Marie-Gabrielle Lemaire
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Que penser des apparitions mariales ? Comment distinguer les affabulations des apparitions authentiques ? Quelles sont les apparitions reconnues par l’Église ? Pourquoi la Vierge Marie apparaît-elle ? En cette année du 150e anniversaire des apparitions de Lourdes, Marie-Gabrielle Lemaire reprend ces questions à leur source. Elle dresse un vaste panorama illustré des apparitions mariales, sans omettre les cas délicats comme celui de Medjugorje. Attachée à une démarche scientifique qui n’exclut pas le surnaturel, elle nous fait découvrir le véritable message des apparitions.
ISBN 978-2-87356-388-2 Prix TTC : 10,00 €
9 782873 563882
Collection « Que penser de… ? »
Les apparitions mariales
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Photo de couverture : Statue de Notre-Dame de Lourdes (Ch. Delhez)
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Les apparitions mariales
Les apparitions mariales
Marie-Gabrielle Lemaire
Les apparitions mariales
Collection « Que penser de… ? »
Marie-Gabrielle Lemaire est philosophe (Université catholique de Louvain) et théologienne (Institut d’études théologiques de Bruxelles). Elle enseigne l’épistémologie dans un institut supérieur de Bruxelles. Les illustrations de cet ouvrage sont dues à la plume de Gérard Lemaire, son père.
© Éditions Fidélité • 7, rue Blondeau • BE-5000 Namur info@fidelite.be • www.fidelite.be ISBN : 978-2-87356-388-2 Dépôt légal : D/2007/4323/.. Photo de couverture : Statue de Notre-Dame de Lourdes (Ch. Delhez) Maquette et mise en page : Jean-Marie Schwartz Imprimé en Belgique
Introduction
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008 marque le 150e anniversaire des apparitions de Lourdes. C’est aussi l’année de la reconnaissance officielle des apparitions de Notre-Damedu-Laus, en Isère, aboutissement d’un long processus de discernement, puisque ces faits remontent au XVIIe siècle. L’actualité des apparitions mariales, c’est aussi le phénomène étonnant de Medjugorje, dans l’ex-Yougoslavie, qui reçoit des milliers de pèlerins chaque année, alors que les messages de la Gospa continuent toujours d’être délivrés, et ce depuis 1981. C’est encore la récente condamnation par l’Église de l’« Armée de Marie », un groupe canadien se réclamant indirectement des apparitions d’Amsterdam et promouvant la « réincarnation » de Marie dans les apparitions… Alors, que penser des apparitions mariales ? Sont-elles vraies ou fausses ? Comment distinguer les affabulations des apparitions authentiques ? Quelles sont les apparitions reconnues par l’Église ? Pourquoi la Vierge Marie apparaît-elle ? Quel message veut-elle nous donner ? 3
Avant de répondre à ces questions, il est indispensable de vouloir comprendre qui est Marie, celle que les évangiles appellent « la mère de Jésus ». Nous commencerons donc, dans le premier chapitre, par nous demander ce que la Bible et les dogmes de l’Église catholique nous disent de la Vierge Marie, de son identité et de sa mission. Dans le deuxième chapitre, nous nous demanderons ce qu’est une apparition mariale, en posant des jalons pour percevoir ce qu’elle a de spécifique par rapport à toute autre apparition d’objets ou de personnes. Quand la Vierge Marie apparaît, elle agit toujours comme la Mère de Dieu et la Mère de tous les hommes. Or, il ne nous est en aucun cas demandé de croire à une apparition mariale, tandis que la reconnaissance de la Maternité spirituelle de Marie fait partie de la foi chrétienne. On peut ne pas tenir compte de Lourdes ou de Banneux, mais on est toujours appelé à aimer Marie, la Mère de Jésus, comme Dieu l’a aimée le premier. Nous verrons dans le troisième chapitre dans quelles conditions et selon quelles procédures une apparition mariale est reconnue ou déclarée fausse par l’Église, et comment se situe la vérité d’une apparition par rapport au contenu de la foi. Ensuite, nous dresserons un panorama illustré des apparitions mariales les plus importantes. Par contraste, dans un cinquième chapitre, nous abor4
derons quelques apparitions mariales qui ont été déclarées fausses, puis nous évoquerons des cas plus particuliers, comme les apparitions de Medjugorje. Tout ce qui sera dit au sujet de ces apparitions résulte d’une lecture critique mais certainement limitée. C’est donc avec beaucoup de réserves que j’aborderai certaines d’entre elles. Le but que je me suis fixé est au moins d’éveiller au sens de la présence de Marie dans notre cœur, selon ce que laissent transparaître les « épiphanies » — un autre mot pour parler des apparitions divines — de la Sainte Vierge, à telle époque, à tel endroit. Puisqu’il s’agit en effet de la Mère de Dieu qui est par là même la Mère des hommes, il faudra enfin essayer de comprendre ce que le fait de ses apparitions peut nous dire de sa mission maternelle dans l’Église, ce qui occupera le septième et dernier chapitre de cette contribution. M.-G. Lemaire
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Qui est Marie ?
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’HISTOIRE des apparitions mariales commence… dans la Bible ! Un bref parcours au long des livres de l’Ancien et du Nouveau Testaments nous aidera à comprendre qui est Marie, dans le langage de la Bible. Nous verrons ensuite comment l’Église, dans sa méditation de la Parole de Dieu, tout au long de son histoire, a été amenée à préciser le rôle de Marie dans l’histoire du salut en promulguant les dogmes mariaux. Les apparitions mariales nous renvoient en effet sans cesse à actualiser le message de l’évangile, où Marie a sa propre part.
De la Genèse à l’Apocalypse : la présence de Marie dans les Écritures Dans l’Ancien Testament, certains passages sont retenus par la tradition de l’Église comme des textes annonçant la venue au monde de la Vierge Marie, Mère de Dieu. Le prophète Michée annonce 7
« celle qui doit enfanter » (Mi 5, 2), et Isaïe parle du « signe » que le Seigneur enverra à son peuple : « Voici, la vierge est enceinte, elle enfantera un fils et lui donnera le nom d’Emmanuel » (Is 7, 14). Il y a également le texte de la Genèse qui annonce la victoire définitive de la race de la femme sur celle du serpent : une promesse de salut par delà le péché commis par le premier couple humain (cf. Gn 3, 15). La tradition a reconnu dans cette femme la Vierge Marie, et dans la race de la femme, le Christ, Fils de Marie. Au terme de la Bible, dans le livre de l’Apocalypse, et comme en écho de ce texte de la Genèse, saint Jean décrit une vision qu’il reçoit : « … un signe grandiose apparut dans le ciel : une Femme ! Le soleil l’enveloppe, la lune est sous ses pieds et douze étoiles couronnent sa tête » (Ap 12, 1). C’est ainsi que l’on représente la Vierge Marie ; de même que par elle est né le Sauveur du monde, de même est-ce par elle qu’il reviendra dans la gloire lorsque, à la fin des temps, il remportera la victoire définitive dans le grand combat de Dieu et de l’humanité contre le mal. Si l’Ancien Testament peut être relu comme annonçant la Vierge Marie ; si l’Apocalypse, à travers la Femme qui enfante, nous donne une image de la mission de Marie, celle-ci n’apparaît comme telle que dans le Nouveau Testament. On peut bien dire sans erreur que la toute première apparition mariale attestée est son apparition en Israël, sa venue 8
au monde. Avec, toutefois, un silence étrange : rien n’est dit de la naissance de Marie. On ne parle de Marie qu’avec la conception de Jésus.
Dans les évangiles Fondamentalement, Marie est la Mère de Jésus. Saint Jean ne la nomme jamais par son prénom : elle est la « mère de Jésus » (Jn 2, 1). Dans l’évangile de Luc, sainte Elisabeth, en parlant de Marie s’exclame : « Comment se fait-il que vienne à moi la mère de mon Seigneur ? » (Lc 1, 43). Lisons les principales « apparitions » de Marie dans les évangiles. L’ANNONCIATION (Lc 1, 26-38). Jeune adolescente, elle fut fiancée à Joseph, issu du roi David. Mais un ange venant du Seigneur lui apparut, et la salua avec des paroles qui nous apprennent déjà profondément qui est Marie : « Réjouis-toi, comblée de grâce, le Seigneur est avec toi » (Lc 1, 28 : ce verset a donné les premiers mots de l’Ave Maria). Vient alors l’Annonciation comme telle. L’ange lui annonce qu’elle concevra en son sein un fils, auquel elle donnera le nom de Jésus, qui veut dire « Dieu sauve ». L’ange ajoute que cet enfant sera grand, et appelé « Fils du Très-Haut ». Après la salutation de l’archange Gabriel, la Vierge Marie, ◆
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contrairement à ce que l’on dit souvent, n’a pas acquiescé immédiatement — non qu’elle eut une réticence — mais elle a d’abord posé une question : « Comment cela se fera-t-il puisque je ne connais pas d’homme ? » On peut s’étonner qu’elle formule la question alors qu’elle est fiancée, et que le nom de son fiancé est connu. En tout cas, cette première parole de Marie manifeste sa lucidité face à la présence de l’envoyé de Dieu, sa liberté de parole ainsi que son intelligence : elle sait que l’événement n’est pas banal, et que si l’enfant qui lui est promis est exceptionnel, il est probable que sa conception le soit aussi. C’est alors que Marie donne à Dieu son consentement : « Je suis la servante du Seigneur… » Ayant reconnu que l’ange qui lui apparaissait venait effectivement de Dieu dont il était le messager, Marie ajouta : « Qu’il m’advienne selon ta parole. » Ainsi, Marie a conçu et est restée vierge. La tradition catholique affirme infailliblement que Marie a conçu et enfanté le Fils de Dieu selon la chair sans avoir jamais perdu sa virginité. Cette affirmation n’est pas à comprendre au sens d’une dépréciation de l’acte sexuel conjugal, mais de la signification symbolique de la virginité. Celle-ci en effet souligne le caractère intact de Marie, par ailleurs conçue ellemême sans péché. Le fait que le Sauveur du Monde soit né d’une femme sans l’avoir altérée dans son corps est un signe qui nous renseigne sur la ma10
nière dont Dieu nous sauve. Il ne nous force pas, il ne nous abîme pas, il ne fait pas intrusion, mais il nous investit de l’intérieur. N’est-ce pas ce qui se passe aussi à chaque apparition de Marie ? LES NOCES DE CANA. Mentionnons une autre présence de Marie dans les évangiles. Aux noces de Cana (Jn 2, 1-11), elle est l’invitée principale, selon l’évangéliste Jean. Jésus l’accompagne avec quelques disciples. La Mère de Jésus fait alors constater à celui-ci que les époux n’ont plus de vin. Elle demande aux serviteurs de faire tout ce que Jésus dira. Jésus consent alors à accomplir le miracle de l’eau changée en vin. Nous avons dans cet épisode deux aspects essentiels du rôle de Marie. Elle intercède pour nous auprès de son Fils, et elle nous recommande de l’écouter. Elle prépare pour nous le chemin du Christ, comme avec les servants. Elle devance son Fils en sollicitant de lui un miracle de compassion, et elle nous devance en nous invitant à être disponibles à l’action de Dieu. C’est aussi une des caractéristiques des messages mariaux délivrés dans les apparitions mariales. ◆
MARIE AU PIED DE LA CROIX. Dans un troisième passage, le rôle universel de Marie dans l’œuvre de la rédemption apparaît avec force, toujours dans l’évangile de Jean. Marie se trouve debout au pied de la croix où son Fils, le Fils de Dieu, est crucifié, ◆
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parce que les autorités religieuses n’ont pas accepté son message. Jésus a déçu beaucoup de monde. Il était temps que tout le monde sache que Jésus n’était qu’un faux prophète qui avait eu la folie des grandeurs. En guise de moquerie, mais non moins prophétiquement, un écriteau fut attaché sur sa croix : « Jésus le Nazoréen, le roi des Juifs ». Devant lui, Marie sa mère. Ici, au pied de la croix, elle est « la » mère. Car Jésus est « le » Fils. Jésus voit donc qu’il y a sa mère, et le disciple qu’il aimait, en qui la tradition a souvent vu saint Jean, l’évangéliste lui-même. Peut-être est-ce son grand amour de Marie qui lui a donné le courage de rester là aussi. Jésus dit : « Femme, voici ton fils ». Et au disciple il dit : « Voici ta mère ». Jésus appelle Marie « femme » parce qu’il voit en elle la mère de tous le genre humain. Il est Dieu. Si donc Marie est véritablement sa Mère, il en est aussi le Créateur. Il y a là une relation tout à fait particulière qui défie l’entendement. Jésus confie donc sa Mère à celui qui est resté au pied de la croix. Marie ici ne dit rien, elle est révélée à Jean comme celle qu’il est appelé à recevoir, car c’est par elle que Jésus est venu au monde, et par elle qu’il naîtra dans les cœur, lorsque, traversant la mort, il ressuscitera et sera glorifié. MARIE ET LE DON DE L’ESPRIT. Notons enfin un quatrième passage du Nouveau Testament où ap-
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paraît Marie. Dans les Actes des apôtres, tous, ayant vu le christ ressuscité, se trouvent réunis au temple où ils prient. C’est une période difficile pour la petite Église naissante. Les disciples de Jésus, crucifié et ressuscité, ont intérêt à rester cachés, pour protéger leur vie et leur foi. Le jour du sabbat, ils prient : « Tous d’un même cœur étaient assidus à la prière avec quelques femmes, dont Marie mère de Jésus, et avec ses frères » (Ac 1, 14). Alors tous reçoivent le don du Saint-Esprit consolateur, celui qui donne la force de témoigner de sa foi. Marie est là. Par son intercession est donné l’Esprit Saint, comme jadis le vin des noces de Cana fut donné grâce à son intervention. Les apôtres ne tombentils pas dans une même ivresse quand ils se mettent à proclamer le message pascal ?
La tradition ecclésiale sur Marie L’ASSOMPTION. Les apparitions mariales sont celles d’une personne vivante. Marie a existé historiquement, mais elle a aussi traversé la mort. Le passage par la mort et la résurrection du Christ fait participer sa mère à l’universalité de Dieu, à sa gloire, et à son omniprésence. Le dogme de l’Assomption affirme ainsi que la Vierge Marie a été glorifiée en son corps et en son âme. Ce dogme est fondamental pour notre compréhension des appa◆
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ritions mariales. Marie apparaît en son corps autant qu’en son âme : il ne s’agit pas d’un fantôme ou d’un pur esprit. C’est déjà la condition de Jésus ressuscité apparaissant à ses disciples : « Le corps de Jésus se trouve métamorphosé par son entrée dans l’intimité divine avec toutes les relations à l’univers et aux hommes qu’il a entretenues dans sa vie terrestre. Il devient ainsi hospitalier de l’univers créé et de la communauté humaine. Il acquiert de ce fait une souveraine liberté dont la conséquence est qu’il n’est plus assujetti aux lois de l’espace et du temps des hommes » (J. Radermakers, « Le tombeau de Jésus et la foi chrétienne », dans Estelle Villeneuve, Jean Vervier, Jean Radermakers, La découverte du tombeau de Jésus, Fidélité, coll. « Que penser de… ? », 2007, p. 110). En apparaissant corporellement, Marie se montre compatissante avec l’humanité souffrant en sa chair, en même temps qu’elle est dans la plénitude du bonheur éternel en Dieu. MATERNITÉ DIVINE ET UNIVERSELLE DE MARIE. L’Assomption de la Vierge Marie est la conséquence du don intégral qu’elle a fait d’elle-même à Dieu. En lui offrant sa maternité virginale, elle reçoit par là même une maternité à notre égard. Elle est Mère du Fils de Dieu, elle est donc la Mère de tous les membres du Christ. La Maternité divine et universelle de la Vierge Marie est confirmée et ◆
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déployée de façon maximale dans l’Assomption. Qu’implique cette maternité par rapport aux apparitions ? Elle nous est intérieure et nécessaire au salut, car le Christ naît d’elle, aussi bien dans l’histoire, comme l’écrivent les évangiles, que dans la grâce, puisqu’elle enfante en nous le Fils de Dieu. Mais encore, le Christ en gloire demeure le Fils de Marie. Aussi, continue-t-elle dans la gloire à être les enfants de Dieu en demeurant la Mère du Fils de Dieu. C’est ainsi que l’on peut dire que Marie nous enfante dans notre passage à la vie éternelle. Toutes ces dimensions doivent être prises en compte, quand on s’intéresse au phénomène des apparitions mariales. En effet, chaque fois que Marie apparaît, elle manifeste sa maternité à notre égard en témoignant de la vie éternelle, en nous exhortant à la conversion, en nous montrant le chemin pour que nous soyons configurés à son Fils. D’autre part, la maternité de Marie à notre égard s’exprime dans les apparitions par le fait qu’elle nous invite à la prier elle-même, pour que nous reconnaissions davantage qui elle est. C’est ainsi que nous devenons ses enfants.
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Quatre dogmes mariaux Rappelons les quatre affirmations essentielles sur Marie, dans l’ordre chronologique de leurs formulations. Le premier dogme, défini en l’an 432 à Éphèse, affirme la maternité divine de Marie. Ainsi, elle n’est pas la mère de la chair humaine de Jésus, mais d’une personne. Or, comme Jésus est Dieu personnellement, selon la chair, Marie étant vraiment la mère de Jésus est vraiment la Mère de Dieu, car en Jésus le fait d’être Dieu et le fait d’être humain ne sont pas séparés, ni confus, mais ne font qu’un. En 649, au concile de Latran, on proclame la virginité perpétuelle de Marie, dont nous avons esquissé un sens théologique au deuxième paragraphe. Le prophète Isaïe écrivait : « Voici la Vierge enfantera et concevra un fils » (Is 7, 14). Le fait que Marie soit mère et vierge souligne l’initiative divine dans l’œuvre du salut. Comme le redit le concile Vatican II, la naissance de Jésus « n’a pas lésé sa virginité, mais l’a consacrée » (Lumen Gentium 57). C’est ainsi que Dieu nous sauve : en consacrant notre identité d’enfants de Dieu. Plus de mille ans plus tard, en 1854, est proclamé le troisième dogme marial. Il porte sur l’Immaculée conception de Marie. Il n’y a en elle depuis le premier instant de sa conception aucune trace de péché, et jusqu’à sa mort elle n’a jamais commis aucun péché. Enfin, en 1950, le pape Pie XII proclame l’Assomption de Marie. Puisqu’elle n’a jamais commis de péché, son corps ne pouvait pas connaître la corruption. De plus, si elle est la mère de l’Église, en continuant ainsi sa maternité divine, il est normal qu’elle conserve son corps et son âme pour exercer sa maternité à notre égard.
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Qu’est-ce qu’une apparition mariale ?
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’APPARITION mariale est une manifestation surnaturelle de la Mère de Jésus à un ou plusieurs voyants. L’apparition n’est pas une hallucination. Elle est la marque de l’intervention de Dieu dans notre monde. Si apparition mariale il y a, c’est finalement en vue de nous ouvrir à Dieu.
Un phénomène surnaturel On définira l’apparition en général comme une manifestation sensible de quelqu’un ou d’un être animé, qui échappe aux lois naturelles. Une apparition mariale concerne au moins deux personnes : Marie et le voyant. Celui-ci est touché dans ses sens : il voit, entend, sent, touche dans certains cas. On parle alors de vision externe. Lorsque la vision passe par des images et des sensations qui ne sont pas directement stimulées par les sens, on parle de vision interne. 17
Il est important de distinguer la perception de l’objet perçu et l’interprétation de ce qui est perçu. Sinon, on court le risque de mélanger apparition, vision, hallucination, projection collective de l’inconscient (théorie de Jung), névrose obsessionnelle (Freud), relectures religieuses de phénomènes en soi naturels et parfaitement explicables, ou encore phénomènes spirites. Du point de vue de la personne qui en bénéficie, une apparition consiste dans la perception visuelle et auditive d’une réalité qui reste invisible et inaudible aux autres. En même temps, l’apparition, contrairement à l’hallucination, n’a pas pour origine l’imagination ou la volonté de la personne voyante. Elle vient d’une autre subjectivité que la sienne. Bref, le voyant n’invente pas ce qu’il voit, même s’il peut mentir dans son témoignage, ou se tromper dans l’interprétation de ce qu’il voit. Pour être complet, ajoutons que le voyant peut encore être trompé par l’apparition elle-même, dans le cas où il s’agirait d’une apparition démoniaque qui veut se faire passer pour une apparition d’origine divine. Nous admettrons qu’il existe des apparitions dont l’origine est surnaturelle en ce sens qu’elles ne dépendent pas d’abord des facultés perceptibles du voyant : elles ont pour origine ultime Dieu, et pour cause immédiate Marie, Mère de Dieu. Ces apparitions sont des miracles au sens théologique du terme : la marque de l’intervention de Dieu dans 18
l’histoire des hommes, dans la ligne des révélations qui jalonnent l’Ancien et le Nouveau Testament et qui servent à attester la présence et la puissance de Dieu dans nos vies. De telles attestations restent exceptionnelles. Le plus souvent, Dieu s’efface pour nous laisser grandir dans la véritable liberté de la foi. C’est pourquoi le caractère surnaturel est le critère décisif pour reconnaître l’authenticité d’une apparition.
