 44 Exode 35 exorcisme 38
F Fatima 111 femme 9, 31, 33, 37, 49, 53, 58, 103, 104, 105, 109, 113, 115 Filioque 80 Fils 14, 15, 16, 18, 19, 20, 23, 48, 49, 55, 60, 61, 65, 66, 80, 92, 104, 109, 128 Flavius Josèphe 41, 50 fondamentaliste 27, 50, 81 frère 56, 66, 120 frères 38, 48, 67, 92, 97, 119, 128
3
funérailles 69, 89
G Galilée 45, 47 Gaudium et Spes 93, 121 gloire 17, 47, 62, 86, 112 Gnose 43 guérison 51, 52, 118
H Hébreux 34 Hérode 50 hétérosexuel 115 hindou 99 Hitler 36 homme 7, 9, 13, 14, 15, 16, 22, 23, 26, 28, 31, 32, 33, 34, 36, 37, 47, 48, 49, 53, 55, 58, 60, 61, 62, 66, 68, 71, 72, 74, 75, 78, 80, 83, 86, 87, 88, 89, 90, 91, 92, 93, 96, 98, 99, 102, 103, 104, 105, 106, 109, 111, 115, 116, 121, 124, 125, 126, 127, 128, 129 homophobie 114
homosexualité 114, 115 homosexuel 115 homosexuels 114
I icône 20, 59 Immaculée Conception 111 incarnation 19, 23, 28, 104 incroyants 46 infaillibilité 84, 85 infaillible 84, 85 infidélité 106 islam 17, 25, 26, 126
J Jean Baptiste 18 Jean-Paul II 82, 83, 118 Jérusalem 45, 47, 55, 57, 62 jeûne 116, 117 judaïsme 46, 61 jugement 66, 85, 99, 137 Jugement dernier 65 juif 25, 26, 41, 45, 47, 50, 52, 53, 116 juive 41, 53, 109
K karma 73, 99
L La Salette 111 Latran (concile) 36 liberté 16, 17, 26, 31, 32, 34, 37, 39, 53, 59, 66, 67, 71, 74, 94, 97, 100, 119, 120, 126, 135 libre 17, 27, 37, 42, 46, 71, 82, 104, 114, 120, 128, 129 limbes 67 liturgie 89, 91 loi, lois, Loi 7, 22, 23, 52, 73, 85, 102, 117, 118, 120, 121, 122 Lourdes 111 Lumen Gentium 85
M mages 50 Mahomet 25 mal 32, 33, 34, 36, 37, 55, 59, 65, 66, 67, 78, 98, 99, 100, 101, 102, 103, 111, 117, 121
36
malade 70, 107, 108, 119 malheur 36, 38, 111 mariage 53, 87, 89, 103, 104, 105, 106 Marie 48, 49, 50, 56, 85, 86, 109, 110, 111, 112 (voir aussi Vierge)
médias 98, 113 messe 55, 91, 96, 97 messianique 53 Messie 46 ministère 38, 81, 86, 89 miracle 9, 37, 51, 52, 53 mission 38, 44, 47, 89, 93, 109 Moïse 30, 35, 36 morale 18, 98, 102, 113, 121 mort 28, 47, 49, 51, 54, 55, 56, 57, 58, 59, 60, 62, 63, 64, 65, 68, 69, 72, 73, 81, 92, 93, 94, 96, 114, 118, 119, 127, 128 mortel 71, 102, 103, 119 musulman 25
mythe 26, 27, 33, 34, 105
N Nativité 49 Nazareth 22, 26, 41, 43, 45, 52, 56, 60, 126, 128 Nouveau Testament 16, 29, 46, 47, 49, 56, 59, 77, 86, 92, 109 (voir aussi Évangile)
O Occident 81, 111 onction 107, 108 ordination 87, 89, 90 Orient 30, 72, 81, 104, 112 orthodoxe 80, 87, 88, 105, 129
P païen 50, 116 panthéisme 13 pape 38, 81, 82, 83, 84, 85, 90, 112, 118 Pâques 23, 58, 59, 110, 127
parabole 26, 33, 47, 49, 66, 104, 119 paradis 34, 64, 74, 80 pardon 23, 33, 60, 67, 68, 69, 73, 99, 100, 101, 102, 106, 107, 118, 129 paroisse 86, 93, 112 Parousie 61 pascal 56, 60, 93 Passion 50, 55 pasteur 80, 83, 88, 110 Patriarches 59 Paul VI 90, 108 pauvre 88, 89, 120, 129 péché 8, 29, 33, 34, 60, 67, 86, 87, 96, 98, 99, 100, 101, 102, 103, 106, 107, 111, 122 pécheur 34, 65, 67, 74, 78, 99, 100, 103, 106 Pentecôte 19, 111 pentecôtiste 81 pharisien 47, 116, 121 Pilate 56 politique 8, 56, 81, 82, 118 Pontmain 111
3
prêtre 7, 9, 38, 55, 81, 86, 87, 88, 89, 90, 96, 97, 101, 104, 105, 106 prier 68, 109 prière 20, 22, 29, 38, 39, 68, 69, 89, 90, 107, 128 procréation 115 prodigue 65, 66, 100, 128 prophète 22, 23, 48, 52, 60, 65, 127, 128 prophètes 19, 30, 47, 50, 53 prophétie 46 protestants 48, 78, 79, 80, 81, 85, 87, 88 protévangile 42 publicain 74 purgatoire 67, 68, 73, 80
R réconciliation 101, 106, 107, 118 rédemption 59 Rédemption 28, 59 Réforme 81 réincarnation 58, 72, 73
