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Joseph Anciaux A la fin du XIXe siècle, le racisme envers les Noirs est très présent aux États-Unis, surtout dans les États du Sud. Joseph Anciaux, un prêtre namurois, va consacrer sa vie à lutter contre cette ségrégation, contribuant notamment à la création d’un Bureau des Noirs, à l’instar du Bureau des Indiens. Se basant sur des sources souvent inédites, Édouard Brion, prêtre des Sacrés-Cœurs (Picpus), dresse un portrait attachant de cet ecclésiastique wallon de santé fragile, mais animé par un idéal hors du commun.
Joseph
Anciaux Un prêtre wallon au service des Noirs américains
Joseph Anciaux
Sur la route des saints
Édouard Brion
RDS 28 Joseph Anciaux - couv 17-10-13 16h25 Page1
Sur la route des saints ISBN 978-2-87356-584-8 Prix TTC : 6,95 €
9 782873 565848
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Editions Fidélité 7, rue Blondeau 5000 Namur
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Sur la route des saints
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Joseph
Anciaux Un prêtre wallon au service des Noirs américains (1858–1931)
Par Edouard Brion
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Dans la même collection (derniers titres parus) : Lambert Louis Conrardy, no 22 Alberto Hurtado, no 23 Ignace de Loyola, François Xavier, Pierre Favre, no 24 Eustache van Lieshout, no 25 Marie-Eugénie Milleret, no 26 Claude La Colombière, Marguerite-Marie Alacoque, no 27
© 2013, Editions Fidélité • 7, rue Blondeau • 5000 Namur info@fidelite.be • www.fidelite.be Dépôt légal : D.2013, 4323.32 ISBN : 978-2-87356-584-8 Maquette et mise en page : Jean-Marie Schwartz Imprimé en Belgique
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Remerciements Mon merci tout particulier va au P. Peter E. Hogan, archiviste des Joséphites de Baltimore, qui m’a envoyé à ses frais une documentation considérable, dont d’innombrables lettres d’Anciaux. La grande majorité des textes cités proviennent de ces archives. Je remercie ensuite les divers autres archivistes ou assimilés. Le personnel des archives de la Congrégation pour l’Evangélisation des Peuples, à Rome. P. Peter Gumpel, s.j., postulateur de la Cause de Mère Katherine Drexel à Rome. Divers archivistes diocésains : Chanoine Daniel Meynen (Namur), M. Richard Chostan (Mobile), M. John Steichen (Oklahoma City), M. Vincent J. Sansone (Richmond), Mme Marina Ochoa (Santa Fe). L’archiviste de la Province Belge Méridionale de la Compagnie de Jésus : Mme Brigitte Gosset. L’archiviste du Collège américain à Louvain : P. Wallace Platt. De la famille d’Anciaux : M. Emmanuel Joos de ter Beerst. De la paroisse de Faulx-lesTombes : l’abbé Jean Malaise, M. Ignace Zuyderhoof. Enfin, je remercie mon frère Joseph pour son aide qui a permis la publication.
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Introduction
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ujourd’hui comme hier, le racisme fait des ravages. La peur de l’autre, qui cherche ses raisons dans des différences biologiques, réelles ou imaginaires, continue à tuer ou au moins à exclure. Logement ou emploi sont encore et toujours refusés ou attribués en fonction de la couleur de la peau. Les frontières de l’Europe sont ouvertes ou fermées à l’avenant. Il n’y a pas si longtemps, en 1994, au Rwanda, un génocide faisait un million de morts. Pour ne rien dire du génocide des Juifs sous Hitler, ou des Arméniens durant la première guerre mondiale. Les préjugés racistes, qui se parent à l’occasion d’arguments pseudo-scientifiques, semblent indéracinables. On en trouve un cas particulièrement flagrant aux EtatsUnis d’Amérique. Il touche les Noirs, arrivés sur place au xviie siècle comme esclaves. Leur émancipation en 1865 n’a pas signifié la disparition de ce mal, malgré une législation soucieuse d’égalité des droits et de non-discrimination. Citoyens à part entière en théorie, les Noirs demeuraient en fait au ban de la société, les Blancs refusant de les considérer comme des égaux. Cependant, à la faveur de circonstances propices, certains se sont dressés contre l’injustice et ont lutté pour une mise en pratique et pour l’élargissement des droits déjà acquis sur papier. Aujourd’hui encore, on garde en mémoire la figure de Martin Luther King, héros et victime du combat contre cette ségrégation raciale. Avant lui, un autre s’est dressé contre ce 7