La proximité de Dieu En apparaissant, Marie se fait toute proche des hommes, en même temps qu’elle est toute proche de Dieu. Cette double proximité de Marie constitue son identité et caractérise toutes les apparitions mariales. Cette manière d’être proche des hommes est divine avant d’être mariale : elle appartient à la pédagogie selon laquelle Dieu se révèle progressivement au cours de l’histoire, comme la Bible nous en transmet l’expérience sans cesse relue et approfondie. En effet, les récits bibliques sont jalonnés d’apparitions divines qui nourrissent la compréhension humaine de Dieu. Enfin, Dieu se rend si proche qu’il va jusqu’à s’incarner en son Fils pour partager notre condition humaine. Or, c’est en Marie et par elle que Dieu a choisi de s’incarner. Elle est donc en personne la proximité de Dieu. 19
Marie est une personne humaine et, qui plus est, l’Immaculée Conception. Elle est la toute sainte, parfaite, intacte de tout ce qui en conséquence du péché altèrerait quoique ce soit de son humanité. Nous avons là, du point de vue humain, une excellence et une perfection qui caractérisent certainement d’une façon unique l’apparition mariale par rapport à toute autre rencontre entre deux personnes humaines. De plus, ayant traversé la mort comme le Christ, puisqu’elle a été assumée en Dieu (Assomption), Marie n’est plus soumise aux limites de la condition terrestre de l’existence humaine. Son état actuel n’est donc plus mortel et terrestre mais immortel et glorieux, en participant de la Résurrection même du Christ, premier né d’entre les morts. En résumé, Marie est en Dieu sans que plus rien en elle ne fasse « obstacle » à l’être de Dieu. Sa finitude humaine, liée au fait qu’elle est une créature, est à présent parfaitement investie de la présence absolue et universelle de Dieu, et ce qui pouvait être une limite à la vie de Dieu (être une créature, un être fini, par rapport à Dieu, Créateur et infini) est devenu le lieu de la réception de Dieu en plénitude. C’est ainsi que, en apparaissant, Marie témoigne de la présence de Dieu puisque tout son être lui appartient. Notons encore que, lorsque Marie apparaît, c’est toujours en tant que Mère de Dieu et de tous les hommes. Elle a mis au monde 20
le Fils de Dieu et ainsi l’a rendu visible à nos yeux de chair. Comment dans ce cas pourrait-il être indifférent qu’apparaisse celle par qui Dieu a choisi d’apparaître ? Par elle, Dieu s’est rendu proche, par elle aussi nous nous approchons de Dieu. Elle est pour nous la proximité de Dieu comme elle a été pour Dieu la proximité des hommes, en lui donnant notre humanité.
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« Marie est la plus proche de Dieu, donc la plus proche des hommes » Étant la créature la plus assumée en Dieu, la Vierge Marie est la créature qui participe le plus à l’intimité ou à l’immanence de Dieu à sa créature. Si donc, comme l’affirme incessamment la mystique chrétienne, Dieu nous est plus intime que nous-mêmes, Dieu est en quelque sorte le foyer le plus personnel au plus profond de nous-mêmes et à partir duquel en fait il nous est possible de nous saisir comme sujet personnel. La manière dont Dieu est infini et transcendant est la manière dont il nous est infiniment intérieur. Où se trouve donc Marie, quand on dit qu’elle est la plus proche de Dieu ? Où, sinon là où Dieu se trouve : en nous. Et donc, elle est aussi la plus proche de chacun de nous. Sa proximité avec nous est d’abord une présence intérieure. Marie, bien plus intime à Dieu que nous ne le serons jamais, se trouve également intime à nous-mêmes, au cœur de la présence trinitaire de Dieu déposée en chaque âme humaine. Elle témoigne de ce que nous pouvons être sauvés. Par son oui, le salut est entré dans le monde. Par son oui, tout salut peut être donné et reçu.
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Reconnaissance par l’Église ?
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N PRINCIPE,
aucune apparition mariale ne peut prétendre ajouter quelque chose d’absolument neuf par rapport au contenu de la foi. Tout au plus, confirmera-t-elle une connaissance déjà reçue dans l’Église qui, comme la foi l’affirme, est assistée par l’Esprit Saint. Le rôle d’une apparition mariale ne sera donc jamais d’apporter un complément objectif au contenu de la foi, mais de stimuler celle-ci.
Le rôle des autorités de l’Église Pour autant, le rôle de l’Église est essentiel pour discerner l’authenticité des apparitions. C’est à l’époque moderne qu’est formalisé le processus de ce discernement. En 1516, le cinquième concile du Latran élabore une législation concernant les apparitions, dans le but de limiter l’effervescence à leur sujet : il revient au Saint-Siège de reconnaître ou non l’authenticité des phénomènes en question. Ceux-ci ne doivent pas être ébruités tant que Rome ne les re23
connaît pas. Cinquante ans plus tard, le concile de Trente (1563) confirme la prudence de l’Église en ce qui concerne toutes formes de miracles, vision, révélation, apparition ou prophéties particulières, mais c’est à l’évêque diocésain qu’échoit désormais la responsabilité de discerner les phénomènes. Lorsque le cas est grave, l’évêque doit s’en remettre au Saint-Siège. Désormais, une apparition ne sera admise par le commun des fidèles qu’avec l’approbation de l’évêque du lieu. Dans les cas litigieux, celui-ci remettra de toute façon son jugement au Pontife romain. Ainsi naît la procédure moderne d’authentification des apparitions mariales. Lorsque que l’Église « reconnaît une apparition », en réalité, elle ne fait que permettre, après un rude examen des informations rapportées, la diffusion de cette apparition « pour l’instruction et le bien des fidèles » sans qu’il faille pour autant y accorder un assentiment de foi catholique. « Il faut seulement selon les lois de la prudence leur donner l’assentiment de la croyance humaine, pour autant que de telles révélations soient probables et croyables pour la piété », affirmait le pape Benoît XIV au XVIIIe siècle. On peut d’ailleurs très librement ne pas y croire, « pourvu qu’on le fasse avec la modestie convenable pour de bonnes raisons et sans intentions de mépris ». De plus, l’estimation magistérielle en ce domaine ne relève pas de l’infaillibilité, précisément parce qu’un tel jugement ne 24
porte pas sur le contenu de la foi mais sur des apparitions miraculeuses auxquelles nul n’est tenu de croire. Enfin, dans son encyclique Pascendi de 1907, le pape Pie X affirme en outre que, lorsque l’Église approuve une apparition, une vision ou un miracle particulier, elle ne se porte pas garante de la vérité du fait pour autant. Au bout du compte, il est rare que le Magistère se prononce solennellement sur le caractère surnaturel des faits. Le cas qui nous est sans doute le plus connu est celui de Lourdes, lorsque l’évêque du lieu affirma au nom de l’Église que « l’Immaculée Marie, Mère de Dieu, est réellement apparue à Bernadette Soubirous, le 11 février et jours suivants, au nombre de 18 fois… Cette apparition revêt tous les caractères de la vérité, et les fidèles sont fondés à la croire certaine ».
L’enquête canonique Quand l’Église authentifie une apparition, ce n’est qu’après un examen rigoureux des faits. L’enquête canonique porte sur quatre domaines, qui ont été définis par le pape Benoît XIV. Les autorités ecclésiastiques doivent enquêter sur la personnalité du voyant (1), le contenu de l’apparition (2), la nature ou la forme de l’apparition (3), et la finalité de l’apparition (4). Ensuite, c’est à l’évêque du 25
lieu qu’incombe le devoir de prononcer un jugement sur une prétendue apparition mariale. Il est le point de référence principal vers lequel le fidèle se tournera s’il veut connaître et respecter le point de vue de l’Église sur une apparition mariale. Voici comment l’on procède : d’abord, le curé du lieu où se produit l’apparition s’en réfère à son évêque. C’est l’évêque qui décide de nommer une commission d’enquête chargée d’étudier les faits. Si elle n’est que consultative, cette commission est néanmoins obligatoire. Sous la présidence de l’évêque lui-même ou d’un prêtre mandaté par l’évêque, elle est composée principalement de théologiens, de canonistes et de médecins. Lors du procès canonique ouvert par la commission d’enquête, les voyants sont interrogés et leur parole fait l’objet chaque fois d’un procès-verbal. Trois critères sont pris en compte : - Les faits ont-ils vraiment eu lieu, à tel endroit, à telle heure, etc. ? L’examen de l’historicité des faits implique d’éventuels témoins oculaires, la cohérence du discours du voyant et, s’ils sont plusieurs, la concordance de leurs témoignages. - Les voyants sont-ils des personnes équilibrées ? Médecins, psychologues et psychiatres examinent la santé physique et mentale des voyants. - Les causes de l’apparition sont-elles naturelles ou surnaturelles ? Et dans le second cas, les causes sont-elles diaboliques ou divines ? La 26
description faite de la Vierge Marie par les voyants correspond-elle à la représentation traditionnelle de Marie dans la religion catholique ? N’y a-t-il pas quelque trait trop original, indécent, ou ridicule… ? N’y a-t-il rien dans l’apparition ou les paroles de l’apparition qui serait en contradiction, d’abord, avec la simple raison, ensuite, avec le contenu révélé de la Foi, à savoir, avec l’Écriture, ou les dogmes catholiques, ou les mœurs chrétiennes ? De surcroît, un critère d’authenticité de l’apparition peut être le constat que l’apparition entraîne une transformation radicale de la vie du voyant, en le convertissant à la foi catholique s’il ne l’était pas, ou en le renforçant définitivement dans son engagement de foi, d’espérance et de charité. Enfin, sans qu’il soit obligatoire, le miracle sera un critère décisif pour l’attestation du caractère surnaturel et divin d’une apparition mariale. Le miracle qui se produit souvent suite à une apparition authentique est celui de guérison. La guérison physique miraculeuse témoigne de la toute-puissance de Dieu et annonce la glorification des corps que le Christ nous a promise. Pour qu’une guérison soit attestée comme miraculeuse, il faut qu’elle soit instantanée, complète et définitive, alors que la maladie avait été jugée incurable ou difficilement guérissable, et que les soins médicaux apportés soient restés inefficaces. 27
Au terme de l’enquête canonique, la commission se prononce sur le caractère surnaturel des faits en procédant par un vote. Ce vote est transmis à l’évêque qui n’est pas obligé de suivre ce jugement. La liberté épiscopale rappelle en fait que l’évêque seul a le pouvoir ecclésial de donner un jugement — négatif, positif ou seulement de réserve — par rapport aux événement qui se produisent dans son diocèse. L’évêque peut également faire transférer le dossier au Saint-Siège, et plus précisément à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, afin qu’elle prononce un jugement public sur l’apparition, ou remette à l’évêque un jugement, ou encore, ordonne un complément d’enquête.
Le jugement rendu sur une apparition mariale Lorsque, enfin, un jugement peut être prononcé, par l’évêque ou la Congrégation romaine, ce jugement se fera selon l’une de ces trois formules latines, subtiles dans leurs termes, mais que l’on peut traduire aisément : - Constare de non-supernaturalitate apparitionum. Il est établi que les faits évoqués ne sont pas surnaturels, en conséquence de quoi on demande aux fidèles de ne pas prêter foi à ces fausses apparitions. 28
- Non constare de supernaturalitate apparitionum. On affirme alors n’avoir pu ni établir ni démentir la surnaturalité des faits. Il n’est donc pas interdit d’y prêter foi, mais il faut savoir que ces prétendues apparitions ne sont pas déclarées authentiques. - Constare de supernaturalitate apparitionum. Le caractère surnaturel, divin, des faits est établi. Aussi les fidèles peuvent accorder foi à l’apparition mariale en question. Ce cas d’approbation solennelle d’une apparition mariale par l’Église est rare : on en compte une quinzaine pour les apparitions mariales du XVIe siècle à nos jours. De plus, un tel jugement n’implique pas nécessairement l’approbation intégrale des tous les détails des paroles et faits rapportés. Ce que l’Église déclare alors, c’est que l’apparition est dans sa substance un fait surnaturel, que la Vierge Marie est réellement apparue, et qu’il est permis et bon d’y prêter foi. En fait, un grand nombre d’apparitions n’ont pas pu faire l’objet d’une commission d’enquête, ou être examinées jusqu’au bout, à cause d’obstacles extérieurs au phénomène de l’apparitions comme telle. La situation politique (guerre, climat antireligieux) ou ecclésiale (changement d’évêque) peuvent être de réels freins à une enquête canonique. Dans ces cas-là, bien sûr, il n’y a pas d’avis décisif 29
de l’Église concernant le caractère surnaturel des faits. Il existe plusieurs cas d’apparitions mariales qui n’ont pas été officiellement reconnues comme authentiques, mais qui semblent bénéficier de la faveur de l’Église, dans la mesure où le culte est autorisé sur les lieux de l’apparition (ainsi à l’IleBouchard, en 1947).
Y croire ou ne pas y croire ? À vrai dire, on peut toujours être tenté de trouver des explications rationnelles à une apparition mariale et de démentir son caractère surnaturel en recourant à des arguments sociologiques ou psychologiques. Néanmoins, l’Église affirme d’une part que les apparitions mariales sont possibles, et d’autre part, que des apparitions mariales se sont réellement produites. Dans son encyclique Pascendi de 1907, Pie X affirme que lorsque l’Église approuve une apparition, une vision ou un miracle particulier, elle ne se porte pas garante de la vérité du fait pour autant : « … simplement elle n’empêche pas de croire des choses auxquelles les motifs de la foi humaine ne font pas défaut. » Lorsque l’on dit que les apparitions sont de « foi humaine », on entend affirmer qu’à la différence des dogmes, les apparitions sont de l’ordre du probable et non de l’infaillible. 30
Dès lors, l’affirmation de l’authenticité d’une apparition n’est pas l’affirmation d’une certitude, mais, répétons-le, l’attestation de quelque chose de probable que l’on est fondé à croire vrai. Ne pas y croire n’est jamais une faute ou un manquement à la foi puisque la reconnaissance d’une apparition par l’Église n’engage pas l’adhésion de la foi. Tout de même, ne pas respecter le jugement de l’Église prononcé en faveur ou contre une apparition mariale peut ne pas être aussi anodin qu’il y paraît. Il est préférable et même très souhaitable, qu’à défaut d’y croire — ce qui peut être tout à fait honnête ! — l’on respecte du moins la déclaration officielle de l’autorité ecclésiale en la matière, souvent bien plus informée et collégiale que nos petits raisonnements privés et partiels. Il s’agit aussi d’être prudent avec son propre jugement ! En conclusion, nul n’est tenu de croire au fait que Marie apparaît ponctuellement, ni au contenu de telles apparitions. Il n’empêche que si le Magistère de l’Église s’autorise à en authentifier quelques unes, c’est qu’il juge licite de les proposer aux fidèles, dans la mesure où ces révélations en questions offrent des moyens de se rapprocher du Christ, en sensibilisant à la réalité d’un monde surnaturel, dont Marie, Mère de Jésus, est en ellemême le chemin d’accès. Retenons donc le bon 31
conseil de saint Paul : « N’éteignez pas l’Esprit, ne méprisez pas les prophéties, mais discernez la valeur des choses et, ce qui est bien, gardez-le » (1 Th 5, 19-21).
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Principales apparitions reconnues
N
OUS avons choisi de traiter dans ce chapitre des
apparitions mariales qui ont eu lieu à partir du XVIe siècle (voir tableau pages 34 et 35). En effet, avec la Modernité, la distinction entre le privé et le public apparaît dans la société occidentale. C’est à partir de cette période que les apparitions mariales ne concernent plus seulement le voyant qui en est bénéficiaire : elles s’accompagnent également d’un message à transmettre à l’autorité ecclésiale du lieu, ou plus largement au peuple chrétien. Les apparitions mariales modernes ont en ce sens un caractère apostolique plus prononcé qu’auparavant, les voyants se trouvant chargés de transmettre un message de la Vierge Marie au « monde », que ce message soit donné oralement, par l’apparition de textes écrits, ou par la manière dont apparaît la Vierge. Avec la Modernité, on peut dire que les phénomènes d’apparition mariale ont désormais un sens 33
Dates
Lieux
Voyants
Principales paroles
1531
MEXIQUE, Tepeyac
Juan Diego
Je suis la parfaite et toujours Vierge Marie, Mère de Dieu.
1634
EQUATEUR, Quito
Mère Mariania Francisca de Jesus Torres
Je suis Marie du Buen Suceso.
1652
VÉNÉZUELA, Coromoto
Un chef de la tribu indienne Cospes
1664
FRANCE, Le Laus
Benoîte Rencurel
Je suis Dame Marie, la Mère de Jésus.
1830
FRANCE, Paris, rue du Bac
Catherine Labouré
« Ô Marie conçue sans péché priez pour nous qui avons recours à vous. »
1846
FRANCE, La Salette
Mélanie Calvet, Maximin Giraud
Je vous ai donné six jours pour travailler, je me suis réservé le septième, et on ne veut pas me l’accorder.
1858
FRANCE, Lourdes
Bernadette Soubirous
Je suis l’Immaculée Conception.
1871
FRANCE, Pontmain
Eugène et Joseph Barbedette
Mais priez mes enfants ; mon fils se laisse toucher ; Dieu vous exaucera en peu de temps.
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Dates
Lieux
Voyants
Principales paroles
1877
POLOGNE, Gietrzwald
Justine Szafrynska
Je suis la très sainte Vierge Marie Immaculée.
1879
IRLANDE, Knock-Mhuire
Mary McLoughin, Mary Beirne, et une quinzaine de femmes
(pas de parole)
1917
PORTUGAL, Fatima
1932-1933
BELGIQUE, Beauraing
Fernande, Gilberte et Albert Voisin, Andrée et Gilberte Degeimbre
Je suis la Vierge immaculée. Je suis la Mère de Dieu, la Reine des Cieux.
1933
BELGIQUE, Banneux
Mariette Béco
Je suis la Vierge des Pauvres, la Mère du Sauveur, Mère de Dieu.
1945-1959
PAYS-BAS, Amsterdam
Ida Peerdeman
Je veux qu’on m’appelle La Dame de tous les peuples.
Dieu veut établir Lucia dos dans le monde la Santos, dévotion à mon Jacinta et Francesco Marto Cœur Immaculé.
collectif, voire universel. Comme dans le cas de Notre-Dame de Guadalupe, au Mexique, la mariophanie joue un rôle majeur dans l’élaboration d’une conscience nationale et revêt à tout le moins un caractère social, politique, si important qu’elle influe sur le cours de l’histoire. 35
D’autre part, la modernité se caractérise par la naissance du « sujet » individuel, aussi bien dans le domaine de la pensée, de l’art, que de la littérature. Certainement aussi, il en découle une nouvelle manière de vivre la relation à Dieu. On devient plus attentif à la vie intérieure. Sainte Thérèse d’Avila, dans son analyse exceptionnelle des différents degrés et formes d’oraison est un exemple remarquable de ce point de vue. Saint Ignace de Loyola également, avec les Exercices spirituels (Ignace fut d’ailleurs privilégié d’une apparition mariale qui oriente aujourd’hui encore la piété mariale de la Compagnie de Jésus, même si cette apparition n’a jamais fait l’objet de reconnaissance officielle). Dans son genre, Martin Luther est un témoin exemplaire de l’émergence de la conscience subjective et de l’autonomie de la raison. C’est dans un tel renouveau spirituel que le phénomène des apparitions va se produire. Comme une fenêtre ouverte sur le monde invisible au moment où le sujet moderne peut être tenté de s’enfermer sur luimême. Enfin, l’entrée dans l’époque de la Modernité coïncide avec l’invention de moyens plus performants pour rendre compte plus objectivement des apparitions. Ces moyens sont notamment la critique historique, la prudence de la raison, la distinction entre les faits historiques et les extrapolations, une plus ample connaissance de la psycho36
logie humaine et de sa complexité. Les critères de la vérité ne sont plus les mêmes qu’auparavant. Les exigences d’authenticité des apparitions deviennent aussi plus critiques et mesurables. Cependant, avant d’entamer notre panorama des principales apparitions reconnues par l’Église à partir du XVIe siècle, découvrons un aperçu des apparitions qui ont eu lieu jusqu’au moyen-âge.
Brève histoire des apparitions mariales avant la Modernité En occident, l’apparition mariale a un rapport essentiel avec le lieu. Très tôt, les apparitions sont associées à des demandes de construction de sanctuaires. À l’origine de la construction de la basilique Sainte-Marie-Majeure, par exemple, il y a le songe d’un couple qui reçut de la Vierge la demande que soit construite une chapelle. C’était au IVe siècle. La nuit de ce songe, il y eut une chute de neige miraculeuse sur les sept collines de Rome. Jusqu’au XIe siècle, les visions privées réservées au voyant semblent privilégiées par rapport aux apparitions à caractère « universel ». On observe une multiplication des apparitions mariales aux XIIe et XIIIe siècles, où elles sont globalement en lien avec la fondation de sanctuaires ou de monastères. Elles peuvent également être associées à des miracles de 37
guérison qui concernent toute une communauté. Ainsi, à Arras (nord de la France), au début du XIIe siècle, se produit une apparition de la Vierge accompagnée de guérisons collectives (voir encadré ci-contre). Les mariophanies sont alors le plus souvent liées à des guérisons physiques ou spirituelles, et accompagnées de phénomènes surnaturels. Le plus souvent aussi, les apparitions mariales du XIe au XVe siècles viennent confirmer un ordre religieux, ou fonder un lieu de pèlerinage. Ainsi, par exemple, la Vierge donne à saint Simon Stock le scapulaire de l’ordre du Carmel. Saint Dominique est privilégié d’apparitions mariales. On en trouve également parmi les franciscains, notamment Duns Scott, hérault de l’Immaculée Conception. Les révélations privées devenant innombrables, le cinquième concile de Latran ordonna, au début du XVIe siècle, des limitations dans la reconnaissance des faits, en réservant celle-ci au Saint-Siège. Lui seul désormais pouvait statuer du caractère surnaturel, authentique et divin des phénomènes rapportés. Le concile de Trente déchargea cette tâche sur l’évêque diocésain.