religion, religions 8, 14, 15, 16, 23, 25, 26, 28, 32, 50, 73, 74, 75, 81, 91, 97, 99, 103, 107, 115, 116, 123, 124, 125, 126, 129 remariage 106 rémission 99 ressuscité 14, 27, 54, 55, 57, 58, 71, 110, 127, 128 résurrection 23, 28, 41, 42, 44, 50, 54, 55, 56, 57, 58, 59, 62, 64, 71, 72, 73, 74, 92, 93, 94, 96, 108, 127 rite, rites 39, 90, 91, 92, 96, 101, 104, 125 rosaire 108 Rwanda 36
S sacré 25, 26 sacrement, sacrements 38, 72, 77, 81, 86, 88, 90, 91, 92, 93, 94, 100, 101, 103, 104, 107, 108 sacrifice 96, 97, 121
Saint-Esprit 18, 19, 20, 61, 80 (voir aussi Esprit Saint)
salut 28, 48, 62, 67, 68, 73, 74, 75, 79, 80, 92, 96, 99 sanctification 86 sanctuaire 121 Satan 36, 37, 39, 46, 64 satanisme 37 Sauveur 64, 75 schisme 81 science 27, 33, 64, 114 sectes 28, 63, 78, 79 sémite 34 sexualité 48, 53, 113, 114, 115 soins palliatifs 118 solidarité 67, 68, 120 solitude 21, 61 souffrance 17, 29, 32, 46, 47, 66, 68, 74, 105, 118 Staline 36 surnaturel 12 symbole 33, 34, 49, 50, 94, 95
T tendresse 38, 68
tentation 74, 103 théologie 26, 50, 52, 67, 86, 90 théologien 7, 12, 16, 78, 84, 87, 129 tombeau 55, 56, 57, 127 transcendance 13, 125 transfiguré 57, 69 transsubstantiation 95 Trinité 16, 18, 19, 20, 28, 31, 61, 80
V Vatican (conciles) 74, 84, 85, 90, 93, 108 viatique 108 vicaire 87, 90 Vierge 48, 111, 112 (voir aussi Marie)
Y Yahvé 25
Table des matières Introduction. On nous a tout changé ! ........................................ 7 1. DIEU 1. Dieu existe-t-il vraiment ? Peut-on prouver son existence ? N’est-ce pas nous qui l’avons fait à notre image ?................... 11 2. Où demeure-t-il ? Au ciel ou à l’intérieur de nous-mêmes ? ... 12 3. Dieu a-t-il besoin des religions ? Et les autres religions ?......... 14 4. L’amour et Dieu, une seule et même chose ? ......................... 15 5. L’existence de Dieu est-elle compatible avec la liberté de l’homme ? ............................................................................. 16 6. Aurions-nous trois dieux ? ..................................................... 17 7. Quel est donc le rôle de l’Esprit Saint ?.................................. 19 8. Peut-on faire l’expérience de l’amour de Dieu ? ..................... 20 9. Jésus est-il essentiel sur le chemin de Dieu ? .......................... 22 2. BIBLE, CRÉATION DU MONDE 10. La Bible, vraiment la parole de Dieu ? Bible et Coran, deux livres inspirés ?..................................................................... 25 11. La Bible au pied de la lettre ou lecture symbolique ?............ 26 12. Faut-il des dogmes ? Quels sont-ils ? D’où viennent-ils ? ...... 28 13. À quoi sert-il de lire l’Ancien Testament ? ........................... 29 14. Dieu a-t-il créé le monde et pourquoi ? ............................... 30
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15. Dieu n’aurait-il pas raté sa création au vu du mal qui existe ? .. 32 16. Adam et Ève, mythe ou réalité ? Qu’en est-il du « péché originel » ? ........................................................................... 33 17. Les Hébreux ont-ils vraiment passé la mer Rouge ?.............. 34 18. Et Satan ? N’explique-t-il pas nos malheurs ? ....................... 36 19. Les exorcismes existent-ils toujours ? ................................... 38 3. JÉSUS ET LES ÉVANGILES 20. Jésus a-t-il vraiment existé ? Comment le connaît-on ?......... 41 21. Les évangiles apocryphes contiennent-ils une part de vérité ? Nous apprennent-ils des choses cachées ?............................... 42 22. Faut-il prendre les évangiles au pied de la lettre ? ................. 43 23. Pourquoi y a-t-il quatre évangiles et non pas un seul ? ......... 45 24. La vie de Jésus a-t-elle été prédite à l’avance ? ...................... 