Anne de Jésus

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Anne de Jésus Anne de Jésus est une carmélite de la première heure. Amie très proche de Thérèse d’Avila, elle a fait naître la vie carmélitaine en France et dans les Pays-Bas du Sud qui allaient devenir plus tard la Belgique. Toute sa vie est marquée par une option de base : assurer la permanence du charisme thérésien et défendre l’intégrité de l’héritage de Thérèse d’Avila. Les siècles ont passé, les temps ont bien changé, mais sa personnalité reste une interpellation pour ceux qui, aujourd’hui, doivent trouver des voies nouvelles pour assurer la permanence du charisme thérésien.

Anne

de Jésus Le combat d’une fondatrice

Anne de Jésus

Sur la route des saints

Pierre Lefebvre

RDS 29 Anne de Jésus - couv 12-02-14 15h00 Page1

Sur la route des saints ISBN 978-2-87356-596-1 Prix TTC : 6,95 €

9 782873 565961

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Editions Fidélité 7, rue Blondeau 5000 Namur



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Sur la route des saints

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Anne

de Jésus Le combat d’une fondatrice Par Pierre Lefebvre


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Dans la même collection (derniers titres parus) : Lambert Louis Conrardy, no 22 Alberto Hurtado, no 23 Ignace de Loyola, François Xavier, Pierre Favre, no 24 Eustache van Lieshout, no 25 Marie-Eugénie Milleret, no 26 Claude La Colombière, Marguerite-Marie Alacoque, no 27 Joseph Anciaux, no 28

© 2014, Editions Fidélité • 7, rue Blondeau • 5000 Namur info@fidelite.be • www.fidelite.be Dépôt légal : D.2014, 4323.07 ISBN : 978-2-87356-596-1 Maquette et mise en page : Jean-Marie Schwartz Imprimé en Belgique


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Avant-propos

A

près quatre siècles, les carmélites de Bruxelles n’ont pas oublié leur fondatrice, Anne de Jésus, compagne et collaboratrice de la grande Thérèse d’Avila. Nous sommes heureuses de la redécouvrir grâce à la plume du Père Pierre Lefebvre, scheutiste, ami de longue date du carmel de Bruxelles. Il nous invite à écouter le récit de la vie mouvementée d’Ana de Lobera, qui reçoit au carmel le nom d’Anne de Jésus. Nous le remercions chaleureusement pour la rédaction de cette petite biographie qui nous fait connaître cette carmélite exceptionnelle. En racontant la vie d’Anne de Jésus, le Père Pierre nous plonge dans le grand xvie siècle espagnol, époque de conquistadors et de grands saints. Nous découvrons la forte personnalité de cette carmélite reconnue à sa juste valeur par Thérèse de Jésus, la refondatrice de l’Ordre du carmel. Elle l’a formée, emmenée dans ses fondations et elle en a fait son bras droit. Comme sa Mère, Anne a été comblée de dons spirituels. Elle a mené à la fois une vie intérieure intense et une vie active efficace, brassant beaucoup d’affaires et menant d’âpres combats pour défendre la Réforme thérésienne. Anne était destinée à continuer l’œuvre de la Madre et fonder des communautés imprégnées de l’esprit thérésien aussi bien en Espagne qu’en France et dans les Pays-Bas d’alors. Le 7 janvier 1607, elle arrive à Bruxelles où la vie carmélitaine thérésienne va prendre son essor et d’où elle se répandra dans tout le 5


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pays. Elle connaîtra des temps de grande ferveur, mais aussi des années de persécutions et d’épreuves de toutes sortes. Ainsi va l’histoire. Mais l’esprit thérésien qu’Anne de Jésus a su insuffler dans son carmel royal à Bruxelles a traversé les siècles et, aujourd’hui encore, une communauté joyeuse, fidèle et fervente est présente au cœur de la ville. Elle est fidèle à sa vocation prophétique et mystique en se tenant devant le Dieu vivant en le louant et en intercédant pour le monde. Une communauté qui aime tisser, comme sa fondatrice, des relations spirituelles et humaines profondes et intenses. Une communauté unie dans une amitié fraternelle, ouverte sur chaque personne humaine. Elle témoigne ainsi que Dieu ne se lasse pas de venir à la rencontre de l’homme. Oui, Anne de Jésus peut nous encourager encore aujourd’hui à avoir confiance en Dieu et à se déterminer pour Lui avec courage. Elle savait qu’avec le Seigneur on vient à bout de toutes les difficultés et épreuves. Anne nous entraine à évangéliser autour de nous par la prière et des actes de charité. Nous remercions le père Pierre Lefebvre pour ces pages qui nous rapprochent de cette grande figure du carmel nous invitant à faire l’expérience qu’elle a faite, une expérience de liberté en se livrant à Celui qui nous veut effectivement libres. Qu’elle nous inspire à garder confiance et espérance sur notre route vers le Royaume. Sœur Helen Krol, Présidente de la Fédération des carmélites de Belgique-Sud O