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Arras, 1105 : Notre Dame au cierge En 1105, la ville d’Arras est décimée par le redoutable « mal des ardents » (sorte de gangrène), quand la Vierge apparaît séparément à deux ménestrels : Itier et Pierre Norman se détestent et n’ont donc pas pu ensemble inventer le récit. Une chronique rédigée à peine vingt ans plus tard rapporte le récit : « … Lève-toi et pars pour la sainte Sion d’Arras, lieu sacré où tant de malades, au nombre de 144, endurent de mortelles souffrances. » La Vierge demande à Itier de rencontrer l’évêque d’Arras, Lambert, de lui conter la vision et de lui recommander « de veiller pendant la nuit de samedi à dimanche, et de visiter les malades qui se trouvent dans l’église. Au premier chant du coq, une femme vêtue comme je le suis maintenant, descendra du haut de l’église, tenant en main un cierge qu’elle vous remettra. Après l’avoir reçu et allumé, vous en ferez dégoutter la cire dans des vases pleins d’eau [une autre source parle de bénitiers] que vous donnerez à boire aux malades et que vous répandrez sur leurs plaies ; et ne doutez point que ceux qui recevront ce remède avec foi seront rendus à la santé ; ceux au contraire qui n’y croiront pas mourront de leur maladie ». Le samedi 27 mai, vers trois heures du matin, dans la voûte de la cathédrale, Itier, Norman et l’évêque, après avoir prié et jeûné, virent descendre la Vierge, resplendissante de lumière, tenant en main un cierge allumé, en disant : « Approchez, voici un cierge qui sera désormais le gage spécial de ma miséricorde et que je vous confie. » Tout ce que la Vierge avait demandé fut exécuté sur-lechamp et les 144 malades furent guéris.
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Notre-Dame de Guadalupe (1531) Particulièrement vénérée dans les foyers, fêtée le 12 décembre, la Virgen de Guadalupe est la patronne du Mexique. La basilique qui lui est dédiée draine plusieurs dizaines de million de pèlerins par an. Elle est le monument catholique le plus visité au monde après la Cité du Vatican. On y vénère le manteau de Juan Diego Cuauhtlatoazin où s’imprima une image de Marie. Celle-ci y est représentée enceinte, aussi est-elle invoquée par les mouvements qui encouragent la dignité de la vie et de la famille. C’est le texte de Nican Mopohua « Ici on raconte », rédigé par l’indien Antonio Valeriano, contemporain de l’événement, qui rappelle les faits des apparitions de 1531. Le 9 décembre 1531, au nord du Mexique, sur une colline de Tepeyac, une jeune dame « éblouissante de lumière » apparaît à un berger amérindien, Juan Diego Cuauhtlatoatzin, âgé de 57 ans, veuf, de condition modeste, et baptisé depuis onze ans. Tandis qu’il traverse la colline de Tepeyac pour se rendre à la messe, une dame l’appelle par son surnom : « Juantzin, Juan Diegotzin ! » S’approchant de lui, elle se présente : « Sois-en sûr, mon enfant le plus petit, je suis la Parfaite, toujours Vierge Sainte Marie, Mère du véritable Dieu pour qui nous existons, le créateur du monde, le Maître de la proxi40
mité et des environs, le maître du ciel et de la terre. » Elle le charge alors de demander à l’évêque la construction d’une chapelle sur le lieu de l’apparition. En ce lieu, elle fera connaître Dieu et réalisera, dit-elle, « ce que j’ai dans mon regard ». L’évêque à qui doit s’adresser Juan Diego se nomme Juan de Zumarraga, et se trouve chargé de l’immense tâche de l’évangélisation en terre non chrétienne. Ayant rencontré Diego, il se contente de le renvoyer gentiment. C’est alors que la Vierge apparaît à Juan Diego pour la seconde fois. Celui-ci lui raconte comment il n’a pas été cru, et demande à être déchargé de cette mission dont il n’est pas digne : il ne veut pas aller retrouver l’évêque. Marie, ayant écouté, le confirme au contraire dans sa mission et le renvoie à l’évêque. Obéissant, Diego va retrouver l’évêque qui, cette fois-ci, demande à recevoir un signe. La Vierge Marie apparaît alors une troisième fois à Diego et lui demande de revenir le lendemain pour recevoir le signe que désire l’évêque. Pourtant… le lendemain Juan Diego ne vient pas au rendez-vous. Son vieil oncle en effet est à l’article de la mort et, pour se rendre le plus rapidement possible sur les lieux, il contourne la colline de Tepeyac. Mais voilà que la Vierge le rejoint sur son propre chemin, et lui dit : « Que ton cœur ne soit pas troublé. N’aie pas peur de cette maladie ni d’aucune autre maladie ou angoisse. Ne suis-je pas là, moi qui suis ta Mère ?… » Et à l’instant, elle guérit son oncle en le privilégiant 41
« Celle qui écrase le serpent » Marie se nomme, en plein Mexique, la « Vierge de Guadalupe », vocable sous lequel on invoquait la Vierge Marie en Espagne depuis deux siècles. Mais ce nom était inconnu au Mexique, à l’époque des apparitions. Comme à Lourdes, on constate que Marie révèle un nom qui est inconnu des voyants mais connu des autorités auxquelles ils doivent en parler. Parmi les diverses explications données à ce vocable, il en est une particulièrement séduisante : une certaine croyance veut que Notre Dame employa le mot aztèque nahuatl coatlaxopeuh qui se prononce « quatlasupe » et ressemble manifestement au mot espagnol Guadalupe. Coa veut dire « serpent » et xopeuh veut dire « écraser ou piétiner ». Peut-être Notre Dame a-t-elle voulu se nommer « celle qui écrase le serpent ». À l’époque, les Aztèques offraient chaque année des milliers d’hommes, femmes et enfants en sacrifice à leurs dieux, notamment le dieu serpent Quetzalcoatl. En 1487, durant une longue cérémonie qui dura quatre jours lors de la consécration d’un nouveau temple à Tenochtitlan, quelque quatre vingt mille captifs furent tués en sacrifice humain. Une telle dénomination peut enfin être mise en relation avec la prophétie de la Genèse : elle annonce en effet, après la faute originelle, que le serpent sera écrasé par la race de la femme (cf. Gn 3, 15). La femme qui écrase le serpent, c’est bien Marie.
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également d’une apparition, se présentant de la même manière : « Je suis la Parfaite toujours Vierge Sainte Marie de Guadalupe. » La Vierge Marie demande ensuite à Juan de cueillir des fleurs au sommet aride de la colline. S’y rendant donc, Juan découvre avec stupéfaction la présence de roses de Castille, qui ne devraient pas fleurir en plein hiver. Ce miracle s’accompagne d’extraordinaires chants d’oiseaux. Il prend les fleurs dans son manteau qu’il plie comme un sac et fait reposer contre sa poitrine en en attachant les extrémités à son cou. Marie lui demande alors de s’en retourner vers l’évêque afin de lui montrer les fleurs, ce qu’il fait aussitôt. Arrivé en sa présence, Juan Diego défait son manteau devant le prélat et les autres personnes rassemblées qui, à l’instant, voient sous leurs yeux s’imprimer sur la tilma (le manteau) une image représentant la Vierge, revêtue d’un manteau de dorures. Le jour suivant le « miracle des roses », Juan Diego commença la construction de la chapelle, qu’il acheva en deux semaines. Ensuite, il vécut encore dix-sept années qu’il consacra au temple de Guadalupe, aux visiteurs, à la prière, au jeûne et à la pénitence. Mort le 30 mai 1548, âgé de 74 ans, il a été béatifié en 1990, puis canonisé en 2002 par Jean-Paul II. Près de cinq cents ans plus tard, on peut encore admirer la tilma miraculeuse au sanctuaire de Gua43
dalupe. L’image reste fraîche et ses couleurs éclatantes car elle a été repeinte à maintes reprises. On se trouve cependant devant un phénomène déconcertant : le pigment original de l’image n’est d’origine ni végétale, ni animale, ni minérale, ni synthétique. On n’y discerne pas de coup de pinceau, pas plus que des traces d’ébauches préalables. Les techniques de la photographie infrarouge ne parviennent pas à expliquer son origine. De plus, cette représentation de Marie n’a pas le moindre antécédent dans l’iconographie aztèque. Au début du XXe siècle, des études photographiques ont permis de découvrir un détail troublant : l’image claire d’un homme barbu dans l’oeil droit de la Vierge : Juan Diego lui-même regardé par Marie. En 1979, de nouvelles formes sont découvertes : on pourrait voir dans le reflet des yeux de la Vierge la scène entière du miracle de la tilma, avec un Indien, l’évêque Zumarraga, Juan Diego, son traducteur et une famille, dont un bébé porté sur le dos d’une femme. Cette perception, fondée sur des études scientifiques sérieuse, peut certes être expliquée par la pareidolie, qui désigne la faculté à distinguer des figures déterminées dans les formes dues en fait au hasard. Il convient aussi de noter que le Mexique est une terre de superstition : on y compte en effet plus de trois cents apparitions mariales par an. L’apparition mariale de Tepeyac, reconnue par l’Église, peut être enfin être comprise 44
comme une tentative de récupération chrétienne d’un site païen. En effet, l’apparition eut lieu à un endroit où était jadis construite une pyramide dédiée à une divinité aztèque, la déesse mère Tonanzin. Elle ne ressemble pas vraiment à une belle dame, mais est plutôt associée à des formes Guadalupe (1532) animales, représentée par exemple par un crapaud avalant un couteau sacrificiel. Le croyant peut cependant percevoir dans ces reflets un message de Marie annonçant la réalisation de ce qu’elle avait « dans son regard », comme elle l’avait dit à Juan Diego lors de sa première apparition. La présence d’une famille dans le regard de la Vierge enceinte a conduit le sanctuaire à devenir un lieu de défense des droits de la vie et de la famille. Les enquêtes canoniques concernant l’apparition commencèrent en 1665 pour se conclure en 1754 lorsque le pape Benoît XIV, si rigoureux 45
en matière d’apparitions mariales, déclara le « constat de surnaturalité » de l’apparition mariale, en ajoutant que « Dieu n’a rien fait de tel pour aucune autre nation ».
Notre-Dame de Coromoto (1652) Le sanctuaire marial le plus célèbre du Venezuela est dédié à Notre-Dame de Coromoto. Dans cette région habitait au XVIIe siècle une tribu d’Indiens Cospes peu enclins à embrasser la foi chrétienne. Aussi les membres de la tribu allèrent s’établir en montagne, au nord de Guanaré, pour échapper aux missionnaires et colons espagnols. Mais voici qu’en 1651, le chef de la tribu bénéficia de plusieurs apparitions de la Vierge qui l’invitait ardemment à se convertir. Dans l’apparition, la Vierge marchait sur les eaux en portant dans ses bras l’Enfant-Jésus. Et le 8 septembre de l’année suivante, tandis qu’il se trouvait avec son épouse et son fils, tous virent la même apparition mariale. Mais le chef de la tribu se précipita sur l’apparition pour lui décocher une flèche. À ce moment, l’apparition disparut et le chef indien se retrouva à serrer dans ses mains une image de la Vierge. Toute la tribu se convertit et reçut le baptême, à l’exception du chef qui repartit seul. On peut, aujourd’hui encore, contempler cette image de la Vierge qui de46
meure dans l’église de Guanaré, et est invoquée sous le nom de Notre-Dame de Coromoto. Le 1er mars 1942, l’épiscopat vénézuélien proclame la Vierge de Coromoto patronne du Vénézuela. En 1944, le pape Pie XII confirme ce titre officiellement, et érige le sanctuaire local en basilique. Enfin, pour le 300e anniversaire de l’apparition, en 1951, sa statue fut couronnée.
Notre-Dame-du-Laus (1664) Dans le diocèse d’Embrun, en France, au mois de mai 1664, la jeune bergère Benoîte Rencurel commence à recevoir des apparitions qui vont s’échelonner sur une quarantaine d’années. Elle n’a alors que 16 ans. Dans une petite grotte élevée, elle voit « une belle dame au visage resplendissant, tenant un enfant par la main et portant une couronne ». À partir de ce jour, Benoîte verra cette apparition tous les jours pendant trois mois. Sur la demande du juge de la vallée d’Avançon, Benoîte interroge la vision afin qu’elle décline son identité. Fin août, la dame se dit être « Dame Marie ». Et le 29 septembre, elle dit à Benoîte que dorénavant elle apparaîtra dans le hameau du Laus, à la chapelle, et celle-ci « sentira bon ». Le 30 septembre, guidée par les bonnes odeurs, Benoîte découvre la 47
chapelle (qu’elle ne connaissait pas d’auparavant). Là, la Vierge lui apparaît en effet, et demande que soit construite une église en l’honneur de son Fils et d’elle-même, car beaucoup de gens viendront en ce lieu et se convertiront. Faire construire une église dans un endroit si pauvre et si reculé paraît chose impossible. Aux apparitions se greffent beaucoup d’autres phénomènes particuliers tels que communions eucharistiques miraculeuses, extases, fragrances… Benoîte communie également dans son corps à la Passion du Christ tous les vendredis. À partir de l’année suivante, les pèlerins venant en grand nombre sur les lieux de l’apparition, on constate des dizaines de guérisons miraculeuses à partir de l’huile de la lampe du sanctuaire que les personnes malades s’appliquent sur le corps. L’année suivante, Benoîte Rencurel prend l’habit de l’ordre tertiaire dominicain. Elle meurt au Laus le 28 décembre 1718. En décembre 1671, Mgr Charles de Gen-
Le Laus (1664)
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lis, évêque du lieu, accompagné de divers consultants, interroge Benoîte. Tous assistent à ses extases. Un miracle de guérison est également attesté. La commission d’enquête est donc favorable, mais il faudra attendre le XXIe siècle pour que la procédure de reconnaissance des faits soit achevée. En effet, le 8 septembre 2007, Mgr Di Falco, évêque de Gap, a annoncé qu’il publierait le 1er mai 2008, date anniversaire de la première apparition, un décret de reconnaissance officielle du caractère surnaturel des apparitions.
La rue du Bac (1830) Les apparitions qui se sont déroulées à la rue du Bac n’ont bénéficié d’une reconnaissance d’authenticité par les autorités ecclésiastiques que par la diffusion de la médaille miraculeuse et la conversion d’un intellectuel juif, Alphonse Ratisbonne, qui rendirent célèbres les événements. De nos jours, des centaines de pèlerins viennent se recueillir chaque jour dans la chapelle des apparitions, au centre du quartier « Rive gauche » de Paris. Ce fait nous montre qu’il n’y a à peu près rien de systématique dans la manière dont telle ou telle apparition va être reconnue, ou seulement autorisée de culte. Nous traitons ici de cette apparition en raison de la sainteté avérée de la voyante, de la reconnaissance offi49
cielle de la « médaille miraculeuse » qui a été frappée suite à l’apparition, et du lieu de l’apparition qui est largement officialisé dans l’Église. L’histoire se passe dans la maison des sœurs de saint Vincent de Paul, 140 rue du Bac à Paris. Dans la nuit du 18 au 19 juillet 1830, Catherine Labouré, novice de 23 ans chez les Filles de la Charité, est réveillée par un petit enfant qui l’invite à se rendre à la chapelle. Elle comprendra ensuite qu’il s’agissait de son ange gardien. La veille au soir, à l’occasion des vigiles de la fête de saint Vincent de Paul, fondateur des Filles de la charité, sœur Marthe avait parlé de la piété mariale de Monsieur Vincent. Catherine s’était couchée avec la bonne pensée qu’elle verrait sa « Bonne Mère » cette nuit là. En effet, orpheline de sa mère depuis son jeune âge, elle avait porté son affection sur la Sainte Vierge et reconnu en elle sa véritable Mère. Elle avait aussi depuis lors un très ardent désir de voir la Sainte Vierge et avait souvent prié son ange gardien de lui obtenir cette faveur. Aussitôt elle s’habille et le suit : « Je l’ai suivi, toujours sur ma gauche, dit-elle, portant des rayons de clarté partout où il passait. Les lumières étaient allumées partout où nous passions, ce qui m’étonnait beaucoup. » Ils arrivent à la chapelle. « Enfin, l’heure est arrivée, l’enfant me prévient. Il me dit : voici la Sainte Vierge, la voici. J’entends comme un bruit… comme un frou-frou d’une robe de soie […]. Alors, regardant la Sainte Vierge, je n’ai fait qu’un saut au50
près d’elle, à genoux sur les marches de l’autel, les mains appuyées sur les genoux de la Sainte Vierge ». Le message marial s’accompagne d’un contenu prophétique qui annonce des malheurs, mais exhorte en même temps à la confiance : « Ne craignez pas », « Ayez confiance », « On croira tout perdu. Là, je serai avec vous ». La Vierge prédit de grands malheurs pour la France, « les rues seront pleines de sang ». Dix jours plus tard, effectivement, la révolution de 1830 éclate à Paris : l’étendard à fleur de lys est remplacé par le drapeau tricolore, et le 31 juillet, le roi de France, Charles X, est déchu. Il s’est avéré que les Filles de la charité ont été protégées durant l’émeute. Quatre mois plus tard, le 27 novembre, Notre Dame visite à nouveau Catherine Labouré en lui donnant la consigne de faire frapper une médaille dont elle voit alors les deux faces. La Vierge lui apparaît avec des rayons lumineux jaillissant de ses mains étendues, pour signifier les nombreuses grâces qu’elle dispense avec générosité et joie à qui recourt à elle. Elle est debout sur un globe terrestre, écrasant la tête du serpent de son pied, et elle est entourée d’un ovale au-dessus duquel s’inscrit la prière bien connue aujourd’hui : « Ô Marie conçue sans péché, priez pour nous qui avons recours à vous. » Ensuite apparaît le revers de ce qui deviendra la « médaille miraculeuse », où se dessine un M surmonté d’une croix, et deux cœurs, l’un couronné d’épines, l’autre transpercé par un glaive. 51
Les deux cœurs, du Christ et de Marie, sont à égalité, de même que le M signifiant Marie et la croix évoquant le Christ sont imbriqués, pour manifester qu’ils sont parfaitement unis dans l’œuvre de notre rédemption, chacun selon sa nature. La médaille n’est pas tout de suite frappée, le confesseur de Catherine est réticent. Mais face à l’épidémie de choléra qui abat des milliers de parisiens, le confesseur finit par se laisser convaincre et à son tour convainc l’évêque de faire frapper la médaille, ce qui fut fait en 1832. Et c’est alors une série impressionnante de miracles de guérisons. C’est ce lot de guérisons qui valut d’abord à la médaille d’être qualifiée de miraculeuse. Depuis qu’elle a été frappée en 1832, la médaille a honoré la promesse qui lui était rattachée : « Ceux qui porteront cette médaille avec confiance recevront beaucoup de grâce ». Catherine vécut encore jusqu’à 60 ans, continuant de mener une vie pauvre et discrète parmi les sœurs La rue du Bac de saint Vincent de (1830) 52
Paul. Elle a été canonisée en 1947. Dans la chapelle de la rue du Bac, on peut encore observer son corps, qui n’a pas été atteint par la corruption. L’Archevêque de Paris, Mgr de Quelen, s’est focalisé sur la valeur de la médaille miraculeuse. Il en a déduit la réalité des apparitions. Ce ne sont donc pas les apparitions en tant que telles qui ont fait l’objet des enquêtes canoniques, mais leurs effets. En 1846, à la suite de la conversion retentissante du juif Alphonse Ratisbonne, le pape Grégoire XVI confirmait les conclusions de l’Archevêque de Paris.
La Salette (1846) Le 19 septembre 1846, deux enfants, Maximin Giraud (11 ans) et Mélanie Calvet (15 ans), bergers de pauvre condition, ont une apparition de la Vierge à la Salette, située dans le département de l’Isère en France, dans une montagne très en hauteur, proche du village. Il n’y en aura qu’une. Tandis qu’ils font paître le troupeau d’un propriétaire auquel ils se sont loués, Maximin et Mélanie s’assoupissent dans la montagne, après un maigre repas. Mais quand ils s’éveillent, ils constatent que le troupeau a disparu. S’étant mis à la recherche du troupeau perdu, ils le trouvent finalement un peu plus loin et le recon53
duisent là où ils avaient laissé leur besace. Mais alors, ils voient une « belle dame assise dans la lumière ». Elle est resplendissante de lumière, mais elle pleure. Ses larmes toutefois disparaissent avant de toucher terre. Lorsque les deux bergers approchent, la dame se lève et leur dit de ne pas avoir peur. Vêtue à la mode régionale, elle s’exprime en français mais parle des calamités futures en patois : les noix, les raisins et les pommes de terre pourriront et la famine emportera les enfants. Mais si les hommes se convertissent, les rochers se convertiront en monts de blé… Cet appel à la conversion n’empêcha pas la disette de frapper la France, l’Allemagne et les Flandres entre 1846 et 1847. L’apparition chargea les enfants de transmettre un long message « à tout son peuple ». Elle était triste et pleurait, en parlant de l’impiété des chrétiens, menacés à cause de cela de châtiments épouvantables. En même temps, elle promit que s’ils s’amendaient, Dieu leur ferait miséricorde. Ensuite, chaLa Salette cun des deux enfants (1846) 54
reçut un secret. Puis, se déplaçant vers l’endroit où s’était égaré le troupeau, elle s’éleva et s’effaça lentement dans une grande clarté. Le secret de Maximin n’a pas été publié, seul l’a connu le pape Pie IX de la bouche même de Maximin. Quant à Mélanie, elle décrivit elle-même l’ensemble de l’apparition, bien plus tard, dans une brochure, en 1879. Certains considèrent qu’il faut distinguer l’innocente Mélanie du temps des apparitions et celle qui écrit, étant déjà plus âgée, et dès lors aussi imprégnée de lectures apocalyptiques. De plus, on relève souvent que les deux voyants ont mené une vie malheureuse et errante par la suite, même s’ils sont morts dans la paix. Sur cinq ans d’enquête, Maximin et Mélanie ne varieront pas d’un mot dans leur témoignage. La Commission nommée par Mgr Philibert de Bruillard, évêque de Grenoble, statua l’authenticité de l’apparition, mais ce ne fut pas sans de très grandes oppositions. Le célèbre saint curé d’Ars, lui-même, douta de l’apparition, après avoir rencontré et parlé avec Maximin. Trois ans avant sa mort cependant, il reçut soudain la certitude paisible que l’apparition de la Salette était authentique.