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mépris institué, un humble prêtre de chez nous, l’abbé Joseph Anciaux. Pas un surhomme ni un fier-à-bras. Loin de là ! Un homme à la fois courageux, mais à la santé fragile, aux nerfs à fleur de peau, au bord du déséquilibre psychologique, parfois en contradiction avec lui-même. Quelqu’un qui ressemble au prêtre de Graham Greene dans la Puissance et la Gloire. Mais un homme qui, à un moment de son histoire, a osé faire face, sans se préoccuper des conséquences pour sa personne. Une seule chose l’animait : l’amour de ses frères noirs rejetés par les blancs, qu’ils soient laïcs, prêtres voire évêques. C’est cette figure à la fois grande et dérisoire que nous voulons tirer de l’oubli pour ce qui est de notre pays, ou simplement mieux la faire connaître outre-Atlantique. En effet, si dans les publications américaines qui traitent du problème noir son nom n’est pas ignoré, ce qu’on sait de lui se limite à un bref épisode de sa vie et est entaché de certaines erreurs. Un des buts de la présente étude sera de remédier à ces lacunes. On le fera à partir de témoignages de première main fournis par divers dépôts d’archives. D’autre part, on sera heureux de faire connaissance avec quelqu’un dont le nom avait quasiment disparu de notre horizon depuis sa mort en 1931. Il avait bien été mentionné en passant dans l’ouvrage de K. L. Woodward Comment l’Eglise fait les saints, traduction française parue en 1992. Mais c’était tout, et la traduction péchait par inexactitude : le terrain d’action d’Anciaux situé « in the American South » (« au Sud de l’Amérique ») devenait « en Amérique du Sud ». La vie d’un tel homme ne mérite-elle pas d’être tirée de l’oubli ? Malgré ses nombreux défauts, celui-ci a pu incarner des valeurs toujours actuelles et urgentes : la liberté d’expression et le courage qu’elle implique face aux risques à courir ; le sens de la justice et le respect de l’autre. Vu la longue his8
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toire des luttes ouvrières en Wallonie, elles sont peut-être la meilleure part de ce qui anime le cœur de ses compatriotes. En elles, ils peuvent se reconnaître ou apprendre à mieux savoir qui ils sont. O
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Enfance et jeunesse
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erdinand Joseph Marie Ghislain Anciaux naît à Namur le 18 avril 1858. C’est la date de son acte de naissance qu’on trouve aux archives de Namur. Dans une lettre du 10 mars 1928, Anciaux lui-même affirmait être né le 19 mars 1860 ; cette date se retrouvait déjà dans les archives des Joséphites à Baltimore et apparaît notamment dans le faire-part de décès. Par sa naissance, il entre dans une famille de notables : son père, Firmin, est avoué à Namur où il habite place Saint-Aubain, l’immeuble actuellement occupé par la Justice de Paix. Sa mère, Marie Julie Dieudonné de Ville de Goyet, née à Huy le 23 mai 1824, s’est mariée le 3 août 1853. La famille Anciaux trouve son origine dans la région d’Assesse, où elle compta de nombreux censiers. Elle s’établit ensuite à Namur où elle est alliée aux principales familles notables de la cité. Elle a un blason à ses armes avec comme devise : « In fortitudine mea spero ». Joseph est le deuxième enfant ; sa sœur Marie était née à Namur en 1854. Le futur abbé passa une partie de son enfance à Namur au hameau des Tombes à Faulx-les-Tombes, dans l’actuelle commune de Gesves, à quelques kilomètres au sud de Namur. Un coquet village dans la vallée du Samson, où la population se répartissait entre des agriculteurs, des ouvriers actifs dans les usines de la vallée de la Meuse toute proche et des mineurs employés sur place à l’extraction d’une terre plastique réputée. Sa famille résidait dans une gentilhommière, propriété de la famille de Ville. Le cimetière, avec l’en11
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clos des familles de Ville et Legrand, jouxte cette habitation. Datant du XVIIIe siècle, elle faisait pendant au château pour contes de fées, propriété des de Sauvage Vercours et situé dans la partie principale du village. Anciaux n’a pas six ans quand son père meurt à Namur le 3 février 1864. On peut supposer que c’est à partir de cette date que sa mère déménage avec sa sœur et lui pour son « château ». C’est là qu’il vit jusqu’à son entrée au grand séminaire en 1881. Au cours de ces années, il voit sa sœur mourir à l’âge de vingt et un ans, le 14 juin 1875. De santé délicate, il ne fréquente pas le collège mais reçoit son éducation sur place. Ce fut dommage, dit sa notice nécrologique, car il lui manqua toujours cette forte discipline d’esprit et de caractère qu’il eût reçue là. Ses humanités, il les fait sous la direction du chanoine Laloi, humaniste du vieux temps et helléniste distingué. Il doit les avoir terminées vers ses dix-huit ans. Ensuite, durant deux ans, il fréquente, chez les Jésuites de Namur, les cours de philosophie donnés à la faculté de philosophie annexée au collège Notre-Dame de la Paix. Il entre au grand séminaire de Namur en octobre 1881, à l’âge de vingt et un ans. Mais au lieu d’y habiter et d’y suivre les cours comme tout le monde, il résidera trois ans au collège du Saint-Esprit à Louvain et étudie sa théologie comme élève libre, certainement le cours élémentaire dispensé par la faculté de l’université. Durant ces années, il parcourt les étapes normales vers la prêtrise : tonsure le 16 décembre 1881, ordres mineurs le 22 décembre 1882, sous-diaconat le 26 août 1883, diaconat le 23 mars 1884 et la prêtrise le 17 août 1884. Il aura dû célébrer sa première messe dans l’église actuelle. En effet, en 1879, l’ancienne avait été remplacée par une nouvelle, œuvre du célèbre architecte Henri Beyaert. C’est un imposant édifice de style néo-roman, très inhabituel dans ce cadre modeste. 12