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Un jour, en Espagne…

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n juillet 1570, Ana de Lobera quitte la petite ville de Plasencia où elle habite pour un voyage de cinq jours qui la mène à Avila. Sans hésiter, elle frappe à la porte du carmel San José que Thérèse de Jésus a fondé quelques années plus tôt. Elle a rendez-vous avec Thérèse, mais celle-ci est absente, partie à Tolède pour une fondation nouvelle. Ana, attendue par la petite communauté, y est accueillie avec joie. Sans tarder, décidée au plus profond de son cœur et déjà adoptée par ses nouvelles sœurs, Ana prend l’habit des carmélites thérésiennes le 1er août 1570. Elle a 25 ans et porte désormais le nom d’Ana de Jesús, Anne de Jésus, Anne qui est à Jésus, rien qu’à lui. Quelques jours plus tard, Thérèse revient « à la maison », à ce carmel où elle se sent si bien. Les deux femmes, qui ne se connaissent que par leurs lettres, peuvent enfin s’embrasser. Malgré les trente ans d’âge qui les séparent, un lien très fort unit tout de suite leurs deux cœurs. Anne écrira plus tard 1 : « Avec Mère Thérèse de Jésus, j’ai été en relations si familières que j’ai connu, tant comme témoin oculaire que par ses lettres, presque tout ce qu’elle a vécu, ces choses qui sont 1. Pour ne pas alourdir le texte et en gêner la lecture nous ne donnons pas les références de la source des citations. Elles ont presque toutes été tirées d’une publication scientifique : Anne de Jésus, Carmélite déchaussée, Écrits et Documents, édition préparée par Antonio Fortes et Restituto Palmero, trad. Chantal Colonge, Toulouse, Éd. du Carmel, coll. « Carmel Vivant », 586 p., 2001.

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Depuis le xiie siècle, l’ordre des Carmes était constitué d’ermites vivant sur le mont Carmel (en Israël). Pour diverses raisons, moines et moniales ont quitté cette région. L’ordre s’est alors développé en Europe où il a adopté des Règles moins exigeantes, qu’on appelle « mitigées ». Depuis 1536 Thérèse de Jésus est religieuse au carmel de l’Incarnation, à Avila. Désireuse d’une vie plus rigoureuse de grande communion à Dieu, elle quitte son monastère en 1562 et fonde le carmel Saint-Joseph où, avec quelques compagnes, elle revient à la première Règle. Elle fonde ensuite de nombreux carmels dont elle rédige les Constitutions. Ces nouvelles carmélites participent, en fait, au profond mouvement de réforme de la vie religieuse que l’Espagne connaît à cette époque. Comme d’autres religieuses qui ont adopté cette réforme, elles sont appelées « déchaussées ». Elles ont en effet en commun de marcher pieds nus dans des sandales, contrairement aux « mitigées » qui ont chaussettes et souliers. relatées dans ses livres. » Et elle précise : « Nous avons été ensemble dans plusieurs couvents, dormant dans la même cellule, durant de nombreux jours nous avons voyagé ensemble et jusqu’à la dernière semaine de sa vie elle ne cessa de m’écrire. » Mais Anne n’est pas destinée au carmel d’Avila. Dès la fin octobre, Thérèse, harcelée de demandes, part à Salamanque pour une nouvelle fondation. Quand l’installation est plus ou moins terminée, en fait plutôt moins que plus, elle fait venir près d’elle les trois novices d’Avila.

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Novice auprès de la Mère Thérèse Anne continue donc son noviciat à Salamanque avec Mère Thérèse de Jésus. Celle-ci a un art consommé de partager avec chacune son idéal d’intimité avec Dieu. Elle montre aux novices le chemin qui y conduit, s’adaptant à la personnalité de chacune avec une pédagogie remarquablement fine. Anne s’épanouit dans la joie d’une grande union à Jésus. Thérèse la prend en amitié. Un jour, la novice s’étonne de son regard posé sur elle avec insistance. Thérèse lui dit : « Ah ! ma fille, je vous regarde à cause de la grande affection que j’ai pour vous. » Leur connivence est grande. Si grande que, frappée par les qualités spirituelles qu’elle découvre en son amie, persuadée que l’Esprit est à l’œuvre en elle, Thérèse lui confie la responsabilité du petit groupe des novices dont Anne ellemême fait encore partie. Comme Thérèse le conçoit, le noviciat doit favoriser la connaissance de soi-même et la connaissance mutuelle dans la joie de relations très fraternelles. Anne est heureuse de partager avec ses nouvelles amies le chemin qu’elle a parcouru avant son arrivée à Avila. Elle raconte : « Je suis née en 1545, le 25 novembre. C’était à Medina del Campo. Ma famille, de petite noblesse, avait une bonne réputation dans la région mais n’était pas particulièrement riche. Ma venue amena une lourde épreuve pour mes parents car je suis née sourde et muette. C’était une grande peine pour eux de voir leur fillette si gravement handicapée. Je grandissais sans rien entendre et sans jamais dire un mot ! Mon père mourut peu après ma naissance mais maman gardait une confiance inébranlable et priait sans cesse pour que je guérisse. Dieu a écouté sa prière. A l’âge de sept ans, j’ai commencé à 9