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Lourdes (1858) Le cas des apparitions à Lourdes est sans doute celui qui a été le plus étudié dans l’histoire des apparitions. Lourdes est une petite ville. Bernadette, la voyante, alors âgée de 14 ans, appartient à l’une des familles les plus pauvres du bourg, tous habitant une seule pièce, une ancienne prison. Bernadette n’avait pas même l’instruction religieuse élémentaire. Le 11 février 1858, elle s’en va chercher du bois avec sa petite sœur et une amie. Arrivée au lieu dit Massabielle, qui borde le gave de Lourdes, elle se déchausse pour traverser le torrent et atteindre une grotte où elles allaient faire le ramassage. Bernadette entendit soudain « un bruit comme un coup de vent ». Le bruit se produisit une seconde fois. Bernadette tourne alors la tête et voit de l’autre côté du gave, au-dessus de la grotte, une lueur douce à l’intérieur de laquelle apparaît une « jeune demoiselle », très belle et souriante. Bernadette, pleine de bon sens, croit être victime d’hallucination et se frotte les yeux à plusieurs reprises, sans que rien n’y fasse : l’apparition demeure. La demoiselle fait le signe de croix et prend un chapelet. Bernadette en fait autant, et commençe à prier le chapelet. La demoiselle égrenait le chapelet mais sans le dire. La prière achevée, elle disparaît. Ses deux compagnes n’ont rien vu. Bernadette aura encore dix-sept apparitions de la Vierge, allant de février 56
au mois de juillet, au même endroit. Chaque apparition commence par la récitation du chapelet. Ensuite, Bernadette entre en extase. Ses yeux restent fixés, grands ouverts, dans la direction de l’apparition. Son visage est blême, mais elle est souriante. Des observateurs bien ou mal intentionnés ont voulu vérifier le phénomène, et l’ont piquée ou brûlée avec un cierge pour savoir si elle allait avoir une réaction physique. Mais non, elle ne réagissait absolument pas, son corps restait rigide et insensible à la douleur, et sa respiration calme, normale. Ce n’est qu’à la troisième apparition qu’un dialogue commence. Bernadette est venue avec un papier et une plume et demande à la demoiselle : « Voulez-vous avoir la bonté de mettre votre nom par écrit ? » Après un léger rire amusé, l’apparition dit d’une voix « fine et douce » : « Ce n’est pas nécessaire. Voulez-vous me faire la grâce de venir ici pendant quinze jours ? » Alors, à la promesse de Bernadette de venir quinze jours si ses parents le lui autorisent, Marie répond par une autre promesse : « Je vous promets de vous rendre heureuse, pas dans ce monde mais dans l’autre. » L’accent de cette formulation est rigoureusement positif. Contrairement à la formulation qui a été habituellement retenue, Marie fait une promesse, celle de rendre Bernadette heureuse. Quand Bernadette décrit l’apparition, elle ne sait comment l’appeler, aussi se contente-t-elle de la désigner par le terme « Aquero » (« cela »). 57
Le commissaire de la ville finit pas interroger longuement Bernadette. Elle décrit qu’elle voit une petite fille, vêtue d’« une robe blanche serrée par un ruban bleu, un voile blanc sur la tête et une rose jaune sur chaque pied… un chapelet à la main ». Dans la huitième apparition, Aquero a un visage triste, et elle dit : « Pénitence ! Pénitence ! Pénitence ! » Elle demande ensuite à Bernadette de baiser la terre en pénitence pour les pécheurs, « si cela ne vous ennuie pas », ajoute-t-elle avec délicatesse. Bernadette accepte. Le lendemain, Aquero demande à Bernadette d’aller boire l’eau à une fontaine qu’elle indique, de s’y laver, et de manger l’herbe qui s’y trouve. Bernadette obéit simplement. La « fontaine » n’est rien d’autre que de l’eau boueuse, qu’elle essaie, non sans difficulté, d’avaler. Elle en a le visage tout barbouillé. Que veut donc cette demoiselle ? Tous les assistants (nombreux, puisque le phénomène des apparitions à Lourdes s’est déjà largement ébruité) sont choqués. En fait, cette eau boueuse cachait une source qui est alors découverte, et qui depuis lors attire en foules innombrables pèlerins et malades qui y trouvent parfois une guérison soudaine. Plus tard dans la journée, le procureur impérial la menace en lui demandant de ne plus retourner à cette grotte. Bernadette, qui n’est pas seulement pleine de bon sens mais aussi de caractère, retourne le lendemain à la grotte. Mais rien ne se passe. Il y aura encore trois apparitions au cours des58
quelles elle répétera le même geste de pénitence, sans qu’aucun autre message ne soit donné. Enfin, le 2 mars, à la treizième apparition, Aquero parle : « Allez dire aux prêtres qu’on vienne ici en procession et qu’on y bâtisse une chapelle. » Ayant transmis ces paroles à son confesseur, celui-ci veut d’abord connaître le nom de la demoiselle, et demande pour preuve que l’églantier qui se trouvait accroché à la grotte fleurisse. Bernadette transmet à l’apparition ces deux demandes, mais Aquero ne répond que d’un sourire. Trois semaines passent sans aucune apparition. Le 25 mars, en la fête de l’Annonciation, Bernadette reçoit à nouveau une apparition, et réitère les deux demandes. « Que soy era Immaculada Councepciou », répond enfin la Vierge Marie, dans le patois de Bernadette. « Je suis l’Immaculée Conception ». L’apparition disparaît, et Bernadette s’encourt aussitôt trouver le curé, répétant tout au long du chemin les paroles de la Vierge, de peur de les oublier, car elle ne connaît pas ces mots. Le curé entend. « Que soy era Immaculada Councepciou. » Quatre ans plus tôt, le dogme de l’Immaculée Conception de la Vierge Marie Mère de Dieu avait été proclamé, le 8 décembre 1854. Le prêtre fut convaincu de l’ignorance de Bernadette, et du vrai nom qu’elle rapportait de l’apparition. Puis, de nouveau il n’y eut plus d’apparition pendant un certain temps. Le 16 juillet cependant, en présence de quelque mille 59
personnes, eut lieu la dernière et dix-huitième apparition. Une apparition silencieuse, avant sa disparition définitive. L’apparition ayant demandé la construction d’une chapelle, celle-ci fut construite. Très vite, c’est un énorme sanctuaire qui est bâti : il accueille chaque année un million de pèlerins qui viennent à Lourdes demander l’intercession de l’Immaculée Conception. Le 28 juillet 1858, Mgr de Laurence, évêque de Tarbes, mit en place une commission d’enquête avec la recommandation d’étudier les faits dans le calme et avec circonspection. Bernadette fut longuement et plusieurs fois interrogée sans que jamais l’on constate quoique ce soit d’incohérent dans son récit. Et le 18 janvier 1862, Mgr Laurence publia un mandement disant : « Nous jugeons que l’Immaculée Marie, Mère de Dieu, a réellement apparu à Bernadette Soubirous le 11 février 1858 et suivants, au nombre de 18 fois dans la grotte de Massabielle près de la ville de Lourdes. Que cette apparition revêt tous les caractères de la vérité et que les fidèles sont fondés à la croire certaine. »
BERNADETTE A VU, MAIS ELLE A DÛ CROIRE ! Bernadette entra au couvent des Sœurs de la Charité de Nevers, et y mourut en 1879. Elle fut canonisée en 1933, non parce qu’elle avait vu la Vierge, mais en raison de la sainteté de sa vie. Son corps a été 60
« Je suis l’Immaculée Conception » Tandis qu’elle apparaît dans l’anfractuosité d’une grotte et à côté d’une source, éléments naturels qui peuvent recevoir un sens symbolique, Marie se révèle par une expression inconnue de Bernadette. En se nommant « l’Immaculée Conception », la Vierge dévoile son identité avec les mots dont le Magistère de l’Église avait usé pour définir solennellement son Immaculée Conception quatre ans plus tôt (1854). Pourtant, elle dit infiniment plus. C’est à la fois une révélation inouïe sur la Vierge, et une explicitation de ce qui est déjà révélé mais peut-être encore implicite dans le dogme de son Immaculée Conception. Non seulement sa conception a été immaculée, comme l’affirme le dogme, mais elle est en personne l’Immaculée Conception. Il y a là plus qu’une question de privilège spécial qui serait accordé gratuitement à la Mère de Dieu. Être, pour Marie signifie être l’Immaculée Conception. Or, cela nous concerne aussi. Marie est la mère du Sauveur et aussi la mère de tous les sauvés — tous les hommes, en espérance — en étant l’Immaculée Conception. En effet, l’Immaculée Conception nous renvoie à ce que nous ne sommes plus, en raison de nos péchés, mais c’est aussi ce que nous sommes appelés à devenir par la grâce. Dès lors, en se déclarant être l’Immaculée Conception, Marie se révèle comme la destinée de l’humanité. Tout autant, elle est elle-même à la racine du salut des hommes : première des sauvés, c’est elle qui inaugure le chemin de la communion avec Dieu.
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conservé sous verre, et on peut encore l’observer aujourd’hui, apparemment intact. La vie de Bernadette fut véritablement un chemin de croix, dans sa chair et dans son âme. Elle écrivit : « J’ai servi de manche à balai pour la Sainte Vierge ; lorsqu’elle n’a plus eu besoin de moi, elle Lourdes (1858) m’a remise à ma place qui est derrière la porte ». Au couvent, sa santé physique s’aggrave, et sa foi sombre dans l’obscurité, tout en demeurant le feu de son cœur. Avoir eu un jour des apparitions n’a pas empêché que Bernadette vive la nuit de la foi. C’est parce qu’elle a su demeurer dans l’action de grâce malgré le lot d’humiliations qui fut le sien et la déréliction dans laquelle s’acheva sa vie, qu’elle a été canonisée. De nombreuses guérisons ont été jugées miraculeuses, qui se sont produites à la source que la Vierge a fait découvrir par Bernadette.
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Pontmain (1871) Hiver 1871. La guerre entre la France et la Prusse fait rage. Dans le diocèse de Laval, l’armée allemande s’approche du village de Pontmain. À cette menace s’ajoute une épidémie de typhoïdes et de varioles qui sévit dans cette région des Pays de Loire. C’est dans un tel contexte de peur et de désolation que, le 17 janvier au soir, la Vierge apparaît, sans parler mais en laissant un message très précis. Les voyants sont sept enfants. Ils ont entre 25 mois et 12 ans : Eugène Barbedette (12 ans), Joseph Barbedette (10 ans), François Richer (11 ans), Jeanne-Marie Lebossé (9 ans), Eugène Friteau (7 ans), Auguste Avice (5 ans) et Augustine Boittin (25 mois). Ce sont les deux frères Barbedette qui, les premiers, aperçoivent une dame dans le ciel étoilé, du côté de la constellation de la Grande Ourse. Aussitôt ils en informent leur mère qui, ne distinguant rien, fait venir une religieuse. Mais celle-ci n’y voyant pas davantage, fait à son tour venir les enfants de l’école, dont certains, effectivement, constatent l’apparition. Le curé, l’abbé Guérin, vient à son tour mais ne voit rien. L’apparition fut décrite ainsi : un grand ovale bleu entourait la dame, habillée de bleu foncé avec des étoiles d’or sur sa robe, une couronne d’or avec un liseré rouge sur la tête et une croix rouge apparaissant ensuite sur son cœur. Quatre bougies 63
éteintes sont accrochées à l’ovale bleu, deux à hauteur des épaules, deux à hauteur des genoux. La dame est souriante. Cependant, tandis que certains enfants voient et peuvent décrire l’apparition, les autres se moquent et il s’installe une curieuse atmosphère de plaisanterie parmi eux. Soudain, Eugène dit : « La voilà tombée en tristesse. » C’est alors que le curé décide de réciter le chapelet. À mesure qu’il le récite, la Dame et l’ovale qui l’entoure grandissent et des étoiles viennent se grouper sous ses pieds, en dessous de l’ovale. On en compta une quarantaine à la fin du chapelet. Apparaît ensuite une banderole blanche avec un texte lettré d’or, tandis que la foule prie le Magnificat. Mais celui-ci est plusieurs fois interrompu par des interventions bruyantes de la foule. Tandis qu’était apparu le début du texte « Mais… », un charretier revient au village et avertit : « Vous n’avez qu’à prier. Les Prussiens sont à Laval. » Alors le texte achève de s’écrire et on peut lire : « Mais priez, mes enfants. » La foule se met à prier de plus belle, en enchaînant les chants à Marie. Un nouveau message s’inscrit lettre par lettre tandis que la foule chante les litanies de la sainte Vierge : « Dieu vous exaucera en peu de temps. » Ce message de paix fait rayonner de joie les assistants qui entonnent un nouveau cantique. Les voyants lisent ensuite : « Mon Fils… » La Vierge sourie sans cesse, et la foule se met à chanter le Salve Regina. Le reste de la phrase s’inscrit alors : « Mon Fils 64
se laisse toucher. » Cette dernière phrase est soulignée d’un trait d’or. Tout à coup, à la fin du cantique, la banderole disparaît. Le curé fait encore chanter un cantique traditionnel : « Mon doux Jésus, enfin voici le temps de pardonner à nos cœurs pénitents ». Alors la Sainte Vierge devient profondément triste, d’une manière qui se reflète sur le visage des voyants. Une croix rouge vif apparaît devant de la Vierge, avec le Christ ensanglanté, et, au-dessus, une traverse blanche où il est écrit : « Jésus Christ ». Une étoile située au-dessus de l’apparition entre dans l’ovale et allume successivement les quatre bougies, avant de se replacer au-dessus de la tête de Marie. Celle-ci, qui avait jusqu’alors toujours regardé la foule, saisit le crucifix et baisse son regard jusqu’au Christ. Elle prie avec les enfants, intensément, demandant elle-même pardon pour les pécheurs. Après cela, le curé fait chanter l’Ave Maria Stella. Aussitôt, le crucifix rouge disparaît. La Dame baisse les mains et à l’instant paraissent deux croix blanches, chacune jonchée sur ses deux épaules. Puis le curé commence la prière du soir. C’est alors que les enfants perçoivent comme un voile blanc se dérouler du bas vers le haut, s’arrêtant au niveau de la taille, puis au niveau du cou, jusqu’à cacher entièrement l’apparition au moment où s’achève la prière. Ainsi finit également l’apparition, chacun s’en retournant chez soi le cœur ardent. 65
Ayant interrogé tour à tour les enfants qui avaient vu, l’évêque conclut : « Rien de plus calme, rien de plus modeste, rien de plus net et de plus ferme que leurs déclarations successives ». Après avoir mené à terme toute l’enquête, l’évêque publie le 2 février 1872 : « L’Immaculée Vierge Marie, Mère de Dieu, a véritablement apparu le 17 janvier 1871 à Eugène Barbedette, Joseph Barbedette, Françoise Richer et Jeanne-Marie Lebossé, dans le hameau de Pontmain. » Si on ne mentionne pas l’enfant de 2 ans, c’est parce que son témoignage n’a pas de valeur juridique. Il est vrai que Jeanne-Marie Lebossé s’est ensuite rétractée, s’étant accusée en confession de n’avoir pas vu l’apparition. Mais il faut noter trois choses : ce qui est dit dans le fors interne ne devrait pas être divulgué publiquement. Ensuite, il peut arriver qu’une personne qui a réellement eu une vision soit ensuite atteinte de scrupule, parce qu’elle n’avait plus un net souvenir du phénomène. Enfin, même si sa rétractation restaure la Pontmain vérité en ce qui la (1871) 66
Marie, maîtresse de prière L’apparition de Pontmain est une révélation de la maternité spirituelle de la Vierge Marie : elle éduque ses enfants à la prière, les conduit à son Fils et ainsi à Dieu. Cette catéchèse mariale est accompagnée et comme conditionnée par la liturgie du peuple de Dieu rassemblé autour de son pasteur. Ici en effet, le curé guide la prière. Il s’agit principalement de chants liturgiques composés en l’honneur de la Vierge. Les chants invitent à intérioriser le contenu de la foi et à professer celle-ci dans la louange. L’orientation liturgique est indiquée par l’apparition elle-même, à travers les bougies qui brillent dans la nuit étoilée : le cosmos entier est convoqué à la prière. À Pontmain, l’apparition est silencieuse : c’est le peuple des fidèles qui entre dans la communion à cette apparition en chantant et en priant. Les trois phrases écrites dans le ciel sont successivement une demande, une promesse et une confirmation. La demande est un appel insistant à la prière. Et effectivement, on prie beaucoup en cette apparition : et de manière simple. La prière revêt ici diverses formes. Il y a le chapelet, prière de tous les pauvres, pour tous les combats, couronne de Marie. Mais il y a aussi les chants, plus complexes dans leurs formules, qui contiennent eux-mêmes des louanges et des supplications. Les louanges sont verbales mais aussi musicales et corporelles. Les demandes s’adressent à la Vierge mais aussi au Christ pour lui demander par-
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don et témoigner d’une confiance en celle qui nous a enfanté à la vie de Dieu, en engendrant le Fils de Dieu selon l’humanité : « Mon fils se laisse toucher », est-il écrit autour de Marie. À Pontmain, on peut découvrir que prier, c’est être fils et fille devant Dieu. Marie nous éduque à cette réalité, en étant si bien notre Mère que par elle, avec elle, en elle et pour elle, nous nous laissons plus facilement devenir des enfants.
concerne, il a été plus tard confirmé que cette rétractation ne concernait qu’elle sans aucune concertation avec les autres témoins. L’apparition a été à nouveau déclarée authentique par le successeur épiscopal. Deux des voyants sont devenus prêtres diocésains.
Gietrzwald (1877) Les apparitions de Gietrzwald ont eu lieu en plein contexte d’anticatholicisme sous l’empire prussien de Bismark. Le 27 juin 1877, en Pologne, alors terre du Reich, dans le diocèse d’Ermland, Justine Szafrynska, âgée de 13 ans retourne chez elle, accompagnée de sa mère. Tandis que sonne l’Angelus, elle aperçoit une lumière blanche qui 68
jaillit d’un érable à cent mètres d’elle. Puis, dans la lumière, elle distingue une silhouette humaine. Prise de peur, elle court rattraper sa mère qui avait continué son chemin en récitant la prière de l’Angelus, et lui raconte ce qu’elle a vu. La mère et Justine, accompagnées du curé, se rendent sur place. Justine continue à voir l’apparition sans que ni sa mère ni le curé ne la voient. Elle la décrit ainsi : « Il y a une belle dame, elle a de longs cheveux très beaux qui lui retombent sur les épaules, elle est assise sur un trône d’or. » Le lendemain, récitant le rosaire avec des compagnes, Justine voit de nouveau l’apparition au même endroit. Une de ses compagnes dit également voir l’apparition. Cette fois, la belle dame porte dans ses bras l’EnfantJésus. Ce n’est qu’à la troisième apparition que la Dame lui parle, le 30 juin 1877 : « Je désire que vous récitiez le rosaire tous les jours. » Le lendemain, lors de la quatrième apparition, elle révèle son nom : « Je suis la très sainte Vierge Marie Immaculée. » Le 6 juillet, de nombreux malades affluant sur les lieux, la Dame demande que l’on dépose sous l’arbre une statue de l’Immaculée Conception, ainsi que des tissus à donner ensuite aux malades. Plusieurs guérisons ont ainsi été attestées. Il y aura cent soixante apparitions, s’étendant jusqu’au 16 septembre 1877, durant lesquelles les voyantes posent des questions à la Vierge concer69
nant le sort de tel évêque emprisonné, ou tel prêtre, la répression religieuse étant très sévère en cette période. La Vierge répond généralement, mais parfois disparaît sans répondre. Les apparitions sont également accompagnées de messages sur la prière et la pénitence. Lors de la dernière apparition, Gietrzwald (1877) la Vierge Marie bénit la foule de quinze mille personnes qui s’étaient rassemblées et livre un dernier message : « Dites toujours le rosaire ». Une source est également découverte à cet endroit. Hormis le grand nombre d’apparitions, les autres détails correspondent aux « normes » habituelles d’une apparition mariale : le contenu substantiel du message, la découverte d’une source, la sobriété de la figure de Marie, l’indice de la lumière, le nombre minime de voyants (une voyante principalement), le lieu reculé et unique de l’apparition. Au terme d’une enquête ouverte le 6 août 1877 par l’évêque de Warmia, tandis que les événe70
ments ont encore cours, la bonne santé physique et mentale de Justine est avérée. Mais, probablement à cause de la situation politique et religieuse de l’époque, il faut attendre un siècle (1977) pour que soit reconnue solennellement l’apparition par l’évêque de Warmia, Mgr Julian Wojtowski. Un sanctuaire à Notre-Dame du Très-Saint-Rosaire y a été édifié.