46 25. Jésus a-t-il été conçu virginalement ? Avait-il des frères et sœurs ? ................................................................................ 48 26. Que sait-on de l’enfance de Jésus ? Est-il né à Bethléem ? Les récits de la nativité ne sont-ils pas plus des symboles que des récits historiques ?................................................... 49 27. Que penser des miracles de Jésus ?....................................... 51 28. Jésus était-il marié ? Avait-il des enfants ?............................. 53 29. Pourquoi Jésus est-il mort ? ................................................. 54 30. Et si on avait retrouvé son corps ? Le tombeau est-il toujours vide ? ......................................... 55 31. Jésus est-il réellement apparu ? Jésus est-il ressuscité physiquement ? ................................................................... 57 32. Le Christ descendu aux enfers, de quoi s’agit-il ? Qu’entend-on par la Rédemption ? ..................................... 59 33. Jésus Christ savait-il qu’il était Dieu ? Jésus est-il un humain réussi ou le Fils de Dieu ? ..................................................... 60 34. Le Christ doit-il revenir un jour ? ........................................ 61
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4. L’AU-DELÀ 35. Y a-t-il un au-delà après la mort ? ........................................ 63 36. Y a-t-il un jugement lors de notre mort ? ............................. 65 37. L’enfer est-il compatible avec Dieu ?.................................... 66 38. On a fermé les limbes. Et le purgatoire ?.............................. 67 39. Nous reverrons-nous ? ......................................................... 69 40. Va-t-on ressusciter physiquement ? Qu’est donc un corps spirituel ?............................................................................. 70 41. La réincarnation, une croyance à option ?............................ 72 42. On ne parle plus du salut ? .................................................. 73 5. ÉGLISE ET SACREMENTS 43. Faut-il vraiment une Église ? ............................................... 77 44. Hors de l’Église pas de salut ? N’est-ce pas un peu dépassé ?.... 79 45. Quelle est la différence entre être catholique et être chrétien ?.. 80 46. L’Église ne devrait-elle pas être plus démocratique ? ............ 82 47. Le pape, chef suprême de l’Église ? ...................................... 83 48. Le pape infaillible ?.............................................................. 84 49. Des prêtres, pour quoi faire ?............................................... 86 50. Le célibat des prêtres, une règle sans avenir ?........................ 87 51. Les diacres, une nouveauté ? À quoi servent-ils ? .................. 88 52. À quoi servent les rites ? Pourquoi les sacrements ?............... 90 53. Ne faudrait-il pas que le baptême soit un sacrement reçu à l’âge adulte ? ........................................................................ 91 54. Qu’est-ce que la confirmation ? ........................................... 93 55. Le Christ est-il réellement présent dans l’eucharistie ou estce un symbole ? ................................................................... 94 56. On parlait du sacrifice de la messe. Qu’est-ce à dire ?........... 96 57. L’obligation dominicale dépassée ? ...................................... 97 58. Le péché n’est-il pas une notion inutilement culpabilisante ? ... 98