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En septembre 1884, le jeune prêtre est nommé vicaire à Saint-Jean l’Evangéliste (église cathédrale) à Namur sans traitement du gouvernement. C’est au cours de ces années-là que sa mère meurt, le 20 juin 1887. Peu après, le 23 septembre 1888, il est nommé chapelain à Loyers (doyenné de Jambes), petit village près du château. Son ministère est moins absorbant, mais il lui procure un traitement de l’Etat. Cela dure jusqu’en avril 1892. Ensuite, durant deux ans, il n’exerce plus de fonction rétribuée par l’Etat. Le 29 septembre 1894, il est nommé vicaire à Andenne, une petite ville ouvrière. Il ne remplira cette fonction que le temps d’une année. A partir des maigres données dont nous disposons, essayons de nous faire une idée de ses activités durant ces dix premières années de prêtrise. Son action s’est située principalement dans le domaine des œuvres sociales. A Namur on gardait le souvenir « du petit vicaire Anciaux », comme il aimait à s’appeler lui-même. Son amour des humbles, auxquels il parlait parfaitement wallon, et sa charité restèrent longtemps légendaires. C’est à Andenne que l’abbé Anciaux mena le bon combat : il y fonda la Maison des Ouvriers, qui devint bientôt le centre des œuvres de la « Fédération ouvrière ». C’était l’époque où le pape Léon XIII dénonçait la « misère imméritée » dans laquelle trop souvent était laissé l’ouvrier ; c’était l’époque où s’organisait en Belgique, sous l’action de l’abbé Potier, la Démocratie chrétienne ; généreux, ardent, l’abbé Anciaux s’élança dans la mêlée, car ce fut bien une mêlée entre les vieux conservateurs, légitimement fiers d’un passé glorieux, et ces démocrates qui prétendaient rénover l’action catholique. Plus tard, il comparera la discrimination qui frappe les Noirs américains à celle que subissent les ouvriers wallons. La classe ouvrière n’absorbait pas toute l’activité du 13
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jeune prêtre : à Namur, il fondait le cercle « Concordia » pour la classe dirigeante. A-t-on vers cette époque proposé son nom comme prélat aumônier de la Cour en Belgique, comme il l’affirmera plus tard, en 1907 ? Difficile à dire. Par ailleurs, l’abbé Anciaux était sensible aux missions. Sur sa carte de visite, avant la mention « Attaché aux œuvres ouvrières de Namur et d’Andenne » on lit « Secrétaire de la Propagation de la Foi et de la Sainte-Enfance ». On ne sait pas à quelle année remonte cette tâche missionnaire. Il y consacrera une partie de sa fortune. A la mort de sa mère, il se retrouve comme unique survivant en possession d’un important patrimoine. Il n’en garde guère pour lui. Une partie va à sa famille, une autre à de bonnes œuvres, notamment à des missions. Plusieurs années plus tard, dans une lettre du 21 mars 1917, il énumère les divers bénéficiaires. Outre la Maison des Ouvriers belges, il y a plusieurs missions : la fondation de la mission des Jésuites au Zambèze, l’organisation anti-esclavagiste du cardinal Lavigerie, l’école de Kasongo des Pères Blancs au Congo, les réfugiés arméniens de Charmeton, la mission des Jésuites en Inde (Chota Nagpur) et au Japon. En 1894, Anciaux fait un pas de plus vers les missions : il envisage d’y partir. O
En lecture partielle‌
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Table des matières Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 1. Enfance et jeunesse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 2. En mission. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15 3. A la recherche d’un champ d’apostolat . . . . . . . . . . . . . . . . 19 4. Premiers affrontements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27 5. Pétition à Rome. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41 6. Mise en place du Bureau pour les Noirs . . . . . . . . . . . . . . . . 53 7. Retour de flammes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61 8. Repos prolongé au pays. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73 9. Errance dans les Etats du Sud . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 77 10. Dernières années en Wallonie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83
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Achevé d’imprimer le 4 novembre 2013 sur les presses de l’imprimerie Ciaco, à 1348 Louvain-la-Neuve (Belgique).
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Sur la route des saints
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