Knock Mhuire (1879) À la fin du XIXe siècle, l’Irlande, entièrement sous domination britannique, connaît une sévère famine qui provoque un grand mouvement d’émigration. C’est au cours d’une soirée pluvieuse, le jour de la fête de Marie-Reine, le 21 août 1879, qu’eut lieu l’apparition. Tandis qu’elle revenait chez elle, Marguerite Byrne, âgée de 15 ans, vit sur le mur de l’église une lumière insolite, mais n’y prêta pas davantage attention. Peu après, c’est une femme de 26 ans, Mary Mc Loughlin qui, passant par là, vit trois personnages lumineux sur ce même mur de l’église. Elle crut qu’il s’agissait de statues, mais alla tout de même chercher le curé de la paroisse qui n’accorda aucune importance à son récit. Pourtant, une vingtaine de personnes vont bientôt affirmer avoir contemplé cette scène. Une commission d’enquête est alors lancée et quinze des voyants sont questionnés. 71
Retenons le témoignage le plus détaillé, celui d’un garçon de 14 ans, Patrick Hill : « Nous vîmes les figures devant le mur : la Sainte Vierge, saint Joseph, saint Jean, et un autel, avec un agneau sur l’autel et une croix derrière l’agneau. […] Je contemplai directement la très Sainte Vierge Marie. De grandeur naturelle, Elle se tenait à environ deux pieds (soixante centimètres) du sol, en vêtements blancs attachés au cou. Elle tenait ses mains comme si elle était en prière. […] Ses yeux, tels que je les voyais, étaient tournés vers le ciel. Elle portait une couronne brillante sur la tête, et sur le front, à l’endroit où la couronne s’adaptait au front, une belle rose […]. Par moment, Elle semblait se déplacer, ainsi que les autres figures […]. Mais aucune ne prononça un seul mot. Je les vis de très près […]. Je vis saint Joseph, à la droite de la très Sainte Vierge. Sa tête était en avant, il semblait en train de rendre hommage à Marie. […]. La troisième figure debout devant moi était celle de saint Jean l’évangéliste. Il se tenait droit, auprès de l’autel, du côté de l’Évangile, en angle avec la figure de la très Sainte Vierge, de façon à ne tourner le dos ni à l’autel, ni à la Mère de Dieu. Saint Jean était habillé comme un évêque en train de prêcher. […] Sur l’autel se tenait un agneau de huit semaines, sa face tournée vers l’ouest, regardant dans la direction de la Sainte Vierge et de saint Joseph. Der-
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rière l’agneau, je voyais des anges flottant tout le temps… ». L’apparition, entièrement silencieuse et sans texte écrit, dura deux heures. Il faut noter qu’il y avait alors une pluie diluvienne. De nombreux voyants ne restèrent quelques minutes, découragés par la pluie, ou pensant simplement que l’apparition serait permanente. Cette réaction des voyants contribue en fait à la crédibilité de leurs témoignages, contre l’idée d’une hallucination collective ou d’un phénomène d’autosuggestion. Dix jours plus tard, il y eut un miracle sur les lieux de l’apparition. Une fillette de 12 ans, sourde de naissance, fut instantanément guérie tandis qu’elle s’agenouillait devant le mur de l’apparition. D’autres guérisons et conversions eurent bientôt lieu. Au mois d’octobre, l’archevêque de Tuam, auquel revenait la responsabilité de cette paroisse, créa une Commission d’enquête. Celle-ci se prononça en faveur de la reconnaissance de l’authenticité de l’apparition au printemps 1880. Mais l’archevêque ne prononça pas la formule canonique qu’on espérait, non qu’il eût des réticences d’ordre théologique, mais sans doute en raison des relations difficiles avec l’anglicanisme et les autorités britanniques. Il encouragea cependant l’organisation de pèlerinages en ce lieu.
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En 1936 une deuxième commission d’enquête fut ouverte par le nouvel archevêque du diocèse, Mgr Gilmartin, et conclut de la même manière. Le 30 septembre 1979, Jean-Paul II s’est rendu sur les lieux en pèlerinage. Il n’y a donc pas de déclaration officielle de l’authenticité de Knock Mhuire l’apparition, mais (1879) tout de même, une approbation des plus hautes autorités ecclésiastiques, ce qui permet d’affirmer que l’apparition de 1879 est aprouvée par l’Église. L’apparition de Knock est aussi appelée « le Lourdes irlandais ».
Fatima (1917) Au Portugal, en 1915, Lucia dos Santos, âgée de 8 ans, habite dans un hameau au centre du Portugal, et garde souvent le troupeau familial. Elle vit un jour et deux autres fois encore, « une figure sem74
blable à une statue de neige, que les rayons du soleil rendaient un peu transparente », « ayant forme humaine ». Mais aucun son n’accompagnait cette apparition un peu floue. Ses compagnes virent aussi le phénomène. Il n’y avait pourtant de la part des enfants « aucune attente anxieuse de voir enfin apparaître l’image salvatrice, aucune influence suggestionnante de l’un des voyants sur les autres, aucune divergence sur la description de l’objet contemplé », aucun excès de détail, aucun symptôme d’hallucination collective, relève le psychiatre qui les a interrogées plus tard. L’entourage cependant, ne fit rien d’autre que se moquer d’elles. L’année suivante, Lucie garde son troupeau, accompagnée de ses cousins Jacinta et Francisco Marto, âgés respectivement de 6 et à peine 8 ans. Alors qu’ils jouaient tous les trois, « un vent assez fort secoua les arbres et nous fit lever les yeux pour voir ce qui se passait, car la journée était belle », écrit Lucie après les événements. Ils aperçurent alors « un jeune homme, de 14 ou 15 ans, plus blanc que neige, que le soleil rendait transparent comme s’il était de cristal ». Il s’agissait du même personnage que l’année précédente. S’approchant des enfants, il leur dit « Ne craignez rien ! Je suis l’Ange de la Paix. Priez avec moi ! » S’agenouillant, l’ange baissa la tête vers le sol et livra une prière qui est aujourd’hui connue universellement : « Mon Dieu, je crois, j’adore, j’espère et je vous aime. Je 75
Vous demande pardon pour ceux qui ne croient pas, qui n’adorent pas, qui n’espèrent pas, qui ne vous aiment pas ». Il fit trois fois cette prière, puis, levant la tête il dit : « Priez ainsi. Les cœurs de Jésus et de Marie sont attentifs à la voix de vos supplications. » Après quoi, il disparut. Apparaissant une nouvelle fois en été, l’ange se nomme « l’Ange du Portugal ». La troisième manifestation angélique eut lieu au début de l’automne, et s’accompagna d’une communion miraculeuse, l’ange leur donnant l’hostie après avoir prié avec eux en réparation des outrages, sacrilèges et indifférences qui offensent Jésus dans le tabernacle. Ces trois apparitions sont comme une catéchèse et une préparation pour les événements qui vont suivre dans la vie de ces trois enfants. Elles les préparent à se familiariser au monde surnaturel, à la réalité de l’au-delà, et plus encore à la prière et à la révérence. Elles nourrissent l’esprit religieux, et témoignent de l’existence d’anges qui sont nos gardiens. Les enfants à l’époque ne dirent rien : l’année précédente on s’était moqué d’eux ! Le 13 mai 1917, après une sorte d’éclair, advint la première apparition de la Vierge, dans un petit chêne vert. Il y en aura six en tout, aux mêmes voyants, et au même endroit ; dans la Cova da Iria, en plein jour, et à des fréquences dans le temps qui sont fixées dès le départ par l’apparition : « Je suis venue pour vous demander de venir ici six mois de 76
suite, le 13 de chaque mois, à cette même heure. Plus tard, je vous dirai qui je suis et ce que je veux. Ensuite, je reviendrai encore ici une septième fois. » La clarté, la luminosité de la dame est apparemment indescriptible : elle était « plus brillante que le soleil et répandait autour d’elle une lumière plus vive et plus intense qu’un verre de cristal plein d’eau clair, traversé par les rayons du soleil le plus ardent ». Les apparitions eurent lieu les 13 mai, juin, juillet, septembre, et octobre. En août, l’apparition eut lieu le 19, car le 13, les voyants ont été arrêtés par les autorités civiles qui s’inquiétaient devant le nombre important de personnes qui se déplaçaient pour voir « quelque chose » elles aussi, ou pour prier avec les enfants. Or, le 13 août, il y eut bien sûr des personnes sur place, et d’après les témoignages, ils entendirent des coups de tonnerre dans le ciel pourtant bleu, il y eut des éclairs, et même un petit nuage blanc vint se poser un instant au-dessus du chêne. Mais les enfants, emprisonnés, n’ont pas eu en leur cellule une apparition de la Vierge. Le lieu semble à Fatima constitutif du message à livrer. C’est à Lucie que la Vierge parle le plus. Il lui est demandé de supporter des souffrances en réparation pour les péchés par lesquels le Christ est offensé. Pour la conversion des pécheurs, Lucie doit réciter tous les jours son chapelet. Un jour l’apparition lui demande même d’apprendre à lire. 77
La danse du soleil Ce miracle, qui eut lieu le 13 octobre, avait été annoncé dès le début : « En octobre, je dirai qui je suis et ce que je veux, et je ferai un miracle que tous pourront voir pour croire. » Des milliers de personnes furent sur les lieux le jour en question. On était à l’heure de midi. Voici le compte rendu d’un anti-clérical, Avelino de Almeida, rédacteur en chef du quotidien de Lisbonne O Seculo, présent ce jour-là : « On voit l’immense multitude se tourner vers le soleil, qui apparaît au zénith, dégagé de nuages. Il ressemble à une plaque d’argent mat, et il est possible de le fixer sans le moindre effort. Il ne brûle pas les yeux. Il n’aveugle pas. On dirait qu’il se produit une éclipse. Mais voici que s’élève une clameur immense, et ceux qui sont plus près de la foule l’entendent crier : “Miracle ! Miracle !….Merveille ! Merveille !” » Le soleil, disent d’autres témoins « lançait des faisceaux de lumière, d’un côté et de l’autre, et peignait tout de différentes couleurs : les arbres, les gens, le sol, l’air ». Le soleil tournoya ensuite, « à un certain moment, le soleil s’arrêta, et puis recommença à danser, à tournoyer ; il s’arrêta encore une fois, et se remit encore une fois à danser, jusqu’au moment, enfin, où il parut se détacher du ciel, et s’avancer sur nous. Ce fut un instant terrible ! » Il y eut des témoins jusqu’à cinq kilomètres à la ronde, et pourtant l’observatoire astronomique n’a rien relevé de particulier à ce moment-là.
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Le 13 octobre, l’apparition se présente comme « Notre-Dame du Rosaire », et c’est sous ce vocable que l’on désigne la Vierge de Fatima. Elle demande aussi, comme c’est le cas dans de nombreuses autres apparitions, que l’on construise une chapelle. Avec la pénitence pour les péchés, les messages concernent également les « fins dernières », l’au-delà. Les enfants auront une vision de l’enfer ; Notre Dame évoque le purgatoire avec Lucie ; en voyant Marie, les enfants découvrent le paradis. À travers ces thèmes, il est parlé de la communion invisible et spirituelle qui unit tous les hommes : « Beaucoup d’âmes vont en enfer parce qu’il n’y a personne qui se sacrifie et prie pour eux », dit la Vierge le 19 août. Cette solidarité que les croyants sont appelés à avoir envers ceux dont les âmes se perdent ne fait plus tellement partie de notre spiritualité contemporaine, mais elle faisait volontiers partie du langage de l’époque. Le siècle de la globalisation ne rend-il pas actuel ce message ? Trois messages particuliers ont été donnés par Marie à Fatima. Ce sont les « trois secrets » dont le contenu a fait couler beaucoup d’encre. Le premier « secret » de Fatima concerne la vision de l’enfer. La Vierge « ouvrit les mains », « le reflet de ses mains parut pénétrer la terre et nous vîmes comme un océan de feu. Plongés dans ce feu, nous voyions les démons et les âmes des damnés. Celles-ci étaient 79
comme des braises transparentes, noires ou bronzées, ayant forme humaine. […] Les démons se distinguaient par des formes horribles et répugnantes d’animaux extraordinaires et inconnus, mais transparentes et semblables à de noirs charbons embrasés ». La terrible apparition achevée, la Vierge dit : « Vous avez vu l’enfer où vont les âmes des pauvres pécheurs. Pour sauver les âmes, Dieu veut établir dans le monde la dévotion à mon Cœur Immaculé. » Le deuxième secret concerne la révélation du Cœur Immaculé de Marie, auquel Notre-Dame de Fatima demande que l’on rende hommage les premiers samedis du mois et que l’on s’y consacre. Pour sauver les âmes de l’enfer, dit la Sainte Vierge, « Dieu veut établir dans le monde la dévotion à mon Cœur Immaculé ». Cette dévotion est mentionnée dès la première apparition de la Vierge comme le but de celles-ci et la mission propre de Lucie : « Jésus veut se servir de toi pour me faire connaître et aimer. Il veut établir dans le monde la dévotion à mon Cœur Immaculé… Mon Cœur Immaculé sera ton refuge et le chemin qui te conduira à Dieu ». La Vierge annonce que si l’on fait ce qu’elle demande, la guerre cessera. Autrement, commencera une autre guerre pire que celle qui est alors en cours : « Pour l’empêcher, je viendrai demander la consécration de la Russie à mon Cœur Immaculé et la communion réparatrice des pre80
miers samedis du mois. Si l’on écoute mes demandes, la Russie se convertira et on aura la paix… Finalement mon Cœur Immaculé triomphera. » En 1917, la Vierge annonce que la première guerre mondiale va prendre fin et qu’une autre guerre aura lieu sous le pontificat du pape Pie XI, avec l’expansion mondiale du communisme, et les persécutions contre l’Église qui y seront liées. Le pape Pie XI est décédé le 1er février 1939, mais en 1938 déjà l’Autriche a été annexée, préambule à la deuxième guerre mondiale. La Vierge est apparue l’année même où triomphe le communisme en Russie. Le deuxième secret concerne ainsi le désir qu’à la Vierge que la Russie soit consacrée à son Cœur Immaculé. En juin 1929, la Vierge apparut de nouveau à Lucie, alors devenue carmélite : « Le moment est venu où Dieu demande au Saint-Père de faire, en union avec tous les évêques du monde, la consécration de la Russie à mon Cœur Immaculé. Il promet de la sauver par ce moyen. » Le pape Pie XII consacra « la Sainte Église et le monde entier » au Cœur Immaculé de Marie le 8 décembre 1942. Cette consécration fut renouvelée plus tard avec la mention expresse de la Russie. Mais il fallait encore, pour exaucer entièrement la demande de Notre-Dame de Fatima, que le pape renouvelle cette consécration en union avec tous les évêques. Il faudra attendre Jean-Paul II pour que se réalise entièrement 81
la demande de la Vierge Marie. Le 25 mars 1984, il renouvela la consécration du monde et spécialement de la Russie au Cœur Immaculé de Marie, en union avec tous les évêques du monde. Sœur Lucie confirma que la Vierge Marie était enfin exaucée. Le troisième secret de Fatima a été dévoilé il y a peu, quand son interprétation allégorique a été donnée par le cardinal Ratzinger en 2000. Lucie n’a mis par écrit ce troisième secret qu’en 1941. « Nous vîmes, écrit-elle, dans une lumière immense qui est Dieu, quelque chose de semblable à la manière dont se voient les personnes qui passent devant un miroir : un évêque vêtu de blanc, nous avons pressenti que c’était le Saint-Père ; divers autres évêques, prêtres, religieux et religieuses monter sur une montagne escarpée au sommet de laquelle il y avait une grande Croix […]. Avant d’y arriver, le Saint-Père traversa une grande ville à moitié en ruine et, à moitié tremblant, d’un pas vacillant, affligé de souffrances et de peines, il priait pour les âmes des cadavres qu’il rencontrait sur son chemin. Parvenu au sommet, prosterné à genoux au pied de la grande Croix, il fut tué par un groupe de soldats qui tirèrent plusieurs coups avec une arme à feu et des flèches […] ». Puis Lucie vit les autres personnages morts. Quand Jean-Paul II fut victime d’un attentat, le 13 mai 1981, date anniversaire du premier jour des apparitions de Fatima, lui-même vit là un signe que 82
se réalisait le troisième secret. Et s’il ne mourut pas ce jour-là, comme le prédisait le secret, c’est, a-t-il affirmé, par une intervention toute spéciale de la Vierge Marie à qui il a consacré son pontificat. Joseph Ratzinger, qui a publié l’entièreté de ce secret, en donna le sens théologique à la demande de JeanPaul II. Il explique que les éléments de la prophétie sont métaphoriques : ils signifient symboliquement l’épreuve de l’Église toute entière sous le pontificat de Jean-Paul II. Le sommet de la montagne signifie la pointe du combat spirituel du pape qui toute sa vie a lutté contre la dictature athée. La grande ville représente le monde, et tous les morts sont les martyrs chrétiens de ces dernières décennies. Très nombreux sont les martyrs d’âme et de sang au XXe siècle, en particulier les chrétiens en pays communistes. Une enquête canonique fut instituée par Mgr Vidal, portant aussi bien sur les voyants que sur les multiples témoins du 13 octobre. C’est justement un 13 octobre,
Fatima (1917)
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en 1930, que la reconnaissance officielle des apparitions fut proclamée. Elle fut approuvée par le pape Pie XI. Le 13 mai 2000, Jacinta et Francesco, les deux voyants de Fatima, ont été béatifiés par Jean-Paul II. Lucie est décédée le 13 février 2005, à l’âge de 97 ans.
Beauraing (1932-1933) Du 29 novembre 1932 au 3 janvier 1933, il y a eu trente-trois apparitions mariales à Beauraing, dans les Ardennes belges. Les bénéficiaires furent Fernande Voisin (15 ans et demi), sa sœur Gilberte (13 ans et demi), son frère Albert (11 ans), Andrée Degeimbre (14 ans) et sa sœur Gilberte (9 ans). Toutes les apparitions se sont déroulées à proximité de la cour du pensionnat des Sœurs de la Doctrine chrétienne, soit au-dessus d’une reproduction de la grotte de Lourdes, soit près de la voie ferrée, toute proche. Notons que les enfants ne connaissaient pas les faits qui se sont produits à Lourdes. L’endroit n’est ni isolé, ni naturel ni calme. Au soir du 29 novembre 1932, les enfants virent, au-dessus du pont du chemin de fer, une lumière dans laquelle se dégagea la silhouette d’une « dame en blanc » très brillante qui marchait dans l’espace. Lorsque l’apparition s’en va, elle ouvre les bras et laisse voir un cœur d’or nimbé de grands rayons. Les 84
enfants rentrèrent chez eux effrayés. Mais l’apparition se répétant les jours suivants, à la même heure, les enfants vont peu à peu s’habituer à cette présence mystérieuse, surtout lorsque, le troisième soir, l’apparition les regarde en souriant et en ouvrant les bras en signe d’accueil. La quatrième fois, ils sont agenouillés par une puissance qui les contraint physiquement. Ils n’en sont pas terrifiés mais seulement étonnés. Le 2 décembre, ils sont agenouillés et prient ensemble le « je vous salue Marie », quand Albert ose enfin demander à l’apparition si elle est bien la Vierge. La Dame en blanc acquiesce de la tête. Les jours suivants, certaines fois ils verront la Vierge ; d’autres fois, elle ne vient pas. Parfois ils entrent en dialogue avec elle ; parfois, elle garde le silence. Chaque fois que l’apparition ouvrait les bras en guise d’au revoir, les voyants priaient vite le « je vous salue Marie », afin de la retenir auprès d’eux. Alors effectivement la Vierge Marie joignait à nouveau les mains et restait avec eux pendant qu’ils priaient. Voici la description que les enfants firent de l’apparition : « Elle est petite (environ un mètre vingt-cinq) ; une robe blanche avec des reflets bleus. On ne voit pas ses pieds. Les plis de la robe se confondent avec une sorte de petit nuage avec des rayons dorés qui semblent sortir de la tête, les mains jointes ; pas de chapelet, elle est très belle et lumineuse. » En sa présence, témoigne Gilberte Degeimbre, on se sent parfaitement heureux et on 85
n’éprouve plus aucun désir. Plus tard, elle apparaît avec un chapelet. Le 8 décembre elle dit : « Je suis la Vierge Immaculée. » Le 3 janvier 1933, lors de la dernière apparition, la Vierge se nomme : « Je suis la Mère de Dieu, la Reine des cieux. Priez toujours. Adieu. » Ce jour-là, on a compté trente mille spectateurs. La mère de Gilberte et Andrée en éprouve une grande honte : elle est convaincue que ses filles sont des menteuses. Elle ira jusqu’à dire : « Je préfèrerais vous voir mortes que mêlées à ces histoires ! » Les médecins firent toute sorte de tests sur les voyants pendant qu’ils étaient en extase ; ils brûlèrent partiellement leurs mains, appuyèrent sur leurs joues avec un canif, pincèrent vigoureusement leurs mollets, projetèrent une lumière électrique puissante dans leurs yeux : aucune réaction physique normale ne fut constatée. Surtout, ces traumatismes sur le corps ne laissèrent pas de marques. On comprend alors que l’apparition ait des rayons lumineux qui auréolent sa tête comme une couronne, et qu’elle apparaisse sur un nuage, qui symbolise le ciel. De même, la force de l’apparition contraignant les enfants à s’agenouiller n’est pas sans rapport avec le fait que la Vierge Marie est Reine de l’Univers : toute créature se trouve soumise gracieusement à elle. Le cœur d’or signifie cette royauté de Marie.