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59. Faut-il encore se confesser ? ............................................... 100 60. Y a-t-il encore des péchés mortels ?.................................... 102 61. Quel est le sens du mariage à l’Église ?............................... 103 62. Quel accueil pour les divorcés remariés ? ........................... 104 63. Que sont devenus les derniers sacrements ?........................ 107 64. Où en sont le culte marial et le culte des saints ?................ 108 65. Marie apparaît-elle encore aux humains ? .......................... 110 66. Qu’entend-on par l’Immaculée Conception ? Marie est-elle montée au ciel avec son corps ? .................... 111 6. MORALE 67. Où en est la morale sexuelle ? ............................................ 113 68. L’Église est-elle contre les homosexuels ? ........................... 114 69. Y a-t-il encore des règles alimentaires pour les chrétiens ? .. 116 70. L’Église est-elle vraiment contre l’euthanasie et l’avortement ?.117 71. L’impôt est-il dû en conscience ? ....................................... 119 72. Faut-il suivre sa conscience ou les règles de l’Église ?.......... 121 Annexe. L’essentiel chrétien .................................................... 123 Ordre des livres dans la Bible ...................................................130 Index ...................................................................................... 133 Table des matières................................................................... 139
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Du même auteur (liste non exhaustive) Heureux d’être chrétien, Namur – Toulouse, Fidélité – Source de Vie, . Quelques pas vers Dieu. 54 méditations selon les Exercices de saint Ignace de Loyola, Namur, Fidélité, ( e édition 3) (traduit en espagnol et en kirundi). Prières de la famille, Namur – Comines, Fidélité – Un Message de Vie, 4. Souffrance des hommes et souffrance de Dieu, avec Pierre Dehotte, Namur, Fidélité, 4. Épuisé. Nouvel Âge et nouvelles religiosités, Namur – Toulouse, Fidélité – Source de Vie, 4. Une vie au souffle de l’Esprit, Namur – Bruxelles, Fidélité – Racine, entretiens avec le Père Philippe Verhaegen, . Il est une foi. Valeurs et croyances des Belges, en collab. avec Rudolf Rezsohazy, Namur – Bruxelles, Fidélité – Racine, 6. Ces questions sur la foi que tout le monde se pose, Paris – Bruxelles, Cerf – Racine, . « Dites : Notre Père… », Bruxelles – Namur, Racine – Fidélité, . Les derniers des Mohicans ? Les catholiques en Belgique, Bruxelles, Labor, . Mal, où est ta victoire ?, Paris, Mame, . Tu es né pour la joie, Namur, Fidélité, (traduit en néerlandais). Prières glanées, Namur – Comines, Fidélité – Un Message de Vie, . Nouvelles questions sur la foi, Paris – Bruxelles – Namur, Cerf – Racine – Fidélité, (traduit en italien). Le Jésus des chrétiens (après le Da Vinci Code), Namur, Fidélité, coll. « Que penser de… ? », avec Jacques Vermeylen, 6. Pour les enfants et les jeunes : Prier jeune, avec Christian Basia et Marie-Claire Delvaux, Namur – Comines, Fidélité – Un Message de Vie, 6. Missel Samuel, Namur, Fidélité, . Ils ont suivi Jésus. L’album des saints, avec Christian Basia et Marie-Claire Delvaux, Namur, Fidélité, . L’Évangile des enfants, avec Marie-Claire Delvaux, Namur, Fidélité, . Les grands personnages bibliques, avec Christian Basia et Marie-Claire Delvaux, Namur – Paris, Fidélité – Salvator, . Dieu te fait signe, Namur – Paris, Fidélité – Salvator, 3. Lettres à Do, Namur, Fidélité, 3. Dieu existe-t-il ? et 101 autres questions, Namur – Paris, Fidélité – Fleurus, 4 (traduit en néerlandais et en allemand). Tu peux changer le monde (pour les 4- ans), Namur – Paris, Fidélité – Salvator, 6. Jésus, qui est-il ? Namur – Paris, Fidélité – Mame, . À paraître : Apprendre à lire la Bible, avec Jean Radermakers, Namur, Fidélité, .