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entendre et je me suis mise à parler. Mais la souffrance m’attendait encore : ma mère décéda quand j’avais neuf ans. C’est ainsi qu’avec Cristobal mon frère aîné je fus éduquée par mes grands parents, d’abord à Medina del Campo puis à Plasencia. » Entre amies, les confidences se font plus intimes. Anne ouvre son cœur. Toute jeune encore elle pensait à la vie religieuse. Continuellement, elle devait trouver le moyen de décourager les prétendants qui tournaient autour d’elle. Elle sourit : « Ils disaient que j’étais belle et charmante ! Mais moi, je ne pensais qu’à être religieuse. » Quand Ana parle d’être religieuse, il est bien clair qu’elle ne veut pas l’être n’importe comment ni n’importe où. Il lui faudra un couvent où elle pourra, dans l’austérité et la rigueur, vivre véritablement la ferveur d’une étroite communion avec son Seigneur. Un père jésuite qui la guide sur sa route spirituelle lui fait connaître le carmel que Mère Thérèse de Jésus a fondé à Avila. Ana est vite convaincue que c’est ce carmel thérésien qui lui offrira la possibilité d’être entièrement donnée dans la fidélité d’un amour exclusif de Jésus. « En caressant ce rêve au fond de mon cœur j’ai pris la route d’Avila. » Thérèse ouvre devant Anne les perspectives d’une extraordinaire croissance spirituelle et l’initie, en même temps que les autres novices, à toutes les dimensions de la charité carmélitaine. Les nouvelles venues ne se lassent pas d’écouter Thérèse qui parle d’abondance de son expérience spirituelle et de tout le bien que l’amour de Jésus réalise dans le cœur des filles qu’elle a au Carmel. Elle ne fait pas de théories, c’est de sa propre vie de communion à Dieu qu’elle parle. En leur découvrant son âme, elle suscite en elles le désir de marcher sur une même route. Avec finesse et humour, parfois de grands éclats de rire, la Madre explique que dans la vie con 10


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templative en communauté de sœurs, il faut que les cœurs soient tournés vers le haut, occupés continuellement avec Dieu, mais il faut aussi garder les pieds sur terre dans les réalités quotidiennes. Selon Thérèse, il n’y a pas de place au Carmel pour des « nonnes sottes » ou « pleurnicheuses » ! Anne de Jésus, certainement, sera tout sauf une sotte. Elle sera encore moins une pleurnicheuse. Elle fait donc sa profession le 22 octobre 1571. Pendant ce séjour à Salamanque, en 1573, Thérèse commence la rédaction du Livre des Fondations. Le récit de la fondation de Medina del Campo, au début de l’ouvrage, est interrompu par de longs chapitres sur des problèmes de vie spirituelle, sur l’oraison, en particulier sur les visions et révélations qui risquent parfois de conduire certaines sœurs à penser qu’elles sont saintes. On peut croire que l’insistance des novices pour qu’elle mette par écrit ce qu’elle leur enseigne si bien explique ces digressions. Au chapitre neuf, elle écrit : « Que je me suis écartée de mon sujet ! Mais il se peut que ces avertissements soient plus utiles que le récit des fondations. » Elle ajoute que « tout le bien de l’avenir est conditionné par les débuts, les suivantes marchent dans le chemin qu’elles trouvent tracé. » Thérèse raconte encore dans le Livre des Fondations que lorsque le père Rubeo, supérieur général de l’ordre, est venu à Avila aux débuts du nouveau carmel, il y a vu « le portrait de ce qu’était notre Ordre à son origine, car nous observions dans toute sa rigueur la première Règle que ne suivent plus les autres monastères. Il désira beaucoup que ces débuts se développent et me donna des lettres très en règle pour fonder d’autres monastères ». A partir de la fondation de San José, à Avila, ce qui caractérise Thérèse est l’énergie et l’intelligence avec lesquelles elle 11


En lecture partielle‌


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Table des matières Avant-propos . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 1. Un jour, en Espagne… . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 2. Anne, fondatrice et prieure . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13 3. Turbulences à Madrid . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25 4. Anne de Jésus en France . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33 5. Enfin, à Bruxelles, le carmel royal. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41 Annexe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53 Épilogue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57

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Achevé d’imprimer le 18 février 2014 sur les presses de l’imprimerie Bietlot, à 6060 Gilly (Belgique).



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Anne de Jésus Anne de Jésus est une carmélite de la première heure. Amie très proche de Thérèse d’Avila, elle a fait naître la vie carmélitaine en France et dans les Pays-Bas du Sud qui allaient devenir plus tard la Belgique. Toute sa vie est marquée par une option de base : assurer la permanence du charisme thérésien et défendre l’intégrité de l’héritage de Thérèse d’Avila. Les siècles ont passé, les temps ont bien changé, mais sa personnalité reste une interpellation pour ceux qui, aujourd’hui, doivent trouver des voies nouvelles pour assurer la permanence du charisme thérésien.

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de Jésus Le combat d’une fondatrice

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Sur la route des saints

Pierre Lefebvre

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Sur la route des saints ISBN 978-2-87356-596-1 Prix TTC : 6,95 €

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