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Le message de Beauraing, hormis les deux noms par lesquels la Vierge se désigne, et la révélation de son cœur d’or, se résume simplement. Elle désire que l’on vienne en pèlerinage en ce lieu, elle demande la construction d’une chapelle. Elle désire que l’on prie : « Priez, priez beaucoup, priez toujours. » Elle fait ensuite une promesse : « Je convertirai les pécheurs. » Elle demande aussi que l’on se sacrifie pour elle. Remarquons qu’elle ne demande pas ici que l’on prie pour les pécheurs, mais, tout en demandant que l’on prie toujours, elle assure que c’est elle qui convertira les pécheurs. Le phénomène a attiré la curiosité de nombreux médecins et théologiens. Plus d’une centaine de médecins se sont penchés sur les voyants afin de les observer. Si les autorités ecclésiastiques ont entrepris les procédures habituelles d’enquête en pareil cas, le fait qu’il y ait eu deux jours après la dernière apparition de Beauraing une nouvelle série d’apparitions à Banneux ainsi que de nombreuses autres apparitions spontanées un peu partout en Belgique, a conduit l’archevêque de Malines, Primat de Belgique, le cardinal van Roey, et cinq autres évêques à rédiger une seule et longue déclaration sur ces deux apparitions. Les difficultés pour reconnaître les apparitions de Beauraing furent les mêmes que pour Banneux : le message est étonnamment pauvre, en considération des importantes apparitions qui ont pré87
cédé ; Lourdes, Fatima, la Salette… De plus, il ne s’est produit aucun miracle dûment constaté. Une commission diocésaine mena une centaine d’interrogatoires du 17 mai 1935 au 21 juillet 1936. Puis, l’enquête entreprise par la commission dépendante du cardinal van Roey, en 1938, aboutit à l’absence de constat de surnaturalité. Les dossiers de ces deux commissions furent envoyés à la Congrégation romaine qui se montra également prudente. Finalement, l’évêque de Namur créa une nouvelle commission, car une lettre du SaintSiège accordait à l’évêque de Namur « la faculté de porter le jugement sur les faits en tant qu’ordinaire du lieu, usant de sa propre autorité et sans que soit impliquée aucunement l’autorité soit du Saint-Siège, soit de la Province ecclésiastique ». En 1943, l’évêque de Namur, Mgr Charue, autorisa donc le culte à NotreDame de Beauraing. Et le 2 juillet 1949, deux guérisons opérées par l’intercession de Notre-Dame de Beauraing ayant pu être avérées, l’évêque prononça le constat de surnaturaBeauraing lité : « Nous pouvons, (1932-1933) 88
en toute sérénité et prudence, affirmer que la Reine des cieux apparut aux enfants de Beauraing, au cours de l’hiver 1932-1933 ». La mère de Gilberte et Andrée a finalement cru en ses filles.
Banneux (1933) Le 15 janvier 1933 à dix-neuf heures, soit deux jours après la dernière apparition de Beauraing, commencèrent celles de Banneux, dans la province de Liège, toujours en Belgique. Cette fois-ci il n’y a qu’une seule voyante, Mariette Beco, âgée de 11 ans, qui verra huit fois la sainte Vierge. Elle n’est pas vraiment prédisposée à cette rencontre car, aînée d’une famille où l’on ne pratique pas la religion catholique, elle n’a fréquenté ni l’église ni le catéchisme. Il fait nuit, froid et neigeux. Mariette voit par la fenêtre de sa chambre « une lumière et une belle Dame qui avait la tête fort éclairée et comme si cette lumière éclairait tout le corps ». Elle a les mains jointes tournées vers le bas et sourit. Mariette voudrait voir de plus près l’apparition qui remue les lèvres comme pour lui parler, et qui l’invite de l’index à venir près d’elle, mais sa mère lui interdit de sortir. Le lendemain, à la même heure, l’apparition revient sous la forme d’un point lumineux qui s’approche à toute vitesse et dans lequel 89
se dégage une silhouette féminine. Ses pieds reposent sur un « nuage lumineux ». La Vierge conduit Mariette jusqu’à une petite source et lui dit : « Cette source est réservée pour moi… Bonsoir… Au revoir ! » Le lendemain, Mariette se retrouve à genoux sur les lieux, priant le chapelet, une des seules prières qu’elle connaisse. La fillette interroge l’apparition en lui demandant qui elle est, à quoi celleci répond : « Je suis la Vierge des Pauvres. » Mariette demande ensuite ce que signifient les paroles prononcées la veille. La Vierge répond que la source sera « pour toutes les nations… pour les malades… ». Le 20 janvier, l’apparition demande que l’on construise une petite chapelle. Elle impose les mains sur Mariette et de sa main droite trace sur elle un signe de croix. Il n’y eut plus d’apparition pendant un long moment. Mariette pourtant se rendait tous les soirs au lieu où elle avait rencontré la « Vierge des Pauvres ». Ce nom est une révélation : jamais auparavant la Vierge n’a été ainsi nommée. Le 11 février, soit la date anniversaire des apparitions de Lourdes, Marie apparaît la cinquième fois, après que Mariette ait récité deux chapelets. La Dame dit : « Je viens soulager la souffrance. » Enfin, lors des dernières apparitions, elle répète sa demande faite à Beauraing, mais aussi à tant d’autres endroits où elle est apparue : « Priez beaucoup. » Le 15 février, Mariette transmet une demande que lui 90
a adressée le chapelain : « Sainte Vierge, Monsieur le chapelain m’a dit de vous demander un signe. » Et la Vierge Marie de répondre : « Croyez en moi, je croirai en vous… Priez beaucoup, au revoir. » Ce jour-là, Mariette reçoit un secret pour elle seule. Les témoins la voient pleurer abondamment, face contre terre. Le 20 février, l’apparition revient à la fin du second chapelet que prie Mariette, et lui dit : « Ma chère enfant, priez, priez beaucoup. » Enfin, le 2 mars, elle se présente comme « la Mère du Sauveur Mère de Dieu » et donne ces dernières paroles : « Priez beaucoup. Adieu ! » Puis elle impose les mains sur Mariette, la bénit, et s’en va comme elle était venue. Que devint Mariette Beco ? Elle eut beaucoup à souffrir. Elle aurait voulu épouser l’homme qu’elle aimait, mais étant sous la coupe de ses sœurs, celles-ci l’en dissuadèrent et l’orientèrent vers un autre homme, dont finalement elle divorça… Elle est restée seule, sans se remarier. Voilà encore, Banneux avec Bernadette, une (1933) 91
voyante qui n’a pas été exempte de souffrance. Bénéficier d’apparitions de la Vierge ne rend pas la vie plus facile. Le chemin de Mariette, que tant de personnes doivent prendre contre leur gré, rend la voyante étonnamment proche de ceux pour qui Notre Dame de Banneux s’est appelée « la Vierge des pauvres ». La commission d’enquête instituée en 1935 aboutit à une conclusion positive mais non affirmative : « … la réalité des faits est au moins probable ». Le Saint-Siège, après avoir voulu dans un premier temps se réserver le droit du jugement, le concéda à l’évêque du lieu. Celui-ci, Mgr Kerkhofs, autorisa le culte de la « Vierge des Pauvres » et nomma une seconde commission qui fut, celle-ci, peu encline à attester l’authenticité des apparitions. Mais l’étude de tous les éléments du dossier ayant été approfondie, il y eut finalement une reconnaissance officielle du caractère surnaturel des apparitions de Banneux, par l’évêque de Liège, le 22 août 1949.
Amsterdam (1945-1959) Du 25 mars 1945 au 31 mai 1959, Ida Peerdeman a reçu cinquante-six apparitions de la Vierge à Amsterdam, aussi bien dans l’église saint Tho92
mas que dans d’autres endroits où elle s’est déplacée. Les apparitions sont donc déjà atypiques dans la variété de leurs formes, des lieux et de leur périodicité. Il est difficile de les résumer, nous relèverons donc les traits essentiels. Il est à noter qu’avant de recevoir des apparitions mariales, une série de phénomènes très étranges entourent Ida, qui ressemblent fort à des phénomènes « poltergeist ». Par exemple, on a observé des portes d’armoires qui se mettent soudain à claquer, les aiguilles de l’horloge qui tournent à toute allure, un four inusité qui se met à fumer de lui-même… S’en étant remise à son confesseur, celui-ci la fait exorciser. Le 25 mars 1945, arrive la première apparition de la Vierge : « Une forme, une forme vivante, un profil de femme. Je la voyais debout à ma gauche, au-dessus de moi, elle était vêtue d’une longue robe blanche et portait une ceinture, elle avait un air très féminin. » Après d’autres apparitions, Ida commentera : « Par moments, j’ai l’impression qu’elle est un être humain, à d’autres non. » Elle reçoit alors la révélation de la date qui doit marquer la fin de la guerre en Hollande : le 5 mai 1945. L’apparition donne à comprendre la raison de cette date en comptant avec ses doigts de trois jusqu’à cinq, lentement, et en énumérant en même temps les mois de mars, avril, mai… Montrant ensuite le chapelet, elle dit : « C’est grâce à ceci. Persévérez ! » Ida demande ensuite à l’appari93
tion si elle est Marie. L’apparition répond : « On m’appellera “la Dame”, “Mère”. » Par la suite, Ida reçoit une série d’apparitions prophétiques portant notamment sur la guerre froide, la chute du régime soviétique, le Proche-Orient. « On livrera de rudes combats autour et près de Jérusalem […] Guerre économique, boycott, devises, calamités. » Enfin, le 16 novembre 1950, l’apparition se nomme. Ida rapporte : « Je vois la dame, elle se tient sur le globe terrestre, elle me le montre et me dit : “C’est parce que je veux qu’on m’appelle La Dame de tous les peuples.” » Ida reçoit ensuite la prière à adresser à Notre Dame de tous les peuples : Seigneur Jésus Christ, Fils du Père, envoie à présent ton Esprit sur la terre. Fais habiter l’Esprit Saint dans les cœurs de tous les peuples afin qu’ils soient préservés de la corruption, des calamités et de la guerre. Que la Dame de tous les peuples, qui fut un jour Marie, soit notre Avocate, amen. Vient ensuite le message principal, qui retiendra toute l’attention des théologiens. La Vierge Marie demande en effet que l’on proclame un nouveau dogme à son sujet : Mère Corédemptrice, Médiatrice et Avocate, car « mon corps a été enlevé au ciel, comme le Fils. Et me voici en offrande devant la croix. Car j’ai souffert avec mon Fils spirituellement et surtout dans mon corps. Ce sera un dogme très contesté. Avec ce dogme, les dogmes mariaux sont accomplis. La théologie doit s’effacer devant la 94
cause de mon Fils. » Dans le message du 2 juillet 1951, elle complète et renouvelle sa demande : « Pour que vienne au monde le Rédempteur, le Père s’est servi d’une Dame. De la Dame, le Rédempteur reçut donc seulement — j’insiste sur le mot seulement — la chair et le sang, c’est-à-dire le corps. De mon Seigneur et Maître le Rédempteur reçut sa divinité, et c’est ainsi que la Dame est devenue corédemptrice. » Le 10 mai 1953, l’apparition prie Ida d’intervenir auprès du pape afin que ce dogme soit proclamé rapidement. Et en vision, le 31 mai 1954, celle-ci voit même la cérémonie de proclamation du dogme en la basilique Saint-Pierre. En 1956, l’évêque du lieu institua une commission d’enquête qui rendit un avis négatif sur les apparitions et leurs messages. Comme nous l’avons noté dans le troisième chapitre, l’avis d’une commission d’enquête n’est pas décisionnel, car c’est à l’évêque du lieu que revient le pouvoir de prononcer la formule de reconnaissance ou de non reconnaissance, ou de s’abstenir à ce sujet. À ce jour, la prière à Notre-Dame de tous les peuples a reçu quelque deux cents imprimatur, une journée internationale de prière à la Dame de tous les peuples a eut lieu à Amsterdam le 31 mai 1997, et le 31 mai 2002, Mgr Punt, évêque d’Harlem a publié une déclaration où il affirmait être arrivé « à la conclusion que les apparitions de la Dame de tous les peuples à 95
Amsterdam sont d’origine surnaturelle ». Notons que l’évêque ne se prononce qu’au sujet des apparitions et non sur les messages, même s’il paraît difficile de séparer les deux. On mentionnera ici les fausses apparitions dont aurait été favorisée Marie-Paule Giguère, fondatrice de l’Armée de Marie, à Lac-Etchemin, au Canada, dès 1971. Cette apparition se situe prétendument dans la ligne des apparitions de Notre-Dame de tous les peuples à Amsterdam, Marie-Paule Giguère se présentant comme la réincarnation de Marie avec qui elle est en personne Corédemptrice. Il est vrai que la prière de Notre Dame de tous les peuples contient une formule énigmatique en se faisant appeler « celle qui fut un jour Marie ». N’est-elle pas Marie à jamais ? En tout cas, les apparitions survenues au Canada exploitent cette ambiguïté en lançant la théorie selon laquelle Marie se réincarne. La Communauté canadienne Notre Dame de tous les peuples qui exploite le message de MariePaule Giguère a été excommuniée en septembre 2007.
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Marie peut-elle demander la promulgation d’un dogme ? Les messages d’Amsterdam posent de nombreuses questions théologiques. L’aspect le plus étrange est cette demande pressante d’une formulation dogmatique concernant le titre de Marie corédemptrice. L’exemple de Lourdes est éclairant : la Vierge se nomme devant Bernadette « l’Immaculée Conception », mais alors elle vient confirmer la proclamation récente du dogme de l’Immaculée Conception (1854). Il y a, dans le fait de n’avoir pas devancé l’effort magistériel de la définition dogmatique, une délicatesse conforme à la manière dont le surnaturel divin intervient dans l’histoire : sans jamais se substituer, au chemin de nos libertés humaines dans l’histoire. On pourrait, à l’inverse, avancer que ce titre fait partie de la dévotion traditionnelle depuis des siècles. Il ne pose réellement problème que depuis peu, en raison de l’affirmation du caractère unique de la médiation du Christ (Vatican II). Dans cette optique, on dira que la Vierge ne devance pas le chemin de l’intelligence chrétienne, mais prend la parole de la foi commune : le peuple des fidèles avait discerné depuis longtemps leur contenu. En effet, la foi en l’Assomption de la Vierge Marie et en son Immaculée Conception, pour ne mentionner que ces deux dogmes, a précédé leur formulation dogmatique de plusieurs siècles et appartient à la tradition populaire comme le titre de Marie Médiatrice, Corédemptrice et Avocate. Cependant, le rôle d’une proclamation dogmatique n’est pas simplement de confirmer la foi populaire. Le dogme scelle un progrès théologique en définissant avec les mots humains les plus précis possibles un mystère de la foi. Le mystère dépasse toujours les mots utilisés pour le définir
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dans un dogme, mais la stabilité du dogme est à l’image de l’Incarnation de Dieu : un seul corps du Christ en qui tous les chrétiens sont incorporés par le baptême, un seul Esprit en qui tous partagent la même foi, celle qui est contenue dans le credo et dans les dogmes. Ces quelques éléments de réflexion étant donnés, nous en arrivons à la conclusion que, quand bien même la Vierge Marie aurait elle-même demandé que soit solennellement défini son rôle de Médiatrice, Corédemptrice et Avocate, cela ne pourrait rien changer au fait qu’il revient à l’Église magistérielle et universelle de le faire en y aboutissant de l’intérieur, comme à son propre fruit. L’Église parle au nom du Christ et dans le souffle de l’Esprit. L’Esprit Saint s’est associé la Vierge Marie pour que se produise l’Incarnation de Dieu. Les rôles de l’Esprit Saint et de la Vierge Marie ne sont pas ceux du Christ. Ils suscitent intimement la venue du Verbe de Dieu, annoncent sa venue, permettent de la discerner et donnent de la confirmer, mais ils ne sont pas le Verbe de Dieu. L’Église est assistée par l’Esprit Saint et par la Vierge Marie en sa maternité, pour qu’en elle et d’elle naisse le Verbe de Dieu Incarné, dont le dogme, avons-nous dit, est une image participée. Le Vatican a constitué une commission dogmatique issue du Congrès mariologique international réuni à Czestochowa en 1997 afin de réfléchir à la pertinence d’une formulation officielle de la médiation de Marie. Cette commission théologique a conclu que les titres de Marie « Corédemptrice, Médiatrice et Avocate » (nous retrouvons les trois vocables des apparitions d’Amsterdam) sont trop équivoques pour pouvoir faire l’objet d’une définition dogmatique. À tout le moins, il faudrait encore approfondir la place de Marie dans la Rédemption selon des perspectives trinitaires, ecclésiologiques et anthropologiques renouvelées.
5 Les fausses apparitions mariales
U
apparition mariale est une prétendue apparition qui a été déclarée fausse par l’Église, selon les formes canoniques, avec un constat de non-surnaturalité. Il y a cinq causes majeures qui permettent de déclarer qu’une apparition est fausse. Premièrement, quand il est avéré que les témoins mentent ou qu’ils sont de mauvaise foi. Deuxièmement, quand les témoins sont de bonne foi, mais manifestement trompés par leur imagination. Troisièmement, quand ils ont des troubles de la mémoire qui les induisent en erreur : ils sont persuadés de se souvenir de certains faits qui en réalité n’ont jamais eu lieu. Quatrièmement, quand ils sont trompés par le démon qui leur donne de fausses révélations. Enfin, quand ils sont motivés par des intérêts politiques ou financiers, ou simplement par le désir de mystifier le public. NE FAUSSE
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Les apparitions apocalyptiques Il y a une certaine typologie possible des fausses apparitions. Beaucoup sont de type apocalyptique, avec l’excitation d’une attente de la fin du monde, de la venue du règne du messie. Dans cette catégorie on peut placer les apparitions de Nsimba Ndona Vita, dite Dona Béatrice, dans le Bas-Congo, au XVIIIe siècle. Un indice probant de la fausseté de l’apparition est la promotion de la polygamie dans les messages que la voyante recevait. Autre exemple, les apparitions qui furent à l’origine des « chevaliers de saint Michel » : cet archange allait, disaient les apparitions, détruire les impies et instaurer un règne de Justice. Le mouvement disparut de lui-même car les prophéties prétendues ne se réalisèrent pas. On peut encore ranger dans cette catégorie les apparitions à Necedah, dans le Wisconsin (États-Unis), entre 1945 et 1950, à Garabandal (Espagne), en 1961, et à Bayside (ÉtatsUnis), à partir de 1970. GARABANDAL. Le 18 juin 1961, quatre adolescentes sont terrifiées par une apparition, à Garabandal, dans les Pyrénées espagnoles. Le phénomène va durer pendant quatre ans. Il a été très médiatisé. Les voyantes sont photographiées dans leurs extases, on en fait des reportages télévisés. Tandis qu’elles allaient chaparder des pommes, les quatre ◆
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filles entendirent « un bruit comme un coup de tonnerre » et virent alors « une personne très belle, entourée de beaucoup de lumière qui ne faisait pas mal aux yeux ». L’apparition se produisit à plusieurs reprises au même endroit. Le 1er janvier 1965, la Vierge annonce qu’un « avertissement, visible par le monde entier, quel que soit l’endroit où l’on se trouvera », sera donné avant le châtiment ; « il sera comme la révélation de nos péchés ». L’apparition ajoute : « Moi, votre Mère, par l’intercession de l’ange saint Michel, je viens vous dire de vous corriger. Vous êtes entrés dans les derniers avertissements. Je vous aime beaucoup et ne veux pas votre condamnation. » Si l’on retient habituellement ces paroles, on en oublie beaucoup d’autres, car il y eut plus de deux mille messages et extases. Après l’avertissement, il y aura un miracle, puis, si le monde ne se convertit pas, il sera frappé par le châtiment. Une des voyantes, Conchita, eut aussi la révélation privée qu’après le pape Jean XXIII il n’y aurait plus que trois papes et qu’alors « viendra la fin des temps qui n’est pas la fin du monde ». Ces apparitions eurent lieu à des intervalles irréguliers et les voyants ne furent pas toujours les mêmes. S’il y a des aspects qui tranchent avec les apparitions « habituelles », il en est d’autres qui rappellent au contraire les apparitions les plus connues — en particulier Fatima. L’appel à la conversion, à la prière et à la pénitence fait partie des messages de Garabandal. Les voyantes ont 101
également reçu la communion eucharistique de manière « miraculeuse ». L’apparition a été condamnée comme fausse. Pourtant, ce n’est pas en raison des phénomènes particuliers ou du contenu des messages ou étant donné l’incertitude du nombre total de messages et de voyants que le jugement a été prononcé. Dès les premières semaines du phénomène, une commission d’enquête fut nommée par les autorités épiscopales. Le 27 octobre 1961 il fut déclaré qu’on ne pouvait pas affirmer l’origine surnaturelle des faits. L’année suivante, l’évêque de Santander rendit publiques les conclusions d’une « commission spéciale » qui énonça le non-constat de surnaturalité des faits. Dans une note il précise, « nous faisons cependant remarquer que nous n’avons rien trouvé qui puisse faire l’objet d’une censure ecclésiastique et d’une condamnation ni dans la doctrine ni dans les recommandations spirituelles qui ont été divulguées comme adressées aux fidèles car elles contiennent une exhortation à la prière, au sacrifice, à la dévotion eucharistique, au culte de NotreDame sous ses louables formes traditionnelles, et à la sainte crainte de Dieu, offensé par nos péchés ». L’évêque suivant conclut en 1967 qu’il n’y avait eu « aucune apparition, ni de la Vierge, ni de l’archange saint Michel, ni de quelque autre personne céleste. Il n’y a donc pas eu non plus de message. Tous les faits ont une explication naturelle ».
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Comment discerner une fausse apparition ? Deux choses sont à noter. Tout d’abord, ce qu’un livre ou un dictionnaire décrit d’une apparition mariale n’est pas de soi suffisant pour discerner si une apparition est vraie ou non. Les cas que nous avons présentés pourraient être résumés de manières très diverses, selon les points de vue. On peut ne retenir que les éléments doctrinaux et affectifs convenables, comme la mise en valeur des sacrements, de la prière, la juste doctrine de la Vierge, et taire tout ce qui par ailleurs contredit même le simple bon sens. Prudence donc, on n’attrape pas des mouches avec du vinaigre : les apparitions trompeuses ne sont pas toujours faciles à repérer. Ensuite, l’opinion de l’Église doit rester une référence, au moins pour affiner son propre jugement. En effet, il revient au Magistère de l’Église d’évaluer la vérité des phénomènes dits surnaturels, puisqu’elle est garante du dépôt de la foi. Si l’évêque du lieu et les commissions d’enquête aboutissent à un jugement négatif, ce n’est pas en toute ignorance, mais en bonne connaissance du dossier sur lequel ils se prononcent. Le public en général n’accède qu’à un résumé des évènements, par des livres ou articles qui peuvent être orientés par les options de leurs auteurs. Par contre, l’évêque du lieu et les experts qui étudient le cas sont en principe en possession de tous les éléments du dossier.
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BAYSIDE. La voyante s’appelle Veronica Lueken, mère de famille, âgée de 47 ans au début des faits. Les pseudo-apparitions commencèrent en 1970. La voyante fut d’abord « transportée » sur l’esplanade du Parc des expositions à New York. Elle reçut des messages de la Vierge, mais aussi du Christ, de l’archange saint Michel ainsi que d’une multitude d’autres saints. Parmi ces messages, celui de saint Paul condamnant le féminisme. D’une manière générale, les messages récusent l’évolution de la société moderne. La télévision est une œuvre du diable, la modernité est synonyme de déchéance spirituelle et morale. L’Église n’en est pas épargnée. À côté de ces plaintes, les valeurs sacramentelles sont rappelées avec ferveur, ainsi que la prière ou l’importance de l’eau bénite. La Vierge qui apparaît veut être invoquée sous le vocable de Notre Dame des Roses, Marie secours des chrétiens. Les messages annoncent que le monde allant à sa perte, l’Église trahissant sa mission, Dieu va envoyer bientôt un grand châtiment. Ce thème du grand châtiment traverse le temps des apparitions. Plus ponctuelle, l’annonce faite à Veronica que Paul VI, le pape de l’époque, est un usurpateur. Le vrai pape aurait été séquestré. ◆
Très vite, les apparitions on été jugées fausses par l’évêque de Brooklyn. Mais les gens continuèrent d’affluer sur les lieux prétendus des apparitions. Aussi les déclarations épiscopales attestant la non104
authenticité des apparitions ont été régulièrement répétées. Veronika Lueken est décédée en 1995.
Les apparitions mimétiques De loin les plus fréquentes, les apparitions qui en imitent d’autres sont les plus faciles à repérer. Une cinquantaine d’imitations de Lourdes ont été recensées par René Laurentin ! Les apparitions de Beauraing et de Banneux ont provoqué elles aussi une « véritable épidémie d’apparitions » en Belgique. Celles de Tubize, Olsene et Etikhove ont abouti à un non-constat de surnaturalité, mais des autres apparitions ont été rejetées comme non surnaturelles : ainsi à Onkerzele, Verviers, Wielsbeke, Etikhove, etc. Le cas de Beauraing et Banneux, dont les messages sont proches de celui de Lourdes et qui furent cependant reconnus authentiques, oblige à ne pas trop vite condamner une apparition qui surviendrait d’une manière rapprochée, dans l’espace et le temps, d’une apparition reconnue. Mais le cas est rare.
Les apparitions qui sont en fait des illusions L’illusion peut avoir pour cause l’hallucination des personnes, ou l’objet lui-même de l’apparition, 105
qui provoquerait par exemple des effets d’optiques : le voyant ne veut plus démordre de ce qu’il a vu. Si l’on admet qu’il peut y avoir des apparitions démoniaques qui prennent l’apparence du bien, l’illusion serait alors d’ordre métaphysique : elle a pour auteur le démon qui veut faire passer un message trompeur en prenant l’apparence du bien. ESPIS. Le cas d’Espis est un exemple d’apparitions prétendues qui ont pour origine l’hallucination. Dans le diocèse de Montauban, en 1946, à Espis, deux fillettes voient une dame vêtue de noir, avec une robe ornée de marguerites. L’évêque, Monseigneur Théas, conclut après enquête que les deux voyantes furent victimes d’une illusion. Les apparitions se sont pourtant poursuivies et les pèlerins ont continué de venir en grand nombre sur les lieux, le 13 de chaque mois, si bien que le jugement de non-surnaturalité fut réitéré en 1950 dans un rapport de plus de cent pages, qui explique notamment de quelle façon les deux fillettes ont été suggestionnées par des religieux. Dans les années cinquante, si riches sur le plan doctrinal dans l’Église, notamment du point de vue de la théologie mariale, on ne saurait dénombrer les annonces d’apparitions de la Vierge. Citons Voltago, Bouxières, Ham-sur-Sambre, Herolsbach, Nsimalen, parmi les apparitions dont l’absence de surnaturel a été constatée officiellement. ◆
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En attente d’approbation
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ici considérer certaines apparitions qui ont la réputation d’avoir été reconnues par l’Église. En réalité, seulement certains aspects de ces apparitions ont été approuvés, mais non pas toujours les messages, ou bien, l’Église ne s’est pas encore prononcée, mais des prêtres, des évêques et des laïcs se dévouent à la cause de ces apparitions. C’est afin de ne pas renforcer cette ambiguïté et pour inviter à la prudence que j’ai préféré mentionner dans ce chapitre des apparitions qui sont pourtant parfois classées parmi les apparitions reconnues dans le récent Dictionnaire des « apparitions » de la Vierge Marie (sous la direction de R. Laurentin, Fayard, 2007). OUS ALLONS
Pellevoisin (1876) Dans le département français de l’Indre (Centre), le 15 février 1876, vers minuit, Estelle Faguette, souffrante et alitée, à l’article de la mort, 107
voit la Vierge. Il y aura en tout quinze apparitions, du 15 février au 8 décembre 1876. Estelle voit d’abord un diable grimaçant au bord de son lit. Mais la Sainte Vierge apparaît aussitôt et dit : « Ne crains rien, tu sais bien que tu es ma fille. Courage, prends patience, mon Fils va se laisser toucher. Tu souffriras encore cinq jours, en l’honneur des cinq plaies de mon Fils. Samedi, tu seras morte ou guérie. » Estelle va voir la Vierge cinq nuits de suite. Peu à peu, le démon grimaçant s’efface et disparaît complètement la cinquième nuit. Estelle guérit le samedi, alors que la médecine n’avait rien pu faire, et qu’elle avait reçu l’extrême onction. Au cours de ces premières apparitions, la Vierge dit chaque fois : « Je veux que tu publies ma gloire. » Au mois de juillet suivant, la Vierge lui apparaît environnée d’une guirlande de roses. Le message se résume facilement : « Je suis venue particulièrement pour la conversion des pécheurs. » Estelle aura ensuite la révélation du scapulaire du Sacré-Cœur : « Je t’ai choisie pour publier ma gloire et répandre cette dévotion. » Marie charge Estelle de faire connaître le scapulaire. Elle promet de dispenser les grâces de son Fils à qui le portera avec confiance. « Ces grâces sont de mon Fils ; je les prends dans son Cœur ; il ne peut me les refuser ». Comme une seule face du scapulaire lui est révélée, la vierge répond qu’elle réserve l’autre face pour elle-même : « Tu soumettras ta pensée, et l’Église décidera. » Le 8 décembre 108
1876, la Vierge annonce qu’elle fait à Estelle sa dernière apparition. Une commission d’enquête est ouverte le 13 janvier 1877 par l’évêque du lieu. Les conclusions furent favorables en ce qui concerne le caractère miraculeux de la guérison et celle-ci a finalement été reconnue dans la forme canonique comme un miracle obtenu par l’intercession de la Vierge. L’évêque a institué le projet de confrérie en l’honneur de Notre-Dame de Pellevoisin. L’évêque étant mort avant de pouvoir mettre fin à son enquête, c’est l’évêque suivant qui approuva le scapulaire qui avait été révélé par l’apparition. L’autre face finalement représente la Vierge telle qu’elle apparut à Pellevoisin, entourée de roses. Le scapulaire fut approuvé par un décret pontifical, sous le vocable « Mère de Miséricorde ». Mais les apparitions n’ont été ni approuvée ni condamnées par le Saint-Siège, pas plus que par l’évêque diocésain.
L’Ile-Bouchard (1947) Dix apparitions eurent lieu dans le petit village de l’Ile-Bouchard (Indre-et-Loire), juste après la deuxième Guerre mondiale, du 8 au 14 décembre 1947. Les voyantes sont quatre cousines âgées de 7 à 12 ans. Marie apparaît dans l’église, près du vitrail de Notre-Dame de Lourdes, en disant : « Priez pour les 109
pécheurs. Il faut beaucoup prier pour les pécheurs. » Elle apprend aux enfants le chapelet et diverses invocations à la Mère de Dieu. Elle invite aussi à la prière pour la France. À ce jour, les apparitions n’ont pas fait l’objet d’une reconnaissance officielle. Néanmoins, Mgr VingtTrois, alors archevêque de Tours, a signé le 8 décembre 2001 un décret qui autorise le culte public et les pèlerinages à « Notre-Dame de la prière ».
Betania (1976-1984) Au Vénézuela, à Betania, Maria Esperanza Medrano, âgée de 46 ans, affirma avoir bénéficié d’apparitions de la Vierge Marie depuis le 25 mars 1976. Elle est mariée à un homme qui lui aurait été désigné dans une apparition de Thérèse de l’EnfantJésus, qu’elle eut le 22 novembre 1928. Elle a donné naissance à sept enfants. Elle manifeste beaucoup de charismes : visions, stigmates, don de guérison, lévitation… La première apparition se produisit au dessus d’une grotte. La Vierge s’est nommée la « Réconciliatrice de tous les peuples ». Le 25 mars 1978, lors de la sixième apparition, quinze autres personnes affirmèrent également voir la Vierge. Plusieurs années encore le phénomène continuera, et le 25 mars 1984, des centaines de personnes virent 110
aussi l’apparition. Il y en eut encore jusqu’en 1988, de sorte qu’au total on compte 15 000 voyants. Mais seule la voyante d’origine reçut des messages de la Vierge, faisant appel à la conversion, à la prière, à la pratique des sacrements ainsi qu’à la solidarité. Elle montra des stigmates dans les paumes de ses mains. Elle est décédée en 2001. L’évêque de Los Teques mena son enquête sans créer de commission. Ayant constitué un dossier de deux cent quatre-vingt-trois déclarations écrites, il consulta le pape et affirma dans une instruction pastorale du 21 novembre 1987 que « les apparitions sont authentiques et ont un caractère surnaturel. J’approuve donc officiellement que le lieu où elles se sont produites soit considéré comme sacré ». Il ne visait en fait que les apparitions dont avait été privilégiée Maria Esperanza, sans rien affirmer de ce qui concerne les nombreuses autres apparitions de Betania, mentionnant même à leur propos qu’elles étaient peutêtre le fait d’« une simple hallucination provoquée par l’attente, la suggestion, l’émotivité et, y compris, le déséquilibre psychologique ».
Kibého (1981-1989) Au Rwanda, le 28 novembre 1981, une série d’apparitions commence, avec pour première béné111
ficiaire Alphonsine Mumureke, âgée de 16 ans. Le 12 janvier 1982, s’y ajoutera la voyante Anathalie Mumukamazimepaka, âgée aussi de 16 ans, et enfin, le 1er mars 1982, Marie Claude Mukangagno, institutrice de 20 ans au collège où étudient les deux autres jeunes filles. Alphonsine décrit ainsi l’apparition : « Elle n’était pas vraiment blanche, comme on la voit d’ordinaire sur les images. Je ne saurais préciser la couleur de sa peau. Elle était d’une beauté incomparable. Elle ne portait pas de souliers. Elle avait une robe blanche sans couture et portait sur la tête un voile également de couleur blanche. Ses mains étaient jointes à hauteur de la poitrine, les doigts dirigés vers le ciel ». Lors des apparitions, il y eut parmi les assistants des chants en langues, des chutes subites et de évanouissements, des « voyages dans l’au-delà ». La Vierge a délivré de longs messages aux voyants, qui ont été notés sur plus de dix mille pages sans être tous recensés. C’est le 19 août 1982 qu’eut lieu l’apparition majeure de Kibeho. La Vierge est apparue aux voyants successivement en colère et en pleurs. Les voyants eux-mêmes ont pleuré et même tremblé, tant l’apparition les effrayait. En effet, les apparitions qui durèrent plus de huit heures sans discontinuer montraient aux voyants des images terrifiantes : un fleuve de sang, des gens qui s’entretuent, des cadavres abandonnés que personne n’enterre, des têtes décapitées, un monstre, un gouffre béant… 112
Il faut se rappeler ici le terrible génocide de l’été 1994, soit une dizaine d’années plus tard. Ces apparitions en annonçaient-elles le drame ? Les avis divergent à ce sujet. Contrairement à d’autres cas d’apparitions reconnues, les lieux de l’apparition n’ont pas été épargnés par la violence de la guerre. Des personnes qui s’étaient réfugiées dans l’église y sont mortes brûlées vives. On peut aussi relever qu’étant donné la quantité impressionnante de messages laissés, il n’est pas difficile d’y trouver à un moment ou un autre quelque contenu prophétique. Or, aucun des messages de Kibeho n’annonce stricto sensu une guerre. Il n’y a pas non plus d’invitation à la conversion pour que soit évitée la guerre. Le 15 août 1988, Mgr J. B. Gahamanyi, évêque de Butaré, autorisa le culte public et le pèlerinage sur les lieux des apparitions, alors que celles-ci n’étaient pas encore achevées. À ce jour, seule l’apparition du 28 novembre a été solennellement reconnue comme authentique par Mgr Misago, le 29 juin 2001.
San Nicolas (1983-1990) En Argentine, on signale des apparitions de la Vierge Marie à une mère de famille de 48 ans, Gladys Herminia Quiroga de la Motta, qui durèrent du 25 113
septembre 1983 au mois de février 1990. Tout commença le jour où elle vit soudain son chapelet s’illuminer. Le lendemain, elle vit la Vierge, vêtue d’une robe bleue et accompagnée de l’Enfant Jésus, et qui lui tend le rosaire. Comme Maria Esperanza de Betania, Gladys eut des stigmates. Elle reçut plus de mille huit cents messages de la Vierge Marie et septantehuit du Christ. Les messages ont le style d’une pédagogie spirituelle où la Vierge Marie fait lire des passages précis de la Bible (une centaine de références, la première étant celle du livre d’Ézéchiel 2, 4-10). En dehors de ce fait étonnant et unique dans l’histoire des apparitions mariales, la Vierge appelle à la conversion et à la prière, avec une intensité dramatique : « En ce moment, l’humanité tient à un fil. Si ce fil lâche, nombreux sont ceux qui ne pourront pas se sauver. C’est pourquoi je vous demande de réfléchir. Ne tardez pas, car le temps prend fin, et il n’y aura plus de place pour celui qui sera en retard. » Elle dit encore : « L’heure de la Mère est arrivée. Mon cœur de Mère a déjà commencé à préparer les cœurs et à agir en eux. Je viens du ciel afin de vous conduire vers le Christ. Faites-le savoir. » Le 27 novembre 1983, Gladys observe la statue de Notre Dame du rosaire, qui avait été intronisée dans la cathédrale de San Nicolas en 1884, mais qui avait été abandonnée depuis dans le clocher de l’église. Elle reconnaît aussitôt, trait pour trait, la Vierge qui lui apparaît. Elle entend alors en elle-même une voix qui lui dit : « On m’a oubliée 114
[…]. Je veux être sur les bords du Paranà. » La dernière apparition qu’elle a du Christ s’accompagne de ce message : « Autrefois, le monde a été sauvé par l’Arche de Noé. Aujourd’hui, ma Mère est l’Arche […]. Celui qui repousse ma Mère me repousse. » De très nombreux rassemblement de prière se déroulent en ces lieux depuis. L’évêque de San Nicolas a demandé en effet la construction du sanctuaire dédié à « Marie du Rosaire de San Nicolas », et on y a transféré la statue. Il a ensuite autorisé la fondation d’un institut de vie qui est consacré au service du pèlerinage. Bien que l’évêque n’ait jamais officiellement déclaré l’authenticité des apparitions, il a néanmoins participé à toutes les étapes de la vie du sanctuaire. Il a déclaré le 25 juillet 1990 : « Le fait de San Nicolas, par ses fruits spirituels, a prouvé son authenticité. » La personnalité de Gladys plaide en sa faveur. Toute discrète, elle parvient à se rendre chaque matin à l’eucharistie au sanctuaire sans que personne ne la reconnaisse.
San Damiano (1962-1981) La voyante, Rosa Quattrini, est une paysanne italienne, mariée, qui a trois enfants. Chaque naissance a du se produire par césarienne. À la suite de ces trois opérations, elle a connu de nombreuses complications 115
La saisie du surnaturel et l’insaisissable de la foi Lorsque le croyant prie : « Je vous salue Marie, pleine de grâces, le Seigneur est avec vous… », il s’adresse à une présence invisible. Si apparition mariale il y a, ce ne peut être que l’attestation d’une présence préalable, permanente, universelle et invisible, intérieure aussi. Comme l’indique bien le mot, une apparition est un phénomène fugitif, et le croyant est appelé à s’attacher aux choses qui ne passent pas. En l’occurrence, l’apparition mariale advient dans l’histoire et laisse des traces par les messages laissés, le témoignage des voyants, le lieu qui est transformé par la découverte d’une source, un objet ou un fait qui demeure le signe du miracle qui a eu lieu… Mais l’apparition comme telle est fugitive et, plus profondément encore, échappe à la raison ainsi qu’à toute objectivation. On ne pourra jamais avoir la preuve qu’une apparition mariale a vraiment eu lieu, car y croire relève ultimement du geste de la foi. On ne croit pas aux apparitions mariales comme on croit que deux et deux font quatre, ou que tout objet lancé en l’air finit par retomber à la perpendiculaire du sol quand il ne rencontre pas d’obstacle. Un mystère demeure, qui résiste à toutes les « preuves » qui pourraient être apportées. Et donc aussi, un acte de foi demeure, qui résiste à toutes les objections psychologiques, sociologiques, naturelles, pour celui qui croit en la présence de Marie. C’est, comme nous le disions au début de ce livre, le même acte de foi donné en la présence de Marie qui se prolonge chez celui qui croit à telle ou telle apparition de la Vierge. Si Marie apparaît, c’est qu’elle est d’abord et essentiellement présente d’une manière invisible. Il y a, par rapport à cette vérité, une maladresse à vouloir saisir le surnaturel d’une manière objective, par des procédés photographiques par exemple. Exactement de la même manière, il est maladroit de vouloir à tout prix convaincre une personne que la Vierge est réellement apparue à tel ou tel endroit.
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intestinales et abdominales. Atteinte finalement d’une subocclusion intestinale, Mamma Rosa est jugée inopérable. De douleur, elle est clouée au lit la plupart du temps. Mais un jour qu’elle se trouvait dans sa ferme, en 1962, une jeune et très belle dame touche ses plaies et elle guérit instantanément. La dame invite Mamma Rosa à se rendre à San Giovanni pour rencontrer Padre Pio (canonisé en 2003). S’y étant rendue, elle voit sur le parvis de l’église du couvent la Dame qui l’avait guérie et qui lui dit « Je suis la Mère de la Consolation et des affligés. Dis-le bien […] à ceux qui n’ont pas voulu croire à ta guérison […], je t’accompagnerai jusqu’au Padre Pio ». Celui-ci confirma qu’elle avait effectivement vu la Vierge et la chargea de la mission de soigner les malades. Ce qu’elle fit, à l’hôpital de Plaisance, deux années durant. Puis, en octobre 1964, elle eut de nouveau une apparition de la Vierge, au-dessus d’un poirier. L’apparition lui dit : « Si l’on ne croit pas, si l’on ne prie pas, il viendra de grands fléaux et de grands châtiments. » Et Rosa demandant un signe qui puisse convaincre les autres, la Vierge fit fleurir le poirier. Bientôt, Rosa relata que la Vierge lui avait annoncé qu’elle apparaîtrait tous les vendredis du mois, délivrant chaque fois un message. Plusieurs sont ambigus. L’avis ecclésiastique fut rapidement réticent par rapport aux faits, mais sans se prononcer ouvertement. Devant la persistance des pèlerinages, malgré la mise en garde qui avait été formulée, 117
une commission d’enquête fut ouverte, et le 2 février 1968, l’archevêque en rendit le jugement par une déclaration officielle : « Il n’existe aucune donnée positive permettant d’affirmer la surnaturalité des faits. » Les messages furent interdits de divulgation, mais l’interdit ne fut pas respecté. De nombreux pèlerins continuent à se rendre sur les lieux, par curiosité ou dans un esprit de prière.
Medjugorje (1981- ) Que de livres et articles écrits sur les innombrables apparitions qui ont eu lieu et continuent de se produire à Medjugorje ! Les faits ont commencé en ex-Yougoslavie en 1981. Depuis, plusieurs millions de personnes se sont rendues en pèlerinage, malgré les jugements négatifs qui furent portés par l’évêque du diocèse puis par la Conférence épiscopale du pays en 1991. Selon certains commentateurs, en effet, ces avis négatifs ne sont pas justes et la reconnaissance des faits par d’autres autorités ecclésiastiques suffit à croire que bientôt l’avis officiel sera celui d’une reconnaissance du caractère surnaturel des apparitions. D’autres encore considèrent tout simplement que, si l’Église peut se prononcer contre une apparition mariale en cours, elle ne peut se prononcer en sa faveur tant que durent les apparitions. 118
Il est d’autant plus facile d’être partiel que la matière est immense : des milliers de messages, presque une trentaine d’année d’apparitions, des dizaines de milliers de témoignages, une très grande variabilité des phénomènes recensés, ainsi que l’actualité « stratégique » des apparitions. Stratégique, puisque la Vierge de Medjugorje dit qu’elle n’apparaîtra plus ailleurs ; il s’agirait de ses dernières apparitions avant la fin des temps. Comment s’y retrouver et se faire une juste opinion sur Medjugorje ? Petit village de la Bosnie-Herzégovine, Medjugorje, dont le nom signifie « entre les montagnes », se situe dans une plaine où l’on cultivait autrefois le tabac. Le 24 juin 1981, jour de la fête de saint Jean Baptiste, deux jeunes filles, Ivanka Ivankovic (15 ans) et Mirjana Dragicevic (16 ans), se promenaient en ce lieu pour y fumer des cigarettes. Soudain, elles virent quelque chose de brillant qu’elles discernèrent ensuite être la Vierge, un peu au-dessus du sol. Mais elles s’en retournèrent chez elles. Le soir, elles revinrent, accompagnée d’une troisième fille, Milka Pavlovic (12 ans), et elles virent à nouveau l’apparition au sommet de la montagne, portant cette fois un enfant dans ses bras. Dès les premiers jours, plusieurs autres jeunes gens du village furent bénéficiaires de ces apparitions. La Gospa est ainsi décrite : elle a les yeux bleus, les cils noirs, la bouche petite et rouge, les joues roses, des boucles de cheveux noirs que l’on devine 119
à travers le voile qu’elle porte. Elle a l’aspect d’une femme de 20 ans. Elle parle : depuis 1981 et jusqu’à aujourd’hui, une quantité innombrable de paroles ont été délivrées. En 1984, les messages, qui jusqu’alors semblaient être dispensés sans aucune régularité, vont se formaliser. Les apparitions deviennent systématiquement quotidiennes, les messages hebdomadaires sont à chaque fois enregistrés. Cette année-là, des théologiens de grande renommée commencent à s’intéresser au phénomène et à prendre la parole en faveur de son authenticité. Le Père René Laurentin deviendra le plus grand défenseur de Medjugorje. Le contenu des messages se concentre désormais sur le thème de la prière, de la foi, de la conversion, de la pénitence et du jeûne ; il appelle à la paix et à la réconciliation. Aujourd’hui, les apparitions continuent ; les messages produits chaque mois peuvent être consultés sur internet… Les avis concernant l’authenticité des apparitions ont rapidement été partagés. Medjugorje dépend de l’évêque de Mostar, à l’époque Mgr Zanic, et c’est à lui que revenait de déclarer un jugement d’Église. D’autres évêques pourtant ont formé officiellement leur avis, largement favorable en général. Il y a eu ainsi très rapidement des prises de position favorables et officielles qui précédèrent le jugement de l’évêque de Mostar et mirent sensiblement une pression sur lui. Mgr Zanic attendit l’année suivante pour créer une Commission d’en120
quête qui, en 1984, comprendra une vingtaine de membres. Le 30 octobre 1984 la Commission publia son rapport, dont l’avis est consultatif. Le rapport exprime quelque soupçon et des doutes concernant le caractère surnaturel des faits. Notamment il note que certaines prophéties ont été faites qui ne se sont pas accomplies ; des promesses de guérison ne se sont pas réalisées ; une voyante a menti ; des paroles contiennent un encouragement à la désobéissance. La commission conclut à l’hallucination collective. Les défenseurs de Medjugorje furent très hostiles à cette position, si bien qu’il fallut créer une nouvelle commission, placée cette fois sous l’autorité de la conférence épiscopale, de manière à ce que l’évêque de Mostar ne soit pas le seul décideur. Ce dernier rendit néanmoins un rapport définitif sur les apparitions de Medjugorje, en 1990. Il est entièrement négatif. La Conférence épiscopale publia à son tour une déclaration, l’année suivante, affirmant que « sur la base des études qui ont été faites jusqu’à maintenant, il n’est pas confirmé que des apparitions et révélations surnaturelles ont eut lieu ici ». La commission appelle également à une véritable piété mariale. Arriva ensuite le successeur de Mgr Zanic, Mgr Peric. Sous son épiscopat, il n’y a pas eu de nouvelle commission. Il revient désormais à la Conférence épiscopale de Bosnie-Herzégovine de se prononcer. Jusqu’à ce jour, elle n’a pas ouvert de 121
nouvelle enquête. On peut affirmer que le jugement actuel n’est pas un jugement négatif au sens strict, mais ce n’est pas non plus un jugement positif. Que conclure ? Aux personnes qui peuvent être troublées par la controverse de Medjugorje, alors qu’elles ont eu là-bas une expérience réelle, et qui souffrent de l’absence d’un jugement définitif de l’Église et des critiques qui sont faites au sujet de ces apparitions, on peut rappeler l’avertissement de Mgr Brincard, évêque du Puy-en-Velay, chargé d’accompagner l’Association des Œuvres mariales (réunion des sanctuaires mariaux de France) : « A partir d’une enquête menée très sérieusement, l’Église demeure sur la réserve. […] Bien évidemment, on peut aller prier en ce lieu. » Précisant, à la lumière d’une note de la Congrégation pour la doctrine de la foi en 1998, que les pèlerinages non privés sont interdits, l’évêque du Puy, comprend ainsi la réserve de l’Église : « Quand on a soif, il est rassurant que l’on vous indique un lieu où l’eau est d’une pureté parfaite. La prudence de l’Église exprime la conscience très vive qu’elle a de sa mission. L’Église veut que la dévotion mariale soit fondée sur la foi. » Notre-Dame de Medjugorje est appelée la Reine de la Paix. Comment ne pas être frappé du contraste entre ce titre magnifique de Marie et toutes les violences verbales, entre autres, venant aussi bien du côté des défenseurs que des détracteurs de Medjugorje. Paix !
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Pourquoi la Mère de Dieu apparaît-elle ?
F
INALEMENT,
après avoir examiné les différentes apparitions de Marie dans l’histoire récente, peut-on répondre à cette question fondamentale : pourquoi Marie apparaît-elle ? Il y a en effet une constante dans les divers messages rencontrés tout au long de ces pages : Marie nous conduit à Dieu. Mais c’est également Dieu lui-même qui, par ces apparitions surnaturelles, désire nous conduire à Marie.
Des apparitions pour tous les chrétiens Si on relève les éléments contextuels des apparitions mariales, on a du mal à dresser un classement homogène. Le lieu de l’apparition est le plus souvent un lieu écarté, mais parfois aussi en plein centre ville, comme ce fut le cas à Pontmain ou à la rue du Bac. L’apparition est souvent précédée d’un 123
signe : une lumière, un coup de vent ou de tonnerre. Ce signe sensible éveille la réceptivité du voyant. Ensuite, la Vierge Marie elle-même apparaît et transmet un message au voyant qui est chargé à son tour de le transmettre, ou du moins est chargé d’une mission dans l’Église. S’en suit un signe sensible de la surnaturalité de l’apparition, non pas toujours, mais souvent. La Vierge Marie apparaît généralement vêtue de blanc et de bleu. Elle est décrite comme très belle et lumineuse. En ce qui concerne les voyants, il semble impossible d’en dégager un type. On y trouve des enfants, des adultes, des hommes, des femmes, des personnes de diverses conditions sociales. Mais le plus souvent, les voyants sont « les plus petits », les humbles de cœur, ceux auxquels la société ambiante ne s’intéresse pas. Si Notre Dame choisit les plus petits, c’est sans doute parce qu’ils sont plus sensibles à l’Annonce de la Bonne Nouvelle de Jésus Christ. Ils sont peut-être les plus aptes à recevoir la consolation que Dieu veut donner à l’humanité à travers son Envoyée. À travers la diversité des apparitions, qui permet d’ailleurs de rencontrer la diversité des sensibilités chrétiennes, on peut malgré tout discerner au moins une constance : Marie envoie ceux à qui elle apparaît. En vérité, il s’agit d’un chemin de pénitence pour les voyants, non seulement parce qu’au moment des apparitions ils ne sont pas crus, 124
on se moque d’eux, on les questionne, avec violence, de nombreuses fois, on étudie leurs moindres réactions, mais encore après. Lorsque cessent les apparitions, ces personnes participent mystérieusement à la Passion du Christ, renié, abandonné, incompris. L’appel constant de la Vierge des apparitions à la pénitence ne peut pas ne pas investir la vie des voyants qui ont à transmettre un message si difficile à recevoir ! L’appel à la prière ne peut pas ne pas creuser en eux la solitude humaine où l’on rencontre Dieu face à face, dans la nuit obscure des sens et de l’esprit, dans l’épreuve au quotidien de la foi, don impalpable de la grâce. L’appel au sacrifice ne peut pas ne pas faire des voyants des oblations pour le salut du monde. Certes, dans une apparition mariale, ce n’est pas tant le voyant que le contenu du message qu’il faut considérer. Mais, si les voyants portent le témoignage de ces apparitions, par le récit qu’ils en font, leurs faiblesses humaines et leurs souffrances nous font mesurer combien la grâce qu’est une apparition mariale et, plus universellement, la grâce qui nous est faite d’avoir Marie pour Mère, ne se substitue pas à notre chemin, toujours difficile, de foi, d’espérance et de charité. Au contraire, Marie nous éduque à ces trois vertus théologales, et c’est ainsi qu’elle nous éduque à l’autonomie et à la liberté des enfants de Dieu.
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Des rencontres prophétiques Qu’apportent les apparitions de la Mère de Jésus ? Pourquoi parle-t-elle ? Elle n’ajoute pas quelque chose au contenu de la Révélation. On peut citer saint Jean de la Croix à ce sujet : « Dès lors qu’il nous a donné son Fils, qui est sa Parole, Dieu n’a pas d’autre parole à nous donner. Il nous a tout dit à la fois et d’un seul coup en cette seule Parole […] ; car ce qu’il disait par parties aux prophètes, il l’a dit tout entier dans son Fils, en nous donnant ce tout qu’est son Fils. Voilà pourquoi celui qui voudrait maintenant l’interroger, ou désirerait une vision ou une révélation, non seulement ferait une folie, mais ferait injure à Dieu, en ne jetant pas les yeux uniquement sur le Christ, sans chercher autre chose ou quelque nouveauté » (Montée du Carmel, 2, 22, cité dans le Catéchisme de l’Église catholique, no 65). Les apparitions mariales appartiennent au charisme prophétique de l’Église, dont la fonction n’est pas seulement de prédire l’avenir, mais surtout d’exhorter, de consoler, d’appeler à la conversion et au renouvellement de l’agir chrétien. En particulier, le prophétisme est la vertu de discerner l’action de Dieu dans le temps de l’histoire, et de rappeler les exigences qui en découlent. Notre Dame se montre afin de nous sensibiliser à l’existence d’un autre monde que celui des apparences. 126
Un monde invisible certes, mais qui est si réel qu’il engage et enveloppe le monde visible dans lequel nous vivons. Sans attester l’existence d’un monde surnaturel pour autant, nous pouvons aisément admettre que la réalité ne se réduit pas à son caractère tangible, sensible. La réalité est également spirituelle. Elle est même fondamentalement spirituelle. Cette dimension spirituelle de la vie nous reconduit à l’origine et à la finalité de notre existence : l’Amour créateur et rédempteur de Dieu en qui nous sommes créés et appelés à demeurer, jusqu’à communier à la plénitude de Dieu lui-même. Les apparitions mariales ne s’ajoutent donc pas à la Révélation chrétienne, mais, dans leur caractère spécial et particulier, elles ont pour tâche principale de susciter la prise de conscience par les chrétiens de la réalité de la Bonne Nouvelle, de son actualité et de son enjeu dans nos vies. Au creux de la précarité présente, Marie vient nous réconforter, nous exhorter, nous préparer à la venue du Seigneur. Il s’agit continuellement de cela dans la vie chrétienne : se préparer à la venue du Seigneur, car nul ne sait ni le jour ni l’heure. Le jour du Seigneur n’est pas d’abord la fin du monde. Il concerne en premier lieu le renouvellement de tout notre être pour marcher à la suite du Christ et entrer dans sa vie d’enfant de Dieu. Cette naissance pour nous à la vie éternelle de Dieu se produira à l’heure de 127
notre mort. La Vierge Marie précède historiquement la première venue du Seigneur, son Incarnation ; elle lui a donné naissance et a assisté à sa mort dans une compassion ineffable. Comment donc ne serait-elle pas tout particulièrement active dans le cours de l’histoire particulière de chacun et dans l’histoire universelle qui s’acheminent infailliblement vers la venue ultime du Seigneur ? Elle a été et demeure jusqu’à la fin des temps l’aurore du salut.
Des apparitions eschatologiques ? Si Marie est l’aurore du salut, elle précède en effet, dans sa personne même, et annonce le Jour du Seigneur. Les apparitions de la Vierge Marie appartiennent-elles à la fin des temps, ou en annoncent-elles la proximité ? Certains le pensent : si les apparitions mariales authentiques se multiplient, et si leur contenu dramatique ne fait qu’augmenter, ce serait immanquablement le signe que nous approchons de la fin des temps. Qu’en penser ? Observons d’abord que l’histoire elle-même est finalisée par la venue ultime du Seigneur dans la gloire. Il est plus que probable alors que le déroulement des apparitions mariales au fil de l’histoire suive cette logique, de type eschatologique, c’est-àdire orientée vers la fin. Les messages mariaux de 128
pénitence et d’offrande, de sacrifice, parlent dans ce sens. En apparaissant, Marie continue la mission qu’elle a reçue de préparer l’Église à être le corps du Christ, à partager la kénose de son Fils, qui est son humiliation, son anéantissement, sa descente dans les profondeurs de l’opacité humaine, opacité du péché, mais aussi de notre finitude de créature. L’Église, « sacrement du salut pour le genre humain », comme l’écrit le concile Vatican II, doit elle aussi traverser cette kénose, car le chemin du salut ouvert par le Christ est celui-là. Nul ne peut voir Dieu sans mourir à lui-même. Ce chemin implique donc l’expérience de la souffrance, de la solitude, de l’abandon, du silence de Dieu… Mais il ne faut pas en avoir démesurément peur, car la Vierge Marie est avec nous, comme elle a été au pied de la croix. Elle ne nous abandonnera jamais. Elle a vécu la mort de son Fils et de son Dieu, dans une douleur extrême que nul ne peut imaginer, et pourtant elle est restée debout, car la force de la foi, c’est l’amour. La Vierge Marie nous dit : « Mais priez mes enfants » : que notre prière soit alors un chant qui traverse tous les déserts et tous les silences de Dieu. N’est-ce pas ce que tout pèlerin de Lourdes peut découvrir dans le visage des milliers de souffrants s’approchant de la grotte ?
Conclusion
C
’EST AU double titre de Mère de Dieu et de tout le genre humain que la Vierge Marie apparaît. Elle sourit, elle pleure, elle console, elle avertit : elle enfante à la vie éternelle. Elle le fait en nous éduquant à la prière, au renoncement de nousmêmes, et à la confiance en Dieu. Car pour devenir enfants de Dieu, nous devons devenir enfants de Marie. Pour naître de Dieu, il nous faut naître de Marie. Cette filiation mariale, véritable vocation du chrétien, inhérente à sa vocation d’enfant de Dieu, se réalise de façon privilégiée dans la dévotion à Marie. Et en effet, dans ses multiples apparitions, la Vierge nous demande de lui faire confiance, de prier le chapelet, prière mariale par excellence, de nous sacrifier pour elle, d’avoir toujours recours à elle. Il en est ainsi parce qu’elle est « associée à l’œuvre du Christ Rédempteur à un titre absolument unique » (Vatican II, Lumen Gentium 61). Le Christ lui-même, son Fils, n’a rien voulu faire sans elle. Elle intercède pour nous auprès de Dieu avec une efficacité inégalable. Puisque Dieu a voulu 131
naître d’elle, Il veut nous sauver par elle, Il veut venir à nous par elle. La dévotion que nous sommes appelés à avoir envers la Mère de Dieu est la réponse du chrétien à l’acte de Dieu lui-même qui s’est en quelque sorte dévoué à Marie le premier, en faisant dépendre le salut du monde de son consentement à elle, de sa Maternité, de sa volonté libre de créature. Les épiphanies mariales appellent à l’urgence de la prière, de la conversion et de la réconciliation. Notre Mère nous invite à partager la vie de Dieu, qui est une vie d’amour, en devenant nous-mêmes le Corps du Christ. Marie apparaissant, n’est-ce pas tout le mystère de l’amour de Dieu pour nous qui se laisse apercevoir ?
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Bibliographie Les sites internet pullulent d’informations diverses et contradictoires sur les apparitions, souvent farfelues et invérifiables. Nous ne pouvons que recommander la prudence. La plupart du temps, on trouvera des renseignements sobres et fiables sur les sites officiels des sanctuaires mariaux. Il est impossible de dresser une bibliographie exhaustive sur chaque apparition, reconnue ou non. Nous nous bornons à renvoyer le lecteur aux ouvrages généraux suivants. René LAURENTIN, Patrick SBALCHIERO, Dictionnaire des « apparitions » de la Vierge Marie, Préface de Roger Etchegaray, Fayard, 2007. ◆ Nicolas DAMIEN, Quand le ciel parle aux hommes de ce temps : Les récentes manifestations de la Vierge Marie reconnues par l’Église catholique (1947-2002), préface de Joseph Ratzinger, F.X. de Guibert, 2005. ◆ Yves CHIRON, Enquête sur les apparitions de la Vierge, Perrin-Mame, 1995. ◆ Sylvie BARNAY, Les apparitions de la Vierge, Le Cerf, 1992. ◆ Robert PANNET, Les apparitions aujourd’hui, CLD, 1987. ◆ Louis LOCHET, Apparitions. Présence de Marie à notre temps, coll. « Foi vivante » 38, DDB, 1968. ◆ J. FORGET, « Apparitions », Dictionnaire de théologie catholique, Letouzey et Ané, 1937, t.1, col. ◆
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Index des lieux mentionnés dans cet ouvrage Amsterdam (1945-1959), 92 Arras (1105), 39 Banneux (1933), 88 Bayside (1970- ), 104 Beauraing (1932-1933), 84 Betania (1976-1984), 109 Bouxières, 106 Coromoto (1652), 46 Espis, 106 Fatima (1917), 74 Garabandal (1961), 100 Gietrzwald (1877), 68 Guadalupe (1531), 38 Ham-sur-Sambre, 106 Herolsbach, 106 Kibého (1981-1989), 111 Knock Mhuire (1879), 71 L’Ile-Bouchard (1947), 109 La Salette (1846), 53 Lac-Etchemin (1971- ), 95 Le Laus (1664), 47 Lourdes (1858), 55 Medjugorje (1981- ), 118 Necedah (1945-1950), 100 Nsimalen, 106 Pellevoisin (1876), 107 Pontmain (1871), 62 Rue du Bac (1830), 49 San Damiano (1962-1981), 115 San Nicolas (1983-1990), 113 Voltago, 106
Table des matières Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 1. Qui est Marie ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 2. Qu’est-ce qu’une apparition mariale ?. . . . . . . . . 17 3. Reconnaissance par l’Église ? . . . . . . . . . . . . . . . 23 4. Principales apparitions reconnues . . . . . . . . . . . . 33 5. Les fausses apparitions mariales . . . . . . . . . . . . . 99 6. En attente d’approbation . . . . . . . . . . . . . . . . . . 107 7. Pourquoi la Mère de Dieu apparaît-elle ? . . . . . 123 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 131 Bibliographie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 133 Index des lieux mentionnés dans cet ouvrage . . . . 134 Table des matières . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 135
Achevé d’imprimer le 30 novembre 2007 sur les presses de l’imprimerie Bietlot, à 6060 Gilly (Belgique)
Marie-Gabrielle Lemaire
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Que penser des apparitions mariales ? Comment distinguer les affabulations des apparitions authentiques ? Quelles sont les apparitions reconnues par l’Église ? Pourquoi la Vierge Marie apparaît-elle ? En cette année du 150e anniversaire des apparitions de Lourdes, Marie-Gabrielle Lemaire reprend ces questions à leur source. Elle dresse un vaste panorama illustré des apparitions mariales, sans omettre les cas délicats comme celui de Medjugorje. Attachée à une démarche scientifique qui n’exclut pas le surnaturel, elle nous fait découvrir le véritable message des apparitions.
ISBN 978-2-87356-388-2 Prix TTC : 10,00 €
9 782873 563882
Collection « Que penser de… ? »
Les apparitions mariales
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Photo de couverture : Statue de Notre-Dame de Lourdes (Ch. Delhez)
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